Beruflich Dokumente
Kultur Dokumente
ciV?J??...J..^..Û.,...l.
MUSICALE,
PUBLIÉE
PAR M. FÉTIS.
an&.
AU BUREAU.,
DE L'AGENCE GÉNÉRALE DE LA MUSIQIE,
ET DE LA REVUE MOSICALE,
RUE DU HELUER, N. 13.
1832
IJllT.HIfcRls: DE E. l/JVEBGEa
.
1 90 DoRUS.
Aerepoone. 15, 303, 394 DUVERGER (E.).
Aimond (Léopold); son Abécédaire musical. 100 EraEd (Sébastieu);sa nécrologie. 213
Allemand (théàlre). 82 Études Élémentaires, Exerc. parM, Rodrigttezde Ledesma. 1S8
— (Ouverture
' du). Freyschiitz. 118 — de chant par M. Choron.
— Fidélio. 124 Expériences sur la voix.
— Oberon. 135 EiORiLLO (ignare). 189
— Don Juan. Id. Floquet (Elienne-Jcseph). 281
— Eurymiihe. IS!) Fragment d'un voyage musical en Allemagne.
Ambigu (tliéâtre de !'). Le grenadier de J-f'^agram, 126 Gail (X.-Fr.).
— L'Hôtel des Princes. 103 GARAUDÉ(de) 116,131, 556
Anders; sa noùce suv Paganini. 46, il7, 187 Gide (Casimir), Le roi de Sicile. 297
Anecdotes. 2 82 Gluck, Armide 256
Apollonicon. Grand orgue mécanique. 35 GoMis sa partition du Diable à Se'ville.
;
Behnati. Rapport sur son mémoire à l'académie des sciences. — Découverte de tablettes grecques. 162,
49, 113, 32 0, 557 — Revue musicale depuis le i" janvier 1850. 185, 201, 221,
Berattoki. 258 237, 2S5,
Bériot (de). 71 — Sur un monument du xn* siècle.
Bkrtin MI's) ; son opéra de Faicsto. 43 — Découverte d'un manuscri intéressant. 245
Biographie. 51,81,189,281 — Notice d'un rare curieux.
livre et 264
BoHRER. Matinées musicales. 45 — Notice de quelques poèmes musique. sur la 270
BORDOGNI. 300 — Sur un livre singulier. 280
Bulletin d'analyse. Quatuor et quinletli ir.M. A. de Sayv'e. 59 — De des
la division de composition
écoles 541, 349, 574
— Robert-le- Diable. 399 Institut (Concours de 1') 224
Carradori (M""). 283 Institution de musique classique. 14, 21, 61, 70, 559
Garaffa ; son ballet de XOrgie. Instrumens à cordes pincées. 17
— Le Livre de l'Ermite. Italien (théâtre). Reprise de Don Juan.
,
19
Chobon, — Faitsto. 43
Concerts dit conservatoire. 14, 21, 30, 52, 08, 84, 102 — Xancredi. fiO,
Concert au profit des Belges, — La Gazza ladra.
— au des
profit Polonais. — Anna Bolena.
— de M. A. Mereaux. — // mairinionio secreto.
— de M . Sor. — La Sonnambula.
— de Mil» Miclicl. — Don Jiovanni.
— de l'Athénce niusic<)l. — L'Italiana Algeri. in
— de M. Hiller. Kalr.brenner. 8, 210, 308, 386
— de Société des
la arts libres. 379 Kiesewetter.
— du Ihéâlre Italien. 392 KOELLA.
Concours de l'Instilul. 224 Lablachp. 218,
— du Conservaloire. id. Lays; sa nécrologie,
Conservatoire de musique. Concoiirs. 224 Lesueur, Messe solennelle.
— Distribution des prix. 23!) Levasse UR, 108,
Conservatoire de musique de ?.jaurii). 140 Littératurf. musicale. Méthode p la guitare, par /''. Sor.
Conti ; sa biographie. — E,ssais sur la musique de Grétry.
Correspondance. 76, 92, 400, 107, 116, 117, 121, — Paganini et Bériot. 7,
155, 157, 16!}, 173, 179, 182, 195, 197, 230, 2S3, — Mémoires sur la musique, par M. H'. T. Parhe.
317, 33:;, 505, — De la musique de Brassini , par P. Br-ighemi
Cornette. Méthode de trombone. — Sur l'origine de la déiiignation des miles de la gamme, en An-
David. gleterre, par les lettres de l'alpli.'ilïft.
Derivis fils. — Sur les dictionnaires de musique. 3oi, 309, 520,
Détails sur un manuscrit du .tvie siècle. LiJBE (J.-C.). Le Flibustier.
'm
\l
1
Pages. P.-,ges-
398
Martinet (M""). S48 PuULICATIONS ÉTRANGÈRES. 4S, 24, 40, 120
Massart. 82 — Le Flibustier. 267, 275, 352, 362, 388
Mattei (Stanislas). Pratique d'accompagnemenl. 20S Publications INSTRUMENTALES. OEuv. composées pour le piano,
Mazel (m"»). Soirée musicale. 408 par C. M. de JVeber. f
Mereau.x (a.); son concert. 06 Question de théorie. 5
Méric-Lalande (M"!*^). 60 Raimbaux (M""=). 55,79,351, 370
Méthodes élémentaires. Méthode de tromboue. 200 RÉFLEXTÏONS SUR LE GOUT MUSICAL EN FRANCE. 405
Meterbeer. Roberl-le- Diable. 337, 399 RiNCK (C.-H.). 256, 515
Michel (M"«). 82, 126 ROSNER (M""). * ' '
REVUE MUSICALE,
V" ANNÉE. PUBLIÉE PAR M. FÉTIS. IV- h
AVIS IMPORTANT. pince d'une main en appuyant les doigts de l'autre sur
le manche, sont originaires de l'Orient. Les monumens
Convaincu de de rendre la nécessité aussi
de la plus haute antiquité découverts en Egypte depuis
utile qu'il est possible la Revue musicale, soit
quelques années, les papyrus, les peintures des hyp-
par le mode de sa rédaction et sa forme, soit par
pogées, etc. , ont démontré jusqu'à l'évidence que cette
l'économie, le rédacteur et fondateur de ce jour-
sorte d'instrumens était connue des Égyptiens long-
nal a cherché le moyen de rassembler dans le
temps avant qu'on en fît usage en Europe. Il ne paraît
plus petit espace possible la plus grande quan-
même pas que les Romains les aient adoptés après qu'ils
tité de matière afin d'en pouvoir mettre le prix
,
eurent fait la conquête de l'Egypte, car aucun poète,
à la portée des fortunes les plus bornées. Le
orateur ou historien latin n'en fait mention , et l'on n'en
nouveau format sous lequel il publie la Revue
a pas trouvé de traces parmi les restes de l'antiquité qui
i dater de la première livraison de la cinquième
sont parvenus jusqu'à nous; les fouilles de Pompéia et
année, lui a paru le plus convenable pour at-
teindre son but. En effet, par la combinaison de d'Herculanum n'ont rien fait découvrir qui y ressemble.
Il paraît que les invasions des Maures dans le midi de
la composition par colonnes, il est parvenu à
renfermer autant de matière dans une seule
l'Europe, au moyen âge, et les établissemens qu'ils
fondèrent en Espagne , ont introduit les diverses variétés
feuille que dans les deux feuilles de l'ancien
du luth et de la guitare dans la musique instrumentale
format , ayant porté à quarante mille le nombre
de nos aïeux est du moins démontré que la guitare se
des lettres contenues dans chaque numéro, : il
Au moyeu de combinaison dont il vientla ces instrumens furent connus et adoptés par les musi-
d'être parlé, l'éditeur de la Revue musicale est ciens de profession qui avaient suivi les chevaliers à la
arrivé à pouvoir réduire de moitié le prix d'a- Terre-Sainte. Les manuscrits des poètes et des roman-
bonnement de ce journal; en sorte qu'à l'avenir ciers du douzième siècle nous offrent des peintures dans
ce prix sera de 3o francs par année au lieu de 60, lesquelles se trouvent des instrumens à manche, et à cor-
tel qu'il était précédemment. des pincées ; ce qui prouve qu'ils étaient devenus dès
Les personnes qui ont renouvelé leur Abon- lors d'un usage assez général.
nement, ou qui ont acquitté des mandats avant Parmi les instrumens de cette espèce, le luth tient le
de recevoir cet avis, pourront à volonté récla- premier rang. Les Arabes qui paraissent l'avoir inventé,
mer l'excédant au bureau de la Revue musicale, lui donnent le nom d'E^oud, nom qui signifie un in-
rue Bleue, n" 18, ou l'imputer sur les renouvel- strument en général. Ils l'appellent ainsi parce que le
lemens subséquens. luth leur semble être l'instrument par excellence. Les
Turcs, en confondant en un seul mot l'article et le nom
El-E'oud (l'E'oud), en ont corrompu l'orthographe,
INSTRCIHENS A CORDES PINCEES^ et l'ont écrit et prononcé Laoatah. Les Espagnols, qui
Les instrumeas terminés dans leur partie supérieure reçurent l'instrument des Maures avec son nom, en ont
fM Mil manche, et moatés de plusieurs cordes qu'on moins altéré la prononciation dans Laoudo, Le même
,
REVUE MlîSICALE.
nom a été écrit par les Italiens Leuto , puis Liato , et en- dont il est monté et quant à son accord. Son manche,
fin les Français en ont fait celui du Laik. plus large que celui de l'Éoud, est garni de vingt cordes,
La forme du lutt est celle d'une poire coupée dans dont dix-huit sont accouplées ; six de ces cordes sont
le sens de sa longueur et un peu aplatie yers le bas. accordées deux par deux à l'unisson; douze sont aussi
. Sa face antérieure, du côté de la table, est plate; la deux par deux à l'octave; les deux premières, appelées
partie postérieure , nommée le dos , est convexe. La tête chanterelles, sont simples. Cet instrument est fort difficile
ou le cheviller, qui est renversée en arrière, forme avec à jouer et exige beaucoup d'énergie dans la main gauche
le manche un angle d'environ cinquante degrés. Ce che- de l'exécutant. On accorde les cordes basses suivant les
viller est creux, et ses laces latérales sont percées de tons où l'on veut jouer, ce qui exige une attention sou-
trous pour y placer les chevilles, au nombre de qua- tenue pour le doigté. Plus étendu que la guitare , beau-
torze. Le manche est plat dans sa partie supérieure, et coup plus sonore , il offre de grandes ressources dans la
arrondi en dessous. Dans les luths orientaux, ce man- musique des instrumens à cordes pincées. Au lieu d'une
che est en bois de Sandal , et se trouve divisé en treize plume d'aigle ou d'une lame d'écaillé, les luthistes se
bandes longitudinales par douze filets en bois de citron- servaient des doigts pour pincer les cordée du luth. Il
nier; au-dessus du manche est le sillet en ivoire, en- était nécessaire de pincer avec légèreté et douceur par
taillé de sept couples decrans poury recevoir les cordes. la main droite pendant qu'on appuyait avec beaucoup
La table est d'un seul morceau de sapin : elle est percée de force les doigts de la main gauche sur les cordes. Les
de trois ouïes rondes, dont l'une, placée vers le milieu difScultés de cet instrument l'ont fait abandonner depuis
de l'instruiùent, a io8 millimètres de diamètre; les deux soixante ans environ. Il y a eu des luthistes célèbres en
autres, plus petites, n'ont que 32 millimètres. Le tire- France, en Allemagne et en Italie, dans les seizième et
.corde, placé à peu près comme celui de la guitare, est dix-septième siècles. Parmi les luthistes français, les
percé de sept couples de trous dans lesquels on passe les deux Gaultier, père et fils, qui vivaient sous les règnes
cordes pour les attacher ; ces cordes sont faites de boyau, de Louis XIII et de Louis XIV , ont été les plus habi-
diffèrent peu en grosseur, et sont attachées au tire-corde les ; en Allemagne, Bésard, Drauffel et Baron; en Italie,
et aux chevilles de la même manière qu'à la guitare. Conti et Petrazzi , ont été au premier rang des artistes
La partie inférieure ou le dos de l'instrument, appe- sur cet instrument.
lée Qaca/i par les Arabes, est composée de vingt-une Les Arabes ne manquent pas d'histoires merveilleuses
côtes en bois d'érable, séparées entre elles par vingt sur les effets du luth, lorsqu'il était joué par d'habiles mu-
petites bandes de bois de Sainte-Lucie. siciens. Par exemple, ils racontent que leur fameux phi-
La longueur totale de l'instrument est de 726 milli- losophe Al Farabi, ou Fariaby, avait le don de faire rire,
mètres. La longueur du manche est de 224 millimètres; ou pleurer, ou même d'endormir son auditoire, lorsqu'il
sa largeur, près du sillet, est de 49 millimètres; et près jouait de cet instrument. D'Herbelot rapporte à ce sujet
du corps sonore, de 65 millimètres. une histoire qu'il a puisée dans les écrivains arabes.
Les cordes sont élevées sur un chevalet. On les pince Ce grand homme, disent-ils , étant un jour à la cour
avec une plume d'aigle ou une lame d'écaillé. Elles sont « de Sahen ben-Ebâd, prit un luth des mains d'un des
doubles , c'est-à-dire qu'il y en a deux accordées à l'u- Il musiciens, et ayant joué d'une manière que lui seul
nisson pour chaque note, et s'accordent d'une manière (I connaissait, il causa d'abord la joie la plus vive à tous
singulière, dont voici la disposition : a les assistans; puis il les fit fondre en larmes, et enfin
« n les endormit. Quand il les vit plongés dans le som-
Ut faj^, si, mi, la,re , la.
jff,
n raeil, il écrivit sur le manche du luth dont il s'était
L'ut Ij, lest et le dernier la répondent aux notes « servi ces paroles : Fariab est venu, et les chagrins se sont
qu'on peut obtenir sur le la de la guitare ; le re , le mi « dissipés. Saheb ayant lu par hasard ces paroles, eut
et le fa sont à l'unisson des notes semblables qu'on tout le reste de sa vie un grand déplaisir de ne l'avoir
Jj
est à l'octave supérieure du dernier. L'étendue totale de Les habiles luthistes européens ne faisaient pas, que
l'instrument est d'une octave et une quarte, depuis le la je sache, rire, pleurer, ni dormir ceux qui les écou-:
inférieur jusqu'au re supérieur. talent ; mais à en juger par quelques pièces qui nous
La description qu'on vient de voir est celle de l'Eoud, restent , ils exécutaient des choses fort difficiles , et il
ou luth original. Le luth européen, peu différent pour est vraisemblable qu'ils produisaient d'assez grand*
a forme , est tout-à-fait dissemblable quant à la manière effets d'un ordre tout particulier.
REVUE MUSICALE.
Le meilleur ouvrage qu'on ait sur le luth est celui de celui de la guitare. La mandoline se tient de la main
E. G. Baron, intitulé : Recherches historiques, théoriques gauche, et l'on en tire des sons par le moyen d'une
et pratiques sur le luth. L'instruction sur l'art de jouer plume qu'on tient avec l'extrémité du pouce et de l'index.
du /art (Isagoge in artem testidu nariam )
que Bésard a Les quatre cordes de cet instrument sont accordées à
insérée dans son Thésaurus harmonicus , est aussi un ou- l'unisson de celles du violon. En Italie il y a des man-
vrage assez curieux. dolines à trois cordes, d'autres à cinq, dont l'accord
Du nom de luth on a fait luthier, qui signifia d'abord varie selon le caprice des exécutans. Le Calascione ou
un fabricant de luths, et<ju'on a appliqué depuis à tous Colascione ,
petit instrument avec un très long manche ,
les facteurs d'instrumens à cordes, soit pincées, soit à dont le peuple Napolitain se sert, est une espèce parti-
archet. culière de mandoline qui se joue avec une plume. Il est
Plusieurs variétés du luth fureet imaginées en Italie ordinairement monté de trois cordes, mais quelquefois
vers la fin du quinzième siècle. La première fut VArchi- il n'en a que deux.
luth, instrument beaucoup plus volumineux, et qui ren- Presque toute la fomille du luth a disparu de la mu-
dait des soQs plus forts que ceux du luth ordinaire. Il sique européenne. Dans les seizième et dix-septième
servait à jouer la basse dans les concerts composés de siècles, elle tenait la première place dans ce qu'on nom-
voix et d'instrumens à cordes pincées ; mais la largeur mait les concerts de chambre [musica da caméra), et
excessive de son manche, qui le rendait fort difficile c'était avec ces m'ines instrumens qu'on accompagnait
à jouer, l'a fait abandonner long-temps avant que les les madrigaux, villanelles, chansons de table et autres,
autres variétés du luth eussent cessé d'être en usage. qui étaient toujours chantées à plusieurs parties. Tous
Lichtenthal dit, dans son Dictionnaire de musique, que les concerts que représentent les tableaux du Titien,
ce nom fut celui qu'on donna d'abord au Théorbe; mais du Yalentin et des autres peintres anciens de l'école
c'est une erreur : l'archiluth et le théorbe étaient deux italienne, offrent de ces réunions d'instrumens à cordes
plus grand , soutenait les huit dernières cordes ; celles- de violons, de harpes, de luths, dethéorbes, de basses
ci servaient pour les basses et se pinçaient à vide. de viole et de clavecins pour l'accompagnement de la
Deux autres variétés du luth ont été fort en usage basse continue. Un pareil orchestre paraîtrait aujour-
vers le commencement du dix-huitième siècle; le pre- d'hui bien sourd , mais l'effet en serait original.
mier de ces instrumens s'appelait la Pandore. Cet Les Tùrks, les Persans et les Arabes ont une sorte
instrument avait le même nombre de cordes que le luth d'instrumens à cordes pincées dont on ne trouve l'ana-
et s'accordait de la même manière mais au lieu d'être; logue en Europe que dans l'ancien cisire ou guitare al-
faites de boyau , ces cordes étaient de métal. Une autre lemande : ces instrumens sont les tanbours, qui se di-
différence se faisait aussi remarquer dans sa forme : visent en 'plusieurs sortes, dont les noms indiquent ou
au lieu d'être convexe , le dos de la pandore était plat. l'origine, on les dimensions.
Le second instrument du genre du luth était la Mandore. Les tanbours diffèrent des instrumens de la famille du
Celui-ci n'avait que quatre cordes qui étaient accordées luth, sinon par une forme constante, au moins par la
de quinte en quarte. On abaissait quelquefois d'un ton manière dont ils sont montés et dont on en joue. Leurs
la corde la plus haute, ou chanterelle, pour obtenir cordes sont de métal ; leurs manches sont divisés en
d'autres accords ; cela s'appelait jouer d corde avalée. cases par des touches fixes composées de plusieurs tours
Ces deux instrumens ont cessé d'être en usage depuis de cordes ù boyau fortement serrés les uns contre les
long-temps. autres ; enfin ces instrumens ne se pincent point avec les
La Mandoline, autre petit instrument de la famille doigts, mais se frappent avec un plectre formé d'une
du luth , est presque le seul dont les musiciens se servent lame d'écaillé de tortue ou de la partie dure d'une plume
encore. Xa partie postérieure du corps est rond comme d'aigle. Ce qui distingue surtout les ia-nbours des autres
celui du luth, mais le manche a plus de rapport avec instrumens, c'est que, i° le manche et le csteviller ne
REVUE MUSICALE.
kébyr tourky, ou la grande mandoline turque; 2° le tan- sont tantôt un Ion, tantôt un demi-ton de distance. Une
bour cliar<iy (mandoline orientale); 5° tanbour boutghâry des cordes est de laiton; les trois autres sont d'acier.
(mandoline bulgare); 4° tanbour bouzourk (grande man- L'une de ces dernières est à l'unissen du re du violon;
doline); 5° tanbour baghlamalt (petite mandoline). les trois autres sont à l'unisson du la du même in-
Le tanbour kebyr tourky est un instrument haut de strument. L'étendue totale est d'une octave et d'unie
I mètre 34o millimètres, dont le manche et la tête com- quarte.
prennent à eux seuls 1 mètre i5 millimètres; la caisse Le tanbour Bouzourk est la grande mandoline per-
de l'instrument n'a conséquemmentque 325 millimètres. monté de six cordes et a vingt-cinq touches.
sane. Il est
La caisse est bombée et plus qu'hémisphérique ; elle est Sa forme est moins arrondie que celle des tanbour»
surmontée d'une table parfaitement ronde, pleine et KebyrTourky.'tto'ii de ses cordes accordées à l'unisson
sans ouïe. Le manche est à peu près moitié plus large du la du violon ; ces trois cordes sont de laiton. Deux
près du corps de l'instrument que près du sillet. L'in- autres, en acier, sontaccordées un demi-ton plus haut;,
strument est monté de huit cordes; deux sont accordées et la dernière, également en acier, est à l'unisson du
à l'unisson, les autres à l'octave. La plus basse est à mi bémol. L'étendue totale est de deux octaves et une
l'unisson du la de la guitare; elle est redoublée à l'oc- quarte.
tave; trois de ces cordes sont accordées à l'unisson du Le tanbour jB«gAtema/! , ou petite mandoline, a la
rc du violon, et la quatrième redouble ce re à l'octave; même forme que le tanbour Bouzourk; mais dans des
enfin la septième et la huitième sonnent u< etson octave proportions beaucoup plus petites. Il est monté de
Le manche est divisé en cases par tiers de tons, de- quatre cordes, dont deux sont à l'unisson du ta du vio-
puis en bas jusqu'à sa seizième, mi aigu. Il résulte de
te lon,une à l'unisson du re du même instrument, et une
la combinaison des cordes qu'une multitude de sons se à l'unisson du mi, un ton plus haut. L'étendue totale
trouvent redoublés sur le manche , en sorte que cet in- est de deux octaves.
strument est une espèce de magadis, dans le sens où ce ( La suite au numéro prochain, )
mot était entendu par les Grecs, c'est-ù-dire, musiqut
à l'octave ou à l'unisson.
Le tanbour Charqy paraît avoir passé de l'Asie en
FRAGMENT d'DN VOYAGE MUSICAL
Afrique, et particulièrement en Egypte. Sa forme est celle EN ALLEMAGNE '.
d'une longue poire un peu aplatie ; sa hauteur totale est En arrivant à Berlin, ma première démarche fut de
d'un mètre cent vingt-six millimètres. La partie anté- rendre visite au vénérable patriarche de la musique,
du corps est en dos d'âne; elle est faite d'un seul
rieure au professeur Zelter. Je ne le rencontrai pas chez lui,
morceau d'ormeau, creusé dans toute sa longueur, de mais on me renvoya à l'Institut royal de musique, oiV
manière à ne lui laisser qu'une épaisseur convenable et je trouvai en effet cet excellent homme, occupé avec
égale partout.La table est fort allongée et un peu bom- plusieurs jeunes gens. Il établissait la différence qui
bée; elle est en sapin, pleine, et sans ouïe, comme à existe entre la mesure et le rhytbme. II y avait quatre
toutes les espèces de tanbours. Le manche et ^la tête ans que nous ne nous étions vus, et je fus bien agréa-
sont d'une seule pièce droite. Les cases ou touches sont blement surpris de le retrouver aussi frais et dispos.
au nombre de vingt-une. L'instrument est monté de M. le directeur de musique Klein, ayant donné sa
cinq cordes dont deux sont à l'unisson du la. du violon, démission de professeur de musique à l'Université et à
deux à l'unisson du soi, et une à l'unisson du re du l'Institut royal, Zelter fut nommé pour lui succéder, et
même instrument. L'étendue totale de son échelle est la jeunesse de Berlin doit se féliciter d'une circonstance
de deux octaves et une note, depuis re en bas jusqu'à qui lui ouvre une source inépuisable de connaissances-
mi aigu. Les cases sont divisées par demi-tons. et d'expérience.
Le tanbour Boulghary est chargé d'ornemens ; il est
le plus petit de tous, n'ayant que cinq cent soixante (j) Traduit de l'écril périodique allemand inlilulé, Eutom'a^
dix-huit millimètres de hauteur totale. Sa forme est tom. 4 , 11° I .
REVUE MUStCALE.
L'Institut royal de musique forme un grand nombre coup d'expression, par le moyen de la pédale expressive
d'organistes, de chanteurs et de professeurs distingués. qui est adaptée à cet orgue depuis deux ans.
Les professeurs attachés à cet établissement sont, outre Le premier jour de Pentecôte
j'ai entendu à Sainte-
pour exécuter sous la direction de Zelter et avec ac- del. Cette espèce de musique d'église est certainement
compagnement d'orchestre, les œuvres de J. S. Bach la meilleure pour les petites villes ; mais une cathédrale
et d'autres grands maîtres; il est i remarquer que ce de Berlin devrait avoir, je crois, quelque chose de plus
fut ainsi que la Passion de Bach fut connue du monde complet et de plus digne de la capitale de la Prusse. Ne
musical. pourrait-on, par exemple, organiser un orchestre qui, le
Chaque grande ville devrait organiser une semblable dimanche se réunirait tantôt dans une église tantôt dans
réunion qui exerce dans la musique pratique, et fait une autre, et qui, les jours de fête, se partagerait dans
connaître les compositeurs et leurs ouvrages mieux que toutes selon leurs besoins. Les différens orchestres
les sociétés de quatuors. C'est le meilleur moyen d'étu- seraient aisément complétés par les amateurs de bonne
dier la musique des différentes époques, des différentes volonté. Quant à ces chœurs qui assistent à tout le ser-
écoles, surtout si l'exécution de chaque morceau est vice divin et font entendre chaque fois au moins un
suivie de réflexions biographiques, historiques et théo- motet , on ne paraît pas les connaître à Berlin.
riques, de remarques sur l'esprit de la composition, A onze heures je me rendis à la cathédrale, dans l'in-
l'instrumentation, etc., etc. La musique moderne n'en tention d'y bien distinguer la partie musicale de la li-
devrait pas être exclue, surtout dans les petites villes turgie, mais je n'y trouvai pas une différence sensible.
où la musique d'église est rare. Quel avantage im- Cette musique, qui n'est pas même écrite dans le style
mense retirerait le jeune homme qui, se destinant à de la liturgie et des chorales, a quelque chose d'étrange,
être organiste, chanteur ou professeur, aurait été pen- de froid, et j'en compris plus facilement la raison lorsque
dant deux ou trois ans membre d'une pareille réunion ! j'appris qu'elle étaitl'œuvre de Bernard- AnselmeWeber.
Les amateurs n'apprendront peut-être pas sans in- Ce compositeur ne paraît pas avoir saisi l'esprit du style
térêt ,
que J. S. Bach refit presque en entier deux fois évangélique, et il serait nécessaire, je crois, de faire en-
sa grande Passion, qui a été exécutée à Berlin età Bres- tendre quelquefois les compositions des Zelter, des
lau. M. Zelter, qui possède la plus grande partie des frèresSchneider, des Raue, des Bach, des Blucher et
œuvres de Bach, a la partition de ces deux œuvres. Ce de tant d'autres pères de la musique religieuse pour ra-
fut d'après le second que la Passion fut exécutée pour nimer à Berlin le bon goût de la musique religieuse.
la première fois et imprimée à Berlin. M. Zelter a fait
REVUE MUSICALE.
La nomenclature des accords, telle qu'elle a été faite Le diable donc est à Séville, où il a de nombreux amis,
par Rameau et ses successeurs, a le double inconvénient et il vient y demander asile au colonel Don Félix, dont il
de fatiguer la mémoire , et de n'indiquer à l'esprit ni connaît les sentimens patriotiques. Mais le colonel a
l'origine des accords, ni leurs destinations. Il m'a donc déjà goûté pendant quatre ans les douceurs du cachot
paru nécessaire de la supprimer, et cette suppression pour s'être trop abandonné à son goût pour l'indépen-
m'a semblé d'autant plus utile que la nomenclature ne dance de son pays, et son zèle s'en est refroidi ; cepen-
pouvait s'accorder avec mon système de deux accords dant Riego parvient à le ranimer, et le charge de tout
uniques , modifiés par la substitution , la prolongation ,
préparer pour que le soulèvement ait lieu dans la nnif
l'altération et l'anticipation des intervalles. Ainsi, il m'a suivante.
semblé qu'au lieu de ce nom ridicule de septième super- Pendant l'absence du colonel, un moine gaillard,
flue, il était plus simple et plus juste de dire : prolon- nommé le père Cyrille, essaye de séduire sa femme, et
gation de la septième sur la ionique. Quant à l'accord de le dénonce à l'inquisition comme auteur d'un pamphlet
neuvième avec quinte superflue , dont le nom n'indique ni contre la religion et les prêtres, pamphlet que lui-même
la position ni l'emploi, on peut encore leremplaceravec a fait imprimer. Le saint office, fort expéditif en ces
avantage en le désignant comme l'accord de septième matières, envoyé ses familiers pour se saisir de Dbn
prolongé sur le troisième degré du mode mineur, et Félix, et celui-ci n'échappe à leur vigilance que par
dans d'autres circonstances, comme un triple appogià- l'adresse du général Riego, qui prend sa place dans soin
ture harmonique de l'accord de sixte sur le quatrième lit et feintd'être à l'agonie. Persuadés que le colonel n'a
degré du ton de si bémol c'est dans cette dernière ac-
: pins que peu d'instans à vivre, les familiers se retirent;
ception que Rossini l'a employé quelquefois. mais ils laissent des gardes autour de la maison pour
Au reste, rien n'empêche que chacun se fasse une surveiller ce qui s'y passe.
nomenclature s'il la croit propre à faciliter ses études. Si ces gardes sont un obstacle à la sortie de Riego
FÉTIS. ils n'empêchent point le père Cyrille de s'introduire la
REVUE MUSICALE.
nuit par la fenêtre auprès de la femme du colonel, qui de cbaleur et d'entraînement; un choeuf de moines
n'ose repousser trop ouvertement son amour dans la mendians, dont les dispositions sont de la plu'S piquante
crainte de l'irriter contre son mari. Mais, dit-elle, l'ha- originalité, exprime à merveille la fausse humilité, l'al-
bit du moine, cet habit qu'elle a toujours respecté lui , ternative de bassesse et d'insolence, et même la luxure
fait peur. Le digne père n'est pas homme à reculer pour qui se cachent sous le froc. Un morceau d'ensemble oCi
robe tombe, et il paraît sous les vêlemens d'un élégant heureux, et des couplets très plaisans d'un frère fran-
Ândalonx. Le danger devient pressant pour la femme ciscain sont les morceaux qui m'ont paru donner la
de Don Félix; mais l'insurrection éclate, 'les cris des plus haute idée de la portée musicale et dramatique de
révoltés qui demandent Riego se font entendre, et le M. Gomis. Le public, vivement frappé du mérite ori-
moine est obligé de se cacher dans un cabinet. Riego, ginal de cette musique , l'a applaudie avec transport ;
qui ne peut sortir sous ses habits sans être arrêté par les surtout aux deuxième et troisième représentations, où la
gardes de l'inquisition, s'empare de la robe du père pièce, débarrassée de quelques longueurs, a pris une
Cyrille, et, à la faveur de ce déguisement, parvient à marche plus animée. Le succès en est complet et pré-
rejoindre ses amis. La cause de la liberté triomphe , les sage un avenir durable à cette nouveauté.
moines rentrent dans leur cloître, et le colonel Don La pièce aurait pu être jouée avec plus de chaleur si
Félix retrouve sa femme telle qu'il l'avait laissée. ChoUet avait mieux compris son rôle; mais elle est
Il y a tan^de charme dans l'originalité véritable, tant assez bien chantée; M"' Prévost s'y est fait justement
de vie dans l'ouvrage de l'artiste qui ne consulte que ses applaudir.
inspirations, et qui ne se propose d'autre modèle que
lui-même, que le public et même ce petit nombre
CONCERTS DU CONSERVATOIRE DE MUSIQtJE.
d'hommes qui ont appris à voir et à entendre, pardon-
FBEMIERE SÉABCE.
neront volontiers les défauts qui se mêlent à ces dons
de la nature. II a plus on sent que ces défauts sont (30 Janvier.)
y :
que. Le premier duo de Riego et de Don Félix est plein insensible aux accens de h musique.
,
REVUE MUSICALE.
La symphonie héroïque de Beethoven ouvrait le con- morceau me parait remplacer avantageusement le con-
tert du 3o janvier dernier. J'ai parlé si souvent de ce certo , à cause de l'unité de son plan et de sa brièveté. ,
bel ouvrage qu'il ne me reste plus rien à en dire ; mais Le morceau de M. Tulou pour hautbois, flûte, cor et
son exécution m'a semblé offrir celte fois encore de basson , qui parait être un fragment de symphonie con-
nouveaux progrès dans quelques détails dont la dé- certante, a vieilli dans ses formes. Il a été fait sur le
licatesse surpasse tout ce qu'on connaissait jusqu'ici. De modèle que Devienne a tracé autrefois dans un morceau
certaines nuances de fort et de doux, des dégradations du même genre; mais la musique instrumentale a besoin
d'accent et de mouvement qui semblent être rendues d'être traitée d'autre manière aujourd'hui. Au reste,
par un seul instrument, tant l'ensemble est merveil- les talens remarquables de MM. Tulou, Vogt, Dauprat
leux, voili ce qui m'a paru rendre l'exécution de la et Barizel ont racheté par le charme de leur perfection
symphonie héroïque supérieure à ce qu'elle avait été jus- ce qui manquait à la musique.
qu'ici, et ce qui, à coup sûr, n'avait jamais été entendu Les progrès de M"' Dorus sont constans. Sa voix, un
auparavant. peu faible dans les sons graves, est d'une pureté remar-
L'ouverture d'Obéron a été aussi rendue avec une quable dans le haut; sa vocalisation est nette, facile et
prodigieuse énergie et un fini remarquable , à l'excep- bien articulée; elle a du goût, de l'expression, et sa pro-
tion de quelques notes de trompette d'une intonation nonciation est excellente. Ces qualités lui présagent de
incertaine, et d'une mauvaise qualité de son. Cet in- l'avenir. Elle a chanté i\ merveille la grande scène de
strument est joué à Paris d'une manière assez faible , et Robin des Bois, et y a été vivement applaudie par l'au-
qui ne répond point à l'éclat de notre école d'instru- ditoire et par l'orchestre.
mens i vent. Les frères Garabali ont de la sûreté dans L'admirable trio de GaillaumeTell, morceau qui peut
leur attaque, mais ils jouent trop fort et semblent tou- être considéré comme une des plus belles créations de
jours vouloir dominer le reste de l'orchestre; jouer la musique, a été chanté supérieurement par Adolphe
piano avec un beau son est la grande difficulté de la Nourrit, Dabadie et Levasseur. L'orchestre, entraîné
trompette, et les Allemands seuls savent la vaincre. par les accens de cette belle musique, les a bien secondés,
Pourquoi donc n'y a-t-il pas d'école de trompette au et s'est montré dans l'accompagnement à la hauteur de
Conservatoire, et pourquoi n'attire-t-on point Paris li ce qu'il est dans la symphonie.
quelque artiste habile qui puisse y enseigner? Rien n'a été faible dans ce concert. Le beau chœur
Après la formidable symphonie héroïque de Beethoven, d'Euryanihe , rendu avec beaucoup d'ensemble, a pro-
on aurait pu croire que le septuor du même auteur au- duit tant d'effet qu'il a été redemandé à grands cris, et
raitparu faible de sonorité , et aurait perdu une partie ce qui est assez rare, a été dit mieux encore la seconde
de son effet; mais que ne peut la magie d'un sentiment fois que la première.
profond et brûlant comme celui qui anime le jeu de FÉTIS.
REVUE MUSICALE,
V" ANNÉE. PUBLIEE PAR M. FETIS. N" 2.
à la portée des fortunes les plus bornées. Le principes de l'art étaient déjà bien dégénérés. Un peu
plus tard, Macrobe essaya de faire revivre les principes
nouveau format sous lequel il publie la Revue,
de Pythagore dans son commentaire sur le songe de
à. dater de la première livraison de la cinquième
3cipion ; mai& ce qu'il en dit est presque entiè,rement
année, lui a paru le plus convenable pour at-
tiré du traité de musique de Nicomaque et des autres
teindre son but. En effet, par la combinaison de pythagoriciens. Puis vint Boèce , dont il a été parlé
la composition par colonnes, il est parvenu à précédemment. Cet auteur était très instruit dans la
renfermer autant de matière dans une seule musique des Grecs il essaya d'en conserver ce qui était
;
feuille que dans les deux feuilles de l'ancien applicable à la situation de l'art dans le temps où il
format, ayant porté à quarante mille nombre le écrivait, et mit beaucoup d'ordre dans la disposition des
matières. C'est dans son ouvrage qu'on trouve les plus
des lettres contenues dans chaque numéro,
anciens exemples de la notation de la musique par les
sans diminuer néanmoins sensiblement la force
lettres latines. Au sixième siècle, Cassiodore écrivit des
du caractère.
institutions de musique qui ne sont qu'un abrégé très suc-
Au moyen de la combinaison dont il vient
cinct des principes de cet art, et qui font voir qu'il con-
d'être parlé , l'éditeur de la Revue musicale est tinuait à dégénérer. Après lui , la musique semble
arrivé à pouvoir réduire de moitié le prix d'a- n'avoir plus été employée que dans l'église. Le désordre
bonnement de ce journal en ; sorte qu'à l'avenir qui s'était glissé dans ses principes était tel qu'il était
le prix sera de 5o francs par anaée au lieu de 60, devenu presque impossible de l'apprendre pour le ser-
tel qu'il était précédemment. vice divin. Le pape Grégoire s'attacha à réduire toute la
de l'ancienne musique, pour ne conserver que les lon- des doigts de la main ; méthode facile et qui exigeait
gues et les brèyes de la quantité latine. peu d'étude de la part des chantres et des enfans de
La musique resta en l'étatoù saint Grégoire l'avait chœur. On a aussi attribué à ce moine l'invention de la,
réduite jusque vers la du neuvième siècle, où un
fin notation moderne, bien qu'il n'y ait aucun passage de
moine nommé Hubald tenta de faire adopter une nota- ses ouvrages qui indique qu'il fut l'auteuir de cette in-
tioncomposée de signes de convention, et écrivit quel- vention ; on a dit enfin qu'il a inventé l'harmonie ; mais
ques ouvrages sur le rhythme, le chant et l'harmonie. on vient de voir que cette grossière harmonie, dont on
Ici une nouveauté très importante se fait apercevoir trouve des exemples dans ses écrits , existait avant lui.
dans la musique : cette nouveauté consiste dans l'em- La solmisation de Gui d'Arezzo, et sa division de l'é-
ploi de plusieurs sons simultanés, ce qui n'est aatce chelle musicale par hexacordes, ont subsisté en France
chose que ce que nous appelons harmonie. Cette harmo- jusques vers la fin du dix-septième siècle, et en Italie,
nie, qui ne se composa d'abord que de réunions de sons jusqu'à nos jours. Les Italiens, les Français, les Espa-
durs et désagréables, était plus propre à déchirer Foreille gnols ont aussi conservé les noms qu'il a donnés aux
qu'àla flatter; mais insensiblement on s'y accoutuma si notes, avec l'addition d'une septième syllabe («) qui
bien qu'on ne put s'en passer dans certaines cérémonies fut faite en France par un musicien nommé Lemaire ;
de l'église. On lui donna d'abord le nom de Diaphonie les Allemands et les Anglais se serventde lettres de l'al-
quand elle n'avait lieu qu'entre deux voix à trois voix : phabet pour le même usage.
on la nommait Triphonie, et quand il y avait quatre Les systèmes de notation ont été très différens et
voix on l'appelait Tëtraphonie. Dans les treizième et très multipliés depuis le dixième siècle jusqu'au qua-
quatorzième siècles l'harmonie s'appela l'organisation du torzième. On a vu précédemment que Hubald avait es-
chant farce que, selon toute apparence, ce fut sur l'orgue sayé d'en faire adopter un composé de signes de con-
qu'on essaya les premiers accords dont on accompagna ventions; chaque pays, chaque école même en adopta
les mélodies sacrées. Le premier instrument de cette un particulier dans la suite. Quelquefois on se servait
espèce qu'on eut vu en Europe avait été fait dans des lettres latines adoptées par saint Grégoire, auxquelles
envoyé en présent à Pépin, père de
l'Orient et avait été on ajoutait pour certains cas le signe qu'un nomme
CharJemagne, par Constantin Copronyme, en ç5y, et bécarre; d'autres fois on écrivait les paroles des chants
avait été placé dans l'église de Saint-Corneille à Com- de l'église sur un certain nombre de lignes. En s'élevant
piègne. Insensiblement l'usage s'en était répandu , et le ou s'abaissant sur ces lignes, les syllabes indiquaient des
hasard avait sans doute fait voir qu'il était possible d'y intonations ou plus hautes ou plus basses. La notation
Caire entendre plusieurs sons simultanément : de là consistait aussi en points qui , tantôt ne marquaient la
rinvsntion de l'harmonie, ou, comme on disait, Vorga- différence des intonations que par leurs hauteurs res-
nisation. Vers le milieu flu quatorzième siècle on appela pectives , tantôt se disposaient sur une ligne , et au-des-
décharrt la mélodie organisée , et plain-ckant , la mélodie sus ou au-dessous de cette ligne. Dans le douzième
simple. siècle , on voit des exemples de notation en points écrits
Une réforme complète du système muacal fut faite sur deux lignes, l'une en encre rouge qui désigne la
en 1024 par un moine bénédictin nommé Guido d'A- note ut, l'autre en jaune ou en vert, qui indique le fa.
rezzo ,
parce qu'il était né à Arezzo , vUle de la Toscane. Les autres notes se réglaient par leur position à l'égard
Les points principaux de la réforme de ce musicien con- de celles-là. Enfin il y avait de la musique écrite sur des
chelle par quatre sons consécutifs, division que les Outre ces divers systèmes de notation laiine, les
lignes.
Grecs appelaient tétracordes, pour en adopter une de Lombards avaient introduit en Italie un système com-
six sons, formant un hexacorde; i avoir donné aux posé de signes particuliers qui fut adopté par plusieurs
notes de ces hexacordes des noms qu'il tira de l'hymne peuples de ces temps, et dont on trouvait encore des
de Saint-Jean : traces au commencement du seizième siècle.
Aucuns vestiges de rhythme ne se font apercevoir
Ut queant Iaxis, resonaie fibris
Miii gestorumyàmuU tuorum dans exemples de musique qu'on trouve dans' les
les
Sohe poUiiti , lahn realum manuscrits antérieurs au onzième siècle. Le premier au-
Sancte Joannes. teur qui écrivit sur cette matière est Francon de Co-
méthode logne écolâtrc de Liège, en 1066. Avant lui on avait
[ut, re, mi, fa, sol, la.]; à avoir établi une ,
REVUE MUSICALE.
tatives pour régler les rapports de durée des sons; mais amours avec la dame de Fayel Blondeau ou Blondel de ;
il fut, à ce qu'il paraît , le premier qui rédigea en un Neele, si connu par son attachement pour Richard
corps de doctrine les règles établies avant lui; les éten- Cœur-de-Lion ; Gaces Brûlez, et beaucoup d'autres. Ils
dit, les corrigea, et mérita d'être regardé, sinon comme ne variaient guère formes de leurs romances amou-
les
l'inventeur, du moins comme le premier auteur clas- reuses; la plupart ne sont remplies que de lieux com-
sique en cette matière. Son livre est intitulé: An can- muns d'une fade galanterie , de tristes supplications à
tus mensurabUts. Il y fait connaître, non-seulement les leurs maîtresses pour les attendrir, de plaintes éternel-
formes de notes et de silences qui servaient à distinguer les contre les médisaus; le début en est trivial, et on le
les durées, mais aussi de certaines règles de proportions prendrait pour une formule obligatoire, tant il est fré-
qu'on avait établies dans ces premiers temps. On y voit quemment employé. En voici un exemple : la verdure
quatre espèces de notes indiquant des durées différentes; renaît, le printemps revient ; te rossignol chante, je veux
ces espèces sont la double longue, la longue, la brève chanter aussi. On y trouve cependant quelquefois delà
et la semi-brève. Francon fait connaître aussi cinq ino- naïveté, delà grâce et du sentiment. Les airs étaient
des ou élémens du rhythme qui correspondaient à ce faciles et simples; ils n'étaient point mesurés, et l'on n'y
que nous appelons aujourd'hui les mesures. trouvait d'autre différence de durée que celles des lon-
Les règles du déchant ou de la musique harmonieuse gues et des brèves par la prosodie comme dans le plain-
Francon que dans tout ce qu'on connaissait jusqu'à lui, Dans la seconde moitié du treizième siècle, Adam
et font apercevoir de sensibles progrès dans l'art. Ce ne de le Haie, trouvère, surnommé le bossu d'Arroi, à
sont plus, comme au temps de Hubald ou de Gui, des cause de sa difformité et du lieu de sa naissance , écrivit
suites d'intervalles durs et désagréables sans aucun mé- aussi des chansons dans lesquelles on remarque des
lange d'accords plus doux; il est même remarquable perfectionnemens fort importans. Il était né vers 1240,
que certains passages du de Francon indiquent un
traité et après plusieurs aventures, était venu à Paris, et s'y
art plus avancé que ce qu'on trouve dans les ouvrages était attaché à Robert comte d'Artois, qui l'emmena à
qui ont été écrits dans la plupart des livres du douzième Naples en 1282, à du duc d'Alençon.
la suite Comme
siècle. Francon eut plusieurs commentateurs ; l'un tous les trouvères des douzième et treizième siècles
d'eux, Marchetti de Padoue, qui vivait à la fin du Adam de le Haie fut poète et musicien. Il se distingua
treizième siècle et au commeocemeot du quatorzième surtoutdans la chanson; mais ses mélodies ne sont point,
indique des perfectionnemens assez considérables qui comme celles de tous ses prédécesseurs, dépourvues de
s'étaient faits dans la musique et surtout dans l'harmo- rhylhme; les valeurs des notes y sont disposées dans un
nie. ordre symétrique et régulier qui donne une idée de me-
Le génie des musiciens se développait en proportion sure assez satisfaisante. Ce mérite n'est toutefois qu'une
des progrès de la théorie : ces musiciens de pratique faible partie des qualités qui distinguent ce trouvère ;
commencèrent vers 1160 ù se faire connaître sous les car au lieu d'imiter la plupart des chansonniers de son
noms de trouvères, de troubadours , et plus tard, de mé- temps , qui se bornaient à imaginer des mélodies dépour-
nestrels. Leur occupation habituelle était de composer vues de tout accompagnement, il écrivit des chansons
les paroles et la musique de certaines pièces qu'on peut et des motets ù trois voix qui ont été conservés dans un
considérer comme le type de la romance, et qu'on appe- manuscrit de la bibliothèque royale. Les chansons ont
lait lays. Il paraît que ce fut en Provence que les pre- laforme du rondeau; leur harmonie n'est point une
mières chansons profanes prirent leur origine, et que simple diaphonie ecclésiastique, c'est-à-dire, un as-
lespremiers troubadours commencèrent à se distinguer. semblage de voix procédant par notes égales et par in-
Le goût des mélodies d'amour se répandit bientôt dans tervallesdurs à l'oreilleon y voit un mélange d'accords
:
toute la France, et les hommes les plus distingués par et de raouvemens qui, s'ils ne sont pas irréprochables,
leur naissance se livrèrent à la composition de chan- montrent cependant des progrès immenses. Ces chansons
sons qui furent repétées dans tous les châteaux par ont d'autant plus de prix qu'elles sont les plus anciens
les ménestrels qui s'accompagnaient de la harpe. Parmi monumens de leur genre.
ces poètes musiciens, on remarque Thibaut IV, comte Les motets d'Adam de le Haie offrent aussi plusieurs
de Champagne et roi de Navarre amant de la reine
, particularités remarquables. Ils se coirpposent du plain-
Blanche, mère de saint Louis; Charles d'Anjou , frère chant d'une antienne ou d'un hymne dont les paroles
de saint Louis; le châtelain de Coucy, célèbre par ses sont latiues, et qui est destiné à une voix grave. Sur ce
,
12 REVUE MUSICALE.
chant, deux autres Toix font une sorte de déchant ou LITTÉRATURE MUSICALE.
de contrepoint; et ce qui peint bien le goût de ces temps
Méthode pour la guitare, par Ferdinand Sor, un vol.
barbares, ces voix supérieures ont des paioles françaises
in-4°, i83o. Prix: 36 fr. Paris, chez l'auteur, rue~
de chansons d'amour. Ces motets se chantaient dans les
de Marivaux, n° 4- Bonn, N. Simrock; Londres, Jo-
processions et dans certaines fêtes de paroisses.
hanning et Walthmone.
