Beruflich Dokumente
Kultur Dokumente
Conseil d'État
Pierre DELVOLVÉ
Membre de l'Institut
Professeur émérite de l'Université Panthéon-Assas Paris II
juin 2012
Généralités 1 - 68
1
§ 4 - L'Assemblée du contentieux 135 - 138
Chap. 2 - Statut des membres du Conseil d'État 139 - 180
Sect. 1 - La situation générale 140 - 154
Art. 1 - Le statut « spécial » du corps du Conseil d'État 141 - 144
Art. 2 - La composition du Conseil d'État 145 - 150
Art. 3 - Droits et obligations des membres du Conseil d'État 151 -
154
Sect. 2 - La situation individuelle 155 - 180
Art. 1 - Le recrutement 156 - 166
Art. 2 - La carrière 167 - 171
Art. 3 - Les positions 172 - 180
2
§ 2 - La compétence directe du Conseil d'État pour des recours
contre des actes d'autres autorités nationales 276 - 282
§ 3 - L'extension de la compétence directe du Conseil d'État aux
recours en interprétation et aux recours en appréciation de la
légalité 283 - 287
§ 4 - La compétence directe du Conseil d'État pour des recours en
matière électorale 288
§ 5 - La compétence directe du Conseil d'État pour des recours
propres à certaines collectivités d'outre-mer 289
Art. 2 - La compétence directe du Conseil d'État dans l'intérêt d'une
bonne administration 290 - 302
§ 1 - La bonne administration de la justice 291 - 299
§ 2 - La bonne administration des collectivités territoriales 300 -
302
Sect. 2 - Le Conseil d'État, juge d'appel 303 - 325
Art. 1 - La compétence d'appel du Conseil d'État à l'égard des
tribunaux administratifs 305 - 322
§ 1 - La compétence d'appel du Conseil d'État pour certains
contentieux particuliers 306 - 313
§ 2 - La compétence d'appel du Conseil d'État pour des contentieux
en urgence 314 - 319
§ 3 - L'extension de la compétence d'appel du Conseil d'État pour
connexité 320 - 322
Art. 2 - La compétence d'appel du Conseil d'État à l'égard des autres
juridictions administratives 323 - 325
Sect. 3 - Le Conseil d'État, juge suprême 326 - 380
Art. 1 - Le Conseil d'État, juge de cassation 329 - 344
§ 1 - La compétence de cassation du Conseil d'État à l'égard des
arrêts des cours administratives d'appel 334
3
§ 2 - La compétence de cassation du Conseil d'État à l'égard de
décisions de tribunaux administratifs 335 - 342
§ 3 - La compétence de cassation du Conseil d'État à l'égard de
décisions d'autres juridictions administratives 343 - 344
Art. 2 - Le Conseil d'État, juge régulateur 345 - 380
§ 1 - La régulation du fonctionnement de la justice administrative
346 - 356
§ 2 - La régulation du fond du droit applicable 357 - 380
Bibliographie
OUVRAGES GÉNÉRAUX
Ouvrages de droit administratif
e
BRAIBANT et STIRN, Le droit administratif français, 7 éd., 2005, p. 541 s.,
Presses de Science Po et Dalloz. – CHAPUS, Droit administratif général, t. 1,
e
15 éd., 2001, p. 450 s., 775 s., Montchrestien. – FRIER et J. PETIT, Précis
e
de droit administratif, 6 éd., 2010, p. 127 s., 395 s., Montchrestien. –
e
Y. GAUDEMET, Traité de droit administratif, t. 1, 16 éd., 2001, p. 352 s.,
e
LGDJ. – SEILLER, Droit administratif, 3 éd., 2008, p. 124 s., Flammarion. –
STIRN, J.-Cl. Adm., fasc. 1020, Conseil d'État, Organisation-Fonctionnement.
e
– WALINE, Droit administratif, 23 éd., 2010, p. 588 s., Dalloz.
e
Grands arrêts de la jurisprudence administrative (GAJA), 18 éd., 2011,
Dalloz.
Ouvrages de contentieux administratif
e
J.-M. AUBY et DRAGO, Traité de contentieux administratif, 3 éd., 1984, t. 1,
e
p. 232 s., LGDJ. – CHAPUS, Droit du contentieux administratif, 13 éd.,
2008, Montchrestien, p. 69 s., 289 s. – DAËL, Contentieux administratif,
2010, PUF, p. 19 s., 49 s. – DEBBASCH et RICCI, Contentieux administratif,
e
8 éd., 2001, Précis Dalloz, p. 70 s. – GOHIN, Contentieux administratif,
e os
6 éd., 2009, n 102 s., Litec. – LAFERRIERE, Traité de la juridiction
e
administrative et des recours contentieux, 2 t., 2 éd. 1896, Berger-
re
Levrault ; réimpression de la 1 éd. (1887), 1989, LGDJ. – ODENT, Cours de
e
contentieux administratif, 6 éd., 1977-1981, fasc. 3, p. 756 s., Les cours de
4
droit ; réimpression 2007, vol. I, p. 63 s., 611 s., 757 s., Dalloz. – PACTEAU,
Traité de contentieux administratif, 2008, PUF, p. 47 s.
e
Grands arrêts du contentieux administratif (GACA), 3 éd., 2011, Dalloz.
OUVRAGES PROPRES AU CONSEIL D'ÉTAT
Ouvrages généraux
COSTA, Le Conseil d'État dans la société contemporaine, 1993, Economica. –
KESSLER, Le Conseil d'État, 1969, A. Colin. – D. LATOURNERIE, Le Conseil
d'État, 2005, Dalloz, Connaissance du droit. – LETOURNEUR, BAUCHET et
MERIC, Le Conseil d'État et les tribunaux administratifs, 1975, A. Colin. –
MASSOT et MARIMBERT, Le Conseil d'État, 1988, Notes et études
o
documentaires n 4869, La documentation française. – MASSOT et
GIRARDOT, Le Conseil d'État, 1999, La documentation française. –
e
ROBINEAU et TRUCHET, Le Conseil d'État, 2 éd., 2002, Que sais-je ?, PUF. –
e
STIRN, Le Conseil d'État, son rôle, sa jurisprudence, 2 éd., 1994, Les
fondamentaux, Hachette.
Le Conseil d'État, Livre jubilaire, 1952, Sirey.
Deuxième centenaire du Conseil d'État, 2 vol., 2001, Rev. adm., PUF.
Ouvrages sur l'histoire du Conseil d'État
AUCOC, Le Conseil d'État avant et après 1789, ses transformations, ses
travaux et son personnel, 1876, Imprimerie Nationale. – BIGOT et BOUVET
(dir.), Regards sur l'histoire de la justice administrative, 2006, Litec. –
PACTEAU, Le Conseil d'État et la formation de la justice administrative au
e
xix siècle, 2003, PUF.
Le Conseil d'État, son histoire à travers les documents d'époque 1799 –
1974, 1974, CNRS.
Ouvrages sur certains aspects du Conseil d'État et de son rôle
BATAILLER, Le Conseil d'État, juge constitutionnel, 1966, LGDJ. – BUI-XUAN,
Les femmes au Conseil d'État, 2001, L'Harmattan. – GONOD, La présidence
du Conseil d'État républicain, 2005, Dalloz. – LATOUR, La fabrique du droit.
Une ethnographie du Conseil d'État, 2004, La Découverte. – LEROYER,
e
L'apport du Conseil d'État au droit constitutionnel de la V République, 2011,
Bibliothèque des thèses, Dalloz. – MESTRE, Le Conseil d'État, protecteur des
prérogatives de l'administration, 1974, LGDJ. – NEGRIN, Le Conseil d'État et
la vie publique en France depuis 1958, PUF, 1958.
e
Le Conseil d'État et l'évolution de l'outre-mer français du XVIII siècle à
1962, 2007, Dalloz.
5
Articles
AUBIN, Section des travaux publics – Section du contentieux. Regards
croisés, Mélanges Labetoulle, 2007, Dalloz, p. 21. – BELHARI-BERNARD, Les
avis contentieux du Conseil d'État, remarque sur vingt années de pratique,
AJDA 2010. 365 . – BELHRALI-BERNARA, Les avis conformes du Conseil
d'État, AJDA 2008. 1181 . – BOT, L'aggiornamento du Conseil d'État :
entre modernité et tradition, RD publ. 2010. 1273. – BRAIBANT, Le rôle du
Conseil d'État dans la création du droit, Mélanges Chapus, 1992,
Montchrestien, p. 167. – CHEROT, Nouvelles observations sur la régulation
par le Conseil d'État de la concurrence entre personnes publiques et
personnes privées, Mélanges Moderne, 2004, Dalloz, p. 67. – D. COSTA, Les
deux figures du Conseil d'État, Mélanges Morand-Deviller, 2007,
Montchrestien, p. 255. – P. DELVOLVÉ, Le Conseil d'État, régulateur de
l'ordre juridictionnel administratif, Mélanges Labetoulle, 2007, Dalloz,
p. 259 ; Le Conseil d'État, Cour suprême de l'ordre juridictionnel
o
administratif, Pouvoirs, 2007, n 123 ; Conseil d'État et Conseil de la
concurrence, Mélanges Genevois, 2009, Dalloz, p. 325. – DRAGO, Incidences
contentieuses des attributions consultatives du Conseil d'État, Mélanges
Waline, 1974, LGDJ, t. 1, p. 13. – DUBOUIS, Bref retour sur la longue
marche du Conseil d'État en terres internationales et européennes, Mélanges
Genevois, 2009, Dalloz, p. 391. – DUPEYROUX, L'indépendance du Conseil
d'État statuant au contentieux, RD publ. 1983. 565. – Y. GAUDEMET, La
Constitution et la fonction législative du Conseil d'État, Mélanges Jean Foyer,
1997, PUF, p. 61. – GENEVOIS, Sur la hiérarchie des décisions du Conseil
d'État statuant du contentieux, Mélanges Chapus, 1992, Montchrestien,
p. 245. – GENTOT, Le Conseil d'État, régulateur du contentieux administratif,
o
Rev. adm. 1999, n spécial, p. 4. – GONOD, Le Conseil d'État, conseil du
Parlement – à propos de l'article 39, alinéa 3 nouveau de la Constitution,
RFDA 2008. 871 ; L'examen des propositions de loi par le Conseil d'État :
procédure novatrice ou simple gadget ?, RFDA 2009. 890 ; Brèves
remarques sur une présentation du Conseil d'État, conseiller du Parlement,
JCP Adm. 2011. 2179. – GOURDOU, L'avis du Conseil d'État sur une question
de droit, Mélanges Moderne, 2004, Dalloz, p. 189. – GUIHAL, La répartition
entre décret en Conseil d'État et droit simple, AJDA 2010. 1308 . – HENRY,
Le Vice-Président du Conseil d'État, RD publ. 1995. 715. – HOEPPFNER, Les
avis du Conseil d'État, RFDA 2009. 895 . – LABETOULLE, Remarques sur
l'élaboration des décisions du Conseil d'État statuant au contentieux,
Mélanges Chapus, 1992, Montchrestien, p. 333 ; La place du décret en
Conseil d'État dans l'exercice du pouvoir réglementaire gouvernemental,
Mélanges Costa, 2011, Dalloz, p. 353 ; Décret simple ou décret en Conseil
d'État ?, RJEP juill. 2010. 1. – R. LATOURNERIE, Essai sur les méthodes
juridictionnelles du Conseil d'État, Livre jubilaire du Conseil d'État, 1952,
Sirey, p. 177. – LONG, Le Conseil d'État, rouage de l'administration et juge
6
administratif suprême, Rev. adm. 1995. 5. – MASSOT, Le rôle du Conseil
d'État dans l'élaboration du droit. Avis consultatifs et propositions, Rev. adm.
o
1999, n spécial 5, p. 151. – MATHIEU, Le Conseil d'État, juge de la
constitutionnalité des lois. Entre description et prospection, Mélanges
Genevois, 2009, Dalloz, p. 753. – MONNIER, Justice administrative, in
Dictionnaire de la culture juridique (dir. ALLAND et RIALS), 2003, Lamy
PUF ; L'innovation au Conseil d'État, Mélanges Gaudemet, 1999, PUF, p. 540.
– ODENT, La jurisprudence du Conseil d'État dans l'élaboration du droit vue
o
par un avocat aux Conseils, Rev. adm. 1999, n spécial 5, p. 89. – PACTEAU,
La désimbrication de la juridiction et de la consultation au Conseil d'État.
Jusqu'où ?, Mélanges Genevois, 2009, Dalloz, p. 827. – POUYAUD, Les avis
contentieux du Conseil d'État et de la Cour de cassation, La pratique,
Mélanges Moderne, 2004, Dalloz, p. 327. – SABOURIN, Un Persan au Conseil
d'État, AJDA 1993. 515 . – SCHRAMECK, Le Conseil d'État et le régime
disciplinaire des magistrats, Mélanges Genevois, 2009, Dalloz, p. 957. –
STAHL, Dire et faire, brèves remarques sur les deux fonctions du Conseil
d'État, Mélanges Labetoulle, 2007, Dalloz, p. 783. – STIRN, Le Conseil d'État,
l'école et la laïcité, Mélanges Moderne, 2004, Dalloz, p. 407 ; Le Conseil
d'État et la Constitution, Mélanges Lachaume, 2007, Dalloz, p. 1001.
o
POUVOIRS, n 123, 2007 : de BÉCHILLON et TERNEYRE, Le Conseil d'État et
la Cour de justice des Communautés européennes. – BELLOUBET, Conseiller
d'État. – BUI-XUAN, Le Conseil d'État : quelle composition réelle ? –
CHEVALLIER, Le Conseil d'État au cœur de l'État. – DELVOLVÉ, Le Conseil
d'État, Cour suprême de l'ordre juridictionnel administratif. – GONOD, Le
Vice-Président du Conseil d'État, ministre de la Juridiction administrative ? –
LOCHAK, Le Conseil d'État en politique. – MARCOU, Une cour administrative
suprême : particularité française ou modèle en expansion ? – RIBADEAU-
DUMAS, Les carrières hors le Conseil d'État. – TERNEYRE et de BÉCHILLON,
Le Conseil d'État, enfin juge !
ACTUALISATION
o
Décret n 2016-1480 du 2 novembre 2016 modifiant les
dispositions réglementaires relatives au Conseil d'État, aux
cours administratives d'appel et aux tribunaux administratifs.
er o
Entré en vigueur le 1 janvier 2017, le décret n 2016-1480 du
2 novembre 2016 comprend des modifications procédurales
substantielles.
7
Plein contentieux. Le décret supprime l'exigence d'une décision
expresse pour faire courir le délai de recours (2 mois) en matière de
plein contentieux (CJA, art. R. 421-3 ).
Ministère d'avocat devant le tribunal administratif (CJA,
art. R. 431-2 et R. 431-3 ) La dispense d'avocat est supprimée
pour les litiges de travaux publics et d'occupation contractuelle du
domaine public et pour les appels en matière de fonction publique.
En revanche, désormais, sont dispensés d'avocat tous les contentieux
sociaux.
Dans le cadre du contentieux contractuel, le ministère d'avocat n'est
obligatoire que lorsque la requête a pour objet un litige né de
l'exécution d'un contrat (auparavant cela s'étendait à tout litige né d'un
contrat).
Rejet par ordonnance (CJA, art. R. 222-1 et R. 822-5 ) Afin
d'accélérer le traitement des requêtes, le texte élargit les possibilités de
rejet par ordonnance dans les tribunaux administratifs et les cours
administratives d'appel.
Des ordonnances dites « de séries » pourront être prises par les
tribunaux sur la base d'un arrêt devenu irrévocable de la cour
o
administrative d'appel dont ils relèvent (CJA, art. R. 222-1 , 6 ).
8
Par ailleurs, les présidents de formations de jugement du Conseil d'État
pourront ne pas admettre, par ordonnance, les pourvois manifestement
dépourvus de fondement dirigés contre une décision d'appel.
Les conseillers d'État désignés comme assesseurs pourront prendre des
ordonnances sur le fondement de l'article R. 822-5 du code de justice
administrative.
Cristallisation du litige (CJA, art. R. 611-7-1 ) Le président de la
formation de jugement, ou, au Conseil d'État, le président de la
chambre chargée de l'instruction, peuvent fixer d'office, et dans tous les
litiges, une date à partir de laquelle de nouveaux moyens ne peuvent
plus être invoqués.
Désistement d'office (CJA, art. R. 611-8-1 et R. 612-5-1 ) Le
président de la formation de jugement ou, au Conseil d'État, le
président de la chambre chargée de l'instruction peuvent également
prononcer un désistement d'office si l'obligation de production d'un
mémoire récapitulatif dans un délai donné n'est pas respectée, et,
lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la
requête conserve pour son auteur, de l'inviter à en confirmer le
maintien, sous peine de désistement d'office en l'absence de réponse
dans un délai fixé. La demande qui lui est adressée mentionne que, à
défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui
ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de
l'ensemble de ses conclusions.
Réouverture de l'instruction (CJA, art. R. 613-1-1 )
Postérieurement à la clôture de l'instruction, le président de la
formation de jugement peut inviter une partie à produire des éléments
ou pièces en vue de compléter l'instruction. Cette demande, de même
que la communication éventuelle aux autres parties des éléments et
9
pièces produits, n'a pour effet de rouvrir l'instruction qu'en ce qui
concerne ces éléments ou pièces.
Médiation à l'initiative de l'expert (CJA, art. R. 621-1 ) L'expert
peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également
prendre l'initiative, avec l'accord des parties, d'une telle médiation.
Communication des mémoires pendant l'instruction (CJA,
art. R. 613-3 ) Les mémoires produits après la clôture de l'instruction
ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction.
Recours abusifs (CJA, art. R. 741-12 ) Le montant maximal des
amendes pour recours abusif qui était de 3 000 euros a été augmenté.
Il est désormais de 10 000 euros. L'article 24 du décret du 2 novembre
2016 modifie l'article R. 741-12 du code de justice administrative, en
augmentant le montant maximal des amendes pour recours abusif.
Fonctionnement de la juridiction administrative. Le décret
consacre le rôle des greffiers des juridictions administratives dans la
conduite de l'instruction (CJA, art. R. 611-10 ).
Requêtes collectives. Il sera également possible de limiter le nombre
de notifications de la décision de justice lorsqu'une requête, un
mémoire en défense ou un mémoire en intervention a été présenté par
plusieurs personnes ou a été présenté par un avocat pour le compte de
plusieurs personnes (CJA, art. R. 411-6 , R. 611-2 et R. 751-3 ).
o
Décret n 2016-1481 du 2 novembre 2016 relatif à l'utilisation
des téléprocédures devant le Conseil d'État, les cours
administratives d'appel et les tribunaux administratifs.
er
Depuis le 1 janvier 2017, ce décret rend obligatoire l'utilisation de
l'application Télérecours, tant en demande qu'en défense ou en
intervention, pour les avocats, les personnes publiques, à l'exception
des communes de moins de 3 500 habitants, et les personnes morales
de droit privé chargées d'une mission permanente de service public. Il
10
ouvre une faculté d'utilisation aux associations d'assistance aux
étrangers dans les centres de rétention.
Modes alternatifs de règlement des différends : de la conciliation
à la médiation.
o
La loi n 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la
11
Attribution du Conseil d'État (CJA, art. L. 114-1 ) Lorsque le
Conseil d'État est saisi d'un litige en premier et dernier ressort, il peut,
après avoir obtenu l'accord des parties, ordonner une médiation pour
tenter de parvenir à un accord entre celles-ci.
o
Le décret n 2017-566 du 18 avril 2017 précise cette attribution. Les
pouvoirs dévolus au président de la juridiction sont exercés par le
président de la section du contentieux (CJA, art. R. 114-1 ).
Le médiateur (CJA, art. L. 213-2 à L. 213-4 ) Le médiateur
accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence.
La médiation à l'initiative des parties (CJA, art. L. 213-5 et
L. 213-6 ) Les parties peuvent, en dehors de toute procédure
juridictionnelle, organiser une mission de médiation et désigner la ou
les personnes qui en sont chargées.
Elles peuvent également, en dehors de toute procédure juridictionnelle,
demander au président du tribunal administratif ou de la cour
administrative d'appel territorialement compétent d'organiser une
mission de médiation et de désigner la ou les personnes qui en sont
chargées, ou lui demander de désigner la ou les personnes qui sont
chargées d'une mission de médiation qu'elles ont elles-mêmes
organisée.
o
Le décret n 2017-566 du 18 avril 2017 prévoit que, lorsque le délai de
recours contentieux a été interrompu par l'organisation d'une
médiation, l'exercice d'un recours gracieux ou hiérarchique ne
l'interrompt pas de nouveau, sauf s'il constitue un préalable obligatoire
à l'exercice d'un recours contentieux (CJA, art. R. 213-4 ).
12
La médiation à l'initiative du juge (CJA, art. L. 213-7 à L. 213-
10 ) Lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative
d'appel est saisi d'un litige, le président de la formation de jugement
peut, après avoir obtenu l'accord des parties, ordonner une médiation
pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci.
o
Le décret n 2017-566 du 18 avril 2017 indique que le juge peut
prendre à tout moment les mesures d'instruction qui lui paraissent
nécessaires (CJA, art. R. 213-8 ).
La conciliation disparaît au profit de la médiation. L'article 5-VI de
la loi du 18 novembre 2016 prévoit qu'à compter de la publication de la
présente loi, les missions de conciliation confiées à un tiers en
application de l'article L. 211-4 du code de justice administrative, dans
sa rédaction antérieure à la présente loi, se poursuivent, avec l'accord
des parties, selon le régime de la médiation administrative défini au
er
chapitre III du titre I du livre II du même code, dans sa rédaction
résultant de la présente loi.
Expérimentation. L'article 5-IV de la loi du 18 novembre 2016 prévoit
qu'à titre expérimental et pour une durée de quatre ans à compter de la
promulgation de la loi, les recours contentieux formés par certains
o
agents soumis aux dispositions de la loi n 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires à l'encontre d'actes
relatifs à leur situation personnelle et les requêtes relatives aux
prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de
l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés
d'emploi peuvent faire l'objet d'une médiation préalable obligatoire,
dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
13
o
Médiation : recours des militaires. Le décret n 2017-566 du
18 avril 2017 précise les modalités d'articulation de la médiation à
l'initiative des parties avec la procédure de recours administratif
préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires,
dont le régime est fixé par les articles R. 4125-1 à R. 4125-10 du code
de la défense.
Déontologie des membres des juridictions administratives
o
La loi n 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux
droits et obligations des fonctionnaires a été publiée au Journal officiel
de la République française le 21 avril 2016. Le texte consacre les
valeurs fondamentales communes aux agents publics telles que la
dignité, l'impartialité, la probité, la neutralité et la laïcité.
14
La Cour des comptes pourra, elle, se doter de conseillers référendaires
en service extraordinaire.
o er
Un décret n 2016-899 du 1 juillet 2016 (JO 2 juill.) modifie plusieurs
règles applicables au Conseil d'État.
15
Limitation dans le temps de certaines fonctions
Section administrative
16
formation restreinte est fixée par le président et doit compter au moins
trois membres (CJA, art. R. 123-8 ).
Généralités
1. Le Conseil d'État est une énigme. La singularité de son statut et de son
rôle ne permet pas de l'identifier facilement et de le classer aisément dans
une catégorie préétablie. Institution spécifiquement française, il présente
paradoxalement pourtant l'ambivalence, voire l'ambiguïté de certaines
institutions britanniques. Sa situation actuelle ne peut s'expliquer que par
son histoire. Elle est celle d'un organe spécifique.
A - Historique
18
l'Ordre des avocats aux Conseils du Roi et à la Cour de cassation ; elle est
toujours la base de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de
cassation selon l'appellation actuelle. La Monarchie de Juillet apporta ses
propres réformes (Ord. du 2 févr. 1831, du 12 mars 1831, du 20 août 1831,
du 18 sept. 1839 ; L. 21 juill. 1845) – ce qui n'empêchait pas les critiques
contestant le rôle et l'institution même du Conseil d'État.
e
6. L'avènement de la II République fut de nouveau l'occasion de discussions
sur son statut, notamment lors de l'élaboration de la nouvelle Constitution.
Celle-ci (4 nov. 1848) lui consacre spécialement un chapitre VI (art. 71 à
75), ce qu'aucun texte constitutionnel, même celui de l'an VIII, n'avait fait
systématiquement auparavant. En même temps, elle établit un lien nouveau
entre le législatif et l'exécutif. Si le président du Conseil d'État est le vice-
président de la République, les membres du Conseil ne sont plus nommés,
comme précédemment et comme ce sera de nouveau le cas ultérieurement,
par l'exécutif, mais par l'Assemblée nationale elle-même. Est donné au
Conseil d'État un rôle consultatif non seulement « sur les projets de loi du
gouvernement qui, d'après la loi devront être soumis à son examen
préalable », mais aussi « sur les projets d'initiative parlementaire que
l'Assemblée lui aura renvoyés » – solution qui sera reprise par la loi du
24 mai 1872 puis par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. La
Constitution de 1848 charge le Conseil d'État non seulement de préparer les
règlements d'administration publique, mais encore de faire « seul ceux de
ces règlements à l'égard desquels l'Assemblée nationale lui a donné une
délégation spéciale », ce qui attribue au Conseil d'État un pouvoir
réglementaire parallèle à celui du gouvernement et confirme le lien que la
Constitution de 1848 établit entre le Conseil d'État et l'Assemblée nationale.
Le rôle contentieux du Conseil d'État n'est qu'indirectement évoqué par « les
pouvoirs de contrôle et de surveillance » qui doivent lui être confiés par la
loi. Ce fut l'objet de la loi du 3 mars 1849 : parmi les fonctions du Conseil
d'État, figurait expressément celle de statuer « en dernier ressort sur le
contentieux administratif », ce qui lui attribuait un pouvoir de justice
déléguée, et non plus retenue. Le même texte lui retire le jugement des
conflits pour le confier à un Tribunal des conflits composé à parts égales de
membres du Conseil d'État et de la Cour de cassation. Si courte que fut la vie
e e
du Conseil d'État de la II République, comme la II République elle-même,
elle n'en a pas moins été une étape importante dans son évolution.
7. Le Second Empire fut un retour en arrière, non seulement par le retour à
la justice retenue, mais par une sorte de restauration du Conseil d'État à
l'image de ce qu'il avait été sous le Premier Empire. La Constitution du
14 janvier 1852 lui consacre un titre VI. Par l'article 50, en des termes qui
sont presque ceux de la Constitution de l'an VIII, « il est chargé, sous la
19
direction du président de la République » (ce sera l'Empereur avec le
Sénatus-Consulte du 7 nov. 1852) « de rédiger les projets de loi et les
règlements d'administration publique et résoudre les difficultés qui s'élèvent
en matière d'administration ». En vertu de l'article 51, « il soutient, au nom
du gouvernement, la discussion des projets de loi devant le Sénat et le Corps
législatif ». Il est réorganisé par le décret organique du 25 janvier 1852, qui
crée une assemblée du contentieux, supprime le Tribunal des conflits,
systématise le rôle du commissaire du gouvernement et rétablit le système
de la justice retenue (V. SAUVEL, La “justice retenue” de 1806 à 1872, RD
publ. 1970. 237).
