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Michel Billières
L’objet de cet article est de rappeler que la linguistique structurale a rendu d’éminents
services à la didactique du FLE. Avec le recul, certaines limites de cette approche de la
langue sont évidentes. De même que ses apports. Le structuralisme renseigne sur
l’organisation interne du système linguistique. En cela, il met à disposition du professeur de
FLE un ensemble de connaissances nécessaires et de ressources efficaces. Or, justement,
l’une des missions prioritaires de l’enseignant est de doter d’abord ses élèves d’une
compétence linguistique en L2. Et d’en faire ensuite, éventuellement, des acteurs sociaux…
Le structuralisme, une conception scientifique de la langue
Bref rappel du traitement réservé au structuralisme par la didactique du fle.
Les méthodes audio-orales nées aux USA pendant la Deuxième Guerre mondiale étaient
fondées sur les apports de la linguistique structurale. En 1960, les auteurs de la 1ère méthode
audio-visuelle (MAV) Voix et Images de France s’inspirent aussi résolument des principes du
structuralisme. Celui-ci tient le haut du pavé pendant cette décennie. Il est également sollicité
dans les années 70. De Vive Voix (1972), une 2ème MAV emblématique de cette période, est
également fondée sur ses principes dans son approche de la langue. C’est la période de la
linguistique appliquée à la pédagogie des langues.
Durant les années 70, le structuralisme est concurrencé par des théories linguistiques
émergentes dont le FLE s’empare instantanément. L’énonciation et la pragmatique
notamment, puis l’analyse conversationnelle ainsi que l’analyse du discours. Les
linguistiques de la communication prennent le pas sur les linguistiques du système de la
langue. Et ce d’autant plus que le terme communication est le mot phare de cette période.
Les Approches communicatives sonnent le glas du structuralisme pendant les années 80. Il
est alors de bon ton de vouer aux gémonies les avancées de la période précédente. Le
dogmatisme structuraliste est dénoncé, il dégage en outre d’insoutenables relents de
behaviorisme. Cette période est aussi marquée par un spectaculaire développement de
l’anthropologie culturelle au sens large. La didactique du FLE s’y engouffre. La montée en
force de l’interactionnisme renforce l’idée selon laquelle Le développement langagier est
intimement lié à des pratiques sociales.
Les aspects linguistiques sont de plus en plus minorés. Cette tendance se confirme durant les
années 90 où l’éclectisme domine le FLE. Cela ne va pas en s’arrangeant avec la mise en
place du Cadre à partir de 2001. L’apprentissage d’une L2 est une activité socio-cognitive
étroitement liée à
Les pédagogues du FLE des années 1960 bénéficient d’un courant de recherches américain
initié par R. Lado est connu sous le nom d’analyse contrastive. Ce type d’analyse se
développe sur la base d’un substrat béhavioriste: importance de la L1 dans l’appropriation de
la L2 .Le postulat est que cette appropriation est avant tout un transfert des habitudes prises
en L1. Par conséquent, en établissant une comparaison des structures de L1 et L2, il est
possible de prédire et donc d’expliquer l’apparition des erreurs de l’apprenant en fonction de
sa L1. Intuitivement, plus la L1 est proche de la L2, plus l’acquisition de la L2 par
l’apprenant sera facilitée car il ne fera que des transferts positifs.
L’analyse des erreurs se met en place au milieu des années 1960 et connaît une grande
vogue dans les années 1970. Elle est fondée sur le rejet des principes béhavioristes par la
relativisation du rôle du transfert (Corder) et sur la mise en évidence de la relative autonomie
des processus de construction des connaissances d’une L2. Certaines erreurs sont des traces
d’un système linguistique en développement, différent de L1 et L2. L’apprenant explore le
système linguistique auquel il est confronté en faisant et testant des hypothèses. Les erreurs
sont les reflets de ces hypothèses ainsi que les indices des stratégies d’apprentissage.
L’analyse des erreurs, développée en France par des linguistes didacticiens comme R.
Porquier ou C. Perdue, présente un intérêt certain, notamment pour l’enseignement de la
grammaire :
d’une part elle sert à décrire, corriger, expliquer les erreurs et ensuite les anticiper
(orientation didactique) ;
d’autre part, elle aide à mieux comprendre les processus et les stratégies
d’apprentissage des L2 (orientation psycholinguistique);
enfin, elle permet d’élaborer du matériel didactique plus adapté comme de
recommander des stratégies d’enseignement plus efficientes.