Adam de le Haie est aussi l'auteur d'un ouvrage
qui aurait dû suffire pour l'immortaliser; cependant il La guitare était autrefois l'instrument d'accompagne-
est à peine connu de la plupart des musiciens. Je veux ment des amateurs du dernier ordre d'insipides batte- ;
parler d'une sorte de vaudeville qu'on peut considérer ries presque toutes de mêmes formes, qui ne sortaient
comme le premier et le plus ancien essai d'opéra-co- guère de la tonique et de la dominante, un petit nombre
mique. Il est intitulé \ejeu de Robin et de Marion. On en de tons faciles, et quelques traits en notes simples,
trouve des copies dans la bibliothèque royale. Cette étaient à peu près tout ce qu'on savait faire alors; de
pièce où il y a onze personnages, est , comme je viens là vient que ce qu'on appelait des Méthodes de guitare,
de le dire, un opéra-comique divisé par scènes, et dans ily a vingt-cinq ou trente ans, ne contenait qu'un petit
lequel le dialogue est coupé par des chants. On y trouve nombre de préceptes et d'exemples élémentaires, et
des airs, des couplets et des duos dialogues. La musi- que le reste de ces méthodes était rempli de petits mor-
que dé ces airs n'est pas une sorte de psalmodie non ceaux pour servir d'études aux élèves. C'est ainsi
rhythmée comme les chansons de Raoul ou Renaut de qu'étaient faites les méthodes de Vidal, de Pollet, de
Coucy, de Gaces Brûlez et du roi de Navarre, mais Lintant, de Lemoine et de Doisy.
une mélodie rhythmique dont les phrases sont souvent Vers i8o8, M. Carulli vint se fixer à Paris, et fit
régulières et correspondantes. Tout porte à croire entendre sur la guitare des choses qui parurent alors
qu'Adam de le Haie apprit en Italie à donner à ses appartenir à un art tout nouveau. Je me souviens que
chants des formes gracieuses qui n'étaient point alors son exécution fit parmi les artistes une assez vive sen-
connues en France. sation, et que Dusseck, l'entendant un jour, lui dit en
Tandis que les troubadours, les trouvères, les mé- lui prenant la main : Monsieur, vous êtes un homme ex-
nestrels et les chantêres de ce pays travaillaient à per- traordinaire,
fectionner la chanson, genre de musique où ils acqui- M. CaniUi avait l'intention de propager ses décou-
rent une supériorité non contestée dans le reste de vertes en France, et d'élever la guitare au rang des in-
l'Europe, les Italiens s'exerçaient avec ardeur à un art strumens d'harmonie ; mais dès les premiers pas, il fut
plus difficile; c'est-à-dire à la composition à plusieurs arrêté, parce qu'il y avait trop loin de sa manière de
parties, qui avait été quelque temps stationnaire après considérer et de traiter la guitare à celle de tous les
l'époque de Francon. Des morceaux à trois voix, com- autres professeurs de cet instrument. Tout ce qu'il écri-
posés en Italie vers le milieu du quatorzième siècle et vait était trouvé trop difficile; les marchands de mu-
qui sont parvenus jusqu'à nous , décèlent une habileté sique n'osaient se charger de ses ouvrages : il fallut bien
qui n'a pu être que le résultat de progrès successifs faits qu'il renonçât à montrer une partie de son talent, et sa
à des époques antérieures. Malheureusement les graades réputation s'augmenta à mesure qu'il la méritait moins
bibliothèques de l'Italie, où l'on pourrait trouver des à ses propres yeux. C'est dans cette disposition d'esprit
traces de ces progrès, sont inabordables non-seulement qu'il écrivilsa Méthode de guitare: le succès fut immense,
pour les étrangers , mais même pour les nationaux. et les éditions de cet ouvrage se multiplièrent avec une
C'est donc aux monumens du quatorzième siècle doDt-il rapidité prodigieuse. Cette vogue était méritée; car,
vient d'être parlé, que commence pour nous la série de bien que M. Carulli n'eût mis dans sa méthode qu'une
compositeurs qui n'ont cessé d'imprimer à l'art musical partie de ce qu'il aurait pu y mettre, néanmoins son ou-
un mouvement non interrompu vers la perfection rela- vrage avait une supériorité incontestable sur tout ce
tive. Mais à cette époque commence aussi celle de la qu'on possédait dans le même genre.
musique qu'on désigne sous le nom de musique moderne, Cependant, tandis que M. Carulli faisait sortir les
et finit celle du moyen âge. guitaristes français de l'apathie où ils avaient langui jus-
qu'à lui , d'autres artistes d'un talent fort remarquable
tels que Moretti, Giuliani, Carcassi, deux espagnols
nommés Aguado et Arailza et, dans un genre tout par-
ticulier, Ferdinand Sor, faisaient faire à la guitare d'im-
,
REVUE MUSICALE. 13
menses progrès qui exigeaient des exposés nouveaux de peut lui reprocher de lui ôter du brillant et de la verve ;
leurs principes. Chacun de ces maîtres a résumé ses re- l'oreille du musicien est satisfaite, mais son plaisir est
cherches dans des liTres élémentaires qu'ils ont aussi tranquille; il ne s'y trouve point d'entraînement.
désigné sous le nom de Méthodes; ainsi l'on a la Mé- Tout ce qui a rapport à la position de l'instrument et
thode complète de Guitare d'Aguado (Paris, Richault), des mains est établi par M. Sor sur des raisonnemens
les Études de Giuliani, les Studien mit fingersatz d« pleins de justesse; on y reconnaît un artiste conscien-
en entier les premiers principes de l'art de jouer de la mais si l'on songe à l'extrême habileté de M. Sor, on
guitare. On sait que ce guitariste excelle à accompagner doit être persuadé qu'il s'y trouve beaucoup de choses
de musiqne s,errée à quatre parties, et à faire sentir
la neuves dont les guitaristes tireront profit pour les pro-
la marche régulière de chacune d'elles. Les positions grès de leur art. Il ne faut point oublier en les lisant,
difficiles qu'il faut prendre pour saisir tous les accords, que le but particulier de M. Sor est l'harmonie; quant
et la nécessité d'écarter beaucoup les doigts fit voir à au brillant de l'exécution, il renvoie le lecteur à d'autres
M. Sor que la manière ordinaire da tenir le man- ouvrages où on peut en prendre une connaissance éten-
che, en couchant la main sur le dos, et en mettant les due : " Si le lecteur désire apprendre à détacher avec
doigts à plat sur les cordes, est défectueuse; contre «vitesse les notes d'un trait d'exécution, dit-il, je ne
l'usage ordinaire, ce fut le pouce qu'il appuya sur le « puismieux faire que de le renvoyer à la méthode de
dos de la guitare, et dès lors toute la main se trouva II M. Aguado, qui, excellant dans ce genre d'exécution,
portée en avant et arrondie, de manière à pouvoir saisir II est dans le cas d'établir les règles les plus réfléchies
tous les intervalles et toutes les positions. On conçoit « et les mieux calculées là-dessus. »
qne de ce seul préliminaire découlent des principes tous Il suffit de jeter un coup d'oeil sur le morceau de la
différens de ceux des autres guitaristes : ce sont ces Création de Haydn, dont l'orchestre a été réduit pour
principes que M. Sor vient d'exposer dans sa Méthode la guitare par M. Sor, pour se convaincre de son habi-
pour la guitare. leté dans l'art d'accompagner les choses les plus diffi-
Son ouvrage est divisé en trois parties : la première ciles : l'analyse de ce morceau complète sa méthode.
traite de la construction de l'instrument, de la manière L'ouvrage de M. Sor paraîtra peut-être trop sérieux
de le tenir, de la position des deux mains, de la manière aux amateurs qui veulent apprendre en quelques jour>
d'attaquer la corde, et de la qualité du son; la seconde à jouer à peu près un maigre accompagnement de ro-
est relative à la connaissance du manche , c'est-à-dire mance ou de chansonnette ; mais ceux qui se propose-
de toutes les positions de la main sur les cases qui divi- ront de jouer réellement de l'instrument, avec toutes
sent les cordes, au doigté des deux mains et à l'emploi ses ressources, et surtout les professeurs, y trouveront
des doigts de la main droite ; la troisième traite des une source d'instruction solide et neuve. Le succè*
tierces, des sixtes, main gauche à l'égard
du doigté de la pourra n'être pas populaire, mais il sera durable.
de la mélodie, des sons harmoniques et de l'accompa- ,
font préférer aujourd'hui. On ne peut nier qu'il ne soit Les programmes de concert semblent pour la plupart
fondé à y persévérer, et que la guitare ne soit plutôt nombre pour U
stéréotypés et tirés d'avance à grand
un instrument d'harmonie qu'un instrument purement plus grande commodité des consommateurs. Duos de
mélodique. Toutefois, en le traitante sa manière, on Rossini, variations de piano, romances, etc. ;
j'en dirai»-
,
14 REVUE MUSICALE.
d'avance le contenu tout au long, sans omettre les a° Duo de Jeanne (F Arc, musique de Carafa, chanté
noms propre*, toujours les mêmes. Le tout ne varie par Ponchard et Mlle Dorus.
que de la faûtaisie de piano à la fantaisie de violon > 3° Thème varié pour le violoncelle, par Dotzauer,
de la Parisienne aux Trois couleurs. 4° Air des Deux Nuits, musique de Boieldieu, chanté
programme du concert de M...., ma foi ie ne saurais 5° Finale de Fidelio, musique de Beethoven. Les solos
dire de quel monsieur, car le bénéficiaire ne s'est pas seront chantés par Mlles Dorus et Falcon, MM. Dabadie,
faitentendre ; mais n'importe, ce que je voulais dire, Prévost, Al. Dupont, Wartel et Dérivis fils.
le faisaient distinguer tout d'abord de la foule. Des curiosité des artistes, caron y entendra la symphonie
chœurs allemands, des chants de la même nation, avec «hœurs de Beethoven, dont l'étude se poursuit
Toilji qui était nouveau pour des oreilles parisiennes ; avec soin. Cet ouvrage offre d'immenses difficultés pour
et, puis cela rappelait Fidetio avec Mme Schrœder est d'autant plus nécessaire de les vaincre
et l'exécution ; il
Trois choeurs allemands ont été chantés, dont un de perfection, que cette symphonie est l'une des dernières
de Ries. L'exécution n'a pas été irréprochable , mais il du grand artiste est devenue plus vague et plus difficile
»oirée. Débarrassés d'une émotion qui les avait gênés huitaine, le jeudi-saint excepté. Outre le choix des
droit de se montrer exigeant pour eux, ils ont pu dé- entendra cette année plusieurs ouvrages qui ne l'ont
ployer sur la guitare un talent très original. On ne trouve point encore été, tels que : Athalia, oratorio de Han-
pas en eux les ressources harmoniques de M. Sor, et l'on del; leRequiem de Mozart, dont les principaux mor-
pourrait faire de plus grandes difficultés; mais quoiqu'il ceaux seront exécutés comparativement à ceux du Re-
Carmen saculare de Philidor l'Ar-
en soit, ces messieurs ont un talent réel, et ce qu'ils font quiem de Jomelli ; le ;
concert. M. Domange, Mme Durand et une demoi- sieurs madrigaux non encore exécutés de Palestrina, Ci-
selle Edwige Louise s'y sont fait entendre dans plusieurs priano di Rare, Orlande , etc.
morceaux de Rossini, morceaux que nous avons en- Le prix des billets d'entrée sera de 5 fr. pour toutes
tendus trop souvent pour en parler aujourd'hui. les places , et par abonnement de aS fr. pour six con-
Cette soirée avait attiré du monde. certs.
La société des concerts donnera, dimanche i3 février, S'adresser à l'Institution, rue de Vaugirard, n" 6g,
tous les marchands de musique et d'instrumens
son deuxième concert annuel. Le programme de cette et chez
matinée est composé comme il suit : notamment chez M. Pacini, boulevard Italien; M.Roma-
1° Symphonie en la de Beethoven. GKÉsi, rue Vivienne; M. Petitbos, rue du Bac; M. Le
, ,
REVUE MUSICALE.
Roi, successeur de Gave aux, passage de l'Opéra; M.'LAr- heureux cette année. Nous voyons avec peine ces re-
HER, boulevard Montmartre; MM. Lbmoine , rue de l'E- prises mal organisées qui ne peuvent que porter atteinte
chelle et rue Dauphirie. au respect que doivent inspirer des chefs-d'œuvre tels
— Un M. Bernard a débuté samedi dernier à l'Opéra- que cette partition colossale de Don Juan.
Cocnique dans le Nouveau Seigneur et les Voitures ver- La dernière représentation de Semiramidt a été une
sées.Le succès négatif qu'a obtenu ce. Monsieur nous occasion de triomphe pour M°* Méric-Lalande. L'or-
dispense d'en parler plus au long. gane vocal de cette habile cantatrice était bien disposé,
Le joli opéra de M. Gomis, le Diable à Séville, bien et a bieD secondé ses intentions dans le rôle didcile de
chanté par Chollet, Boulard et Mlle Prévost, a ramené Sémiramis, Dans la plupart des morceaux, et particuliè-
la foule au théâtre de la rue Monsigni. Féréol est très rement dans l'air du premier acte, dans les duos et dans
plaisant dans un rôle de moine. le finale, elle a produit )>eaucoup d'eifet et s'est fait ap-
— On joue depuis quelques jours au théâtre des Va- plaudir à plusieurs reprises.
strumens dont le son vibrant et prolongé a quelque à la curiosité du public un ouvrage qui ne peut man-
chose de ces accens doux et pénétrans de voix de quer d'inspirer le plus vif intérêt : cet ouvrage est l'Eu-
femme, qui causent de si vives émotions! L'orgue était ryanthe de Weber, traduit par M. Caslil Blaze, et dans
le seul instrument à clavier qui possédât cette précieuse lequel on entendra M"° Dorus, MM. Adolphe Nourrit et
qualité, lorsqu'on essaya d'en construire de plus petits Levasseur, et quelques-uns des premiers sujets de l'O-
et de plus portatifs. Parmi ceux-ci on distingue le Phys- péra. On dit que les chœurs et l'orchestre de l'Opéra-
harmonica au son duquel on reprochait toutefois de man- Comique seront renforcés pour cette représentation
quer d'intensité. Frappé de cet inconvénient , M. Dietz d'un certain nombre de musiciens de l'Opéra.
facteur de pianos distingué ' , a tenté un nouvel essai Les répétitions de plusieurs ouvrages se poursuivent
qui a complètement réussi. Nous avons déjà parlé dans avec activité à l'Opéra-Comique. On annonce pour le
la Revue Musicale de l' Aerephone; son auteur vient d'y 12 février la première représentation de laVeillée, opéra
faire de nouveaux perfectionnemens qui le rendent aussi en un acte, dont la musique a été composée par M. Pa-
parfait que possible. Ce joli instrument, dont le prix est ris, ancien pensionnaire du gouvernement, dont le ta-
peu élevé, a beaucoup de succès cet hiver dans les lent donne des espérances. On a aussi commencé depuis
salons du monde élégant et musical. quelques jours les répétitions d'un nouvel opéra en trois
—La reprise de Mathilde de Shabran, qui avait été actes, dont la musique est de M. Hérold. L'activité ne
annoncée auThéâtre-Italien, n'a pas eu lieu jusqu'ici on : manque point dans l'administration de ce théâtre; elle
n'en parle même plus, et on lui a substitué l'indication lutte avec courage contre les désavantages de la mau-
de la reprise de Don Juan, qui est arrêtée aussi par une vaise composition du personnel, contre des charges ac-
indisposition de M°' Méric-Lalande. Cette cantatrice cablantes , contre les circonstances fâcheuses qui ont
est chargée du rôle de donna Anna, et M°' Tadolini de ébranlé toutes les fortunes, et contre la défaveur publi-
celui de donna Elvira. Il est à craindre que celui-ci ne que; malheureusement, il est bien difficile de triompher
produise pas un bon effet, carie caractère énergique de tout cela.
lionne par Mozart au personnage de donna Elvira, n'est — Une commission a été nommée par le ministre de
nullement en rapport avec le talent tout gracieux de l'intérieur pour examiner la constitution et les régle-
M°" Tadolini. Quant au rôle difficile de don Juan, il ne mens de l'école des beaux-arts, ainsi que les rapports
convient en aucune manière à Zucchelli ; il est donc à de cette école avec l'académie royale des beaux-arts
craindre que le chef-d'œuvre de Mozart, qui a excité les concours pour les grands prix, et les réglemens de
l'année dernière un si vif enthousiasme, ne soit pas si l'école française de Rome. La question des concours et
de la situation des lauréats, à Rome, intéressant les mu-
(1) RiieNeuve-Saint-Augusliii, n. 23. siciens, MM. Reicha , Hérold et Fétis ont été nommés
16 REVUE MUSICALE.
membres de la commission pour présenter à ce sujet des Mariani, primo musico, de Gentili, premier tenore, et de
vuesd'amélioration.Trop nombreuse pour faire le travail Torri, première basse, est satisfaisante.
préparatoire qu'elle est appelée & discuter, la commission Près d'une heure et demie s'est écoulée depuis l'ou-
a désigné pour faire ce travail MM. Delaroche, Drolling verture des portes du théâtre jusqu'au moment où l'ou-
et Picot, chargés de la peinture Blouet et Roman de verture a
; ,
commencé. Le public, fatigué d'une si longue
l'architecture ; Petitot et Duban , de la sculpture Fétis, attente, a manifesté sa mauvaise
;
humeur dès les pre-
de la Dupont, de la gravure.
musique, et
miers accords et le succès de l'ouvrage fut plus qu'in-
—
Rossini est parti pour Madrid avec M. Aguado. Ce
,
le i5 janvier par la première représentation d'un nou- jouent de cet instrument. Voici en quoi il consiste.
vel opéra de Pacini, qui a pour titre II Corsaro. La cu- On sait qu'il arrive assez fréquemment que l'octave
riosité, qui est toujours excitée par une salle nouvelle- d'une corde filée, résultant de la pression de cette corde
ment restaurée, jointe à l'intérêt qui s'attache à un opéra par le doigt, manque de
justesse. Ce défaut peut
écrit expressément pour cette circonstance , avait attiré avoir deux causes. La première tient â une mauvaise
le peuple en foule à la première représentation, malgré division du manche: la seconde, à ce que la corde
l'espèce de deuil qui règne toujours dans la capitale du est mal filée. Il est facile de remédier à une mauvaise
monde chrétien pendant le conclave pour l'élection d'un division du manche; mais il n'est pas si aisé de corriger
pape. les défauts de M. Brinckmann a triomphé de
la corde.
Les ducs de Torlonia s'étaient chargés de la dépense cette difficulté au moyen d'un mécanisme ingénieux qu'il
considérable de la restauration du grand théâtre Tordi- a adapté au chevalet de l'instrument. Une vis placée à
nona, connu sous le nom de Theatro d' ApoUo; leur gé- chaque corde la dilate ou la contracte en raison du be-
nérosité a surpassé tout ce qu'on pouvait attendre de soin qu'on a d'élever l'octave ou de l'abaisser. Si l'oc-
leur magnificence , et le goût de M. Valadier, architecte tave de la corde à vide est trop haute , on tourne le
français qui a conduit les travaux, a fait des merveilles. bouton de la vis à droite ; si au contraire elle est trop
Rien de plus riche ni de plus élégant que l'aspect de la basse, on tourne la vis à gauche : dans l'un et l'autre
salle dans son état actuel. cas, on arrive à la justesse parfaite.
La troupe chantante, composée de Mlle Albini , qui
a débuté avec quelque succès à Paris en 1827, de Rose ItIPBIMEBIE DE £. DVVE&GEB, RUE DE VEBNEVIL, N° 4'
,, ,
REVUE MUSICALE,
V" ANNÉE. PUBLIÉE PAR M. FÉTIS. N»3.
tité de matière , afin d'en pouvoir mettre le prix tare, soit par la forme, soit par l'accord. Peut-être des
modifications successives ont-elles donné à quelque in-
à ia portée des fortunes les plus bornées. Le
strument des Maures laforme qu'on voit aujourd'hui à
nouveau format sous lequel il publie ta Revue
la guitare. Quoi qu'il en soit , les habilans de l'ÉgyptC:
à dater de la première livraison de la cinquième
donnent le nom de qytârah Barbaryeh (guitare des Bar-
année, lui a paru le plus convenable pour at-
barins ou des Barâbras) à un instrument à cordes'pin-
teindre son but. Enefifet, par la combinaison de cées dont se servent les habitans de l'Ethiopie ; et dans la
la composition par colonnes, il est parvenu à traduction arabe de la Bible, on trouve le nom de qyçdrak
renfermer autant de matière dans une seule employé comme la traduction du mot hébreu que les
feuille que dans les deux feuilles de l'ancien septante ont traduit par celui de cithare (xiôà/ia). Le nom
format , ayant porté à quarante mille le nombre de guitare paraît venir de ceux de qytàrah ou de qyçdrah.
L'instrument appelé qytdrah BarbaryehseiToa\e com-
des lettres contenues dans chaque numéro,
munément en Egypte, en Ethiopie, en Nubie, et parmi
sans diminuer néanmoins sensiblement la force
les Bârabras ou Berbères qui habitent en deçà et au-delà
du caractère.
de la première cataracte du Nil. Les Éthiopiens lui don-
Au moyen de la combinaison dont il vient nent le nom de kissar, et les Berbères celui de kesser.
d'être parlé, l'éditeur de la Revue musicale est Tous ces noms ont évidemment de l'analogie avec celui
arrivé à pouvoir réduire de moitié le prl^ d'a- de guitare; mais la forme de l'instrument que nous dé-
bonnement de ce journal en sorte qu'à l'avenir ; signons sous celui-ci est très différente de celle du kissar.
le prix sera, de 3o francs par année au lieu de 60 Celui-ci est une lyre qui a beaucoup de ressemblance
tel qu'il était précédemment. avec la lyre antique décrite par Homère dans son hymne
Les personnes qui ont renouvelé leur Abon- à Mercure.
Le corps est composé d'une sébille de bois recouverte
nement ou qui ont acquitté des mandats avant
,
REVUE MUSICALE.
chent par leur extrémité inférieure à un tirant double, La guitare espagnole dont se servent les musiciens
formé de plusieurs cordes de boyau , et ce tirant double, ambulans et le peuple n'a que cinq cordes, ou comme
est attaché lui-même aux nerfs de bœuf du corps de ils disent cinque ordenes. On peut dire que c'estl'instru-
l'instrument. Pour pincer les cordes du kissar, on se ment national de toutes les Espagnes. Non-seulement
sert d'un plectre formé d'un morceau de cuir dur. il sert à accompagner tous les airs populaires connus sous
L'accord des cordes du kissar ne ressemble en rien ù les noms de éo/ej'os, séguedilles, tirannas, villancicos, etc.;
celui des cordes de la guitare : la première est à l'unisson mais c'est aussi l'instrument obligé de la danse villa-
du redonné par la deuxième corde doigtée du violon; les geoise. Il joue le premier rôle dans les sérénades, dans
trois suivantes sonnent les notes sol, la , si au-dessous les réunions de la veillée, dans les soirées d'auberges;
et la dernière donne mi de la chanterelle à vide du
le enfin, les muletiers le portent partout avec eux et en
violon ; en sorte qu'elles donnent la suite progressive de jouent pour charmer l'ennui de leurs longues journées
quartes ascendantes et de quintes descendautes, si, mi, de voyage. Le peuple racle les cordes de la guitare ou les
la, re, sol. La manière de jouer le kissar est exactement frappe avec le dos de la main, au lieu de les pincer.
semblable à celle de tenir et de pincer la lyre, telle qu'elle Tout Espagnol apprend dès son enfance à faire sur cet
est décrite par les écrivains de l'antiquité, et telle qu'elle instrument les trois ou quatre accords dont se compose
est représentée sur les monumens. toute la modulation des airs populaires, et son éducation
Il est facile de voir que la différence radicale entre le à cet égard se borne à la tradition de ce qu'il entend tous les
kissar et la guitare consiste en ce que ce dernier instru- jours. Ce fut vers la fin du dix-huitième siècle que l'art de
ment est pourvu d'un manche sur lequel on appuie les jouer de la guitare se perfectionna et qu'il prit une forme
doigts pour varier les intonations, tandis que l'autre en méthodique. Un gentilhomme, nomméCastrodeGistau,
est dépourvu et se trouve borné aux cinq notes des cordes né à Madrid en 1770, fut le premier Espagnol qui sut
ii vide. Si donc, comme cela est vraisemblable, les noms varier les qualités du son , et qui sortit des arpèges éter-
de kissar, qyçârak et qytârali, ont été l'origine de celui nels des guitaristes ordinaires. Son habileté était très in-
de guitare, il est également probable que ces noms s'ap- férieure à celles de MM. Aguado , Sor et Garcas&i mais ;
pliquaient aussi autrefois à quelque instrument qui ne se elle était merveilleuse si ou la comparait au jeu de la
trouve plus en Afrique, ou du moins que des cBange- plupart de ses compatriotes. On trouve aujourd'hui plu-
mens considérables auront été faits en Espagne à l'un sieurs guitaristes distingués à Madrid et dans quelques
des instrumens i cordes pincées des Maures, et que le autres villes de la péninsule.
nom seul aura été conservé par tradition. La guitare française ne montée que de cfnq cordes,
fut
Les premières traces de l'introduction de la guitare comtae la guitare espagnole, jusqu'au commencement du
dans la musique européenne se font apercevoir dès le dix-neuvième siècle. Bien que bornée à si peu de res-
commencement du douzième siècle. Les plus anciens sources, elle offrit cependant à un maître de Paris,
auteurs qui en ont parlé luidonnent le nom de guiterne; nommé Campion, l'idée d'une multitude d'effets qu'on a
dans le seizième siècle, ce nom lui était encore conservé, reprodaits plus d'un siècle après qu'il eut publié ses dé-
car il existe un Le Roy, imprimeur de Pa-
livre d'Adrien couvertes. L'ouvrage où il les a consignées est. fort cu-
ris, et professeur de musique, qui a pour titre Briefve : rieux; il a pour titre : Nouvelles découvertes surlaguiiart,
et facile instruction pour apprendre la tablature d bien ac- contenant plusieurs suites de pièces sur huit manières d'ac-
corder, conduire et disposer la main sur la Gciterne; Paris, corder; Paris, 1705.
1578. Le nom de guitarra ne fut pas le seul que les Es- Cette variété dans l'accord est en effet l'un des moyens
pagnols donnèrent à la guitare dans les premiers temps les plus puîssans pour augmenter les ressources dé la
où ils s'occupèrent de la perfectionner; ils l'appelaient guitare, et Campion l'avait bien vu ; depuis l'époque où
aussi vigaela de mano et vilraela. Les deux ouvrages les il vécut, ces découvertes avaient été négligées parce
plus anciens qu'on ait sur l'art déjouer delà guitare sont qu'elles offraient d'assez grandes difficultés dans l'exé-
intitulés : El maestro musica di viguela de mano , Va- cution. Quelques guitaristes modernes ont essayé de ti-
lence , i534) et Silva de sirenas , tratado de la vitruela, rer parti de ce moyen mais ; je crois qu'on n'a point su
Valladolid, i547. L'auteur du premier de ces livres est jusqu'ici tout ce qu'on peut en faire.
un noble de Valence, nommé don Louis Milan, et celui En 1801, un luthier de Paris, nommé Maréchal,
du deuxième, un professeur de musique appelé ^ewi de ajouta à la guitare une sixième corde, mi, dans la
Valderrobano. Les Portugais appellent encore aujour- basse. On trouva d'abord cette corde embarrassante,
d'hui la guitare vihuela. et on ne la pinça qu'à vide, ayant soin d'en varier
REVUE MUSICALE. 19
du nouvel instrument qu'il a fait et auquel il a donné le l'auditoire ces bruyans éclats qui témoignent d'un plaisir
nom de Harpolyre , on a lieu de s'étonner que son succès frénétique; mais on ne sortira point de la représentation
ne soit pas plus rapide, car ces avantages sont immenses sans avoir l'ame troublée d'un certain intérêt indéfinis-
sous le rapport des ressources harmoniques. La Harpo- sable, que les grandes conceptions peuvent seules faire
lyre est montée de vingt-une cordes réparties sur trois naître. Vienne ensuite une exécution digne de l'ouvrage,
manches. Le manche du milieu, appelé manche ordinaire, et le chef-d'œuvre reprendra tout son effet, brillera de
est monté de six cordes comme la guitare commjne, toute sa jeunesse. Immense répertoire d'idées toujours
et ces cordes sont accordées de la même manière. Le neuves. Don Juan n'est point un de ces ouvrages où le
manche gauche, destiné aux basses, est monté de sept génie de l'artiste se produit avec ménagement; les pro-
cordes accordées par demi-tons depuis le mi en bas jus- cédés de l'art n'y prennent point la place de l'invention ;
donner à la tâUsiquë de MoKart son baraotèt-e propfe ; si qui a été écrit originairement pour une voix de basse:
ces qualités manquent au chanteur, le reste est inutile. ce chanteur a du goût et sa voix est agréable; mais ii
Mlle Sontag avait reconnu cette vérité quand, renon- manque absolument de verve, et sa mollesse d'exécu-
çant à tous les avantages de sa voix légère et de sa voca- tion détruit l'effet dé la musique de Mozart.
lisation parfaite, elle a chanté le rôle de donna Anna Bordogni est un don Oilavio de la plus grande faiblesse;
avec une expression simple et toute dramatique. Santilii, dont la voix fait un bon effet dans quelques ou»
Mme Malibran vient de donner la même preuve d'in- vrages, chante avec lourdeur le rôle de Leporello, et
telligence musicale par la manière dont elle a chanté n'en comprend pas le caractère. Voilà donc quatre rôles
tout le rôle de Zerline. Mozart a empreint ce rôle d'un sacrifiés, et tous les quatre sont importans; en sorte que
mélange ravissant d'élégance et de simplicité la canta- ; l'eifet de l'ouvrage en est sensiblement altéré. Joignez 6
renonçant aux broderies dont elle le surchargeait
irioe, cela des choristes qui chantent faux et sans ensemble, et
l'année dernière, est entrée dans la pensée du grand quelques fautes de l'orchestre, et vous aurez une idée
artiste, et a rendu admirablement tous les morceaux des causes qui s'opposeront à ce que Don Juan obtienne
sans sortir un instant de cette sitoplicité et de cette élé- une longue suite de représentations d la reprise qu'on
gance qui fait le charme de là cidartm ta mano, de Batti, vient d'en faire. La plupart des mouvemens sont attaqués
Batti, et de tant d'autres mélodies délicieuses. Il n'y a avec trop de [lenteur, ce qui dénature le caractère de
que des talens de premier ordre qui soient capable* de plusieurs morceaux, et nuit à leur effet.
s'Identifier ainsi à l'esprit d'une composition. J'ai dit que Mme Méric-Lalande s'est distinguée dans
La reprise de Don Juan n'aura point cette année au- le rôle de donna Anna; elle a fait en effet preuve d'un
tant de succès que celle qui a eu lieu l'année dernière, talent remarquable dans le fameux duo du premier acte,
parce qu'il n'y a point d'ensemble dans l'exécution. Il et surtout dans la grande scène dont le récitatif est fort
ne sufDt pas que Mme Malibran soit une Zerline par- difficile. Cette habile cantatrice entre bien dans les in-
faite, que Mme Méric-Lalande soit très satisfaisante dans tentions de Mozart, et rend avec énergie les situations
donna Anna, même après les merveilles opérées dans ce violentes de ces deux morceaux.
rôle par Mlle Sontag: pour que l'admirable par-
il faut,
tition soit rendue dignement, que tous les personnages
soient i la hauteur de la conception ; or, la distribution
THÉÂTRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.
actuelle est fort loin de satisfaire à cette condition. Le PREBUÈRE REPRÉSENTATION DE LA VEILLÉE,
rôle de donna Elvire , bien chanté l'année dernière par Opéra-comique en un acte, musique de M. Paris, paroles
musique. Cette foisZucchellia repris possession du rôle, On voit qu'il n'y a pas grand mérite d'invention dans
REVUE MUSICALE.
suis fûché de dire que les détails n'ont rien de piquant cette symphonie a été vraiment merveilleuse il la fant ;
qui fasse compensation à la pauvreté du sujet. M. Paris, telle pour rendre sensibles les beautés singulières d'une
tait unebelleséance; partant, le resteaété médiocre. Mais Chacun espérait goûter un grand plaisir au finale de
c'est dèjàquelque chose qu'une symphonie de Beethoven Fidelio; mais il n'a pas produit l'effet qu'on en attendait.
beaucoup plus de musique là-dedaas que dans certains avec intelligence sur les rhythines musicaux, l'absence
concerts entiers Je conseillerai toutefois aux directeurs de l'intérêt de la soène , enfin un espace trop resserré
de ces concerts, si justement célèbres, d'être plus sévères dans lequel les chanteurs étaient trop près les uns des
sur le choix de certains morceaux de chant ou de solos, autres, tout cela, dis-je, a beaucoup nui au développe-
dont l'effet est parfois de nuire -aux jouissances que l'or- ment de ce morceau capital. D'ailleurs les chœurs ont
chestre procure à l'auditoire. attaqué mollement et sans ensemble, et l'énergie est
J'ai analysé autrefois dans la Revue musicale la sym- uae qualité essentielle [pour
la belle musique de Beet-
phonie en 2a de Beethoven, me et j'ai dit les motifs qui hoven. Dabadie a fort bien chanté son solo de basse,
fontconsidérer le premiermorceau de cet ouvrage comme mais mademoiselle Dorus et Alexis Dupont n'ont point
inférieur aux autres symphonies du même auteur, bien assez étudié le caractère propre des deux parties impor-
qu'il s'y trouve des effets très heureux. Quant ù Van- tantes dont ils s'étaient chargés.
que les entrées de fugues y sont multipliées et donnent de régime, et sera mis en entreprise subventionnée. Plu-
en plusieurs endroits un certain aspect scolastique à sieurs demandés ontété'adressées ù ce sujet au ministrç
l'ouvrage. J'aurais désiré aussi que la modulation gé- dé l'intérieur; mais aucune décision définitive n'a été
nérale eût été plus variée ; mais à cela près, j'avoue que prise jusqu'à ce moment.
entendu cette composition avec autant d'étonne-
j'ai
— Un opéra-comique en un acte , intitulé la Solitaire
ment que de plaisir. La mélodie a de la grSce , de la fa- ouïe Morceau d'ensemble, a été mis en répétition depuis
chez un compositeur qui n'a point eu d'occasion d'en- — Plusieurs symphonie avec
répétitions de la grande
tendre ses productions. J'engage M. de lu Mosltowa à chœur, de Beethoven, ont été faites pour les concerts
ne point s'arrêter en si beau chemin, et i\ développer du Conservatoire; cependant, il est douteux qu'elle soit
par le travail les dons heureux qu'il tient de la nature et entendue au troisième concert qui aura lieu le 27 de ce
de l'art. mois. Cette symphonie est hérissée de difficultés d'au-
Les élèves de l'Ecole royale de musique classique ont tant plus grandes, que la pensée du compositeur est va-
exécuté cette messe avec beaucoup d'ensemble et de gue et difficile à saisir. On peut croire que jamais elle
fermeté. L'orchestre du Théâtre-Italien, dirigé par n'aura été exécutée avec tant de soin qu'à Paris; toute-
M. Girard, était réuni i l'Ecole pour l'exécution de cet fois, en considérant attentivement la partition, il est
ouvrage, et a bien rendu les effets, quoique l'accompa- permis de douter du succès.
gnement parût un peu trop fort pour l'étendue du local — On parle d'un travail général qui doit être fait sur
et les masses vocales. En somme, l'ouvrage de M. de la les établissemens d'art qui ressortent de l'ancienne ad-
Moskowa a fait beaucoup de plaisir ù l'auditoire choisi ministration de la maison du roi. Dans ce travail, le
taille de Marignan, par Clément Jannequin, ont rempli servatoire, et les diverses parties de cet établissement
la première partie de cette séance intéressante. Les recevraient des améliorations et des développemens.
élèves de l'Ecole dirigée par M. Choron exécutent Nous ignorons si ces bruits sont fondés.
— Paganini s'est rais décidément en route pour Pa- l'indigence. Voilà qui prouve mieux que des raisonoe-
ris; arrivé à Strasbourg depuis quelques jours, il y a mens, combien la musique mérite que le gouvernement
donné un concert le i3 février. Des attaques de nerfs et prenne soin d'en répandre l'étude dans toutes les classes
des spasmes l'ont forcé d'interrompre trois fois de suite de la société. C'est un besoin senti par toutes les villes
siasme dans son auditoire. Il se propose de donner plu- éducation première et gratuite serait donnée à tous
sieurs concerts à Strasbourg. De là il ira à Colmar, puis ceux que des dispositions naturelles entraînent vers l'é^
nueront les mardis de chaque semaine , dans le local or- dans ce sens, et l'un des meilleurs organes de la presse
dinaire, rue Saint- Lazare, n" 5g, à huit heures du soir. départementale , le Précurseur de Lyon , s'exprime ainsi
— La commission chargée de l'examen de la situa- à ce sujet:
On ne cesse, de tous côtés, de le répéter aux di-
tion actuelle de l'Opéra a presque terminé son travail,
u
et a rendu palpables les fautes de l'administralio'i de M. K recteurs de speetacle, c'est de l'opéra qu'il faut donner
Lubbcrt. Tout porte à croire que ce théâtre va changer «au public, si l'on veut le voir alTluer. Mais comme
REVUE MUSICALE. 23
« tout le monde ne veut pas ou ne peut pas aller au spec- Publications classiques.
<. tacle, il est encore d'autres moyens de répandre le
Collection complète des CKuvres composées pour le
« goût de la bonne musique dans le peuple ces moyens
piano par L. Van Beethoven, dédiée à S. M. l'Impé-
:
« sont dans des écoles publiques gratuites et dans les ratrice de toutes les Russies , par l'éditeur. Sixième et
« concerts. » septième livraisons. Paris, Maurice Schlesinger, rue
« Les écoles gratuites sont le moyen le plus efficace de Richelieu, n° ga.
« et le plus expéditif : elles appellent les efforts et les Il n'y a pas plus de cinq ans qu'il était à peine permis
«progrès de la jeunesse, et conséquemment de toute de prononcer le nom de Beethoven dans nos salons
CI une génération qui, sans frais, sans perte de temps, élégans; à l'idée des acerbes fantaisies de ce bouillant
(I de ce temps inappréciable dans les villes industrielles génie, les nerfs de nos femmes à la mode se crispaient,
c voit ses goûts épurés et ses mœurs adoucies par le plus et toutes auraient fui si on leur eût proposé de leur faire
• innocent et l'un des plus beaux de tous les arts. » entendre un quatuor ou un trio de ce musicien peu si
Le concert du premier février a produit une brillante connu, mal apprécié. Mais depuis que les concerts du
si
recette. L'orchestre, dirigé par M. Bacimann, a exécuté Conservatoire ont mis en renom ses admirables sym-
l'ouverture de la Preciosa de Weber |et le rondo de la phonies, depuis que Haitzinger et M"° Schrœder-De vrient
symphonie en fa de Beethoven. Trois chœurs de Guil- nous ont fait entendre les beautés de Fidclio, l'ultra-ro-
laume Tell , du Siège de Corinilu et de Fra-Diatola ont mantisme de Beethoven n'effraye plus les oreilles d'un
été bien chantés, ainsi qu'un air de Mercadante. Un duo monde qui ne se règle que par la mode, et au risque
de piano et harpe ,^ et deux concertos de flûte et de vio- même des sauvageries du grand artiste chacun veut ,
loncelle , formaient la partie instrumentale de ce con- avoir sur son piano cette musique qui jadis causait tant
cert, dans lequel des amateurs ont seuls 6guré. d'effroi. C'estdonc non-seulement une opération louable
dans le l'art que celle de la publication d'une col-
but de
lection complète des CEuvres de piano de Beethoven
IfouTelles étrangères. ce doit être aussi une opération lucrative. Le soin qui
Napies. Un opéra intitulé // Ventagtio, a été donné d'ailleurs préside à l'exécution typographique de cette
pour la première fois au théâtre Nuoro, le aa janvier der- collection , en fait un des beaux monumens de la musique
nier. Le libretto a été tiré par M. Gilardoni de la comé- instrumentale.
die du même titre, par Goldoni. La musique est de La sixième livraison renferme les trois beaux trios
Raimondi, compositeur qui a eu autrefois des succès au pour piano, violon et violoncelle connus comme l'œuvre
théâtre , et qui est aujourd'hui maître de contrepoint au premier de Beethoven. Cet œuvre fut le signal de la place
collège royal de musique à Naples. L'ouvrage a obtenu qu'il devait occuper un jour dans l'art musical. La verve
un succès brillant. Le maestro, le poète et les acteurs originale, qui depuis s'est fait remarquer dans toutes ses
ont été appelés plusieurs fois sur la scène. productions, est déjà empreinte dans cet ouvrage. C'est
VrmsE. La Muta de Poriici, opéra •nouveau de Pavesi, une heureuse idée que celle qu'a eue l'éditeur de réunir
a été joué au théâtre de Fenlce, le 5 février. D'après' les en partition avec la partie de piano les parties d'accompa-
détails qui nous parviennent, la musique a été trouvée gnement, et de procurer ainsiaux artistes et aux amateurs
froide et remplie de réminiscences. Les chœurs sont la le moyen d'étudiercesmbrceaux dans leur ensemble. Le
partie la meilleure de l'ouvrage. On cite aussi avec éloge triodétaché, connu comme œuvre onzième, est réuni
une scène et un grand air chanté par Bonoldi. Quant à dans cette livraison aux trois premiers.
Jllle Blasis, qui jouait le rôle de la prima donna, on se La septième livraison est formée de la réunion de
plaint qu'elle ait été sacrifiée. La Belloli, primo musico, sept thèmes variés, parmMesquels on remarque surtout
a été applaudie dans le premier mouvement de sa cava- les variations sur rair_'anglais God mw the King, celles
tine, mais n'a pas eu grand succès dans le reste de l'ou- du thème de Grétry, Une fièvre brûlante, et le thème
vrage. On vante sa manière de phraser et de poser le varié en mi bémol qui, depuis, a servi à Beethoven
son ; du reste, elle a peu de voix et ne possède aucune pour le morceau final de sa symphonie héroïque. Des va-
agilité. Les costumes et les décorations ont été faits avec riations ne sont pas ordinairement classées parmi les
beaucoup de luxe. On craint que cette dépense ne soit productions les plus estimables de l'art; mais les va-
en pure perte, et que l'opéra ne se soutienne pas. riations de Beethoven ne ressemblent point à celles qui
sortent de la plume des autres musiciens : c'est encore
de la musique.
24 REVUE MUSICALE.
yoix plus ou moins nombreuses et un orgue plus ou Théorie de ta composition, en quinze chapitres. Troi-
moins considérable se trouvent presque partout. sième section : Etudes de la fugue , en douze chapitres.
Au mérite d'une harmonie bien écrite et d'un accom- 2° Supplément : not«s sur la composition du chant, le
pagnement d'orgue élégant, tel qu'on devrait l'attendre
récitatif, la déclamation musicale, etc. Une notice bio-
d'un des premiers organistes de l'Allemagne, se joint
graphique sur Beethoven, un catalogue général de ses
aussi le mérite d'une expression convenable des parole».
ouvrages, deux fac-similé , plusieurs pièces originales
Une autre qualité recommande aux amateurs de mu- des lettres, des anecdotes, et du compositeur
le portrait
sique la messe de M. Rinck c'est qu'elle est d'une
,
complètent cet ouvrage.
exécution facile et convenable pour tous les degrés — Practiche Anliitung zur composition, sowohl tum
d'habileté.
selbsunterrichte, wich auch aU handbuc fur lehrir, etc.
— Der Templer and die Jiidin. ( Le Templier et la ( Introduction pratique à la composition ,
propre à
Juive), grand opéra romantique en trois actes, mu- s'instruire soi-même, etc., etc., par Jean-Léopold
sique de Hbnbi MABscnNEB. Partilion pour le piano , ar- Fuchs ).
rangée par l'auteur. Œuvre 60. Saint-Pétersbourg, Charles Kray, et J. Paez ; Mos-
Leipsick, chez T. Hofmeister :Prix: 7 thalers (21 fr.) cou, P. Lehnhold.
Cet opér», l'une des meilleures productions de la
choses qui décèlent dans leur auteur de l'originalité et Id. Op. 113. Six valses brillantes.
du sentiment de la scène. /(/.Op. 114. Les 77iemoù« , contredanses variées pour le piano.
bliée à Vienne par T. Hasurgeb, sous le titre de Mu- A Paris, chez H. Lemoiite, rue de l'Echelle.
sicà sacra. Prix : 18 l'r. — Grand recueil de morceaux progressifs pour la guitare , composés
— Une nouvelle édition du Dictionnaire abrégé de et arrangés par Fïrdiwasdo Carulli, op. 533.
musique, de H.-C. Koch, a été publiée à Leipsick dans Ce recueil est divisé en deux parties. Ta première oootieiit dii-
— DoTZAtER (J.-J.-F.
,
), trois quatuors pour deux Chez M. RoMAGWEsi , compositeur et éditeur de musique , rue Ti-
Tiolons , alto et violoncelle. Œuvre 108*. N" 1 , 2,5. vieone, n. 4.
— Kalliwoda (J. Vf.) concertante pour deux vio-
lons avec orchestre. Œuvre 20°.
A Leipsick, chczPéters. I
IMPRIMERIE DB E. pl'VEKGEB, »DE DE VERKECIl, H" 4.
REVUE MUSICALE,
V" ANNÉE. PUBLIÉE PAR M. FÉTIS. NM.
à la portée des fortunes les plus bornées. Le charmé de vous voir ! J'ai là une lettre de Mme... qui
est toute favorable pour vous. Mais croyez que le génie
nouveau format sous lequel il publie la Revue^
est toujours bien venu chez nous, et qu'il n'a pas be-
à dater de la première livraison de la cinquième
soin de recommandation. Vous me voyez désolé! j'ai
année, lui a paru le plus convenable pour at-
su que vous avez pris la peine de vous présenter plu-
teindre son but. En effet, par la combinaison de sieurs fois chez moi, et toujours ma mauvaise étoile a
la composition par colonnes, il est parvenu à voulu que des occupations graves m'aient empêché de
renfermer autant de matière dans une seule vous recevoir. Ah monsieur ! qu'elle est lourde la charge
feuille que dans les deux feuilles de l'ancien que j'ai à supporter! je ne suis pas bien sûr de pouvoir
format, ayant porté à quarante mille le nombre y résister.
des lettres contenues dans chaque numéro, L'àuxEOB. — Votre intention de donner serait-elle
votre démission ?
sans diminuer néanmoins sensiblement la force
Le Direct. — Eh non malheureusement non
! ; il faut
du caractère.
savoir se sacrifier pour le bien public , et je m'intéresse
Au moyen de la combinaison dont il vient
trop aux destinées de la musique pour abandonner un
d'être parlé, l'éditeur de la Revue musicale est établissement si utile et qui repose tout entier sur rftoi.
arrivé à pouvoir réduire de moitié le prix d'a- Mais parlons de vous et de ce qui me procure le plaisir
précédemment.
tel qu'il était L'AoT, — Comment donc...
Les personnes qui ont renouvelé leur Abon- Le Direct. — Sans doute; un jeune homms peut
avoir des idées dramatiques, il peut faire une bonne
nement ou qui ont acquitté des mandats avant
,
pièce , mais il n'a pas celte connaissance de la scène
de recevoir cet avis, pourront à volonté récla-
qu'une longue expérience donne seule; et puis, il ne
mer l'excédant au bureau de la Revue musicale,
sait pas encore faire un succès: il n'est pas lancé, car,
rue Bleue, n° 18, ou l'imputer sur les renouvel- ne TOUS y trompez pas, il ne sufiit pas de savoir faij
lemens subséquens. un bon ouvrage, il faut encore savoir le faire réussi^set
26 REVUE MUSICALE.
Un jeune homme est ordinairement peu habile à ces laissez moi votre partition , je vais la mettre à la copie
sortes (le manœuvres. le vous engagerai à voir M.... et dans deux mois nous commencerons les répétitions.
afin qu'il la revoie ,
qu'il y retouche mais du
; reste cela (Le direcleur reconduit l'auteur sans que celui-ci ait le temps de
vous regarde. Avei-vous beaucoup de personnages? répliiiuer. )
ballets làcle sur sa pochette pour faire répéter un pas nouveau à des
congé.... Je ne vois guèue de moyen.... i moins cepen-
figurantes. Un pompier fait des agrafes dans un coin du théâtre.
dant que vous ne donniez son rôle à une basse , en bais-
sant un peu la partie musicale. L'AcT. (se promenant seul, sa montre à la main.) — Une
L'AuT. — Impossible I ce serait tuer tout l'effet de heure 1 la répétition annoncée pour onze et demie, et
femme, ce me semblel vous avez tort, grand tort. Les arrivé. Que faire ? [il s» promène à grands pas.)
Français sont galans , ils aiment le beau sexe : il faut Le Direct, (tenant (i/«i.) — Ah! bonjour, bonjour, mon-
absolument que vous trouviez moyen d'intercaler dans sieur; eh bien? c'est demain le grand jour! jour de
votre ouvrage un rôle pour Mme.... triomphe pour vous : vous allez faire des envieux.
L'AtT. — Y pensez-vous, monsieur? Vous me parlez L'Act. — Dieu vous entende, monsieur. Mais, dites-
d'une danseuse , oubliez-vous donc que c'est d'un opéra moi; ne me donnerez-vous pas quelques billets? J'ai
et je vous le répète, ce rôle produirait le plus grand Le Direct. — Votre famille, c'est trop juste. Quant
effet. Croyez-en mon expérience. — Dites moi ;
j'espère au reste, soyez tranquille, je m'en charge; vous serez
que votre ouvrage ne nous entraînera pas dans de soigné,
L'AtT. — Ma pièce est tirée d'une chronique du préludeut chacun dans un ton différent. Tous demandent à
grands cris que l'on commence.
moyen âge, il noTss faut des costumes du temps et des )
moyen de s'arranger. —
J'ai une prière à vous faire.... horriblement faux; les cors ne jouent point dans le ton.
L'AtT. — Et laquelle.... (Tous les musiciens s'arrêtent et présentent la musique qui est'
Le Direct. — C'est de ne pas multiplier les répéti- sur le pupitre , «'écriant qu'il y a des fautes dans les parties, et
tions; mon orchestre fait un service pénible, et j'ai à le priant de les corriger. Ne pouvant faire droit à toutes cçs
soit bien su avant que d'arriver à la représentation. J'ai Le régisseur. — Tout le monde est-il arrivé ? En
dans ma partition des effets neufs qu'on ne saurait rendre place, messieurs!
sans les avoir convenablement répétés. Le Direct. — On vient de me remettre une lettre de
Le Direct. — Ah!... Ah!... vous savez que la repré- notre première chanteuse, qui ne peut pas assister à la
sentation est toujours une répétition générale! Lorsque répétition ; mais elle sait son rôle , et le dira demain
votre ouvrage aura été joué une vingtaine de fois, il dans la perfection. Le souffleur va se charger aujour-
Le DiBBCT. — C'est égal, beaucoup trop long ; il faut La Cahtatbice. — Vous voilà, monsieur ! j'ai des re-
L'AnT. J'aimerais mieux retrancher l'air qui suit.... vous avais recommandé de veiller par-dessus toutes
— M'ôter mon airl dit la basse - taille ; monsieur, choses à ce que mon costume fût de bon goût; voyea
je ne puis plus me charger de votre rôle. que cela me va mal: je n'ai pas mis la coiffure que l'sn
—Non, non ! s'écrie-t-on de toutes parts; c'est le duo m'a donnée, j'ai préféré rester en cheveux, car c'était
qu'il faut couper. Et l'on continue sans avoir égard aux d'un ridicule!...