14. La période 1940-1945 fut, pour le Conseil d'État comme pour la France
tout entière, cause d'un ébranlement qui aurait pu lui être fatal. On ne peut
qu'évoquer les difficultés matérielles d'une installation à Royat puis d'un
retour à Paris en 1942, l'éviction de membres du Conseil d'État en vertu de
la législation antisémite de 1940 et l'épuration de 1944. Le gouvernement de
Vichy voulut par la loi du 18 décembre 1940 restaurer le rôle législatif du
Conseil d'État, mais n'eut guère d'effet concret. Seule l'activité contentieuse
continua à s'exercer effectivement, marquée par de grands arrêts (Monpeurt,
1942 ; Bouguen, 1943). Avec le retour à la légalité républicaine, la
nomination à la tête du Conseil d'État de René CASSIN, qui avait été
président du Comité juridique institué par le Général de Gaulle auprès du
22
Comité français de libération nationale, contribua à son maintien et à sa
restauration. Celle-ci fut scellée par l'ordonnance du 31 juillet 1945 relative
au Conseil d'État, texte qui fut en vigueur jusqu'à l'intégration de son
dispositif dans le code de justice administrative adopté en 2000, qui en
reprend l'essentiel. Elle restitue au Conseil un rôle dans l'examen des projets
de loi, confirme son rôle administratif (règlements d'administration publique,
autres décrets) et contentieux. Ce dernier a été marqué à la fois par la
progression de la jurisprudence et par une déconcentration de la justice
administrative, résultant de la création en 1953 (décret-loi du 30 septembre
et règlement d'administration publique du 28 novembre) des tribunaux
administratifs, faisant de ceux-là les juges de droit commun, statuant en
premier ressort, du contentieux administratif. C'est le début d'une
transformation qui va aboutir à faire du Conseil d'État non plus le juge
o
ordinaire mais le juge suprême de l'ordre administratif (V. infra, n 326).
e
15. La V République peut être considérée pour le Conseil d'État comme une
période sinusoïdale. Dans un premier temps, la Constitution de 1958, à
l'élaboration de laquelle il a largement contribué, soit par ses membres
individuellement soit en corps par son assemblée générale, sans régir le
Conseil d'État comme l'ont fait des Constitutions anciennes, comporte des
dispositions à son sujet : nomination des conseillers d'État (art. 13),
consultation du Conseil d'État (certains projets de règlement : art. 37, al. 2 ;
projets d'ordonnance : art. 38 ; projets de loi : art. 39). Sa portée en ce qui
concerne les pouvoirs de l'exécutif a été assez vite précisée par le Conseil
d'État dans l'arrêt de section du 26 juin 1959, Syndicat général des
o
ingénieurs conseils (Lebon 394 ; GAJA, n 75, p. 501). Le deuxième temps
est marqué par la tension entre l'exécutif et le Conseil d'État, résultant d'une
er
part de l'avis négatif que celui-ci a donné le 1 octobre 1962 au sujet du
projet de référendum sur l'élection du président de la République au suffrage
universel, d'autre part de l'arrêt d'assemblée du 19 octobre 1962, Canal,
o
Robin et Godot (Lebon 552 ; GAJA, n 80, p. 541) annulant l'ordonnance
créant une Cour militaire de justice destinée à réprimer les auteurs de crimes
et délits en relation avec les événements d'Algérie. Le gouvernement et le
président de la République y ont vu une prise de position politique débordant
le champ juridique et contentieux, et décidèrent l'engagement d'une réforme
du Conseil d'État. Réalisée par deux décrets du 30 juillet 1963, elle procède à
une réorganisation comportant notamment l'établissement d'une relation
plus forte entre les formations administratives et les formations
contentieuses. Ces deux décrets se retrouvent en grande partie dans l'actuel
code de justice administrative.
23
16. La troisième période s'est ouverte avec la loi du 31 décembre 1987
instituant des cours administratives d'appel entre les tribunaux administratifs
et le Conseil d'État, renforçant la situation de celui-ci comme juge suprême
de l'ordre administratif. Il a été atteint par des mesures, dont beaucoup à
son initiative, qui, si elles ont porté sur le juge administratif en général, ont
concerné particulièrement ses pouvoirs et son organisation. D'une part, il a
pleinement mis en œuvre les pouvoirs d'injonction reconnus aux juridictions
o
administratives (L. n 95-127 du 8 févr. 1995) et les procédures de référé en
o
matière administrative (L. n 2000-597 du 30 juin 2000). D'autre part, pour
tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme sur le commissaire du gouvernement (7 juin 2001, Kress c/France,
o
GAJA, n 106, p. 793 ; AJDA 2001. 675, note Rolin , D. 2001. 2611, note
Andriantsimbazovina, et AJDA 2001. 2619, note Drago ; JCP
2001. II. 10578, note Sudre ; RD publ. 2001. 895, note Maubernard ; RFDA
2001. 991, note Genevois, et RFDA 2001. 1000. note Autin et Sudre . –
12 avr. 2006, Martinie c/ France, AJDA 2006. 986, note Rolin ; JCP Adm.
2006. 1131, note Andriantsimbazovina ; RFDA 2006. 577, note Sermet . –
12 avr. 2006 Martinie, AJDA 2006. 986, note Rolin ; JCP Adm. 2006. 1131,
note Andriantsimbazovina ; RFDA 2006. 577, note Sermet ), celui-ci a été
l'objet de deux réformes : il peut au Conseil d'État être empêché par une
o er
partie d'assister au délibéré (Décr. n 2006-964 du 1 août 2006) et son
o
titre a été changé en rapporteur public (Décr. n 2009-14 du 7 janv. 2009).
À la suite de l'arrêt de la même Cour européenne du 9 novembre 2006,
Sacilor Lormines c/ France (JCP Adm. 2007. 2002, note Szymczak ; RFDA
2007. 342, note Autin et Sudre ), la séparation des fonctions
administratives et des fonctions contentieuses du Conseil d'État a été
os
strictement organisée (Décr. n 2008-225 du 6 mars 2008, 2010-164 du
22 févr. 2010 et 2011-950 du 23 déc. 2011). En outre la réforme
constitutionnelle du 23 juillet 2008 a réintroduit la possibilité d'une
consultation du Conseil d'État par les assemblées parlementaires (GONOD,
Le Conseil d'État à la croisée des chemins, AJDA 2008. 630 ).
24
révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 sur la question prioritaire de
constitutionnalité.
19. Depuis ses origines, le Conseil d'État d'une part s'est maintenu, d'autre
part s'est transformé. Les menaces de suppression qui ont pesé sur lui lors
des changements de régime politique, les attaques dont il a été et même est
encore l'objet de manière récurrente au prétexte d'une trop grande proximité
avec l'exécutif, d'un éloignement des préoccupations des citoyens, d'une
soustraction à la justice ordinaire, ont toujours cédé devant la nécessité d'un
organe du conseil du gouvernement et de contrôle de l'administration, la
réalité d'une autonomie par rapport au pouvoir politique, le bénéfice d'une
jurisprudence assurant à la fois la protection de l'intérêt général et celle des
libertés publiques. En même temps, le Conseil d'État s'est, si l'on peut dire,
« juridicisé ». L'expression peut paraître curieuse, non seulement comme
n'appartenant pas au vocabulaire français, mais voulant souligner
l'accroissement de l'encadrement juridique d'un organe qui est
fondamentalement une institution juridique. Il l'est devenu pleinement mais
il ne l'a pas toujours été. La Constitution de l'an VIII l'a conçu comme un
organe de gouvernement. Ses fonctions juridictionnelles ne sont devenues
vraiment authentiques qu'à partir de 1872. Elles n'ont pas été complètement
séparées de ses fonctions administratives. Ce n'est qu'à une époque récente
que les unes et les autres ont acquis un statut juridique destiné à éviter leur
confusion tout en renforçant leur exercice. On est peut-être arrivé à une
systématisation empreinte d'un formalisme qui, pour être rigoureux, finirait
par être excessif. Au motif (au prétexte ?) des exigences d'un État de droit
correspondant à des formules incantatoires, on pourrait finir par perdre le
bénéfice d'un dispositif opératoire. L'évolution n'est sans doute (sûrement ?)
pas terminée. Mais la permanence et les changements du Conseil d'État
depuis maintenant plus de deux cents ans sont une assurance qu'il ne pourra
être supprimé.
20. Pour être une spécificité française, le Conseil d'État n'est pas une
anomalie par rapport à des institutions étrangères. On retrouve dans
d'autres pays, soit avec une appellation semblable soit sous un nom
25
différent, des organes ayant un statut et un rôle comparables à ceux du
Conseil d'État français. Certains ont des fonctions à la fois administratives et
juridictionnelles : en Europe, Conseils d'État de Belgique (Const., art. 160),
de Grèce (Const., art. 94 et 95), d'Italie (Const., art. 100 ; L. des 27 avr.
1982 et 15 mai 1997), des Pays-Bas (L. 9 mars 1962), et hors d'Europe, par
exemple Conseil d'État de Colombie (Const., art. 273). Ce sont les plus
proches du Conseil d'État français. D'autres n'ont soit qu'une fonction
consultative auprès de l'exécutif soit qu'un rôle juridictionnel à l'égard de
l'administration. Du premier cas relèvent le Conseil d'État espagnol (« organe
consultatif suprême du gouvernement » selon les termes de l'article 107 de
la Constitution du 27 déc. 1978), le Conseil d'État luxembourgeois, depuis
qu'à la suite de l'arrêt Procola rendu le 28 septembre 1995 par la Cour
européenne des droits de l'homme (D. 1996. 301, note Benoît-Rohmer ;
RFDA 1996. 777, note Autin et Sudre ), les fonctions juridictionnelles qu'il
exerçait ont été transférées à une juridiction administrative distincte (Const.,
art. 83 bis et 95 bis nouveaux). Pour le second cas (fonctions exclusivement
contentieuses), on trouve des juridictions suprêmes d'un ordre administratif
distinct de l'ordre judiciaire, qui ressemblent à ce titre au Conseil d'État
français, soit avec la même appellation (par ex. Conseil d'État du Liban) soit
avec une autre : Tribunal administratif suprême (Portugal, Const., art. 212),
Cour administrative suprême (Finlande : Const., art. 98 ; Suède, Const.,
er
chap. 11, art. 1 ). La catégorie réunissant les fonctions administratives et
les fonctions contentieuses est la plus proche du Conseil d'État ; elle
comporte des variantes, selon l'étendue des attributions contentieuses ou
consultatives des Conseils d'État. Cela montre au moins que le Conseil d'État
français n'est pas une anomalie comme on le dit parfois (V. not. FROMONT,
Droit administratif des États européens, 2006, PUF, p. 111 s.), même si c'est
un organe spécifique.
22. Il n'est sans doute pas très spécifique que le Conseil d'État soit un
organe de l'État : bien d'autres institutions ayant une certaine particularité
n'en restent pas moins des organes de l'État. Cela a toujours été le cas des
départements ministériels alors même qu'ils se singularisent dans l'État par
des attributions et une organisation propres à chacun. C'est le cas
aujourd'hui des autorités administratives indépendantes, dont l'autonomie
fonctionnelle et organique n'empêche pas l'appartenance à l'État, dont elles
sont des organes. Il en a toujours été de même pour le Conseil d'État,
26
organe de l'État parce qu'organe dans l'État. Mais, par rapport à d'autres
organes, sa particularité se manifeste d'une part par un niveau
constitutionnel qui contribue à son unité, et d'autre part, par un
dédoublement qui conduit à une dualité.
23. Organe dans l'État, le Conseil d'État n'a pas de personnalité juridique qui
l'en distinguerait. Dans toutes les fonctions qu'il exerce, il agit au nom et
pour le compte de l'État. Si ses membres peuvent avoir des intérêts propres
à faire valoir soit individuellement soit collectivement en se regroupant, ils le
font en tant que personnes se différenciant de l'institution à laquelle ils
appartiennent, laquelle est exclusivement une institution étatique, ne se
différenciant pas juridiquement de l'État lui-même. Cette situation entraîne
des conséquences juridiques, particulièrement sur le plan contentieux.
30
« relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative
l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des
prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir
exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les
organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle » (Cons. const.
o o
23 janv. 1987, n 86224 DC , Rec. Cons. const., p. 8 ; GAJA, n 89,
p. 628 ; AJDA 1987. 345, note Chevallier ; JCP 1987. II. 20854, note
Sestier ; RFDA 1987. 287, note Genevois, et RFDA 1987. 301, note
Favoreu). Il en résulte qu'une juridiction administrative est nécessaire au
moins pour le contentieux de l'annulation et de la réformation.
32. Au sens strict, on pourrait dire que cela n'impose pas l'existence du
Conseil d'État tel qu'il est organisé et fonctionne actuellement, mais cela
impose l'existence d'une juridiction administrative suprême de laquelle relève
sinon tout le contentieux de l'annulation ou de la réformation au moins le
contrôle des décisions rendues en dernier ressort dans ce contentieux,
qu'elle s'appelle Conseil d'État ou qu'on lui donne une autre appellation. Au
demeurant, le Conseil constitutionnel a expressément considéré le Conseil
d'État et la Cour de cassation comme les « juridictions placées au sommet de
chacun des deux ordres de juridiction reconnus par la Constitution »,
auxquelles celle-ci a confié la compétence pour juger de la transmission
d'une question prioritaire de constitutionnalité (Cons. const. 3 déc. 2009,
o
n 2009-595 DC , Rec. Cons. const., p. 206 ; RFDA 2010. 1 , article
o
Genevois ; JCP 2009, n 52, p. 54, note Mathieu ; Y. GAUDEMET, Une
révision cachée : la Constitution reconnaît la dualité d'ordres de juridiction et
le Conseil d'État dans la dualité de ses fonctions, RJEP juill. 2012. 1).
31
Cons. const., p. 115), qui doivent assurer la garantie de leur indépendance
o
(Cons. const. n 64-31 L, 21 déc. 1964, Rec. Cons. const., p. 43. – CE
29 déc. 1993, Synd. de la juridiction administrative, Rec. Cons. const.,
p. 378 ; RFDA 1994. 1133, concl. Scanvic ), et, comme pour la Cour de
cassation en particulier, celles qui ont pour but de permettre un rôle
unificateur de la jurisprudence et d'assurer une certaine stabilité à
l'interprétation de la loi (Cons. const. 20 juill. 1977, préc.). Ce n'est que dans
ce cadre que le pouvoir réglementaire peut exercer sa compétence (par ex.
o er
organisation interne des juridictions : Cons. const. n 71-68 L, 1 avr. 1971,
o
Rec. Cons. const., p. 35 ; n 2005-198 L, 3 mars 2005, Rec. Cons. const.,
p. 47). Le code de justice administrative a justement mis en œuvre la
répartition des compétences entre la loi et le règlement à propos des
juridictions administratives en général et du Conseil d'État en particulier
(art. L. 111-1 s. ; art. R. 121-1 s.).
34. Il reste que celui-ci exerce, à côté de ses fonctions juridictionnelles, des
fonctions administratives et qu'en tant qu'organe non juridictionnel, il ne
peut être considéré comme un « ordre de juridiction » au sens de l'article 34,
à l'égard duquel s'imposerait aussi la compétence du législateur. On a relevé
o
(supra, n 29) cependant les différents articles de la Constitution relatifs à la
délibération du Conseil d'État préalablement à l'adoption d'un certain nombre
de mesures, qui contribuent à la reconnaissance de son statut
constitutionnel. On pourrait penser que, parallèlement aux formules
applicables au Conseil d'État comme « ordre de juridiction », les « règles
constitutives » de son organisation et de son fonctionnement hors fonctions
juridictionnelles devraient être fixées par la loi. Il ne résulte pas
nécessairement des formules de la Constitution que, pour l'exercice des
fonctions non juridictionnelles du Conseil d'État, l'intervention du législateur
soit nécessaire. On ne peut citer de jurisprudence à ce sujet. La pratique est
d'ordre réglementaire. Le code de justice administrative ne comporte de
dispositions législatives relatives au « Conseil d'État dans l'exercice de ses
attributions administratives et législatives » qu'à propos de « l'avis sur une
proposition de loi », introduites par la loi du 15 juin 2009 mettant en œuvre
o
un aspect de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 (supra, n 16 et
o
infra, n 196) (CJA, art. L. 123-1 à L. 123-3 ). Pour l'essentiel, les
attributions administratives et législatives ne donnent lieu dans le code qu'à
des dispositions réglementaires (CJA, art. R. 123-1 s.).
35. Déjà les analyses qui précèdent ont relevé, tant dans l'histoire du Conseil
d'État que dans les normes constitutionnelles qui le visent, la double fonction
32
qu'il a toujours remplie et qu'il remplit encore : l'une comme conseil de
l'exécutif, l'autre comme juge administratif. Historiquement, c'est la première
qui a entraîné la seconde : le Conseil d'État, dans son rôle de conseil, a
préparé non seulement les actes du gouvernement dans l'ordre législatif et
administratif, mais aussi ceux qu'il prenait pour répondre aux réclamations
des administrés. On a vu que progressivement, cette fonction s'est
spécialisée au sein du Conseil d'État par des formations contentieuses qui lui
sont propres, puis est devenue autonome par son exercice au titre d'une
justice, non plus « retenue » par le chef de l'État, mais « déléguée » par le
peuple français, dans une indépendance qui constitue un principe
fondamental reconnu par les lois de la République (L. 24 mai 1872 ; Cons.
o
const. 22 juill. 1980 : supra, n 9). Les fonctions non contentieuses, parfois
moins bien perçues à l'extérieur de l'administration que les fonctions
contentieuses, n'ont pas pour autant disparu : elles se sont même accrues
au cours de la période récente, comme en témoignent les comptes-rendus
qui en sont faits annuellement par le rapport du Conseil d'État, et la création
de nouvelles sections en son sein (Section du rapport et des études, Section
os
de l'administration : infra, n 94 et 98) pour répondre à de nouveaux
besoins. Le Conseil d'État comporte ainsi deux aspects : l'un, dans ses
fonctions, contentieuses et non contentieuses ; l'autre, dans ses organes,
contentieux et non contentieux. Il peut donc être qualifié exactement
d'institution « duale », selon la définition donnée de ce terme (Littré) : « qui
comporte deux éléments unis par une interaction, une correspondance
réciproque ». Il y a donc dualité au sein d'une unité. C'est bien le cas du
Conseil d'État.
36. Les deux aspects du Conseil d'État ne sont pas l'objet d'une coupure ou
d'une dissociation qui les isolerait totalement l'un de l'autre. Il reste une
institution unie, malgré les distinctions que comportent son organisation et
son action. Cette unité se marque par l'unicité du corps qui rassemble ses
os
membres (infra, n 140 s.) sous l'autorité d'un même chef (le vice-
os
président : infra, n 72 s.), par la participation de ses membres à la fois aux
fonctions et formations contentieuses et aux fonctions et formations non
contentieuses. C'est une des particularités du Conseil d'État français, mais
cette particularité n'est pas insolite puisqu'on trouve aussi à l'étranger des
Conseils d'État présentant cette même dualité (Belgique, Italie, Grèce, Pays-
o
Bas, Colombie par ex. : V. supra, n 20).
37. Elle permet une unité de vue dans l'étude et la solution des problèmes
administratifs. Dans l'exercice de ses fonctions non contentieuses, le Conseil
33
d'État tient compte des solutions qu'il a adoptées au contentieux. Les avis
peuvent être étayés sur la jurisprudence (pour un exemple, avis de
o
l'Assemblée générale sur le rapport de la Section des finances n 364 803 du
o
8 juin 2000, EDCE 2001, n 52, p. 230, à propos de la cession de contrats
administratifs : « le Conseil d'État statuant au contentieux a […] posé depuis
fort longtemps le principe selon lequel ces contrats sont conclus en raison de
considérations propres à chaque cocontractant […] ; il en a tiré la
conséquence que la cession d'un marché ou d'une concession ne pouvait
avoir lieu […] qu'avec l'assentiment préalable de la collectivité contractante.
Il a précisé les cas dans lesquels cette autorisation pouvait légalement être
refusée […] Lorsque l'autorisation de cession peut être légalement accordée,
le Conseil d'État statuant au contentieux a toujours jugé que le choix du
nouveau titulaire par le précédent cocontractant de l'administration n'était
soumis à aucune procédure publique de mise en concurrence »).
Inversement, au contentieux, le Conseil d'État a fait parfois référence, dans
ses décisions, au moins dans les visas (par ex., Ord. du 14 juin 2006, req.
o
n 294060 , Assoc. syndicale du canal de la Gervonde, Lebon T. 890-891
o
) et dans ses avis contentieux (par ex. CE 13 oct. 2000, req. n 223297 ,
Procarione, Lebon 421 ), plus souvent dans les conclusions de ses
commissaires du gouvernement (devenus rapporteurs publics), aux avis de
ses formations administratives. Ces échanges ne se limitent pas aux renvois
des avis aux arrêts et des arrêts aux avis. Ils comportent aussi dans les faits
tout ce qui ne peut pas être exactement identifié par le droit. Ils assurent
l'unité d'action du Conseil d'État non seulement pour lui-même mais, ce qui
est encore plus important, à l'égard de l'administration française, qu'il la juge
os
ou qu'il la conseille. Les décrets n 766 et 767 du 30 juillet 1963 adoptés à
o
la suite de l'arrêt Canal (supra, n 15) ont voulu renforcer les relations entre
les formations administratives et les formations contentieuses, le reproche
ayant été adressé à ces dernières d'un isolement les conduisant à ignorer les
réalités administratives.
35
d'État ne peuvent pas prendre connaissance de ces avis, dès lors qu'ils n'ont
pas été rendus publics, ni des dossiers des formations consultatives relatifs à
ces avis ».
36
formation qui a préparé le texte. Ainsi se confirme l'affirmation selon laquelle
er
les stipulations de l'article 6, § 1 , de la Convention européenne « ne font
pas obstacle à ce que le Conseil d'État […] procède, dans l'exercice de ses
fonctions consultatives, à l'examen d'un projet de décret et se prononce
ultérieurement, dans l'exercice de ses fonctions contentieuses, sur la légalité
o
de ce même décret » (CE 11 juill. 2007, req. n 302040 , Union syndicale
des magistrats administratifs [USMA], Lebon 638 ; AJDA 2008. 2218, note
Gründler . – Également arrêt Assoc. Alcaly du 27 févr. 2006, req.
o o
n 257688 , Lebon 871-872, et du 16 avr. 2010, req. n 320667 ). Le
Conseil d'État peut rester une institution duale (alors qu'à la suite de l'arrêt
Procola, celui de Luxembourg a été réformé pour ne plus exercer que des
fonctions consultatives), tenant à la fois de l'administration et de la justice.
37
second cas, même lorsqu'un organe prend une décision, si celle-ci ne
constitue pas un acte juridictionnel, tranchant une contestation entre parties
ou infligeant une sanction à une partie, conformément au droit et avec une
autorité de chose jugée, il n'est pas, dans cette mesure, une juridiction. Ainsi
le Conseil de la concurrence prenait des décisions « de caractère non
juridictionnel » (sanctions, injonctions) à l'égard des entreprises ayant violé
les règles de la concurrence ; c'était un « organisme administratif » (Cons.
o
const. 23 janv. 1987, préc. supra, n 31) (on peut en dire autant aujourd'hui
de l'Autorité de la concurrence) ; il en allait de même des décisions de la
Commission des opérations de bourse, « organisme administratif »,
o
« autorité administrative » (Cons. const. 28 juill. 1989, n 89-260 DC , Rec.
Cons. const., p. 71 ; RFDA 1989. 691, note Genevois ; AJDA 1989. 619, note
Chevallier).
45. On passe alors des critères négatifs aux critères positifs : sont reconnus
administratifs des organes qui ont pour fonction non de trancher des litiges
mais de préparer des décisions, a fortiori de les prendre, ou encore d'exercer
une fonction de contrôle, ou de gérer certains services.
38
c/SA Laboratoires pharmaceutiques Bergaderm, Lebon 159 ; RFDA 2003.
1185, concl. Chauvaux ; AJDA 2003. 935, chron. Donnat et Casas :
imputabilité à l'État de la responsabilité pouvant résulter des fautes
commises par un organisme chargé de donner des avis). Ainsi lorsque le
Conseil d'État participe à la préparation de textes tels que des décrets ou
ordonnances, ou répond à des demandes d'avis du gouvernement, il s'insère
dans un processus qui est d'ordre purement administratif.
39
o
req. n 134980 , Pezet et San Marco, Lebon 248 , et 252, concl. Le
Chatelier).
40
53. Organiquement, le lien entre le Conseil d'État et l'exécutif a été
longtemps marqué par sa présidence, exercée soit par le chef de l'État, soit
par le chef du gouvernement, soit par le garde des Sceaux, ministre de la
Justice, parfois délégué des précédents. Tel était encore le cas avant
l'adoption du code de justice administrative. Mais, si cette présidence fut
effective à certaines époques (notamment sous le Consulat et les deux
e
Empires), elle devint purement formelle à partir de la III République ; elle
se marquait seulement à l'occasion de visites protocolaires. Le code de
justice administrative, en confiant au vice-président du Conseil d'État la
présidence de celui-ci (art. L. 121-1), ne fait donc plus du Premier ministre le
président du Conseil d'État ; seule, selon l'alinéa 2 du même article,
« l'assemblée générale du Conseil d'État peut être présidée par le Premier
ministre et, en son absence, par le garde des Sceaux, ministre de la
Justice ». Naguère les ministres pouvaient théoriquement participer aux
séances des formations administratives du Conseil. Aujourd'hui encore, des
commissaires du gouvernement, qui sont de véritables représentants de
celui-ci, sont désignés pour chaque ministère afin d'assister, avec voix
consultative, aux séances des formations administratives du Conseil d'État
pour les affaires de leur ministère (art. R. 123-23). Cela souligne encore les
liens du Conseil d'État avec l'exécutif.
54. La Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt précité
o
(supra, n 16) du 9 novembre 2006, Sacilor-Lormines c/France, n'a pas
manqué de relever que « la position originale du Conseil d'État dans les
institutions françaises le rapproche organiquement des pouvoirs publics ».