L’influence du structuralisme dans l’enseignement du fle.
La priorité à l’oral.
La langue est un système de signes vocaux dont la fonction principale est d’être un outil de
communication entre les membres d’une communauté donnée.
Partant de ce principe, les dialogues constituent l’unité de base des MAV. Les élèves sont les
témoins d’échanges linguistiques dans la langue cible. Les personnages de la méthode sont
toujours plongés dans des situations de la vie réelle (la scène se passe à la maison, au bureau,
à l’école, à la poste, à la boulangerie…). Le dialogue est présenté grâce à un enregistrement
et à une succession d’images sur film fixe ou diapositives. L’image aide les élèves à
interpréter la situation et à faire le lien avec la séquence sonore correspondante présentée par
le truchement du magnétophone.
La linguistique structurale a mis en évidence que le code oral et le code écrit d’une langue
n’étaient pas similaires. De nombreux travaux portent sur les particularités de l’oral. Ils
éclairent les phénomènes de liaison et d’enchaînement, les marques du genre et du nombre,
mettent en lumière l’importance de l’intonation, soulignent que l’apprentissage du code oral
est plus économique que celui du code écrit. Par exemple, le nombre de formes parlées
d’un verbe est toujours inférieur à son nombre de formes écrites : au présent de l’indicatif,
“fumer” a 6 formes distinctes à l’écrit contre 3 –prononcées [fym]- à l’oral. Ou encore, on a :
les cahiers étaient fermés
4 mots
écrit + + + +
marqués
1 mot
oral + 0 0 0
marqué
Les partisans des MAV recommandent donc de privilégier au maximum l’apprentissage de
l’oral et de bien former l’oreille de l’élève aux spécificités sonores de la L2. Ce sont les
débuts de la méthode verbo-tonale d’intégration phonétique qui donne de bons résultats si les
enseignants ont reçu une formation adéquate quant à son utilisation. Le passage à l’écrit ne
sera entrepris qu’au bout de quelques dizaines d’heures, quand la surdité phonologique de
l’élève aura été entamée et qu’il sera plus à l’aise pour se mouvoir dans le paysage sonore de
la langue étudiée.
Le schéma global de l’apprentissage à cette époque est donc de travailler exclusivement l’oral
puis d’aborder l’écrit. En s’appuyant également sur le principe selon lequel ce déroulement
est naturel et concerne tout individu. Chacun de nous apprend d’abord à parler, ensuite à
écrire (éventuellement).
ils sont basés sur une procédure ternaire stimulus – réponse – renforcement. Il y a là
un risque de conditionnement ne prenant pas en compte que des stimuli autres que
verbaux (l’approbation de l’enseignant) peuvent intervenir pendant l’application de
ces exercices ;
Ces exercices favorisent le contexte linguistique mais paraissent artificiels et peu
vraisemblables, d’où un risque de démotivation et de rejet ;
Les comportements verbaux des apprenants sont très différents de leurs
comportements verbaux naturels ; est-il possible dans ce cas de transférer la
compétence manifestée pendant ces exercices dans des activités d’oral spontané ?
Ces exercices appliquent-ils les principes de la linguistique structurale ou servent-ils
d’alibi pour réactiver des procédures pédagogiques plus anciennes ?
Pour terminer…
Dans cet article, je me suis contenté de rendre justice au structuralisme injustement décrié
par certains didacticiens qui ont préféré mettre leurs pas dans de nouvelles modes. Cette
approche de la linguistique ne constitue nullement une panacée pour l’enseignement d’une
L2. Certaines théories beaucoup trop abstraites n’ont rien à faire en FLE qui s’inscrit dans un
univers concret et non dans celui, éthéré parfois, de la recherche universitaire. Mais certains
analyses et modes de présentation du système de la langue sont extrêmement fonctionnels. Et
pouvant déboucher sur des pratiques pédagogiques efficaces. Ils méritent d’être (re)connus
des praticiens du FLE.
source: Illustration provenant
de Clic images 2.0 – Canopé académie de Dijon
http://www.cndp.fr/crdp-dijon/clic-images/