« L'ouverture a paru trop longue; il conviendrait de re- représentation je mets une robe d'organdi avec des
« trancher quelque chose vers la fin... » fleurs; je ne veux pas faire pour. Je vous préviens que
L'An. — Il faut cependant que je rentre dans le ton ! je suis horriblement enrhumée , et que je passe le qua-
Le Dibect. —
Rentrer dans le ton ? Pourquoi faire P tuor du second acte,
C'est bon pour vous autres savans mais soyez sûr que ; L'AtJT. — Mais alors que me restera-t-U P vous sente»
le public ne s'aperçoit pas de ces choses-là. Allons, à bien, madame..,, { Elle lui tourne le çlas.)
demain. Bon courage, {ils sortent,) (Dans ce moment, des rires et des sifflets se font entendre, )
LA REPRÉSENTATION.
Le TÉiî, (rentre farieua>. ) —
Mais aussi , c'est la faute
de monsieur (OToniran* l'auteur,), qui aurait dû s'occu»
Dans la salle, le public qui attend depuis long- temps, s'impatiente, per de tous ces détails.
siffle, crie, et frappe des pieds. Sur le Ibéâire, on danse, on chante, L'AuT. •^ Qu'est-H donc arrivé 9
des éclats de rire partent de toutes parts. Les machinistes traînent
Le Tis. — monsieur, qu'au milieu de
Il est arrivé ,
une lourde décoration renversant tbut sur leur passade, Uoe bass&
votre finale j'ai voulu tirer mon épée; au lieu d'une
,
la pièce ; si vous le supprimez, le public ne la comprendra tête brûlante est appuyée sur sa main; la lumière jau-
pas. Et puis c'est un de mes plus beaux morceaux , celui nâtre d'une lampe qui s'éteint éclaire de» Jones pille»
Le 'féu. — Je ne vous en réponds pas, vos répétitions où est -il cet avenir de gloire et de bonheur? qu'est
m'ont tué, vous n'êtes pas raisonnable; en vérité coi devenu ce point lumineux? Il est effaoé Dérision! 1
auteurs sont d'une exigence. (On siffle.) Eh mou Dieu ! deux heures ont sufli pour engloutir tout cela Jetle !
vous m'avez fait manquer mon entrée. [Il se précipite jette au feu ce papier que plume folle a barbouillé do
ta
voilà qui chante le trio ; ah ! il s'est remis : le ptihlic ne jours, des nulls à le faire? que tuas SBorlflé à cette
s'en esl pas aperru; que cela est faux!.. Les chœurs par- gloire quelques heures qui appartenolent nu c«ur do ta
II a sufli de l'indifférence de quelques liommes pour sur cet art en France, et l'on y lisait encore moins. La
bouleverser toute une existence; ils n'ont pas compris forme piquante du premier volutne de ces mémoires ,^
ta grande ame; ils ont ri de tes angoisses, et par eux qui parut d'abord seul, le nom de l'auteur, et l'intérêt
tout est perdu! qui s'attache à la partie anecdotique relative à tout ar-
Et demain d'autres hommes froids aussi vont publier tiste célèbre, lui procurèrent un succès de vogue tel,
ta chute ; ils parleront en maîtres de choses qu'ils igno- qu'on fut obligé de réimprimer ce premier volume lors-
rent: on les croira; car on les croit, quoiqu'ils mentent que les deux autres parurent. Ceux-ci ne furent pas si
vrages. Un fait curieux et peu connu est que ce fut Le premier volume des Essais de Grétry contient les
M. Panseron, père du compositeur auquel le public est Mémoires de sa vie jusqu'en 1790, et l'Histoire de ses
redevable d'uue multitude de jolies romances, qui écri- ouvrages jusqu'à cette époque. C'est la partie la plus
vit l'orchestre de tous les derniers opéras de Grétry. intéressante de son livre. Les deux autres volumes, con-
Bien qu'il fût fort ignorant de la véritable science mu- tenant les cinq derniers livres, ne renferment que des
sicale, bien qu'il la méprisât sans la connaître, Grétry vues générales et des aperçus vagues dont la liaison
avait quelquefois l'imprudence d'en parler comme d'une avec l'art musical est au moins problématique. Par exem-
chose qui lui était familière, et presque toujours il lui ple, on y trouve des chapitres intitulés Aplomb, Unité,
échappait quelque bévue qui prouvait qu'elle lui était de laCoquetterie sans amour, de l'Avarice, de l'Impudent,
inconnue , et qu'il ne s'en faisait pas une idée bien nette. de la Vivacité de caractère , et beaucoup d'autres du
« C'est après avoir lu les Traités d'harmonie de Tar- même genre. On pourrait écrire sur tout cela des mil-
«tini, deZarlin, de Rameau, de D'Alembert, dit-il, liers de volumes, sans rendre le plus léger service à l'art
« tistes pendant plusieurs siècles. Puisse seulement cet blable que celle-ci sera bien repue du public. M\ Mees
« amas d'érudition nous donner un trait de chant qui l'a enrichie de quelques notes relatives aux progrèà que
X réveille une sensation douce et consolante pour les la musique a faits depuis l'époque où l'ouvrage fut pu-
« âmes sensibles ! blié pourla première fois. L'exécution typographique du
« Il est démontré cependant que les sciences mathé- livre est soignée, et le format est plus commode que
« matiques sont la source des combinaisons harmoni- celui de l'ancienne édition.
des traités d'harmonie ; ces ouvrages , ainsi que ceux de remarqué particulièrement un chœur plein de suavité
Rameau et de D'Alembert sont loin d'être su£Sans pour au premier acte ; des couplets chantés par M"' Déjazet
l'exposition d'une saine théorie de la musique; les règles au deuxième, le finale du second tableau et une marche.
de l'art ne sont point à' immenses calculs, et au temps où M. Gide travaille consciencieusement et fait de sensi-
Grétry écrivait il n'était point vrai de dire qu'il y avait bles progrès ; nous le croyons destiné à se faire une
dans ces calculs de quoi satisfaire à la pratique des ar- réputation très honorable dans son art.
tistes pendant plusieurs siècles, caria pratique était déjà — La première soirée de quatuors et de quintettis
dès lors fort en avant de la théorie. L'idée que les sciences de M. Baillot a eu lieu le 22 de ce mois. Un quintetto
mathématiques sont pour quelque chose dans les com- de Bocchérinr, un quatuor de Haydn, un quintetto de
binaisons harmoniques est si ridicule, qu'il est inutile de Mozart, un quatuor de Beethoven et un thème dé Hien-
la combattre, et rien n'est plus faux que de dire que ce del, varié pour le violon, en ont rempli la durée. Le ta-
qui est bon pour la règle ne l'est point pour le plaisir, lent poétique de M. Baillot s'y est déployé avec une
car la règle n'a d'autre fondement que le plaisir de verve de jeunesse qui a excité des transports d'admira-
l'oreille. Enfin, c'est une puérilité que d'insister sur ce tion dans tout l'auditoire. Plusieurs artistes et amateurs
que la science de l'harmonie ne peut faire imaginer un étrangers, parmi lesquels on remarquait M. Meyerbeer,
trait de chant qui ne : sait cela ? Mais des traits de chant ont témoigné une vive satisfaction de la variété inépui-
ne composent pas seuls la musique ; il y faut de l'har- sable d'effets que l'artiste sait tirer de son instrument,
monie, qu'on ne sait écrire correctement qu'après l'avoir et de la flexibilité de talent qui lui fait donner avec tant
appris. de bonheur l'accent juste A chaque genre de musique
30 REVUE MUSICALE.
qu'il fait entendre. Quel que soit le virtuose avec lequel renvoi sera ordonné pour les écoles de musique , et que
on le compare, M. Baillot conservera toujours dans le l'administration de la liste civile conservera seulement
genre du quatuor une supériorité incontestable. MM. les musées, et les manufactures royales d'objets d'art.
Vidal , Urhan , Norblin , Mialle et Vasiin , qui l'accom- Ainsi un nouveau régime va commencer pour la mu-
pagnent, secondent ù tnerveille ses intentions. sique en France; sera-t-il favorable à sa prospérité? Il
—Le plus étonnant des violonistes de l'époque ac- est difficile de se prononcer à cet égard. Tout dépendra
tuelle, Paganini. est arrivé i Paris jeudi dernier. Il est de la manière dont nos hommes politiques considéreront
descendu à l'hôtel des Princes, rue de Richelieu. Le les rapports des arts avec l'État. Dans l'administration
soir il s'est rendu au Théûire-Ilalien.On y jouait Otelh: de la maison du roi, il y avait bien de l'ignorance des
il a applaudi avec transport les belles inspirations de choses; on faisait beaucoup de fautes; l'intrigue y avait
M"' Malibran. On annonce comme très prochain le pre- souvent l'avantage sur le talent et le dévouement à l'a-
mier concert de cet artiste célèbre. vancement de l'art; mais, du moins, il y régnait une
—
MM. les frères Bohrer, de retour d'un voyage qu'ils certaine grandeur, une certaine munificence profitable
ont en Allemagne, donneront dans les salons de
fait aux arls. Il y a tout lieu de croire que le commérage qui
M. Pape, facteur de pianos, rue des Bons-Enfans, qua- dirigeait souvent les mesures prises dans cette admi-
tre séances musicales dans lesqucllcsils feront entendre, nistration disparaîtra d'un ministère où tout doit mar-
comme l'année dernière, les derniers quatuors et trios cher plus directement au but ; mais il est à craindre qu'on
de Beethoven, ainsi que des solos et duos pour violon ne veuille y faire prévaloir une parcimonie funeste; car
et violoncelle. nos ministres, nos députés, ontpeu dégoût pour la mu-
La première séance aura lieu le dimanche 6 mars, ù sique, pour la peinture, et pour tout ce qui n'est pas
une heure et demie et les autres continueront ainsi de
, purement industriel.
quinzaine en quinzaine. On souscrit chez MM. Pleyelet Quoiqu'il en soit, le ministre de l'intérieur ne pourra
Schlesinger, éditeurs de musique, et chez M. Pape. tarder à prendre une détermination pour fixer le sort
— Un chanteur... non, une voix assez agréable a dé- des théâtres lyriques, dont la position est fort critique.
buté jeudi dernier à l'Opéra-Comique, dans le rôle de Il est impossible de laisser plus long-temps l'Opéra ,
Jean de Paris. Un extérieur peu séduisant, un assez bon l'Opéra-Comique, et mûmie les théâtres des départemens
timbre, dans lequel en remarque surtout des beaux sous le régime provisoire qui les ruine. Le déficit du
sons de voix mixte, peu d'habitude de la scène, peu de premier de ces théâtres doit être comblé, et l'on ne peut
savoir en musique, tels sont les qualités et les défauts tarder plus long-temps à lui faire un budget ou à le con-
du débutant ,
qui n'a pas été bien accueilli par le public. fier à un entrepreneur subventionné. Quant à l'Opéra-
— Un élève du Conservatoire, M. Canaple, a débuté Comique, la loi sur la liberté des théâtres ne pouvant
mercredi dans Frontin du Nouveau Seigneur. Ce rôle est être faite avant la dissolution de la Chambre, le contrat
écrit trop haut pour le débutant qui s'est trouvé toujours pa.ssé entre l'entrepreneur et le gouvernement reste dans
gêné. M. Cartaple a ime bonne méthode et quelques toute sa force, et l'on ne peut se refuser à payer la sub-
notes agréables dans la voix; mais, comme acteur, il a vention promise jusqu'à ce qu'une loi nouvelle établisse
besoin d'étudier beaucoup. Un autre ordre de choses. Enfin , les théâtres des dépar-
— Le troisième concert du Conservatoire aura lieu temens appellent aussi toute l'attention du ministre par
le 27 de ce mois. Le Programme est composé de la ma- l'état déplorable où ils se trouvent; état qui exerce beau-
tante pour clarinette et basson, exécutée par MM. Buteux mèdes qu'on s'adresse : toutes les commissions qu'on a
et Henry; 4° Scène d'Orphée (les Enfers) avto chœurs, formées pour les affaires théâtrales depuis sept mois ont
musique de Gluck, chantée par M. Ad. >'ourrit 5° Rondo ; été composées de jurisconsultes, de conseillers d'état,
pour le violon, composé par M. Habeneck, et exécuté de députés, tous gens fort habiles en d'autres matières,
par M. AIIard;6°0uverture de Prométhée, de Beethoven. mais absolument étrangers à la connaissance des causes
— On assure qu'une ordonnance du roi , signée le 1 7 de de la décadence dramatique.
ce mois, renvoie définitivement les grands théâtres dans — Une brillante soirée musicale aura l ieu dimanche 27
les attributions du ministère de l'intérieur, où ils auraient i'i la salle Taitboul , au profit des victimes de la Bel-
toujours dû se trouver. Il est vraisemblable que le même gique. On y enlendia, entre autres artistes dislingué,»-;.
UEVtE MUSICALE.
MM. Adolphe Nourrit, Levasseur , Alexis Dupont; se composait: i" de l'ouverture du Calife de Bagdad;
MM°°' Raimbaut, de Braucion , Isauibert, Glossop de 2° une mélodie russe avec des variations; 3° des airs
Bléry, et pour la partie instrumentale, MM. de Bériot, russes avec accompagnement; 4° l'ouverture de VEn-
Camille Petit, Meugal, et M"" Feuillet Dumas, harpiste lévement du Sérail, de Mozart; 5° mélodie russe avec
qui n'a jamais été entendue à Paris. On troure des bil- variations, jouée sur des flûtes de roseau; 6° airs russes
lets , au prix de six francs, chez Pacini, boulevard avec accompagnement ;
7° polonaise pour les cors
des Italiens, q° m, et au comité Belge, rue du Mail, russes; 8° mélodies russes avec variations, jouées sur
n° 10. des flûtes de roseau ;
9° airs russes avec accompagne-
— Le premier exercice de l'École roj>ale de Musique ment; 10° andante et rondo pour les cors russes.
classique, dirigée par M. Choron, aura lieu jeudi 3 mars, L'orchestre se compose de vingt-cinq personnes qui
à l'Institution, rue de Vaugirard, n° 69. On y exécutera jouent cinquante-cinq cors ou tuyaux coniques. Le plus
l'Oratorio deSanuon, parHandel, qui n'a jamais été en- grand de ces tuyaux a huit pieds de long et oeuf pouces
tendu à Paris. d'ouverture à sa base;il sonne l'ut grave. Le plus petit
Les élèves de cette école ont exécuté le ao de ce mois, n'a que deux poucesdemi de long sur un de large; il
et
à l'église de la Sorbonne, la Missa brevis de Palestrina. sonne le mi aigu. Quelques-uns des cors ont des clefs
M. Choron se propose de leur faire dire aussi la célèbre pour former un ou deux demi-tons; mais c'est le plus
Messe du pape Marcel, et quelques motets du même com- petit nombre. Ce perfectionnement n'a été introduit
positeur. 0x1 ne peut que louer la persévérance de ses dans la fabrication de ce genre d'instrumens que depuis
efforts pour faire jouir les vrais amis de l'art du plaisir peu de temps. Dans l'éloignement et en plein air, celte
d'entendre ces belles composition^, inconnues jusqu'ici musique produit un effet doux et pénétrant comme les
quable , surtout dans l'éloignement. Le programme du d'abord peu active en ce qui concerne la musique; mais
concert que les musiciens russes ont donné à Londres, depuis quelques années l'avancement de cet art y est de-
32 REVUE MUSICALE.
d'Europe ont rendu la culture de l'art musical néces- ment sur une cuiller de bois frappée par M. Lux tandis
saire à toutes les classes de la société. Des théâtres lyri- que les autres accompagnent sur les instrumens précités.
ques s'y sont élevés, des manufactures d'instruraens s'y — M. Panny, compositeur autrichien, a donnéle i4un
forment et y prospèrent; enOn, un journal relatif à la concert dont tous les morceaux, à l'exception d'un frag-
musique vient de s'établir dans le pays, sous le titre de ment de concerto de piano, étaient de sa composition.
l'EcTEEPiADE, Revue musicale et tablettes des beaux-arts. 11 M. Panny a de l'imagination ses mélodies sont gra- ;
en paraît deux numéros par mois, de quinzaine en quin- cieuses, ses idées souvent originales et ses effets d'or-
V zaine. La rédaction de cet écrit périodique annonce peu chestre agréa'nles , mais l'ensemble du travail parait
d'habitude des matières qui y sont traitées ; mais on ne quelquefois mal dirigé et privé de proportions convena-
peut douter que les rédacteurs ne se forment bientôt à bles. Le [morceau qui a fait le plus de plaisir a été un
la tache qu'ils ont entreprise. chant militaire exécuté parfaitement par les choristes
Berlin, i8 février. Le fait le plus important de l'Al- militaires du deuxième régiment de la garde.
lemagne musicale est la présence de Mme Schrœder- — Mlle Haehnel, jeune cantatrice de Vienne, et qui se
Devrient à Berlin, et les succès qu'elle y obtient. C'est dit élève de Mme Fodor, a débuté dernièrement au
en effet une suite fort intéressante de représentations théâtre de la Kœnigstadt, dans le rôle d'Isabelle de
que celles où cette admirable artiste exécute tour à tour {'Italienne à Alger. Cette jeune artiste possède une voix
^ l'ancien et le nouveau répertoire ,
passe de la musique de contr'alto fort étendue. Quel que soit son maître, elle
de Gluck à celle ultrà-moderne de Ries, et chante suc- lui fait honneur par la pureté de sa méthode et la netteté
Euryanthe, ta Vestale, Oberon, Fidelio, Don Juan et la leur et d'ame. C'est, après tout, une fort bonne acqui-
Fiancée du Brigand- Le public fait éclater d'une manière sition pour la Kœnigstadt. On a repris depuis quelque
constante son enthousiasme pour Schrœder qui Mme temps , à ce théâtre , le Maçon d'Auber, qu'on y exécute
lui procure de vifs plaisirs en attendant de la musique avec un ensemble excellent. Presque tous les rôles y
nouvelle. L'opéra de Ries était à la vérité nouveau en sont renouvelés; le duo des deux commères et celui de»
grande partie pour Berlin, mais on en connaissait des deux ouvriers y font surtout fureur.
morceaux détachés et l'on a généralement trouvé que
dans ceux qui n'avaient pas encore été entendus, le tra-
—
On donne ici un assez grand nombre de concerts qui Id. Rondo élégant pour le piano. Prix: S fr.
sont, comme partout, un composé de choses trop con- Id, Souvenirs du Danemarck. Prix: 7 fr. SO c.
nues ou sans valeur pour le véritable amateur. On doit La Langue musicale, opéra en un acte, musique de F. Halevj.
— Nous avons ici des chanteurs styriensqui ont réussi N. S. Duo. Laissez, laissez-moi Jaire. —6 fr.
à exciter quelque attention même dans ce pays où l'on N.6. Quatuor. Que la musique militaire. —7 fr. SO c.
est rassasié des apparitions de chanteurs de montagnes N. 7. Quintetti. Ciel! mon cousin, quelle folie! —7 fr. 50 c.
Ils exécute,nt avec assez d'art différens morceaux de mu- Chez Maurice ScatESiHGER, rue de Richelieu, n. 97.
lon. Un morceau fort original, quia fait merveille, est IMPRIMERIE DE E, Bt'VERCBE, BCE DE yEI\NECIL, R" 4'
REVUE MUSICALE,
V-= ANNEE. PUBLIEE PAR M. FETIS. N'5.
SUR UN MANUSCRIT Dr XVl" SlÈCIE commencement du i6° siècle, elle fut introduite dans la
Toutes les littératures sont incomplètes dans la partie Huit chapitres sont consacrés à ces développemens,
des manuscrits; le temps, qui ne respecte rien, ne
ils se suivent dans l'ordre suivant :
nous restitue que rarement quelques-uns de ces yieux Cap. I. De gradibus musicallbus. —
Cap. ii. Signorum
trésors qu'il a enfouis, et l'amateur ne les arrache qu'à explicatio, eorundemque ad gradus musicales accom-
grand'peine ù une seconde destruction plus irréparable: modatio. — Cap. m. De augmenlalione — Cap. De iv.
celle de l'ignorance. Cependant les débris mêmes sont diminutione. — Cap. v. Deimperfectione. — Cap.yi.De
précieux, par leur antiquité comme par leur impor- alteratione. — Cap. vii. De punctis. — Cap. vin. De tactu.
tance dans l'histoire de l'art: je crois donc remplir un Enfin, pour terminer, Commonefactiones aliquot de
devoir en mcntionaant ici un manuscrit du i6° siècle, iiSj quaî consideranda sunt in cantilenis diversa signa
térature musicale de M. Georges Pœlchau, et dont la Ce traité est de 97 feuilles, ou de i;;i pages in-fol.
bibliothèque des amis de la musique à Vienne possède
Au milieu du texte se trouvent 5o exemples de mu-
une copie. sique ce sont des morceaux entiers probatissimorum
:
Le manuscrit original est in-4°; le papier est fort, auctorum, qui néanmoins sont anonymes; plusieurs sont
l'enere bien conservée, l'écriture nette et bien formée. de Josquin de Près, de Henri Isaac ; d'autres en plus
Ce manuscrit paraît être autographe , car les notes , les grand nombre sont signés A. S. Il est à regretter que
remarques et les corrections sont d'une écriture exac- ces exemples ne soient pas écrits en partition ; mais selon
tement semblable, quoique plus fine; le texte est très l'usage de ces temps-là les parties sont placées les unes
lisible, sauf les nombreuses abréviations qui s'y trou- à côté des autres sans traces de mesure.
rent, mais qui néanmoins sont faciles à déchiffrer. Les Le second Traité, De musica poetica , est une méthode
exemples de musique sont fort bien faits. L'ouvrage est de composition aussi parfaite que le permettaient les
complet, à l'exception des deux premières feuilles qui connaissances théoriques de cette époque. Il commence
contenaient probablement le grand titre et une table. ainsi : Musica poetica est ars ipsi fingendi musicum carmen;
La couverture en parchemin est un peu attaquée. il est partagé en neuf chapitres et contient 37 feuilles,
Cet ouvrage renferme deux traités qui n'ont guère et dans la copie 49 pages in-fol. Les chapitres sont ainsi
de relation entre eux; cependant ils ne paraissent pas partagés.
se rapporter à un ouvrage plus considérable , et sont Cap. I. Tractât de vocibus, h. e. sonis (et) eorum
écrits de la même main. Le premier et le plus graud, divisiortibus. — Cap. Est de concordantiis
11. perfectis
qui est intitulé : Expticatio compendiosa doctrinœ de signis et imperfectis. — Cap. m. Docet de discordantiis, ubi
musicallbus, probatissimorum auctorum exemplis iltustrata, simul de natura quartaeagitur, et quomodo fîat concors.
développe tout le système de la mesure, et explique la
— Cap. IV. Praescribit régulas quinque , quomodo con-
cordantisesese incantuconsequanlur. Cap.x. Describit
(«) Traduit de la Gazelle musicale del.f:ifsk\i{l!iôO, n. .iS). partes cantilenœ, scil. Tcnorera, Discantum, Allum et
34 REVUE MUSICALE.
Bassum, alias (que) non proprias partes seu voces. teurs de cette époque, et qui furent ensuite développés
— Cap. VI. Tract, clausulas formales , et quasdam ré- par Zarlin de Chioggia, sont àpeine indiqués dans notre
gulas de iisdem. — Cap.yu. Docet régulas septem, quo- manuscrit. On peut aussi tirer quelques déductions des
modo consonantiae in canlilenis soleant commisceri. auteurs cités dans l'ouvrage: ainsi on y Voit le nom de
— Cap. VIII. Tradit de usu Pausarum h. e. quomodo Franchinus Gafurius, de Venceslaus de Nova Domo,
Pausœ commode inserantur cantilenis. Item praescribit, connu aussi sous le nom de Philomates, dont les Libri qua-
praîcepta de fugis in cantu. — Cap. ix. Et ultimum habet tuor musicoram furent imprimés pour la première fois à
régulas octo, quomodo prœcepta praecedentia ad usutn Vienne, en iSia; enfin, de Listenius, dont les rudi-
sint transferenda. menta masicœ parurent à Wittemberg en i533, et qui
Les exemples sont pour la plupart de courts fragmens néanmoins est cité comme le plus moderne. Comme
tirés de Josquin, de Henri Isaac, et de Jean Galliculus; compositeurs sont cités, outre Josquin et Henri Isaac,
ils sont écrits en partition dans un système de dix Senfelet Jean Galliculus. L'auteur du manuscrit ne con-
lignes fort remarquable. On trouve sur la première naissait donc pas encore ces auteurs beaucoup plus re-
ligne (d'en-bas) le gamma (Guido d'Arezzo) sur la , commandables qui fleurirent quelques années plus tard,
quatrième la clef de /a, sur la sixième la clef d'ut, sur tels que Ornilhoparchus, Luscinius, Hermann Finck ,
la huitième la clef de sol , sur la dixième le double re. Coclicus, Sebald Heyden, et tant d'autres. Je crois donc
L'on voit que ce système réunissait à lui seul les quatre que de là on peut conclure avec certitude que ce manu-
parties de cinq lignes , adoptées maintenant pour les scrit fut écrit de i533à i54o.
quatre parties de chant; mais pour y écrire en par- Il paraît plus difficile de désigner l'auteur du manu-
tition il fallait trouver le moyen de rendre bien re- scrit; essayons cependant.
connaissables pour l'œil les différentes parties qui de- Le plan de l'ouvrage et qaelques expressions d'art
vaient nécessairement se mêler quelquefois ; l'auteur inusitées à l'école italienne prouvent déjà que l'auteur
de ce manuscrit imagina donc de donner différentes a vécu et étudié en Allemagne. Le docteur Forkel pen-
formes aux têtes des notes : pour le dessus et la basse chait pour Georgius Stanler, sur lequel Sebaldus Hey-
il les fil rhomboïdales;pour l'alto, triangulaire, et pour den, dans son Arscanendi, etc. epist. nuncupatoria (i5Z^),
le ténor, rondes; outre cela, il les distingua encore par la s'exprime en ces termes : Georgius Stanlerus autem,
couleur et écrivit les premières en rouge, les secondes quamqaam inter recentiores sit et hoc unicum tantum agat,
en vert, et les troisièmes en noir. ut cuique gradui musico {ut vocant) , suum aniiquum et
On ignore entièrement les destinées de ce manuscrit verum signam detur, iamen hune meum taborem aliquo
pendant les trois premiers siècles de son existence; au modo potulsset , si satis in tempore iitius copia fuisset facta,
commencemeut du nôtre il se trouvait entre les mains quodnon muttum diversa ab his nostris ille tractai. D'après
de M. de Miirr i\ Nuremberg, qui en fit hommage cette notice, la seule, je crois, qu'on trouve sur G. Stan-
le 10 août i8o5 au docteur Forkel de Gœttingue, de la ler, on voit que ce dernier a pu écrire notre manu-
bibliothèque duquel il passa dans celle de son possesseur scrit; cependant on ne saurait l'affirmer, car les preuves
actuel M. Pœlchau. ne sont pas concluantes.
Le caractère de l'ouvrage et différentes remarques Les remarques de M. Pœlchau me paraissent plus im-
prouvent que ce manuscrit appartient à la première portantes. Il observe que l'ouvrage n'est pas entière-
moitié du i6° siècle; ainsi le traité de Signis musicallbus ment anonyme, morceaux signés A, S. sont
et que les
estévidemment écrit à l'époque où les compositeurs piobablement de l'auteur; examine ensuite quels sont
il
commençaient à abandonner l'ancienne mesure, ù don- à cette époque les musiciens auxquels ces lettres peu-
ner aux notes une valeur fixe, à ne plus permettre aux vent s'appliquer, et il ne trouve que les trois suivans :
Liones, etc., enfin à réformer celte partie la plus difficile comte de Pfalz. Ornilhoparchus lui dédia le quatrièms
de la vieille théorie, et on lit, page i", ut artes acdisci- livre de son Micrologus (2"' édit., Cologne, i535), et
pUnœ vitCB utiles, a majoribas inveniœ et excaltœ magno le nomme musicus consummatissimas acPalatini principis
studio et conatu , conserventar et non ignaria aut negligen- organista probatissimus. Schlick vivait à Heidelberg vers
iiCi nostrâ prorsus intereant. Dans la seconde moitié du i535.
16' siècle, celte théorie n'était plus considérée que 2° André Sylvanus, duquel Glarean cite un morceau
comme une antiquité utile pour la lecture des vieux dans son Dodecachordon, et que Luscinius dans sa Mu-
ouvrages, et les détails qu'on trouve dans tous les au- surgia (imprimée à Strasbourg en i536), fait paraître
REVCE MUSICALE. 35
dans un dialogue. Gerber le nomme Andréas de Sylva, alors cet instrument lui donnèrent des éloges et enga-
nom sous lequel se trouvent quelques morceaux dans gèrent les deux artistes qui l'avaient construit à déve-
on recueil de chants déposé dans la bibliothèque de lopper leur nouveau système de construction dans un
Zwickau. Je puis ajouter ici que Andréas de Sylva se instrument du même genre et de proporlion beaucoup
trouve au rang des Néerlandais, dans le i" livre des mo- plus grande. Ils se livrèrent en effet li ce travail, qui
tetti délia Corona, imprimés par Petrucci, en i5i4- exigea cinq années de travail et une dépense de dix mille
3° André Schwarz, qui inséra quelques morceaux livres sterling. Au mois de juin 1817, le premier essai
dans le Thésaurus musicus, publié chez Montanus à de l'instrument, auquel MM. Flight et Robson avaient
Nuremberg, en i562. donné le nom ô^Apollonicon, fut fait publiquement par
Il s'agit donc maintenant de faire un choix. Quant
à l'exécution de l'ouverture à'Anacréon, de Chérubini, et
moi, je crois que Andréas Sylvanus, ou de Sylva, peut de la Clémence de Titus, par Mozart; au mois de no-
avec certitude être considéré comme Néerlandais; les vembre suivant, un choix de musique sacrée fut exécuté
contrapunlistes allemands n'étaient pas encore à cette sur l'ApolIonicon par M. Purkis. Depuis lors, des exhibi-
époque accrédités en Italie, et surtout auprès de Pe- tions de l'instrument ont été faites chaque année , et
trucci (i5o3— iSig), qui n'imprimait que les ouvrages M. Adams, un des meilleurs organistes de Londres, l'a
des auteurs Néerlandais. Dans les motettl délia Corona, fait entendre avec succès devant des assemblées nom-
dont le I" livre parut en i5i4 , les IP, IIP etIV% en breuses d'amateurs et d'artistes.
l5i9, paraissent seulement pour la première fois (\a&\- Egalement remarquable sous le rapport de son har-
ques Principianti mntes in gurgitevasto.
italiens, rarl monie et sous celui de ses combinaisons harmoniques,
A André Schwarz ne paraît pas également appartenir VApollonicon peut être considéré comme une des plus
l'honneur de notre manuscrit. On ne connaît que quel- belles inventions des temps modernes. Son principe est
ques petites compositions de cet auteur, qui d'ailleurs celui de l'orgue ordinaire ,
quant à la disposition des
parut trop tard pour pouvoir encore défendre l'ancienne jeux et à la distribution de l'air dans les tuyaux; mais
mesure. comme on vient de le dire, il diffère de cet instrument
Arnold Schlick me paraît au contraire réunir pour en ce qu'il peut être joué à volonté ou par un organiste
lui toutes les probabilités. Le témoignage d'Ornitbopar- ou par une action mécanique. Ses jeux sont au nombre
chus doit le faire regarder comme un musicien habile, de quarante-cinq, et offrent de bonnes imitations de la
et si l'on remarque que dans le manuscrit en question, clarinette, du hautbois, de la flfite, du basson, de la
Wenzel de Neuhaus est cité fort souvent avec l'expres- trompette et du trombone. Letuyaulepluslonga vingt-
sion de TVenceslaas noster, expression qui doit fait pré- quatre pieds; il sonne le sol grave d'un jeu de trente-
sumer une certaine liaison^, l'on voit que l'auteur ne deux pieds, c'est-à-dire l'octave inférieure du sol de la
saurait être que A. Schlick, compatriotede W enzel, et contre-basse, et le plus petit sonne l'octave supérieure
organiste du comte de Pfalz à Heidelberg. du la le plus aigu du piano. Les tuyaux sont au nombre
De Kiesewetteb. de 1,900. Deux timbales sont renfermées dans l'intérieur
Vers 1812, MM. Flight etRobson, constructeurs d'or- les moyens mécaniques, mais font aussi mouvoir le mé-
gues et mécaniciens anglais, furent invités par le vicomte canisme des jeux de manière à varier les effets et à passer
Rirkvrall à construire un orgue mécanique sur un sys- du piano le plus doux au forte le plus intense. Chacun de
tème plus perfectionné que celui des orgues de Nurem- ces cylindres est destiné à une division particulière de
berg. Cet instrument fut érigé en effet dans la maison du l'instrument.
noble lord , et l'effet répondit à ce qu'on attendait du ta- D'abord, les pièces jouées sur l'ApoIlcnioon furent
lent de ces deux artistes habiles. Différant des orgues bornées aux deux ouvertures indiquées ci-dessus; de-
mécaniques ordinaires par la perfection du mécanisme puis lors, on y a ajouté les ouvertures de Prométhée,
et la beauté de ses jeux, l'orgue de MM. Flight etRob- de Beethoven; de la Flûte enchantée, de Mozart; deFi-
son se distinguait aussi par le clavier qui permettait de garo tlà'Idoménée, du même compositeur; de Freys-
le faire entendre à volonté ou par un organiste ou par chiliz et à'Obéron, de Weber, et Vandante de la symphonie
NOUVELLE ADMINISTRATION DE L'OPÉRA. gogne, sous le règne de Louis XIV. Déjà, dit-on, Mme
Moreau-Sainliet Vizentini sont engagés, et l'on ajoute
Des abus de tous genres, des fautes graves d'admi-
que toutela troupe do l'Odéon, y compris son directeur
nistration étaient signalés depuis long-temps dans le
régime de l'Opéra; M. de Montalivet avait résolu M. Harel , doit bientôt les suivre au théâtre de la rue
d'y
mettre un terme, en appelante! Monsigny. Ainsi le seul théâtre qui fût ouvert aux com-
la direction de notre pre-
positeurs français ne leur offrirait bientôt plus que la
mier théâtre lyrique M. Véron , avantageusement connu
moitié des ressources qu'il leur a présentées jusqu'ici,
par son goût pour les arts, par l'aménité de ses rela-
tions avec les artistes
et ce serait li le résultat de toutes les intrigues de l'an-
, et aussi par ses qualités de boa
administrateur. Mais des intrigues de cour, des conspi-
cienne gentilhommerie de la chambre et du ministère
rations d'anlichaïubre avaient mis obstacle jusqu'ici aux des beaux-arts, qui ont détruit la société de l'Opéra-
bonnes intentions du ministre. Dimanche dernier Comique! La liberté des théâtres serait, la vérité, un ;\
, il
Le i" mars, il a été iastallé dans ses fonctions par la musiciens d'orchestre et des chanteurs conservent quel-
Commission que M. le ministre de l'intérieur a établie que désir de bien faire, quelque amour de leur art, s'ils
près de lui. Celte Commission se compose de M. le duc sont obligés déjouer et de chanter tous les soirs pen-
de Choiseul, de MM. Armand Berlin, Edmond Bianc, dant quatre heures, et de faire des répétitions tous les
Royei-Collard, et de M. Cave, qui remplit à matins. L'artiste le plus chaleureux et le plus dévoué
la fois les
fonctions de secrétaire de Commission n'y pourrait résister qu'on juge de ce qu'il en doit être
la et celles de ;
commissaire du roi.
pour les masses! Avec la comédie il pourrait y avoir
Un nouveau régime commence donc pour l'Opéra il
un jour de repos entre les représentations d'opéra ; dès
;
ment celui de la prospérité. Le caractère connu du nou- d'exiger des efforts qu'il serait injuste de vouloir au-
veau directeur fait espérer qu'au lieu de se faire homme jourd'hui. Il deviendrait donc possible de monter avec
Don Quichotte d'un genre plutôt que d'un soin de grands ouvrages et d'abandonner les opéras en
de coterie,
autre, il ne repoussera rien que le mal, et qu'il ouvrira
un ou deux actes au deuxième théâtre d'Opéra-Co-
la carrière à quiconque aura la force de la parcourir; mique.
qu'il ne mettra pas l'existence de son théûlre à la merci Mais une difficulté se présente elle est : radicale.
dépendance d'une cantatrice qui s'élèvent à plus de 2,5oo francs chaque jour. Or,
ne tombera point sous la
la comédie qui fut l'origine de ce spectacle, lorsque les vingt fois par ces mots : Beau ! sublime ! merveilleux !
comédiens italiens vinrent s'établir à l'hôtel de Bom- on a loué l'auteur et l'ouvrage à peu près de la seale
REVUE MUSICALE. 37
luaaière qu'il est possible de le faire sans paraître froid couacs, a gâté la fin de son morceau. Cet accident, qui
et insensible. Jamais , en effet , le génie de ce grand ar- n'arrive guère qu'aux clarinettistes français, est ie ré-
tiste ne s'est élevé plus haut; jamais il n'a été plus ori- sultat des anches trop fortes dont ils s'obstinent à se
ginal sans devenir bizarre. La symphonie en ut mineur servir, malgré toutes lesobservations qui leur ont été
est la musique romantique dans toute sa puissance, faites à ce sujet. M. Allard a de la justesse, de l'élé-
dans toute l'extension de la fantaisie mélancolique. Le gance et de la hardiesse dans son jeu; mais il ne sait
premier morceau , l'adagio , le menuet et la marche point tirer de son de l'instrument. Il a besoin de tra-
colossale qui termine l'onvrage sont aulant de chefs- vailler beaucoup sous ce rapport.
d'œuvre d'invention, d'effet et de facture. Pourquoi — Concert ad pkofit des Belges. Assez mal organisé,
faut-il que le dernier morceau, qui surpasse en effet tout ce concert n'a point tenu les promessesduprogramme.
ce qu'on connaît en musique instrumentale, ne se ter- Mme Raimbaut y a bien chanté, et Mme Feuillet-Du-
mine pas plutôt, et se perde en divagations qui af- mas y a fait preuve de talent sur la harpe. Un duo,
faiblissent la première impression ? Il faut que la fai- chanté par Levasseur et Adolphe Nourrit, a indemnisé
blesse de l'homme se montre jusque dans ses meilleures le public des déceptions qu'il a éprouvées d'ailleurs.
productions. — CoNOERT Ac PROFIT DES POLONAIS. Le concert an-
Admirable, digne enfin de l'ouvrage, l'exécution a noncé depuis quelques jours par le comité polonais avait
encore ajouté à ses beautés : il est douteux que Beethoven attiré jeudidernier au Wauxhall une société brillante et
lui-même ait prévu certains effets produits par le bel nombreuse , dans laquelle on remarquait le général La-
orchestre du Conservatoire. Malheureusement une seule fayette, président du comité , MM. Georges Lafayette,
fautedu basson, dans l'andante, a détruit en partie le Lamarque, de Tracy, Corcelles, Odillon-Barrot, et un
charme sous lequel se trouvait l'auditoire ; mais le grand nombre d'officiers supérieurs de la garde natio-
menuet et la marche ont bientôt effacé cette fâcheuse nale de Paris. MM. Boulay de la Meurthe , Sédillot et
impression. Ladvocat remplissaient les fonctions de commissaires.
L'ouverture de Prométhée n'est pas un des meilleurs L'orchestre , où s'étaient réunis plusieurs artistes dis-
ouvrages de Beethoven ; elle a cependant produit de tingués, renfermait un grand nombre d'amateurs. Des
l'effet. amateurs composaient aussi la masse considérable des
Quelle grande conception que celle de cette scène chœurs; enfin, c'étaient des amateurs qui s'étaient char-
d'Orphée dans les enfers ! Quel génie que celui qui a gés de tous les solos de la partie vocale ; mais au talent
su trouver des accens dignes de ce personnage idéal, qu'ils ont déployé dans l'exécution, ou aurait cru en-
du chantre de la Thrace, et qui a réalisé la puissance de tendre les artistes les plus habiles elles plus renommés.
la musique sur les passions les plus haineuses et les Mme Dubignon, dans la romance de Tebaido ed Isollna,
plus implacables! Gluck aurait laissé un nom immortel, Mme Merlin dans la cavatiue de Semiramide , ont ex-
,
n'eût-il eu que celte pensée dans le cours de sa vie! cité des tratisports unanimes. Dans le quintetto de Ma-
Dans Hélène et Paris, dans Télémaque, il avait préludé iilde de Sabran, MMmes de Spare et Merlin ont fait
à sa nouvelle manière, à celte musique dramatique dont preuve du plus grand talent ; enfin Mme Raimbaut a
l'effet est puisé dans la vérité de l'expression ; mais dans mérité les plus vifs applaudisseraens dans son air de
Orphée il a atteint le plus haut degré du sublime. Et Vltatienne à Alger,
voilà la musique que nous avons vu bannir de l'Opéra! Parmi les morceaux de musique instrumentale , on a
Adolphe Nourrit est un digne interprète de la pensée de remarqué surtout des variations composées par M. Al-
Gluck; il y a de l'illusion dans l'effet de sa douce voix, bert Sowinski sur la marche de Dombrowski, et exécu-
dans les accens de sa chaleureuse expression : c'est bien tées par l'auteur.
Orphée que l'on entend, c'est bien l'époux d'Euridice La séance a été terminée par une cantate de M. Casi-
qui trouve dans son amour désespéré des inspirations mir Delavigne , mise en musique par M. Auber, et
divines capables d'attendrir les dieux infernaux ! Les chantée par M. Adolphe Nourrit avec la chaleur entraî-
chœurs et l'orchestre l'ont secondé à merveille. naDte qu'on lui connaît. Electrisée par l'enthousiasme
Deux soles, l'un de clarinette, exécuté par
M. Bh- qull'animait, l'assemblée s'est jointe à lui pour répéter
teux, l'autre de violon, par le jeune AHard, ont com- en chœur le cri de vive la liberté, qui termine chaque
plété la séance. M. Buteux possède un beau son et a de strophe.
la netteté dans ,son exécution. Un de ces accidens trop Il était près de minuit quand le concert a été terminé:
fréquens dans les instrumens à anches, qu'on appelle la recette s'est élevée à près de vingt mille francs.
38 REVUE MUSICALE.
— C'est aujourd'hui samedi qu'a lieu à l'Opéra-Co- février dernier, à la suite d'une maladie occasionnée par
mique la première représentation du Morceau d'Ensem- ses travaux, et parla fatigue d'un séjour à Paris pour
ble, dont la musique est attribuée à M, Adam. ; le succès de son invention.
— La première séance musicale de MM. Bohrer frères M Salomon a sacrifié la plus grande partie de sa mo-
aura lieu dimanche prochain, 6 mars, à deux heures deste fortune en recherches et en frais de fabrication
précises, dans les salons de M. Pape, facteur de pianos, <l(d\aHarpo-Lyre, et d'un instrument fort ingénieux
rues des Bons-Enfans et de Valois. Le programme de qu'il a nommé Accordeur.^oui avons rendu compte du
cette séance est composé comme il suit : i° quintettode premier instrument; le second consiste en un méca-
M. Onslow; 2° Adélaïde, de Beethoven, chanté par nisme ingénieux composé de lames métalliques sonores,
Mme Dulken ;
5° grand trio de Beethoven , pour piano, accordées sur les divers degrés de l'échelle chromati-
violon et violoncelle, exécuté par Mme Max Bohrer et que, et d'un cylindre denté, mu par un mouvement
MM. Bohrer frères ;
4° grand quatuor de Beethoven (en d'horlogerie qui fait résonnera volonté chaque lame don-
la mineur), dans lequel se trouve un adagio offert ù la nant une intonation voulue. Cette intonation se répète
divinité 5° prière de Robin des Bois , musique de Weber,
;
aussi long-temps qu'il est nécessaire pour accorder à
avec violoncelle obligé, chantée par Mme Dulken, et l'unisson une note de piano, de harpe, ou de tout autre
accompagnée par M. Max Bohrer; 6° duo fantaiùe instrument dont on veut faire la partition. Les fabri-
pour violon et violoncelle, composé et exécuté par ques d'horlogerie du Jura offrent les moyens de faire
MM. Bohrer. confectionner des accordeurs à un prix peu élevé.
'
— Lundi prochain, 7 mars, une représentation extra- Mme. veuve Salomon, dans l'imposibilité de conti-
ordinaire sera donnée au ,Théatre-Italien au bénéfice
,
nuer les entreprises de son mari , est disposée à céder
de Donzelli ; elle sera composée de la première audition à des conditions raisonnables les brevets d'invention
de Fausto, opéra en quatre actes, dont la musique est que M Salomon a obtenus pour \a Harpo-Lyre et V Ac-
attribuée à Mlle B..., qui s'est déjà fait connaître par un cordeur, ainsi que les instrumens confectionnés , la mu-
opéra-comique en un acte, intitulé le Loup-Garou. sique gravée de M. Sor et autres compositeurs pour la
On nous prie d'annoncer que MM. les abonnés qui Harpo-Lyre, et tout ce qui se rapporte à l'exploitation de
désireront conserver leurs loges pour cette représenta- cette industrie. Nous croyons qu'un éditeur de musique
tion sont priés de vouloir bien en faire retirer les cou- ou un luthier de Paris pourrait tirer bon parti de l'ac-
pons au bureau de location jusqu'au vendredi 4) avant quisition de ces objets, et recueillerait les fruits des re-
trois heures, autrement on en disposerait. Il est bien cherrches de l'inventeur. On peut s'adresser directement
entendu, relativement aux abonnemens de portion de ou par écrit, pour en traiter, à Mme. veuve Salomon,
loges, que la préférence sera accordée à celui des abon- à Besançon, rue du Perron, n* i.
nés qui , le premier, se fera inscrire pour ce bénéfice. — Le premier concert de l'Institution royale de mu-
Les prix des places ne sont pas augmentés. sique, rue de Vaugirard , n'Gg, qui devait avoir lieu
— Rien ne paraît avoir été décidé jusqu'ici sur l'épo- jeudi 3 mars, est remis, par suite de l'indisposition de
que du premier concert de Paganini, ni sur le lieu où il plusieurs élèves, au jeudi suivant, locourant, àa heures
sera donné; cependant, il est vraisemblable qu'il ne très précises.
sera pas reculé au-delà de la semaine prochaine, et qu'il
aura lieu dans la salle de l'Opéra. Il a assisté aux repré-
sentations du Théâtre-Italien et de l'Opéra, ainsi qu'au
Nouvelles étrangères.
concert du Conservatoire, et il a manifesté la plus On se souvient que sous le titre de la Fiancée du Bri-
grande admiration pour la manière dont la musique est gand, la troupe allemande a fait entendre à Paris, l'été
quable, qui mérite un examen approfondi. L'ouverture, renseignemens publiés dans cet écrit périodique, sous
travaillée sérieusement ,n'a pu être comprise par la ma- le titre de Journal d'an Amateur (Diary ofa Dilettante),
jorité du public, et n'a obtenu qu'un succès contesté; assure que Rossini ,
pendant son séjour i Bologne, dans
les premiers morceaux furent ensuite écoulés avec plai- l'été dernier, a composé deux opéras, l'un sérieux et
sir, mais l'admiration du public ne se manifesta baule- l'autre bouffe, le premier sous de Coriolano , le
le titre
ment qu'au grand chœur de brigands du premier acte; second sous celui de Doralice. M. Albert Nota, dit-il,
elle s'accrut encore au grand air de Laure, et au beau avocat à Turin , fort estimé en Italie comme poète dra-
finaldu premier acte. Le succès était décidé. Le second matique, est l'auteur du libretto de celui-ci. En vérité,
acte, où l'intérêt dramatique s'accroît à chaque scène, voilà un correspondant bien informé.
et où le compositeur, échauffé par son sujet, a déployé '
—
L'année i83o a été funeste aux entreprises de jour-
toutes ses forces, a obtenu un brillant succès; chaque naux de musique; tous ont perdu des sommes considé-
morceau fut vivemeqt applaudi, et quelques beaux deux ont succombé dans la lutte contre les
rables, et
choeurs portèrent l'enthousiasme au plus haut degré. Au événemens politiques ces deux journaux sont la Gaiette
:
troisième, le premier «hœur des brigands fut redemandé musicale de Berlin, qui était publiée depuis cinq ans sous
à grands cris, et le duo suivant, chanté par Mme De- la direction de M. Marx, et le second, le journal des
vrient et M. Bader, produisit une sensation telle, qu'on théâtres et de la musique qui paraissait A Milan , sous le
en voit rarement de semblable au théâtre. A peine la titre / Teatri. Ces journaux ont cessé du premier janvier
toile fut-elle baissée, que le compositeur fut demandé dernier.
par acclamation : il parut avec l'habile cantatrice qui
l'avait si dignement secondé, et reput des applaudisse-
que scène a été vivement applaudie. Les morceaux qui pour compositeurs qui se livrent au genre instru-
les
ont été particulièrement distingués sont les airs de Ru- mental du quatuor et du quintette, qu'il n'y a qu'une
bini et de Mlle Roser, ainsi que le finale du premier acte, vocation décidée qui puisse y faire persévérer celui qui
une romance chantée par Schober au second, la prière s'y livre. Une prévention favorable s'élève donc en fa-
d'un quatuor et l'air final de Rubinî. Ce dernier mor- veur du musicien qui trouve dans son amour de l'art la
ceau est, dit -on, digne d'un maître expérimenté. force de triompher des dégoûts qu'il rencontre dans sa
M. Majocchi est âgé de 22 ans. carrière, et qui multiplie des productions dont l'effet est
Rubini a été digne de sa réputation : c'est tout dire. nul pour pour sa renommée. Cette
sa fortune et fort lent
Les deux cantatrices Roser et Laroche ne se sont pas persévérance, ce dévouement à l'art, M. de Sayve en
élevées au-dessus de la médiocrité dans leurs rôles. Le est pourvu; c'est un motif suffisant pour que nous ap- ^«
basso Schober débutait dans Rosamonda; il s'y est fait ap- portions quelque attention à l'examen de ses ouvrages.