Elle n'en fait pas pour autant un organe subordonné à et de l'exécutif. La
Cour « est d'avis que cette situation ne suffit pas à établir un manque
d'indépendance du Conseil d'État ». La fin en 2000 de la présidence, qui était
devenue purement formelle, du Conseil d'État par le Premier ministre ou le
garde des Sceaux est l'aboutissement d'une évolution qui a assuré
l'autonomie du Conseil par rapport au gouvernement. Elle a été complétée
par le décret du 6 mars 2008, abrogeant l'article R. 123-15 du code de
justice administrative, qui donnait aux ministres « rang et séance à
l'assemblée générale du Conseil d'État », avec pour chacun « voix
délibérative pour les affaires qui dépendent de son département ».
41
avait pu déplaire ont pu y être réintégrés conformément aux règles
statutaires.
42
administrative suprême », pour se satisfaire de cette qualification et arrêter
l'analyse. D'abord, cette qualification n'a été donnée par le législateur qu'en
2000 avec l'adoption du code ; or le Conseil d'État était une juridiction
auparavant. Ensuite, quelle que soit l'autorité qui s'attache à la loi et aux
expressions qu'elle adopte, il y a toujours lieu d'en vérifier la justification, et
parfois de s'en écarter, au moins en partie, comme le Conseil d'État a eu lui-
même l'occasion de le faire pour d'autres organes, avec les conséquences
contentieuses qui en résultent (par ex. les chambres régionales des comptes,
si elles « jugent » les comptes, comme le dit expressément l'article L. 211-1
du code des juridictions financières, par des jugements susceptibles d'appel
devant la Cour des comptes, exercent aussi des fonctions non
juridictionnelles dans le cadre desquelles elles prennent des actes
administratifs unilatéraux, dont la contestation doit être portée devant la
juridiction administrative : CE 23 mars 1984, Organisme de gestion des
écoles catholiques, Lebon 126 ; D. 1985. 260, note Duprat ; RD publ. 1984.
1125, note J.-M. Auby).
43
os
élargissement (infra, n 118 s.). Elles sont saisies, instruisent, statuent
selon une procédure, qui, pour ne pas être identique à celle de la procédure
devant les juridictions judiciaires, en particulier la procédure civile, est
exactement une procédure contentieuse. Dans l'arrêt Kress, la Cour
européenne « estime que la procédure suivie devant le Conseil d'État offre
suffisamment de garanties au justiciable et qu'aucun problème ne se pose
sous l'angle du droit à un procès équitable pour ce qui est du respect du
contradictoire ». C'est reconnaître que le Conseil d'État constitue non
er
seulement un « tribunal » au sens de l'article 6, § 1 , de la Convention
européenne, dont la Cour a une interprétation extensive, mais une juridiction
au sens strict.
66. Il existe aussi d'autres juridictions dont les membres ne sont pas
magistrats. Dans l'ordre judiciaire, c'est le cas notamment des conseils de
prud'hommes, des tribunaux de commerce, des cours d'assises et de
juridictions spécialisées, par exemple dans les affaires de sécurité sociale,
d'incapacité. Dans l'ordre administratif, c'est celui de beaucoup de
juridictions spécialisées, dans lesquelles on trouve notamment des
fonctionnaires (par ex. la Cour nationale du droit d'asile, les juridictions
spécialisées dans le domaine social : juridictions de la tarification sanitaire et
sociale, de l'aide sociale). Comme l'a reconnu le Conseil d'État (Ass., 6 déc.
o
2002, req. n 240028, Trognon, Lebon 427 ; RFDA 2003. 694 ; RDSS
2003. 92, concl. Fombeur ; JCP Adm. 2003. 380, note Jean-Pierre. – Du
o
même jour, Sect., 6 déc. 2002, req. n 221319, Aïn-Lhout, Lebon 430 ;
RFDA 2003. 705 ; RDSS 2003. 163, concl. Séners ; AJDA 2003. 489.
chron. Donnat et Casas ; JCP 2003. II. 10132, note Boumedienne), « la
présence de fonctionnaires parmi les membres d'une juridiction ne peut, par
elle-même, être de nature à faire naître un doute objectivement justifié sur
l'impartialité de celle-ci ». La Cour européenne des droits de l'homme l'admet
en particulier à propos du Conseil d'État dans son arrêt précité du
o
9 novembre 2006, Sacilor-Lormines (supra, n 16).
45
qu'ils étaient satisfaits en ce qui concerne les membres du Conseil d'État
(V. les arrêts Kress et Sacilor-Lormines). Toutefois, si un fonctionnaire
membre d'une juridiction participe à une activité qui fait l'objet des questions
soumises à la juridiction, il ne peut y siéger (CE 6 déc. 2002, Trognon, Aït-
Lhout, préc.). C'est ainsi qu'un membre du Conseil d'État ayant eu à
participer, soit en son sein, soit à l'extérieur, à l'élaboration d'un projet de
texte ensuite contesté devant le Conseil, ne peut siéger dans la formation de
jugement. Ainsi, à défaut d'être magistrats, les membres du Conseil d'État
participant aux formations juridictionnelles sont pleinement des « juges »
avec les conséquences qui en résultent (CE, ord., 20 avr. 2006, req.
o
n 92572, Hoffer).
er
Titre 1 - Statut du Conseil d'État
er
Chapitre 1 - Statut de l'institution
46
re
Section 1 - Les organes du Conseil d'État
er
Art. 1 - Le vice-président du Conseil d'État
o
72. Comme on l'a déjà relevé (supra, n 53), le vice-président du Conseil
d'État en assure aujourd'hui la présidence (CJA, art. L. 121-1 ). Le code de
justice administrative est venu en 2000 aligner le droit sur le fait car si,
théoriquement, la présidence du Conseil d'État revenait précédemment au
Premier ministre ou, par délégation, au garde des sceaux, ministre de la
justice, ils ne l'exerçaient jamais autrement que pour des séances
e
protocolaires. Depuis la III République, le vice-président était le véritable
président ; désormais il l'est autant en vertu des textes qu'en vertu de la
pratique (HENRY, Le vice-président du Conseil d'État, RD publ. 1995. 701. –
DENOIX DE SAINT MARC, Le vice-président du Conseil d'État, Just. et cass.
2005. 147).
73. Le vice-président du Conseil d'État est nommé par décret en Conseil des
ministres (c'est-à-dire par le président de la République), sur la proposition
du garde des Sceaux, ministre de la Justice, parmi les présidents de section
ou les conseillers d'État en service ordinaire (CJA, art. L. 133-1 ). On peut
observer que si plusieurs vice-présidents (dont l'actuel) avaient été
précédemment secrétaire général du gouvernement, ils n'avaient pas été
présidents de section mais seulement (comme d'autres) conseillers d'État. Le
choix du gouvernement, s'il ne peut porter que sur des présidents de section
ou des conseillers d'État, est suffisamment large pour qu'il puisse s'exercer
discrétionnairement en fonction de considérations qui, essentiellement
administratives, n'excluent pas une appréciation, sinon politicienne, du moins
de politique administrative. Il est arrivé que le même jour un décret nomme
un conseiller d'État au tour extérieur, puis un autre, celui-ci vice-président
du Conseil d'État (JO 29 nov. 1944). Cette pratique, qui a permis de nommer
vice-président une personne n'appartenant pas au Conseil d'État, serait
aujourd'hui considérée comme une nomination pour ordre, c'est-à-dire
47
comme un acte inexistant, ou encore nul et non avenu (en ce sens, CE
30 juin 1950, Massonaud, Lebon 400, concl. J. Delvolvé ; S. 1951. 3. 57,
note F. M. – Ass., 15 mai 1981, Maurice, Lebon 221 ; AJDA 1982. 86, concl.
Bacquet ; D. 1981. IR, obs. P. Delvolvé ; D. 1982. 147, note Blondel et
Julien-Laferrière). Elle pouvait se justifier en l'espèce par les circonstances
exceptionnelles de l'époque.
48
o
extérieur (infra, n 163) (art. L. 133-7 ) ; il fait des présentations pour la
nomination des présidents adjoints (art. R. 122-4 ) et des présidents de
o
sous-section (art. R. 122-6 ) de la Section du contentieux (infra, n 122 et
o
n 126) ; il nomme les secrétaires généraux adjoints du Conseil d'État (infra,
o
n 87), les présidents adjoints des sections administratives, le rapporteur
o
général de la Section du rapport et des études (infra, n 99), les maîtres des
o
requêtes en service extraordinaire (infra, n 165) ; il fait des propositions
pour les nominations au Conseil d'État de membres du corps des tribunaux
administratifs et des cours administratives d'appel (art. L. 133-8 ). Cette
attribution s'inscrit dans celles qu'il détient à l'égard de ce corps : il en
assure la gestion (art. R. 231-3 ) ; il préside le Conseil supérieur des
tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (art. L. 232-1
) ; la mission permanente d'inspection des juridictions administratives est
exercée sous son autorité (art. R. 112-1 ) ; il nomme les assistants de
justice aussi bien pour les tribunaux administratifs et les cours
administratives d'appel que pour le Conseil d'État (art. R. 227-4 ).
49
leurs représentants, et préside ces formations (art. R. 123-10 . – V. infra,
o
n 97).
81. Le bureau n'a pas d'existence officielle : aucun texte n'en fait
expressément état, mais la formule selon laquelle le vice-président délibère
avec les présidents de section, comme c'est le cas pour certaines
nominations, affectations ou appréciations (CJA, art. L. 133-8 ;
art. R. 121-15 ; art. R. 122-4 ; art. R. 122-7 ; art. R. 123-5 ;
art. R. 123-6 ; art. R. 123-7 ; art. R. 123-22 ; art. R. 134-4 ;
art. R. 134-6 ; art. R. 134-8), ou décide ou propose après avis des
présidents de section, comme c'est le cas pour des affectations au sein du
Conseil d'État (CJA, art. R. 121-6 ; R. 121-9 ; art. R. 122-6 ), correspond
51
pour partie à ce qu'on appelle couramment le bureau. Il s'agit en fait d'un
organe important, dont la réunion est fréquente, qui contribue à l'adoption
de mesures pouvant être vitales pour le Conseil d'État. Il est constitué, sous
la présidence du vice-président, des sept présidents de section, du secrétaire
général et des secrétaires généraux adjoints. Outre les questions qui, d'après
les textes, donnent lieu à la délibération ou à l'avis des présidents de section,
y viennent celles d'intérêt commun au Conseil d'État que le vice-président y
porte, même lorsqu'il pourrait se prononcer seul. On ne peut avoir
connaissance du rôle de cet organe que par la pratique.
ACTUALISATION
82. Commission supérieure du Conseil d'État. - L'ordonnance du
13 octobre 2016 a remplacé la commission consultative qui était
compétente en matière de personnel, d'organisation et de
fonctionnement par la commission supérieure du Conseil d'État (Ord.
o
n 2016-1365 du 13 oct. 2016, JO 14 oct.). Cette commission est
devenue l'instance de dialogue social et de discipline au sein du Conseil
o
d'État (CJA, art. L. 132-1 et L. 132-2 ). Le décret n 2017-271 du
2 mars 2017 (JO 3 mars) détermine les règles de fonctionnement de
cette commission (CJA, art. R.*132-1 à R.*132-7).
83. Son rôle est double. D'une part, elle peut être consultée sur toutes les
questions intéressant le statut des membres du Conseil d'État et, plus
généralement, sur tous les problèmes intéressant l'organisation et le
fonctionnement du Conseil d'État : c'est pourquoi on en traite ici au titre des
organes du Conseil d'État dans son ensemble. D'autre part, elle doit être
saisie au sujet des mesures individuelles concernant l'avancement des
membres du Conseil d'État et leur discipline (sauf pour l'avertissement et le
blâme : CJA, art. L. 133-8 ) : à ce sujet ne siègent que, d'un côté, le vice-
président et deux présidents de section, de l'autre, deux titulaires et un
suppléant du grade de la personne faisant l'objet de la mesure (par ex. les
deux conseillers d'État titulaires et un conseiller d'État suppléant, si cette
52
personne est elle-même conseiller d'État). Il ne paraît pas qu'il s'agisse en
fait d'une institution très importante.
ACTUALISATION
83. La commission supérieure du Conseil d'État est consultée par le vice-
président du Conseil d'État sur les questions intéressant la compétence,
l'organisation ou le fonctionnement du Conseil d'État. Elle émet un avis
sur toute question relative au statut des membres du Conseil d'État. Elle
peut également être consultée sur toute question générale relative à
l'exercice de leurs fonctions. Elle débat chaque année des orientations
générales en matière de recrutement. Elle émet un avis sur les
propositions de nomination au titre des articles L. 133-8 et L. 133-12
ainsi que sur les propositions de nomination aux fonctions de président
de cour administrative d'appel. La commission donne également son avis
sur les mesures individuelles concernant l'avancement des membres du
Conseil d'État (CJA, art. L. 132-2 ). Le décret du 2 mars 2017 précise
que la commission est saisie des faits motivant la poursuite disciplinaire
par le vice-président du Conseil d'État (CJA, art. R.*136-1). Le texte fixe
la procédure : garanties fondamentales, conditions de délais, sanctions,
notification de la sanction… (CJA, art. R.*136-2 à R.*136-7).
53
ne doit pas cacher qu'en réalité le choix du vice-président et du bureau est
déterminant.
87. Il est assisté, voire suppléé, par des secrétaires généraux adjoints, dont
la nomination parmi les membres du Conseil d'État appartient au vice-
président (art. R. 121-10). Ils sont actuellement deux. L'un s'occupe plus
particulièrement de la gestion du corps des tribunaux administratifs et des
cours administratives d'appel, assistant spécialement le vice-président dans
cette fonction, l'autre de la gestion du Conseil d'État.
54
secrétaires administratifs (plus de 100), de la catégorie C les adjoints
administratifs (260) et les adjoints techniques (51) ; s'y ajoutent des
contractuels (143) et des vacataires (12), et une dizaine de fonctionnaires
détachés au Conseil d'État. Tous sont des agents du Conseil d'État, distincts
os
des membres du Conseil d'État proprement dits (infra, n 141 s.).
er
Art. 1 - Les formations administratives
er
§ 1 - Les sections administratives
55
1963 : ce sont les sections de l'intérieur, la section des finances, la section
des travaux publics et la section sociale. Le décret du 6 mars 2008 y a ajouté
la section de l'administration – intitulé qui prête à discussion car les autres
sections administratives s'occupent aussi de l'administration. En réalité, les
quatre premières sections ont une spécialisation par « secteurs »
correspondant pour l'essentiel à leur intitulé ; la cinquième a une mission
transversale, permettant de traiter des questions relatives à toutes les
fonctions publiques, qui étaient réparties auparavant entre trois sections
(finances, intérieur, sociale), et aux moyens d'action de l'administration (par
ex. contrats publics, propriétés publiques, relations avec les usagers). La
répartition des affaires entre ces cinq sections fait l'objet d'un arrêté du
Premier ministre et du garde des Sceaux, ministre de la Justice, pris sur
proposition du vice-président du Conseil d'État (CJA, art R. 123-3). Le
dernier arrêté date du 4 juillet 2008.
ACTUALISATION
95. Sections administratives. Composition. - Un décret du
28 septembre 2012 modifie le premier alinéa de l'article R. 123-6 du
code de justice administrative. Les mots : « dont l'un choisi parmi les
assesseurs des sous-sections de la section du contentieux » sont donc
o
supprimés (Décr. n 2012-1088 du 28 sept. 2012, art. 7, JO 29 sept.).
57
o o
n 137) (sur cette nouvelle section, V. CHAPUISAT, EDCE 1985, n 36,
p. 149. – J.-P. COSTA, in AJDA 1985. 265).
59
plénière et même, pendant la période des vacances annuelles, pour
l'assemblée ordinaire.
60
qui sera désigné par le Premier ministre soit pour désigner lui-même les
conseillers d'État (art. R. 123-22). En fait autant qu'en droit, l'avis ou la
proposition des présidents de section en nuancent l'exercice. Au sein de la
Commission permanente, un rapporteur est désigné pour chaque affaire
(voire plus si l'affaire est importante).
61
demande du président de l'Assemblée nationale ou du Sénat, dont celui-ci
« constate l'urgence » : c'est au vice-président du Conseil d'État qu'il
appartient de décider l'examen de la proposition par la Commission
permanente, et celle-ci pourrait tout aussi bien encore renvoyer le texte à
l'assemblée générale.
112. Finalement, dans tous les cas, il revient au Conseil d'État, soit par son
vice-président soit par sa Commission permanente, de résister aux
proclamations d'urgence destinées à éviter le recours à l'assemblée générale
ou même seulement aux sections administratives, puisque aussi bien
certains textes ou certaines questions peuvent n'être examinés que par elles
o
(supra, n 107).
115. Depuis que le Conseil d'État peut être saisi par des autorités autres que
le gouvernement, les textes leur ont permis de se faire représenter auprès
des formations administratives du Conseil : auteur d'une proposition de loi,
avec les personnes qu'il désigne pour l'assister (art. R. 123-5) ; agents
publics désignés par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie
pour l'examen des projets et propositions de lois du pays de cette
collectivité, ainsi que pour d'autres affaires (art. R. 123-6) ; agents publics
désignés par le Défenseur des droits, voire le Défenseur lui-même, pour
62
l'examen des demandes d'avis qu'il a adressées au Conseil (art. R. 123-24-
2).
63
d'État en service ordinaire qui appartiennent aux sections administratives
avait été renforcée par la réforme de 1963 pour éviter un cloisonnement des
formations administratives et des formations contentieuses. Elle a au
contraire été limitée par la réforme de 2008 pour éviter de tomber sous la
condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme dans le
o o
prolongement de sa jurisprudence Procola de 1995 (supra, n 20 et n 38).
Les liens entre formations administratives et formations contentieuses n'ont
pas pour autant été rompus : des membres de la Section du contentieux
participent à des formations administratives (notamment à l'assemblée
générale) ; des membres de sections administratives participent à des
formations contentieuses (notamment à l'assemblée du contentieux). Des
précautions sont prises pour que des membres du Conseil d'État ayant connu
ou même seulement pu connaître d'une question au sein d'une formation
os
administrative ne participent pas à une formation contentieuse (supra, n 39
o
et 40, et infra n 138).
er
§ 1 - La présidence de la Section du contentieux
124. Une autre formation non prévue par les textes réunit en principe deux
fois par trimestre autour du président de la Section du contentieux les trois
présidents adjoints et les dix présidents de sous-section, d'où son appellation
familière de G14. Elle examine notamment l'organisation du contentieux.
Cette organisation a fait l'objet d'un « Projet de la Section du contentieux du
Conseil d'État 2012-2014 », document dont la portée pratique est supérieure
à la valeur juridique.
65
§ 2 - Les sous-sections
ACTUALISATION
126. Assesseurs. - Un décret du 23 décembre 2013 prévoit qu'une
sous-section statuant en formation de jugement peut être présidée par
un assesseur de cette sous-section, désigné à cette fin par le président
de la section du contentieux au vu de la proposition du président de la
sous-section. Pour cela, l'article R. 122-7 du code de justice
o
administrative est modifié (Décr. n 2013-1213 du 23 déc. 2013, art. 5,
JO 27 déc.).
66
définitivement des dossiers ont été au nombre de 2878 en 2010 (EDCE 2001,
o o
n 62, p. 38) et 2904 en 2011 (EDCE 2012, n 63, p. 36).
129. La deuxième modalité est celle d'une sous-section jugeant seule dans
une composition d'au moins trois membres ayant voix délibérative, et en
toute hypothèse en nombre impair. La possibilité d'une présidence par le
vice-président, le président et les présidents adjoints de la Section du
contentieux est plus théorique qu'effective (art. R. 122-14). En revanche très
réelle est l'activité des sous-sections jugeant seules. En 2010, elles ont rendu
o
3 677 décisions sur un total de 9 942 (EDCE 2001, n 62, p. 38) et en 2011,
o
3623 sur 9801 (EDCE 2012, n 63, p. 36), soit plus du tiers.
ACTUALISATION
129. Assesseurs. - Un décret du 23 décembre 2013 prévoit qu'une
sous-section statuant en formation de jugement peut être présidée par
un assesseur de cette sous-section, désigné à cette fin par le président
de la section du contentieux au vu de la proposition du président de la
sous-section. Pour cela, l'article R. 122-14 du code de justice
o
administrative est modifié (Décr. n 2013-1213 du 23 déc. 2013, art. 6,
JO 27 déc.).
67
selon un rôle établi deux fois par an (art. R. 122-15). Cette solution permet
de satisfaire à la règle de l'imparité. En toute hypothèse, le quorum est fixé à
cinq membres ayant voix délibérative si les sous-sections sont réunies à
deux, à sept si elles le sont à trois ou quatre. Dans tous les cas, les membres
de la sous-section d'instruction sont minoritaires dans la formation de
jugement. Les sous-sections réunies ont rendu 1 280 décisions en 2010,
e e
1469 en 2011, soit respectivement plus du 1/8 puis du 1/7 de celles du
Conseil d'État (mêmes références dans les rapports précités du Conseil
d'État). Elles ne statuent que sur les affaires présentant une certaine
difficulté (sur le décret du 22 février 2010 relatif aux compétences et au
fonctionnement des juridictions administratives, V. ARRIGHI DE CASANOVA
et STAHL, RFDA 2010. 387 . – CHAUVAUX et COURTIAL, AJDA 2010. 605
).
131. La Section du contentieux est envisagée ici non plus comme cadre de
l'organisation des activités contentieuses du Conseil d'État, mais comme
formation proprement juridictionnelle. Elle a été sensiblement réorganisée
par le décret du 6 mars 2008. Elle comprend le président et les trois
présidents adjoints de la Section du contentieux, les dix présidents de sous-
section et le rapporteur (qui peut ne pas être conseiller d'État) (art. R. 122-
18) – soit au total normalement quinze membres (et non plus dix-sept avant
2008). En cas d'absence ou d'empêchement du président de la Section ou
d'un président de sous-section, leur remplacement est prévu. On peut
observer que n'est pas prévue la présidence de la section par le vice-
président, alors qu'il peut présider des sous-sections. Le quorum est de neuf.
Si le nombre de membres présents n'est pas impair, ou en cas d'absence ou
d'empêchement d'un président de sous-section, il est recouru à des
assesseurs (art. R. 122-19). Ainsi cette composition ne comporte plus
comme naguère des conseillers d'État appartenant aux sections
administratives. C'est une réforme importante, qui revient sur celle de 1963.
À la volonté d'assurer l'unité entre la Section du contentieux et les sections
administratives, s'est substituée celle d'éviter une « collusion » des sections
administratives et de la Section du contentieux, mais des membres de celle-
ci gardent néanmoins des attaches et même un certain rôle dans les sections
administratives. On peut schématiser en disant que l'administratif n'influence
plus le contentieux mais que le contentieux influence l'administratif.
68
une solution rare, adoptée dans des affaires importantes ou particulières. Ce
fut le cas dans l'affaire Barel (CE, ass., 28 mai 1954, Lebon 28, concl.
o
Letourneur ; GAJA, n 69, p. 456), et plus récemment dans l'affaire Tropic,
o
qui a donné lieu à l'arrêt d'assemblée du 16 juillet 2007 (req. n 291545 ,
Société Tropic Travaux Signalisation, Lebon 360, concl. Casas ; GAJA,
o
n 115, p. 905) reconnaissant un nouveau type de recours contre des
contrats administratifs, ouvert aux concurrents évincés et dans l'affaire
Hoffman-Glemane, qui a donné lieu à l'avis contentieux du 16 février 2009
o
(req. n 315499 , Lebon 43, concl. Lenica ; RFDA 2009. 316. concl .,
525, note Delaunay et 536, note Roche ; AJDA 2009. 589, chron. Lieber
o
et Botteghi ; Dr. adm. 2009, n 60, note F. Melleray ; JCP 2009. 1074,
note Markus), relatif à l'indemnisation des victimes des persécutions
antisémites. Dans ce cas, la formation de jugement ne peut être que
l'assemblée du contentieux (art. R. 122-17 , al. 2).
69
seule et même séance. En moyenne, l'Assemblée du contentieux tient cinq
séances par an avec deux affaires.
70
suspicion ou cette prudence. La jurisprudence Procola n'imposait pas une
telle solution : le décret de 2010 est allé au-delà de ses exigences pour aller
au-devant de nouvelles critiques et couper court à de nouvelles menaces. Il
n'est pas sûr qu'elles seraient apparues. Le système adopté aboutit à des
combinaisons et même des contorsions révélatrices d'une certaine gêne alors
qu'on aurait pu être plus ferme, plus simple et moins circonspect (V. supra,
os
n 39 et 40).
re
Section 1 - La situation générale
140. La situation générale des membres du Conseil d'État relève non pas
seulement d'un statut « particulier » mais véritablement d'un statut
« spécial », qui les couvre tous et comporte des droits et obligations.
er
Art. 1 - Le statut « spécial » du corps du Conseil d'État
71
141. Au sein de la fonction publique de l'État, le statut général résultant
aujourd'hui de la loi précitée du 11 janvier 1984 doit être précisé pour
chaque corps par des statuts particuliers adoptés par décret en Conseil d'État
(art. 8). Certains statuts particuliers peuvent, après avis du Conseil supérieur
de la fonction publique, « déroger […] à certaines des dispositions du statut
général qui ne correspondraient pas aux besoins propres de ces corps ou aux
missions que leurs membres sont destinés à assurer » : tel est le cas
notamment des corps dont les membres sont recrutés par la voie de l'École
nationale d'administration (art. 10). Le Conseil d'État en fait partie. Mais,
pour lui, la dérogation n'apparaît pas comme la simple application de cette
disposition. Elle est établie par l'article L. 131-1 du code de justice
administrative déjà cité, selon lequel le statut des membres du Conseil d'État
résulte d'abord des dispositions mêmes de ce code, et ensuite seulement
« pour autant qu'elles ne lui sont pas contraires » des « dispositions
statutaires de la fonction publique de l'État ». En ce sens, la dérogation
propre au Conseil d'État précède l'application du statut général plus qu'elle
n'en est la mise en œuvre – et paraît relever plus d'un statut « spécial » que
d'un statut « particulier dérogatoire ». Si l'appellation « statut spécial » est
utilisée pour désigner ceux des corps auxquels est refusé le droit de grève et
qui relèvent de dispositions législatives distinctes de celles du statut général,
(fonctionnaires de la police, de l'administration pénitentiaire, de la sécurité
aérienne notamment), elle paraît appropriée pour le statut du Conseil d'État
en ce qu'il est établi, lui aussi, à la base avant l'application du statut général.
Au surplus, on ne voit pas que les membres du Conseil d'État puissent
exercer le droit de grève, même si aucun texte ne le leur refuse
expressément.