%
plaudir comme acteur et comme chanteur. I)éjà plusieurs œuvres de quatuors et de quintettis de sa
Londres. Un amateur irlandais, nommé Monck Ma- composition ont vu le jour, et lui ont mérité l'estime
son, doit faire r eprésnnter au Théâtre du Roi, dans cette des artistes : les deux ouvrages nouveaux que nous exa-
saison, un opéra italien de sa composition. On dit aussi minons nous semblent destinés ù augmenter sa réputa-
qu'un autre amateur, connu pardes chansons comiques, tion.
fera aussi entendre un de ses ouvrages au même théâtre. Le premier de ces ouvrages est un quatuor en fa mi-
Un correspondant du Tlie Harmonicon, qui fournit des neur. Le premier morceau {allegro maesloso) est d'un
40 REVUE MUSICALE.
beau caractère ; la phrase principale est large , pathéti- Ce volume contient les lectures sur la musique que le
que, et le système d'accompagnement est d'un bon effet : docteur Crotch fait à Londres depuis plusieurs années.
Les grands maîtres ont tiré, dans des cas pareils, de of music, theoreiical and practical , un vol. in-12. Prix:
grandes ressources de cadences à'inganno, dont l'effet, 9 fr. 5o c.
toujours imprévu, est très piquant. Au reste, la conduite Londres, Richard Phillips et comp°.
du morceau, l'enchaînement des motifs, et la pureté du
style sont également louables dans la composition de
M. de Sayve. La seconde partie est bien traitée et a de Bulletin d'Annonces.
l'intérêt. Le motif de Mandante est gracieux les détails ,
L'orage, noclurne à deux voix, paroles de M. P. Hédouin, mis en
élégans et la facture régulière il y a de la verve dans le
; musique ei dédié à Mme Pokes par G. A. Osborne. Prix 2 f. «o c.
menuet et dans le finale. Peut-être pourrait-on repro- Ne m'aimes pas, mais laisse-moi t' aimer, romance mise en musique et
cher à ce dernier morceau de rappeler un peu , dans un dédié à Mlle Charlotte Wilson Hunt, par G. A. Osbsrne. —2 fr.
les iristrumens d'accompagnement sont groupés d'une Pixis. La Fiancée suisse; air national , varié pour le piano à quatre
manière heureuse pour former opposition avec la partie mains. Prix: 6 fr.
de piano. Le motif de Validante est joli , et les détails en Adam. Mélange des airs favoris de la Langue musicale, pour le
sont remplis de beaux effets. En somme, cette compo- piano. — ' C fr.
sition fait beaucoup d'honneur au talent de M- de Sayve /(/. Kondinello sm- le pas redoublé favori, du même opéra. — 6 fr.
tenant plus d'indépendance dans sa manière , et de ne Mlle PcGET. Deuxième air varié sur les motifs de la Langue musi-
consulter à cet égard que son goût. Les modèles sont cale. — 7 fr. 60 c.
bons pour servir de guide dans les premiers essais et ToLBECQtiE. Deux quadrilles, suivis de valse pour le piano, sur des
Id. Les mêmes, pour deux violons, alto, basse, flùle ou flageolet,
( Méthode générale de musique pour les professeurs et Chez Maurice Schlesihger, rue de Richelieu, n. 97.
les élèves, par M. Godefrot Weber; troisième édition — Paganini va faire entendre à Paris décou-
Au moment où les
revue et améliorée). Mayence, chez les fils de Scholt. vertes qu'il a faites ou développées dans l'art déjouer du violon, nous
Les deux premières éditions de cet ouvrage ont été croyons qu'il n'est pas inutile de rappeler aux violinistes que les prin-
rapidement épuisées; il jouit en Allemagne d'une es- cipes de son mécanisme d'archet et de doigté ont été exposés par
lime méritée ; il serait à désirer qu'il fût traduit en M. Guhr dans une Méthode pour jouer du violon selon Paganini, et
français. que cet ouvrage se trouve à Paris , chez M. Heu, marchand de musi-
— On annonce, comme devant paraître sous peu , un que , rue de la Chaussée-d'Antin au dépôt de . MM. Schott fils.
Nouvelles de Paris. tion sans bornes ou des critiques vigoureuses! Que faire
à cela ? se résigner à ce qu'on ne peut éviter, et attendre
du temps, qui calme les passions et qui met chaque
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE. chose à sa place, le triomphe de la vérité et de la jus-
PREMIER CONCERT DE PAGANINI. tice. Ces réflexions m'ontparu devoir précéder le compte
Enfin nous l'avons entendu cet homme extraordinaire que je vais rendre de l'effet qu'a produit sur moi le ta-
treprends de parler des choses prodigieuses qui ont Paganini obtient des sons plus brillans, et peut exécu-
frappé mon oreille dans la soirée du g mars. Pour le pu- ter des difficultés qui seraient insurmontables dans le ton
blic, pris en masse, il n'y a que des impressions bonnes réel de mi bémol, les cordes à vide lui présentant des
ou mauvaises; du plaisir, suit modéré, soit frénétique, ressources dont il serait privé. A la manière dont il se
ou de l'ennui plus ou moins supportable ; mais le con- pose en s'appuyant sur une hanche, à la disposition de
naisseur, dont la supériorité de perception consiste à son bras droit et de sa main sur la hausse de son ar-
savoir analyser les sensations qui lui sont transmises chet, on croirait d'abord que le coup d'archet doit être
ne s'abandonne point en aveugle à ces mouvemens irré- donné avec gaucherie, et que le bras doit avoir de la
fléchis d'une ame préoccupée. Il cherche à faire à cha- raideur; mais bientôt on s'aperçoit que le bras et l'ar-
que chose la juste part d'élogequi lui appartient, sans chet se meuvent avec une égale souplesse, et que ce
se laisser influencer dans son jugement par le jugement qui paraissait être le résultat de quelque défaut de con-
ou par les impressions d'autrui. Convaincu que les arts, formation est dû à l'étude approfondie de ce qui est le
comme toutes les choses humaines , sont un édifice au- plus favorable aux effets que l'artiste veut produire.
quel on travaille sans cesse sans jamais atteindre le L'archet ne paraît pas sortir des dimensions ordinaires;
faîte , il admire et loue l'artiste dont les travaux ajou- par l'effet d'une tension un peu plus forte que celle em-
tent une assise à celles qui ont été posées précédem- ployée par nos violonistes habiles, la baguette est un peu
ment ; si quelque erreur échappe à cet homme privilégié moinsrentrée en dedans. Il est vraisemblable qu'en cela
de la nature. Il en prend note; mais ses observations l'artiste aeupourbut de faciliter le rebondissement de l'ar-
critiques ne sont qu'un hommage rendu à la vérité, et chet dansie staccato qu'il fouette et jette sur la corde d'une
n'ôtcil rien ù la portion de gloire et d'estime qui ap- manière toute différente de celle des autres violonistes.
partient au génie. Les mains de l'artiste sont grandes, sèches et nerveuses.
Malheureusement l'impartialité paraît froide, injuste Par l'effet d'un travail excessif, tous ses doigts ont ac-
même aux esprits prévenus selon les préventions favo-
: quis une souplesse, une aptitude dont il est impossible
rables ou les préjugés contraires, on veut de l'admira- de se faire une idée. Le pouce de la main gauche se
REtdE HCSiCALE.
42
r/
renverse même i volonté jusque sur la paume de la ment dans le jeu de Paganini , et son adresse à les em-
main lorsque cela est nécessaire pour certains eifeudu ployer est admirable. Peut-être peut-on reprocher à cet
démanché. Par suite de cette souplesse, il m'a paru que effet une certaine maigreur qui est inhérente à la nature
Paganinr peut reployer ce doigt par-dessus le maeehe de l'instrument, et de ne pas être digne dans ses résul-
pour s'en servir dans le piucé de la quatrième corde, tats des efforts qu'il exige. Toutefois, cele&t étant des-»
La qualité générale du son qu'il tire de l'instrument moins éclairée du public et
tiné k plaire à la partie la
est belle et pure , sans être excessivement volumineuse, l'amusant en effet beaucoup, on ne saurait blâmer Jta-
excepté dans de certains effets, où il est visible qu'il ras- ganini de ne point négliger ce moyen de succès. Dans
semble ses forces pour arriver à des résultats extraor- une variation sur le thème de Neè cor piu non mi sento,
diqjircs. Mais ce qui distingue surtout cette partie- de il en a fait un heureux usage.
son talent, c'est la variété de voix qu'il sait tirer des La justesse de l'intonation de Paganini est générale-
cordes par des moyens qui sont ù lui, ou qui, après ment fort bonne cependant quelques passages en
; tierces
avoir été découverts par d'autres, avaient été négligés du premier solo de son concerto ont laissé quelque chose
parce qu'on n'en avait point aperçu toute la portée. à désirer sous ce rapport; mais cela ne peut être consi-
Ainsi, les sons harmoniques, qui avaient toujours été déré que comme accidentel. Hy a long-temps qu'on a
considérés plulùt comme un effet curieux et borné que dit que le violon le plus juste est le moins faux; cela est
comme une ressource réelle pour le violoniste, jouent vrai à l'égard de la justesse absolue dont l'oreille saisi-
un rôle important dans le jeu de Paganini. Ce n'est pas rait difficileinent les rapports; mais quant à la justesse
seulement comme effet isolé qu'il s'en sert , mais comme relative, la seule dont elle soit juge, elle n'admet guère
un moyen artificiel d'atteindre A de certains intervalles de nuance , et une intonation comme celle de Paganini
que la plus grande extension d'une main fort grande ne peut être appeléeytMfe, dans toute l'acception du mot.
pourrait embrasser. Ce n'est pas aux parties allquotes Encore un mot sur ïe mécanisme de cet artiste incom-
de chaque corde qu'il ti'ouve de ces sons harmoniques, parable. Ce qu'il peu de rapports arec ce
exécute a si
que hors des harmoniques naturels il fût possible d'en petit doigt dans beaucoup de positions.
exécuter de doubles, en tierce, quinte, sixte; enfin, J'ai pensé qu'il était du devoir du rédacteur de la
qu'on pût marcher à l'octave des sons naturels et
l'aire Revue musicale d'entrer dans les détails qu'on vient de
des sons harmoniques; toutes ces merveilles, Paganini lire sur la partie matérielle du jeu de Paganini; il est
les exécute dans toutes les positions avec une facilité temps que je quitte ce langage technique et que je parle
mirapuleuse ; elles lui sont devenues si familières qu'elles des impressions que fait naître l'ensemble du talent de
ne sont plus pour lui que des moyens d'effet qu'il tient cet homme extraordinaire. Cette partie est la plus dif-
constamment à sa disposition. ficile de ma tâche car comment donner par des mots
;
Un certain effet, dont n'ont point parlé les journa- une idée de ce qui ne peut se décrire? Une suite d'en-
listes et les musiciens allemands dans tout ce qu'ils ont chantemens, de prodiges inouïs frappe sans cesse l'oreille
écrit sur Paganini, est celui d'une vibration frémissante de l'auditeur et lui laisse à peine le temps de respirer;
de la corde qu'il emploie fréquemment lorsqu'il chante, à des tours de force inconcevables succèdent des tours
et qui lui est particulier. Cet effet s'approche sensible- de force plus étonnans encore; tout est prestige dans
ment de la voix humaine , surtout sur les trois dernières ce talent fantastique; tout y est surnaturel. Le violon
cordes; malheureusement il joint fréquemment un entre les mains de Paganini n'est plus l'instrument de
y
moiivement glissé de la main qui a de l'analogie avec un Tartini ou de Viotti; c'est quelque chose à part, qui a
traînement de la voix qu'on blâme avec raison dans la un autre but. Une organisation spécialement formée
méthode de quelques chanteurs , et qui n'est pas de pourles merveilles de ce jeu singulier n'a point suffi pour
bon goût. arriver à de pareils résultats : il a fallu aussi des éludes
Les effets de cordes pincées se produisent fréquem- [ suivies, profondes, persévél'antes; un instinct propre
BIIVUE MUSICALE. 43
à découvrir les secrets de ^instrument, et cette vo- nement et de iplaisir. On ne pouvait croire à ce qu'on
lontié inébranlable qui seule peut triompher de tous leB venait d'entendre. Enfin, rien ne manqua au triomphe
obstacles. de l'artiste.
Tout ce qu'on peut imaginer -d'accords singuliers Après avoir rendu un juste hommage au talent mer-
et compliqués , de traits qu'on est tenté de considéi'er veilleux de Paganini, après avoir rendu un compte sin-
comme impossibles, même après les avoir entendus, cère de tout ce qui peut en donner l'idée la plus avan-
de coups d'archet hardis, fins et délicats, s'est rencontré -tageuse, je commence ma tâche de critique, et je dois
dans le premier morceau du concerto. Une large imanière la remplir. Je dirai donc que ce que j'ai éprouvé en
de phraser s'est manifestée dans l'adagio ; mais une sorte l'écoutant était de l'étonnement , de l'admiration sans
d'affectation â traîner le doigt en passant d'une note à .bornes ; mais que je n'ai point été touché, point ému
une autre m'a paru nuire à l'effet du morceau. Quantan de ce sentiment qui me paraît inséparable de la vérita-
•rondo , tous les'genres de séductions y sont rassemblés. ;
ble musique. Des personnes qui ont entendu souvent
Un coup d'archet, qui se rapproche du staccato ,,vaa\sq\ii Paganini, m'ont assuré qu'il sait émouvoir quand il le
en est une variété obtenu» par un jet de l'archet sur -veut, et qu'il est impossible de lui entendre jouer la
les cordes, y joue un grand rôle, et y jette un brillant Tomance d'Or^/Zo sans être touché jusqu'aux larmes ; je
singulier. suis prêt à me livrer à ces impressions, mais je ne puis
Qui n'a point entendu la sonate militaire sur la qua- parler maintenaint que de ce que j'ai entendu. Il me
trième corde , ne sait ce que c'est que cette quatrième semble qu'avec un foyer de sensibilité profonde , Paga-
sur laquelle JBuent tous les violonistes. Par une adresse nini devrait fie défendre des moyens artificiels dont il se
merveilleuse, et à l'aide dessonsharmoniques, Paganini sert quand il «hante , et renoncer à la fausse expression
y embrasse trois octaves. Dans la plus grave, il chante des 80BS traînés ipéniblement d'une note à l'autre. Je
avec une énergie prodigieuse ; dans les deux autres , il crois aussi qu'il sacrifie un peu trop au désir de frapper
réunit toutes les qualités de sons et toutes les richesses l'imagination de la partie la moins éclairée de son au-
de l'exécution. Le violoniste qui, sur quatre cordes, ditoire, et je voudrais qu'il renonçât à ces traits de sif-
parviendrait à jouer aussi bien que Paganini le fait sur flement qu'il prend dans la partie aiguë de la corde où
la quatrième, serait certainement un artiste fortihabile. les sons cessent d'être appréciables.
Les variations pour violon seul, saus orchestre, siur -Si l'on considère les découvertes de Paganini dans
le thème Nel : cor piu non mi sento, par lesquelles Paga- leur application aux progrès de l'art et à la musique sé-
nini a terminé son concert, sont en quelque sorte le ré- rifiiuse, je que leur influence sera bornée, et que
crois
sumé de toutes les difficultés vaincues par ce violoniste. ce^ choses ne sont bonnes qu'entre ses mains car mé- ;
L'une de ces variations, en double corde, alternative- dio(|rement exécutées, elles seraient insupportables.
ment en sons naturels et en sons harmoniques, ontne- L'aijt de Paganini est un art à part qui est né et qui
mêiés de sons pinces, est aussi remarquable sous.le rap- motirra avec lui,
mentation, particulièrement dans l'emploi des instru- Opéra en trois actes, musique de M"" B**'.
mens k vent. Il me semble que les critiques de l'Alle- Répété l'année dernière, mais non représenté par
magne n'ont point assez parlé de ce mérite de Paganini. diverses circonstances , Fausto s'est enfin produit sur la
Il serait impossible de décrire l'enthousiasme dont le scène le y mars dernier, et y a été reçu avec la bienveil-
public a été saisi en écoutant cet homme extraordinaire ; lance qui était due à une composition si importante
c'était du délire, de la frénésie. Après lui avoir prodigué sortie de la plume d'une jeune personne.
des applaudissemens pendant et après chaque morceau, Le sujet de Faust, très musical au premier aspect,
l'auditoire n'a pas cru être quitte avec lui et l'a rappelé offre cependant de grandes difficultés à cause de l'uni-
pour lui témoigner, par des acclamations unanimes, formité de style qui doit résulter de la présence fré-
l'admiration qu'il venait de lui inspirer. Une rumeur quente en scène du personnage surnaturel de Méphi-
générale se répandit ensuite dans toutes les parties de stophélës. Il n'y avait qu'un talent supérieur et très
la salle, et partout on entendit des exclamations d'éton- expérimenté qui eût pu triooipber de cet ohetaele; et
44 REVUE MUSICALE.
je me hSte de déclarer que la partie faible de l'ouvrage En somme , Fausto , malgré ses défauts , est une com-
de Mlle B*** est précisément la variété de coloris. Cha- position remarquable et qui donne des espérances pour
que scène , prise à part est bien conçue ; mais la suite l'avenir de M"' B*". Ce que la nature lui a donné , elle
de ces scènes n'est pas exempte de quelque monotonie. ne peut le perdre, et elle acquerra ce que donnent l'ex-
Au reste, ce défaut est racheté par un heureux instinct périence et la pratique de l'art.
musical et dramatique, qui s'est développé avec énergie On aurait pu désirer plus d'ensemble et de fini dans
dans plusieurs situations fortes et bien senties. Une au- l'exécution de cet opéra mais M"" Méric-Lalande a fait
;
tre qualité non moins remarquable brille dans la musi- preuve du plus beau talent dans son rôle de Marguerite,
que de Faust : c'est l'originalité des idées ; mérite assez et particulièrement dans la dernière scène , où elle a
rare dans la pratique de tous les arts. Sous ce rapport été un instant sublime. Le public l'a applaudie avec
Mlle B*** parait suivre une route analogue à celle de transport.
M. Berlioz, sauf la différence qui doit se trouver entre La toile baissée, on a demandé l'auteur à grands cris;
les productions d'une jeune personne qui essaie ses fa- le régisseur estvenu annoncer qu'il désirait garder l'ar-
cultés d'artiste, et les travaux d'un homme qui dès long- nonyme.
temps s'est voué à l'étude de son Tous deux sentent art.
verte dans les arts; toutefois il ne faut pas oublier que si et Cabhodcbe.
lamusique doit remuer les passions, elle doit aussi Y a-t-il quelque chose de pire pour un compositeur
charmer l'oreille. que de ne pas avoir de poème ? oui , c'est d'en avoir un
Ce n'est pas qu'il n'y ait des phrases gracieuses répan- mauvais. Voilà, sans aucun doute, la plus fâcheuse des
dues pà et là dans le nouvel opéra; mais elles ne pro- conditions, celle qu'on ne saurait combattre sans dés-
duisent pas tout qu'on pourrait en attendre paite
l'effet avantage- Supposez un jeune artiste, lauréat de l'Institut
que, en général, elles manquent de préparation, d'es- si vous voulez, dont les efforts sont impuissans à se faire
cadrement. Quelques rhythmes irréguliers y produisent connaître au public, et qui a vainement frappé à la porte
un bon effet; néanmoins plusieurs mélodies, dont le de tous nos poètes d'Opéra-Comique (si poésie il y a) ;
sentiment est bon, n'atteignent pas au but que l'auteur chacun le plaindra, l'applaudira d'avance. Qu'il ait ob-
s'est proposé, parce qu'il y manque une ou deux mesures tenu enfin l'objet de ses désirs, un poème; mais un de
qui leur auraient donné ce que les musiciens appellent ces vaudevilles rhabillés à neuf, une de ces guenilles ra-
ta carrure des phrases. piècetées ! il échoue , et tous de lui jeler la pierre. Je le
Quant à l'harmonie , elle est comme le chant , comme répète, mieux vaut rester ignoré.
l'instrumentation, pleine d'effets bien sentis, de succes- Bien que ces réflexions me soient venues à propos du
sions heureuses et neuves , et de temps en temps il s'y Morceau d'Ensemble, M. Adam ne les prendra pas pour
est glissé des incorrections, des étrangetés qui dénotent lui , car ce n'est point ici son coup d'essai c'est l'œuvre ;
de la négligence, de la précipitation, singulières ano- de MM. de Courcy et Carmouche qui m'a donné ces
malies d'un travail qui parait avoir été fait avec soin. pensées. Beaucoup de personnes , et je suis du nombre,
Une introduction , où l'on remarque un chœur reli- se sont imaginées au titre de l'opéra nouveau que c'é-
gieux d'un fort beau caractère qui s'unit bien avec la tait un sujet tout musical ,
qui allait offrir au composi-
scène principale, un trio dont l'ensemble renferme une teur quelques occasions de morceaux d'ensemble, et ce
belle phrase bien ramenée , et un finale rempli de choses n'est rien moins que cela.
fort originales et parfois assez bizarres , voilà ce qu'on On peut ranger les poèmes d'opéras en deux catégo-
remarque au premier acte. Un air, deux duos, et la ries. Les uns, et ceux là sont les plus favorables à la
première partie d'un quatuor se sont fait vivement ap- musique, contiennent des situations fortes, des opposi-
plaudir dans le second. Il n'y a que deux scènes princi- tions habilement disposées; dans les autres, de jolis
pales au troisième; la dernière est fort belle. On y détails, des scènes spirituelles, un joli dialogue font
remarque vers la un un double choeur d'anges et de pardonner une conception faible ; mais ces sortes d'ou-
démons, dont l'opposition est d'un fort bel effet. vrages sont plutôt de la comédie que de l'opéra.
REVUE MUSICALE. 45
Me voilà fort embarrassé , car je ne sais pas dans la- y a de jolies choses dans sa nouvelle partition ; elles ont
quelle de mes deux catégories je dois ranger le poème le défaut de sentir ce qu'on appelle la nouvelle école; mais,
du Morceau d'Ensemble; aussi vais-je laisser à mes lec- toutefois, nous croyons qu'elles obtiendront un agréa-
teurs le soin d'en établir une troisième, que j'aurai sans ble succès. M. Adam, gardez-vous d'une école, à moins
doute oubliée. qu'elle ne soit la vôtre,
Une jeune et jolie veuve, à ce que dit l'histoire, a Mlle Prévost est bien dans le rôle de la jeune veuve,
juré au monde une haine profonde pour quelques propos et Morcau-Sainti a bien dit et chanté celui du cousin.
moyen d'y pénétrer malgré la consigne d'un vieux jar- les compositions se rapetissaient, surtout dans la mu-
aux pieds de notre jeune veuve. On se
dinier, et se jette sique instrumentale; au lieu de ces ouvrages à larges
fâche, on veut le chasser, et c'est grâce à la musique proportions dans lesquels le génie de Haydn, de Mo-
qu'il obtient de rester quelques instans. Connaissant la zart et de Beethoven s'est développé , on ne mettait plus
passion de sa cousine pour ce bel art, M. Victor lui ap- au jour que des bagatelles dont l'existence était aussi
porte un morceau d'ensemble nouveau qui fait fureur :
éphémère que le mérite était mince ; les concerts du
il propose de le chanter; on accepte, et l'on se met au Conservatoire avaient cessé ; les nombreuses sociétés où
piano. Mais il faut du monde pour chanter un morceau l'on avait entendu avec délices les quatuors et les quin-
d'ensemble ; le cousin propose alors le major de son ré- tettîs des grands maîtres avaient disparu ; enfin la mu-
giment comme une excellente basse-taille , puis succes- sique était dans de décadence déplorable. Tout
un état
sivement il introduit tous les officiers qui, par bonheur, à coup, en 1827, une ferveur nouvelle s'est développée
sont excellens musiciens et disent le morceau à pre- parmi les amateurs et les musiciens français. L'institu-
mière vue. Sur ces entrefaites, arrivent l'oncle et la tante tion de musique classique dirigée par M. Choron a com-
de la jeune veuve qui ne trouve pas d'autre moyen que mencé ses exercices, où l'on a fait entendre pour la
de faire cacher dans des cabinets tout son état-major. première fois les chefs-d'œuvre des anciennes écoles d'I-
Ces honnêtes parens, comme on le pense bien, décou- talie, d'Allemagne et de France, avec un ensemble et une
vrent nos militaires, admirent avec raison là misan- couleur vocale inconnue jusque là parmi nous ; plus
thropie de leur jolie nièce ; mais par un de ces hasards beaux, plus étonnans que jamais, les concerts du Con-
inespérés qui arrivent toujours si à propos , il se trouve servatoire ont repris leur place à la tête de la musique
que l'oncle en question est le général de M. Victor, et instrumentale de l'Europe ; les admirables soirées de
qu'il lui permet d'épouser sa cousine. quatuors et de quintettis de M. Baillot ont ranimé le
Tout ceci n'est pas neuf. Une jeune veuve misan- goût des amateurs pour un genre trop long-temps dé-
thrope, qui a un beau château une femme de chambre
, laissé; enfin, voici la deuxième année où MM. Bohrer
des plus bavardes, et qui cause avec sa maîtresse ni plus et quelques autres artistes habiles font entendre les der-
ni moins que si c'était une cuisinière, un cousin officier, nières compositions de Beethoven et des plus habilee
des oncles, des tantes, etc., etc., tout l'antique attirail compositeurs , avec une perfection d'ensemble digne
des opéras d'avant la révolution (la première j'entends), des plus grands éloges. Tout cela trouve des auditeurs
rien n'y manque, si ce n'est de venir quarante ans trop remplis de zèle et d'enthousiasme; il y a donc régéné-
tard. ration de la musique en France. Quelques années encore,
Du reste , si ce n'est le morceau d'ensemble qui passait et surtout de la paix et du calme, et' nous verrons les
de droit, il n'y a dans la pièce nouvelle que des couplets musiciens français prendre leur essor à la tête des na-
et des romances qui sont là. pour varier agréablement le tions civilisées.
dialogue. Aussi ne parlerons-nous de la musique que La première séance donnée par MM. Bohrer s'ouvrait
pour reprocher à M. Adam d'abuser de sa facilité pour parle douzième quintetto de M. Onslow (en ta mineur).
faire trop vite, et de ne pas examiner si les ouvrages Dans cet ouvrage, je n'hésite pas à le déclarer, M. Onslow
qu'il entreprend sont destinés à rester au répertoire. Il s'est mis au rang des plus grands maîtres. Plein de verve
46 REVUE MUSICALE.
et d'élégaoce, le premier morceau est d'un genre neirf exécute par M. Dorus. 4° Sextuor de Don Juan, musi-
qui De rappelle ni Mozart ni Beethoven; le compositeur que de Mozart , chanté par Mmes Dorus, Dabadie, Mi-
n'y a pris :mesure sur aucun autre ouvrage connu ; \i chel et MM. A. Nourrit, Levasseur et Dabadie. 5° Solo ,
l'orme et le fond sont à lui. Rien de plus piquant et ât de violon composé par M. Auguste Kreutzer, exécute
,
plus neuf que le menuet et le trio; rien de plus suave «t par M. Massart. 6° Quatuor de Vlrato, musique de Mé-
de plus original que l'adagio; rien de plus chaleureux hul, chanté par Mmes Dorus, Dabadie et MM. Ad.
que le firtale. L'auteur d'un pareil ouvrage suffit ait Nourrit et Levasseur. 7° Ousextart dx Robin des Bois,
gloire de la France dans le genre instrumental. musique de Weber.
Quelle prodigalité de génie brille dans ce trio de — Une brochure nouvelle , de trois feuilles d''impres-
Beethoven, pour piano, violon et violoncelle, si bien sion, vient d'être mise en vente sous le titre de Nicolo
rendu par M"" MaxBohrer, son mari et son frère! Ja- Paganini, sa vie, sa personne et quelques mois sur son
mais la fantaisie n'a été plus libre ; jamais ses inspirations Secret, par G. E. Anders (i). C'est la première notice
n'ont été plus abondantes ni plus sublimes ! Que de nou« complète qui ait été publiée en France sur cet artiste
veauté que detardiesse! Oserai-je dire aussi.
! ... et quel» célèbre. L'auteur est un homme instruit qui a lait de
quefois que d'extravagances Imaisces extravagances sont grandes recherches sur l'histoire et la bibliographie de
celles d'un artiste incomparable. la musique, et qui prépare des ouvrages importans sur
Un des' derniers quatuors de cet homme étonnant ces matières. Ce n'est point sur des bruits vagues et des
(en mineur) occupait une partie de la séance; dam
la traditions populaires qu'il a composé sa notice; il tie
ce morceau, je l'avoue, le génie me paraît plus rare; s'est point non plus livré au jeu de son imagination
et la bizarrerie sans frein me paraît prendre sa place. comme M. Imbert de Laphalëgue : mais il a tiré ses
Sans doute, Beethoven seul a pu faire un tel ouvrage, matériaux des ouvrages qui ont été composés en Alle-
et de temps en temps on reconnaît sa main; mais ces magne , et principalement de l'ouvrage de Schottky,
momens sont rares. Lepremiermorceau, l'un des moins et des renseignemens fournis par Schiitz, Vineta et
tourmentés, est cependant chargé d'une multitude de Harrys.
détails harmoniques que réprouve une oreille délicate-. Le ton de la brochure de M. Anders est simple et se
Le menuet bon temps du maître,
et le trio rappellent le recommande par un certain air de bonne foi et de vé-
et sont de l'effet le plus neuf. L'Adagio est une action racité qui inspire confiance. Des anecdotes peu ou point
de grâce adressée par Beethoven à la divinité , à l'oc- connues sur l'enfance, les premières études, les succès
i.asion de sa convalescence d'une longue maladie : il «t les Toyages de Paganini remplissent la plus grande
n'est pas certain que ce grand artiste fut bien guéri. -partie de cette notice. Quant à ce que l'auteur ap-
Quant au dernier morceau qu'en pourrai-je diie?
! pelle le Secret de Paganini, nous ne croyons pas qn'il y
il faut respecter un homme supérieur , même dans ses en ait d'autre pour posséder un talent comme le sien,
lent dans ces fantaisies pour violon et violoncelle qu'ils assez singuliers pour mériter de trouver place ici.
jouent à la fin de leurs séances musicales, et y font ad- Dans nos entretiens, » c'est M. Schottky, son bio-
mirer toutes les ressources d'une exécution parfaite dans graphe, qui parle, «Paganini revenait très souvent à
son ensemble comme dans ses détails. « dire, qu'un jour, fatigué de Toyages et de concerts,
Dans le but de jeter de la variété dans leurs matinées, i du fond de sa retraite , il communiquerait au public
MM. Bohrer y ont introduit quelques morceaux de chant, « un secret, dont ne se doutaient pas les conservatoires
où la voix fraîche et pure de M"' Dulcken se déploie avec « de musique , secret d'une efficacité telle ,
qu'un jeune
avantage. Les progrès de cette jeune personne sont re- homme , par son moyen arriverait au bout de trois
, ,
marquables. Elle s'est fait justement applaudir dans la « ans, au même degré de perfection que celui qui, par
délicieuse cantate A' Adélaïde, par Beethoven, et dans la « les voies ordinaires, aurait perdu dis années à s'exer-
du Conservatoire est fixé au dimanche i3 courant. Le «répétait toujours avec l'accent de la sincérité : « Je n'ai
programme est composé comme il suit :
U. Meyerbeer chanté par Mlle Michel. 3° Solo iie flûte, libraires et marchands de musique; prix: 2 fr.
REVDE MUSICAEE. 47
rien dit ,
qui ne fût vrai , je vous jure ; et je vous an- éloge , non-seulement des înstrnmens imaginés par ce
1 torise à mentionner e-spliciteraent ma promesse. Uh jeune savant pour la cautérisation de la luette, mais en-
« seul hoBnne y M. Gaetano Ciaudelli, i Naples, est le core de plusieurs autres procédés au moyen desquels
«dépositaire de mon secret. Depuis long-temps, il il est parvenu à la guérison de maladies jusqu'alors re-
«jouait très médiocreorent dn violoncelle, et passait belles aux traitemens ordinaires.
« pour un inuâici«a oïdinaire. Moi, qui araia pris un vif — M. Molinier, qui vient de débuter a l'Opéra Comi-
(I intérêt à ce jeune homme, je résolus d« lui commu- que, a beaucoup d'aisance, trop d'aisance et pas assez
« niq,uer ma découverte. Eh bien au bout de trois jpurs,
! de talent. Sa manière de chanter n'est rien moins
«il devint tout autre; c'était une métamorphose' mira- que bonne et sa voix n'est pas d^un timbre flatteur.
« culeuse. Au. lieu de racler à faire mal aux oreilles les Mais ce "lonsieur se donne tant de mouvement pour
Il moins délicates , au lieu d'appliquer son archet en vé- produire de l'effet, qu'on serait tenté de l'applaudir pour
II ritable écolier, le voilà qui charmait son auditoire par le récompenser de ses fatigues. Il a joué le Sénéchal de
« les sons les plus purs et les plus- suaves. Jean de Paris et Frontin de ma Tante Aurore.
M. Schottky, peu disposé à admettre ua fait si extra- — MM. Fétis et Reicha viennent d'être nommés che-
ordinaire sur une simple assertion verbale, arracha à valiers de la Légion-d'Honneur par une ordonnance du
Paganini un écrit conçu en ces termes solennels : roi en date du 4 de ce mois.
f Gaetano Ciaudelii, di Napoli, per la raaggia com-
II municatagli da Paganini, divenne primo violon-
Nouvelles des Départemens. '
G. G. , de Naples, au moyen d'un procédé magique, et l'agitation qui règne dans toute la France, remuée
(I que communiqua Paganini, est devenu le premier
lui par tant d'Intérêts politiques , malgré tant d'obstacles si
«violoncelle du théâtre Royal, et pourrait devenir le puissans, la musique n'a cependant point péri dans les
chek , ù Prague. A moins d'une mystification dont le produits ont été adressés à la capitale. Honneur aux ar-
public aurait droit de se plaindre, Paganini se serait en tistes : ils n'ont jamais abandonné la sainte cause de
quelque sorte engagé envers le corps des artistes, de ne l'humanité.
point mourir sans déchirer le voile. » Ub concert a été donné à Lille par les artistes de
La brochure de M. Anders sur Paganini sera lue avec cette ville au bénéfice des Polonais ; voici ce que VEcho
plaisir par les admirateurs de ce grand artiste. du Nord a publié sur cette cérémonie :
— On annonce que M. Boursauit vient de traiter avec «Le concert au bénéfice des Polonais, dont nous
51. Lubbert pour lui céder l'entreprise de l'Opéra-Co- avons plusieurs fois parlé, a eu lieu hier soir, à l'hôtel
mique, moyennant la somme de deux cent mille francs des Canonniers, où s'était réuni un nombreux audi-.
qu'il donne à son successeur. Si le fait est vrai , l'Opéra- toire. La plupart des morceaux ont élé vivement ap-
Comiqiie a reçu son coup de grâce- plaudis; principalement un thème varié pour flûte,
— Mme Raimbaux, qui a déployé un talent remar- exécuté par le jeune Clais , une fantaisie pour violon
quable dans le concert au bénéfice des Polonais, donnera par M. Rcbier, et des variations pour basson par M. Hu-
demain dimanche à la salle de la rueTaitbout une soirée delist; mais ce qui a surtout excité l'enthousiasme,
musicale dans lequelle elle se fera entendre ; MM. Ad. c'est la cantate de M. Pradel, dont le refrain était:
Nourrit, Levasseur et Mlle Dorus lui prêtent l'appui de Mort aux tyrans! victoire aux Polonais ! \jt chant de ce
leur talent. morceau est rempli de verve et d'énergie; il a été exé-
— L'Académie royale des Sciences vient d'entendre cuté par rauleur, M. Bécu, avec un entraînement, une
nn rapport sur le second mémoire de M. le docteur vigueur qui ont éleotrisé l'assemblée.
Bennati relatif à un nouveau traitement des maladies de Il L'ouverture de la Muette et celle de Guillaume Tell
l'organe de la voix et du gosier. M. Magendie, l'un des ont été exécutées avec vigueur et précision : on a en-
commissaires-rapporteurs , a parlé avec le plus grand tendu avec plaisir, dans la seconde, le solo.de cor an-
48
REVUE MUSICALE.
jeune artiste attaché à l'orchestre tion; les connaisseurs qui assistaient à cette soirée se ~
glais de M. Lefebvre ,
M. Saint- Amans professeur de notre école de sont accordés à proclamer l'ouvrage de M. Moschelès un
de Lille. ,
piano , et on y avait joint un quatuor d'accompa- On conçoit que tout cela ne peut être présenté que d'une
pages et
gnement. manière fort abrégée dans un volume de 94
Parmi l'auditoire on remarquait MM. démenti de 45 planches de musique; néanmoins le livre
a eu du
Cramer, Atlwood, Horsley et plusieurs autres artistes succès parce qu'il est écrit avec méthode.
distingués qui ont applaudi vivement la belle
composi-
L'auteur du mémoire que nous allons examiner est sangsues et les débilitans , l'auteur conseille de recou-
connu de l'Âcadéoiie par des recherches intéressantes rir aux toniques, aux préparations iodurées, aux bains
surle mécanisme de la voix humaine, et particulière- d'eau salée, etc. ; il se loue beaucoup des gargarismes
ment sur la manière dont le jeu du palais, de la luette, dans lesquels il fait entrer l'alun à forte dose, et même
des amygdales, du pharynx, etc. , modifient ce phéno- de l'insufflation de la poudre d'alun selon le procédé de
mène. M. Bennati étant médecin du théâtre Italien de M. Bretonneau.
Paris, a nécessairement de fréquentes occasions d'ob- A l'appui de ce qu'il avance , l'auteur nous a fait voir
seryer les maladies de l'appareil vocal; il se trouve une dame, Mme la marquise de R***, qui, malgré l'as-
ainsi placé de la manière la plus favorable pour vériGer sistance de plusieurs médecins éclairés de la capitale,
ses idées théoriques sur la formation des diverses sortes avait entièrement perdu la voix, et était réduite depuis
de voix. Si l'on savait en effet avec exactitude quelle plusieurs mois à écrire pour communiquer avec sa fa-
influence les changemens physiquesqu'éprouve l'arrière- mille. Cette dame, d'un esprit très cultivé, a raconté à
bouche dans les maladies exercent sur la production l'un de nous toutes les peines et les tribulations de son
des sons vocaux, la théorie de la voix acquerrait une silence obligé, et la vive satisfaction qu'elle a éprouvée
certitude et une perfection qu'elle n'a point encore d'avoir, par l'usage des gargarismes chargés d'alun, re-
atteinte, A la vérité, une semblable étude est délicate couvré la parole et la facilité de s'exprimer aussi libre-
et difficile; elle exige des connaissances précises et va- ment qu'avant son aphonie.
riées ; mais personne mieux que M. Bennati ne pourrait Mais le remède que M. Bennati présente comme ayant
s'y livrer. Familiarisé avec les notions de physique et obtenu d'excellens résultats, c'est la cautérisation par le
de physiologie relatives au mécanisme de l'instrument nitrate d'argent. Des chanteurs, dit-il, sur lesquels ce
vocal , bon musicien et doué lui-même d'une des plus moyen a été appliqué , ont éprouvé une amélioration
belles voix que l'on puisse entendre , il réunit toutes les sensible non-seulement dans le timbre de leur voix,
conditions utiles au succès de l'entreprise. mais encore ils ont acquis deux ou trois notes de plus
Ce n'est pas toutefois dans cette direction scientiflque que celles qu'ils avaient ordinairement. Nous devons
(et vos commissaires le regrettent) qu'a été composé
'
luette simultanément en avant, en arrière, en bas et Ily avait pour elle une douleur poignante à porter le»
latéralement , et d'éviter ainsi d'introduire plusieurs fois yeux sur l'avenir; il y avait du désespoir à penser à ses
le caustique dans la bouche. jeunes années.
L'effet le plus remarquable de la cautérisation de la Elle avait été belle. Dans ce tem.ps-li elle avait de la
luette , c'est d'exciter la contraction de son muscle pro- gloire; quand elle était sur un théâtre, on battait des
pre {palato slapli'Uin); voilà pourquoi, dit l'auteur, la mains en la voyant paraître; on demandait en grâce un
voix, notamment chez les chanteurs et les orateurs, regard; on s'humiliait à ses pieds. Ils étaient beaux ses
gagne sous le rapport du timbre et de la sonorité. A cette jours de gloire! quelle atmosphère enivrante de flatte-
occasion , M. Bennati cite un avocat de la Cour royale ries et de louanges elle respirait I et qui eût dit que tout
de Paris. Ce jeune homme avait à peine parlé un quart cela devait finir? Qui l'eût dit alors qu'elle s'endormait
d'heure que sa voix changeait de timbre , son gosier se dans le luxe et dans l'insouciance des temps à venir : car
desséchait, et il était pris d'une toux oonvulsive. 11 fut tout était de soie et d'or autour d'elle ; et des robes, des
obligé de renoncer à plaider. Ayant entendu parler des bijoux, des parfums , elle avait de tout cela à profusion.
recherches de M. Bennati, il réclama ses conseils; ce- Lorsque femme elle passait auprès d'une autre femme,
lui-ci examina son gosier, et reconnut un tel allonge- celle-ci soupirait, et puis la voyant si richement vêtue,
ment de la luette qu'il en a fait faire un dessin, lequel elle jalousait ses belles robes de velours et de satin, ses
est joint à son mémoire. Neuf applications du caustique plumes rares et ses joyaux fins.
suffirent pour réduire la luette à ses dimensions ordi- Des amans, elle en avait eu aussi: Combien? elfe
naires, la voix reprit son timbre, et cet avocat fut rendu ne les avait pas comptés. C'étaient des amours, des ado-
à sa profession qu'il exerce aujourd'hui avec distinction. rations pour elle à perdre la raison ! Et belle , et dédai-
Tels sont les que M. Bennati a réunis dans son
faits gneuse, elle les faisait pleurer comme des enfans.
mémoire ; l'Académie a sans doute remarqué qu'ils ne Elle avait du génie ; elle était sublime. Sa voix était
sont pas sans quelque import-incc ,
puisqu'ils se ratta- vibrante; ses accens passionnés remuaient jusqu'au
chent à l'une des plus belles facultés de l'homme ; niais fond de l'ame. Des traits neufs et hardis sortaient de sa
comme ils sont encore peu nombreux, vos commissaires bouche comme par miracle, sans efforts : tout ce qu'elle
vous proposent d'engager l'auteur à continuer ses re- faisait, elle ne le cherchait pas ; cela lui venait d'itistinct
cherches, à multiplier ses observations, afin de donner parce que c'était beau , et qu'elle ne sentait que ce qui
un plus haut degré de probabilité aux résultats qu'il a était beau. Ce n'est pas elle qui se fût mise à rire en sor-
obtenus. tant du théâtre, après une scène délirante. Oh! non:
Signé BoYEB, Magerdie, rapporteurs. alors elle était triste, elle était souffrante et pleurait,
L'Académie adopte les conclusions de ce rapport. parce qu'elle avait pleuré réellement. C'était Desdemona,
c'était Semiramide; ce n'était pas Mme ***
La musique, c'était sa vie; elle l'aimait comme une
fille aiine sa mère , d'un amour religieux. Quand elle
triste d'instrument lui arrachait de douces larmes ; un Alors elle jeta sa tète dans ses mains avec des convul»
accord faux lui donnait des conTuIsions. Elle était mu- sions.
sicienne dans l'ame; elle composait aussi , et ce n'était Celle qu'elle venait d'entendre, n'était pas encore
pas des romances fades qu'elle écrivait! Assise à son passée de mode.
piano, elle poétisait, elle créait de génie, de passion, E. F.
et tombait épuisée. Elle était artiste, car elle sayait ce
mais d'un sourire qui faisait mal à voir; plus mal que CoKTi ( Joachim), surnommé Gtzzietto , du nom de
des larmes. Qu'avait-elle pour languir ainsi mé- fait son maître D. Gizzi, fut l'un des plus grands chanteurs
prisée, chassée d'un monde qui l'avait adorée? quel du i8' siècle. Né à Arpino, petite ville du royaume de
était son crime? Sans doute son ame était corrompue; Naples, le 28 février 1714» il subit de bonne heure la
elle avait commis quelque action infâme? castration , soit , comme l'ont dit plusieurs biographes
Non , son ame était grande et noble : elle haïssait le italiens, qu'une maladie de son enfance eût obligé à cette
vice. opération, soit que la pauvreté de ses parens les eut
C'est donc qu'elle est accusée d'égoïsm'e ou d'ingra- déterminés à spéculer sur la mutilation de leur enfant.
titude, pour qu'elle soit ainsi repoussée? Quoi qu'il en soit, jamais cet acte de dépravation n'eut
Elle serait riche alors; la fortune l'aurait comblée de de plus heureux résultats pour l'art : voix douce ,
pure
ses dons, et voyez! pénétrante, étendue, jointe à une expression naturelle,
Qu'a-t-elle donc fait? à un sentiment profond du beau, tout se trouva réuni
Elle est passée de mode , et c'est pour cela qu'on l'ac- conduisirent à Naples, et le mirent sous la direction de
cable de mépris et d'humiliations ! Et puis , elle n'a plus leur compatriote Gizzi. Cet habile professeur entrevit
d'argent; c'est qu'elle a tout dissipé dans de honteuses au premier aspect tout ce qu'on pouvait attendre d'un
débauches. tel élève : il se l'attacha , le reçut dans sa maison , l'ali-
De l'argent! elle en avait: mais elle était riche en menta gratuitement et lui donna ses soins pendant sept
génie , cela lui suffisait. Elle prodiguait l'or avec son ta- années consécutives. Ce fut par reconnaissance pour
lent, parce que tout cela devait lui rester. Ceux-là qui son maître que Conti prit le nom de Gizziello.
ont dévoré cet argent, qui ont vécu de son génie, de sa Le premier essai des talens de notre virtuose eut lieu
bienfaisance, aujourd'hui ne la reconnaissent plus ou à Rome lorsqu'il n'était encore figé que de quinze ans ;
détournent la tête lorsqu'elle passe près d'eux. le succès fut prodigieux, et sa réputation s'étendit dans
Infortunée! des amis, elle n'en a jamais eu: tous toute l'Italie. En i^Si, il excita leplus vif enthousiasme
les liens d'affection sont anéantis! lorsqu'il chanta sur le théâtre de la même ville !a Di-
Seule, toute seule, quel sort cruel ! n'avoir personne done et VArtaserse de Léonard de Vinci. On rapporte ù
là, auprès de vous, qui vous écoule, qui vous parle, cette occasion que Caffarelli, autre célèbre chanteur,
qui vous soigne quand vous souffrez; et elle souffrait; qui se trouvait alors à Naples, ayant appris que Gizziello
elle avait la Bèvre. devait chanter certain jour, partit en poste pour Rome,
Pourquoi faut-il qu'elle ait détesté l'avarice, l'é- afin de l'entendre. Arrivé dans cette ville , il se rendit au
goïsme pourquoi a-t-elle donné son argent
! à ceux qui théâtre et entra au parterre enveloppé de son manteau,
avaient besoin! Si son cœur avait été froid, incapable de afin de n'être point reconnu, Après le premier air chanté
pitié , elle serait riche aujourd'hui , elle ne serait pas re- par Gizziello ,un moment où l'on faisait
Caffarelli saisit
poussée; pourquoi n'a-t-elle pas été méprisable! on ne trêve aux applaudissemens pour se lever et s'écrier :
la mépriserait pas. Insensée ! elle croyait à la recon- bravo, hravissimo Gizziello ! è Caffarelli che tel dice; après
naissance, aux sermens, à une gloire éternelle; elle quoi il sortit précipitamment et reprit la route de Na-
s'est confiée à l'abîme, elle a été engloutie! ples. En lySa et 1^33, Gizziello chanta à Naples avec le
Comme elle remuait tous ses souvenirs amers, elle même succès. Trois ans après il partit pour Londres , où
fut distraite par un bruit de voitures, d'éclats de rii'e, il était engagé pour le théâtre que Unendel dirigeait.
«t peu après par des sons de voix de femme ; cela lui fit C'était l'époque de la rivalité la plus violente entre ce
mal : elle voulut pleurer, elle n'avait plus de larmes. théâtre et celui de l'opposition confié aux soins de Por«
52 REVUE MUSICALE.
pora. Ce dernier, où l'on trouvait réunis des chanteurs ville natale, où il demeura quelque temps'; ensuite il
tels qucFarinelli, Senesino et la fameuse Cuzzoni, avait fixa son séjour à Rome, et après avoir joui de sa fortune
alors un avantage marqué dans l'opinion, et Haendel, avec honneur, il mourut dans celte ville le 25 octobre
avec tout son génie, ne pouvait lutter contre un pareil 1761, à l'âge de 4? ans Son portrait a été gravé, et se
ensemble, qu'en lui opposant quelque virtuose du pre- trouve dans la Biographia degli uomini lltastri det régna
ce moment que le talent de Gizziello s'était perfectionné L'exécution n'est point parvenue dans les concerts du
par les études qu'il avait faites après avoir entendu Fa- Conservatoire au même point de perfection dans les
théâtre de Saint-Charles, résolut d'y réunir Caffarclli instruits; quelques-uns ont de belles voix; néanmoins
et notre chanteur datw l'opéra d'Achille in Sciro, dont une certaine lourdeur dépourvue de grâce et d'accent
la musique avait été composée par Pergolèse. Ou Gt donc se fait remarquer dans les grands morceaux d'ensemble
revenir Caffarelli de la Pologne et Gizziello du Portugal; qu'on entend dans ces concerts, si admirables sous le
celui-ci chanta le rôle d'Ulysse et l'autre celui d'Achille. rapport instrumental. L'ame, la vie, la jeunesse qui
Rien ne peut Être comparé à l'effet que Caffarelli pro- brillent dans la symphonie ne se retrouvent point dans
duisit dans le premier air qu'il chanta : toute la Cour et l'exécution des chœurs de Beethoven, de Weber ou de
les spectateurs se livrèrent pendant quelques minutes Chérubini. D'où vient cela? Ne serait-ce pointque le chef
aux transports les plus vifs et aux appiaudissemens les de la partie vocale n'aurait point aperçu le but comme
plus bruyans. Gizziello avoua depuis qu'il se crut perdu celui de l'orchestre, et qu'il ne serait point encore par-
et qu'il resta tout étourdi de ce qu'il venait d'entendre. venu à exercer par la conviction la même influence sur
Néanmoins, dit-il, j'implorai l'assistance du ciel, et je les musiciens qu'il dirige ? Il y a tant de nuances de so-
m'armai de courage. L'air qu'il devait chanter était dans norité dans la voix ! tant de ressources d'effet dans la
le style pathétique ; le son de sa voix, si pur, si touchant, manière d'articuler la parole ! Un chef de la musique
le fini de son exécution, l'accent
expressif qu'il sut y si vocale ne saurait faire une étude trop approfondie de
mettre, et probablement aussi l'émotion que lui avait tout cela. Par exemple, qu'on jette les yeux sur l'exécu-
causée le succès de son rival, tout cela, dis-je, le Ct ar- tion de la musique sacrée dans l'Institution dirigée par
river à un tel degré de sublimité que le roi transporté se M. Choron: là ne se trouvent point de chanteurs re-
leva, battit des mains, invita toute sa cour à l'imiter, et nommés, point de voix remarquables. Les exécutans
la salle fut ébranlée par les appiaudissemens prolongés sont pour la plupart des enfans dont il est assez difficile
de l'auditoire. Aucun des deux rivaux ne fut vaincu; de Qxer l'attention, ou des jeunes gens dont l'éducation
Caffarelli fut déclaré le plus grandchanteurdans le genre musicale n'est point achevée; néanmoins, avec dès élé-
brillant, et Gizziello dans le style expressif. mens si imparfaits , l'exécution vocale des compositions
En 1749» notre virtuose passa en Espagne, où il les plus difficiles est toujours empreinte , dans les exer-
chanta sous la direction de Farinelli avec la célèbre cices de l'Institution royale de musique classique, de ce
Minghotti. Trois ans après, il retourna à Lisbonne , et certain je ne sais quoi qui manque dans les masses vo-
se fit entendre dans le Desmofoonte de David Ferez. Le cales du Conservatoire, et sans lequel il n'y a point d'é-
niotipn profonde en musique. Le chef de l'Institution est l'effet de sa musique avec une semblable exécution :cet
l'ame de ces effets qu'on y obtient. effet tient du prodige ; il émeut jusqu'à l'exaltation et
Si les chœurs laissent à désirer dans les concerts du agite si bien le genre nerveux, qu'il est presque impos-
Conservntoire, les soles y sont souvent très satisfaisans, sible de ne point ressentir un violent mal à la tête quand
et les morceaux d'ensemble n'y laissent quelquefois rien l'ouverture est terminée.
à désirer. Par exemple, au dernier concert, le quatuor Deux solos d'instrument se sont fait remarquer dans le
de VIrato y a offert un exemple de cette perfection que quatrième concert; l'un était exécuté par M. Dorus sur
je voudrais y trouver toujours. Mlle Dorus, Mme Da- la flûte. Ce jeune homme a fait des progrès , sous le rap-
badie, Levasseur et Nourrit ont rivalisé d'intelligence port de la netteté d'exécution et de la qualité du son ;
et de soin dans ce beau morceau , et ont si bien excité mais il lui reste encore à apprendre à modifier cette qualité
l'enthousiasme du public, que celui-ci l'a fait recom- du son d'une manière plus expressive. Le second solo a
mencer. Levasseur est vraiment excellent dans ce qua- été composé par M. Auguste Kreutzer pour le violon ;
tuor, et y met un nerf, un brillant qu'on n'y trouvait la forme en est fort bonne, la mélodie agréable, les
même pas quand jUartin et Ëlleviou le chantaient à l'O- traits ont de la nouveauté et l'instrumentation a de l'effet.
ment par Mmes Dabadie, Dorus etpar Adolphe Nourrit, exécuté son morceau avec une justesse parfaite d'into-
Levasseur et Dabadie. Mlle Dorus mérite les plus grands nation, du brillant, de l'élégance et beaucoup de net-
éloges pour le talent d'expression qu'elle a déployé dans teté dans les traits. Ce jeune artiste étudie son art avec
la belle phrase en remineur de cette admirable compo- une persévérance dont il recueillera les fruits avec le
d'instrumens. Dans le menuet, c'est une légèreté pi- une vie d'exercice dans cette seule partie du talent de
quante, et dans l'orage qui le suit ce sont toutes les fu- Paganini. 11 est impossible de donner une idée de toutes
reurs de la tempête. Ce n'est plus un orchestre , ce n'est les combinaisons qui se rencontrent dans le d«igté des
plus de la musique, c'est une scène à laquelle on prend accords entremêlés dans les traits do ces passages si dif-
part. Quant à l'ouverture de Freyschûiz, je doute que ficiles; ils embrassent quelquefois de si grands inter-
Webcr lui-même ait compris jusqu'où pouvait aller valles, que les violonistes eux-mêmes ne peuvent corn-
54 REVUE MUSICALE.
prendre l'artifice par lequel la main peut y atteindre. si étourdissans de tours de force qu'il nous a fait en-
Et remarquez que dans ce dédale de difiicultés inouïes, tendre. Certes, elle n'ajouterait rien à l'admiration,
jamais une note douteuse , jamais une intonation incer' mais l'arae serait plus souvent émue, et le succès serait
taine ne se fait sentir. plus universel, plus profondément imprimé dans la mé- j
L'adagio de ce concerto est plus simple que les au- En écoutant cette belle prière si bien rendue ,
je n'ai 1
tres compositions de Paganini et n'offre que des mélo- pu m'empêcher de penser à Baillot, qui sait aussi chan- I
dies faciles d'exécution : l'artiste les a bien rendues ter et émouvoir, et de comparer les manières des deux
mais il y a produit moins d'effet que dans l'adagio du artistesdans cette partie de leur talent. Bien que je
premier concerto. Quant au rondo avec accompagne- rende toute justice à Paganini comme chanteur, et que
ment obligé de clochette, c'est une délicieuse fantaisie j'admire sincèrement la puissance extraordinaire qu'il a
où les tours de force les plus incompréhensibles sont déployée dans la prière de Moise, j'avoue qu'il y a dans
réunis avec un goût exquis. Paganini, en y enfantant le violoniste français, plus de passion, plus de senti-
des prodiges , semble se jouer des difficultés les plus ment intime lorsqu'il exécute un adagio de Mozart ou
grandes; c'est avec si peu de peine que son archet vol- de Beethoven. Au reste, Baillot me paraît être le seul
tige sur les cordes et que ses doigts se plient aux posi^- violoniste qui, dans le genre qui lui est propre, puisse
tiens les plus extraordinaires, qu'on serait tenté de se faire entendre sans désavantage après Paganini;
croire qu'il ne s'agit que des choses les plus simples. quelque soit le talent des autres artistes, l'effet qu'ils
Un journaliste, en parlant de ce rondeau, est tombé produisent est microscopique après ce géant des vio-
dans une inadvertance singulière. Préoccupé des illusions lonistes.
du jeu de Paganini, il s'est persuadé que le son de la Il faut beaucoup de talent et de' complaisance pour
clochette éfait produit par le violon de cet artiste inimi- oser se faire entendre dans un concert en présence d'un
table. Tel est le danger de parler de choses qu'on ne artiste tel que Paganini; aussi n'a-t-il pas fallu moins
connaît pas. que Nourrit, Levasseur et M"* Dorus pour la partie vo-
Je ne doute pas que les concertos de Paganini n'exer- cale de ses concerts. Deux morceaux qu'on n'entend pas
cent une grande influence sur la composition future de ordinairementdans ces solennités musicales ontété exé-
ce genre de morceau; non sous le rapport de l'école, cutés dimanche dernier. Le premier est un excellent
car il seraitpeu raisonnable de vouloir imiter des pres^ trio de l'Hôtellerie portugaise , de Chériibini ,
qui a été
tiges dont on ne ferait jamais que la caricature , mais fort bien chanté par Ad. Nourrit, Levasseur et Dabadie.
sous celui de la forme. Il y a dans les concertos de Pa- Il m'a paru qu'en voulant donner de la légèreté à l'ac-
ganini un mérite d'unité et d'intérêt qui doit être médité compagnement, l'orchestre a un peu trop exagéré ses
par les violonistes qui écrivent pour leur instrument. effets de piano: le second morceau français de ce con-
L'instrumentation , sans détourner l'attention du solo cert était le duo de la Fausse Magie ; l'effet comique a
par un travail trop compliqué, a cependant un intérêt été supérieurement senti par Grétry dans ce morceau
qui se lie fort bien avec le dessin principal. Les entrées mais les formes musicales en sont devenues un peu
n'y sont pas froides et symétriques; enfin les effets y sont étroites, et l'instrumentation en est bien faible pour la
de l'Allemagne proclament depuis long-temps sa supé- Le troisième concert de Paganini devait avoir lien
riorité dans ce morceau. L'éloge n'était point exagéré;' mercredi dernier; mais une soirée musicale de la cour,
jl yvraiment un grand talent d'expression dans la ma-
a où cet artiste avait été invité, l'a fait remettre à di-
nière dont il exécute ce chant sur la quatrième corde, manche prochain.
et surtout il y a une admirable facilité à varier les ac- Matinées MrsiCALES de MM. Boheeb. La deuxième
cens de cette corde selon le caractère propre de chaque matinée musicale de MM. Bohrer frères aura lieu di-
phrase. Devant l'exécution de cette prière, tombe le manche 20 mars, à a heures, dans les salons de M. Pape,
reproche de ne point émouvoir la sensibilité, que j'ai facteur de pianos, rue de Valois, n° lo. Le programme
exprimé dans mon premier article; je regrette seule- est composé comme il suit :
ment que cette partie si belle du talent de Paganini ne 1° Grand quatuor de Beethoven (n° i3, en si bémol),
prenne pas plus souvent place Mns les solos si brillans, exécuté par MM. Bohrer frères, Tilmant et Urhan,
REVUE MUSICALE.
2* Air de Mozart ( le Nozu di Figaro), chanté par l'état actuel des choses, les événemens et les intérêts
Mlle Dulcken. politiques ont une telle gravité qu'ils absorbent toute
3* Grand trio de Beethoven, pour piano , violon et rio- .l'attention du ministre de l'intérieur, et ne lui permet-
lonccUe (en si bémol) , exécuté par Mme Max-Bohrer tent point de donner ses soins à ce qui n'est que de luxe,
et MM. Bohrer. et ne peut fleurir que dans^un état de paix et de tranquil-
4° Premier grand quintetto de Mayseder, exécuté par lité, tandis qu'un ministre spécialement institué pour les
MM. Bohrer, Tolbèque, Tilmant et Urhan. arts, le commerce et l'industrie, en fera l'objet de ses
5° Le Vœu pendant l'orage, de Meyerbeer, chanté par travaux de tous les jours. Ajoutons que le choix de
Mlle Dulcken. M. d'Argout est d'un bon augure pour l'avenir du Con-
6° Duo pour -violon et violoncelle, composé et exé- servatoire ; car ce ministre possède à la fois le goût des
cuté par MM. Bohrer frères. arts et l'activité nécessaire pour leur créer des ressources.
— Le troisième concert de l'Institution de Musique La commission nommée par M. le comte de Monta-
dirigée par M. Choron, qui aura lieu le jeudi 24 de ce livet, pour la réorganisation de l'Opéra, a été égale-
mois , se composera essentiellement du Requiem de Mo- ment chargée de faire au régime du Conservatoire toutes
zart. Celte composition- célèbre , qui a été exécutée en les améliorations dont il est susceptible. Cette commis-
plusieurs circonstances arec le concours d'orchestres'plus sion, comme on sait, est composée de M. le duc de
ou moins importans , a été suffisamment appréciée sous Choiseul et de MM. Hyppolite Royer-Collard, Armand
le rapport des effets d'instrumentation; mais on doit re- Berlin, Edmond Blanc et Cave. Elle s'est transportée
connaître aussi que dans le plus grand nombre de cas jeudi 10 mars, au Conservatoire, et par l'organe de
l'exécution avait laissé plus ou moins à désirer sous le M. le duc de Choiseul, a fait connaître aux professeurs
rapport du chant, et principalement sous celui de l'ef- assemblés les ordonnances et arrêtés qui doivent les ré-
fet des masses vocales. Ce sera donc une particularité gir à l'avenir, et l'intention de donner à l'école une con-
digne de l'attention des amateurs de l'entendre exécu- stitution nouvelle. Nous espérons que les commissaires,
ter par les voix seules, soutenues simplement de quel- animés comme ils sont du désir de bien faire, saisiront
ques instrumens d'accompagnement. On a lieu d'espérer l'occasion pour réparer les maux qui sont nés de la mau-
que l'exactitude de l'exécution permettra de reconnaître vaise administration de la direction générale des beaux-
les beautés qu'elle offre sous ce nouvel aspect et dans arts , particulièrement en ce qui concerne le chant et
une sorte de nudité où l'on n'est point accoutumé à l'avenir des élèves.
Mme Raimbaux, cette cantatrice a réalisé les espé- encore incertain s'il rouvrira ou si l'administration ac-
rances que les amateurs et les artistes ont conçues de son tuelle renoncera à une entreprise qui ne peut se soute-
talent. Cette jeune dame possède une voix pure, éten- nir sous le poids des charges qui l'accablent. Si elle re-
due et sonore, de la facilité de vocalisation et de l'ame. nonçait à faire de nouveaux efforts qui doivent être
Si elle se décide à suivre la carrière dramatique au lieu infructueux, il est vraisemblable qu'un second Opéra-
de se borner à chanter dans les concerts, nous croyons Comique s'établirait à ce théâtre, dont la position est
que son talent sera bien accueilli du public, et qu'elle très avantageuse^
sera d'une grande utilité à l'administration qui se l'atta- — Lundi, 21 mars, une représentation de la reprise
chera. de Tancredi sera donnée au Théâtre Italien au bénéfice de
— Par
suite d'une ordonnance du roi et de divers W" Meric-Lalande. Celte habile cantatrice y remplira
arrêtésdu ministre de l'intérieur, le Conservatoire de le rôle d'Amenalde, et M°° Malibran chantera celui de
musique vient d'être placé dans les attributions de ce Tancred».
ministère, comme il le fut depuis son origine jusqu'en Bien quele moment soit peu favorable aux specln-
i8i4- Cependant, de nouvelles combinaisons ministé- cles, etque l'immense talent de Paganini même n'iiit
rielles ont donné naissance ù la création du ministère du pu vaincre complètement la situation défavorable des
commerce et des travaux publics, et tout annonce que affaires, il est vraisemblable qu'il y aura beaucoup de
la division des sciences, des lettres et des beaux-arts monde à cette représentation, le prix des places n'ayant
sera réunie à ce ministère. Nous croyons que cette dis- point été augmenté.
position sera favorable à la prospérité dus arts en géné- — Quatre enfans Suisses, nommés Koella, sont en ce
ral, et du Conservatoire de musique en particulier. Dans moment à Paris , où ils donnergnt sous peu de jours un
56 REVLE MUSICALE.
concert à la salle du Gymnase. L'aîné de ces eotans est tesse; car si l'on veut baisser d'un quart de ton en tirant
âgé de onze ans, et le plus jeune n'en a que six. Ils la pompe, mi, fa, sol , la de la dernière octave
les notes
jouent des quatuors pour deux Tiolons, alto et basse, sont trop basses, et l'unité est rompue entre les sons
et chantent des airs de montagnes à quatre parties avec graves et les sons aigus. On ne pourrait obvier i ce dé-
un ensemble remarquable. Le premier violon, qui n'est faut qu'en ajoutant une pompe à la petite pièce, et qu'en
pas encore ûgé de dix ans, montre une énergie fort rare, réglant les deux pompes de la manière suivante: pour
et pourra devenir un artiste distingué. baisser d'un quart de ton , on ouvrirait la pompe de la
Paganini, qui a rencontré ces jeunes frères à Munich tête d'une ligne deux tiers, et la deuxième de trois quarts
s'est vivement intéressé ù leur succès, et les a décorés de ligne. Par ce moyen, l'instrument conserverait sa
d'une médaille. justesse, mais la qualité du son serait encore plus altérée.
L'inconvénient des corps de rechange n'est pas moin-
dre ; car la flûte acquérant de la facilité et du moelleux
lorsqu'elle a été jouée quelque temps, il est évident que la
NOUVELLES FLUTES DE M. TOLOU.
substitution d'un corps qui n'a point été joué , ou qui ne
De tous les instrumens ù vent, la flûte est celui dont
l'a été que rarement, à celui dont l'artiste se sert habi-
qu'il est en apparence le plus facile A jouer. Néanmoins, ment prend une raideur fort nuisible à l'exécution.
il s'en faut bien que cette facilité soit réelle, car l'instru-
Ce sont ces défauts ordinaires de la flûte qui ont dé-
terminé M. Tulou à en faire construire d'après un nou-
ment, dans son état ordinaire', est fort imparfait sous le
justesse, et ce n'est pas sans peine que les
veau système de son invention. Voici en quoi consistent
rapport de la
par les modifications du souffle et de l'embouchure. Ce proportions pour les ouvertures des trous , sont garnies
par des anneaux en argent dont l'usage est aussi utile
n'est pas tout: sa qualité de son manque en général de
rondeur, et c'est un problème fort difficileque les fac- que commode. Le plus gros de ces anneaux, portant le
n" 1, se place à i'eiriboîture de la tête, et le plus grand,
teurs d'instrumens i vent n'avaient pu résoudre jus-
une également numéroté 1, se met par-dessus le liège du
qu'ici, de donner à la flûte égalité parfaite entre les
sons aigus. On n'avait pu trouver grand corps, afin qu'il n'y ait de vide ni à l'extérieur ni
sons graves et les le
à l'intérieur. Les deux anneaux les plus petits, portant
moyen d'augmenter l'intensité dans le bas de l'instru-
sacrifiant les notes élevées qui devenaient
aussi le numéro 1, se placent l'un dans l'emboîture de
ment qu'en
au
la petite pièce , et l'autre par-dessus le liège du grand
maigres et perdaient leur facilité d'articulation; si,
corps et du petit côté.
contraire, on obtenait des dessus brillans, les notes re,
Si l'on veut baisser l'instrument d'un temi-ton, on
mi , fa en bas devenaient sourdes et ternes.
appartenait à un professeur, dont la longue expé- remplace tous les anneaux numérotés 1 par d'autres nu-
Il
avaient su apprécier toutes ces'im- mérotés 2; par ce moyen, les proportions sont conser-
rience et le talent fini
vées, et la justesse n'est point altérée.
perfections, de faire les recherches nécessaires sur les
à obvier à d'aussi graves inconvéniens.
M. Tulou s'est aussi attaché à trouver des formes sim-
moyens propres
cette tâche dans l'espoir qu'il
ples et élégantes dans les clefs, et en a surtout diminué
M. Tulou a donc entrepris
le volume, qui donnait à l'instrument de la lourdeur
pourrait faciliter les progrès des amateurs en leur offrant
sans utilité.
des instrumens dont ils n'auraient pas à combattre sans
Ces avantages seront appréciés par les amateurs et les
cesse les défauts, et qui, par leur état perfectionné, se-
artistes, et ne peuvent manquer d'influer sur les progrès
conderaient leur habileté dans l'exécution au lieu d'y
de la flûte. Le nom de M. Tulou les recommande suffi-
mettre obstacle.
cherché à faire disparaître l'inconvénient
samment.
M. Tulou a
pompe. Aucun instrument ne sort des ateliers de ce professeur
des corps de rechange, et surtout celui de la Il
célèbre sans avoir été essayé et reconnu bon par lui.
avait toujours blâmé l'usage de celle-ci , i" parce que le
Les sons affectent l'oreille par deux qualités : l'intona- rhyikmes de la poésie, et cette division principale des
vers en dactyles et spondées; divisions que notre oreille
tion et la durée. Les combinaisons mélodieuses et har-
moniques de toutes les intonations appréciables offrent n'est point exercée à saisir et dont nous sommes obligés
un champ immense et sans bornes à l'imagination des d'apprendre à compter les pieds dans nos collèges, mais
musiciens; quoique moins étendues, les combinaisons que les organes délicats et sensibles des Grec* saisissaient
de la durée se présentent aussi sous une grande variété à merveille'. La symétrique disposition de mesure des
d'aspects : c'est cette dernière qualité des sons que je me vers, qu'on remarque dans toutes les langues modernes,
aux mélodies un caractère déterminé dont elles seraient rhythmes donnaient du mouvement et de la couleur à la
pendule fixe dont le centre de gravité se déplace, a été Il y aurait un ouvrage intéressant et curieux à faire
imaginé.
sur la mesure et les rhythmes de la musique des Grecs
Avant qu'on en vînt à découvrir les propriétés du et des Romains; mais ce sujet est trop étendu pour
pendule, et surtout la simple construction du métro- trouver place dans un article de journal. Je me bornerai
nome, tous les peuples avaient reconnu la nécessité de ici à faire remarquer qu'on y distinguait deux sortes de
mesurer le temps en musique. Les procédés dont ils se (f) Les Grecs de nos jours ont perdu le sentiinent de ces anciens
sont servis pour arriver à ce résultat présentent une suite rhylhmes; aujourd'hui ils ne scandent plus leurs vers par pieds, mais
de faits assez curieux. par syllabes. Cette observation est due à M. Dugas-Mombel, savai
temps : l'un, qui répondait à ce que nous nommons temps C'est une chose fort remarquable que ce système de
fort, et qu'on nommait a>-its,- l'autre, semblable ù notre musique figurée' ou mesurée (muska figarata sea mensu-
temps faible, qu'on appelait thesis. La manière de mar- rala qu'on voit naître vers le onzième siècle car l'idée
) ;
quer tes temps par les podocly, oi était différente de la de mesure des sons qu'on y voit se développer n'est
la
nôtre, car ils levaioat le pied et la main à Vaisis et les point fondée sur l'harmonie du langage, comme dans la
baissaient au thesis. musique des Grecs ou des Romains, mais sur une con-
Le rliythme musicnl s'affaiblit dans plusieurs de ses sidération abstraite de la durée des sons. Quel que soit
combinaisons après la conquête de la Grèce par les Ro- l'auteur de celte découverte importante, d'où est déri-
mains; ceux-ci n'en prirent que ce qui pouvait s'accoiii- vée toute mélodie moderne , on peut affirmer que ce fut
moderau génie do leur langue. Plus lard, les invasions un homme de génie , et que c'est à sa lumineuse pensée
des barbares dans l'empire romain portèrent des coups qu'est dû l'état actuel de l'art musical. C'est encore un
mortels aux arts , et particulièrement à la musique. Les fait digne de remarque que loin de commencer par la
rhytbmes et la mesure s'altérèrent de plus en plus, et simplicité pour s'élever ensuite à de plus fortes combi-
lorsqn'enfia l'eiiipirc d'Occident eut succombe, il ne naisons , à mesure que l'art faisait des progrès, la me-
resta plus que de faibles traces de ces rhytbmes et de sure des sons présente dès les premiers pas une compli-
la mesure, que le pape Grégoire, créateur du chant ec- cation excessive, quoique régulière ; complication telle
clésiastique qui a pris son nom, fit entièrement dispa- qu'elle a dû exiger de grands efforts d'imagination de la -
raître. Alors s'établit ce genre de chant singulier qui part de l'inventeur, car tout ce système a dû être inventé
s'est conservé jusqu'à nos jours dans l'église, et qui a du premier coup. On peut en juger d'après l'exposé sui-
qui n'est point dépourvue de noblesse , il y a bien des Trois signes principaux de durée se présentent dans le
signes de sons longs et de sons brefs, pour satisfaire aux systèine de chant mesuré développé par Francon : ce
exigences de la prosodie latine, mais ,sans combinai- sont la longue, la brève et la semi-brève. Ces signes re-
sons de rhythme , et par suite, sans mesure régulière du présentent des durées qui augmentent ou diminuent
temps. dans un ordre binaire. La double longue , qui prit dans la
Les écrits des musiciens do moyen âge ne font point suite le nom de maxime , s'y trouve aussi quelquefois
apercevoir de traces de mesure ou de rhythme jusqu'au employée; mais elle n'est considérée que comme le re-
temps de Guy, moine d'Arezzo, en Toscane, qui fit doublement de la longue. Les signes de ces durées,
d'utiles réformes dans l'art musical vers 1024. Rien de bien qu'ils ne représentassent que des divisions ou sub-
relatif à ce sujet ne se trouve même dans les ouvrages de divisions et des redoublemens de durée, n'avaient ce-
ce moine qui sont parvenus jusqu'à nous. Il est vrai que pendant pas de valeiir fixe par eux-mêmes ; celte valeur
ces ouvrages n'ont de rapport qu'au chant de l'église [can- variait en raison de leur position respective et du signe
tas planas). Existait-il alors une autre musique, qu'on qui se trouvait en tête de la musique : ce signe s'appelait
désignerait sous le nom de musique mondaine, des chants mode. Dans les premiers tempi? , le signe du mode ne se
populaires, des mélodies destinées aux instrumens; et mettait point auprès de la clef; plus tard , il devint in-
s'il en existait, ces chants étaient-ils soumis à une me- séparable de la musique.
sure de temps, à un rhylhme quelconque ? c'est ce qu'on Le mode était de quatre espèces : il correspondait à ce
ignore absolument aujourd'hui. Cependant, il y a lieu qu'on nomme aujourd'hui la mesure. La première es-
de croire que quelque chose de semblable était en usage pèce s'appelait mode majear parfait; l'unité ternaire y
au moins parmi les musiciens de profession, car, envi- était représentée par une figure de note qu'on nommait
ron cinquante ans après l'époque où Guy d'Arezzo écri- maxime, et qui avait la valeur de trois longues : chacune
vait, on trouva dans un livre de Francon de Cologne, de celles-ci valait deux brèves ou rondes de nos jours, ,
écolâtre de Liège, un système complet de musique me- et les brèves valaient deux semi-brèves chacune. Dans
surée, établi sur des proportions si compliquées, qu'il l'origine, le mode ne fut que la manière d'arranger les
estpeu vraisemblable qu'un seul homme l'ait imaginé longues et les brèves dans un certain ordre mais plus ;
dans un temps où rien n'en aurait donné l'idée ni les tard il fut tel qu'on vient de le voir lorsqu'il prenait la
premiers élémens. D'ailleurs, il est à remarquer que dénomination de majear parfait . Il se marquait par trois
Francon ne dit point qu'il soit l'inventeur de ce sys- barres qui remplissaient trois espaces de la portée.
tème, mais seulement qu'il est le premier qui en ait Le mode majeur imparfait était marqué par deux lignes
tée; dans ce mode, la maxime ne valait que deux lon- imagina la proportion difficile connue souslenom de Ses-
gues. Ce mode représentait une mesute divisée deux i\ quialtère. La prolation, ainsi que le mode, se divisa en
temps. prolation parfaite et prolation imparfaite. La prolation par-
Le mode mineur parfait était marque par une seule faite se marquait auprès de la clef par un cercle avec un
ligne qui traversait trois espaces; l'unité de U mesure y point central : elle indiquait le rapport de la brève àja
était représentée par une longue qui valait trois brèves: semi-brève comme de i ù 3 , et ne servait que pour la
c'était une subdivision du mode majeur parfait, ou me- mesure ternaire; la prolation imparfaite servait pour la
sure à trois temps. mesure binaire, et se marquait par un cercle sans point
Le mode mineur marqué par une ligne
imparfait était quand elle était majeure, et par un demi-cercle quand
perpendiculaire qui traversait deux espaces: c'était une elle était mineure. Ces nouvelles combinaisons, et
subdivision du modemajeurimparfait,ou mesureùdeux beaucoup d'autres encore qui y furent ajoutées, finirent
temps. par multiplier de telle sorte les difficultés, que les mu-
La valeur de durée de chaque figure de notes variait siciens les plus habiles ne parvenaient pas toujours à
comme il a été dit précédemment en raison de sa posi- écrire leur musique dans les proportions de la mesure
•tion : ainsi la longue conservait ou perdait sa valeur se-- qu'ils voulaient indiquer, et que les exécutans éprou-
Ion que sa queue était tournée à droite ou à gauche, vaient encore de plus grands embarras.
qu'elle était ascendante ou descendante, qu'elle était Les proportions et les divisions de temps qui avaient
liée avec la brève, en de certaines positions, ou détachée. été étalîlies pour les sons furent aussi employées pour
Il en était de même de la brève qui, lorsqu'elle pré- les silences, et un système analogue de pauses fut ima-
cédait une brève ou une longue dans une certaine dis- giné dans le même temps que le système de la musique
position, augmentait de valeur et diminuait dans d'au- mesurée développé par Francon. Les anciens ne parais-
tres. Enfin ce qu'on nommait les ligatures variait encore sent pas avoir connu de mesure du silence , et tout porte
beaucoup la valeur des notes ; il en était de même lors- i\ croire que cette invention date du onzième siècle.
que le point se trouvait employé devant ou après une Bien que les musiciens du moyen âge eussent imaginé
noie. Ce signa, qui dans la musique moderne est des- un système fort ingénieux et fort compliqué de la me-
tiné à augmenter de moitié la valeur des notes, n'avait sure du temps en musique, ils ne paraissent avoir eu
pas le même emploi dans ce premier système de mu- que des notions très faibles du rhythme, et l'application
sique mesurée. Tantôt on l'appelait pomi d'augmentation, des variétés du mouvement à une mesure donnée sem-
tantôt point de division, selon qu'il devait ajouter ou ble avoir été méconnue par eux.
retrancher à la valeur des notes. FÉTIS.
Il est facile de comprendre parce court exposé quelles {^La suite au numéro prochain, )
Au commencement du quinzième siècle , tous les entendre dans son troisième concert, et nous avons pu
compositeurs travaillèrent à perfectionner ce qu'on nous convaincre qu'il n'y a point d'exagération dans ce
nommait tes proportions de ta mesure, et ajoutèrent de qu'on avait dit. Ce concerto est en re mineur. Considéré
nouvelles difficultés à celles qu'on connaissait déj:'i. sous le rapport de la composition, il est digne du plus
C'est ainsi que la prolation, qui avait été indiquée par grand intérêt, autant par le plan que par les détails de
Francon, prit un giand développement au temps de la mélodie et de rinstrumeulation. Le premier tutti est
Guillaume DuTiy, de Binchpis et de Dunstaples, et qu'on large et d'un beau caractère; il se lie bien au premier
60 REVUE MUSICALE.
solo; l'orchestre se marie heureusement avec celui-ci et a témoigné vivement sa satisfaction pour l'exécution gé-
y jette beaucoup de variété. Le deuxième solo est bien nérale de ce Tancredi que nous avons entendu si sou-
modulé; les difficultés qu'il renferme surpassent tout ce vent et quelquefois si bien chanté. Mme Méric-Lalande
que l'imagination la plus hardie peut concevoir; l'ada- avait à lutter contre le souvenir de la perfection ravis-
gio, d'un style tout dramatique, est d'un genre absolu- sante de Mlle Sontag dans le rôle (ï Aménaide ; néan-
ment neuf, et le rondo est délicieux autant par son mo- moins son talent a triomphé de cet écueil, et elle a su se
tif principal que par les détails qu'il renferme. faire justement applaudir dans la plupart des morceaux.
Après l'admiration que j'ai exprimée dans mes articles Mme Malibran était en verve et a chanté tout le rôle de
précédens pour le talent extraordinaire de Paganini ,
je Tancrède d'une manière vraiment admirable. Rappelée
ne pourrais que me répéter ici, en ajoutant toutefois après la représentation, elle a paru avec Mme Méric-
que son habileté se montre encore plus merveilleuse Lalande.
dans le concerto dont je viens de parler que dans ce que Les choristes du Théûtre-Italien abusent de la permis-
j'avais déjà entendu. Le rondo surtout a offert au public sion de défigurer la musique.
ébahi des choses telles qu'il était presque impossible d'y — Représentation extûaûrdinaire au bénéfice et pour la
croire, quoiqu'on les entendît. La fantaisie sur la qua- retraite de Mme Lemonnier. Une voix fraîche et légère,
trième corde n'a pas été moins surprenante ; enfin , dans une intelligence rare qui suppléait au défaut d'éduca-
toute cette soirée, Paganini, bien que souffrant, a tion musicale , de la verve comique et le tact de la
trouvé le moyen d'être encore plus étonnant qu'il ne scène, telles sont les qualités qui se firent remarquer
l'avait été dans les soirées précédentes. _ en Mme Lemonnier dès ses débuts à l'Opéra-Comique,
J'ai déjà fait observer combien il est difficile d'exciter il y a vingt-trois ans. Elle ne tarda point à se placer au
des émotions dans le public après que Paganini s'est premier rang des actrices les plus aimées du public, et
fait entendre : Mlle Dorus a eu néanmoins la gloire de pendant plusieurs années elle fit, avec Elleviou et Mar-
se faire applaudirpresque à l'égal du grand artiste, dans tin ,charme des représentations les plus fréquentées
le
un air de Rossini tellement usé que la ritournelle avait par l'élite de la société. Dans la lutte qui s'établit entre
fait un murmure d'improbation dans toute la
naître elle et Mme Duret , l'avantage lui resta même , bien que
salle. C'est un triomphe qui lui présage de grands succès une cantatrice d'un grand mérite.
cette dernière fût
pour sa carrière dramatique. La même cantatrice, fort C'est après vingt-trois années de service à l'Opéra-
bien secondée par Levasseur et Alexis Dupont, s'est fait Comique que Mme Lemonnier vient aujourd'hui de-
aussi entendre dans le trio de V Auberge de Bagnéres et mander au public le prix des plaisirs qu'elle lui a pro-
dans celui de VInganno Felice. curés, et qu'elle a obtenu de l'autorité l'avantage de
L'administration de l'Opéra ayant négligé de prévenir donner sa représentation de retraite dans la salle de
les journalistes que leurs entrées n'avaient point été l'Opéra. Plusieurs circonstances concourent à donner de
conservées pour le quatrième concert de Paganini, il l'intérêt à cette représentation, qui aura lieu le 3i mars.
m'a été impossible de me procurer une place dans la La réunion de ce.que Paris possède de plus distingué en
salle , et quel que fût mon désir d'entendre le virtuose chanteurs, acteurs et danseurs, l'attrait d'un opéra de
dans le concerto de Rode qu'il avait choisi, je n'ai pu le Weber, inconnu en France, et la dernière apparition de
satisfaire. Je ne puis donc fournir aux lecteurs de la Mlle Taglioni sur la scène avant son départ pour les pays
Revue musicale que des renseignemens icdirCjts sûr étrangers, voilà des motifs suffisans pour piquer la cu-
l'effet qu'il a produit. On s'accorde à dire que cet effet riosité pour exciter son empressement.
du public et
a été froid, et que le genre détalent de Paganini ne s'ac- Le spectacle sera composé de la première représenta-
corde pas avec la musique du violoniste La so-
français. tion d'Euriante, opéra en trois actes, paroles de M. Cas-
nate militaire sur la quatrième corde a excité de nouveau til-Blaze, musique de C,-M. Weber, exécuté par les
l'enthousiasme général ; et les célèbres variations te premiers artistes de l'Académie royale de musique, pré-
stregtie ont porté jusqu'au délire l'étonnement et le plai- cédée de Marianne, opéra-comique, paroles de Mar-
sir du public. sollier, musique de Daleyrac. Pour cette fois seulement,
les principaux rôles seront remplis par Mmes Lemon-
THÉÂTRE ITALIEN. nier, Desmousseaux, Despréaux, Génot; MM. Huet et
TANCllEDI. — M"" Méric-Lalakde et Malibran.
Philippe.
La représentation au bénéfice de Mme Mério-Lalande Le spectacle sera terminé parles deux premiers actes
avait attiré une brillante et nombreuse assemblée, qui de Mars et Vénus , ou les Filets de Falcain , ballet-paft-
REVUE MUSICALE. Gl
M. Stéphen, qui jusqu'ici a exercé son art en ama- le rapport du chant, et principalement sous celui de
teur, se dispose, dit-on, à tirer parti de son talent; l'effet des masses vocales. Ce sera donc une particularité
nous ne pouvons que l'en féliciter, et nous lui prédisons digne de l'attention des amateurs de l'entendre exécuter
des succès. parles voix seules, soutenues simplement de quelques
On souscrit pour la soirée chez M. Stéphen, rue Blan- instrumens d'accompagnement. On a lieu d'espérer que
che, n° 3. l'exactitude de l'exécution permettra de reconnaître les
— La troisième séance musicale de MM. Bohrer aura beautés qu'elle offre sous ce nouvel aspect, et dans une
lieu dans les salons de M. Pape, facteur de pianos, sorte de nudité où l'on n'est point accoutumé à l'envi-
dimanche 5 avril , à deux heures. Nous ferons con- sager.
naître le programme de cette séance dans notre prochain — Des bruits singuliers circulent sur les réformes qui
numéro. seraient faites dans le personnel de l'Opéra, et dont
On peut se procurer des billets aux magasins de l'effet serait, dit-on, de désorganiser cet établissement
musique de MM. Pleyel, boulevard Montmartre; Schle- national. Nous savons quels sont les dangers de l'inté-
singer, rue de Richelieu, n° 97 , et Frey, place des rêt particulier appliqué à un thétïtre de luxe; nous savons
Victoires. que sous le prétexte de réformer des abus, les entre-
— Dimanche prochain, 27 de ce mois, qui sera le di •
preneurs privilégiés peuvent porter atteinte à la prospé-
manche des Rameaux, l'Institution de musique classique rité de l'art, et que les économies bien ou mal faites
dirigée par M. Choron, exécutera au salut, à la suite préoccupent tout homme qui met sa fortune dans le sort
des vêpres, en l'église de la Sorbonne, les principales d'une entreprise dramatique. Toutefois nous ne pouvons
62 REVUE MUSICALE.
croire que celui sur qui s'est fixé le choix du pouvoir, apprécier son beau talent dramatique; un air chanté par
et qui avait annoncé l'intention d'augmenter l'éclat de le basso Mariani , et un duo dans lequel Rubini et la
l'Opéra plutôt que de le diminuer, nous ne pouvons Pasta ont été admirables... On vante aussi deux choeurs,
croire qu'à peine entré en fonctions, celui-là songe déj;\ paiticulièrement celui du deuxième acte.
à inanquer à ses promesses. Nous pensons donc qu'il y L'exécution a été en général fort satisfaisante, et tous
a exagération dans tout ce qu'on dit à ce sujet , et nous les chanteurs ont fait des efforts pour seconder de leur
attendrons des renseignemens plus certains avant de mieux les lalens de premier ordre de Rubini et de Mme
nous expliquer sur les l'autes qu'on attribue au nouveau Pasta. Les chœurs ont été aussi exécutés avec beaucoup
directeur de l'Opéra. de soin ; enfin rien n'a été négligé pour assurer le succès
— Lablache et David, qui viennent de terminer à du compositeur.
Londres le cours de leurs représentations, sont attendus — Baroilhet, élève du Conservatoire de Paris, a fait
à Paris, et doivent sous peu de jours faire leur rentrée son deuxième début dans le rôle d'Aliprando de Ma-
au Théâtre Italien. On annonce aussi les débuts d'une tldlde de Sliahraii, et y a obtenu un succès décidé. Les
cantatrice allemande, Mme Vesperman, qui vient pren- progrès de ce jeune homme sont rapides , et sa voix ac-
dre la place de Mme Méric-Lalande, dont la dernière re- quiert chaque jour de l'étendue et du timbre.
présentation a lieu aujourd'hui dans l'opéra de Tancredi. — Le Crociato de Meyerbecr a été joué le 6 mars, au
théâtre de la Scala, avec le succès le plus décidé. Mme
Corradi-Pantanelli s'est distinguée dans le rôle d'Ar-
Nouvelles étrangères. mando, Mrnc Corradori Allan a chanté celui de Palmide
Milan. La Sonnanbala, nouvel opéra de-Bellini, a ob- avec une suavité remarquable, et le vétéran des ténors,
tenu le succès le plus éclatant au thé.llre Cnrcano, le 6 Crivelli, n'a pas été trop au-dessous de son ancienne
mars dernier. Le librelto de Romani, la musique du réputation dans le Grand-Maître.
maestro , le jeu de Mme Pasta et le chant de Rubini , ont Berlin, i5 mars. On a donné le i" mars, au Théûtre
porté au plus haut degré l'enthousiasme du public. Royal, la première représentation de l'Illusion, avec la
Ea deux actes de peu d'étendue, il a su rassembler les Quant à la musique, les journaux de Berlin la traitent
situations les plus intéressantes et les plus passionnées, avec peu d'indulgence et même avec injustice, car elle
les plus propres enfin à développer les talens de Bellini renferme certainement des choses fort estimables.
Un parti formidable s'était formé pour porter aux au Théâtre Royal. Celui de la Kœnigstadt n'a offert de
nues le nouvel ouvrage du jeune compositeur, et a si nouveau que la singularité d'un ténor qui remplissait
bien fait qu'une partie de la soirée s'est passée en ap- dernièrement la partie de Fernando dans la Pie voleuse
plaudissemens , en cris tumultueux et en acclamations de fiossini. On applaudit toujours beaucoup dans cet
bruyantes; néanmoins des personnes capables de juger opéra la réunion de Mlles Vio et Haehnel (celte dernière
sainement ont trouvé cette composition inférieure aux remplit le rôle de Pippo), duo du second acte est
et leur
premières productions de Bellini. Il paraît qu'il y a redemandé. Ce théâtre a donné le 28 février un pot-
abandonné son système de musique dramatique à ta fran- pourri composé de morceaux de concert et de scènes mu-
çaise. On a remarqué aussi qu'il s'est attaché à éviter sicales en costumes, dans lesquelles on a particulière-
toute ressemblance avec le style deRossini; mais au lieu ment remarqué celles de Tancrède, dont le rôle a été
d'inspirations naturelles et franches, on y sent le travail fort bien chanté par Mlle Haehnel pendant que Mlle Vio
et la peine. Les proportions des morceaux sont un peu remplissait, à la satisfaction générale, celui d'Amenaïde.
moins écoartées que dans l'opéra / Montccchi edi Capuleti, On a entendu dans la même soirée des variations pour
qu'il a écrit l'année dernière pour le théâtre de la Fenice, violon, exécutées par M. Léon de Sàint-Lubin , des
à Venise; mais l'imagination de Bellini ne le porte point variations pour violoncelle par Wranilzky, et les ouver-
naturellement aux choses grandis et iorles. Les mor- tures de Joseph, de la Muette de Portici et A'Obéron.
ceaux qui sont cités avec éloge pa)' les iriliques sont Les concerts se succèdent assez fréquemment. Nous
l'introduction, où la cantatrice Taccn i i lait preuve de avons eu celui de M. Beicke, qui a joué d'une manière
quelque habileté; la cavatine de la Pasta, qui a fourni étonnante sur le trombonne-basse des morceaux fort dif-
il cette excellente actrice une nouvelle occasion de faire ficiles, et entre autres,, les variations de Rode. Il est seule-
REVUE MUSICALE. 63
ment fâcheux de voir appliquer cet instrument à une mu- qui sera faite à ['Agence générale de la musique sera
sique faite pour des instrumens d'un genre tout op- expédiée dans le plus bref délai, et les consommateurs
et les Saisons d'Haydn. Le conpert le plus remarquable nuscrite, telle qu'opéfas, messes, symphonies, ou autre
a été celui de M. Hubert Ries, dont voici le programme : musique vocale et instrumentale. Enfin elle fera les abon-
1° ouverture inédite de la Fiancée de Messine, par F. Ries; nemensii tous les journaux de musique ou ouvrages pé-
2° scène de Mozart, chantée par Mme Schrœder-Devrient riodiques français et étrangers, et les fera expédier sans
et M. Arnold ;
3° concertante pour violon et violoncelle délai.
(inédite) de Bernard Romberg , exécutée par Moriz 2. Toute demande d'instrument quelconque, soit avec
Ganz et le bénéficiaire : ce morceau, fort bien joué, a désignation de facteur, soit laissée au choix du directeur
obtenu beaucoup de succès ;
4° scène composée par Ar- de l'agence, sera servie avec soin et célérité. Les meil-
nold, chantée par M"" Arnold; morceau brillant chanté leurs facteurs de pianos et d'orgue, les meilleurs lu-
avec feu : cette cantatrice a une belle voix et de l'agi- thiers, les meilleurs fabricans d'instrumens à vent, i\
lité, mais peu d'habitude du public; 5° ouverture de cordes pincées ou à archet et de percussion, seront ceux
Fidelio, de Beethoven; 6°quarletlo vocal tiré de l'Ora- avec lesquels l'agence traitera. Elle surveillera l'embal-
torio du Triomphe de la Foi de F. Ries ;
y° concertino lage et l'expédition, dont elle fera réduire les prix au-
et rondo hongrois pour le basson par Ch. M. de Weber, tant qu'il sera possible , et ne négligera rien de ce qui
très bien joué par M. Humann; 8° variations sur l'air pourra assurer la conservation des instrumens.
Sut margine d'un rio, chantées avec beaucoup de bon- Rien ne sera expédié s'il n'a été examiné par le di-
heur par Mme Arnold; 9° concertante nouvelle de Mau- recteur de la Revue musicale ou par quelque artiste dis-
rer pour quatre violons, exécutée par MM. de Sainl- tingué, et chaque objet sera accompagné d'une garantie
Lubin Panowka, L. Ganz et le bénéficiaire. Il est rare
, de qualité, de bonne confection et de solidité
d'entendre un morceau aussi bien étudié, et rendu avec 3. L'agence se charge aussi de faire faire les répara-
autant de précision et d'intelligence des effets et des tions nécessaires et par les meilleurs facteurs ou luthiers
nuances. Ce fut sans contredit celui qui produisit le plus î\ toute espèce d'instrumens, avec économie de temps
d'effet sur le public. et d'argent.
Nous croyons devoir entrer dans quelques détails sur les peuvent être adressées au directeur de l'agence il s'em- ;
avantages qu'elle offrirai toutes les personnes qui culti- pressera d'y satisfaire en se conformant aux vues des
vent musical d'une manière plus ou moins spéciale.
l'art personnes qui lui accorderont leur confiance. Il procu-
1. Toute demande de musique française ou étrangère rera aussi aux artistes des renseignemens précis sur les
64 REVLE MUSICALE.
places vacantes dans les diverses villes de France et des La Neustrienne chant patriotique , dédié aux braves Parisiens, paroles
de S. Darde, musique et accompagnement de piano par Aubery du
pays étrangers.
6. MM. les artistes et amateurs qui désireraient faire
BouUey, auteur de la Grammaire musicale. — 2 fr. 50 c.
France ,
paroles de S. Darde, musique de P. L. Aubery duBoulley.
musique vocale ou instrumentale, trouveront dans le
2 fr. 6 c.
directeur de l'agence l'activité la plus grande et la plus
avec accompagne-
Sur les -vengeurs de la patrie, etc., chant funèbre ,
dévouée, soit pour traiter avec les éditeurs, soit pour ment de piano, paroles de A. G. Eacdy, musique de Tictor Magnien-
faire graver et imprimer ces mêmes ouvrages pour le Prix: 2 fr., au profit des blessés dans les journées des 27, 28 et
ront fournis sans délai. Nous recommandons aux amateurs de piano les deux morceaux'
8. Les lettres et envois d'argent doivent être affran- prccédens, dont le style à la fois élégant, pur et brillant, se distingue
'
chis. S'adresser à Vjàgcnce générale, à Paris, rue du de la multitude de compositions éphémères qui paraissent chaque
A dater du premier avril prochain, les bureaux se- A Paris, chez Richault, éditeur de musique, boulevard Poisson-
nière, n. 16.
ront ouverts depuis 9 heures du malin jusqu'à 4 ligures
de l'après-midi. Weber (Charles-Marie), auteur de Robin des Bois, Obdron, etc.
Op. 3. Six pièces faciles pour le piano, à quatre mains, n»' 1, 2.
Chaque: 7 fr. 5o c.
Bulletin d'Annonces. — Op. 60. Huit pièces pour le piano, à quatre mains, n"' 1, ï.
Chaque: 9 fr.
de piano. —4 fr. 50 c.
Op. 2. Variations sur un thème de Samori, piano, avec accompa-
Mermlle, duo pour violon seul , dont une partie s'exécute avec l'ar-
gnement de violon et violoncelle. —6 fr
Le Dépari, romance, musique de Mlle Cornélie Lbott, dédiée à Lafont, l'Ange et l'Enfant, romance, avecbth. 2 — fr.
Bloie Damoreau. Prix: 2 fr. pour piano et 1 fr. pour guitare. , La même, pour guitare, avec bth. — 1 fr.
Le Cliat, chansonnette, paroles de Berquin , musique de Mlle Élisa PiNSECOH. La Leçon, romance, avec lilh. —2 fr.
Launer, dédiée à Mme Damoreau. Prix ; 2 fr. pour piano , et l fr. — La même, pour guitare. — 1 h.
Mme Feutrier par Victor Magnien. — S fr. IMPRIMERIE DE E . DI'VEIICEB, RUE DE VERHEVIL, R° 4'
REVUE MUSICALE,
V- AlViVÉE. PUBLIEE PAR M. FETIS. N 9.