142. Les textes établissant le statut spécial du corps du Conseil d'État sont
aujourd'hui réunis pour l'essentiel dans le code de justice administrative
(art. L. 131-1 à L. 137-1 ; art. R. 131-1 à R. 137-4). Ils reprennent
os
notamment le dispositif des décrets n 63-766 et 63-767 du 30 juillet 1967
o
adoptés après la crise provoquée par l'arrêt Canal (supra, n 15). Parmi les
dérogations au statut général figure notamment la Commission consultative,
substituée à la commission administrative paritaire et au comité technique
paritaire du droit commun de la fonction publique : on l'a présentée (supra,
o
n 82) au titre des organes du Conseil d'État en raison de sa place dans
l'organisation de celui-ci et d'une fonction qui ne se limite pas à l'examen de
la situation individuelle des membres du Conseil d'État mais peut aussi porter
sur l'examen de questions concernant l'organisation et le fonctionnement du
Conseil d'État.
143. Aux textes s'ajoutent ce que l'on peut appeler, par analogie avec « les
conventions de la Constitution » (sur cette notion, V. notamment P. AVRIL,
72
Les conventions de la Constitution, 1997, PUF), des conventions qui, plus
que des usages ou des pratiques, sont suivies comme autant de normes à
respecter. Elles compensent l'absence d'un statut de magistrat pour les
membres du Conseil d'État et complètent le silence des textes. La plus
importante est celle de l'avancement à l'ancienneté pour le passage des
grades d'auditeur à maître des requêtes et de maître des requêtes à
conseiller d'État, qui garantit à tous une promotion exclusive de tout
favoritisme. S'y ajoute la convention selon laquelle les nominations des
présidents de section et les affectations au sein du Conseil sont proposées
o
voire décidées par le bureau (supra, n 81) – ce qui assure l'autonomie du
corps.
73
145. Il faut distinguer les membres du corps du Conseil d'État et les autres
personnes associées aux fonctions du Conseil d'État.
74
o
application au Conseil d'État du décret n 2008-15 du 4 janvier 2008 relatif à
la mobilité et au détachement des fonctionnaires recrutés par la voie de
l'École nationale d'administration : peuvent être détachés au Conseil d'État
ou mis à la disposition du Conseil d'État pour une durée maximale de deux
ans, des fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l'École
nationale d'administration, des magistrats de l'ordre judiciaire, des
professeurs d'université, des administrateurs parlementaires, des
administrateurs des postes et télécommunications, des fonctionnaires civils
et militaires ainsi que des fonctionnaires de l'Union européenne. Ils
bénéficient de leur passage au Conseil d'État pour enrichir leur expérience,
autant qu'ils y apportent leur expérience. Leur situation se prolonge
désormais avec celle des maîtres des requêtes en service extraordinaire
o
(V. infra, n 165).
ACTUALISATION
149. Dispositions relatives aux maîtres des requêtes en service
er o
extraordinaire. - Les articles 1 à 3 du décret n 2010-101 du
o
28 janvier 2010 susvisé sont abrogés (Décr. n 2012-1088 du 28 sept.
2012, art. 4, JO 29 sept.).
150. Il faut mettre à part les assistants de justice qui, en vertu de la loi du
9 septembre 2002, peuvent être nommés auprès du Conseil d'État (CJA,
art. L. 122-2 ) comme ils peuvent l'être auprès des tribunaux administratifs
et des cours administratives d'appel (art. L. 227-1 ) et des juridictions
judiciaires. Ils le sont pour une durée de deux ans renouvelable deux fois
(art. L. 122-2 ). Ils « apportent leur concours aux travaux préparatoires
réalisés par les membres du Conseil d'État pour l'exercice de leurs
attributions » (art. R. 122-30 ) : ils sont principalement affectés au
contentieux. Il ne faut pas les confondre avec les stagiaires (essentiellement
des avocats stagiaires et étudiants avancés) recrutés sans formalisme pour
une période de 4 à 6 mois. Assistants de justice et stagiaires (au total 57 en
juin 2012) sont constitués en onze équipes (une par sous-section plus une
auprès du président de la Section), formées d'un assistant de justice et de
trois ou quatre stagiaires, qui apportent de manière active et efficace une
aide à la décision (informations aimablement données par M. Bernard Stirn,
président de la Section du contentieux).
75
151. Il n'y a guère matière à différencier les droits et obligations des
membres du Conseil d'État de ceux de tous les agents publics,
fonctionnaires, magistrats ou autres. Les textes n'en donnent pas une
énumération particulière. Le renvoi au statut général des fonctionnaires pour
toutes les dispositions auxquelles le statut des membres du Conseil d'État ne
déroge pas permet de les identifier (V. la loi du 13 juillet 1983 portant droits
et obligations des fonctionnaires). Tout au plus peut-on mentionner
l'obligation de consacrer l'intégralité de l'activité professionnelle aux tâches
qui leur sont confiées, l'interdiction d'exercer une activité lucrative et le
secret professionnel.
152. La réforme de 1963 a été l'occasion d'un rappel qui n'a pas paru
inutile : interdiction pour les membres du Conseil d'État de se prévaloir, à
l'occasion de leur activité politique, de l'appartenance au Conseil (CJA,
art. L.131-2) ; obligation de s'abstenir de toute manifestation de nature
politique incompatible avec la réserve qu'imposent leurs fonctions
(art. L. 131-3 ) ; interdiction de s'absenter (en dehors des périodes de
vacances) sans avoir obtenu du vice-président un congé, accordé après avis
des présidents des sections auxquelles sont affectés les intéressés
(art. R. 131-2) ; possibilité de se livrer à des travaux scientifiques, littéraires
ou artistiques et à toutes activités d'ordre intellectuel (notamment
d'enseignement (possibilité largement utilisée), qui ne seraient pas de nature
à porter atteinte à la dignité ou à l'indépendance des intéressés (pourquoi
avoir formulé cette condition, qui a l'air de viser des hypothèses qui ne
seraient pas d'école ?) (art. R. 131-1).
76
principes et bonnes pratiques. Le Collège a rendu le 4 juin 2012 ses trois
premiers avis à la demande de magistrats administratifs qui l'interrogeaient
sur leur situation, et, de sa propre initiative, une recommandation au sujet
des membres de la juridiction administrative ayant appartenu à des cabinets
ministériels. La Charte et le Collège sont une illustration d'un phénomène
para-juridique contribuant à la précision et à l'officialisation du droit sans le
modifier (V. VIGOUROUX et GONOD, À propos de la charte de déontologie de
la juridiction administrative, AJDA 2012. 875 ).
154. La déontologie des membres du Conseil d'État est telle que c'est
seulement pour mémoire et par souci d'être complet qu'on évoque ici leur
régime disciplinaire. Les sanctions prévues vont classiquement de
l'avertissement à la révocation (art. L. 136-1). Les deux premières
(avertissement et blâme) peuvent être prononcées, sans consultation de la
Commission consultative, par le vice-président. Les autres (exclusion
temporaire, mise à la retraite d'office, révocation) le sont après avis de cette
Commission par l'autorité investie du pouvoir de nomination, c'est-à-dire,
o
selon le grade (supra, n 146), par décret du président de la République en
Conseil des ministres ou non. On n'en connaît pas d'exemple.
er
Art. 1 - Le recrutement
156. La particularité du statut du Conseil d'État est très marquée dans son
recrutement, qui combine à un recrutement à la base par concours un
recrutement à un « tour extérieur » dont la justification est d'apporter au
Conseil d'État l'expérience de personnes ayant eu préalablement une autre
activité. La solution est ancienne. Elle a pu être critiquée comme permettant
des nominations à la faveur du pouvoir. Ce n'est pas exclu. Mais, en dehors
de quelques cas (d'ailleurs difficiles à identifier), l'expérience montre l'utilité
de l'apport neuf que constitue le tour extérieur et l'amalgame entre les
membres du Conseil d'État recrutés par concours et ceux qui sont nommés
au tour extérieur, illustré par l'exercice de fonctions importantes au sein du
77
Conseil au même titre que les membres issus du concours. Des dispositions
récentes tendent à encadrer le recrutement au tour extérieur sans qu'on
puisse affirmer qu'elles permettent nécessairement un meilleur résultat
qu'auparavant. C'est à chaque grade qu'il faut identifier le mode de
recrutement initial, la nomination par avancement devant être étudiée plus
loin.
e
157. Les auditeurs de 2 classe sont exclusivement recrutés par concours.
Jusqu'à la création de l'École nationale d'administration, ils l'étaient par la
voie d'un concours propre au Conseil d'État comme d'autres concours
pourvoyaient à d'autres corps de l'État. Aux termes de l'article L. 133-6 du
e
code de justice administrative, « les auditeurs de 2 classe sont nommés
parmi les anciens élèves de l'École nationale d'administration selon les règles
propres au classement des élèves de cette école » : en fait le choix des
premiers se porte sur le Conseil. La tentative de suppression de ce système
pour le remplacer par des modalités où le choix aurait été fait plus par le
corps que par les élèves s'est heurtée d'une part à la nécessité, pour les
auditeurs au Conseil d'État, d'une disposition législative, d'autre part à la
censure de l'amendement l'introduisant dans un texte de loi avec lequel il
o
n'avait pas de lien même indirect (Cons. const. 12 mai 2011, n 2011-129
o
DC, JCP Adm. 2011, n 26, note Jean Pierre). Le motif de procédure a été un
bien commode instrument pour écarter une réforme qui suscitait une vive
opposition au fond. Les auditeurs restent donc recrutés par le classement de
o
sortie de l'ENA (V. Décr. n 2012-667 du 4 mai 2012). Ils sont nommés par
décret du président de la République.
re
158. Pour les auditeurs de 1 classe, il n'existe pas en principe de
e
recrutement direct, mais seulement l'avancement des auditeurs de 2 classe
o
(infra, n 168). Une exception est ouverte par l'article L. 4139-2 du code de
la défense, qui permet à un militaire d'un certain grade et d'une certaine
ancienneté d'être d'abord détaché pour occuper un emploi vacant dans
l'administration, puis, au bout d'un an, d'être intégré dans le corps
correspondant. Il s'agit donc d'un dispositif général qui peut s'appliquer et a
re
déjà été appliqué au Conseil d'État au niveau des auditeurs de 1 classe,
comme il peut l'être à un autre niveau, notamment celui des maîtres des
requêtes.
159. Il s'insère alors dans les cas de recrutement direct des maîtres des
requêtes qu'il faut désormais qualifier « en service ordinaire » pour les
distinguer de ceux qui peuvent, selon la loi du 12 mars 2012, être nommés
o
en service extraordinaire (infra, n 165). On verra que les maîtres des
78
requêtes sont nommés principalement par avancement des auditeurs (infra,
o
n 169). D'autres le sont aussi directement au tour extérieur, selon un
système ancien et toujours actuel, dans une proportion ne pouvant dépasser
un quart (CJA, art. L. 133-4 ) qui est en fait toujours appliquée. Les
maîtres des requêtes nommés au tour extérieur doivent avoir au moins
trente ans et avoir accompli au moins dix ans de services publics, tant civils
que militaires (ne peuvent être pris en compte les services accomplis par un
parlementaire au titre de son mandat électif : CE 11 avr. 1919, Labussière et
o
d'Hughes, Lebon 395. – Avis, ass. gén., 10 juill. 1980, n 327296, EDCE
o o
1980-1981, n 32, p. 200). La loi n 2012-347 du 12 mars 2012 permet
chaque année, sans que s'applique la proportion du quart, de nommer au
grade de maître des requêtes un fonctionnaire ou un magistrat ayant exercé,
pendant une durée de quatre ans, les fonctions de maître des requêtes en
service extraordinaire (CJA, art. L. 133-12 ). Dans tous les cas, la
nomination est proposée par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, et
prononcée par décret du président de la République (mais non en Conseil des
ministres).
ACTUALISATION
160. Dispositions relatives à la nomination des membres du
Conseil d'État choisis parmi les magistrats des tribunaux
administratifs et des cours administratives d'appel. - Un décret du
28 septembre 2012 modifie l'article R.* 133-4 du code de justice
administrative. Désormais : « Les maîtres des requêtes nommés en
application du deuxième alinéa de l'article L. 133-8 sont choisis parmi les
magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives
79
d'appel ayant le grade de président ou de premier conseiller » (Décr.
o er o
n 2012-1088 du 28 sept. 2012, art. 1 , 2 , JO 29 sept.).
ACTUALISATION
162. Dispositions relatives à la nomination des membres du
Conseil d'État choisis parmi les magistrats des tribunaux
administratifs et des cours administratives d'appel. - Un décret du
28 septembre 2012 modifie l'article R.* 133-3 du code de justice
administrative. Désormais : « Les conseillers d'État nommés en
application du premier alinéa de l'article L. 133-8 sont choisis parmi les
magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives
d'appel ayant le grade de président et exerçant les fonctions définies par
o
les articles L. 234-4 ou L. 234-5 » (Décr. n 2012-1088 du 28 sept.
er o
2012, art. 1 , 2 , JO 29 sept.).
80
Depuis le décret du 15 avril 2015, la condition d'exercice « de fonctions
définies par les articles L. 234-4 ou L. 234-5 » a été supprimée (Décr.
o er o
n 2015-426 du 15 avr. 2015, art. 1 , 1 , JO 17 avr.).
163. On doit souligner le rôle du Conseil d'État, en fait et en droit, dans les
recrutements au tour extérieur. Pour la nomination comme maître des
requêtes ou conseiller d'État de membres du corps des tribunaux
administratifs et des cours administratives d'appel, c'est le vice-président
délibérant avec les présidents de section qui fait la proposition (CJA,
art. L. 133-8 ) : en réalité le bureau maîtrise le système. Pour les autres
nominations au tour extérieur, en vertu d'une disposition adoptée par la loi
du 28 juin 1994 (art. L. 133-7 ), les nominations doivent être précédées
d'un avis du vice-président du Conseil d'État. Quant au fond, « cet avis tient
compte des fonctions antérieurement exercées par l'intéressé, de son
expérience et des besoins du corps » ; on ne peut exclure qu'il tienne compte
aussi de considérations de pure opportunité. Quant à la forme, non
seulement cet avis est communiqué à l'intéressé sur sa demande, mais
encore son sens, favorable ou défavorable, est mentionné dans les visas du
décret de nomination. On a vu une fois un avis défavorable, ce qui n'a
empêché ni le gouvernement de procéder à la nomination, ni le bénéficiaire
de l'accepter toute honte bue. Le recours d'un tiers intéressé contre une telle
nomination pourrait s'appuyer sur le contenu défavorable de l'avis pour
soutenir qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et obtenir son
annulation, comme cela a été le cas pour des nominations au tour extérieur
dans d'autres corps (CE, ass., 16 déc. 1988, Bleton, Lebon 451 ; RFDA 1989.
81
522, concl. Vigouroux, note Baldous, Négrin et Dietsch ; AJDA 1989. 102,
chron. Azibert et de Boisdeffre ; JCP 1989. II. 21228, note Gabolde. –
o
23 déc. 2011, req. n 346629 , Synd. parisien des administrations
centrales, économiques et financières, AJDA 2012. 607, note Dord ; RFDA
2012. 115, note Pacteau ).
82
magistrats ou universitaires détachés auprès du Conseil d'État ou mis à sa
o
disposition (supra, n 149). Contrairement aux conseillers d'État en service
extraordinaire, les maîtres des requêtes en service extraordinaire exercent
les fonctions dévolues aux maîtres des requêtes, c'est-à-dire que,
contrairement aux conseillers d'État en service extraordinaire, ils peuvent
être affectés au contentieux, et le sont effectivement pour l'essentiel.
ACTUALISATION
165. Dispositions relatives aux maîtres des requêtes en service
extraordinaire. - Pris pour l'application du chapitre III du titre III de la
loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à
l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la
fonction publique, un décret du 28 septembre 2012 fait évoluer le statut
des maîtres des requêtes en service extraordinaire. Sont ainsi ajoutés un
article R.* 133-10 au code de justice administrative selon lequel : « La
nomination des maîtres des requêtes en service extraordinaire est
prononcée pour une durée de quatre ans par arrêté du vice-président du
Conseil d'État. / Les maîtres des requêtes en service extraordinaire sont
détachés auprès du Conseil d'État ou mis à sa disposition. / Les services
accomplis en qualité de maître des requêtes en service extraordinaire
sont pris en compte, le cas échéant, au titre de la mobilité statutaire des
corps recrutés par la voie de l'École nationale d'administration et des
administrateurs des postes et télécommunications » ; un article R.* 133-
11 au même code aux termes duquel : « À l'exception du deuxième
alinéa de l'article R. 121-3, les dispositions du présent code relatives aux
maîtres des requêtes sont applicables aux maîtres des requêtes en
service extraordinaire » ; ainsi qu'un article R.* 133-12 qui précise :
« Après trente mois au moins d'exercice de leurs fonctions, les maîtres
des requêtes en service extraordinaire peuvent présenter leur
candidature pour une nomination, en application de l'article L. 133-12,
au grade de maître des requêtes ». Le même décret indique que pour
l'application des dispositions de l'article L. 133-12 du code de justice
administrative, les fonctions normalement dévolues aux maîtres des
requêtes et aux auditeurs en application des dispositions de l'article 2 du
o er
décret n 2004-1088 du 14 octobre 2004 ou de l'article 1 du décret
o
n 2010-101 du 28 janvier 2010 sont regardées comme ayant été
accomplies en qualité de maître des requêtes en service extraordinaire
o
au sens de l'article L. 133-9 du même code (Décr. n 2012-1088 du
28 sept. 2012, art. 2, JO 29 sept.).
83
166. Ce dispositif se combine désormais avec le cas des fonctionnaires et
magistrats détachés au Conseil d'État ou mis à sa disposition (supra,
o
n 149), nommés dans les fonctions de maître des requêtes ou d'auditeur (ils
en ont l'emploi mais non le grade), pour deux ans, par arrêté du garde des
Sceaux, ministre de la Justice et, le cas échéant, du ou des ministres
intéressés, avec l'accord préalable du vice-président du Conseil d'État donné
après consultation des présidents de section : le Conseil d'État contrôle ainsi
le recrutement. Il ne peut être passé outre le désaccord du vice-président ;
bien plus, à sa demande, il est mis fin avant terme au détachement ou à la
o
mise à disposition (Décr. n 2010-101 du 28 janv. 2010, préc. supra,
o
n 149). L'avenir dira si le système des maîtres des requêtes en service
extraordinaire englobe complètement celui des fonctionnaires et magistrats
détachés ou mis à disposition.
Art. 2 - La carrière
167. On pourrait dire que la carrière des membres du Conseil d'État est
rectiligne si l'on observait seulement les règles de l'avancement et son
déroulement au sein du Conseil jusqu'à la fin de la carrière. Cette
appréciation est largement contredite, au moins pour beaucoup d'entre eux,
par l'exercice d'activités hors du Conseil d'État dans des positions diverses
os
(V. infra, n 172 s.). Du moins, en tant que membres du Conseil d'État, leur
avancement et leur admission à la retraite présentent une unité certaine.
168. Les règles de l'avancement n'ont lieu d'être précisées ici qu'au sujet
des membres du corps du Conseil d'État. Il n'est pas nécessaire d'entrer
dans les détails de l'avancement d'échelon dans chaque grade, sauf à
indiquer que le nombre d'échelons n'est pas le même d'un grade à l'autre
e re
(auditeurs de 2 classe : 7 ; auditeurs de 1 classe : 4 ; maîtres des
requêtes : 8 ; conseillers d'État : 2), et que le temps à passer à chaque
échelon pour accéder à l'échelon supérieur n'est pas le même non plus. Il
suffit de renvoyer pour les précisions à l'article R. 134-1 du code de justice
administrative. Seul l'avancement de grade doit être ici analysé. Il faut
distinguer le droit et le fait pour deux séries d'avancements, selon qu'elles
concernent ou non les grades de président.
169. Pour l'avancement aux grades autres que celui de président, les textes
re
fixent des règles : nomination des auditeurs de 1 classe parmi les auditeurs
e
de 2 classe, des maîtres des requêtes pour les trois quarts au moins parmi
re
les auditeurs de 1 classe par décret sur proposition du garde des Sceaux,
84
ministre de la Justice ; nomination des conseillers d'État pour les deux tiers
au moins parmi les maîtres des requêtes, par décret en Conseil des ministres
sur proposition du garde des Sceaux, ministre de la Justice. Quelques
garanties sont données aux auditeurs (CJA, art. R. 134-7) et aux maîtres des
requêtes (art. R. 134-5) pour être promus au grade supérieur après un
certain nombre d'années (respectivement huit et dix-huit ans). Les garanties
o
sont plus fortes encore en fonction d'une convention (supra, n 143), selon
laquelle l'avancement se fait exclusivement à l'ancienneté. Cela explique qu'il
n'y ait pas de tableau d'avancement (art. R. 134-2). Cela éclaire le rôle du
vice-président : que, délibérant avec les présidents de section, il fasse les
e re
présentations pour l'avancement des auditeurs de la 2 à la 1 classe
re
(art. R. 134-8), et de la 1 classe au grade de maître des requêtes
(art. R. 134-6), ou propose une liste de trois noms pour la promotion des
maîtres des requêtes au grade de conseiller d'État (art. R. 134-4). Il suit
toujours l'ancienneté.
85
autre que celle qu'ils présidaient, et sont de droit présidents adjoints de la
section administrative à laquelle ils sont affectés. D'autres aménagements
résultent du droit commun de la fonction publique : recul d'un an de la limite
d'âge pour avoir élevé trois enfants ou plus. Le recul progressif de l'âge de la
o
retraite jusqu'à 67 ans en vertu de la loi n 2010-1330 du 9 novembre 2010
portant réforme des retraites (art. 28 et 29), qui s'appliquera pleinement aux
o
fonctionnaires nés à partir de 1956, c'est-à-dire en 2021 (Décr. n 2011-754
du 28 juin 2011, art. 3), va faire remonter la limite d'âge. Il arrive que les
membres du Conseil d'État demandent à faire valoir leur droit à la retraite ou
même leur radiation des cadres avant d'avoir atteint la limite d'âge. C'est
principalement le cas lorsqu'ils ont bénéficié précédemment d'une position
hors du Conseil d'État.
172. Les positions des membres du Conseil d'État ne sont pas régies par des
dispositions entièrement spécifiques : il s'agit pour l'essentiel du droit
commun de la fonction publique. Elles méritent néanmoins d'être précisées
tant sont utilisées les possibilités qu'elles offrent, notamment pour les
activités hors du Conseil d'État. Elles sont l'objet des articles R. 135-1 et
suivants du code de justice administrative.
86
contentieux, pour une durée ne devant pas dépasser dix ans (art. R. 122-5),
exceptionnellement prolongée d'un an, des maîtres des requêtes (parfois des
auditeurs), à raison de deux par sous-section du contentieux, donc au total
vingt, qui présentent leurs conclusions devant les différentes formations
contentieuses.
87
ayant lieu hors tour : la tradition de l'avancement à l'ancienneté leur profite
o
(supra, n 143). À la fin du détachement, ils sont soit, à leur demande,
réintégrés au Conseil dans leurs fonctions et à leur rang, soit, faute de
er
demander leur réintégration, rayés des cadres (art. R. 135-6). Au 1 janvier
2012, les membres du Conseil en détachement étaient au nombre de quatre-
vingts (même source), notamment dans les emplois les plus élevés de
l'administration française (secrétaire général du gouvernement, directeurs
d'administration centrale, préfets, présidents ou directeurs d'entreprises
publiques, d'autorités administratives indépendantes) et même des pouvoirs
publics constitutionnels (gouvernement, Conseil constitutionnel) et de
juridictions internationales (Cour internationale de justice, Cour de justice de
l'Union européenne). C'est une des manifestations du rayonnement et de
l'influence du Conseil d'État hors du de ses murs, de son sein.
88
179. Les textes établissent quelques précautions. De manière générale, la
commission de déontologie créée par la loi du 29 janvier 1993 est appelée à
donner son avis sur la compatibilité de l'activité privée qu'un fonctionnaire
envisage d'exercer avec les fonctions qu'il a exercées dans l'administration,
ici celles du Conseil d'État. Plus particulièrement, selon l'article R. 135-9 du
code de justice administrative, tout membre du Conseil placé en disponibilité
pour convenances personnelles doit porter à la connaissance du Premier
ministre, à travers le vice-président et le garde des Sceaux, ministre de la
Justice, les modifications survenues aux fonctions en raison desquelles ce
régime lui a été appliqué. Si cette activité apparaît inopportune ou contraire
à l'intérêt public, il peut être radié des cadres. Au surplus, à la fin de la
période de disponibilité, la réintégration au Conseil peut être refusée pour
raison d'opportunité ayant trait à l'activité exercée pendant cette période.
180. Il faut aller au-delà des textes, surtout si l'on observe les dérives
auxquelles conduit la mise en disponibilité lorsqu'elle est demandée et
obtenue pour exercer l'activité d'avocat – ce qui est le cas aujourd'hui d'une
vingtaine de membres du Conseil d'État. On peut comprendre qu'ils trouvent
plus intéressante à tous égards une activité au barreau (ou plus exactement
dans les cabinets d'avocats d'affaires) et qu'il soit difficile de les empêcher de
partir. Mais on ne comprend pas que ne soit pas alors coupé le lien entre les
intéressés et le Conseil d'État. L'avocat en disponibilité du Conseil reste
membre du Conseil, même s'il n'y siège pas : il peut s'en prévaloir, y
compris dans des écrits, ce qui, à défaut d'un texte comme celui qui interdit
aux membres du Conseil d'État de se prévaloir de cette appartenance dans
o
leur activité politique (supra, n 152), devrait être exclu par la conscience
déontologique ; cette appartenance peut impressionner les clients et les
juges. Depuis 2008, les arrêtés de mise en disponibilité ne précisent plus
qu'ils sont destinés à permettre aux bénéficiaires d'exercer l'activité d'avocat
dans un cabinet déterminé. Désormais il ne devrait plus y avoir de mise en
disponibilité pour cette activité. Si les membres du Conseil d'État veulent
devenir avocats, ils doivent le quitter définitivement et courir leur chance
sans possibilité de retour – à égalité avec les autres avocats.
89
Mais les qualificatifs employés comportent une certaine ambiguïté, pour deux
raisons.
er
Chapitre 1 - Les fonctions non juridictionnelles
90
administratives ou d'intérêt général » (art. R. 137-1 à R. 137-4). Deux cas
sont distingués, selon l'initiative de cette participation.
187. Dans le second cas (art. R. 137-1), le lien est plus lâche. Ce n'est pas
la demande du gouvernement qui officiellement est à l'origine des activités
exercées (mais en fait le gouvernement ne peut être écarté de la démarche).