Dans tous les efforts qui avaient été faits depuis le on- multipliées. Voici comment on s'y prit.
zièue siècle, pour mesurer le temps dans la musique, On prit pour unité de durée le signe qu'aujourd'hui
on avait supposé une certaine fraction de ce temps nous appelons ronde, et qui dans l'ancienne musique
comme unité divisible en deux ou trois parties. Les di- s'était appelée brève, et tous les autres signes de durée
visions de durée étaient ou binaires ou ternaires ; mais des sons furent destinés à représenter des divisions bi-
alors on n'avait point imaginé de renfermer la fraction naires de cette ronde : ainsi la blanche valut la moitié de
du temps, considérée comme unité divisible, entre deux la ronde; la noire, le quart; la croche, le huitième; la
barres perpendiculaires, pour en faciliier le calcul. Tous double croche, le seizième; la triple croche, le trente-
les signes représentatifs des sons et de leur durée se pré- deuxième, et la quadruple croche, le soixante-quatrième.
sentaient à l'œil sans interruption. Loin de chercher à Remarquez, au reste, que ces expressions de double, tri-
simplifier le calcul de la mesure , les compositeurs s'at- ple et quadruple croche, sont défectueuses en ce qu'elles
tachaient au contraire à l'embarrasser de proportions donnent une idée fausse de leur valeur; il faudrait dire
compliquées et inutiles ; eux-mêmes n'étaient pas à demi-croche, quart de croche, huitième de croche. Quoi qu'il
l'abri d'erreurs dans la manière dont ils écrivaient leurs en soit, il résulta de la division qu'on avait établie dans
compositions, et beaucoup de points étaient indécis, car la durée représentée par ces signes, que deux blanches,
tous les livres des théoriciens des quinzième et seizième ou quatre noires, ou huit croches , ou seize doubles cro-
siècles sont remplis de discussions sur la manière d'écrire ches, ou trente-deux triples croches, ou enfin soi.ïante-
certains passages sous le rapport de la mesure , et ces quatre quadruples croches, représentaient un temps égal
graves auteurs ne s'épargnent point les injures dans leurs à la durée de la ronde ; mais la difficulté de saisir du
dissentioiens. premier coup d'œil la quantité nécessaire de notes de
Ge.ne fut que dans le dix-septième siècle que l'échafau- peu de valeur pour représenter la durée de la ronde, a
dage de l'ancienne notation s'écroula, et qu'un nouveaif fait imaginer de renfermer dans un espace compris en-
système de mesure du temps, beaucoup plus simple que tre deux barres perpendiculaires les combinaisons de si-
le premier, s'établit. Jl serait difficile aujourd'hui d'indi- gnes représentatifs de cette durée. Par cette opération
quer avec précision l'auteur de cette réforme , car on en fort simple, l'embarras qui résultait de cette multitude
trouve des traces presque dans le même temps en France, de signes dont l'œil était frappé disparut, et le lecteur
en Italie et en Allemagne. On ne renonça pas d'abord n'eut à s'occuper successivement que de ce qui était con-
tout-à-fiiitaux anciennes proportions; il se trouva même tenu dans chacun de ces espaces. Insensiblement on
des musiciens qui s'obstinèrent à en faire usage jusque s'accoutuma à considérer isolément ce qui était compris
vers i66o; mais enfin la raison prévalut, et une meil- entre les deux barres perpendiculaires comme une va-
leure méthode de signes représentatifs de durée fut leur donnée, et on appela cet espace une mesure, à peu
G6 REVUE MUSICALE.
près dans le même sens où l'on dit une mesure de vin, de ou trois fois deux noires, ou trois fois quatre croches»
bois, de cliarbon, d'une quantité donnée de ces deni'èes. et ainsi de suite ; mais chaque temps conserve sa valeur
Ce qui avait été t'ait pour les sons , il fallut le faire de deux noires, chaque demi-temps sa valeur de deux
pour le silence ; ainsi l'unité de silence égale i la durée croches, chaque quart de temps sa valeur de deux dou-
de la ronde, fut la pause. Deux demi-pauses, ou quatre bles croches , etc. Dans cet ordre , le système moderne
soupirs, ou huit demi~soupirs , ou seize quarts de soupir, donc rien d'équivalent aux protations de l'ancien sys-
n'a
ou trente-deux huitièmes de soupir, ou soixante-quatre tème pour obvier à cet inconvénient, on a imaginé une
;
seizièmes de soupir, égalèrent la pause. On conçoit que double combinaison, dans laquelle la mesure peut être
dans la musique, des combinaisons inépuisables de si- binaire tandis que les temps sont ternaires , ou bien dans
gnes de durée des sons et de signes de durée des silences laquelle la mesure et les temps sont ternaires.
se trouvent renfermées dans les espaces compris entre Le système de mesures binaires à divisions ternaires
les barres de mesure. de temps offre les combinaisons suivantes :
Tout ce qui rient d'être exposé concernant la divi- Une ronde pointée comprise dans l'espace des deux
1°
sion du temps en musique et de sa mesure n'est relatif lignes perpendiculaires, et divisée, non en trois parties
qu'à l'ordre binaire; quant i l'ordre ternaire, voici égales, comme dans la mesure ù trois deuxièmes ,' mais
comment il fut étiibli. en quatre parties composées chacune d'une noire poin-
Considérant toujours la ronde comme l'unité absolue tée. Cette combinaison se nomme mesure à douie hui-
du temps musical, on comprit cependant qu'il pouvait tièmes , parce qu'elle se forme de la valeur de douze
se rencontrer des cas où cette unité aurait besoin d'Être croches réparties en quatre temps ternaires de trois cro-
augmentée de moitié ou diminuée d'un quart, de cinq- ches chacun. La blanche pointée y a la valeur de six
huitièmes', etc.; or, on ne trouva rien de mieux que de croches; la noire pointée, la valeur de trois croches; la
réduire le point à une seule fonction, celle d'augmenter croche , moindres n'y reçoivent pas
ni les autres valeurs
la valeur de chaque note de moitié, au lieu de lui en l'addition mesure i douze huitièmes se di-
du point :1a
laisser plusieurs, comme cela avait eu lieu dans l'an- vise donc en quatre temps, et chaque temps en trois
cienne notation. En conséquence, on eut des divisions parties.
ternaires de la mesure , c'est-à-dire de l'espace compris 2° Une blanche pointée comprise dans l'espace des
entre deux barres perpendiculaires, et ces espaces, au deux lignes perpendiculaires , et divisée en quatre par-
lieu de contenir la valeur d'une ronde simple, comme ties égales composées chacune d'une croche pointée.
dans le système binaire, renfermèrent quelquefois la Cette combinaison se nomme mesure à douze seizièmes,
valeur d'une ronde pointée, ce qui s'appela mesure à parce qu'elle se forme de la valeur de douze doubles
trois deuxièmes, expression qui signifie trois deuxièmes de croches réparties en quatre temps ternaires de trois
ronde, ou une ronde augmentée de moitié; d'autres fois doubles cruches chacun. La noire pointée y a la valeur
la valeur contenue dans la mesure ne fut que d'une de six doubles croches, la croche pointée, la valeur de
blanche pointée , et cela s'appela mesure à trois quarts trois doubles croches; la double croche, ni les autres
c'est-à-dire à trois quarts de ronde; enfin, si la valeur valeurs moindres n'y reçoivent pas l'addition du point.
contenue dans la mesure n'était que d'une noire pointée, La mesure à douze seizièmes se divise donc en quatre
on appelait cela mesure d trois huitièmes , et ainsi des au- temps, et chaque temps en trois parties comme la mesure
tres. Dans toutes ces divisions, chaque espace, quelle à douze huitièmes,
que fût la valeur qu'il contînt, se trouva divisée en trois 3° Une blanche pointée comprise dans l'espace des
parties, et chaque partie de la mesure prit le nom de deux lignes perpendiculaires, mais divisée en deux par-
temps. Dans la mesure à trois deuxièmes , le temps u la ties égales, au lieu de quatre, et chaque temps en trois
valeur d'une blanche; dans la mesure à trois quarts, il parties composées chacune de trois croches , ou de six
n'a que la valeur d'une noire; dans la mesure à trois doubles croches. Cette combinaison s'appelle mesure d
huitièmes, il ne vaut qu'une croche; enfin, il diminue six huitièmes, parce qu'elle renferme la valeur de six
graduellement de valeur, en raison de l'état de la me- croches. La blanche et la noire y reçoivent l'addition du
sure. point; les autres valeurs ne l'admettent pas. La mesure
Dans ce qui vient d'être dit, on a vu que la mesure à six douzièmes se divise donc en deux temps, et chaque
est devenue ternaire , maïs chaque temps a conservé sa temps en valeurs ternaires.
division binaire; car si la mesure renferme une ronde 4° Une noire pointée comprise dans l'espace des deux
ppintée ou sa valeur, elle se divisera en trois blanches. lignes perpendiculaires, et divisée en deux parties
REVUE MUSICALE. 67
égales de la valeur chacune d'une croche pointée ou de d'une quantité de temps déterminée. Une ronde, par
trois doubles croches. Cette combinaison se nomme me- exemple, représente bien une durée deux fois plus
sure à six seizièmes, parce qu'elle est formée desixdonbles longue que la blanche , quatre fois plus longue que la
croches réparties en (Jeux temps. noire, mais non une durée absolue; enfin elle n'offre
Le système de mesures ternaires à divisions ternaires point à l'œil le signe sensible d'une fraction quelconque
de temps offre les combinaisons suivantes : du temps astronomique. Pour former une nomencla-
1° La valeur de trois blanches pointées ou de neuf ture complète de signes représentatifs de toutes les du-
noires renfermées dans l'espace des deux lignes perpen- rées possibles et commensurables de^ sons de la musi-
diculaires , et divisées en trois temps égaux de trois que, il aurait fallu les multiplier dans une proportion
noires chacun. Cette combinaison se nomme mesure à telle que l'imagination en est effrayée. Ceci nous con-
neuf quarts ou neuf quatrièmes Remarquez que dans cette . duit û des considérations d'un ordre plus élevé que ce
combinaison comme dans toutes celles de la même es- qu'on a vu jusqu'ici, et mérite toute notre attention.
pèce il n'y a point d'unité de mesure représentée par un Toute musique exprime une situation quelconque de
seul signe : c'est une défectuosité du système. Ce genre l'ame , un calme plus ou moins parfait, une sensation
de mesure est, comme on voit, divisé en trois temps, plus ou moins vive, un développement de passion plus
et chaque temps en trois parties. ou moins énergique; de là, une articulation plus ou moins
2° La valeur de trois noires pointées ou de neuf cro- lente, plus ou moins rapide de ses aceens : de là, enfin, ce
ches renfermées dans l'espace des deux lignes perpen- qu'on nomme le mouvement en musique. Avant qu'on eut
diculaires , et divisées en trois temps égaux de trois reconnu la puissance dramatique de cet art, les nuances
croches chacuo. Cette combinaison s'appelle mesure d de lenteur et de vitesse étaient bien
moins multipliées
neuf huitièmes. La noire seule y reçoit l'addition du dans ses mouvemens. L'examen de la musique ancienne
point. ne fait même apercevoir aucun signe destiné à marquer
3° La valeur de trois croches pointées ou de neuf ces nuances, surtout dans la musique d'église. Toute-
doubles croches renfermées dans l'espace des deux li- fois il est vraisemblable qu'elle n'en était pas dépourvue,
gnes perpendiculaires, et divisées en trois temps égaux et que la tradition suppléait au défaut de signe. D'ail-
de trois doubles croches chacun. Cette combinaison s'ap- leurs, si rien ne nous indique les nuances de mouve-
pelle mesure à neuf seizièmes. ment de la musique d'église et de cette musique mon-
Plus l'art s'est perfectionné ,
plus les combinaisons du daine à laquelle on donnait le nom de madrigaux, nons
temps et de sa mesure se sont multipliées. C'est ainsi ne pouvons douter que les chansons populaires et les
qu'après avoir trouvé successivement les divisions de airs de danse n'eussent des mouvemens déterminés de
mesures et de temps binaires et ternaires, on est arrivé lenteur et de vitesse. Si ces chansons et ces airs qui
à de certaines combinaisons où les temps peuvent être sont parvenus jusqu'à nous ne laissent apercevoir au-
à volonté non-seulement binaires ou ternaires, mais cunes traces de mouvemens divers, c'est qu'ils étaient
même où ils pussent se subdiviser en cinq, sept ou neuf connus de tout le monde. L'air modèle du peuple do
parties. Ces subdivisions facultatives ont lieu dans les Rome connu sous le nom de la romanesca, lu viltanflla,
mesures binaires à temps binaires, ou dans les mesures de Naples , la bourrée d'Auvergne , le branle du Poitou ,
ternaires à temps binaires; on les nomme triolets, quin- la sarabande espagnole, etc., avaient un mouvement
tuples, sextuples, etc.; elles ne sont qu'accidentelles. déterminé qui servait de modèle à tous les airs du même
Ainsi, la noire, non pointée, se divise en parties qu'on genre, Mais lorsque la forme des pièces de musique
représente par des croches, faute de signe spécial, ou changea et sortit du cadre étroit de ces types populaires,
en cinq, en six, en sept parties qu'on exprime par des il fallut trouver un moyen d'indiquer, au moins peu l'i
doubles croches à défaut d'autres signes. Ces divisions près, les mouvemens des nouvelles pièces de musique ;
ne sont qu'approximatives, surtout quand elles se trou- on imagina en Italie de se servir pour cela de certain»
vent contrariées dans les combinaisons de la musique mots tels que largo, adagio, maestoso s pour les mou-
par des divisions binaires ; mais leur exactitude est suf- vemens lents, andante , moderato, «//«greifo; pour les
fisante dans les mouvemens rapides. mouvemens modérés, allegro, vivace, presto, prestissimo,
Toutsystème qui vient d'être exposé n'est fondé,
le pour les mouvemens plus ou moins rapides l'usage do
concernant la division du temps et de la mesure en ces mots se répandit dans toute l'Europe, et il s'est cou-
musique, que sur des durées relatives, et les signes serve jusqu'aujourd'hui.
de ces durées ne donnent point par {eusrmèmes l'idée Or, grande est la différence de diirée entre une ronde
REVUE MUSICALE.
vagues, la lenteur réelle de chacune des nuances de len- s'agissait d'entendre enfin la symphonie avec chœurs
teur ou de vitesse? Il y a des adagios lents et de plus lents, de Beethoven, impatiemment attendue depuis plusieurs
des allégros vifs et de plus vifs; conséquemmentla ronde années, et sur laquelle des jugemens contradictoires
n'a point la même durée dans tous les arfag'ios ni dans tous avaient été portés par les critiques de l'Allemagne.
les allégros. Le besoin d'une mesure d'unité de temps se Jamais la salle de ces concerts célèbres n'avait offert
faisait donc sentir dans la musique ; souvent on avait une réunion si belle et si complète. Chacun , arrivant
essayé de fixer cette unité au moyen du chronomètre, avec ses penchans, ses opinions, ses préventions favo-
et surtoutdu pendule, donton variaitleslongueurspour rables ou contraires, était animé de cette inquiète préoc-
marquer les inouvemens ou rapides; mais tous les
lents cupation qu'il n'est donné qu'aux artistes célèbres de
constructeur? de chronomètres avaient eu pour but de faire naître au moment de livrer leurs productions au
ramener la mesure du temps i l'équivalent des mouve- jugement du public , et qui est déjà le prix du talent.
mens indiqués par les mots adagio, andante, allegro, etc., Le concert s'ouvrait par l'ouverture de Fidelio, com-
au lieu de prendre pour base de ceux-ci une fraction position dont le mérite est connu de tout le monde,
quelconque du temps astronomique ; en sorte qu'ils mais qui n'avait jamais paru si belle, parce que jamais
n'avaient jamais obtenu de résultat rationel. Un méca- elle n'avait été rendue avec une telle perfection. Ce ne
nicien hollandais, nommé "NVinckel, imagina enfin un fut pas seulement par l'exactitude et le fini de son exé-
mécanisme ingénieux qui avait l'avantage dont tous les cution que l'admirable orchestre se montra le digne
chronomètres à pendule lenticulaire étaient dépourvus, interprète des inspirations du grand artiste; un de ces
savoir, de rendre sensible par un échappement les temps rares instans de bonheur où l'étincelle électrique sem-
de la mesure, et qui donnait toutes les nuances de len- ble frapper à la fois tous les membres d'une grande
teur ou de vitesse par le seul déplacement du centre de réunion et leur communiquer les mêmes impressions,
gravité, en faisant glisser un poids le long do la verge le même esprit, la même ame, est venu donner li tous
du balancier. les exécutans une puissance d'expression, un dévelop-
S'emparant de cette heureuse découverte, M. Mael- pement d'énergie et de sensibilité musicale dont rien
zel, autre mécanien habile, prit pour unité de temps la ne peut donner l'idée. Aussi l'enthousiasme du public
minute, ou soixantième partie de l'heure, et forma une fut-il porté au plus haut degré : les applaudissemens se
échelle de proportion d'après laquelle la ronde, la blan- prolongèrent pendant quelques minutes.
che, la noire, etc., représentent des unités de temps, Après cette ouverture, Mlle Dorus chanta la grande
selon que l'une ou l'autre de ces valeurs appartient aux scène de Robin des Dois. On connaît mon opinion sur
divisions de la mesure , et la lenteur ou la vitesse de ces cette jeune cantatrice, et l'on sait que je ne lui ai pas
unités est en raison du nombre de vibrations de la verge épargné les éloges quand j'ai eu occasion de lui en don-
dubalancier dans la minute. Dès lors, l'usage des mots ner; mes critiques en cette circonstance ne pourront
italiens largo, adagio, andante, etc., est devenu inutile, donc passer ni pour sévères, ni pour injustes. Mlle Do-
et le système de la mesure du temps en musique a été rus n'a pas été à la hauteur de cette scène difficile, sur-
complet. Tel est l'avantage qu'a procuré l'invention du tout dans la deuxième partie. Sa voix douce et sou
métromone. Par lui, la valeur réelle des signes de durée accent expressif ont fait un très bon effet dans l'intro-
est déterminée, et par le système de ces signes, la va- ducliou ; mais dans le mouvement allégro et même
leur relative des divisions de la mesure est également dans le récitatif la force lui a manqué, et ses intonations
fixée. On ne pouvait arriver à une mesure exacte du n'ont pas toujours été d'une justesse irréprochable. Il
temps en musique sans le concours de ces deux choses. faut dans cette seconde partie de la scène une énergie
FÉTIS. d'expression dont Aille Dorus ne pourra se faire d'idée
qu'après qu'elle aura entendu Mme Schrœder-De-
REVUE MUSICALE.
vrient. Au reste celte scène est un écueil contre lequel ressources instrumentales. J'avoue que je ne connais
a échoué le talent de plus d'une cantatrice distinguée; - rien en musique qui soit aussi vaste, aussi colossal. Mais
Le basson un instrument de solo favorable
n'est pas on ne peut nier que l'oreille n'y est que rarement repo-
au talent d'un exécutant quelle que soit l'habileté-de
: sée par ces épisodes mélodiques qui ajoutent beaucoup
celui-ci, il ne peut faire disparaître entièrement les dé- à l'effet des choses grandes et fortes ,
par la puissance
fauts de justesse qui se font remarquer dans la partie des oppositions.
grave de son instrument. M. Yillent a beaucoup de net- Le second morceau de la symphonie est un scherzo
teté dans son exécution; sa langue articule bien avec ravissant d'esprit, d'élégance, d'originalité, de facture
les doigts; il y a plus dégoût dans son style qu'on n'en et de goût. Comme dans le premier morceau, le début
trouve ordinairement parmi les bassonistes : néanmoins semble y être une débauche de fantaisie musicale ; mais
il a fait peu d'effet, parce que toutes les intonations de ces sauts d'octave de tous les instrumens, qui semblent
l'octave basse ont été fausses dans k solo qu'il a fait d'abord promettre si peu de choses deviennent bientôt
entendre. le type d'un badinage léger, charmant, où l'attention ne
Dans la plupart de ses symphonies , Beethoven s'est peut se reposer un seul instant, continuellement excitée
montré l'homme des grandes conceptions; les écarts de qu'elle est par une multitude de traits inattendus, de
son génie même sont empreints d'un caractère de force surprises , de modulations et d'effets délicieux. Par une
et de grandeur qu'il est impossible de méconnaître. En de ces idées qui n'appartiennent qu'à Beethoven , la
avançant en âge , il s'était dépouillé peu à peu des con- deuxième partie du scherzo, qu'on appelle vulgairement
venances de goût et du désir de plaire qui avaient com- le trio, est en mesure à deux temps. Le motif en est
primé l'élan de son imagination dans ses premiers neuf et piquant, et la manière dont il est développé est
ouvrages. La solitude dans laquelle il vivait et l'accident une merveille de facture élégante et de brillante imagi-
qui, en le privant de l'ouïe , l'avait en quelque sorte sé- nation. On y remarque une modulation de hautbois qui
paré du monde , avaient augmenté l'indépendance de passe de re majeur en fa, et dont l'effet a excité un cri
ses idées et de sa volonté. Aussi voit-on se développer d'admiration dans tout l'auditoire.
graduellement l'individualité de sa pensée dans les ou- Dans l'adagio, le génie de Beethoven s'est encore ma-
vrages qu'il a écrits dans les dernières années de sa vie; nifesté par une nouveauté sans exemple. Deux thèmes,
mais c'est surtout dans sa symphonie avec diœur qu'il différons de caractère, de ton et de mouvement, y sont
a tranché les derniers liens qui l'attachaient à l'école de mélangés , et se succèdent sans cesse avec des variations
ses prédécesseurs. Lu, ce n'est plus seulement la nature et des modifications de tout genre. Ces thèmes sont
mélodique ou harmonique de ses idées qui a pris un ca- beaux et nobles, mais il résulte de la manière dont ils
ractère absolu de nouveauté bizarre; ce sont les formes sont enchaînés une sensation vague qu'on ne peut dé-
elles-mêmes du genre, formes dans lesquelles il se finir et qui fait naître la fatigue plutôt que le plaisir.
complaît d'autant plus qu'elles sont moins usitées.Com- Peut-être à-t-il besoin d'être entendu plusieurs fois
binaison prodigieuse des plus sublimes beautés et des pour être compris: bien que j'en aie étudié la partition
défauts de goût les plus choquans, de la raison la plus avant de l'entendre, je n'ose émettre sur ce morceau
forte et de l'aberration la plus complète , lu symphonie d'opinion formelle ; j'y reviendrai après l'avoir entendu
avec chœur est une production qui ne peut être com- de nouveau.
parée à aucune autre, car jusqu'aux choses les moins in- Ce n'est que dans le finale que le chœur se joint aux
telligibles et les plus condamnables, tout y décèle une instrumens. Quelle a été la pensée de Beethoven dans
puissance gigantesque. ce morceau ? voilà ce que je ne puis comprendre, mal-
Le du premier morceau ne semble d'abord
débit gré l'étude que j'en ai faite. Après une introduction où
qu'un jeu d'imagination, une sorte de facétie musicale ; le compositeur rappelle les thèmes des autres morceaux
mais pour peu qu'on y prête attention, on découvre que de la symphonie, et un développement tout instrumen-
Beethoven n'a voulu que préparerl'auditoire au rhythme tal, il arrive à un récitatif des violoncelles et des contre-
principal qui se fait entendre ensuite et qui se reproduit basses qu'il développe avec la prolixité qu'on reproche
dans le cours du morceau. Ce qui étonne le plus dans quelquefois à Beethoven ,
puis vient le chant d'une sorte
celle partie de l'ouvrage, c'est le grand caractère im- de choral qui doit se reproduire dans le chœur sur YOde
primé i l'ensemble de la composition comme i ses dé- à la Joie de Schiller. Enfin, après une longue attente,
tails. La péroraison est surtout remarquable par l'é- arrive l'entrée des voix par un récitatif de la basse solo,
nergie et le développement successif de toutes les et successivement toutes les voix et le chœur se produL-
REVUE MUSICALE.
senl sur le thème choral. Si l'on fait attention au sens élèves de M. Choron , bien qu'il eût été transporté au
des vers de Schiller, on ne trouve rien dans l'expres- centre de Paris, n'avait attiré que peu de
monde, malgré
sion musicale qui s'y rapporte; Beethoven en a même d'un programme où figuraient des chefs-d'œu-
l'attrait
bouleversé l'ordre. Mais l'étonnement s'accroît encore vre peu connus, et l'exécution remarquable des élèves
lorsqu'après les premiers dcveloppemens du chœur dans de l'Institution.
un mouvement grave, on rentre dans le domaine de Un psaume de Haendel Deo ), un trio de
( Jubilate
l'instrumentation pour passer par tous les degrés de la Clari (Addio, campagne amené),un choix des plus beaux
fantaisie la plus bizarre jusqu'à la caricature du thème morceaux du Requiem de Mozart, un madrigal sans ac-
principal en mouvement rapide dont la célérité s'ac- , compagnement, de Palestrina {Alla riva del Tebro), et
croît d'un moment à l'autre. Quelques éclairs d'un rare plusieurs morceaux choisis àam, Judas Macchabée, ora-
et beau talent percent à travers toute cette obscurité, torio de Haendel, composaient cette séance musicale.Unc
mais en général la latigue, oserais-je dire l'ennui, est excellente tradition d'exécution s'est fait remarquer dans
l'impression qui reste de tout cela. ces compositions, qui offrent de grandes difficultés pour
Un critique allemand, analysant cet ouvrage singu- le style et l'unsemble des masses. Parmimorceaux qui les
lier, a avoué qu'en le considérant sous le rapport de ont été le mieux rendus, nous avons remarqué 1° le :
l'expression de la parole , il est inintelligible ; mais qu'il trio de Clari, chanté avec l'expression naïve qui convient
devient clair si l'on entre dans la pensée de Beethoven; ù ce genre d'ouvrage, par M.Jansenne, et par Mlles Bai-
et selon lui cette pensée est celle-ci : rès et Massy ;
2° la prose du Requiem [Dies irœ ), qui a
I" partie : i" production et domination de la masse été rendu avec une rare énergie, inalgré le désavantage
instrumentale ;
2° vivifîcation de chaque instrument résultant de l'absence de l'orchestre. Mais c'est surtout
isolé ayant chacun une existence propre ; 3° trans-
, dans le madrigal de Palestrina que les élèves de M. Cho-
mission dcssentimens internes de l'homme; désir d'une ron ont déployé une rare habileté, autant par la justesse
satisfaction plus complète ; 4° développement du milieu parfaite de leur intonation que par la couleur de l'exé-
de l'instrumentation; fuite successive de tous les motifs cution. On conçoit quelles sont les difficultés d'un tel
L'orchestre du Conservatoire a fait un miracle d'exé- Il y a eu quelques morceaux bien rendus dans l'ora-
cution dans cette symphonie, à laquelle les orchestres orio de Haendel néanmoins ce n'est pas la partie de la
;
de l'Allemagne et de Londres ont renoncé. Toutes les séance qui a été la plus satisfaisante. Les jeunes artistes
difficultés, si grandes qu'elles fussent, ont été vaincues ont besoin d'étudier encore celte composition , dont les
avec un rare bonheur. Les chanteurs ont mis aussi beau- difficultés sont considérables. Au reste, bien qu'on re-
coup de soin dans l'exécution de cet ouvrage, sur le- connaisse dans Judas Macchabée le puissant génie de
quel je reviendrai. Haendel , nous avouons que ce n'est pas celui de ses
FÉTIS. ouvrages que nous préférons. On n'y trouve pas la va-
riété de style qui brille dans le Messie, dans la Fête d'A-
lexandre, et dans Samson.
INSTITUTION ROYALE DE MUSIQUE CLASSIQUE,
Le concert a été terminé d'une manière brillante par
D1XUg£e PAB U. CHOBOn.
le magnifique Alléluia du Messie. Les élèves de M. Cho-
Concert extraordinaire au bénéfice des élèves ron l'exécutent avec une énergie et un ensemble admi-
salle Taitbout, rue du Helder.
rables ; toutefois nous désirerions qu'ils en prissent le
(29 mars.) mouvemenlarec un peu plus de lenteur.En Angleterre,
Les effets de l'inquiétude des esprits se font sentir sur où cette lenteur est peut-être exagérée, les silences qui
tout ce qui est du domaine des arts; Paganini seul a suivent ces exclamations du chœur, Alléluia, font un
trouvé effet extraordinaire.
le secret de nous faire oublier les graves sujets
dont nous sommes préoccupés. Le reste des spectacles
et des concerts souffre plus ou moins. L'exercice des
REVUE MUSICALE.
SOIRÉE nrasicâLÉ , d'un avis unanime. Il faut donc croire qu'un morceau
séjour de Paganini dans capitale, essentielles l'avantage d'être d'une forme élégante et
concert pendant le la
l'homme qui possède d'aussi merveilleuses facultés. Ce- exécutera sur le piano plusieurs morceaux de sa com-
M. Mirô, jeune pianiste position.
pendant la tentatiTe hasardée de
espagnol, a été couronnée de succès, car ses compa-
— La troisième matinée musicale de MM. Bohrer
triotes avaient répondu à son appel, et s'étaient trou- frères aura lieu dimanche 3 avril, dans de les salons
vés en force au rendez-vous. Il faut dire aussi que M. Pape, heures précises, rue de Valois, n" lo.
à 2
M. Miro n'était pas seul pour opérer ce prodige; Garcia, On y entendra: i° quintelto de M. Onslow (n° lo,
Mme Raimbdulx,' puis MM. Sor, Bériot et Osborne, en fa mineur), exécuté par MM. Bohrer, Tilmant frères
et Urhan; a" grande sonate de Beethoven (en la majeur)
tous artistes distingués, ont eu chacun leur part de cette
victoire.
pour piano, avec accompagnement de violoncelle obligé
Garcia, toujours jeune malgré ses cheveux blancs, a exécuté parMme et M. Max-Bohrer; 3° air d'Oéeron, de
conservé une prodigieuse énergie; tout en lui laisse voir C.-M. Weber, chanté par Mlle Dulcken; 4° grand qua-
le grandartiste : il a été entraînant de verve dans le trio de tuor de Beethoven (n° i5, en mi bémol), exécuté par
Ricciardo et Zoraide. Dans ce même morceau, MmeRaim- MM. Bohrer, Tilmant et Urhan; 5" air de Don Juan, de
baulx a montré qu'elle a su profiter des leçons d'un Mozart, chanté par Mlle Dulcken; 6° nouveau grand duo
maître tel que Garcia : cette dame a déployé à plusieurs en ,deux parties, allegro et air varié, composé et exé-
reprises un talent remarquable, et particulièrement dans cuté par MM. Bohrer frères.
l'airSe m'abandoni, Mme Edwige , qui a chanté les va- On peut se procurer des billets chez M. Pape, rue de
riations de Rode , a paru dominée par une extrême ti- Valois, n° 10, ainsi que chez MM. Schlesinger et Frey,
midité , et cette considération nous a empêchés de con- noiarchands de musique.
cevoir une juste idée de la nature de son talent. — M. Boursault quitte l'entreprise de l'Opéra-Comi-
En écoutant M. Bériot dans cette soirée, nous avons que, et la cède à M. Lubber, moyennant une indem-
été convaincus de la nécessité absolue qu'il y a pour nité qu'il lui paye pour se charger de ce théâtre, fi
tous les violonistes de laisser oublier Paganini. M. Bériot funeste à ceux qui eu ont le privilège. De grands chan-
avait un fort beau talent il y a un mois; il faut croire gemens vont être faits, dil-on, dans le personnel de
qu'il n'a pas perdu depuis lors les qualités par lesquelles rOpéra-Comique, et même dans le genre de spectacle
il s'était rendu si remarquable, et cependant il ne fait qu'on y exploite. On parle d'un ballet où entreraient les
plus le même plaisir, il ne produit plus le même effet: danseurs rais à la réforme par le nouveau directeur de
lui-même ne paraît plus avoir le même calme, la même l'Opéra, et tandis que l'Opéra-Comique fait invasion
confiance dans ses forces. D'où vient ce refroidissement dans l'Académie royale de musique, le grand Opéra
de notre part, et cette émotion de la sienne, si ce n'est jcraittransporté enparlieau théâtre de la rue Monsignj'.
que nous avons encore la tête M. Os-
pleine de Paganini? Les dispositions acoustiques de cette salle sont peu
borne a très bien exécuté, avec M. Bériot, un duo de favorables à musique il est question de
l'effet de la :
leur composition pour piano et violon. M. Mirô a reçu modifications qu'on veut y faire. La scène serait portée
des applaudissemens mérités. en avant dans la salle , et serait relevée afin que les sons
Nul doute que MM. Sor et Aguado aient sur la gui- n'allassent plus se perdre sous le massif de la première
lare un talent remarquable; cependant, je dois l'avouer, galerie. Une clôture forcée de quelques jours aura lieu
le duo qu'ont joué ces messieurs ne m'a fait qu'une bien pour faire ces réparations.
faible impression. J'aurais pensé que j'étais mal disposé Enfin, il n'est bruit dans les coulisses de l'Opéra-
ce 9oir-ià si, après avoir confié à mes voisins la nature Comique que d'améliorations qui promettent à ce théâ-
de mes sensations, je ne m'étais assuré que nous étions tre des jours filés d'or et de soie. Chacun se forge d'à-
72
BEVUE MUSICALE.
Tance une félicilé qui le fait pleurer de tendresse. Quand l'avenir ils seraient embellis de plusieurs ouvertures ou
le mal au comble, tout changement paraît un biei).
est
<i symphonies à grand orchestre.
Mais c'est à l'user qu'il faut juger les choses et les «Cet orchestre, dirigé parM. Tilmant aîné, sera
homiijes. Vuscr de M- Lubbér à l'Opéra ne
npus a pas « composé d'environ cinquante artistes des plus distin-
donné une haute idée de sa capacité : attendons cepen- ,0 gués de nos grands théâtres, qui sont prêts à donner
Le quatrième concert de Paganini n'avait attiré « de cette société, fondée dans l'intérêt de l'art.
que peu de monde , bien que la vaste salle de l'Opéra « Ces concerts, montés à l'instar de ceux du Con-
eût été louée d'avance par des spectateurs. L'artiste cé- servatoire , reproduiront l'admirable musique de
lèbre a fa>t entendre de nouveau son premier concerto
y «Beethoven, Weber et autres grands maîtres, avec
( en mi bémol ) : il l'a exécuté avec la même habileté « une pert^ection qui, ne laissant rien à désirer, assi*
été applaudi ayec transport. Le succès a été le même « les sociétés de ce genre.
dans son morceau sur la quatrième corde et dans ses « Quoique son règlement fixe le nombre de ses mem-
variations. abres à 8o, la société du Gymnase musical laisse à la
On répand le bruit d'ime détermination prise par <i disposition de MM. les amateurs de cette belle mu-
plusieurs directeurs de théâtres de vaudeville et de mé- « sique ao places de sociétaires, à partir du i" février
de céder son entreprise à une compagnie qui transfor- toilettes des dame sornait la jolie salle St.-Je£|n, excel-
merait le drame et le vaudeville qu'on y joue en un lente pour la musique. A huit heures le concert a com-
spectacle purement lyrique. Nous ne doutons pas que mencé par l'ouverture d'Oberon; cette ouverture a été
tout cela n'eûtd'heureux résultats pour la musique fran- exécutée, comme celle de Guillaume Tell, avec une yerve
si tant est une préci^ion dignes des plus grands éloges; éloges
çaise ; mais pous pensons que ces résolutions, et
qu'elles aient été prises, sont prématurées. Il n'es^ qui s'adressent aux artistes qui composaient l'orchestre
presque pointpermisde douter que la liberté des théâtres ainsi qu'à M. Tilmant qui le dirigeait. Vandanit de la
ministre chargé de la police des spec- été entremêlés à ces grandes conapositions. Dans la par-
douteux que le
que M. d'Argout comprend la nécessité de la liberté ré- Mlle Mozel a donné particulièrement des preuves d'un
clamée de toutes parts, et qu'il fera des efforts pour grand talent dans des variations de Herz. Nous citerons
qu'elle soit accordée; mais il ne permettra pas qu'on dans la partie vocale M. Hurteau et Mme Boulanger-
s'en empare de fait. K.unzé, cantatrice agréable qui a fait grand plaisir
Condit. de l'Abonnem.
74 REVUE MUSICALE.
d'amateurs dévoués, n'ont point d'existence fixe et posi- meilleur effet de résonnance , et du style le plus simple,
tive. Dans les dernières années, on a vu deux villes de contiendrait un superbe amphithéâtre où dix-huit ou
France (Lille et Strasbourg) imiter les fêtes musicales vingt mille associés , souscripteurs à vingt-cinq francs,
de l'Allemagne, et obtenir des résultats assez satisfai- pourraient tenir, et autour de cet amphithéritre régne-
sans pour démontrer la possibilité de constituer solide- raient quatre ou cinq rangs de loges destinées à contenir
ment parmi nous ce genre d'institution. Paris a ses six ou sept mille personnes dont la souscription serait de
concerts du Conservatoire qui offrent dans un cadre de soixante francs par année. Les bStimens accessoires se
petite dimension le modèle de l'exécution instrumen- composeraient d'une salle de concert de grandeur ordi-
tale; mais ces concerts sont liés à l'école dans laquelle naire, de quelques salons d'étude, d'une bibliothèque,
ils recrutent une partie des exécutans, et rien ne prouve d'un dépôt d'instrumens, et de plusieurs autres bStimens
que cette école célèbre ne succombera pas un jour sous de service.
quelque prétendue mesure d'économie. D'ailleurs , in- La construction de cette grande salle et des bStimens
dépendamment de ces concerts , il serait digne de Paris accessoires , y compris l'acquisition du terrain, pourrait
de posséder une institution établie sur des proportions coûter environ iro«mi7/«o7W. L'association traiterait avec
plus larges, où l'on pût entendre des oratorios, de un entrepreneur ou une compagnie pour sa construc-
grands ouvrages de musique sacrée, et des symphonies tion, et elle en rembourserait le prix à raison de deux
exécutées par des masses considérables de musiciens, et cent mille francs par an, y compris l'intérêt. En vingt an-
qui fût à l'abri des caprices de l'autorité ou de son in- nées, sa propriété serait devenue libre de toute rede-
différence barbare. Voici ce que je proposerais à cet vance.
égard :
Le revenu de l'association se composerait, 1° du pro-
Une association composée de vingt-cinq mille person- duit de dix-huit mille souscriptions à vingt-cinq francs,
nes des classes les plus aisées de la capitale, serait formée ci 45o,ooof.
par une souscription annuelle de vingt-cinq francs, ce qui 2° D'environ sept mille souscripteurs de
donnerait un capital de sixcint vingt-cinq mille francs par loges à 60 fr., ci 420,000
an. Cette association aurait pour but d'établir de grands
870,000 f.
concerts qui auraient lieu de quinze en quinze jours
pendant les mois de décembre janvier, février, mars et
, A celte somme il faudrait ajouter le produit de tous
avril, et dans lesquels on n'entendrait que des ouvrages les concerts qui se donneraient dans la salle ordinaire
qui exigeraient de grands moyens d'exécution. Ces et des soirées et matinées de musique dans les salons
moyens se composeraient : i" d'un orchestre de cent particuliers, des bals, fêtes, etc., ce qui pourrait donner
soisante-dix-sept musiciens divisés de la manière sui- un produit d'environ trente mille francs, et formerait un
vante : 3o premiers violons, 3o seconds idem, 25 violes, total de 900,000 fr. environ.
3o violoncelles, 20 contrebasses, 4 Bûtes, 4 hautbois,
Les dépenses seraient distribuées comme il suit :
ce. qui, pour dix concerts par an, forme- concerts, les plus beaux qui seraient au monde ,
je crois
rait une somme de •• • • ^^jO^o qu'on avouera que la possibilité de ces vingt-cinq mille
Un concours serait ouïcrt parmi ces élè- souscripteurs n'est pas un rêve de l'imagination. En An-
ves pour remplir les places de titulaires, à gleterre, une pareille association serait formée en moins
mesure qu'elles deviendraient vacantes. de huit jours ; serons nous donc toujours si loin des An-
9° Un copiste et bibliothécaire à 2,000 fr., glais pour les grandes choses?
q\_ , 2,000 Je n'ai pas besoin de dire qu'il se formerait des as-
10° Frais de bureau 6,000 sociations semblables dans les départemens pour fonder
n' Contrôlçursdelaportcetouvreuses. 6,000 des écoles et des sociétés philharmoniques, en gardant la
i3° Chauffage et éclairage 20,000 ces écoles et de ces sociétés philharmoniques , on aurait
14° Entretien des instrumens, acquisi- des exécutans en nombre suffisant pour fonder de
tion de musique, copie, etc 10,000 grandes solennités musicales à de certaines époques, en
i5° Frais divers imprévus 10,000 réunissant les ressources de plusieurs départemens tantôt
dans un lieu, tantôt dans un autre. La France aurait
Total 5^5,400
bientôt acquis dans la musique une supériorité incon-
Si l'on joint à cette somme celle de deux cent mille testable, et le sort des artistes serait à l'abri des caprices
pital de cent vingt-cinq mille francs de rente, suffisant pour seul qui eût survécu: successivement Rousseau, Du-
le service de toutes les pensions, si l'on a égard aux décès frêne, Laforêt, Laine, Mlle Maillard, Mlle Armand,
qui surviendraient dans ce long espace. Ce capital une Adrien, Chéron et sa femme, avaient cessé de vivre;
fois acquis, et la salle payée, il resterait chaque année la mort de Lays vient de faire disparaître le dernier dé-
une somme de plus de trois cent mille francs disponible bris de cette ancienne école de l'opéra de Gluck et de
qui , en vingt autres années, au moyen de l'intérêt com- Sacchini.
posé, donnerait à l'association un revenu suffisant pour Né le i4 février 1758, dans un village de l'ancien
être indépendant de toute souscription , et pour fonder diocèse de Coinminges, nommé la Barthe de Nestès
une «cole-modèle inattaquable dans son eiistence. François Lay, dit Laïs, entra en qualité d'enfant de
On dira sans doute que tout ce calcul pèche par la chœur dans le monastère de Guaraison, dont le maître
base , et que la difficulté radicale consiste à trouver vingt- de chapelle dirigeait d'assez bonne musique pour ce
cinq mille souscripteurs à 25 francs. Je ne crois pas cette temps. L'éducation musicale que recevaient les élèves
difficulté aussi grande qu'on pourrait le penser. C'est dans ces sortes d'écoles n'était pas brillante, mais elle
quelque chose de grand, de magnifique, d'inouï dansles était solide, et l'on en sortait ordinairement bon lecteur.
temps modernes qu'une assemblée de vingt-cinq mille Lorsque Lays eut atteint l'âge de dix-.sept ans, il se ren-
personnes assises en un lieu couvert et décoré avec goût dit à Auch pour y terniiner ses études par un cours de
réunie pour entendre de belles compositions exécutées philosophie; mais le goût de Iq solitude le ramena bienr
avec perfection par cinq cents musiciens; car on pour- tôt ù Guaraison , où il.se livra li l'étude de la théologie.
rait, sans grande augmentation de dépense, porter à ce Il possédait une vojx de ténor grave de la plus grande
nombre les exécutans, au moyen des élèves des écoles. beauté; cet avantage le détourna du dessein qu'il avait eu
Il y a là de quoi exciter l'ame la plus froide, et de quoi d'abord d'embrasser l'état ecclésiastique, et il
flatter la vanité nationale. Si l'on songe d'ailleurs ù cett^ monastère pour se rendre à Toqlouse , d^n$
7G REVUE MUSICALE.
Étudier le droit. Il ne resta qu'un au dans cette ville ; la les bords de la Loire, an village d'Ingrandes, à quel-
beauté de sa voix avait l'ait du bruit, et l'on s'accordait ques lieues d'Angers; ses dernières années s'y écoulè-
à classer Lays parmi les plus habiles chanteurs, bien rent en paix.
lu'il n'eût que des notions assez faibles de ce qui consti- Lays avait été premier chanteur de la chapelle de Na-
tue l'art du chant. A celle époque, on n'était point en poléon, depuis 1801 jusqu'en i8i5; mais lors de la
vain propre à contribuer aux plaisirs de la cour; une réorganisation de cette chapelle, à la seconde restaura-
lettre do cachet enjoignit i Lays de se rendre à Paris tion , on lui fit un crime de certaine exaltation républi-
pour y être essayé à l'Opéra. Il arriva dans cette ville au caine qu'il avait manifestée pendant la révolution , et
mois d'août 1 77g, et ses débuts eurent lieu au mois d'oc- son emploi lui fut ôté.
y prendre part, il se retira. En 1819, il rentra à l'Ecole vantes, pour toute réponse aux allégations dirigées
royale de chant et de déclamation, dont l'organisation avait contre moi. La salle de l'Opéra était à ma disposition
succédé à celle du Conservatoire ; mais le désir de jouir dimanche prochain ,
pour donner un de mes concerts,
enfin du repos dont il sentait le besoin après de si longs et je n'ai pas hésité à la céder, pour les préparatifs du
travaux, lui demander sa retraite définitive,
fit et il bal de la garde nationale qui doit avoirlieu le lendemain,
l'obtint au mois de décembre 1826. Ce fut alors qu'il et cet abandon est pour moi un sacrifice , ou au moins
partit de Pai is pinir alleï'«e fixer dans une habitation sur un ajourneiiicnt de bénéfice de i5 à 20,000 fr.
REVUE MUSICALE.
J'ajouterai qu'à Vienne, à Berlin et dans toutes les Bien qu'Eurianlhe ne soit pas le meilleur ouvrage de
villes où je me suis arrêté, je me suis fuit un devoir de Weber, il s'y trouve plusieurs morceaux dignes de l'au-
jouer pour venir au secours des infortunés. Ce n est teur de Frey.iehûtz. M. Castil-Blaze , en a augmenté le
certes pas ù Paris, où le public m'a prodigué tant de nombre en y introduisant la délicieuse barcarolle A'Obe-
témoignages de bonté, que je suivrai une marche diffé- ron, un joli duo et la marche originale du même opéra.
rente, et en conséquence je vous prie, monsieur, de Un air de M. Meyerbeer, chanté par Mme Damoreau, a
vouloir bien annoncer dès à présent que le produit d'une jeté aussi de la variété de style dans le troisième acte.
de mes soirées dans la salle de l'Opéra sera consacré Mais on ne peut nier que le récitatif de cet ouvrage n'ait
tout entier au soulagement des pauvres de cette capitale. de la monotonie, que les modulations ne soient multi-
Agréez, etc. pliées d'une manière bizarre et sans nécessité dans plu-
NiCOLO FAGAniIil. sieurs morceaux, que la plupart des phrases ne man-
C'était une idée fort malheureuse que celle de faire quent de liaison et de rapport; enfin que les cris n'y
exécuter par un artiste tel que Paganini un ou plusieurs tiennent trop souvent la place de la mélodie. Le génie
morceaux dans une salle disposée pour un bal, et au de Weber se fait remarquer dans un foli duo chanté par
milieu, d'un public rassemblé pour danser. Elle n'a pu Mmes Dabadie et Damoreau, dans deux choeurs et dans
naître que dans la tête d'hommes absolument étrangers quelques passages isolés; mais le duo chanté par ma-
à la musique. La résolution prise par le virtuose est dame Dabadie et son mari, l'air de Nourrit, celui de
plus convenable sous le rapport du respect qu'il doit à Dabadie , me paraissent être des erreurs du compositeur.
son talent, et plus digne de sa philantropie. Il paraît, au reste qu'on en a porté le même jugement
,
abandonne l'infldèle. Il n'y a rien de bien piquant dans rianthe convient peu à la nature de son talent, il y faut
un pareil sujet ; néanmoins on s'y est obstiné parce qu'il une certaine force dramatique qui n'est point en elle ; le
offre quelques situations dramatiques. Au théâtre, il est genre gracieux et léger est le seul qui lui convienne.
fâcheux d'arriver le dernier pour exploiter une idée, fut- Mme Dabadie est toujours bien placée dans les choses
elle excellente d'ailleurs. Après les succès A' Ariodant, qui demandent de l'énergie ; aussi s'est-elle bien ac-
et surtout de Montana, il n'y a plus d'espoir d'exciter en quittée de sa tâche dans Eurianthe, bien que son rôle
France une vive curiosité pour les infortunes imagi- soit peu propre à faire briller le talent d'une cantatrice.
naires de quelque Ariodant, de quelque Montana nou- Dabadie s'est aussi distingué dans le rôle de ma foi,
veau; aussi la belle Eurianthe et son amant, et sa per- le nom m'échappe; mais peu importe ; l'objet important
fide amie, et les fourberies du rival, n'ont-ils fait naître est de constater le succès de l'acteur.
qu'un médiocre intérêt à la première représentation de A l'exception d'une sorte de romance dont l'instru-
l'ouvrage de Weber, qui a été donnée le 6 de ce mois. mentation est ravissante, et d'un petit nombre de traits
Quelques scènes inadmissibles sur un théâtre français épars , la musique d'Eurianthe est peu favorable au
avaient été retranchées par le traducteur; mais celui-ci talent de Nourrit : il a tiré de son rôle tout le parti pos-
n'a pu faire que ce qui est usé redevint neuf, ni que ce sible.
qui manque d'intérêt dans la pièce originale en acquit Les chœurs ont manqué d'aplomb et de justesse en
dans la traduction. Il a fait tout ce qui se pouvait , il n'a plus d'un endroit; ce qu'il ne faut attribuer qu'à la pré-
uiencer souvent une pareille épreuve; la belle exécution ric-Lalande dans Tancredi, et y a été bien accueillie du
de l'opéra se perdrait bientôt. public, quoiqu'il fût évident que la crainte avait paralysé^
L'orchestre m'a paru exécuter plusieurs choses avec une partie de ses moyens. Sa voix, qui est un soprano
négligence; ce qui, au reste, peut se concevoir faci- sfogato, a de l'élendue, car elle monte avec facilité jus-
lement après tant de fatigues causées par les répétitions qu'au contre ré, et ne manque ni de douceur, ni de
de l'ouvrage et des concerts de Paganini. Je conseille force. Quelquefois , elle la jette avec trop d'éclat au
au premier cor qui accompagne la barcarole chantée par milieu d'un trait piano; mais, en général, elle montre
Mme Dabadie de ne point changer ce qui a été écrit par dans son chant le résultat d'une bonne éducation mu-
Weber, car ce qu'il y substitue gStele caractère de cette sicale et d'un sentiment d'expression très profond. Assez
jolie composition. Le trait est difficile, je le sais, mais il faible dans sa cavatine,elle s'est relevée dans le premier
est exécutable. duo avec Mme Malibran, et surtout dans le finale du
FÉTIS. premier acte ;
elle a fait des choses de très bon goût et
avec une facilité qui est d'un bon augure pour la suite
de ses débuts. Il y a eu un peu de timidité dans la ma-
THÉÂTRE ITALIEN. nière dont elle a chanté son air du deuxième acte; mais
Rentrée de Ladlacbe et de Dwid dans i.» Gaua ladra, dans le fameux duo, Lasciami, elle a secondé i merveille
—Début de M"'" VïsrERMANH dans Tamcredi. Mme Malibran et a mérité les applaudissemens du pu-
Lablache et David sont rentrés au ThéStrc Italien blic. En résumé, Mme Vespermann est une cantatrice
après une absence de deux mois, absence qui avait in- fort distinguée i laquelle il ne manque qu'un peu plus
flué considérablement sur l'empressement du public, et de confiance dans son talent et l'habitude de chantera
partant sur les recettes. Le premier de ces deux chan- Paris. Je crois aussi que sa santé a été pour quelque
teurs, surtout, a imprimé un tel cachet de supériorité chose dans les endroits faibles de son chant; car sa
sur tous les rôles dans lesquels il s'est montré, qu'il les respiration est courte dans les momens d'agitation. Sa
a rendus inabordables pour tout autre. justesse d'intonation est parfaite.