Il est seulement admis que les membres du Conseil d'État participent aux
travaux de commissions ou conseils à caractère administratif ou
juridictionnel établis auprès des administrations, établissements ou
entreprises publiques, ou soient chargés de missions auprès d'eux ou auprès
d'organisations internationales dont la France fait partie. Ce peut être
notamment le cas auprès de cabinets ministériels (ce qui implique
évidemment la demande du ministre). L'agrément du vice-président du
Conseil d'État est nécessaire et l'activité exercée doit être compatible avec
les fonctions des intéressés au sein du Conseil d'État. Les liens avec le
Conseil sont donc maintenus.
188. Ils restent très forts lorsque les intéressés restent au Conseil dans une
o
situation d'activité « pure » (supra, n 173), ce qui est le plus souvent le cas
dans la première hypothèse, sans que soit changée la possibilité d'une
affectation à toutes les formations du Conseil. Ils le sont un peu moins dans
la seconde hypothèse lorsqu'ils sont placés dans la position de délégation
o
(supra, n 175), qui ne permet au sein du Conseil qu'une affectation à une
section administrative et une participation à l'assemblée générale
(art. R. 137-2), et non à une formation contentieuse. De toute façon, dans
tous les cas, les membres du Conseil d'État qui ont connu d'une affaire dans
leurs activités extérieures ne peuvent participer à son examen si elle vient au
contentieux. Cela permet d'écarter les critiques portant sur la confusion des
fonctions administratives et des fonctions contentieuses des membres du
91
Conseil d'État, autant dans leur activité individuelle que dans leur activité
collégiale.
re
Section 1 - Les fonctions normatives
er
Art. 1 - Les fonctions normatives dans l'ordre législatif
93
o
discipline » (Rapport public 2010, EDCE 2010, n 61, p. 97). Il a pu constater
des améliorations mais aussi déplorer des insuffisances (Rapport public
o
2011, EDCE 2011, n 62, p. 96-97). « L'année 2011 a permis, pour plusieurs
catégories particulières de projets de loi, de préciser les exigences […] en
matière d'études d'impact […] D'une façon générale, le Conseil d'État a
relevé que, même si des progrès notables sont à mettre au crédit des
administrations, la qualité des études d'impact ou s'agissant des lois de
finances, des évaluations préalables, doit encore être sensiblement
o
améliorée » (Rapport public 2012, EDCE 2012, n 63, p. 131). On peut se
demander quelles seraient les incidences d'une insuffisance des études
d'impact au stade de la transmission d'un projet de loi au Conseil d'État alors
même qu'il demanderait de la refaire ou de la compléter (Rapport public
o
2011, EDCE 2011, n 62, p. 140. – V. aussi sur le site du Conseil d'État la
conférence du 29 novembre 2010 de M. SAUVÉ, vice-président du Conseil
d'État, sur « Le rôle du Conseil d'État dans la mise en œuvre des études
d'impact ». – PHILIP-GAY (dir.), Les études d'impact accompagnant les
projets de loi, 2012, LGDJ).
94
conseillers régionaux (Rec. Cons. const., p. 325 ; AJDA 2003. 948, note
Drago ; LPA 13 mai 2003, p. 5, note Schoettl ; RD publ. 2003. 948, note
Andriantsimbazovina). Après avoir cité l'article 39 de la Constitution, le
Conseil constitutionnel considère, par une formule de principe, « que, si le
Conseil des ministres délibère sur les projets de loi et s'il lui est possible d'en
modifier le contenu, c'est, comme l'a voulu le constituant, à la condition
d'être éclairé par l'avis du Conseil d'État ; que, par suite, l'ensemble des
questions posées par le texte adopté par le Conseil des ministres doivent
avoir été soumises au Conseil d'État lors de sa consultation ». En l'espèce,
s'agissant des conditions nécessaires pour qu'une liste puisse se maintenir au
second tour des élections régionales, le texte soumis au Conseil d'État
prévoyait un seuil de 10 % du total des suffrages exprimés au premier tour ;
le texte adopté par le Conseil des ministres y avait substitué le seuil de 10 %
du nombre des électeurs inscrits ; or « ce seuil de 10 % des électeurs
inscrits n'a été évoqué à aucun moment lors de la consultation de la
commission permanente du Conseil d'État » ; dès lors « cette disposition du
projet de loi a été adoptée selon une procédure irrégulière » et a été
déclarée, pour ce motif, contraire à la Constitution. Cette censure pour vice
de procédure a évité au Conseil constitutionnel de statuer sur le fond du
dispositif. Elle est la première qui marque l'exigence constitutionnelle de la
consultation du Conseil d'État sur les projets de loi : en parlant « de
l'ensemble des questions posées par le texte », elle admet que, le cas
échéant, ce ne soit pas le libellé du texte strictement entendu qui ait été
connu du Conseil d'État (comme c'est le cas en matière réglementaire), mais
plus fondamentalement l'ensemble des questions qu'il pose. Elle en souligne
l'importance. Cela pourrait conduire à d'autres censures au cas où le
gouvernement, par le caractère expéditif de la saisine du Conseil d'État, ne
laisserait pas à celui-ci le temps nécessaire pour une étude approfondie des
projets de loi. Le Conseil d'État a dénoncé plusieurs fois la brièveté des délais
qui lui sont impartis, notamment pour les projets de loi de finances : « la
réitération de telles pratiques pourrait être de nature à affecter la régularité
de la procédure de consultation du Conseil d'État organisée par l'article 39 de
o
la Constitution » (Rapport public 2011, EDCE, 2011, n 62, p. 95).
95
être critiquée comme infléchissant le rôle du Conseil d'État de conseil du
gouvernement en conseil du Parlement. L'observation est exacte si l'on
considère les rapports d'organe à organe. Elle peut être surpassée si l'on
considère, au-delà des précédents historiques, le rôle du Conseil d'État dans
l'œuvre législative : à cet égard, il importe peu qu'un texte soit d'origine
gouvernementale ou d'origine législative. L'essentiel est son caractère
normatif : il n'y a pas plus d'anomalie à faire examiner par le Conseil d'État
un texte législatif d'initiative parlementaire qu'un texte d'initiative
gouvernementale. On peut même dire que, le cas échéant, la consultation du
Conseil d'État sur un texte d'initiative parlementaire pourrait permettre de
contrebattre le procédé consistant pour le gouvernement, afin d'éviter la
consultation du Conseil d'État sur un projet de loi, à le faire présenter par un
parlementaire sous forme de proposition de loi, comme cela a pu se produire
(par exemple pour le Pacte Civil de Solidarité en 1999) : la saisine du Conseil
d'État sur cette proposition rattraperait le coup. Il ne faut pas cependant se
faire trop d'illusions : si la majorité parlementaire est aussi décidée que le
gouvernement à se passer du Conseil d'État, la loi que l'une et l'autre
veulent faire adopter ne sera pas précédée de son avis. C'est en réalité plus
pour des propositions de loi d'ordre technique que pour celles présentant un
enjeu politique que le Conseil d'État sera consulté.
96
précisé les conditions d'application. On peut observer que leurs dispositions
sont insérées dans le code de justice administrative au titre de celles qui
concernent « le Conseil d'État dans l'exercice de ses attributions
administratives et législatives ». Il est précisé notamment que l'auteur de la
proposition de loi, informé par le président de l'assemblée à laquelle il
appartient de son intention de saisir le Conseil d'État, dispose d'un délai de
cinq jours pour s'y opposer, qu'il peut produire devant le Conseil d'État
toutes observations, être entendu par le rapporteur et participer avec voix
consultative aux séances du Conseil au cours desquelles la proposition est
examinée. Si l'examen de la proposition de loi n'est pas fondamentalement
différent de l'examen des projets de loi, il n'en reste pas moins une
différence importante : elle tient à ce que le Conseil procède, non pas à la
rédaction d'un texte qui est ensuite remis à l'auteur de la proposition
(comme est remis au gouvernement une version d'un projet de loi), mais à
la formulation d'un avis. À cet égard, l'intervention du Conseil d'État est non
pas « rédactionnelle » comme pour les projets de loi, mais très exactement
« consultative ». Cela aurait pu justifier qu'on l'étudie dans les
développements consacrés aux fonctions consultatives du Conseil d'État
os
(infra, n 226 s.). Mais elle s'insère dans le processus de l'élaboration de la
loi et présente ainsi un caractère normatif.
97
des observations particulières du Conseil d'État. Pour une nouvelle
proposition de loi relative à la simplification du droit et à l'allégement des
o
démarches administratives, qui est devenue la loi n 2012-387 du 22 mars
2012, l'avis demandé également au Conseil d'État a été présenté dans le
pré-rapport accessible aux membres de la Commission des lois et repris,
pour certains articles, dans le rapport établi après délibération de la
Commission. Des parlementaires ont exprimé leur opposition de principe à la
consultation du Conseil d'État, comme ont pu le faire certains membres de la
doctrine (GONOD, V. bibliographie).
99
o
9 juill. 2007, req. n 297711 , Synd. Entreprises générales de France-
Bâtiment Travaux publics, Lebon 298, concl. Boulouis. – 28 mars 2011,
o
req. n 234533, Ordre des avocats au barreau de Strasbourg). Si, entre le
moment où le Conseil d'État a délibéré sur un projet de décret et celui où a
été adopté le décret, est intervenu un texte, telle une directive, modifiant
l'état du droit au regard duquel le décret doit être apprécié, le gouvernement
ne peut adopter le décret sans solliciter au préalable du Conseil d'État un
o
nouvel examen (CE, ass., 15 avr. 1996, req. n 110464 , Union nationale
des pharmacies et autres, Lebon 127 ).
100
pourtant pas de reconnaître l'importance du rôle du Conseil d'État dans
l'élaboration de normes administratives.
er
§ 1 - Les normes administratives réglementaires
101
208. Se distinguent des précédentes les ordonnances que l'article 74-1,
introduit dans la Constitution par la réforme du 28 mars 2003 et légèrement
remanié par celle du 23 juillet 2008, permet au gouvernement de prendre
pour étendre ou adapter dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article
74, les dispositions législatives dans les matières qui demeurent de la
compétence de l'État. Ces ordonnances sont prises en Conseil des ministres
après avis des assemblées délibérantes intéressées et du Conseil d'État. Elles
ont comme les précédentes une nature réglementaire tant qu'elles ne sont
pas ratifiées. Le Conseil d'État exerce pour elles le même rôle que pour celles
de l'article 38.
102
prévaloir le règlement d'administration publique sur le décret en Conseil
d'État (arrêt Rivière), la situation a été apurée par la suppression de toute
référence aux règlements d'administration publique. Ceux-ci n'en ont pas
moins permis au Conseil d'État le plein exercice de sa fonction normative en
matière réglementaire, qu'il poursuit aujourd'hui avec des décrets
(V. DUFFAU, Grandeur et décadence du RAP, AJDA 1980. 468. – Le MIRE, La
réforme du pouvoir réglementaire autonome, RD publ. 1981. 1241).
211. Un rappel doit être formulé à ce sujet. Si les décrets sont des actes par
lesquels le Président de la République et le Premier ministre exercent le plus
souvent le pouvoir réglementaire, les décrets ne sont pas tous
réglementaires et les règlements ne sont pas tous des décrets. Par
conséquent, lorsqu'il est question ici de la participation du Conseil d'État à
l'exercice du pouvoir réglementaire par décret, cela ne signifie pas que toute
participation du Conseil d'État à l'adoption d'un décret soit d'ordre
réglementaire (on le verra précisément à propos de décrets non
réglementaires) ni que toute participation du Conseil d'État à l'adoption d'une
norme réglementaire porte sur des décrets (on vient d'en voir des exemples
avec les ordonnances de l'article 38 et de l'article 74-1 de la Constitution). La
distinction des décrets en Conseil d'État, des décrets pris après avis du
Conseil d'État et des décrets simples à laquelle on va procéder peut donc
valoir à la fois pour des décrets réglementaires et des décrets non
réglementaires. Mais, s'appliquant très souvent aux décrets réglementaires
pris en ou après avis du Conseil d'État, son analyse a sa place ici.
212. Pour l'essentiel, les décrets en Conseil d'État sont ceux qui doivent
obligatoirement être précédés de la délibération du Conseil d'État ; ils sont
pris « le Conseil d'État entendu » ; les décrets pris « après avis du Conseil
d'État » sont ceux qui sont facultativement précédés de la consultation du
Conseil d'État. Les formules des textes sont parfois approximatives.
213. Les textes déterminent les cas dans lesquels le Conseil d'État doit être
saisi d'un projet de décret réglementaire. Il faut mettre à part l'article 37,
alinéa 2, de la Constitution, en vertu duquel les textes de forme législative
ne peuvent être modifiés que « par décrets pris après avis du Conseil
d'État ». D'une part, la consultation du Conseil d'État est obligatoire (il s'agit
donc en réalité de décrets en Conseil d'État) ; d'autre part, après qu'un tel
décret a été pris, sa propre modification pourrait être réalisée ultérieurement
par un décret sans intervention du Conseil d'État à moins qu'il n'ait lui-même
er
disposé qu'il ne pouvait être modifié qu'en Conseil d'État (CE 1 févr. 1967,
Synd. « Groupe des industries métallurgiques mécaniques et connexes de la
région parisienne », Lebon 51). Tel n'est pas le cas pour les autres textes qui
imposent la délibération du Conseil d'État pour l'adoption d'un décret. Il peut
103
s'agir encore de dispositions constitutionnelles (par ex. art. 76, dern. al.). Il
s'agit surtout de dispositions législatives (lois organiques ou ordinaires).
L'intervention du Conseil d'État reste nécessaire pour modifier ou abroger ces
décrets.
217. Les actes particuliers, dits encore « décisions d'espèce » par certains
auteurs, ont pour caractéristique de n'être ni réglementaires ni individuels.
L'exemple type est celui de la déclaration d'utilité publique.
104
218. Précisément certaines déclarations d'utilité publique ne peuvent être
prononcées que par décret en Conseil d'État. L'article R. 11-2 du code de
l'expropriation les identifie : il s'agit principalement de celles qui portent sur
la création d'autoroutes, d'aérodromes, de canaux de navigation, de voies
ferroviaires, de canalisations d'hydrocarbures, de centrales électriques, d'une
certaine dimension. La Section des travaux publics est spécialement chargée
d'examiner ces projets. Elle le fait en vérifiant notamment le bilan qui, selon
la jurisprudence Ville Nouvelle Est (CE, ass., 28 mai 1971, Lebon 409, concl.
o
Braibant ; GAJA, n 85, p. 581), doit être établi entre les aspects positifs et
négatifs pour reconnaître leur utilité publique. Cela permet d'assurer en
amont un contrôle pouvant remédier à des insuffisances qui seraient
censurées en aval (V. AUBIN, Section des travaux publics, Section du
contentieux : regards croisés, Mélanges Labetoulle, 2007, Dalloz, p. 21).
Mais il arrive qu'une déclaration d'utilité publique par décret en Conseil d'État
soit cependant annulée par le Conseil d'État statuant en contentieux (CE
o
19 mars 2003, req. n 238665 , Ferrand, Lebon 818 ).
221. Ce rôle normatif, même lorsque l'exigence d'un avis conforme n'est pas
imposée par les textes, peut se trouver renforcé par la combinaison des deux
rôles du Conseil d'État, comme l'illustre l'affaire du classement du site des
Haras du Pin. Saisie du projet de décret, la Section des travaux publics avait
émis des réserves sur la soustraction de certaines parcelles au classement ;
saisie du recours contre le décret de classement, l'Assemblée du contentieux
a annulé le décret de classement en tant qu'il n'incluait pas ces parcelles, ce
qui revenait à compléter le décret en les y incluant (CE, ass., 16 déc. 2005,
105
o
req. n 261646 , Groupement forestier des ventes du Nonant, Lebon 583
; AJDA 2006. 320, concl. Aguila ).
223. Pour d'autres actes individuels, l'avis du Conseil d'État n'a pas à être
conforme, ni même obligatoire pour être pris. Ainsi, alors que pendant
longtemps le Conseil d'État devait être saisi de tout projet de décret
autorisant un changement de nom, il ne l'est plus nécessairement depuis la
loi du 8 janvier 1993 (C. civ., art. 61 ). Le garde des Sceaux peut
cependant demander l'avis du Conseil d'État (Décr. du 20 janv. 1994).
224. Même si l'avis du Conseil d'État qui doit être recueilli n'est pas un avis
conforme, la « jurisprudence » d'une section administrative dans une matière
peut être suffisamment ferme pour qu'un projet qui ne s'y conforme pas soit
l'objet d'un avis défavorable et que le gouvernement ne s'en écarte pas.
Cette « jurisprudence » est parfois formalisée dans un document élaboré par
le Conseil d'État qui, s'il ne s'impose pas en tant que tel, sert de modèle
duquel il ne faut pas s'écarter. Tel est le cas pour la reconnaissance d'utilité
publique d'associations par décret en Conseil d'État. La Section de l'Intérieur
a adopté des statuts types pour ces associations, qui, s'ils ne s'imposent pas
absolument, doivent normalement être suivis pour que puisse être donné un
avis favorable à la reconnaissance d'utilité publique (en ce sens notamment
o o
le rapport public de 2008, EDCE 2008, n 59, p. 74 et 2011, n 62, p. 160).
De même, il a établi des statuts types pour les fondations (Section de
o
l'Intérieur 2 avr. 2003, EDCE 2004, n 55, p. 192). Il peut y être dérogé le
cas échéant, mais le Conseil d'État ne l'admet que sur justification expresse
pour certaines dispositions.
225. Les actes individuels pris sur avis conforme du Conseil d'État (supra,
o
n 222) peuvent être des mesures défavorables aux intéressés (par exemple
106
refus de reconnaissance d'utilité publique d'une association, déchéance de la
nationalité française). Certaines sont prises en considération de la personne,
voire constituent de véritables sanctions (retrait ou déchéance de la
nationalité française). Au titre du principe des droits de la défense, les
intéressés doivent être mis à même de faire valoir leurs observations, qui
doivent être portées à la connaissance du Conseil d'État pour exprimer son
avis. Il a été souligné (BELRHALI-BERNARD, Les avis conformes du Conseil
d'État, AJDA 2008. 1181 , spéc. p. 1187) que, statuant au contentieux, le
Conseil d'État a annulé des décrets de retrait ou de déchéance de la
nationalité française sur lesquels le Conseil d'État avait précédemment émis
un avis conforme sans avoir eu connaissance d'éléments de défense des
intéressés (CE 20 mars 1964, Konarkowski, AJDA 1964. 497, obs. H. A. –
o
6 oct. 1999, req. n 193019, Mme Regraghi. – 9 févr. 2000, req.
o
n 191187 , Mme Zoungapo). De tels événements ne se produiraient pas si
les intéressés étaient appelés par le Conseil d'État lui-même, dans ses
formations administratives, à se défendre.
er
Art. 1 - Les réponses à des demandes d'avis
107
administrative ». Mais celle-là désignait les difficultés d'ordre contentieux et
est à l'origine des fonctions juridictionnelles du Conseil d'État, alors que
celle-ci ne désigne aujourd'hui que des fonctions consultatives.
109
droits, institué par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. La loi
o
organique n 20011-333 du 29 mars 2011 qui lui a été consacrée lui permet
(art. 31), lorsqu'il est saisi d'une réclamation non soumise à une autorité
juridictionnelle, soulevant une question touchant à l'interprétation ou à la
portée d'une disposition législative ou réglementaire, de consulter le Conseil
d'État. C'est au Défenseur des droits qu'il revient d'apprécier si l'avis doit
être publié.
110
devient conseil de l'outre-mer pour la répartition des attributions entre les
institutions.
239. La troisième catégorie d'avis n'a plus de rapport avec les précédentes.
Elle en a au contraire avec les fonctions contentieuses du Conseil d'État et
même des juridictions administratives dans leur ensemble. Elle a été ouverte
par la réforme de 1963 à la suite d'observations, formulées notamment par
Jean RIVERO, qui était membre de la commission préparant la réforme,
soulignant l'inefficacité dans certains cas des décisions rendues par la justice
administrative, faute de mécanismes contraignant l'administration à les
respecter. Même si, depuis lors, des progrès considérables ont résulté de
l'attribution d'un pouvoir d'injonction au juge administratif par la loi du
8 février 1995, le dispositif conçu en 1963, intégré désormais dans le code
de justice administrative, est toujours en vigueur et peut encore être mis en
œuvre.
240. Il peut l'être d'abord par « l'autorité intéressée » (qui peut ne pas être
le Premier ministre ou un ministre comme pour les avis « normaux »)
lorsqu'une juridiction administrative a annulé pour excès de pouvoir un acte
administratif ou, dans un litige de pleine juridiction, a rejeté tout ou partie
des conclusions présentées par une collectivité publique : elle peut demander
au Conseil d'État d'éclairer l'administration sur l'exécution de la décision
(CJA, art. R. 931-1 ). De leur côté aussi, « les parties intéressées peuvent
signaler au Conseil d'État les difficultés qu'elles rencontrent pour obtenir
l'exécution d'une décision rendue par le Conseil d'État ou une juridiction
administrative spéciale » (art. R. 931-2 ). La réponse du président de la
Section du rapport et des études au sujet de l'exécution d'une décision d'une
juridiction administrative ne peut faire l'objet d'une contestation
contentieuse, notamment si elle dit qu'il n'y a pas à prendre de mesure
o
d'exécution (CE 29 déc. 2000, req. n 222276 , Colombeau, Lebon 1141
; AJDA 2001. 895, concl. Mignon ).
111
Art. 2 - Les études
112
246. Il peut prendre deux formes. À l'occasion du Rapport annuel, sont
publiées en même temps que lui, depuis 1996 (et depuis 2008 dans un
volume distinct), des analyses sur un sujet déterminé (depuis « Le principe
d'égalité » en 1996, jusqu'à « Consulter autrement. Participer
effectivement » en 2010, et « Les agences » en 2011) qui constituent en soi
de véritables études. D'autres études font l'objet de travaux spécifiques (par
exemple en 2009, « Les recours administratifs préalables obligatoires », « La
révision des lois bioéthiques » ; en 2010, « Les établissements publics », et
« Réflexions sur l'institution d'un parquet européen »). Leur présentation,
leur contenu et leur portée sont sensiblement différents de ceux des avis
proprement dits. Mais, dans leur nature, ils ne se séparent pas de la fonction
consultative du Conseil d'État, même si leur préparation et leur présentation
peuvent présenter certaines particularités.
re
Section 1 - Le Conseil d'État, juge de premier et dernier ressort
248. La formule selon laquelle le Conseil d'État est compétent dans certains
cas en premier et en dernier ressort, pour classique et même officielle qu'elle
soit, notamment parce qu'elle est employée par les textes (Décr.-loi du
30 sept.1953 ; CJA, art. L. 311-2 s., R. 311-1 ), pourrait être trompeuse
car, au sens strict, les décisions juridictionnelles rendues en premier et
dernier ressort sont susceptibles de recours en cassation… devant le Conseil
113
os
d'État (V. infra, n 330 s.). Or, lorsque le Conseil d'État statue en premier et
dernier ressort, ses décisions ne peuvent donner lieu à pourvoi en cassation.
Il vaudrait mieux parler de compétence directe du Conseil d'État, comme il
o
lui arrive de le faire lui-même (par ex., CE 7 avr. 1993, req. n 81281 , Sté
d'exploitation immobilière et agricole du Midi, Lebon 101 ; CJEG nov.
1993, p. 497, concl. Legal, note Cardon. – CE, sect., 25 avr. 2001, req.
o
n 216521 , Assoc. Choisir la vie, Lebon 190 ; RFDA 2002. 541, concl.
Boissard ).
114
attributions de compétence directe qui sont importantes ; mais elles n'ont
plus l'étendue qu'elles ont longtemps eue.
er
Art. 1 - La compétence directe du Conseil d'État en raison de l'objet
du litige
256. En parlant d'objet du litige, les rédacteurs des textes ont utilisé un
euphémisme pour ne pas avoir à dire que le litige, et ses enjeux, sont trop
importants pour que soit laissée aux tribunaux administratifs la possibilité
d'en connaître. Ce n'est sans doute pas une manifestation de défiance à leur
égard. Mais leur position dans le système juridictionnel et administratif
français n'est pas suffisamment forte pour qu'ils puissent être confrontés à
des contestations dont l'issue peut être cruciale autant pour eux-mêmes que
pour les pouvoirs constitués. Il est préférable que, compte tenu de la place et
de l'autorité du Conseil d'État, lui seul soit appelé à connaître de recours
dont la « sensibilité » peut être grande. On va le voir dans la présentation de
différents chefs de compétence de premier et dernier ressort du Conseil
d'État, concernant les recours contre des actes d'autorités gouvernementales
et ceux d'autres autorités à compétence nationale, ensuite des recours en
matière électorale, enfin des recours propres à certaines collectivités d'outre-
mer.
er
§ 1 - La compétence directe du Conseil d'État pour des recours
contre des actes d'autorités gouvernementales
116
que prennent ces mêmes autorités lui échappent désormais. Du moins
l'essentiel lui est conservé. C'est en ce sens qu'on pourrait parler d'une
compétence de droit commun du Conseil d'État à l'égard de ces autorités,
limitée seulement par des exceptions au profit d'autres juridictions ; mais la
formule serait fausse car, même pour les autorités gouvernementales, la
compétence directe du Conseil d'État n'est reconnue que cas par cas.
117
autre) tendant à leur annulation ou à leur réformation, mais par voie
d'exception à l'occasion de la contestation d'une mesure qui en fait
application, les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel
sont compétents pour apprécier la légalité de ces actes, et le cas échéant
pour les écarter (sans en prononcer l'annulation).
264. Il faut enfin citer des décisions qui s'apparentent à certains égards aux
ordonnances : il s'agit de certaines de celles qui peuvent être prises dans le
cadre de l'article 16 de la Constitution. Si la décision de recourir à cet article
« présente le caractère d'un acte de gouvernement dont il n'appartient au
Conseil d'État ni d'apprécier la légalité ni de contrôler la durée
d'application », et si les décisions que, après avoir mis en application l'article
16, le président de la République, en vertu des pouvoirs exceptionnels que
lui donne cet article, prend dans le domaine de la loi ont une nature
législative les soustrayant au contrôle du juge administratif (en ce sens, CE,
ass., 2 mars 1962, Rubin de Servens, Lebon 143 ; JCP 1962. II. 12613,
o
concl. Henry ; RD publ. 1962. 294, concl. Henry ; GAJA, n 79, p. 532. –
13 nov. 1964, Min. de l'Intérieur c/ Livet, Lebon 534 ; AJDA 1965. 365, note
A. H. ; D. 1965. 668, note Demichel ; JCP 1965. II. 14286, note Langavant),
celles qu'il prend en dehors du domaine législatif ont une nature
administrative : les recours dirigés contre celles-là relèveraient de la
compétence directe du Conseil d'État. On n'en a pas trouvé d'exemple en
jurisprudence. Ceux qui sont donnés le plus souvent comme illustrations de
cette hypothèse concernent en réalité des décrets (CE, ass., 23 oct. 1964,
d'Oriano, Lebon 486 ; RD publ. 1965. 282, concl. Bernard ; AJDA 1964. 684,
chron. Puybasset et Puissochet ; D. 1965. 9, note Ruzié) à l'encontre
desquels le Conseil d'État doit être saisi directement.
119
qui ne sont ni réglementaires ni individuels (par ex. décrets de déclaration
d'utilité publique).
266. La compétence directe du Conseil d'État pour statuer sur les recours
contre les décrets se prolonge pour les recours dirigés contre le refus de les
abroger ou les modifier. Il en est ainsi quels que soient l'auteur, la forme ou
la portée du décret. Ainsi, ce n'est pas parce qu'un décret est réglementaire
que le recours contre le refus de le modifier ou de l'abroger relève de la
compétence du Conseil d'État, mais tout simplement parce qu'il s'agit d'un
décret (par ex. pour le refus de modifier un décret individuel : CE 4 déc.
1957, Brandstetter, Lebon 651. – 3 nov. 1976, Aufaure, Lebon 465. – Pour le
refus de modifier un décret déclaratif d'utilité publique : CE 23 févr. 1983,
Poulain, Lebon 665. – Pour le refus de modifier un décret réglementaire : CE,
ass., 3 févr. 1989, Cie Alitalia, Lebon 44 ; RFDA 1989. 391, concl. Chahid-
Nourai, notes Beaud et Dubouis ; AJDA 1989. 387, note Fouquet ; RTD
eur. 1989. 509, note Vergès ; Les grands arrêts de la jurisprudence
o
administrative [GACA], n 90, p. 638. – CE, ass., 20 déc. 1995, req.
o
n 132183 , Mme Vedel et Jannot, Lebon 440 ; CJEG 1996. 215 ; RFDA
1996. 313, concl. Delarue ; AJDA 1996. 124. Chron. Stahl et Chauvaux ).
ACTUALISATION
266. Refus de modifier un décret. Compétence du Conseil d'État
en premier et dernier ressort. - Le recours exercé contre une décision
de refus de modification d'un décret s'assimile à un recours dirigé contre
un décret. Par conséquent, le Conseil d'État est compétent en premier et
o
dernier ressort (CE 26 nov. 2012, M. B., req. n 356105 , AJDA
2012. 2248, obs. Necib ).
120
Richard, Lebon 405). Cette jurisprudence, qui n'est pas d'une parfaite clarté,
pourrait évoluer prochainement.
269. Mais, pas plus que pour tout décret (autre que réglementaire), le refus
de prendre un décret autorisant un changement de nom ne relève d'un
recours direct devant le Conseil d'État. Il doit être porté en premier ressort
o
devant un tribunal administratif (CE 2 oct. 1996, req. n 174195 , Pichon,
Lebon 364 ).
121
progressivement réduite : le décret du 22 février 2010 en est le dernier
avatar. Alors que précédemment c'est tout litige concernant « la situation
individuelle » des intéressés qui était réservé au Conseil d'État, désormais il
ne s'agit plus que de ceux qui portent sur le recrutement et la discipline (le
contentieux indemnitaire par exemple n'en fait plus partie : CE 5 déc. 2011,
o
req. n 347709 , Gollnisch).
122
est relatif à l'organisation du service public de l'éducation dans le
département pendant la période transitoire précédant le transfert définitif
o
organisé par cette loi) ; 7 août 2008, req. n 291158 , Comité économique
agricole fruits et légumes du bassin Rhône-Méditerranée, Lebon 654
(arrêté du ministre chargé de l'agriculture portant reconnaissance en qualité
d'organisation de producteurs d'une société d'intérêt collectif agricole –
o
solution implicite) ; 26 déc. 2008, req. n 312426 , Sté Air France
(décisions ministérielles d'homologation d'une redevance applicable à un
aéroport exploité par une chambre de commerce et d'industrie) ; 26 nov.
o
2010, req. n 328038 , SCP Goury-Laffont et Chauchefer (arrêté du garde
des Sceaux portant notamment transfert d'un office d'huissier, en tant qu'il
prononce ce transfert) ;
123
Union nationale de l'apiculture française (décision par laquelle le ministre de
l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de
l'Aménagement du territoire a autorisé la mise sur le marché du produit
phytopharmaceutique Cruiser 350 de la société Syngenta Agro SAS, même si
elle est assortie de prescriptions relatives aux conditions de son utilisation,
délivrée à une société en vue de la mise sur le marché d'un produit
déterminé).
274. La compétence directe du Conseil d'État est encore reconnue par des
dispositions éparses à l'égard de certains actes de ministres, par une
justification qui ne peut être autre que leur importance particulière, mais qui
n'a pas vraiment d'unité. Elle l'est par l'article R. 311-1 du code de justice
administrative pour les recours contre les décisions ministérielles prises en
matière de concentration économique : c'est aux pouvoirs reconnus au
ministre de l'Économie par le code de commerce qu'il est fait référence.
o
Avant la loi n 2008-776 du 4 août 2008, il les exerçait le cas échéant avec le
ministre duquel relevait le secteur concerné. Désormais ils appartiennent
principalement à l'Autorité de la concurrence, dont les décisions en matière
de concentration relèvent du Conseil d'État à un autre titre (V. infra,
o
n 281) ; mais, selon l'article L. 430-7-1 du code de commerce, le ministre
chargé de l'économie peut évoquer l'affaire et statuer sur l'opération en
124
cause pour des motifs d'intérêt général autres que le maintien de la
concurrence et, le cas échéant, en compensant l'atteinte portée à cette
dernière par l'opération ; le Conseil d'État fait une interprétation large de sa
compétence à ce titre en reconnaissant sa compétence directe pour statuer
sur des mesures du ministre se rapportant à la concentration (CE 23 déc.
o
2011, req. n 340834 , Sté Groupe Partouche, AJDA 2012. 584, note E. G
.). Dans un tout autre ordre, l'article L. 311-4 du code de justice
administrative soumet au Conseil d'État statuant en premier et dernier
ressort les recours de pleine juridiction contre les sanctions infligées par le
ministre chargé du logement en vertu de l'article L. 313-13 du code de la
construction et de l'habitation aux organismes jouant un rôle dans la collecte,
la gestion ou l'utilisation des fonds dus par les employeurs pour
l'amélioration du logement ; cette compétence se rattache à celle qui est
attribuée plus généralement au Conseil d'État dans le contentieux des
o
sanctions infligées par certaines autorités collégiales (V. infra, n 281).
ACTUALISATION
274. Loi ALUR. - La loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un
o
urbanisme rénové (loi ALUR) modifie l'article L. 311-4, 2 du code de
er
justice administrative, de sorte que depuis le 1 janvier 2015, le Conseil
d'État connaît, en premier et dernier ressort, des recours de pleine
juridiction qui lui sont attribués en vertu des articles L. 342-14 et L. 342-
15 du code de la construction et de l'habitation contre les décisions de
sanction prises par le ministre chargé du logement ou conjointement par
les ministres chargés du logement et des collectivités territoriales
o
(L. n 2014-366 du 24 mars 2014, art. 102-IV et IX, JO 26 mars).
126
278. Ces variations sont une des illustrations de la difficulté d'arriver à une
solution satisfaisante, voire du byzantinisme auquel n'a pas complètement
échappé l'abondante jurisprudence qui a dû être rendue pour reconnaître ce
qui est un organisme à compétence nationale et distinguer les décisions
prises par un organisme collégial de celles qui le sont par une autorité
unique. Le décret du 22 février 2010 a procédé à une simplification qui
devrait permettre d'identifier plus simplement la compétence directe du
Conseil d'État à l'encontre d'actes de certaines autorités nationales. Mais il
n'a pas supprimé complètement la formule des autorités à compétence
nationale. Il faut distinguer deux cas.
279. Le premier cas est celui des recours contre les actes réglementaires et
o
les circulaires et instructions de portée générale. L'article R. 311-1, 2 du
code de justice administrative donne compétence directe au Conseil d'État
os
non seulement pour ces actes adoptés par les ministres (supra, n 271 et
273), mais aussi pour ceux qui le sont par les « autres autorités à
compétence nationale ». Elles ne sont pas nécessairement collégiales, mais il
faut qu'elles aient une compétence nationale, ce qui peut encore prêter
parfois à discussion. Déjà le Conseil d'État a jugé « que, hormis le cas où il
aurait été doté par un texte d'un pouvoir réglementaire, un établissement
public national ne peut être regardé comme une autorité à compétence
o
nationale, au sens de ces dispositions » (CE 26 juill. 2011, req. n 346771 ,
Snutefi-FSU, Synd. national Sud travail affaires sociales et Synd. national
CGT SETE) – ce qui peut être effectivement le cas (CE 28 mars 2012, req.
o
n 341067 , Confédér. générale des petites et moyennes entreprises).
ACTUALISATION
279. Compétence du Conseil d'État pour les litiges relatifs aux
actes réglementaires des directeurs d'administration centrale. -
Cette compétence résulte des dispositions de l'article R. 311-1, 2), du
code de justice administrative qui prévoit cette compétence pour les
actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence
nationale. Sur le fondement de la jurisprudence Jamart (CE 7 févr. 1936,
o
Jamart, req. n 43321 , Lebon 172), cette compétence porte également
sur les actes pris au titre du pouvoir d'organisation dont disposent les
directeurs d'administration centrale en tant que chef de service (CE
o
9 mars 2016, req. n 382868 ).
127
adoptant des actes réglementaires, circulaires et instructions dont le
o
contentieux appartient directement au Conseil d'État (V. supra, n 279).
Cette énumération lui donne compétence aussi pour les recours dirigés
contre les actes pris par les autorités ainsi désignées « au titre de leur
mission de contrôle ou de régulation ». L'établissement de cette liste évite
toute ambigüité quant aux autorités en cause et à leurs organes, qui peuvent
être aussi bien uniques que collégiaux. Il peut en laisser subsister quant aux
fonctions au titre desquelles ils prennent leurs décisions : il doit s'agir de
contrôle ou de régulation, notions dont les contours ne sont pas exactement
déterminés. En tout cas, ces fonctions n'englobent pas les mesures
d'administration de ces organes et de leurs services, dont la contestation ne
relève donc pas de la compétence directe du Conseil d'État.
281. La liste de ces autorités peut être modifiée au fur et à mesure des
er
besoins. Elle a déjà été complétée par un décret du 1 août 2011 pour la
Commission nationale d'aménagement commercial, mettant ainsi fin à un
imbroglio peu acceptable (V. POUJADE, Urbanisme commercial : la fin de
o
l'imbroglio !, AJDA 2011. 1 ). L'article R. 311-1, 4 du code de justice
administrative donne l'énumération suivante : Agence française de lutte
contre le dopage ; Autorité de contrôle prudentiel ; Autorité de la
concurrence ; Autorité des marchés financiers ; Autorité de régulation des
communications électroniques et des postes ; Autorité de régulation des jeux
en ligne ; Autorité de régulation des transports ferroviaires ; Autorité de
sûreté nucléaire ; Commission de régulation de l'énergie ; Conseil supérieur
de l'audiovisuel (pour celui-ci, V. aussi la disposition spéciale de l'article
L. 553-1 du CJA relative au référé devant le président de la Section du
contentieux du Conseil d'État) ; Commission nationale de l'informatique et
des libertés ; Commission nationale de contrôle des interceptions de
sécurité ; Commission nationale d'aménagement commercial. En outre, le
Conseil d'État est compétent en premier et dernier ressort en vertu de
dispositions qui, par une inconséquence regrettable, n'ont pas été intégrées
o
à l'article R. 311-1, 4 : les unes sont antérieures au décret du 22 février
o
2010 (par exemple, art. 10 du Décr. n 70-147 du 19 févr. 1970 relatif à
l'ordre des experts-comptables, pour les recours contre les décisions de la
Commission nationale de cet ordre : CE 24 avr. 2012, Hedouin, req.
o
n 344936 ) ; les autres lui sont postérieures (art. 13-1 ajouté au Décr.
o
n 2001-1837 du 8 déc. 2011, pour les recours contre les décisions de la
Commission nationale de contrôle de la campagne électorale pour l'élection
du Président de la République).
ACTUALISATION
128
281. Compétence sur la Haute Autorité pour la transparence de la
vie publique. - Un décret du 23 décembre 2013 ajoute la Haute
Autorité pour la transparence de la vie publique à la liste énumérative du
o o
4 de l'article R. 311-1 du code de justice administrative (Décr. n 2013-
1204 du 23 déc. 2013, art. 17, JO 24 déc.).
o
282. L'énumération de l'article R. 311-1, 4 se combine avec celle que donne
l'article L. 311-4 du CJA au sujet des recours de pleine juridiction portés au
Conseil d'État en premier et dernier ressort contre les sanctions prises par
l'Autorité de contrôle prudentiel, l'Autorité des marchés financiers, le Conseil
supérieur de l'audiovisuel, l'Autorité de régulation des communications
électroniques et des postes, la Commission de régulation de l'énergie,
l'Autorité de régulation des activités ferroviaires, l'Agence française de lutte
contre le dopage. Il s'agit là de décisions qui s'insèrent dans celles que plus
o
généralement énumère l'article R. 311-1, 4 . Leur singularité tient à ce qu'il
s'agit de sanctions contre lesquelles le législateur a voulu spécialement ouvrir
un recours direct de pleine juridiction devant le Conseil d'État.
ACTUALISATION
282. Juge compétent sur les litiges touchant les autorités
indépendantes. - Si le Conseil d'État est compétent pour connaître en
premier et dernier ressort des recours dirigés contre les décisions prises
o
par les organes des autorités mentionnées au 4 de l'article R. 311-1 du
code de justice administrative au titre de leur mission de contrôle ou de
régulation, il n'est, en revanche, pas compétent pour connaître en
premier et dernier ressort des recours dirigés contre les décisions prises
par ces autorités à un autre titre, ni pour connaître des autres litiges,
me
notamment indemnitaires, les concernant (CE 18 déc. 2013, M Longo-
o
Ciprelli, req. n 365844 , AJDA 2014. 9 ).
129
Autorité de sûreté nucléaire. Le Conseil d'État est compétent sur le
o
fondement du 4 de l'art. R. 311-1 pour connaître en premier et dernier
ressort des recours dirigés tant contre les décisions prises par l'Autorité
de sûreté nucléaire (ASN) au titre de sa mission de contrôle et de
régulation que contre celles par lesquelles les ministres homologuent ces
décisions (CE 17 oct. 2014, Comité de réflexion d'information et de lutte
o
anti-nucléaire [CRILAN], req. n 361315 ).
283. On vient de voir que les recours dirigés contre des actes d'autorités
gouvernementales et ceux d'autres autorités nationales, tendant à leur
annulation, voire dans certains cas à leur réformation, doivent être portés
directement au Conseil d'État. Ces actes peuvent également faire l'objet de
deux autres formes de contentieux : elles restent de sa compétence directe.
284. Il s'agit en premier lieu des recours en interprétation. Ils ont pour objet
non pas de faire juger que l'acte est légal ou non, mais de déterminer son
sens (lequel peut cependant parfois commander sa légalité mais, dans le
contentieux de l'interprétation, seul le sens de l'acte est demandé au juge).
Il faut distinguer le recours en interprétation des questions d'interprétation
qui peuvent se poser à l'occasion d'un litige. Par exemple, à l'occasion du
recours en annulation contre un acte d'un ministre, peut se poser la question
130
du sens d'un décret sur le fondement duquel cet acte a été pris :
l'interprétation du décret peut commander la solution du recours dirigé
contre l'acte du ministre, mais elle n'est pas en elle-même l'objet du recours.
Si le recours dirigé contre l'acte du ministre relève de la compétence directe
o
du Conseil d'État (cas d'un acte réglementaire – supra, n 271), il n'y a
évidemment aucune singularité à ce que celui-ci interprète le décret pour
déterminer la solution à donner au recours contre l'acte du ministre. Mais si
le recours en annulation porte sur un acte relevant de la compétence de
premier ressort d'un tribunal administratif (cas d'un acte individuel), le
tribunal administratif pourra de lui-même donner le sens du décret, sans
avoir à renvoyer la question au Conseil d'État, car il n'est saisi de la question
de l'interprétation que par voie d'exception et non par un recours direct en
interprétation. Il n'y a de recours en interprétation que si l'objet du recours
est exclusivement de demander au juge le sens d'un acte. Deux cas peuvent
se présenter.
131
o
287. En second lieu (V. supra, n 284) se trouvent les recours en
appréciation de légalité d'actes administratifs. Il ne s'agit ni d'en obtenir
l'annulation ou la réformation comme dans les recours dirigés directement
contre eux, ni d'en obtenir le sens comme dans les recours en interprétation,
mais d'en déclarer la légalité ou l'illégalité. Ces recours ne peuvent être
intentés qu'à la suite d'une exception d'illégalité soulevée devant une
juridiction judiciaire dans un litige dont elle est saisie et sur laquelle elle doit
o
surseoir à statuer (par ex. CE 23 mars 2011, req. n 332400 ). Ils n'ont pas
lieu d'être lorsque l'exception d'illégalité est soulevée devant une juridiction
administrative, celle-ci pouvant toujours apprécier la légalité d'un acte
administratif par voie d'exception alors même qu'elle ne le serait pas pour en
connaître par voie d'action (par exemple compétence d'un tribunal
administratif pour apprécier la légalité d'un décret à l'occasion d'un recours
contre un acte individuel) ; ils n'ont pas lieu d'être non plus lorsque
compétence est reconnue aux juridictions judiciaires pour apprécier la
légalité d'un acte administratif (cas notamment des juridictions répressives à
l'égard des actes administratifs servant de fondement aux poursuites ou à la
défense). Alors que, comme on vient de le voir, le recours en interprétation
peut être le cas échéant un recours direct, le recours en appréciation de
légalité ne peut être qu'un recours incident, résultant du sursis à statuer
d'une juridiction judiciaire se heurtant à une difficulté sérieuse et pertinente
quant à la légalité d'un acte dont l'application est en cause dans le litige dont
elle est saisie : il appartient alors à la partie la plus diligente, comme pour le
recours incident en interprétation, de saisir le juge administratif. Lorsque
l'acte est de ceux des recours contre lesquels le Conseil d'État est compétent
directement, le recours en appréciation de légalité doit également être porté
directement au Conseil d'État (par ex. CE, ass., 24 nov. 1961, Électricité de
Strasbourg c/Schaub, Lebon 660 ; RD publ. 1962. 339, concl. Heumann ;
AJDA1962. 18. chron. Galabert et Gentot : recours en appréciation de
validité d'un décret d'amnistie en exécution d'un jugement d'un tribunal de
grande instance. – CE, ass., 22 janv. 1982, Butin, Lebon 27, et Ah Won,
Lebon 33 ; RD publ. 1982. 816, note Drago, et 822, concl. Bacquet ;
AJDA 1982. 440. chron. Tiberghien et Lasserre ; D. 1983. IR 235, obs.
P. D. ; JCP 1983. II. 19968, note Barthélémy ; Rev. adm. 1982. 390, note
Pacteau : recours en appréciation de validité d'un décret relatif à
l'organisation judiciaire en Océanie, sur renvoi de juridictions criminelles. –
o
CE 18 janv. 2012, Virmont, req. n 344677 , RJEP juin 2012. 40, concl.
Landais : recours en appréciation de la légalité d'un règlement de la SNCF,
sur renvoi d'un conseil de prud'hommes).
132
§ 4 - La compétence directe du Conseil d'État pour des recours en
matière électorale
ACTUALISATION
288. Représentation des Français établis hors de France. - Une loi
du 22 juillet 2013 a apporté d'importantes modifications au dispositif de
o
représentation des Français de l'Étranger organisé par la loi n 82-471
du 7 juin 1982, notamment en créant de nouvelles instances. C'est ainsi
o
que la rédaction du 9 de l'article L. 311-3 du code de justice
administrative concernant la compétence du Conseil d'État en premier et
dernier ressort est modifiée afin de faire référence aux élections des
conseillers et délégués consulaires et des conseillers à l'Assemblée des
o
Français de l'étranger (L. n 2013-659 du 22 juill. 2013, art. 58, JO
23 juill.).
133
§ 5 - La compétence directe du Conseil d'État pour des recours
propres à certaines collectivités d'outre-mer
er
§ 1 - La bonne administration de la justice
ACTUALISATION
291. Déclaration de vacance d'un office de greffier de tribunal de
commerce. - L'arrêté du garde des Sceaux, qui déclare vacant un office
de greffier de tribunal de commerce et précise les modalités de dépôt
des candidatures à la succession, est relatif à l'organisation du service
public de la justice et présente ainsi un caractère réglementaire. Le
Conseil d'État est donc compétent pour connaître en premier et dernier
ressort d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet acte (CE
o
11 févr. 2015, req. n 367884 , AJDA 2015. 313, obs. de Montecler ).
293. Le premier cas était celui des recours dirigés contre les actes
administratifs dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'un
o
seul tribunal administratif (CJA, anc. art. R. 311-1, 5 ). L'application des
règles de compétence territoriale des tribunaux administratifs aurait pu
entraîner la compétence de deux ou plusieurs d'entre eux, avec les risques
de divergence pouvant en résulter. Pour pallier un tel inconvénient, le
Conseil d'État a été reconnu directement compétent dans une telle
hypothèse. Il a dû développer toute une jurisprudence précisant en quoi un
acte a des effets hors du champ d'application d'un seul tribunal administratif,
avec le souci de ne pas exagérer la compétence directe du Conseil d'État à ce
titre. Les solutions ont pu paraître subtiles, voire insatisfaisantes. Elles sont
aujourd'hui dépassées puisque ce dispositif a été abrogé par le décret du
135
22 février 2010. Désormais, même si un acte a des effets hors du ressort
d'un seul tribunal administratif, est compétent, conformément au droit
commun du ressort territorial des tribunaux administratifs (CJA, art. R. 312-
1 ), celui dans le ressort duquel a son siège l'autorité qui a pris la décision
attaquée (la première d'entre elles si la décision a été signée par plusieurs).
C'est une solution simple et sage, qui restitue aux tribunaux administratifs
une compétence normale et épargne au Conseil d'État un encombrement
inutile.
294. Le second cas était celui des litiges d'ordre administratif nés hors des
territoires soumis à la juridiction d'un tribunal administratif (CJA, ancien
o
art. R. 311-6 ). Chaque tribunal administratif a un ressort territorial défini
par rapport à un ou plusieurs départements (V. CJA, art. R. 221-3 ). Or
certains litiges peuvent se rapporter à des situations extérieures. Tel est le
cas par exemple de décisions prises par des autorités françaises à l'étranger
(notamment des ambassadeurs et consuls) ou de dommages causés en
haute mer par des installations françaises (CE, sect., 4 déc. 1970, Min. d'État
chargé de la défense nationale et Min. de l'Équipement et du Logement c/
Starr, Lebon 734 ; RGDIP 1970. 1114, concl. Guillaume ; AJDA 1971. 112,
note Moderne ; D. 1971. 253, note Tedeschi ; JCP 1971. II. 16764, note
Ruzié ; RD publ. 1971. 1219, note Waline). Faute de tribunal administratif
territorialement compétent, ces litiges relevaient de la compétence directe du
Conseil d'État. Depuis le décret du 22 février 2010, il n'en est plus ainsi :
désormais, selon l'article R. 312-19 du code de justice administrative, les
litiges qui ne relèvent de la compétence d'aucun tribunal administratif sont
attribués au tribunal administratif de Paris. Le Conseil d'État n'aura plus à en
connaître directement.
136
296. De manière générale, il y a connexité entre deux affaires lorsque la
solution de l'une est nécessairement commandée par celle de l'autre.
Appliquée à la compétence directe du Conseil d'État, cette définition conduit
à lui reconnaître compétence pour statuer directement sur un recours qui
relèverait normalement de la compétence d'un tribunal administratif s'il en
est saisi en même temps que d'un autre relevant de sa compétence directe
dont l'issue détermine nécessairement celle de ce recours.
137
298. Mais la connexité a ses limites. Ainsi, comme le souligne un arrêt du
o
Conseil d'État du 28 mars 2011 (req. n 326919, Brugnon), si tout justiciable
est recevable à invoquer au soutien d'une requête formée à l'encontre d'une
décision administrative individuelle l'illégalité éventuelle de l'acte
administratif réglementaire qui sert de fondement à cette décision, il ne
saurait en être inféré qu'il existerait un lien de connexité, au sens de l'article
R. 341-1 du code de justice administrative, entre la requête tendant à
l'annulation pour excès de pouvoir d'un règlement administratif et celui
contestant la légalité d'une décision individuelle prise sur le fondement dudit
règlement.
138
justice judiciaire, c'est aux juridictions judiciaires que revient le contentieux
de la responsabilité en découlant.
301. Le premier cas est celui des recours contre les décisions des tribunaux
administratifs relatives aux autorisations de plaider au nom d'une collectivité
territoriale. En vertu d'un dispositif remontant à 1837, étendu en 2000 des
communes aux autres collectivités territoriales et aux établissements publics
les regroupant (V. CGCT, art. L. 2132-5 , art. L. 3133-1 , art. L. 4143-1
et art. L. 5211-58 ), un contribuable peut demander au tribunal
administratif l'autorisation de plaider au nom d'une collectivité qui néglige la
défense de ses intérêts. Le tribunal administratif statue non pas comme
juridiction rendant un jugement, mais « comme autorité administrative »
adoptant une décision administrative (qu'elle donne ou refuse l'autorisation)
o
(CE, ass., 26 juin 1992, Pezet et San Marco, préc. supra, n 48,
AJDA 1992.477 . Chron. Maugüé et Schwartz ; JCP 1992. II. 21937, note
Chaminade). Cette décision peut faire l'objet d'un recours de pleine
juridiction devant le Conseil d'État. Une appréciation superficielle conduirait à
voir dans ce recours un appel contre une mesure prise par un tribunal
o
administratif, comme cela se trouve dans d'autres cas (V. infra, n 305). Il
n'en est rien malgré les apparences. Le Conseil d'État est bien saisi en
premier et dernier ressort puisque est contesté à cette occasion, non pas une
décision que le tribunal administratif rendrait comme juridiction, mais un
acte administratif unilatéral qu'il adopte dans l'exercice d'une fonction
d'administration, dont l'intérêt justifie la contestation directe devant le
Conseil d'État.
302. Le second cas est celui du recours spécial dans l'intérêt de la défense
nationale que l'article L. 1111-7 du code général des collectivités territoriales
ouvre au préfet : si celui-ci estime qu'un acte pris par les autorités
communales, départementales ou régionales est de nature à compromettre
139
de manière grave le fonctionnement ou l'intégrité d'une installation ou d'un
ouvrage intéressant la défense, il peut en demander l'annulation par la
juridiction administrative pour ce seul motif ; il le défère à la Section du
contentieux du Conseil d'État, compétente en premier et dernier ressort, le
cas échéant avec une demande de suspension ; il est statué sur ce recours
dans un délai de quarante-huit heures. Le Conseil d'État apparaît ici comme
le garant, non seulement de la défense nationale, mais à son sujet, de l'unité
nationale. C'est plus que l'intérêt d'une bonne administration qui justifie sa
compétence en premier et dernier ressort et commande son jugement dans
un délai très bref.