La représentation de la Gazza Ladra dans laquelle ils Mme Malibran est toujours admirable dans le rôle
ont reparu mardi dernier a été vraiment éblouissante. de Tancredi; elle lui donne une couleur à la fois mé-
Comment dire tout ce que cette exécution a eu de mer- lancolique et passionnée qui la diiitingue essentielle-
veilleux! Mme Malibran a été sublime, et comme can- ment des cantatrices les plus habiles. Elle a été parfaite
de ces accens qui vous serrent le cœur : au second acte du chant (|ue sous celui de l'intelligence de la scène et
surtout c'étaient des élans de génie à la tuer sur le coup. du jeu de physionomie.
Il est juste de dire que Bordogni a chanté avec beau-
Dans duo avec le Podeslà, celui avec Gianetio et la
le
grande scène du jugement, quelle passion, quel en- coup de verve et de goût le duo du second acte avec
traînement !
Mme Malibran. Il a dit surtout, avec un rare bonheur,
Mais aussi comme Lablache entraîne ! où trouver une la deuxième reprise de la phrase : Il vivo lampo. Le pu-
blic lui a témoigné sa satisfaction lorsqu'il a reparu sur
meilleure figure de Podestà? plus important et plus
luxurieux? quelle admirable vois et quel aplomb mu- la scène.
de la représentation. Il a été brûlant de verve dans le tains salons, des talens que j'étais tout émerveillé d'y
duo de la prison. Zucchelli était en voix et a supérieu- rencontrer et qui pourtant n'étaient que des talens d'ama-
rement chanté le rôle de Fernando. teurs; mais d'amateurs artistes, qui ont de belles voix
Les chœurs ont seuls apporté' quelques taches à cette qu'ils savent bien poser, qui vocalisent nettement et qui
représentation, qui a été l'une des plus parfaites que sentent vivement : ceux-ci malheureusement sont les
nous ayons entendues. plus rares. Ce sont de vrais trésors enfouis, des perles
Mme Vespermann, cantatrice attachée à la cour de dans la mer- Il faut les découvrir; car il n'est donoé qu'à
Bavière, et élève deWinter, vient de remplacer Mme Mé- uri petit nombre d'élus de les approcher,
REVUE MUSICALE.
En voyant sur le programme du concert dont je yais avec des symphonistes dont l'aîné n'a que onze ans et
sous ce même nom j'avais entendu jadis, en petit co- sant de voir cette petite famille avec son aplomb mu-
mité, un jeune homme qui possédait une belle voix de sical et sa gravité toute comique, exécuter tant y«sie que
basse et une excellente manière de chanter. Et en effet, faux, mais tout d'une haleine, des morceaux difficiles.
c'est bien mon jeune homme que j'ai retrouvé d'ama- : Nous sommes fâchés de dire qu'il y avait fort peu de
teur-artiste, il s'est fait artiste-amateur, tant mieux monde à ce concert.
pour le public. M. Stéphen a chanté deux duos, l'un de — MM. Bohrer frères donneront le dimanche 17 avril
Guillaume Tell et un autre de Sémiramide , puis un air à deux heures, leur quatrième et dernière séance mu-
de Pacini et le quatuor de La Donna del Lago ; et dans sicale, dans les salons de M. Pap^ rue de Valois. Les
tous ces morceaux il a fait remarquer de précieuses qua- amateurs de bonne musique regretteront que MM. Bohrer
lités. A un timbre de voix agréable et sonore, M. Stéphen ne prolongent pas davantage leurs intéressantes mati-
joint une grande facilité d'exécution et beaucoup de nées. On trouve des billets d'entrée chez MM. Schlesinger
sûreté dans l'intonation. Le seul reproche que j'aie à lui et Pleyel, éditeurs de musique.
de ne point assez animer la plupart de ses mor-
faire est — Le sixième concert du Conservatoire sera donné
ceaux; je l'engage à perfectionner cette partie de son ta- dimanche loavril. Le programme est composé comme
lent, et je lui prédis de brillans succès. il suit:
J'ai déjà dit ce que je pense du talent de Mme Raim- 1° Symphonie de M. Onslow.
baux; il ne me reste qu'à confirmer aujourd'hui l'opi- de Mercadante chanté par Mme Mori Gosselin.
2° Air
emparée d'une place vide en musique, et je la crois ca- chanté par M. et Mme Dabadie.
pable plus que tout autre de la bien remplir. Toutes les 5° Solo de violoncelle, par Romberg, exécuté par
célébrités chantantes brillent au théâtre, c'est Mme Raim- M. Chevillard.
baux qui la première s'abstient des succès de la scène. 6° Grand final de Fidelio, de Beethoven; les solos se-
M. Boulanger et Mme Boulanger-Kunzé ont chanté le ront exécutés par MM. Dabadie, Al. Dupont, Prévost,
duo de Guillaume Tell, Wartel, et Mmes Dorus et Falcon.
J'aime M. Urhan et son alto , parce que tous deux 7° Ouverture du Roi Etienne, par Beethoven.
forment un individu complet et d'une physionomie à — La clôture momentanée de l'Opéra-Comique a eu
part: je ne concevrais pas M. Urhan sans son alto, comme lieu jeudi dernier, et selon toute apparence, elle se
je ne comprends pas l'alto sans M. tJrhan. Je n'ai donc prolongera quinze jours environ. Ce temps sera em-
pas besoin d'ajouter que cet habile artiste a fait le plus ployé à faire dans l'intérieur de la salle des travaux ten-
grand plaisir. M. Dorus a très bien joué de la flûte ; avec dans à la rendre moins défavorable à la musique; les
des études sérieuses, il doit acquérir un beau talent. combinaisons acoustiques ayant été mal calculées dans
Quanta Mme Becquié, qui a joué du piano, je lui con- la précédente construction. Un concours est ouvert pour
seille de se donner moins de mouvement: il n'y a pas de améliorer l'orchestre et les chœurs qui étaient tombés
plaisir possible lorsqu'il semble qu'un artiste s'acquitte dans un état complet de désorganisation.
d'une tâche pénible. •
— Deux concerts ont été donnés à l'Opéra dans le
M. Panseron a terminé la soirée par quelques-unes courant de la semaine sainte. L'un a eu lieu le ven-
de ses jolies Romances que M. Brod a accompagnées de dredi i" avril, et l'autre le dimanche 3. Dans le pre-
son hautbois. mier, Paganioi a rejoué son concerto avec accompagne-
L'assemblée était nombreuse. ment de clochette. Il a été merveilleux comme de
— Les tout petits artistes nom de Koëlla dont nous
du coutume : toujours même prodige, même miracle ,
avons parlé dans l'un des derniers numéros de la Bnue toujours Paganini enfin. Quelle profonde mélancolie
musicale, ont donné le i" de ce mois un concert dans la dans ses variations sur la quatrième cordé ! Jamais peut-
salle du Gymnase. Ils ont exécuté plusieurs quatuors et être il n'avait arraché tant de l'armes. L'ouverture i'O-
chanté quelques airs suisses à quatre parties sans accom- héron et celle de Fidelio ont été exécutées à ce concert.
pagnement. On n'a pas droit de se montrer bien exigeant A propos de l'ouverture à& Fidelio, j'ai entendu dire
80 REVUE MUSICALE.
laquelle il a été aussi prodigieux que jamais. le titre de divertissement, il n'a point été composé ori-
— MlleLeonarka Neuman, de Varsovie, violoniste ginairement pour être exécuté sur le piano, Weber l'a
célèbre, 5géc de onze ans, donnera dimanche, lo avril, tiré d'un quatuor pour piano, violon et violoncelle, qui
à deux heures, un grand concert vocal et instrumental, sera inséré dans la neuvième livraison de la collection
patriotes. Elle a obtenu les plus grands succès ù Vienne (en mi bémol) qu'on peut classer parmi les bonnes
et à Berlin : elle espère n'être pas moins favorablement compositions du genre. Lorsque Weber l'écrivit, il était
Recueillie en France. déji dans la force de son talent. L'orchestre y est instru-
De hautes notabilités et des amis de l'humanité et de mentéavec cette connaissance approfondie des effets qui
l'indépendance polonaise se sont empressés de prendre s'est fait remarquer dans les partitions de Freyschiitz et
des billets, dont le prix est de 6 francs. d'Oberon. Par une singularité qu'il est diflicile d'expli-
On se les procure chez MM. Schlesinger, rue de Ri- quer, ce concerto n'est connu on France, et même en Al-
chelieu, n°97; Roitiagnesi, rueVivienne, n" 21; Cassin, lemagne, que d'un petit nombre d'amateurs.
agent général du comité polonais, rue Taranne, n° la; Dans la collection de M. Sclilesinger, on trouve à la
suite de ce concerto un morceau également accompagné
«t au bureau, rue Taitbout, n° 9.
de l'orthestre, quoiqu'il soit désigné sous le titre de Mor-
ceau de salon. Sans être bien neuves , les idées en sont
Publications instrumentales. jolies, et remplies de mélodies gracieuses.
Collection complète des OEuvres composées pour le Les huitième et neuvième livraisons contiendront
6°' et 7°' livraisons ; aussi plusieurs compositions intéressantes de l'auteur de
piano par Ch.-M. de Weber,
Paris, Maurice ScHLESiKGEa, éditeur de musique, Ijiobin des Bois,
que ce musicien distingué n'a transmis d'autres gages Nouveau quadrille sur les airs de Pompeja pour piano , avec flûte ou
de son talent à la postérité que ses derniers opéras. Cette violon, ad libitum. —S tr. 7S c.
opinion est une erreur. Bien que la musique de piano de Vingt-quatre études pour le piano , dédiées à son altesse royale Marie
ce compositeur ne soit pas à la hauteur des inspirations d'Orléans, par J. Zimmerman, op. 21 ;
1" livraison. — ^i fr.
de Freyschàtz, d'Earianthe et d'Oberon, elle est cepen- Recueil de valses, dédié à M. Massimino, par Pensotti. —4 fr. SO c.
dant digne de beaucoup d'intérêt on y distingue les prer ; A Paris, chez Laonee, boulevard Montmartre, n. 14.
dans un de ses ouvrages, il dit qu'il était enfant de chœur présentée quatre-vingt-treize fois dans une saison , et
en 1757. Quelque temps après, il fut attaché an chœur elle a été reprise souvent depuis.
de la cathédrale de Winchester, et y reçut des leçons de Les ouvrages que fit ensuite M. Dibdin furent écrits et
musique et de plain-chant de M. Fussel, organiste de composés par lui seul. Les plus célèbres sont the Wa-
l'église; mais c'est, disait-il, à l'étude des ouvrages de terman (le Batelier) , the Quaker (le Quaker), the Dé-
Corelli et des écrits théoriques de Rameau qu'il devait serter (le Déserteur), traduit du français, et Liberty
ses connaissances en composition. Au commencement Hall (le Palais de la Liberté). Plusieurs airs de ces opé-
de sa carrière musicale , il se présenta comme candidat ras, principalement de Liberty-Hall, sont devenus po-
pour la place d'organiste de Waltham , dans le Hamps- pulaires.
hire ; mais il fut écarté à cause de son extrême jeunesse. Le terme de son engagement pour Drury-Lane étant
Bientôt xiprès, il se rendit à Londres : il y était depuis expiré , et quelques diiférens s'étant élevés entre lui et
ipeu,,etavaitàpeine seize ans lorsqu'il fut engagé comme Garrick, il résolut de se rendre indépendant des direc-
chanteur au théStre de Corent-Garden. Les rôles qui lui teurs de spectacles, et se hasarda à établir à Exeter-
furent confiés étaient peu importans et le firent peu Change une nouvelle espèce d'amusement, consistant
connaître, jusqu'à ce que la manière dont il joua celui en marionnettes musicales, qu'il annonça sous le nom de
de Ralph, dans the Maid ofthe Mill (la Fille du Moulin), the Comic Mirror (le Miroir Comique) Ces marionnettes
fixa sur lui l'attention du public. Dans la saison de 1 762 représentaient des caractères connus, et quelque
,à 1765, il fit représenter à Covent-Garden la pastorale faisaient allusion à des personnages politiques. Il
82 AEVtJË MUSICALE.
tit aussi pour le théâtre de Sadler's-Wells une grande trompettes manquée. Il y a de l'art dans Beethoven,
quantité de bagatelles, et à l'ouverture du théûtre appelé parce qu'il y a de la conscience ; c'est la conscience por- ,
te Cirque royal j il eut un engagement comme directeur sonnifiée, la conscience en chair et en os, avec d'im-
et compositeur. Cela ne dura toutefois qu'une saison ;
menses facultés et une intelligence supérieure. Il y avait
quelques difficultés étant survenues, la société fut dis- de la conscience dans une représenlalion de FiUelio, avec
soute, et Dibdin ne retira qu'une perte assez considéra- Mme Schrœder et Uaitzinger. Il y en a dans une ode de
ble de ses efforts. Victor Hugo ou , bien dans une esquisse de Lacroix.
Dans l'année 1788, il publia un livre intitulé A musi- Le métier, il est à l'Opéra-Couiique, dans une parti-
cal tour througliEngtand (Voyage musical en Angle- tion de M..., et chez la plupart des exécutans. Il est
terre), Londres, in-12, dans lequel il donne des ren- aussi chez des faiseurs de contredanses, comme dans un
seignemens assez curieux sur l'état de la musique dans tableau de Oubuffe , ou dans un poème de M. B...
du seul air Poor Jack (Pauvre Jacques ) , qu'on a aussi bien des obstacles devaient entraver leurs essais. D'a-
chanté en France à cette époque. En 1790 , il prit à bail bord c'était presque chose convenue que pour des oreil-
le' local appartenant i\ la société Polygraphique , et y les parisiennes, une musique, quelque admirable qu'elle
éleva un théâtre , sur lequel il fit représenter, 1° Private fût, semblerait grotesque sous des paroles allemandes.
ihealricals (les Secrets du théâtre); 2° the Quizzes (les Les dandys de la capitale, bien convaincus du ridicule
Mauvais Plaisans); Tf'Castles in the air (les Chflteaux en d'une pareille tentative , se promettaient d'avance de
l'air) ;
4° Great Netus (les Grandes Nouvelles); 5° Christ' faire mille plaisanteries; mais aux premières mesures de
mas Gambols ( les gambades de Noël). l'introduction de FreyschàU, toutes les préventions tom-
Sa réputation était si bien établie, qu'il résolut d'où - bèrent d'elles-mêmes, et l'énergie de l'exécution ra-
vrirun nouveau théûtreA Luycester-Place, qu'il nomma mena les plus défavorablement disposés.
Sans-Souci , et où il donna dix opéras-comiques. Apre L'exécution était loin d'être parfaite aux premières
5
avoir travaillé pendant quarante-deux ans pour les di- représentationsde la troupe allemande, Haitzinger et les
vers théâtres de Londres., il s'est retiré vers 1804. Le chœurs étaient ce qu'il y avait de plus remarquable ; le
nombre de pièces sur lesquelles il a mis de la musique premier par sa belle voix de ténor et sa chaleur entraî-
s'élève ù près de quatre-vingt-dix, qui contiennent plus nante, et les choristes par une rare énergie. Mme Fis-
de neuf cents airs sur la coupe anglaise, outre les mor- cher, bien qu'elle fût une cantatrice agréable, n'avait
ceaux d'ensemt)le. composé quelques œuvres
Il a aussi pas les moyens suffisans pour soutenir à elle seule tout
de sonates de piano et d'autre musique instrumentale. le poids d'un répertoire fatigant. Un second soprano
Comme prosateur, il a publié un assez grand nombre rt}anquait, et l'on n'avait pas de basses; cependant mal-
d'ouvrages, parmi lesquels on remarque uncj histoire de gré ces taches dans l'exécution, et l'absence de moyeng
la scène anglaise {History oftlie stage) , Londres, i^gS, matériels, malgré le désavantage d'un orchestre mé-
et les mémoires de sa vie, Londres, 1802. diocre , les artistes étrangers n'en obtinrent pas moins
de brillans succès; Freyichuiz, et surtout Fidelio, furent
applaudis avec transport.
THÉÂTRE ALLEMAND. L'année suivante, de notables améliorations eurent
J'aime la conscience dans les arts, parce que la con- lieudans la composition de la t;oupe chantante du di-
science, c'est l'art lui-même; mais fi du métier! c'est une recteur allemand. Haitzinger, Mme Fischer et les cho-
hideuse lèpre. Je hais le comme un juron dans
métier ristesrevinrent; mais Mme Schrœder vint aussi, et
une jolie bouche de femme, ou comme une attaque de donna une physionomie nouvelle à tous les opéras dans
RÈVlE MUSICALE. 83
lesquels elle se montra. On n'a pas oublié le délire Ries ; Faniska, Médée , de Chérubini ; la Barbe Bleue, de
qu'elle excita dans la sublime partition de Beethoven; Grétry et Fischer; Iphigénie, de Gluck ; Don Juan, les
Mme Schrœder et Fidetlo sont encore dans toutes les Noces de Figaro , la Flûte enchantée, l'Enlèvement du Sé-
mémoires, ce sont deux chefs-d'œuvre inséparables. rail, de Mozart ; la Meunière, de Paisiello ; le Barbier de
Mme Roland chantait fort agréablement des rôles moins y Mage, de Schenk.
împortans ; l'exécution enfin était plus parfaite. Les L'orchestre, confié aux soins de M. Girard, sera le
basses manquaient cependant encore, et 'Woltereckt, même que celui du TbèStre-Italien.
qu'on avait pompeusement annoncé ,
perdit sa voix en La partie des chœurs, si importante dans les opéras
route , et fit un fiasco complet. allemands , a été l'objet d'un soin particulier : ils seront
A quoi attribuer ces succès et l'enthousiasme qui ac- exécutés par d'excellens musiciens, avec la vigueur
cueillit les chefs-d'œuvre de Weber et de Beethoven , si qu'on a pu remarquer les années précédentes.
ce n'est à leur consciencieuse exécution? Les chanteurs Les représentations auront lieu , comme celles ita-
allemands n'ont pas fait du métier; voilà leur secret. Et liennes, les mardi, jeudi et samedi. L'ouverture se fera
puis, ils ont tous une organisation musicale, ou plutôt le 3 mai prochain.
une habitude de musique qui date de l'enfance, et que
la
plus que les autres nations une haute idée de l'art en quête de la Grèce par les Romains ; l'autre traite de la
lui-même, ce n'est pas chez eux un objet de spécula- composition du chant et du rhythme. De tels objets
tion , de métier, c'est œuvre de conviction, de conscience. sont dignes du plus grand intérêt, et peuvent jeter
Telles furent les causes de succès de la troupe alle- beaucoup de lumière sur une foule de choses restées
mande ; et il ne faut pas s'y tromper, si les artistes fran- jusqu'ici dans l'obscurité et livrées aux conjectures des
chose, sont pris au sérieux; on veut de la conviction tué dans ses lacunes, a été publié dans le premier vo-
dans leur pratique, comme on veut de la bonne foi en lume des manuscrits d'Herculanum, est de peu d'inté-
politique. C'est l'apparition d'une troupe d'acteurs ita- rêt; car ce n'est qu'une sorte de satire contre les abus
liens qui a changé la vieille et lourde méthode du chant et les inconvéniens de la culture de la musique. S'il est
français ; c'est à des chanteurs allemands que nous de- digne de l'attention des érudits , c'est par les excellentes
vrons de savoir ce que c'est que la conscience et la bonne notes dont il a été enrichi par les savans antiquaires qui
foi musicale. l'ont publié. Il n'en sera pas de même des deux ouvrages
La troupe sera plus complète cette année que les pré- dont il s'agit, car ils sont destinés à fournir une multi-
cédentes, elle se composera de MM. Haitzinger, ténor, tude de renseignemcns sur des faits oh entièrement
de Carlsrhue; Velter, idem, de Darmstadt; Irmer, idem, ignorés, ou sur lesquels nous ne possédons que des no-
idem; Wieser, idem, d'Aix; Herget, idem, idem; Fischer, tions incomplètes ou inexactes. On doit donc désirer
baryton, de Darmstadt; Genast, idem, de Weimar; vivement que le travail difficile et long du déroulement
Rrebs, basse, de Vienne; Furst, idevi, deiStulgard; de ces rouleaux charbonnés soit terminé promptement,
Gliemann, idem, de Cassel. Mmes Schrœder-Devrient, et que les copies qui en seront faites soient publiées
de Berlin; Streit, de Weimar; Pistrich, de Stutgard; sans retard. Nous avons lieu d'espérer, d'ailleurs, que
Rosner, de Cassel; Schneider, de Mayence, etc. les notes , les commentaires et les éclaircissemens de
Les artistes que nous venons de nommer exécuteront tout genre ne manqueront pas, et que les hommes
les opéras suivans; Eurianthe, Oberon, Freyschâiz , de éclairés qui sont chargés de ce travail ne négligeront
Weber; Fidelio, de Beethoven; le Vampire, le Templier rien pour donner à ces vénérables restes de l'antiquité
et la Juive, de Marschner; la Fiancée du Brigand, de toute l'utilité dont ils sont susceptibles.
REVUE MUSICALE.
ner une traduction en notation européenne. Nous nous fluence de Mozart; et tout en laissant échapper des traits
proposons de donner sur tout cela, dans la Revue musi- de lumière qui décelaient ce qu'il devait être un jour,
cale,une notice qui, nous l'espérons, ne sera pas dé- il se modelait sur le grand homme dont il aimait passion-
pourvue d'intérêt. I nément le^ ouvrages. Cette symphonie, et la deuxième
(enr^) du même auteur, furent les seules de Beethoven
qu'on entendit en France pendant vingt ans. Insensible-
Nouvelles de Paris. ment on s'y était accoutumé le besoin de nouveauté se
:
Les révolutions qui se sont opérées successivement servatoire furent rétablis on entendit toutes les sym- :
citent l'enthousiasme général ; mais leurs critiques ne chaleureuses; mais aujourd'hui on veut autre chose dans
peuvent empêcher que l'impulsion ne soit donnée, que la musique comme dans la littérature, comme dans tous
la révolution ne soit faite ; et les révolutions d'art n'ad- les arts. C'est de la hardiesse qu'on demande , et l'on ne
mettent point de réaction. Haydn, Mozart, restent tou- s'effraie pas du bizarre. On consent à ne pas comprendre
jours de grands artistes, et leurs ouvrages d'admirables une symphonie du premier coup, et l'on n'est pas fûché
productions; mais après les hardiesses de Beethoven, d'avoir une énigme à deviner, pourvu qu'au milieu de
il n'est plus possible de replacer la symphonie au point beaucoup d'obscurité il y ait de ces grands traits de lu-
où ils l'avaient mise. La simplicité du plan de leurs mière qui frappent au premier abord.
compositions; leurs proportions si belles, si bien or- Le premier morceau de symphonie de M. Onslow la
données; la délicieuse pureté de leur style, toutes les est remarquable surtout par on y désirerait la facture :
qualités enfin par lesquelles ils ont fondé leur éclatante un peu plus de nouveauté. Vandante , dont le rhythme
renommée, ne suffisent plus aujourd'hui pour établir du commencement rappelle peut-être un peu trop celui
des' renommées nouvelles. Un homme de goût peut ne de la symphonie en la de Beethoven, est excellent; les
pas approuver les bizarreries qui occupent une grande détails en sont disposés à merveille. Le menuet et le trio
place dans les ouvrages de Beethoven ; ipais si cet homme sont aussi des morceaux d'une très bonne facture; la
de goût est compositeur, il ne pourra point espérer de mélodie du trio est particulièrement remarquable par
succès pour ses ouvrages en se bornant à éviter les dé- un ton de douce mélancolie. Le finale est un morceau
fauts qu'il blâme dans ceux de ce génie gigantesque ; il de facture moins remarquable par l'originalité de son
faudra aussi, s'il veut réussir, qu'il pousse l'art en avant thème principal que par le talent qui règne dans ses dé-
par quelque nouveauté grande et caractéristique; que si, veloppemens. En général symphonie de M. Onslow
, la
dans ses hautes conceptions, il joint un goût délicat et est un fort bon ouvrage; pour produire plus d'effet, il
pur à la hardiesse d'invention , il sera le Mozart de son ne lui a manqué que d'être entendu quelques années
temps,au lieu d'en être le Beethoven ; mais avec ou sans plus tôt. Dans ses quiiitettis, M. Onslow a de l'originalité
défaut, c'est toujours l'homme de son temps qu'il faut et de la hardiesse; ici, il a été plus timide, et cela se
être pour réussir, c'est-à-dire l'homme qui ose s'avancer comprend, puisque cette symphonie est son premier
sans regarder en arrière. J'ajouterai qu'il faut encore ouvrage en ce genre. On ne peut douter que s'il conti-
avoir égard aux circonstances. Il en est qui ne sont point nue à marcher dans la nouvelle carrière où il est entré,
favorables aux efforts d'un homme de talent : par exem- il n'arrive à de beaux résultats.
ple, les symphonies de Beethoven sont trop nouvelles Le sixième concert du Conservatoire oifrait plus d'une
parmi nous, et les impressions qu'elles font naître trop nouveauté à ses habitués, car on y a entendu pour La
vives pour qu'ilyaitplacepour d'autres .«uccès du même première fois une ouverture de Beethoven qui était an-
genre; il faut que ces impressions s'usent, et que le pu- noncée sur le programme sous le titre d'Ouverture du
blic sente le besoin de nouveauté pour qu'un artiste roi Etienne. Je ne sais ce que c'est que le roi Etienne
nouveau trouve à prendre sa place. dont il s'agit, mais je regrette que Beethoven ait fait
Ces réflexions me semblent expliquer l'espèce de froi- pour lui une ouverture qui n'est pas trop bonne, et qui
deur qui a accueilli symphonie de M. Onslow, qui a
la paraît être un ouvrage de sa jeunesse. L'enthousiasme
été exécutée dimanche dernier au concert du Conserva- que le public manifeste d'ordinaire pour les productions
toire. Certes, celte symphonie est l'ouvrage d'un homme de ce grand artiste n'a pas trouvé dans celle-ci la moin-
de talent fort remarquable; elle est écrite à merveille; dre occasion de se montrer. Les directeurs des concerts
les mélodies en sont pures et gracieuses , les effets bien du Conservatoire ont eu raison de satisfaire la curiosité
main d'un artiste qui fait ce qu'il veut faire. Néanmoins, ront bien de ne pas le faire redire.
toutes ces qualités n'ont point suffi pour procurer à l'ou- Gluck a encore triomphé de la mode dans ce concert :
vrage le succès que l'auteur de tantd'excellensquialettis son duo d'Armide, Esprit de haine et de rage, chanté
et quatuors avait droit d'espérer. Aimant de passion les avec beaucoup de verve et d'accent par M. et Mme Da-
beaux ouvrages de Haydn de Mozart, M. Onslow a et badie , a fait naître la plus vive émotion dans l'auditoire.
voulu se rapprocher d'eux parla régularité des propor- Redemandé à grands cris, il a produit le même effet à
tions, par la clarté des idées, et par celte sagesse qui ne la deuxième audition. Que d'énergie dans cette sublime
les abandonnait jamais, même dans leurs inspirations composition! quelles grandes proportions! quels ac-
REVUE MUSICALE.
cens! quel orchestre ! Voilà de ces ourrages faits avec rance, il deviendra un de nos artistes les plus distingués.
le cœur et la philosophie de l'art, qui ne yieilliront ja- — M. Schmidt, guitariste allemand, qui faisait par-
mais, parce qu'ils sont vrais, parce qu'on n'y a point sa- tie de la troupe de chanteurs styriens qui se sont fait
crifié aux fantaisies d'époque ni à de vains ornemens. entendre à Paris l'hiver dernier, donnera lundi i8 un
Qu'ils sont en petit nombre ces ouvrages des arts qui concert dans les salons de M. Dietz. On peutse procurer
peuvent rester plus ou moins long-letnps oubliés sans des billets chez les principaux marchands de musique.
rien perdre de leur beauté, et qui frappent si vivement '
un succès semblable à celui qu'a eu le duo dont je viens très prochainement pour des places de second dessus,
de parler; mais je suis certain qu'il serait facile à un premier et second ténor, première et seconde basse
homme habile d'assurer ce succès en faisant disparaître taille.
port de l'exécution, Ni Mlle Dorus, ni Mlle Falcon, m — On attend le célèbre pianiste Hummel, qui vient
Alexis Dupont, ni Prévost ne comprennent cette mu- passer quelques jours à Paris , et de .là se rendre en An-
sique. Ils la disent avec une mollesse désespérante; rien gleterre.
d'articulé , rien d'accentué ne se fait sentir; tout se con- — MM. Bohrer frères donneront demain dimanche
l'ond, tout est terne est froid. Les chœurs ne sont pas leur dernière séance musicale. Le programme est de
mieux rendus que les solos, et les voix ne se tiennent nature à exciter l'intérêt des amateurs de musique. Le
point avec l'orchestre. Qu'il y a loin d'une pareille exé- voici première partie
: i° grand trio de Beethoven (en
;
cution à celle que nous avons entendue au théStre allé- mi bémol ) pour piano violon , et violoncelle , exécuté
,
mand Où 1 sont Haitzinger et Mme Schrœder-Devrient? par M°° Bohrer et MM. Bohrer; i° grand air de C. M.
(jù sont ces choristes si passionnés de musique qui nous Weber, chanté par Mlle Dulken; 5° grand quatuor
ont fait admirer la belle composition de Beethoven? de Beethoven (en ut dieze, mineur), exécuté par
Pourquoi dans ce morceau le Conservatoire n'est-il plus MM. Bohrer frères, Tilman et Urhan. Deuxième partie :
lui-même ? pourquoi ne montre-t-il pas sa supériorité 4° romances écossaises de Beethoven pour le chant
accoutumée ? voili ce qui me paraît inexplicable. avec accompagnement de ^iano , violon et violoncelle
Mlle Mori a chanté l'air se m'abandoni sans y produire exécutées par MlleDulken, M°" et MM. Bohrer; 5° duo,
"rand effet, quoique les accens de sa voix de contr'alto introduction et air varié pOur violon et violoncelle, sans
soient très favorables à cet air. Il faudrait peu d'efforts accompagneiiient, exécutés par MM, Bohrer frères ;
à Mlle Mori pour se faire applaudir justement; mais je 6° les adieux de Raoul de Coucy, divertissement sur la
ne sais quelle mollesse est toujours empreinte dans son romance favorite de Blangini pour chant, piano, vio-
chant ; cette mollesse est telle que son intonation même lon et violoncelle, composé par Moschelès et Mayseder
n'est jamais parfaitement juste: on y trouve toujours et exécuté par Mlle Dulken , Mme Max Bohrer et
Mme de*'*, qui s'est fait entendre sur l'orgue ex- . — Le neuvième concert Je Paganini, qui a été donné
pressif de M. Grenié dans un morceau de sa composi- le i5 à l'Opéra, offrait un nouvel attrait à la curiosité
tion accompagné de l'orchestre , a beauceup de talent. des musiciens, carie virtuose a exécuté un concerto en
Sa musique est jolie, quoique peut-être elle n'ait pas wi/ majeur, une sonate sur un thème appassionato , et
toute la gravité du style de l'orgue. Son morceau a été les variations sur le duo de Don Juan , La ci darem la
écouté avec beaucoup de plaisir et a été vivement ap- manOf morceaux qui n'avaient point encore été enten-
l'intelligence et du goût ; il a mérité les applaudisse- Le concerto en mi, sous le rapport de la composition,
mens de l'auditoire en plusieurs endroits du solo de nous paraît moins satisfaisant que les trois autres de Pa-
Romberg qu'il a exécuté, S'il travaille avec persévé- ganini que nous connaissons; on n'y trouve pas autant
REVUE MUSICALE. 87
deTerve; les mélodies en sont moins nouvelles; l'effet Le rôle de Matilde est généralement écrit très haut; il
général est moins piquant. Dans son exécution , Paga- convient sous ce rapport à la voix de Mme Vespermann.
nini semblait être aussi moins bien disposé que de cou- La première partie de l'ouvrage exige de la légèreté , ce
tume; aussi le public n'at-il pas montré le même en- n'est pas celle où cette cantatrice brille le plus; Mlle Son-
thousiasme. tag y a laissé des souvenirs ineffaçables qui rendent dif-
Il n'en a pas été de même de la sonate; li, l'artiste ficile l'abord de ce rôle à toute autre prima donna ; mais
célèbre a repris tous ses avantages. Il y a vraimeot de la deuxième partie du rôle, qui est d'un style plus ex-
la passion et dans la caractère du morceau et dans la pressif et plus dramatique, est plus favorable aux moyens
manière de le rendre. L'introduction, particulièrement, de Mme Vespermann. Elle y a introduit un air qui n'ap-
a produit une vive impression sur l'auditoire. Dans ce partient pas à l'ouvrage , et qu'on dit avoir été composé
genre de morceau , Paganini n'est pas seulement un expressément pour elle par Rossini ; nous avons peine ù
grand violoniste; il est aussi un chanteur habile. croire que cet air soit nouvellement composé , car il est
Les variations sur le thème La ci darem la mano sont écrit avec une négRgence qui n'est pas dans la manière
écrites dans un système différent des autres airs variés actuelle du compositeur.
que nous avions entendus dans les concerts précédens. Lundi prochain, Don Juan sera joué au bénéfice
Les effets de sons harmoniques, de double corde, de de Zuchelli. Cette '.représentation n'offrirait que peu
sons pinces y sont beaucoup moins multipliés, et l'ar- d'intérêt si Lablache ne s'y était chargé du rôle de Le-
tiste semble s'y être proposé principalement de faire poretlo; on ne peut douter que cet artiste, aussi grand
preuve de la plus grande vélocité d'archet et de doigté. chanteur qu'acteur admirable, ne fasse ressortir les
les autres chanteurs dans leurs efforts pour soutenir but que de faire des sujets distingués, croit devoir
I
l'ouvrage de Gpnerali; mais le public leur a témoigaé prévenir les parens qu'il ne pourrait continuer
sa eatisfaclion à plusieurs reprises. Ces deux artistes ceux qui ne répondraient pas à ses soins. De
ont produit surtout beaucoup d'effet dans un duo du son côté il ne négligfera rien pour hâter leurs pro-
deuxième acte. Quoiqu'il ne soit plus de la première
grès il y aura des concours e|t de petites réunions
:
« tre et de la situation actuelle de la musique dans notre de les examiner se montre très sévère à l'égard
« ville ; je n'ai rien dç satisfaisant à vous dire à ce suj,et, des élèves qui ont été mal guidés dans leurs pre-
« Nous n'avons point eu de nouveauté cette année, mières études ; le plus grand nombre des candidats
«Quelques anciens ouvrages allemands, quelques par- est exclu sur cette considération. M. Bodinles mettra
ie titions italiennes et françaises, mi)is rien de oeuf de en état de se faire entendre avec succès aux concours
«nos compositeurs, quoiqu'on nous eût promis une d'admission.
«production nouvelle de Marschner. Il n'y a d'ailleurs La classe tiendra trois jours de la semaine pour
« point de goût aux plaisirs parmi nous , et il en est de les femmes et les trois autres jours pour les hommes.
« même dans presque toute l'Allemagne. lUne inquiétude
Le prix sera à la portée de toutes les fortunes. On
a générale sur la suite des événcmens politiques préoj;-
traitera de gré à gré avec le professeur. On ne paie
« cupe tous les esprits, et les détourne même de l^i
pas d'avance.
« musique, qui pourtant est une passion pour les AU.e-
traite. — 2 fr. 2S c.
PROSPECTUS. N. 3 . Air chanté par Mlle Prévost : La solitude et la douce paix. —
Le Conservatoire de Paris est à juste titre regardé N. 3. Air chanté par Mme Boulanger : Ah! cette solitude va donc
depuis long-temps comme la première école de mu- finir. — 3 fr. 7S c.
sique de l'Europe : aussi est-il assiégé par une foule N. 4. Air chanté par Moreau-Sainti : Je sais que je t'offense. —
S fr.
déjeunes gens qui briguent l'avantage d'y être admis.
N. JS . Air chanté par M. Boulard : Je ne vis que pour l'harmonie
Malheureusement le nombre des places disponibles
3 fr. 7B c.
n'est pas en rapport avec celui des aspirans ; c'est N. 6. Trio chanté par MM. Moreau-Sainti, Boulard et Mlle Pré-
surtout pour les classes de Piano que la disproportion vost: Esprit des rocliers. —4 fr. SO c.
est plus grande. M. Bodin, professeur de piano, £hez M. FaÈHE, passage des Panoramas.
ancien élève-répétiteur de cette illustre école, croit Fietoire aux Polonais, chant patriotique de M. Eugène de Pradel,
agir dans l'intérêt des jeunes artistes des deux sexes musique de C. Bécu, dit Bernon, composé pour le concert donné
au profit des Polonais, par la musique des canonniers sédentaires
qui veulent acquérir un vrai talent sur cet instru-
de Lille, et chanté snr Ife théâtre de la même ville par M. Cœuriot.
ment, en leur offrant une classe chez lui, à l'instar
A Paris , chez Petit, marchand de musique , rue Yivienne , n. 6
de celles du Conservatoire, et exclusivetnent éta- çt à Lille, chezCtrvElu, éditeur de musique, rue Neuve, n. 7.
AVIS IMPORTANT. l'Asie mineure. Une partie des revenus de l'Etat était
Il n'est point de peuples si peu avancés qui n'aient ment qui portait les Grecs à tout sacrifier pour le salut
quelque idée de musique et de poésie ; mais ces choses de la patrie. Ils n'ont pas vu que ces arts, pour lesquels
ne méritent ie nom d'arts que là où la civilisation est ilsmontrent tant de dédain , et ces élans d'héroïsme
déjà parvenue à un certain degré de perfection. Il y a n'ont qu'un seul et unique principe, celui de la sensibi-
deux sortes de civilisations : l'une est le produit de la lité exallée. Les Grecs, sous quelque aspect qu'on les
liberté; l'autre, du despotisme plus ou moins absolu. considère, se présentent à nous comme le peuple le plus
Je me propose d'examiner ici quelle est la plus favora- sensible, le plus exalté dont l'histoire fasse mention.
ble des deux à la prospérité des arts et surtout de la mu- Tout ce qu'ils ont fait de grand, de beau, de durable,
sique;. a pris savourée dans cette sensibilité exquise; leurs qua-
Les arts naissent de la sensibilité : tout ce qui tend à lités et leurs défauts en furent les conséquences. Les
exalter celte sensibilité leur est favorable ; l'amour de la formes de leurs gouvernemens, leur éducation, leur re-
liberté, qui n'est que l'amour du juste et du beau porté ligion même, avaient pour objet d'en retremper sans
jusqu'à l'exaltation, est donc naturel à l'artiste; il le se- cesse les ressorts. N'en doutons pas, c'est ce même
conde dans ses travaux en élevant son ame , et dans son principe de sensibilité qui a conduit un petit peuple,
indépendance en intéressant l'esprit national à ses suc- habitant un pays peu fertile, à occuper une si grasnde
cès.L'amour de la liberté était le principe des gouver- place dans l'histoire.
nemens républicains de l'antiquité, et les arts atteigni- Sparte s'est distinguée du reste de la Grèce par l'aus-
rent le plas haut degré de splendeur à Athènes, à Co- térité de ses mœurs et son mépris pour les arts, et ce-
,i;!nthe, dans la grande Grèce et dans les colonies de pendant, les Spartiates aussi furent d'héroïques dé
90 .REVUE MUSICALE.
'T.T/.'l'
seurs de la patrie menacée. Mais le principe de leur offert aux artistes qui s'y sont fixés l'attrait d'une fortune
atnoiir de la liberté ne fut pas le même que chez les rapide et facile. Li'i, rien n'élève l'ame, rien ne parle à
autres peuples de la Grèce; la constitution qu'ils te- l'imagination ; la sensibilité n'est point excitées; les seùs
naient de Lycurgue tendait à détruire en eux la sensi- seuls sont émus, car il ne peuty avoir de vraie sensibilité
bilité par l'éducation , et à la remplacer par la con- là où l'homme est soumis à la domination brutale d'un
viction du devoir. Le devoir était donc le principe de seul, où laj-aisoa doit toujours se taire, enfin où il est
l'existence des Spartiates, et son accomplissement était dangereux de montrer de la pitié pour le malheur.
^ eur vertu. Les arts, qui tendent i développer sans cesse Toutefois, si le principe progressif des arts manque
la sensibilité, ne pouvaient donc trouver place chez un dans les Etats despotiques, la faveur qu'ils procurent
tel peuple ; de 1' vient que les magistrats étaient sans souvent aux artistes près du maître supplée à son défaut
cesse occupés à en limiter l'usage et i en arrêter les pro- en excitant l'émulation de la cupidité et de l'ambition.
grès. C'était à Sparte qu'un jugement condamnait Ti- Mille exemples de la puissance des musiciens à la cour
mothée à couper les cordes qu'il avait ajoutées i sa lyre, des sultans se trouvent dans les écrivains arabes ;
pour
tant était grande la crainte qu'on avait de tout ce qui n'en citer qu'un seul, je rappellerai la haute destinée
pouvait amollir les y développer des germes de
cœurs et d'Àl Faraby , qui jouissait du privilège de dire aux des-
sensibilité. Le gouvernement et les mœurs des Spar- potes de l'Orient des vérités qui auraient coûté la tête
tiates offrent l'exemple d'une victoire de la volonté et du courtisan assez hardi pour les faire entendre, et qui
de l'éducation sur les penchans humains. Cet exemple mit lui-même des bornes aux largesses qui lui étaient
est unique dans l'histoire , et ne se reproduira plus ; car prodiguées. Le despotisme n'est donc pas aussi funeste
la destination des peuples comme des individus est de aux arts qu'on pourrait le croire, même lorsqu'il est dé-
chercher à augmenter la somme de leur bonheur; or, pourvu de toute lumière ;
je vais faire voir qu'il leur est
on ne peut être activement heureux que par l'exercice avantageux lorsqu'il est éclairé.
de la sensibilité.
La barbarie du moyen âge avait dégradé l'e-spèce hu-
Dès l'origine de Rome, cette république se vit en-
maine; la sensibilité s'était anéantie et les arts s'étaient
tourée d'ennemis qu'elle eut à combattre sans cesse et
perdus. Trois événemens importans changèrent succes-
qu'elle fut dans la nécessité de vaincre; cette nécessité
sivement la constitution de la société européenne, et en
la rendit conquérante, lui donna des mœurs austères,
commencèrent la régénération. Le premier fut l'affaiblis-
et laissa peu de place au développement de la sensibilité
sement du régime féodal par suite des croisades; affai-
de ses citoyens. Tant que les Romains furent préoccu-
blissement qui prépara l'affranchissement des communes,
pés des dangers de la patrie , ils cultivèrent peu les arts ;
et qui augmenta l'autorité des rois; un autre bien ré-
après la conquête de la Grèce et de l'Egypte, ils passè-
sulta des croisades , ce fut l'introduction dans les écoles
rent subitement de la simplicité à la dépravation, sans
de la philosophie, des sciences et des arts des Arabes.
parvenir A se civiliser. Sous la sévère police de la répu-
Le goût de la musique y gagna particulièrement beau-
blique, ils n'avaient point eu le temps de s'instruire dans
coup; ce qui leprouve, c'est que les maîtres chanteurs
la musique. Sous le despotisme brutal de l'empire, ils
de l'Allemagne , les troubadours et les trouvères de la
furent pressés de jouir, et trouvèrent plus commode de
France, cette multitude enfin de poètes-musiciens qui
se servir d'artistes étrangers que de devenir eux-mêmes
inondèrent l'Europe de leurs chansons, datent de la fin
habiles dans les arts. Ainsi, ni la liberté ni la tyrannie
du onzième siècle.
ne furent utiles aux progrès de ceux-ci chez les Ro-
mains. Ce peuple était cruel, même dans ses plaisirs; Le second événement qui contribua à civiliser l'Italie,
ce n'étaient point des concerts qui flattaient ses goûts , il la France et l'Allemagne, fut la prise de Constantinople
lui fallait des spectacles de gladiateurs et des combats par les Turcs, qui fit refluer dans ces contrées une foule
d'animaux féroces^ en un mot, la sensibilité n'existait de savans et d'artistes grecs. Le troisième, qui est le
en lui que dans un degré très faible ; de là son incapacité plus important, est la réformation. Celui-là eut des
dans les arts, incapacité qu'il ne put vaincre aux temps conséquences dont nous ressentons et dont les gé-
même de ses plus grandes magnificences. nérations futures sentiront les effets. La réformation
Toutes les contrées de l'Orient offrent, dans l'anti- qui n'eut pour origine qu'une dispute de théologie, a
quité comme dans les temps modernes, le spectacle du appris à l'homme à se servir de sa raison, à devenir
despotisme et des gouvernemens absolus. La magnifi- meilleur, à ne point étouffer les mouvemens de sa sen-
cence des cours voluptueuses de ces contrées a toujours sibilité, en un mot, à perfectionner son espèce. Le but
REVUE MUSICALE. 91
est loin d'être atteint, mais les sociétés et les individus mens dont l'utilité ne peut être mise en doute. La for-
dont il vient d'être parlé , des princes s'éprirent d'un qu'a commencé la série de progrès de notre éducation
goût passionné pour les lumières, les sciences et les musicale. L'Etat était obéré; le système des finances n'a-
arts.Tels furent les Médicis en Italie, les ducs de Ba- vait encore rien de fixe; néanmoins on entretenait par-
vière en Allemagne, François I" en France , et plus tard tout des armées qui triomphaient de toute l'Europe, et
Louis XIV. Le gouvernement de ces princes était ab- l'on fournissait à l'entretien prospère du Conservatoire
solu, 'despotique même", mais leur despotisme n'était et de l'Opéra.
point brutal et déraisonnable comme celui des monar- Depuis la restauration, imitant l'Angleterre et l'Amé-
ques de l'Orient. Ce n'était pas seulement pour satisfaire rique du nord, au lieu de la liberté de sentiment et d'ac-
leur fantaisie qu'ils comblaient les artistes des prenvçs tion, nous avons adopté un mécanisme de gouverne-
de leur munificence; ils savaient les exciter par le désir ment libre, où certaines formes de convention sont
de la gloire, et par là donnaient une direction à leur substituées à l'amour de la patrie : gouvernement sec
sensibilité qui ne trouvait point encore d'aliment dans et rationel, convenable pour des peuples dépourvus
l'amour de la patrie. Les mêmes principes, les mêmes d'enthousiasme et d'imagination, quipeutêtre favorable
effets se sont reproduits de nos jours, sous le règne de à l'industrie lorsqu'il est accompagné de circonstances
Napoléon. La liberté avait péri à son avènement au heureuses , mais dont l'application à une nation ardente
trône; mais la gloire était sans bornes, et cette gloire et généreuse comme la nation Française n'est pas
reflétait mille gloires différentes. Le littérateur, le sa- aussi facile qu'on l'imagine : gouvernement à bon
vant, l'artiste distingué occupaient une place honorable marché, où tout se marchande et se calcule au plus bas
dans ce grand tout; leur bien-être était assuré, leur sort prix ; où la gloire est réputée dangereuse, parce qu'elle
était fixé ; rien ne pouvait remettre en question leur fait des hommes puissans dans l'opinion ; où l'amour
existence ; ils jouissaient enfin de cette liberté de tête si de la patrie, remplacé par l'esprit d'ordre , est une vertu
nécessaire aux travaux de l'intelligence ; et ces mêmes inutile; d'où toute poésie est bannie, parce qu'il est con-
hommes ,
pleins d'enthousiasme pour la liberté pendant fié à ce qu'on nomme des gens d'affaires : gouverne-
la première révolution , ces mêmes hommes qui en ment enfin sous lequel l'activité sensible est réduite à
avaient pleuré la perte, avaient fini par se laisser en- zéro , et qui abandonne les arts, parce qu'ils coûtent et
traîner par des prestiges de gloire, et par y appliquer les ne rapportent rien au budget. Voilà où nous en sommes
facultés de leur intelligence et les émotions de leur sen- venus après les grâces et les prodigalités de la monar-
sibilité. Tout monarque qui aura le goût des arts avec chie, les ardeurs généreuses de la république et les gran-
lesmoyens de les satisfaire , pourra quand il le voudra deurs de l'empire. Avant la révolution de i83o, cet état
recommencer cet âge d'or des arts, des sciences et de la de choses, le plus défavorable possible aux arts, et par-
littérature, ticulièrement à la musique, était tempéré par l'esprit
Dans la première révolution française, l'amour de la de cour, qui avait survécu à la première révolution , et
patrie fut le principe et du gouvernement et de la coo- qui avait conservé ses habitudes de bonne grâce. Les
pération des citoyens , comme dans les républiques de artistes y trouvaient un aliment de vanité , et la vanité
l'antiquité. Malgré les crimes qu'on reproche à cestemps est, comme on sait, une des cordes sensibles du cœur
d'exaltation, il n'en est pas moins vrai que la sensibilité huxnain. Ils y trouvaient aussi sinon la fortune, au
sociale et individuslle
y prit le plus grand développe- moins une sorte de bien-être qui a disparu au-mois de
ment : de là vient que les artistes oublièrent tout ce juillet j83o. On ne peut en douter nous sommes entrés :
qu'ils perdaient de bien-être pour embrasser avec en- dans les voies de l'Angleterre, qui ne fait rien pour les
thousiasme la cause de cette révolution qui ruinait arts ni pour les artistes, et qui n'a ni artistes ni arts. Sous
leur fortune. De son côte, le gouvernement, pénétré prétexte d'économie , on refuse quelques centaines de
de la nécessité de protéger les arts, qui ont tant d'action mille francs à l'aliment de choses qui sont nécessaires
sur la plupart des hommes, ne fut pas plutôt sorti des au bonheur de la nation, et l'on prodigue des millions
violences de la terreur, qu'il songea à leur donner une qui ne tournent au profit ni de sa gloire, ni de sa liberté,
existence nouvelle et à fixer le sort des artistes. C'est ni de son industrie.
de cette époque que datent le Conservatoire de musi- Je me résume. Les gouvernemens républicains et le.'*
arts, s'ils sont placés au milieu d'une civilisation avan- comique à l'Opéra-Comiqùe, el rejouer ce qu'onnom-
cée , parce qu'ils sont propres à exciter de diverses ma- mait autrefois la comédie à ariettes, tout comme il
nières la sensibilité des artistes et à assurer leur bien- pourrait prendre fantaisie au directeur du ThéStrc-
être. Les gouvernemens représentatifs, confiés aux avo- Français de montrer à ses habitués les œuvres de Cam-
cats et aux financiers , sont mortels pour les arts, pour pislron ou de Crébillon. Ces messieurs (les directeurs
l'imagination , pour tout ce qu'il y a de poétique et d'é- de rOpéra-Comique) étaient si entendus en ce qui con-
levé dans l'homme parce que tout y «st soumis à la
,
cerne la musique, que, s'il faut en croire la renommée,
régularité du mécanisme, et parce que les gouvernans, l'un d'eux voyant à l'orchestre un instrument à vent,
par destination d'état et par suite de leur organisation, un hautbois qui comptait des pauses, se mit en une
ne comprennent que l'utilité des intérêts matériels , et sainte colère , menaçant le pauvre musicien d'une des-
non celle des intérêts moraux. titution, attendu qu'il ne le payait pas pour ne rien faire.
protonde immoralité de pareils sujets a bouleversé les des artistes ! Puissent ces améliorations ne pas ressem-
existences de ces bonnes gens. Que de convictions heur- bler à celles de MM. Ducis et Loursault! et ce malheu-
tées, que d'opinions froissées, que de croyances renver- reux théâtre atteindra dans sa nouvelle route le point
sées! Misérables vandales, qu'avez-vous fait? vous de splendeur auquel il était parvenu du temps où l'an-
avez perdu l'honneur du genre ! Malheur ! il n'y a plus cien genre régnait sans partage au théâtre de la rue
d'opéra-comique !