304. Le rôle du Conseil d'État comme juge d'appel lui permet de juger une
seconde fois le litige qui a fait l'objet d'une première instance, avec une
double composante : l'examen du fond même du litige (l'effet dévolutif de
l'appel) ; l'examen de la validité du jugement rendu en première instance au
regard des règles de compétence et de procédure : leur violation pourrait
conduire à restituer le litige aux premiers juges, mais le juge d'appel peut
cependant en conserver l'examen par voie d'« évocation » (V. Appel [Cont.
adm.] ).
er
Art. 1 - La compétence d'appel du Conseil d'État à l'égard des
tribunaux administratifs
140
d'État est compétent en appel pour connaître de jugements des tribunaux
administratifs rendus dans des contentieux dont la particularité a justifié
qu'ils soient plus rapidement réglés que par la procédure faisant
normalement intervenir successivement les cours et le Conseil : celui-ci peut
être saisi plus vite et juger, non pas comme juge de cassation, mais avec la
plénitude du jugement au fond qui appartient au juge d'appel. L'article
L. 321-1 du code de justice administrative justifie cette solution par l'intérêt
d'une bonne administration de la justice, formule dont on a déjà observé la
généralité et l'imprécision et qui n'a pas empêché les variations dans les
solutions qu'elle entraîne. En réalité le législateur a voulu que certains
contentieux puissent être vidés assez rapidement, en évitant les lenteurs que
l'engagement successif d'une procédure en premier ressort, puis en appel et
enfin en cassation risque d'entraîner. Cette volonté s'est manifestée d'abord
pour deux types de contentieux particuliers, ensuite, plus nettement encore,
pour certains contentieux en urgence.
er
§ 1 - La compétence d'appel du Conseil d'État pour certains
contentieux particuliers
141
o
de l'État (V. supra, n 299). L'aménagement d'un appel devant le Conseil
d'État et non pas devant une cour administrative réduit le risque de lenteur.
142
relève en appel, selon le droit commun, de la cour administrative d'appel, le
Conseil d'État ne connaissant de l'affaire que par la voie du pourvoi en
o
cassation (CE 12 mai 2004, req. n 263945 , Blondiau et EARL de la
Neuville, Lebon 809 . – Pour un autre exemple, à propos de la
reconnaissance de « droits fondés en titre » : CE 7 févr. 2007, req.
o
n 280373 , M. et Mme Sablé, RFDA 2007. 494, concl. Aguila ). S'agissant
des recours en appréciation de la légalité, on doit rappeler ici qu'ils ne
peuvent pas faire l'objet d'un recours direct, mais seulement d'un recours sur
renvoi de l'autorité judiciaire : donc c'est nécessairement et exclusivement
par la voie de l'appel que le Conseil d'État est saisi des jugements rendus par
les tribunaux administratifs à leur sujet.
311. La loi du 31 décembre 1987 a confié dès l'origine au Conseil d'État les
appels contre les jugements des tribunaux administratifs sur les litiges
relatifs aux élections municipales et cantonales. La formule n'a pas varié
(CJA, art. R. 321-1 ). Si elle n'englobe pas les élections régionales, c'est
o
que leur contentieux relève directement du Conseil d'État (supra, n 288).
Elle couvre non seulement la contestation des élections des conseillers
municipaux et des conseillers généraux, mais encore celle de la désignation
des représentants des communes au sein des organes des établissements
publics de coopération intercommunale (en ce sens, par ex. CE 16 juin 2003,
o
req. n 247294 , Cne de Longuyon, Lebon 721 ), et de l'élection par les
organes délibérants des communes, départements et établissements publics
de coopération intercommunale, de leurs exécutifs (maire, président de
conseil général, président d'établissement public de coopération
o
intercommunale : par ex. CE 24 sept. 1990, req. n 109495 , Gaucher,
Lebon 252 ). Bien plus, la compétence d'appel du Conseil d'État couvre plus
généralement les recours contre les jugements portant sur des mesures
ayant des incidences sur les élections municipales ou cantonales (en ce sens,
notamment, CE, ass., 3 févr. 1989, Maire de Paris, Lebon 47 ; AJDA
1989. 312. Chron. Honorat et Baptiste : opérations de révision des listes
électorales qui, même si elles ont une portée plus large que les élections
municipales et cantonales, les intéressent particulièrement), ou leur faisant
suite (par ex. le remplacement d'un conseiller municipal ou d'un conseiller
o
général en cours de mandat : CE 16 janv. 1998, req. n 188892 , Ciré,
Lebon 15 . – Sa démission d'office en vertu de dispositions du code
o
électoral : 29 juill. 1994, req. n 155346 , Avrillier et Jonot, Lebon 864 ).
143
312. Toutefois la compétence d'appel du Conseil d'État à propos des
élections municipales et cantonales ne s'étend pas à des contestations trop
éloignées de ces élections, telles que celles qui portent sur la désignation de
représentants des assemblées locales à des organismes autres que des
établissements publics de coopération intercommunale (CE 16 juin 2003, Cne
o
de Longuyon, préc. supra, n 311), ou sur un référendum local (CE, sect.,
o
29 déc. 1995, req. n 154028 , Géniteau, Lebon 463 ; RFDA 1996. 60,
note Guillot ; RFDA 1996. 471, concl. Chantepy ; AJDA 1996. 111. Chron.
Stahl et Chauvaux ; D. 1996. 273, note Verpeaux ), a fortiori sur des
élections à des établissements publics tels que les chambres professionnelles
o
(CE 8 nov. 1993, req. n 146345 , Marguin et autres, élections à la
chambre des métiers de l'Ain, Lebon 310 ).
313. La compétence d'appel du Conseil d'État avait été maintenue par la loi
du 31 décembre 1987 à l'égard des jugements rendus par les tribunaux
administratifs sur recours pour excès de pouvoir. Elle l'avait été
complètement pour les jugements portant sur les actes réglementaires. La loi
avait admis la possibilité de reconnaître par décret la compétence des cours
administratives d'appel à l'encontre de jugements portant sur des actes non
réglementaires : c'est ce qui a été fait progressivement, en 1992 pour les
actes non réglementaires pris en matière d'urbanisme, d'expropriation et en
matière fiscale, en 1994 pour les actes non réglementaires relatifs aux
fonctionnaires et autres agents publics. Finalement la loi du 8 février 1995 a
supprimé toute exception à la compétence d'appel des cours administratives
d'appel en matière d'excès de pouvoir, que les jugements rendus par les
tribunaux administratifs portent sur des actes réglementaires ou non.
Corrélativement la compétence d'appel du Conseil d'État en la matière a
disparu.
144
maintenue en l'occurrence une compétence d'appel de celui-ci. Elle a été
reconnue dans deux domaines principaux : pour la protection des libertés
publiques et pour le contrôle de certaines institutions.
315. Le premier cas, non pas chronologiquement, mais parce qu'il est le plus
général, est celui du référé-liberté aménagé par l'article L. 521-2 du code de
justice administrative (L. du 30 juin 2000), en vertu duquel « saisi d'une
demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner
toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à
laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé
chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de
ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des
référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ». Il s'agit
normalement du président du tribunal administratif ou du magistrat qu'il
délègue. Selon l'article L. 523-1, alinéa 2 du même code, les décisions
rendues en application de l'article L. 521-2 sont susceptibles, dans les quinze
jours de leur notification, d'appel devant le juge des référés du Conseil
d'État, qui statue dans un délai de quarante-huit heures. Si le référé-liberté a
donné lieu à une ordonnance de rejet sur le fondement de l'article L. 522-3,
cette ordonnance est susceptible, non d'un appel, mais d'un pourvoi en
o
cassation (V. infra, n 336) (sur le référé-liberté, V. Référés d'urgence
[Cont. adm.] ).
316. Un second cas, qui lui est antérieur, a été aménagé par la loi du 2 mars
1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des
régions dans le cadre du nouveau contrôle exercé sur les actes de ces
collectivités par la voie du déféré préfectoral ; il a été légèrement modifié par
la loi du 30 juin 2000 en même temps qu'elle a institué, avec d'autres
référés, le référé-liberté. Selon des articles du code général des collectivités
territoriales, (principalement art. L. 2131-6, art. L. 3132-1 et art. L. 4142-1)
auxquels renvoie l'article L. 554-3 du code de justice administrative, le préfet
peut assortir sa demande d'annulation d'un acte d'une de ces collectivités
d'une demande de suspension (il était dit initialement de « sursis à
exécution ») « lorsque l'acte attaqué est de nature à compromettre l'exercice
d'une liberté publique ou individuelle ». La décision de suspension prise par
le président du tribunal administratif ou son délégué est, comme pour le
référé-liberté, susceptible d'appel devant le Président de la Section du
contentieux du Conseil d'État, qui doit statuer également dans les quarante-
145
huit heures. La compétence d'appel du Conseil d'État est donc alignée sur le
cas précédent. Ce sont les conditions de la suspension qui, quant au fond,
diffèrent (notamment la condition d'urgence n'est pas requise). Mais l'appel
contre le jugement rendu au fond par le tribunal administratif reste de la
compétence des cours administratives d'appel.
146
o
320. On a déjà vu (supra, n 295) qu'en cas de connexité entre un litige
relevant en premier ressort d'un tribunal administratif et un autre relevant
en premier ressort du Conseil d'État, celui-ci est compétent pour le tout. Une
solution semblable se retrouve losrqu'un litige relève en appel d'une cour
administrative d'appel et qu'un autre qui lui est connexe relève en appel du
Conseil d'État. Selon l'article R. 343-1 du code de justice administrative,
« lorsque le Conseil d'État est saisi de conclusions relevant de sa compétence
comme juge d'appel, il est également compétent pour connaître de
conclusions connexes relevant normalement de la compétence d'une cour
administrative d'appel ». Plusieurs exemples peuvent être donnés.
147
néanmoins pour le Conseil d'État, eu égard à la connexité existant entre les
conclusions relatives à la désignation des représentants de la commune aux
syndicats intercommunaux et celles tendant à l'annulation du même
jugement annulant la désignation, par la même délibération, des
représentants de la commune aux conseils d'administration du centre
communal d'action sociale, de deux maisons de retraite et d'un collège, au
conseil d'établissement d'un mission locale et à l'assemblée spéciale d'une
société d'économie mixte, de statuer également, en application de l'article
R. 343-1 du code de justice administrative, sur ces dernières conclusions
o
(CE 16 juin 2003, Cne de Longuyon, préc. supra, n 311).
148
la décision de l'arbitre, à la cour administrative d'appel du ressort de
l'opération archéologique : au visa des articles L. 321-1 et L. 321-2 du code
de justice administrative, le Conseil d'État a considéré « qu'un décret ne
peut, sans méconnaître ces dispositions législatives, donner aux cours
administratives d'appel compétence pour connaître en appel de décision
rendues en premier ressort par d'autres juridictions administratives que les
tribunaux administratifs ». C'est le Conseil d'État seul qui reste compétent en
dehors des dispositions donnant compétence aux cours administratives
d'appel.
149
l'harmonisation du droit (jolie expression, peu habituelle et peu appropriée à
la discipline juridique). Elle n'en est pas moins exacte depuis que, selon la loi
du 24 mai 1872, « le Conseil d'État statue souverainement sur les recours en
matière administrative », et que, selon la jurisprudence, il n'est pas de
décision administrative, juridictionnelle ou non, qui ne puisse, directement ou
indirectement, être contestée devant lui.
327. Il en est ainsi en particulier pour les décisions rendues par les autres
juridictions administratives statuant en dernier ressort : elles peuvent toutes
faire l'objet d'un recours en cassation devant le Conseil d'État, alors même
que le législateur ne l'aurait pas précisé – bien plus, alors même qu'il l'aurait
exclu (CE, ass., 7 févr. 1947, d'Aillères, Lebon 50 ; RD publ. 1947. 68, concl.
o
Odent, note Waline ; JCP 1947. II. 3508, note Morange ; GAJA, n 58,
p. 374). C'est ainsi d'abord comme juge de cassation que le Conseil d'État
peut apparaître comme juge suprême, à l'instar de la qualification souvent
donnée à la Cour de cassation, qui est presque exclusivement juge de
cassation.
328. Mais le Conseil d'État n'est pas que juge de cassation. Outre les
fonctions de juge de premier et dernier ressort et de juge d'appel dont on a
précédemment rendu compte, il exerce des fonctions de régulation de l'ordre
juridictionnel administratif qui sont directement liées à sa place suprême
dans cet ordre (V. P. DELVOLVÉ, Le Conseil d'État, Cour suprême de l'ordre
o
juridictionnel administratif, Pouvoirs, 2007, n 123, p. 51).
er
Art. 1 - Le Conseil d'État, juge de cassation
331. Il consiste à vérifier que les décisions rendues par les juges du fond
l'ont été conformément au droit. Cela comporte d'abord la vérification de leur
compétence, de la procédure qu'ils ont suivie et de la forme de la décision
(notamment la motivation). Cela comporte ensuite celle du respect de la
règle de droit. Il est dit classiquement que le juge de cassation est juge du
jugement non juge du litige, juge du droit non juge du fait : c'est ainsi
l'erreur de droit qui est classiquement censurée ; si la matérialité des faits et
leur qualification juridique sont également contrôlées, celle de leur
appréciation ne l'est pas, sauf dénaturation. Il y a là des nuances qui
peuvent prêter à des variations et dont le maniement permet au Conseil
d'État d'exercer sa suprématie (V. Recours en cassation [Cont. adm.] ).
151
administration de la justice le justifie ». Il utilise pleinement cette disposition
pour éviter notamment une durée excessive dans la solution du litige. Si la
décision cassée est une décision rendue en appel, le Conseil d'État statue
alors comme juge d'appel ; si c'est une décision rendue en premier ressort, il
statue comme juge de premier ressort. Si, statuant comme juge d'appel, il
annule la décision rendue en premier ressort, il devient encore, par voie
d'évocation, juge de premier ressort. C'est une illustration supplémentaire de
sa qualité de juge suprême.
er
§ 1 - La compétence de cassation du Conseil d'État à l'égard des
arrêts des cours administratives d'appel
152
administratifs, avec comme conséquence leur contestation, non pas par
appel ni devant les cours administratives ni devant le Conseil d'État, mais par
pourvoi en cassation devant celui-ci. L'explication par la recherche d'une
bonne administration de la justice, voire par celle d'une bonne administration
tout court, qu'on a déjà rencontrée ailleurs pour d'autres solutions (V. supra,
o
n 290 s.), est facile ; mais tant elle est générale, elle n'est pas satisfaisante.
Il y a certainement de bonnes raisons, mais l'unité de l'ensemble de l'édifice
contentieux s'en trouve sensiblement affectée. La recherche de solutions
rapides peut expliquer que le pourvoi en cassation soit seul possible pour des
décisions rendues en urgence par les tribunaux administratifs ; l'explication
ne vaut plus pour des petits litiges pour lesquels seul le recours en cassation
est possible.
337. S'en différencient à cet égard les mesures que peuvent prendre les
tribunaux administratifs dans le cadre du référé précontractuel (CJA,
art. L. 551-1 s.) et du référé contractuel (art. L. 551-13 s.) réaménagés
par l'ordonnance du 7 mai 2009 « en cas de manquement aux obligations de
publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par
les pouvoirs adjudicateurs ou des entités adjudicatrices de contrats
administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de
fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique
constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service
public ». Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue,
statue en premier et dernier ressort en la forme des référés (art. L. 551-3 ,
L. 551-8 et L. 551-23 ). Cela signifie que la décision rendue est, non pas
comme dans les référés précédents, une mesure provisoire mais une décision
définitive au fond, dont la contestation relève aussi du pourvoi en cassation
153
devant le Conseil d'État (V. Référés : contrats de la commande publique
[Cont. adm.] ).
ACTUALISATION
337. Extension du champ du référé précontractuel. - Le code de
justice administrative est adapté (modification de l'article L. 551-1) pour
étendre la procédure de référé précontractuel à la sélection d'un
actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à
o er o
opération unique (L. n 2014-744 du 1 juill. 2014, art. 2, 1 , JO
2 juill.).
340. Il y ajoute les requêtes dont les jugements sont rendus par les
tribunaux administratifs en formation collégiale en premier et dernier ressort
au sujet de la reconnaissance du droit au logement.
341. On ne peut pas dire que, même si des considérations pratiques peuvent
justifier la soustraction de certaines affaires à des formations collégiales et
au recours en appel, en laissant possible seul le recours en cassation, le
système soit d'une grande clarté. Il y a trop d'exceptions au principe,
assorties elles-mêmes de leurs propres exceptions, pour que la cohérence de
l'ensemble soit assurée. On a l'impression de solutions pointillistes, adoptées
en fonction de contingences de « productivité » qui sont loin d'une haute
conception de la justice administrative, alors même qu'elles sont adoptées à
l'initiative du Conseil d'État lui-même. Il est possible qu'à la suite d'une
étude demandée par le vice-président, l'appel soit rétabli dans certains
contentieux (fonction publique, taxes locales).
155
l'intérieur », et de retirer au Conseil d'État une compétence en cassation qui
n'a guère de raison d'être.
156
o
n 259206 ), institutions universitaires (Conseil national de l'enseignement
o
supérieur et de la recherche : par ex. CE 20 mars 2009, req. n 296984). Il
faut mettre à part la Cour nationale du droit d'asile, qui est une sorte de
démembrement des juridictions administratives de droit commun statuant
naguère elles-mêmes en cette matière comme dans d'autres, et qui a été
spécialement constituée pour les désencombrer ; ses décisions font l'objet de
pourvois en cassation devant le Conseil d'État (par ex. CE 23 juill. 2010, req.
o
n 318356 , Office français de protection des réfugiés et apatrides c/
Assfour, Lebon 336 ) qui en garde ainsi le contrôle.
er
§ 1 - La régulation du fonctionnement de la justice administrative
157
régulation. Dans d'autres cas, des mécanismes spécifiques sont mis en
œuvre : ils relèvent par eux-mêmes de la régulation. Il en ainsi pour la
solution des difficultés de compétence, celle des contradictions de décisions
et même celle de l'impossibilité de décision.
o
347. Le décret n 72-143 du 22 février 1972 instituant une procédure de
règlement des questions de compétence au sein de la juridiction
administrative a permis aux sous-sections du Conseil d'État et aux tribunaux
administratifs, s'ils estiment qu'une affaire ne relève pas de leur juridiction,
de saisir le président de la Section du contentieux du Conseil d'État pour
désigner, par une ordonnance insusceptible de recours, la juridiction
administrative qu'il déclare compétente. Cette possibilité a été reconnue aux
cours administratives d'appel lors de leur création. Le président de la Section
du contentieux assurait une véritable fonction de régulation à l'intérieur de
o
l'ordre administratif. Avec le décret n 2002-547du 19 avril 2002,
l'exclusivité qu'il détenait à ce sujet a disparu puisque, selon le nouvel article
R. 351-3 du code de justice administrative, une cour administrative d'appel
ou un tribunal administratif peut transmettre le dossier à une autre
juridiction administrative sans passer par le Conseil d'État. Le président de la
Section du contentieux garde cependant sa compétence soit pour les
requêtes dont le Conseil d'État a été saisi soit pour celles qui, présentées à
une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif, présentent des
difficultés particulières justifiant qu'ils la lui transmettent pour désigner la
juridiction compétente.
ACTUALISATION
347. Office du Conseil d'État saisi d'une question de compétence.
- Lorsque le Conseil d'État est saisi d'une question de compétence sur le
fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, il ne
peut pas se prononcer sur des conclusions à fin de non-lieu (CE 10 oct.
o
2012, Lebrun, req. n 355987 , AJDA 2013. 206 ).
158
remarquable qu'elle peut être prise non seulement, comme dans le cas
précédent, à la demande d'un président de tribunal administratif ou de cour
administrative d'appel, mais encore de la propre initiative du président de la
Section du contentieux. La seule exigence est celle de la motivation de la
décision, qui ne pèse pas sur le cas précédent, et qui doit permettre
d'identifier les « considérations de bonne administration de la justice » qui
imposent l'attribution d'une ou plusieurs affaires à une juridiction autre que
celle à laquelle elle reviendrait normalement. Il ne s'agit plus seulement de
venir au secours d'un requérant qui s'est trompé de juge. Il s'agit de
désigner le juge le mieux à même de traiter la ou les affaires. On peut faire
confiance au président de la Section du contentieux pour que ce pouvoir ne
soit pas détourné de la bonne administration de la justice. Il doit seulement
déterminer la juridiction par laquelle la justice sera le mieux rendue.
B - Le règlement de juge
159
syndicales d'affichage et de publicité extérieure, Lebon T. 908. – 10 mai
1967, même requérant, Lebon T. 907). Ce peut être aussi le cas de
l'incompétence déclarée successivement par deux juridictions administratives
autres que le Conseil d'État (CE, sect., 14 oct. 1960, Tisserand, Lebon 542 ;
AJDA 1960. I. 160, chron. Combarnous et Galabert. – Sect., 4 janv. 1964,
er
Nouzillat, Lebon 8. – 1 oct. 1969, Sté Hadfields, Lebon T. 936. – 10 déc.
1969, Bouriau, Lebon T. 935. – Sect., 26 févr. 1971, Odinot, Lebon 170. –
23 avr. 1975, Debled, Lebon 257). On est en présence d'une situation
analogue à celle du conflit négatif de compétence entre juridiction
administrative et juridiction judiciaire, que le décret du 26 octobre 1849 a
chargé le Tribunal des conflits de résoudre (CJA, art. R. 771-1 ). Ici il l'est
par le Conseil d'État en vertu de ses pouvoirs généraux. Dans tous les cas, le
Conseil d'État déclare nulle et non avenue la décision rendue par la
juridiction qui s'est à tort déclarée incompétente et lui renvoie l'affaire. Ces
cas doivent être aujourd'hui réduits par le système de régulation des
compétences qu'aménagent les décrets du 22 février 1972 et du 19 avril
o
2002 (supra, n 347) pour prévenir les hypothèses de conflit négatif de
compétence au sein de l'ordre administratif, comme le décret du 25 juillet
1960 les prévient entre les ordres de juridiction. Mais des cas peuvent encore
o
se rencontrer (V. CE 9 avr. 2010, req. n 329759 , Dedieu).
160
353. Il peut même porter sur la contradiction entre deux décisions rendues
par la même juridiction, ne serait-ce que par le Conseil d'État lui-même.
Celui-ci l'a réglée en puisant « dans (sa) fonction de juge suprême du
contentieux administratif les pouvoirs nécessaires pour assurer une bonne
administration de la justice » selon la forte expression de M. Antoine
BERNARD dans ses conclusions déjà citées sur l'affaire Miret. Il s'agissait de
lever la « contrariété conduisant au déni de justice » résultant des
appréciations successives du Conseil d'État, à la suite de l'arrêt du Tribunal
des conflits du 12 décembre 1955, Thomasson (Lebon 626 ; JCP 1956. II.
9198, concl. Lemoine, note Rivero ; RD publ. 1956. 337, note Waline ;
AJDA 1956. I. 13. chron. Langavant), sur l'imputabilité des préjudices nés
des mesures d'épuration. Le Conseil d'État, comme le recommandait
M. A. BERNARD, s'est reconnu « le droit de mettre fin aux contrariétés
existant entre (ses) décisions lorsqu'il peut en résulter un déni de justice ».
Cette procédure est souvent présentée comme se rattachant au règlement
de juges, mais elle s'en distingue : elle permet au Conseil « soit de (se)
saisir, au besoin d'office, à l'occasion d'une décision (qu'il va) rendre […],
soit encore […] d'être saisi après coup par les intéressés eux-mêmes de la
situation créée par la contradiction existant entre deux […] décisions passées
en force de chose jugée et de prendre alors la décision qui s'impose … ». La
distinction par rapport au règlement de juge précédemment rencontré tient
non seulement à ce que la contradiction porte, non sur la compétence, mais
sur le fond, mais encore à ce qu'elle résulte de décisions émanant de la
même juridiction. Il ne s'agit plus alors seulement de « réguler » l'ordre
juridictionnel administratif, mais une seule juridiction, et, qui plus est, la
juridiction administrative suprême elle-même.
161
comptes d'une part et la Cour de discipline budgétaire et financière d'autre
part n'ont pu, en raison du principe d'impartialité, statuer sur des affaires
dans lesquelles leurs membres avaient déjà pris position. Le Conseil d'État,
dans deux arrêts déjà cités (Sect., 17 oct. 2003, Dugoin c/ Dpt de
l'Essonne ; 4 févr. 2005, Procureur général près la Cour des comptes), a
donné le mode de règlement de la difficulté par le considérant suivant :
« Dans le cas où (ces juridictions) estime(nt) ne pas pouvoir se prononcer
régulièrement sur une affaire, il (leur) appartient de transmettre l'affaire au
Conseil d'État, afin que celui-ci, dans le cadre de ses pouvoirs généraux de
régulation de l'ordre juridictionnel administratif, donne à cette transmission
les suites qui conviennent… ». La solution va bien au-delà de la répartition
des compétences et de la solution des contrariétés de décisions. Les pouvoirs
généraux de régulation du Conseil d'État peuvent servir à lever les obstacles
qui empêchent que soit rendue la justice par les juridictions auxquelles elle
appartient en application des règles normales de compétence.
357. On peut dire que dans toutes ses fonctions, aussi bien non
juridictionnelles que juridictionnelles, et dans les fonctions juridictionnelles,
aussi bien en premier et dernier ressort qu'en cassation, le Conseil d'État
assure la régulation du droit applicable en ce sens qu'il détermine,
directement ou indirectement, la règle de droit à adopter ou à mettre en
œuvre. Mais cette conception est si large qu'elle fait perdre tout sens à la
fonction et même à la notion de régulation. Ce que l'on veut désigner ici, ce
sont des procédures particulières par lesquelles le Conseil d'État est
spécialement chargé, dans ses formations contentieuses, de contribuer à
identifier la règle de droit qu'il faut appliquer. La particularité des dispositifs
tient à ce qu'il le fait par des mesures qui ne tranchent pas elles-mêmes le
162
litige à l'occasion duquel il est saisi, mais elles contribuent à le résoudre.
Elles se singularisent par rapport aux fonctions traditionnelles du Conseil
d'État et contribuent à étendre, voire à renforcer, son rôle. Elles sont de
deux types : dans un cas il s'agit d'avis contentieux, dans l'autre de décisions
sur la transmission de questions prioritaires de constitutionnalité.
358. Le système des avis contentieux est une des innovations de la loi du
31 décembre 1987 qui a créé les cours administratives d'appel. Il a été
étendu à certaines hypothèses concernant l'outre-mer (V. HOEPPFNER, Les
avis du Conseil d'État, RFDA 2009. 895 . –GOURDOU, L'avis du Conseil
d'État sur une question de droit, Mélanges Moderne, 2004, Dalloz, p. 189).
o
359. 1 À l'occasion de la création des cours administratives d'appel par la
loi de 1987, le législateur a aménagé une procédure, qui s'apparente à celle
du rescrit du droit romain, permettant aux tribunaux administratifs et aux
cours administratives d'appel, régulièrement saisis d'un litige relevant de leur
compétence, d'interroger le Conseil d'État sur une question relative au droit
applicable. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative,
« avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle,
présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le
tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision
qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au
Conseil d'État, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée.
Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'État ou, à
défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ».
360. Il doit s'agir de questions de droit nouvelles. Elles peuvent porter sur
des problèmes de fond : c'est à elles qu'a surtout pensé le législateur de
1987. Effectivement le Conseil d'État en a beaucoup été saisi : ainsi, une des
premières fois, au sujet de l'indemnisation des dommages causés par les
o
manifestants au cours d'émeutes (CE, ass., 6 avr. 1990, req. n 112497 ,
Cie financière et industrielle des autoroutes, Lebon 95, concl. Hubert ; RD
publ. 1990. 1145, concl. Hubert ; RFDA 1991. 562, note Letteron ; GAJA,
o
n 92, p. 65), et, plus tard et plus gravement, sur l'indemnisation des
personnes juives victimes de déportations sous l'Occupation (CE, ass.,
o
16 févr. 2009, req. n 315499 , Mme Hoffman-Glemane, Lebon 43, concl.
Lenica ; RFDA 2009. 316, concl. Lenica ; AJDA 2009. 589. Chron. Liéber
o
et Botteghi ; Dr. adm. 2009, n 60, note Melleray ; JCP 2009. 1074, note
Markus), ou encore sur la qualification d'ouvrage public (CE, ass., 29 avr.
163
o
2010, req. n 323179 , M. et Mme Béligaud, Lebon 126, concl. Guyomar
; AJDA 2010. 1642. Chron. Liéber et Botteghi ; RJEP 2010, comm. 54,
note Gaudemet ; RFDA 2010. 557, note Melleray ). Il peut s'agir tout
autant de problèmes de répartition des compétences juridictionnelles, entre
juridiction administrative et juridiction judiciaire (par ex. CE, sect., 10 avr.
o
1992, req. n 132539 , SARL Hofmiller, Lebon 159 ; AJDA 1992. 688,
note Prétot ; CJEG 1992. 479. chron. Lachaume) ou à l'intérieur de la
o
juridiction administrative (par ex. CE 28 avr. 1993, req. n 134490, Cne de
Royan, Lebon 139 ; RFDA 1994. 230, concl. Vigouroux , note Pouyaud),
ou encore de problèmes de procédure (par ex. les conditions d'exercice du
o
pouvoir d'injonction du juge : CE, sect., 13 mars 1998, req. n 190751 ,
Mme Vindevogel, Lebon 78 ; AJDA 1998. 408. Chron. Raynaud et
Fombeur ).
164
administratives doivent leur permettre de savoir si une question est
largement répandue : les échanges entre elles, avec une sorte de
centralisation par les services du Conseil d'État, permettent d'identifier la
situation. Il n'est pas exclu que se forme une sorte d'entente entre les chefs
de juridiction, voire de suggestion de la part du Conseil d'État, pour que la
question soit posée par une juridiction dans les conditions de fait et de droit
les plus appropriées, afin d'aboutir au meilleur résultat. Il n'est pas exclu non
plus qu'une administration, telle l'administration fiscale, particulièrement
sensible à un problème de droit non encore tranché, qui se pose pour elle
non seulement dans de nombreux litiges mais aussi dans de nombreux
dossiers n'ayant pas encore donné lieu à contentieux, incite à saisir le
Conseil d'État d'une demande d'avis contentieux.
364. Car c'est bien pour trancher la question sans attendre que soit
remontée toute la filière de la procédure contentieuse habituelle que la
procédure d'avis contentieux a été conçue. Elle permet d'éviter des délais
trop longs autant pour les justiciables que pour les administrations. La
réponse de la juridiction administrative suprême avant qu'elle soit saisie de
recours contre les décisions des tribunaux et des recours, notamment le
recours en cassation qui est le recours « normal », permet de vider les
contentieux en cours, voire d'éviter les contentieux.
365. Toutefois la réponse donnée par le Conseil d'État est formulée non pas
dans un arrêt mais dans un « avis contentieux », qui se singularise par sa
forme (il n'a pas le même type de rédaction qu'un arrêt) et par sa portée : il
n'est pas investi de l'autorité de la chose jugée. La juridiction qui a posé la
question, a fortiori les autres juridictions peuvent ne pas suivre la position
exprimée par le Conseil d'État dans son avis contentieux. Le législateur a
manifesté à ce sujet une réticence à reconnaître au Conseil d'État par cette
procédure un rôle normatif qui aurait rejoint celui du législateur lui-même.
C'est sans doute illusoire car au contentieux, par ses arrêts, le Conseil d'État
exerce bien un rôle normatif ; c'est même contradictoire car on ne voit pas
l'utilité de faire trancher une question par cette procédure de rescrit si ce
n'est pour que la réponse puisse avoir autorité.
165
la loi de 1987 qui vient d'être exposé, ils disposent aussi d'une autre
procédure d'avis contentieux, qui doit pour certains être obligatoirement
mise en œuvre, au sujet de la répartition des compétences entre les
différentes collectivités publiques. On a déjà vu que ce type de question peut
faire l'objet d'une procédure à la demande d'autorités publiques, présentée
au tribunal administratif, qui doit transmettre la question au Conseil d'État :
celui-ci y répond par un avis consultatif, rendu par les formations
os
administratives du Conseil (supra, n 235 s.). Ce même type de question
peut se poser à l'occasion d'un litige devant le tribunal administratif : celui-ci
la transmet au Conseil d'État, qui y répond par un avis contentieux, rendu
par les formations contentieuses.
166
369. On ne peut pas lui faire le même reproche pour la solution qu'il a
adoptée dans l'article 107 de la loi organique du 19 mars 1999, repris à
l'article L. 224-5 du code de justice administrative au sujet de la répartition
des compétences néo-calédoniennes entre la loi et le règlement : « Lorsqu'au
cours d'une procédure devant une juridiction de l'ordre administratif ou de
l'ordre judiciaire, la nature juridique d'une disposition d'une loi du pays fait
l'objet d'une contestation sérieuse, la juridiction saisit, par un jugement qui
n'est susceptible d'aucun recours, le Conseil d'État qui statue dans les trois
mois. Il est sursis à toute décision sur le fond jusqu'à ce que le Conseil d'État
se soit prononcé sur la nature de la disposition en cause ». L'hypothèse
dépasse le seul tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et peut
concerner d'autres juridictions ; son traitement est le même pour toutes. Si
le texte ne parle pas de question préjudicielle, c'est bien d'une telle question
qu'il s'agit. Elle doit être renvoyée au Conseil d'État, qui l'examine et la
tranche dans ses formations contentieuses et rend, comme c'est
normalement le cas au contentieux, une « décision » (V. les articles R. 224-
10 à R. 224-12 du CJA).
167
ayant le même rôle dans l'ordre judiciaire), n'en donne pas moins au Conseil
d'État dans l'ordre administratif un rôle correspondant à la place suprême
qu'il y détient et que ne remet pas en cause le rôle du Conseil constitutionnel
(V. M. GUILLAUME, Avec la question prioritaire de constitutionnalité, le
Conseil constitutionnel est-il devenu une Cour suprême ?, JCP 2012. 722).
374. Le Conseil d'État peut également être saisi d'une question prioritaire de
constitutionnalité par une juridiction relevant de son contrôle – non
seulement les juridictions de droit commun que sont les tribunaux
administratifs et les cours administratives d'appel, mais encore les
juridictions administratives spécialisées – qui considérant que les conditions
de la question sont remplies, la transmet au Conseil d'État. Les tribunaux
administratifs et les cours administratives d'appel ont ainsi transmis au
Conseil d'État 92 questions en 2010, 70 en 2011, les juridictions
168
administratives spécialisées respectivement 6 et 7 (source : Rapport du
Conseil d'État pour 2011).
375. Dans tous les cas, que la question soit soulevée pour la première fois
devant lui ou qu'elle l'ait été devant une juridiction administrative qui la lui
envoie, le Conseil d'État apprécie si elle doit être transmise au Conseil
constitutionnel pour la trancher. Il dispose de trois mois pour se prononcer. Il
vérifie que la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure,
ou constitue le fondement des poursuites, à l'occasion desquels la question a
o
été soulevée (art. 23-2 1 de l'ord. du 7 nov. 1958), qu'elle n'a pas déjà été
o
déclarée conforme à la Constitution (art. 23-2 ), « et que la question est
nouvelle ou présente un caractère sérieux » (art. 23-4 et 23-5).
377. Le Conseil d'État ne s'est pourtant pas engagé dans une voie
restrictive. Il a voulu « jouer le jeu » en transmettant, sinon
systématiquement du moins raisonnablement, les questions au Conseil
constitutionnel : le taux de transmission a été de 26 % en 2010, 25 % en
2011 ; aux questions qu'il lui a transmises, le Conseil constitutionnel a donné
une réponse de conformité de la loi à la Constitution à près de 66 % en 2010
et de 79 % en 2011 (source : Rapport du Conseil d'État) – ce qui montre que
le Conseil d'État avait été assez souple dans la transmission de ces
questions.
169
378. Cette souplesse s'est traduite dans une jurisprudence, destinée aussi
bien aux autres juridictions administratives qu'à lui-même, ouvrant la
possibilité de soulever une question prioritaire de constitutionnalité d'une loi
dans des cas non précisés par les textes et dont la solution n'était pas
évidente. Par exemple, quant à la procédure, il a ainsi admis que la question
pouvait être posée en référé (CE, ord., 6 juin 2010, Mme Diakité, req.
o
n 340350. – CE, ord., 21 oct. 2010, Confédération nationale des présidents
o
des unions régionales des médecins libéraux, req. n 343527 ), et qu'elle
pouvait être soulevée in extremis dans une note en délibéré, déposée après
o
l'audience (CE 28 janv. 2011, Huchon, req. n 338199 , RFDA 2011. 723,
note Türk ). Par exemple aussi, quant au fond, contrairement à la position
o
adoptée un temps par la Cour de cassation (ass. plén., 19 mai 2010, n 09-
o
70.161. – Crim. 19 mai 2010, n 09-87.651 ), il a considéré dès l'origine
que la question de la conformité d'une loi à la Constitution doit s'apprécier
compte tenu de l'interprétation qu'en fait la jurisprudence (CE 16 juill. 2010,
o
SCI la Saulaie, req. n 334665 . – 25 juin 2010, Mortagne, req.
o
n 326363 ) – ce qu'a confirmé le Conseil constitutionnel (Cons. const. 6
o o
oct. 2010, n 2010-39 QPC , Rec. 264. – 14 oct. 2010, n 2010-52 QPC,
Rec. 283). Il a également dès l'origine accepté de compter au nombre des
droits et libertés garantis par la Constitution qui peuvent donner lieu à
question prioritaire de constitutionnalité, ceux qu'elle reconnaît au profit des
collectivités territoriales autant que ceux qui protègent les particuliers (CE 18
o
mai 2010, Commune de Dunkerque, req. n 306643 , RFDA. 2010. 713,
concl. Geffray ) – suivi en cela par le Conseil constitutionnel (Cons. const. 2
o
juill. 2010, n 2010-12 QPC, Commune de Dunkerque, Rec. 134 ; AJDA
o
2010. 1594, note Verpeaux . – 8 juill. 2011, n 2011-146 QPC,
Département des Landes, JO 9 juill. ; AJDA 2011. 2067, note Verpeaux ;
RJEP nov. 2011. 11, note Terneyre).
379. En aval, le rôle régulateur du Conseil d'État s'exerce aussi pour tirer les
conséquences de la réponse du Conseil constitutionnel à la question posée,
déclarant une disposition législative contraire à la Constitution, et donc
l'abrogeant. Deux exemples sont caractéristiques. Ils concernent la portée
temporelle et personnelle de la non-conformité de dispositions législatives.
Le Conseil constitutionnel avait déjà posé les principes dans ses décisions du
o o
25 mars 2011 (n 2010-108 QPC et n 2010-110 QPC, JO 26 mars). Le
Conseil d'État a eu à les mettre en œuvre et à les préciser s'agissant de
dispositions adoptées les unes pour limiter la jurisprudence « Perruche », les
autres pour cristalliser les pensions (respectivement : CE, ass., 13 mai 2011,
o
Mme Delannoy et M. Verzele, req. n 317808 , et Mme Lazare, req.
170
o
n 329290 , RFDA 2011. 772, concl. Thiellay . – CE, ass., 13 mai 2011,
o
Mme M'Rida, req. n 316734 , RFDA 2011. 789, concl. Geffray ; AJDA
2011. 1136, chron. Domino et Bretonneau ). En même temps, dans le
second cas, il a déterminé les conditions du contrôle de conventionnalité
après qu'a été exercé le contrôle de constitutionnalité.
Actualisation
o
Décret n 2016-1480 du 2 novembre 2016 modifiant les dispositions
réglementaires relatives au Conseil d'État, aux cours
administratives d'appel et aux tribunaux administratifs.
er o
Entré en vigueur le 1 janvier 2017, le décret n 2016-1480 du 2 novembre
2016 comprend des modifications procédurales substantielles.
Plein contentieux. Le décret supprime l'exigence d'une décision expresse
pour faire courir le délai de recours (2 mois) en matière de plein contentieux
(CJA, art. R. 421-3 ).
Ministère d'avocat devant le tribunal administratif (CJA, art. R. 431-
2 et R. 431-3 ) La dispense d'avocat est supprimée pour les litiges de
travaux publics et d'occupation contractuelle du domaine public et pour les
appels en matière de fonction publique.
En revanche, désormais, sont dispensés d'avocat tous les contentieux
sociaux.
Dans le cadre du contentieux contractuel, le ministère d'avocat n'est
obligatoire que lorsque la requête a pour objet un litige né de l'exécution
d'un contrat (auparavant cela s'étendait à tout litige né d'un contrat).
171
Rejet par ordonnance (CJA, art. R. 222-1 et R. 822-5 ) Afin
d'accélérer le traitement des requêtes, le texte élargit les possibilités de
rejet par ordonnance dans les tribunaux administratifs et les cours
administratives d'appel.
Des ordonnances dites « de séries » pourront être prises par les tribunaux
sur la base d'un arrêt devenu irrévocable de la cour administrative d'appel
o
dont ils relèvent (CJA, art. R. 222-1 , 6 ).
172
dans un délai donné n'est pas respectée, et, lorsque l'état du dossier
permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son
auteur, de l'inviter à en confirmer le maintien, sous peine de désistement
d'office en l'absence de réponse dans un délai fixé. La demande qui lui est
adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à
l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé
s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions.
Réouverture de l'instruction (CJA, art. R. 613-1-1 ) Postérieurement
à la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement peut
inviter une partie à produire des éléments ou pièces en vue de compléter
l'instruction. Cette demande, de même que la communication éventuelle
aux autres parties des éléments et pièces produits, n'a pour effet de rouvrir
l'instruction qu'en ce qui concerne ces éléments ou pièces.
Médiation à l'initiative de l'expert (CJA, art. R. 621-1 ) L'expert peut
se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre
l'initiative, avec l'accord des parties, d'une telle médiation.
Communication des mémoires pendant l'instruction (CJA,
art. R. 613-3 ) Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne
donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction.
Recours abusifs (CJA, art. R. 741-12 ) Le montant maximal des
amendes pour recours abusif qui était de 3 000 euros a été augmenté. Il est
désormais de 10 000 euros. L'article 24 du décret du 2 novembre 2016
modifie l'article R. 741-12 du code de justice administrative, en augmentant
le montant maximal des amendes pour recours abusif.
Fonctionnement de la juridiction administrative. Le décret consacre le
rôle des greffiers des juridictions administratives dans la conduite de
l'instruction (CJA, art. R. 611-10 ).
Requêtes collectives. Il sera également possible de limiter le nombre de
notifications de la décision de justice lorsqu'une requête, un mémoire en
173
défense ou un mémoire en intervention a été présenté par plusieurs
personnes ou a été présenté par un avocat pour le compte de plusieurs
personnes (CJA, art. R. 411-6 , R. 611-2 et R. 751-3 ).
o
Décret n 2016-1481 du 2 novembre 2016 relatif à l'utilisation des
téléprocédures devant le Conseil d'État, les cours administratives
d'appel et les tribunaux administratifs.
er
Depuis le 1 janvier 2017, ce décret rend obligatoire l'utilisation de
l'application Télérecours, tant en demande qu'en défense ou en
intervention, pour les avocats, les personnes publiques, à l'exception des
communes de moins de 3 500 habitants, et les personnes morales de droit
privé chargées d'une mission permanente de service public. Il ouvre une
faculté d'utilisation aux associations d'assistance aux étrangers dans les
centres de rétention.
Modes alternatifs de règlement des différends : de la conciliation à
la médiation.
o
La loi n 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du
175
de désigner la ou les personnes qui en sont chargées, ou lui demander de
désigner la ou les personnes qui sont chargées d'une mission de médiation
qu'elles ont elles-mêmes organisée.
o
Le décret n 2017-566 du 18 avril 2017 prévoit que, lorsque le délai de
recours contentieux a été interrompu par l'organisation d'une médiation,
l'exercice d'un recours gracieux ou hiérarchique ne l'interrompt pas de
nouveau, sauf s'il constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours
contentieux (CJA, art. R. 213-4 ).
La médiation à l'initiative du juge (CJA, art. L. 213-7 à L. 213-10
) Lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est
saisi d'un litige, le président de la formation de jugement peut, après avoir
obtenu l'accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir
à un accord entre celles-ci.
o
Le décret n 2017-566 du 18 avril 2017 indique que le juge peut prendre à
tout moment les mesures d'instruction qui lui paraissent nécessaires (CJA,
art. R. 213-8 ).
La conciliation disparaît au profit de la médiation. L'article 5-VI de la
loi du 18 novembre 2016 prévoit qu'à compter de la publication de la
présente loi, les missions de conciliation confiées à un tiers en application
de l'article L. 211-4 du code de justice administrative, dans sa rédaction
antérieure à la présente loi, se poursuivent, avec l'accord des parties, selon
er
le régime de la médiation administrative défini au chapitre III du titre I du
livre II du même code, dans sa rédaction résultant de la présente loi.
Expérimentation. L'article 5-IV de la loi du 18 novembre 2016 prévoit qu'à
titre expérimental et pour une durée de quatre ans à compter de la
promulgation de la loi, les recours contentieux formés par certains agents
o
soumis aux dispositions de la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits
176
et obligations des fonctionnaires à l'encontre d'actes relatifs à leur situation
personnelle et les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits
attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur
des travailleurs privés d'emploi peuvent faire l'objet d'une médiation
préalable obligatoire, dans des conditions fixées par décret en Conseil
d'État.
o
Médiation : recours des militaires. Le décret n 2017-566 du 18 avril
2017 précise les modalités d'articulation de la médiation à l'initiative des
parties avec la procédure de recours administratif préalable obligatoire
devant la commission des recours des militaires, dont le régime est fixé par
les articles R. 4125-1 à R. 4125-10 du code de la défense.
Déontologie des membres des juridictions administratives
o
La loi n 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et
obligations des fonctionnaires a été publiée au Journal officiel de la
République française le 21 avril 2016. Le texte consacre les valeurs
fondamentales communes aux agents publics telles que la dignité,
l'impartialité, la probité, la neutralité et la laïcité.
La déontologie des membres des juridictions administratives et financières
fait l'objet de dispositions spécifiques, codifiées respectivement dans le code
de justice administrative et celui des juridictions financières. Il s'agit de
conforter des procédures existantes, comme les collèges de déontologie des
deux ordres de juridiction.
Le texte impose aussi des obligations renforcées à leurs membres, en
particulier celle de s'abstenir de « tout acte ou comportement à caractère
public incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions ».
Autres dispositions importantes relatives aux juridictions
administratives et financières
177
La loi ouvre la possibilité de nommer des conseillers d'État en service
extraordinaire pour exercer des fonctions juridictionnelles.
La Cour des comptes pourra, elle, se doter de conseillers référendaires en
service extraordinaire.
L'appellation de « magistrats des tribunaux administratifs et des cours
administratives d'appel » est généralisée dans le code de justice
administrative.
Les sous-sections du Conseil d'État deviennent des chambres.
Enfin, la loi comporte des dispositions procédurales :
- la possibilité d'attribuer des litiges en premier et dernier ressort aux cours
administratives d'appel est généralisée ;
- il est créé une formation de référé à trois juges.
La loi habilite le gouvernement à prendre, par ordonnance, d'importantes
mesures statutaires concernant les membres des juridictions
administratives et financières et à moderniser le code des juridictions
financières.
Modifications de règles de fonctionnement du Conseil d'État
o er
Un décret n 2016-899 du 1 juillet 2016 (JO 2 juill.) modifie plusieurs
règles applicables au Conseil d'État.
Dénomination des formations contentieuses. En application de la loi
o
n 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et
er
obligations des fonctionnaires, le décret du 1 juillet 2016 change la
dénomination des formations contentieuses du Conseil d'État qui prennent
le nom de « chambres » en lieu et place de celui de « sous-sections ». Les
« secrétaires de sous-section » deviennent quant à eux des « greffiers en
chef de chambre ».
Limitation dans le temps de certaines fonctions
Les présidents de chambres et les conseillers d'État chargés de fonctions
d'assesseurs sont désignés pour une durée de quatre ans. Ils peuvent, à
178
leur demande, être renouvelés dans leurs fonctions pour une durée de trois
ans par arrêté du vice-président du Conseil d'État (CJA, art. R. 122-6 ,
R. 122-7 , R. 773-9 ).
Les rapporteurs publics ne pourront exercer leurs fonctions pendant une
durée totale supérieure à sept années (contre dix ans auparavant). En cas
de nécessité de service, leurs fonctions pourront être prolongées dans la
limite de six mois (CJA, art. R. 122-5 , R. 122-6 , R. 122-7 ).
Ces dispositions ne s'appliquent qu'aux personnes nommées, renouvelées
ou prolongées dans leurs fonctions après l'entrée en vigueur du texte, soit
le 3 juillet 2016.
Section administrative
Auditeurs et des maîtres des requêtes. Par ailleurs, le texte réduit à
trente mois (auparavant trois ans) le nombre minimum d'années de service
exigé des auditeurs et des maîtres des requêtes pour qu'ils puissent être
affectés à une section administrative en plus de leur affectation à la section
du contentieux (CJA, art. R. 121-3 ).
Réunion en formation restreinte. Il modifie les modalités d'examen des
projets de texte en section administrative en permettant un examen en
formation restreinte pour les affaires inscrites à l'ordre du jour de la section
dont le président estime qu'elles ne soulèvent pas de difficulté particulière
(CJA, art. R. 123-6-1 ). La composition de la formation restreinte est fixée
par le président et doit compter au moins trois membres (CJA, art. R. 123-
8 ).
179
les règles de fonctionnement de cette commission (CJA, art. R.*132-1 à
R.*132-7).
180
o
2010 susvisé sont abrogés (Décr. n 2012-1088 du 28 sept. 2012, art. 4, JO
29 sept.).
181
165. Dispositions relatives aux maîtres des requêtes en service
extraordinaire. - Pris pour l'application du chapitre III du titre III de la loi
du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des
conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, un
décret du 28 septembre 2012 fait évoluer le statut des maîtres des requêtes
en service extraordinaire. Sont ainsi ajoutés un article R.* 133-10 au code
de justice administrative selon lequel : « La nomination des maîtres des
requêtes en service extraordinaire est prononcée pour une durée de quatre
ans par arrêté du vice-président du Conseil d'État. / Les maîtres des
requêtes en service extraordinaire sont détachés auprès du Conseil d'État ou
mis à sa disposition. / Les services accomplis en qualité de maître des
requêtes en service extraordinaire sont pris en compte, le cas échéant, au
titre de la mobilité statutaire des corps recrutés par la voie de l'École
nationale d'administration et des administrateurs des postes et
télécommunications » ; un article R.* 133-11 au même code aux termes
duquel : « À l'exception du deuxième alinéa de l'article R. 121-3, les
dispositions du présent code relatives aux maîtres des requêtes sont
applicables aux maîtres des requêtes en service extraordinaire » ; ainsi qu'un
article R.* 133-12 qui précise : « Après trente mois au moins d'exercice de
leurs fonctions, les maîtres des requêtes en service extraordinaire peuvent
présenter leur candidature pour une nomination, en application de l'article
L. 133-12, au grade de maître des requêtes ». Le même décret indique que
pour l'application des dispositions de l'article L. 133-12 du code de justice
administrative, les fonctions normalement dévolues aux maîtres des requêtes
et aux auditeurs en application des dispositions de l'article 2 du décret
o er o
n 2004-1088 du 14 octobre 2004 ou de l'article 1 du décret n 2010-101
du 28 janvier 2010 sont regardées comme ayant été accomplies en qualité
de maître des requêtes en service extraordinaire au sens de l'article L. 133-9
o
du même code (Décr. n 2012-1088 du 28 sept. 2012, art. 2, JO 29 sept.).
182
construction et de l'habitation contre les décisions de sanction prises par le
ministre chargé du logement ou conjointement par les ministres chargés du
o
logement et des collectivités territoriales (L. n 2014-366 du 24 mars 2014,
art. 102-IV et IX, JO 26 mars).
183
Autorité de sûreté nucléaire. Le Conseil d'État est compétent sur le
o
fondement du 4 de l'art. R. 311-1 pour connaître en premier et dernier
ressort des recours dirigés tant contre les décisions prises par l'Autorité de
sûreté nucléaire (ASN) au titre de sa mission de contrôle et de régulation que
contre celles par lesquelles les ministres homologuent ces décisions (CE
17 oct. 2014, Comité de réflexion d'information et de lutte anti-nucléaire
o
[CRILAN], req. n 361315 ).
184
337. Extension du champ du référé précontractuel. - Le code de justice
administrative est adapté (modification de l'article L. 551-1) pour étendre la
procédure de référé précontractuel à la sélection d'un actionnaire opérateur
o
économique d'une société d'économie mixte à opération unique (L. n 2014-
er o
744 du 1 juill. 2014, art. 2, 1 , JO 2 juill.).
185