Feydeau. E. F.
Quoi qu'il en soit et malgré de misérables criailleries,
petits airs, sur autre chose que des pièces gaies qui fi- Première lettre à M. le directeur de la Revue musicale.
nissent bien ; el l'on pourrait même dire que ces profa-
nations ont paru plaire quelque peu à une certaine por-
Monsieur, „
tion du public. Les chojses allaient sur ce pied, lorsque Vous avez annoncé dans votre excellent journal que
des^entrepreneurs particuliers qui succédèrent à l'admi- la commission nommée par le ministre pour donner
nistration de la société parurent tout ù coup frappés un nouveau directeur à l'Opéra, avait aussi la mission
d'un trait lumineux; c'est qu'il fallait ramener l'opéra- de réorganiser le Conservatoire de musique. Au pre-
REVUE MUSICALE. 93
mier abord cette nouvelle m'a bien paru quelque peu ses six ou huit maîtres tant français qu'italiens , n'a pu
inTraisemblable; mais , après avoir lu les noms des procurer depuis l'an V de la république un seul chanteur
membres qui la composent, je dois avouer dans toute la de premier ordre ; et s'il est sorti de France un grand
siacérité de mon ame qu'il était impossible de choisir artiste , ce n'est pas dans cet établissement qu'il s'est
des hommes plus impartiaux, plus libres de toute pré- formé. L'école de chant au Conservatoire coûte fort
occupation antérieure, que MM. de Choiseul, Armand cher et produit peu. A Naples, à l'époque la plus glo-
Berlin, Edmond Blanc, Royer-Collard et Cave, plus rieuse pour ses écoles, il n'y avait dans chaque conser-
sincèrement désintéressés enfin dans toutes les questions vatoire que deux maîtres , un pour la composition et un
qui leur sont soumises. pour le chant. Au reste, ce serait une grande erreUr de
Et voilù pourquoi, monsieur, je viens vous prier croire que les virtuoses de l'école italienne ont été for-
de m'accorder un coin de votre journal, afin de faire més dans les conservatoires; presque tous, au contraire,
parvenir jusqu'à l'oreille de ces messieurs quelques ob- sont sortis des écoles libres.
servations sur la méthode suivie jusqu'ici pour l'ensei- Ce qui s'est passé au Conservatoire lors de son orga-
gnement du chant, et sur les moyens d'introduire des nisation en l'an V, doit servir de leçon aux nouveaK
améliorations radicales. Bien souvent, dans tout ce qui organisateurs. Comme aujourd'hui, on sentit la nécessité
va suivre mes assertions seront en désaccord complet de faire subir à l'école de chant une réorganisation
»vec les doctrines professées par beaucoup de maîtres complète on reconnut les vices de l'ancien ensei-
:
et d'artistes en grande réputation ; mais quoique simple gnement, l'incontestable supériorité des chanteurs ita-
amateur, je me crois assez fort pour supporter le liens ; mais comme on ne sut pas découvrir d'où venait
poids de mes paroles, et sans crainte d'être taxé d'arro- le mal, il fut impossible de trouver le remède, et l'on
gaqce je puis dire en parodiant un mot célèbre : j'en forma une école de chant mi-partie d'italiens et de fran-
accepte toute ta reponsabitité ! Il est vrai que j'ai sur M. le çais, espèce de juste mtVieu musical dont on se promet-
président du conseil l'avantage d'une position inatta- tait monts et merveilles. Trente ans d'expérience en ont
quable, et que je ne marcherai qu'appuyé sur des auto- fait connaître les merveilleux résultats. La nouvelle
rités irrécusables; je veux 'parler de la grande école commission sera-t-elle plus habile ? c'est ce que nous
italienne des ly' et i8' siècles, de celle d'où sortirent verrons à l'user; en attendant, tâchons que les avis ne
CaffareUi, Farinelli, Raff, Ferri, Amani, la Gabrieli, la lui manquent pas.
Minghotti , et cent autres virtuoses non moins célèbres. Jetons d'abord un coup d'œil rapide sur l'état de l'en-
Je ne demande ici rien moins que le rétablissement seignement de l'art du chant dans l'ancien Conser-
et l'importation en France de ces fameuses écoles qui vatoire et avant sa créations. Voici en quels termes
pendant deux siècles ont rendu tous les dilettanti de l'u- M. Sarrette s'exprimait à ce sujet dans la séance d'ou-
nivers tributaires de quelques villes italiennes. verture du Conservatoire: «Le chant, cette partie si
Je n'ignore pas cependant que les Italiens eux-mêmes essentielle de la musique, a toujours été mal enseigné
se plaignent d'avoir perdu les traditions de cette grande en France : les maîtrises des cathédrales étaient les seu-
école. Je sais que depuis longues années il n'en est plus les écoles qui existaient pour cette partie, sous l'ancien
question dans leurs conservatoires; mais je les crois in- gouvernement les théâtres, contraints de tirer
justes envers eux-mêmes, et ces traditions ne sont pas leurs chanteurs des écoles des chapitres, furent toujours
tellement perdues qu'on n'en puisse retrouver de belles asservis au genre adopté pour le culte ; et ce ne fut
traces dans le talent des plus habiles chanteurs vivans, qu'avec un travail opiniâtre , en frondant l'habitude et
et dans les livres de leurs devanciers. Quelque pitoyable les mauvais principes, que les grands maîtres qui depuis
que soit l'enseignement du chant dans les écoles de trente ans ont orné la scène lyrique de leurs chefs-
Naple5,de Milan, de Bologne, etc., autrefois si célèbres, d'œuvre, parvinrent à les faire comprendre à ceux qui
il n'en reste pas moins certain que les chanteurs italiens devaient les chanter.
sont toujours les premiers chanteurs du monde. Il faut « Cependant, des artistes italiens vinrent en France,
toutefois ajouter un petit correctif, et au lieu de chan- ils y firent entendre une manière de chanter agréable
teurs italiens, dire : les artistes qui chantent l'opéra italien, et expressive : ce genre fit sensation... il fut admiré ; et
car plusieurs d'entre eux, et ce ne sont pas les moins bientôt des chanteurs, ayant senti les vices de l'école
célèbres, sont nés et ont été élevés hors de ce pays. française, crurent la régénérer en cherchant à imiter
Et pourtant, l'enseignement du chant n'est pas chez les Italiens ; mais ils ne réussirent pas. Ils avaient en-
nous dans un état bien prospère. Le Conservatoire avec tendu un chant orné, ils en outrèrent la manière.
94 REVOi: MUSICALE.
guidés par un goût exquis et le sentiment du vrai beau, place de professeurs de chant a fait une espèce de révo-
des artistes justement célèbres ont su créer un genre lution dans le Conservatoire, mais plutôt dans le bud-
indépendant et convenable à la langue française. Que get que dans les études. En effet ces messieurs sont plus
ne doit-on pas espérer de l'école qui s'établit , puisque largement rétribués que les anciens professeurs, dont
le plus grand nombre de ces artistes sont chargés de le maximum du traitement ne s'élevait qu'à 2000 fr.
l'enseignement de cette partie importante ! » tandis que le premier reçoit 85oo fr. et le second 1^000.
Voilà toute l'histoire de notre école de chant, les Au reste, le mode d'enseignement n'a guère changé;
maîtrisés ne pouvaient donner que des crieurs qui trou- il consiste toujours à chanter des morceaux ornés de
vaient leur place toute marquée à l'Opéra. Vinrent les plus ou moins de fioritures. Hier ces morceaux étaient
Italiens; on s'aperçut qu'il était possible de chanter sans français, aujourd'hui ils sont italiens. Pourtant il est
étourdir soi et les autres. Il y eut donc schisme parmi juste de dire que l'introduction du nouveau professeur
les crieurs. Les uns ^ar honneur national, car chez nous a déjà produit des améliorations utiles, quoique tout-à-
l'honneur national trouve à se fourrer partout, consei-- fait insuffisantes II en est de la méthode italienne comme
vèrent religieusement les anciennes traditions , et criè- du gouvernement représentatif, qui, quelque torturé,
rent comme de plus belle ; d'autres, .se croyant plus quelque faussé qu'il soit, ne laisse pas d'amener irrésis-
avisés, se mirent à faire des roulades, parce que leslta- tiblement d'immenses avantages aux nations qui en
liens faisaient des roulades , et qu'en roulades consistait jouissent.
selon eux tout le chant italien ; enfin , les modérés, ces Voilà, Monsieur, une bien longue lettre, et à peine
gens sages et prudens qui ne se jettent jamais dans les si j'entre en matière. Dans ma prochaine, si vous dai-
extrêmes , guidc's par un goût exquis et le sentiment du gnez publier celle-ci, je dirai en quoi consiste l'ensei-
vrai beau, imaginèrent un terme moyen , un juste mi- ghetnent du chant en France, et, par opposition, ce
lieu qui devait tout concilier et qui n'eut en définitive qu'était cet enseignement dans les grandes écoles ita-
d'autre résultatque d'amener le déplorable état où se liennes; je rechercherai ce qu'il en reste de traditions
trouve aujourd'hui l'art du chant dans les écoles et sur orales ou écrites, et quels seraient les moyens de res-
les théâtres. Plus tard je ferai la part de quelques rares taurer, je dirai mieux, de révolutionner nos écoles de
exceptions. chant.
Je ne nommerai pas, par honneur national, les doctri- J'ai l'honneur, etc. P. R.
malheureux d'avoir à citer comme leurs complices vo- A monsieur Fétis, directeur de la Revue musicale.
lontaires ou nonChérubini et Garât*. Mais on ne peut,
Paris, le Si avril 183».
en toute justice, reprocher à M. Chérubin! de ne pas
Monsieur,
avoir fait une chose qu'il ig;iorait complètement; car
certes si ce grand musicien eût possédé quelques con- Tant de marques de bonté m'ont été prodiguées par
naissances dans l'art du chant, il aurait fait quelques le public français, il m'a décerné tant d'applaudisse-
bien que je croie à la célébrité qui,
pour en améliorer l'étude depuis les nombreuses
efforts , inens , qu'il faut
années qu'il est placé à la tête du Conservatoire. Quant dit-on, m'avait précédé à Paris, et que 'je ne suis pas
à Garât, il a racheté la faute qu'il commit alors de par- resté dans mes concerts tout-à-fait au-dessous de ma
ticiper à l'organisation de l'école de chant, par de longs réputation. Mais si -quelque doute pouvait me rester à
constans efforts dans la classe qui lui fut confiée. C'est cet égard, il serait dissipé par le soin que je vois pren-
et
d'entre ses mains que sont sortis les seuls élèves à peu dre à vos artistes de reproduire ma figure, et par le
pas formé un seul artiste de premier ordre, c'est que ou non, dont je vois tapisser les murs de votre capitale.
Garât, artiste tout d'instinct et de sentiment, était dans Mais, monsieur, ce n'est point à de simples portraits
une entière ignorance des règles fondamentales de l'art que se bornent les spéculations de ce genre ; car, me
du chant; il était né chanteur, comme La Fontaine na- promenant hier sur le boulevard des Italiens, je vis chez
quit conteur. un marchand d'estampes une lithographie représentant
Paganini en prison, n Bon , me suis-je dit, voici d'hon-
(i)Quoique nous ne partagions pas toutes les opinions émises dans
avons cru devoir les respecter nêtes gens qui, à la manière de Basile, exploitent à leur
la lettre de notre correspondant , nous
quinze ans. » Toutefois, j'examinais en riant cette mys- quand on reconnut l'acteur principal de cette tragique
tification arec tous les détails que l'imagination de l'ar- histoire! Fort embarrassé fut le narrateur. Ce n'était
tiste lui a fournis, quand je m'aperçus qu'un cercle plus son ami qui avait péri; il avait entendu dire
nombreux s'était formé autour de moi, et que chacun, on lui avilit affirmé il avait cru mais il était
confrontant ma figure avec celle du jeune homme rcr possible qu'on l'eût trompé. . .Voilà, monsieur, comme
présenté dans la lithographie, constatait combien j'étai? on se joue de la réputation d'un artiste, parce que les
changé depuis le temps de ma détention. Je compris gens enclins à la paresse ne veulent pas comprendre
alors que la chose était prise au sérieux par ce que vous qu'il a pu étudier en liberté dans sa chambre aussi bien
appelez, je crois, les badauds f
et je vis que la spécula- que sous les verrous.
tion n'était pas mauvaise. Il me vint dans la tête que, •
A Vienne, un bruit plus ridicule encore mit à l'é-
puisqu'il faut que tout le monde vive, je pourrais four- preuve la crédulité de quelques enthousiastes. J'y avais
nir moi-même quelques anecdotes aux dessinateurs quj joué les variations qui ont pour titre le Streghe (les Sot-
veulent bien s'occuper de moi; anecdotes dont ils pptir- cières), et elles avaient produit quelque effet. Un mon-
raient faire le sujet de facéties semblables à celle dont sieur que l'on m'a dépeint au teint pâle, à l'air mélan-
il est question. C'estpour y donner de la publicité que colique, à l'œil inspiré, affirma qu'il ne trouvait rien qui
je viens vous prier, monsieur, de vouloir bien insérer l'étonnàt dans mon jeu, car il avait vu distinctement,
ma lettre dans votre Revue inusicale. pendant que j'exécutais mes variations, le diable près
Ces messieurs m'ont représenté en prison; mais il ne de moi, guidant mon bras et conduisant mon archet. Sa
savent pas ce qui m'y a conduit , et en cela ih sont à ressemblance frappa-nte avec mes traits démontrait assez
peu près aussi instruits que moi et ceux qui ont fait cou- mon origine ; il était vêtu de rouge,, avait des cornes à
rir l'anecdote. Il y a là-dessus plusieurs histoires qui la tète et la queue entre les jambes. Vous concevez,
pourraient fournir autant des sujets d'estampes. Par monsieur, qu'après une description si minutieuse, il
exemple , on a dit qu'ayant surpris mon rival chez ma n'y avait pas moyen de douter de la vérité du fait; aussi,
maîtresse, je l'ai tué bravement par-derrière dans le beaucoup de gens furent-ils persuadés qu'ils avaient
moment où il était hors de combat. D'autres ont pré- surpris le secret de ce qu'on appelle mes tours de force.
tendu que ma fureur jalouse s'est exercée sur ma maî- Long-temps ma tranquillité fut troublée par tous ces
tresse elle-même, mais ils ne s'accordeat pas sur la ma- bruits qu'on répandait sur mon compte. Je m'attachai
nière dont j'ai mis fin à ses jours. Les uns veulent que à en démontrer l'absurdité. Je faisais remarquer que
je me sois servi d'un poignard; les autres, que j'aie voulu depuis l'âge de quatorze ans je n'avais cessé de donner
jouir de ses souffrances avec du poison. Enfin, chacun a des concerts et d'être sous les jeux du public; que j'a-
arrangé la chose suivant sa fantaisie : les lithographes vais été employé pendant seize années comme chef d'or-
pourraient user de la même liberté. Voici ce qui m'ar- chestre et comme directeur de musique à
la cour; que
vie, qui l'engagèrent à se transporter avec eux, la nuit, M, Smiot (18 AVaiL).
de Milan, rendit au bout de deux ans la liberté à l'artiste. ne joue pas de son instrument comme tout le monde;
Le croiriezrvous, monsieur? c'est sur ce fond qu'on et en cela il a parfaitement raison ; son talent lui appar-
a brodé toute mon histoire. Il s'agissait d'un violoniste tient; personne ne peut le lui disputer. Il tire de son
dont le nom finissait en i; ce fut Paganini; l'assassinat instrument un volume de son fort considérable, ou du
devint celui de ma maîtresse ou de mon rival , et ce fut
moins aussi considérable qu'on le peut tirerde la guitare.
encore moi qu'on prétendit avoir été mis en prison. Seu- L'introduction de Freyschûtz, et différens chœurs al-
lement, comme on voulait m'y faire découvrir mon lemands, chantés aussi faux que possible, formaient
nouveau système du violon, en me fit grâce des fers qui toute la partie vocale de cette soirée.
auraient pu gêner mon bras. Encore une fois, puisqu'on Les honneurs de la soirée ont été pour un délicieux
s'obstine contre toute vraisemblance, il faut bien que je
instrument de M. Dietz (Vaérephone) dont nous
petit
cède. Il me reste pourtant un espoir; c'est qu'après ma avons parlé plusieurs fois dans la Revue musicale.
mort, calomnie consentira à abandonner sa proie, et
la M, Payer, qui a une grande habitude de cette sorte
que ceux qui se sont vengés si cruellement de pies suc- d'instrument, a excité le plaisir le plus vif et presque
cès laisseront en repos ma cendre.
de l'enthousiasme chez ses auditeurs.
Agréez, monsieur, l'assurance de ma parfaite consir
dération.
M. SOR (le avril).
Paganini.
Avant que de parler de ce concert, il nous faut ren-
voyer au premier alinéa de celui de M. Schmidt. Nous
Nouvelles de Paris. avons eu plusieurs fois occasion de dire ce que noqs
pensons du talent de M. Sor nous n'avons donc au- :
l'une des plus satisfaisantes que nous ayons enten- phonie en te, de Beethoven; 2° scène des enfers d'Or-
dues cet hiver. Le bénéficiaire a joué sur le piano phée, avec chœurs, musique de Gluck, chantée par
plusieurs morceaux de sa composition, parmi lesquels M. Ad. Nourrit; 3° fragment d'un concerto de Rode,
on a remarqué de très jolies variations sur la Parisienne. exécuté par M. Halma 4° air de Pacini, avec chœurs,;
Ce morceau se recommande par de la fraîcheur et par chanté par Mme Damoreau-Cinti; 5° symphonie en ut
des détails fort agréables. MM. Vogt et Mengal ont mineur, de Beethoven.
soutenu leur réputation d'hommes de talent, et M. Du-
pont s'est montré un chanteur de concert des plus
ment il l'a rempli. Il est de certains ouvrages qui ren- seurs et des amateurs se fussent développées sur Paga-
dent cette tâche facile ; il en est d'autres qui mettent nini. Il y a déjà long-temps, en effet, que l'annonce en
moins à l'aise le critique : celui de M, Fayolle est au a été faite dans la Revue.musicnle, et la lecture du livre
nombre de ces derniers. Je viens de le relire, dans la prouve peut-être trop que M. Fayolle l'avait écrit sur
crainte où j'étais de n'avoir pas saisi le sens de quelque les indications qu'il avait trouvées dans les journaux sur
phrase importante qui m'en aurait indiqué le but, et je Paganini , indications fort insuffisantes pour donner une
ne l'ai pas mieux aperçu. Sur le titre, je m'étais per- idée juste du talent de cet artiste. On serait tenté de
suadé que M. Fayolle avait voulu comparer deux ar- croire d'ailleurs qu'il n'a point profité de son séjour à
tistes, dont l'un est arrivé à la plus brillante renommée, Paris pour l'entendre, car c'est sur l'analyse d'un livre
et dont l'autre est entré dans le monde musical avec des de M. Guhr qu'il juge du système et des moyens d'exé-
succès qui lui promettent de l'avenir; qu'il s'était pro- cution du violoniste. Pas une seule phrase de la bro-
posé de faire voir en quoi leurs moyens coïncident et en chure ne fait penser que M. Fayolle parle de audiiu:
quoi ils diffèrent ;
je croyais surtout que la brochure qui ou doit donc se mettre en garde contre ses assertions,
a pour titre Paganini et Bériot m'entretiendrait princi- lorsqu'il dit : » C'est en prenant le violon i sa naissance,
palement de ces deux violonistes; et pourtant j'étais K et en examinant de près les grands maîtres antérieurs
«rrivé aux deux tiers de l'ouvrage avant qu'il fût ques- « à Paganini, que nous avons prouvé que ce virtuose
tion d'eux. Le nom de Bériot y apparaît même pour la Il n'avait rien trouvé de neuf. Cet ouvrage, à la fois his-
première fois à la page 65. Il est facile de comprendre « torique, chronologique, didactique et siitntifi |ue,
d'après cela l'embarras réel où je me trouve pourrendre « démontre évidemment que Paganini n'a formé son
compte de la brochure de M. Faynlle ; car je suis obligé B talent prestigieuxque sur les documens que les grands
de le suivre pas à pas jusque dans les moindres détails, » maîtres avaient rejelés de l'école du violon. » Ce n'est
et de me résumer tandis qu'il a en quelque sorte oublié point sur des articles de journaux, sur de.s livres même,
de le faire. si bien faits qu'ils soient, qu'on peut juger d'un talent
L'ouvrage de M. Fayolle est divisé comme il suit: d'exécution. Il faut entendre l'artiste et voir le parti
l'Avertissement; a° Lettre de l'auteur aux professeurs qu'il tire de certaines choses qui ont été aperçues par
de violon ; 3° Préface; un mot sur le romantisme du violon; d'autres, mais dont il a mieux jugé la portée en l'appli-
4° Avis aux jeunes artistes qui se destinent à l'enseigne- quant à ses facultés. Il n'esl enfin possible de bien parler
ment du violon; 5° Violonistes célèbres depuis soixante de Paganini qu'après avoir éprouvé les sensations
98 REVUE MUSICALE.
'ait naître; et j'ai grand peur qu'il n'en ait été à l'égard « remplacé par les incohérences d'un gigantesque outré
de la brochure de M. Fayolle comme de VHistoire de qui conduit à l'insensé romantisme. »
Malte de l'abbé de Vertot. Au moment oii cet abbé ve- Il y a dans la première partie de cet alinéa une suite
nait de terminer une description plus poétique qu'exacte de propositions identiques assez singulières. Tout le
d'un grand événement historique, des docuuiens au- monde en effet avouera qu'abandonner les principes de
thentiques lui parvinrent sur cet événement. « Je suis l'école et ne plus reconnaître les bases fandameniales de
« fâché que cela ne soit pas arrivé plus tôt, dit-il , mais l' art du violon , c'est se détourner évidemment des étu-
« mon siège est fait. » des classiques. C'est encore la même proposition que
M. Fajolle, dans sa Lettre aux professeurs de musique, M. Fayolle reproduitquandil dit : «alors, plus dérègle.»
rend compte des travaux qu'il a faits depuis trente ans, Il est incontestable que si on renonc(! aux règles, c'est
et nous apprend qu'il a analysé beaucoup de livres sur comme s'il n'y en avait plus. Il est vrai que M. Fayolle
la musique, tant imprimés que manuscrits, dans les bi- ajoute : « plus de frein à leur ardente imagination (l'ima-
bliothèques de France et d'Angleterre. Tout cela est II gination des jeunes artistes), qu'ils supposent être le
assurément fort respectable et fort utile ; mais il s'agit vrai gcnie. » Je ne puis lui cacher que ceux qui suppo-
de Paganini et de Bcriot qu'il faut entendre pour juger sent qu'une ardente imagination est le vrai génie ne se
de leur talent. Dans une brochure sur Bériot et Paga- trompent point. Imaginer, c'est inventer; or, il n'y a
nini, on cherche donc principalement des renseigne- que le génie, le vrai génie qui invente. L'imagination et
mens sur ces artistes et non sur ceux qui les ont précé- le génie sont donc la même chose.
dés. Quant aux erreurs que j'ai pu commettre, ajoute Mais M. Fayolle est loin d'accorder que ceux qui Ont
« M. Fayolle, j'espère que je trouverai mon excuse dans une ardente imagination sont inventeurs ; el pour preuve
«1 l'enthousiasme que j'ai toujours manifesté pour le bel qu'ils n'inventent rien , il affirme qu'il n'y a plus rien à
« art du violon. « J'avoue que je ne comprends pas le inventer. «Nous le répéions, dit-il, vouloir innover et
sens de cette phrase ; car des erreurs sur l'art de jouer <i renoncer aux principes de l'ancienne école, c'est le
du violon ne sauraient venir de l'enthousiasme qu'on « comble de la folie. Léonard de Vinci, Albert Messer,
aurait pour cet art, mais de Ngnorance où l'on serait u Alex, de la Viola, Simon Arietto, Veracini, Corelli,.
de ce qui le concerne. « et surloutTartini, ont tout dit surla sciencs du violon,
Me voici à la préface; et ce n'est pas ma faute s'il « et n'ont rien laissé à désirer. C'est en les prenant
m'a fallu tant de temps pour y arriver. La nature des « pour guides que Geminiani, Leclair, Localelli, Nar-
idées qui y sont développées est indiquée par cette épi- dini, Pugnani, Gaviniès, Viotti, Rode et Baillot ont at-
graphe : la musique a aussi ses novateurs rétrogrades. Ce <i teint la perfection. Tel est le vrai, le beau, oui ; ce
qui veut dire que M. Fayolle ne croit point aux innova- «beau idéal, qui ne s'obtient que par les principes de
tions, ou qu'il ne les aime pas. On voit qu'il s'agit en- n l'ancienne école de violon. »
core ici d'une querelle de romantiques et de classiques. Que M.Fayolle y prenne garde; il s'agit ici d'une
Si jamais il y eut lieu de manifester librement ses opi- question qui intéresse non-seulement le violon, non-seu-
nions, c'est assurément en ce qui concerne les arts; el lement la musique, non-seulement les arts en général,
M. Fayolle est parfailemeiit le maître de se rangcrparmi mais l'existence de l'homme tout entière et l'avenir du
les défenseurs des doctrines classiques. Mais j'ai bien monde civilisé. Dire d'une chose quelconque, « on a
peur qu'il n'y ait dans la discussion du romantisme du tout dit U'i-dessus, » c'est porter une atteinte directe an
violon une querelle de mots, une vraie logomachie, principe de la perfectibilité humaine; piincipe sans le-
comme dans toute querelle de romantiques et de clas- quel l'homme serait au rang des autres espèces ani-
siques. males. Il se peut qu'il n'y ait qu'un certain nombre
<. Abandonner les principes des maîtres de l'ancienne d'idées applicables à de certaines choses considérées
« école, et ne plus reconnaître les bases fondamentales dans un ordre donné ; et quand ces idées ont été émises,
« de l'art déjouer du violon, ditH. Fayolle, n'est-ce rien de nouveau ne peut être dit, si l'on reste toujo-urs
« pas jeter les jeunes artistes dans un funeste aveugle- dans le même ordre; mais si quelque trait de lumière
d ment qui détourne de ces études classiques aux
les inattendu fait apercevoir un ordre nouveau, dès lors il
« sources desquelles les grands maîtres eux-mêmes ont restera à dire tout ce qui y est applicable. A cet égard,
e puisé? Alors, plus de règle, plus de frein e'i leur ar- l'esprit humain n'a point de bornes, et nul n'est fondé
« dente imagination, qu'ils supposent êlre le vrai génie; à dire nec plus ulird.
« alors, plus de beau idéal dans les arts, qui se trouve Qu'on me permette de me servir d'une comparaison.
REVUE MUSICALE. 99
Jèsu'ppose qu'après la mort de Paleslrina un compositeur les deux systèmes sont également funestes aux progrès
eût affirmé qu'il surpasserait ce grand homme dans l'art des arts. Dutens a fait un livre intitulé Origine des Dé- :
défaire chanter un grar.d nombre de voix, dans celui de couvertes attribuées au.v Modernes, dans lequel il a déni-
ner à la musique sacrée un caractère imposant et reli- quel respect pour l'antiquité Avec de tels hommes,
gieux, on se serait moqué de cet homme : tout était dit c'en serait bientôt fait de la civilisation ; heureusement,
en ce genre, et nul ne s'tjst élevé à la hauteur du chef ils n'ont pas beaucoup de crédit Le livre de Dutens est
do l'école romaine, illais si quelqu'un avait dit : «Pa- maintenant oublié., et la science, continuant à marcher,
« leslrina a traité avec une prodigieuse supériorité le a fait d'immenses progrès. Il en sera de même de tout
« genre auquel il a donné son n-om; mais il ^st de cer- ouvrage où l'on tentera de prouver qu'il ne reste plus
i< laines combinaisons harmoniques fondées sur un qu'à se faire le copiste de ce qui a été fait.
Il ordre de dissonances naturelles et non préparées qu'il Pour démontrer que Paganini n'est point l'inventeur
« n'a pas connues : ces combinaisons, je les ai em- des tours de force qui loi procurent aujourd'hui de si
« ployées dans des ouviages que je livre au public; il grands succès, JI. Fayolle cite, à l'égard des sons har-
«jugera de leur effet: » Si, dis-je, cet homm-e avait moniques, des sonates de Ferrari et de Mondonville où
tenu ce langage, lui aurait-on répondu encore que tout ces sons harmoniques sont employés fréquemment, et
était dit? Dans ce cas, il aurait publié ses ouvrages, des traités sur l'emploi de ces sons par trois professeurs
comme fit Monteverde , auteur de la découverte de ces allemands nommés Maas, KùsteretBreymann : il trouve
nouvelles dissonnani;es, et le germe d'un nouvel art lemélange des harmoniques aux sons naturels dans ,
qui devait changer la tonalité, et qui a eu des résultats une méthode de violon de Labbé; les variétés de l'ac-
si immenses, aurait été créé malgré les classiques du cord de la quatrième corde dans des sonates de Lolli
temps. Même chose se serait présentée à l'occasion de de Tarlini et Nardini ; l'art de chanter sur une
l'application de la musique au stjle dramatique, à la corde pendant que l'archet fait sur une autre corde un
réunion de la musique instrumentale au style vocal,. accompagnement travaillé, dans une sonate énigma-
chacune des révolutions , enfin, que l'art a subies; c'est tique du même Nardini; enfin tous les autres élémens
en effet ce qui est arrivé. D'aliord il s'est trouvé des du système paganinien dans les caprices de Locatelli.
gens qui ont blâmé les innovations; puis, quand on a Sou érudition nous rappelle en cela des choses qui n'é-
vu que le public les adoptait, on a dit que ce n'était pas taient point ignorées des violonistes instruits, mais elle
des innovations, et qu'on ne faisait que répéter ce qui ne nous paraît rien prouver contre le merveilleux talent
avait été dit et oublié. de celui qui a su s'approprier des découvertes que d'au-
Certes, j'admire les productions de Corelli et de Tar- tres avaient laissées infructueuses, et qui, par son
tini ; et je crois que l'étude de leurs ouvrages est néces- adresse prodigieuse aies rendre, a su donner à son jeu
saire pour former des artistes d'un talent réel et solide. une physionomie toute distincte de celle des autres
Ils ont créé un genre de beautés que rien ne pourra violonistes.
faire oublier; mais ils n'ont pas tout dit. Je n'en veux « . . . Aujourd'hui, dit M. Fayolle, le violon n'est
pour preuve que les noms cités par W. Fayolle après « plus une science, et l'art d'en jouer n'est qu'un chef-
eux: Pugnani, Gaviniès, Viotti, Rode et Baillot ont « d'œuvre d'adresse : qu'on y prenne garde ; 1 adresse
ajouté leurs découvertes, et ne se sont fait une brillante (1 seule n'est pas le véritable talent. Jamais Corelli,
réputation que parce que chacun d'eux a joint à l'art qui « Tartini , Viotti et Duport n'ont fait parade de tours de
lui avait élé enseigné la portion d'art qu'il avait reçu de « force. Il
la nature. Une seule chose est immuable; c'est la con- Ceci est une autre question qui mérite d'être examinée
formation sensible de l'homme : quant aux moyens sérieusement. On connaît mes opinions sur le but de la
d'en faire agir les ressorts, ils sont immenses et n'ont musique : elle n'est, selon moi, que l'art d'émouvoir,
de bornes que l'intelligence. Nul n'a tout dit; nul ne et tous ses moyens doivent tendre à ce but. J'avouerai
dira tout. donc volontiers que l'art de jouer du violon ne doit pas
Dans les discussions éternelles entre l'ancien et le être seulement un chef-d'œuvre d'adresse, et que l'a-
nouveau , il y a égale injustice des deux côtés. Les par- dresse seule n'est pas le véritable talent. Il est tel ada-
tisans outrés de l'ancien nient l'utilité ou le mérite des gio de Mozart ou de Haydn qui, joué par Baillot, m'é-
travaux des modernes ; et les enthousiastes de nouveau- meut plus que toutes les difficultés vaincues, si éton-
tés se persuadent que le vrai beau date de leur temps : nantes qu'elles soient : toutefois, je ne pense pas qu'il
100
REVUE MUSICALE.
« novateur, vous ne profiteriez pas de ce qui aurait été méthodes mises successivement en pratique dans notre
fait avant vous, et tout en voulant inventer, vous pays pour l'enseignement du chant, d'autant plus que
<. replaceriez dans son enfance. Soyez enfin A la
l'art nos professeurs n'ayant pas de doctrine fixe , de prin-
« fois artiste et savant : c'est ainsi seulement qu'on se cipes arrêtés, Il y a presque autant de|méthodes, ou pour
« fait une durable renommée. » mieux dire de manières d'enseigner, que de maîtres. Je
FÉTIS. tâcherai donc de réduire à sa plus simple expression
( La suite au numéro prochain. cette partie de mon travail, qui serait on ne peut plu»
)
Depuis la création du Conservatoire, les noms de Chaque année le Conservatoire reçoit au moins quinze
MM. Garât, Richer, Plantade, Guichard , Eler, Gérard, ou vingt malheureux jeunes gens pourvus de beaux
Jadin, Lasuze, Rolland, Butignot, Despéramons, Laine, moyens, doués de voix rudes et brutes, mais fort re-
Lais, Ponchard, Blangini, Martin, Boulanger, Garaudé, marquables, qui pour la plupart sont tout étonnés, après
Bordogni, Berton fils, Gobert, Henri, Adrien, Saint- quelques mois de travail , de sentir leur voix se fondre
Aubin, Rigault, Nourrit et de bien d'autres, ont été pour ainsi dire dans les classes , comme la neige au so-
successivement inscrits dans les almanachs nationaux, leil. C'est toujours en dehors de l'art qu'on va chercher
impériaux et royaux, accompagnés des titres divers de le remède à ce déplorable état de choses : on organise
professeurs de chant, professeurs de vocalisation, pro- des pensionnats d'hommes et de femmes, on subven-
fesseurs de préparation au chant, professeurs de décla- tionne des élèves pour faciliter leurs études , on écrit
mation lyrique, répétiteurs, suppléans, etc., etc.; le dans les départemens pour se faire expédier de belles
célèbre Crescentini lui-même a eu l'honneur d'être pro- voix par la diligence, et en résultat on n'en a pas un
fesseur honoraire du Conservatoire, où sans doute il chanteur de plus. C!est qu'au fonds de tout cela il y a
n'a guère donné de leçons, ce que j'aime à penser pour un vice radical qu'il faut découvrir et puis violemment
sa gloire. D'autres noms encore doivent être ajoutés à extirper.
cette longue liste,cesontceuxdeDugazon etdeMM. Ba- Voici, si je ne me trompe, en quoi consiste l'étude
tiste aîné , Michelot et Samson , et ceci est une mau- du chant au Conservatoire. Un élève est admis : s'il
vaise plaisanterie faite uniquement dans le but de dis- n'est pas assez musicien, on l'envoie d'abord se dégros-
créditer l'école. Les documens officiels sont là pour sir dans une classe de solfège , puis il passe dans ce
prouver que ces messieurs avaient mission d'enseigner qu'on appelle une classe de vocalisation. Là on lui met
aux élèves la déclamation lyrique, ce qui veut dire l'ap- entre les mains les vocalises de Crescentini ou de tout
plication de l'art du chant à l'étude des rôles ! autre maître qu'il travaille sous la direction de son pro-
Serai-je démenti en affirmant que toute cette kyrielle fesseur; poui*lout dire en un mot, on le fait chanter sans
de maîtres n'a pas formé, en plus de 3o ans, six ions paroles. Après avoir passé environ un an à celte be-
chanteurs et un seul artiste du premier ordre ? sogne, il entre dans la classe de chant. Là ce ne sont
Quoi qu'on en puisse dire, la France est peut-être le plus des vocalises, des airs sans paroles qu'on fait étu-
pays du monde qui produit avec le plus d'abondance de dier, c'est du chant pour tout de bon. Si vous êtes té-
belles et bonnes voix, et si les chanteurs y sont rares, nor, on vous fera apprendre pendant six ou huit mois
n'en accusez que l'ignorance des maîtres. l'air de Grétry : Du moment qu'on aime on devient si doua;;
Grétry a dit dans ses Essais sur la musique: A quoi si votre voix est grave, c'est l'air Du malheur, auguste
reconnaître le bon maître de chant? A l'élève qu'il a victime, que l'on choisira. Voulez-vous obtenir l'appro-
fait. bation des maîtres et remporter des prix ? faites-vous
Telle est aussi l'opinion de Mancini , auteur d'un ou- imitateur, copiez ce que vous entendez, ne faites pas
vrage fort estimé ayant pour titre Réflexions pratiques une inflexion que votre maître ne fasse; et après avoir
sur le Le succès d'un excellent chanteur,
char^ figuré. « ainsi ressassé pendant quatre ans vos trois rôles de dé-
dit ce savant professeur, dépend presque entièrement but, vous passerez trois fois inaperçu à Feydeau ou à
de la conduite sage et de la bonne direction du maître l'Opéra ; mais ù la quatrième , votre rôle ne vous a pas
qui connaît la disposition et la capacité de ses élèves. » été épelé par le maître, vous n'êtes plus même un imi-
C'est, en un mot, une vérité incontestable pourtous ceux tateur, et cette fois le public vous sifflera. De combien de
qui ont la plus petite notion des principes de l'art du jeunes chanteurs qui traînent leur nullité sur les ihéft^
chant. La voix humaine, en effet, est comme un dia- très de province, ceci n'est-il pas l'histoire !
mant brut qui n'acquiert toute sa valeur qu'après avoir En un mot, en terme de Conservatoire, élèves de
passé entre les mains d'un ouvrier habile. Malheureu- Ponchard, de Blangini, ne signifie rien autre chose que
sement on trouve plus d'habiles lapidaires que d'habiles pâle copie de Blangini ou de Ponchard. Mais hélas! il
maîtres de chant. Il est rare qu'un diamant perde de y a des chanteurs qui ont eu le triste privilège de s'in-
son prix entre les mains de celui qui le polit et le taille, tituler élèves de Lais , de Laine, d'Adrien ou bien en-
tandis qu'il est habituel de voir nombre d'excellentes core de MM. Plantade, Jadin, Batiste aîné ou Berloii
voix ruinées par la maladresse de prélenllus professeurs, fils.
dont le savoir, dans l'art du chant, ne s'élève qu'à pla- Certains maîtres, mais en bien petit nombre, font
cer çà est là dans un air quelques noies d'agrément. précéder l'étude des vocalises de celle de quelques
102 REVUE MUSICALE.
exercices élémentaires ; mais voulez-vous savoir dans professeurs italiens, et avant eux' M. de Garaudé, ont
quel goût s'ébauchent ces études préliminaires? ouvreï apporté depuis peu d'années dans cet enseignement.
ficiles à réunir, que ces genres de voix n'en font pas d'usage. aussi remarquable par la perfection d'exécution que
Sublime précepte parfaitement mis en pratique! car par le choix des morceaux. Les symphonies en la ma-
un jeur et en at mineur de Beethoven ont été rendues avec
avant l'arrivée de M. Banderali il n'était pas sorti
contralto des classes du Conservatoire. A la page
i5 se un feu, une vigueur de jeunesse et en même temps un
trouve ce merveilleux axiome : // est en chantant une fini vraiment ndmirahlcs et dignes de la beauté de ceS
règle générale et constante, qui enseigne, que de
deux sons compositions célèbres. Ad. Nourrit, par l'eSpressidh
celui qui est le plus aigu doit être articule
avec plus de force qu'il a mise dans la grande scène d'Orphée, s'est élevée I
que celui qui l'est moins : de façon qu'à mesure que les sons la hauteur de la grande conceptioti de Gluck ;
enfin; 1
montent leur force augmente, et à mesure qu'ils descen- Mme Damoreau , dans la cavaline de, Tancréde , a dé-
dent leur force (/(m(;iuc. Quoiqu'en dise r>ivertissement, pioj-é toute l'élégance de son chant, et M. Halma, dans
jamais un élève de Bernacchin'sx pu se rendre coupable un solo de violon, a mérité d'être applaudi ù plusieurs
d'une pareille balourdise, et bien qu'on nous affirme reprises, principalement dans l'adagio. Qu'il est vif Ife
que Bcrnardo Mengozzi ait l'ait partie de la commission, plaisir que procure une semblable séance! Serait-il vrai
nous déchargeons sa mémoire des hérésfbs musicales que nous sommes menacés d'en être privés à l'avenir,
contenues dans les 85 pages de la première partie de et que le découragement occasionné parmi les artistes
cette méthode. N'est-il pas évident pour quiconque a par les mesures désastreuses du gouvernement en soient
une seule oreille que, tout au contraire, de deux sons le la cause ? Ainsi se seraient accomplies les tristes pré-
plus aigu est le plus pénétrant, et qu'au lieu de forcer dictions que nous avons faites !
lavoix en montant, il faut continuellement s'appliquer — Un concert donné dans la salle Taitbout par M. Os-
à l'adoucir. La véritable règle générale et constante, c'est borne, pianiste irlandais d'un talent distingué, a réuni,
qu'il faut s'attacher, par de sérieux travaux, à rendre le 22 de ce mois, une brillante et nombreuse société.
toutes les notes parfaitement égales, à égaliser le clavier Outre le bénéficiaire, on savait qu'on devait entendre
de la voix, pour nous servir de l'expression pittoresque dans cette soirée M. de Bériot sur le violon , et la voix
de Tomeoni; et s'il est permis d'appuyer sur quelques- (le Mme Malibran : c'était un attrait auquel ne pou-
unes, c'est sur les notes graves, naturellement plus vaient résister les amateurs de musique.
sourdes que les notes aiguës. Je ne citerai qu'un dernier Deux fantaisies pour piano et violon, exécutées par
exemple, il est relatif au portamento di voce en descen- MM. Osborne et de Bériot, onlréuni tous les suffrages;
cendant : // faut éviter en portant la voix dans un inter- quant à la fantaisie sur un thème do Diable à Sévllle,
valle descendant, est-il dit p. i6, de faire une liaison trop composée et exécutée par M. Osborne, bien qu'elle
lente en quittant te premier son de l'intervalle pour tomber contienne de jolies choses , elle ne nous a pas semblé
dans le second... Car on obtiendrait précisément l'effet si- assez brillante pour mettre en évidence le taleQt d'un
nistre que produit CÊ portamento ïiVie'ia; que quelques chan- pianiste dans un concert.
teurs pratiquent encore. La manière à la fois si mélo- impossible d'avoir une justesse plus irréprocha-
11 est
phrase d'Otello, Se il padre m'abbdndona peut donner ployée par M. de Bériot dans un premier morceau de
une idée de cet effet sinistre , de ce portamento vicieux concerto que nous lui avons entendu jouer déjà à l'O-
proscrit par les docteurs de l'École royale. péra. Son succès a été complet, et le plus vif enthou-
En voilà certes plus qu'il n'en faut pour démontrer siasme s'est manifesté dans toute la salle. Nous regret-
combien les bases de l'enseignement du chant sont vi- tons que M. de Bériot se borne à ce premier morceau
cieuses au Conservatoire, et je m'arrête ici. Il ne me de concerto, et qu'il n'y joigne pas un adagio et un fi-
'
..••.loii-n- <:-
reste plus qu'à examiner quelles modifications les trois nale.
REVUE IBCSICALE. 103
Dans un duo d'Àndronico, dans un air avec récitatif Le duc de Bourgogne, prévenu que Philippe , roi de
et dans des airs anglais, Mme Malibran a été ravissante France, doit voyager incognito dans ses états, et qu'il
d'inspiration et d'exécution. Mlle Marinonl s'est mon- doit s'arrêter à fHôtel des Princes, achète cet hôtel et
trée digne de seconder la grande cantiUrice dans le duo se fait aubergiste pourapprocher de Philippe et détruire
3 mai, par une représentation de Freyschàtz, où l'on Beblin, 20 mars, Mme PohI Beisteiner, de Vienne,
entendra Haitzinger et Mme Schrœder-Devrient. vient de débuter au Théâtre-Royal dans la Molinara (tra-
— On annonce pour lundi prochain, 2 mai, l'ouverture duite en allemand) de Paisiello. Elle possède une voix
de rOpéra-Coniique par la première représentation de bien timbrée, surtout dans le médium. Les sons aigus
Zampa, ou la Fiancée de marbre, opéra en trois actes sont moins satisfaisans; elle laisse entendre aussi quel-
musique de M. Hcrold. On dit beaucoup de bien de la que chose de nasal quand elle veut forcer l'expression.
musique de cet ouvrage, et l'on croit que l'exécution en 11 est besoin, du reste, de l'entendre plusieurs fois pour
sera fort satisfaisante. Les chœurs et l'orchestre ont été être à même. de juger définiiivement le mérite de son
renouvelés en partie, et sont, dit-on, excellens. L'or- organe. Elle a réussi.
chestre sera dirigé par M. Valentino, excellent chef qui Dans un concert donné dernièrement par M. Moeser,
vient de quitter l'Opéra. on a entendu Mlle Hoist, jeune harpiste de beaucoup de
—
A compter du 10 mai prochain, l'Opéra sera fermé talent, et le sextuor de Cosi fan lutte, qui a renouvelé
jusqu'au premier juin pour cause de réparations ù la chez les auditeurs le désir de voir cet ouvrage remis au
salle, qui va être restaurée à neuf. On ignore si les ré- répertoire. La concertante de Maurerpour quatre vio-
pétitions àe Robert <«Dia/i/c commenceront dans cet in- lons y a encore produit beaucoup d'effet.
tervalle. On apprend que Mme Schrœder-Devrient vient d'être
— Ainsi que nous l'avons annoncé, le théâtre de l'Am- engagée au Théâtre - Royal i partir de l'automne pro-
bigu joue l'opéra-comique. Sous le titre de l'Hôtel des chain ; elle donnera, le 23, sa dernière représentation
princes, on y représente depuis quelques jours une petite dans la Vestale.
pièce en un acte, dont la musique a été composée par »i. Concert du jeune Théodore Stein, pianiste de
M. Prévost. Le sujet de cette pièce n'est pas neuf, car douze ans et improvisateur. Exécution défectueuse ainsi
il s'agit d'un nouveau Jean de Paris. que la soi-disant improvisation. Le même soir, M.Wei-
104 BEVUE MUSICALE.
dener, bassoniste distiogué, se faisait entendre au théS- un petit air {lied) fort original. Le compositeur a été
tre dans un concerto pour son instrument. Son agilité redemandé après la représentation.
est remarquable, ainsi que la sûreté de ses sons aigus. Tbieste. La troupe chantante du théâtre de cette ville
27. (Dimanche des Rameaux). Exécution de la Pas- sera composée, à la saison de l'automne, de la manière
sion de Sébastien Bach par l'Académie de chant. Ce suivante: 1° prima donna: Mmes Schûtz-Oldosi, Saint- ,
Riése, tombés subitement malades. Ils ont fait d'ail- Cinq opéras seront joués dans la saison. Parmi ce:
leurs tout ce qu'il était possible de faire, en raison du ouvrages on remarque une traduction italienne de la
peu de temps (jji'ils avaient eu pour se préparer, Muette de Portici d'Auber, et la Fidanzata, écrit exprès- J
28. Concert de M. Maurer. Ce virtuose, l'un des pre- sèment pour le théâtre de Trieste par Riesck.
|
miers violonistes de l'Allemagne , a obtenu et mérité de — Mme Ronzi de Begnis, qui a chanté à l'Opéra Ita-
Tifs applaudissemens. Peu hardi, mais pur, sage et lien de Paris il y a environ douze ans, et qui, après
rempli de goût, son jeu plaît surtout par la grâce avec avoir passé quelques saisons à Londres, s'était retirée
laquelle il exécute les cantilënes. Il a fait exécuter deux du théâtre, vient de contracter un engagement pour les
ouvertures très agréables de sa composition. Son fils, théâtres de Naples avec Barbaja.
j
jeune violoniste de douze ans, a charmé et surpris tous
mière représentation du Dieu et la Bayadcre, d'Auber. A Paris, chez E. Thoupe^ias, éditeur du Répertoire des opéras fran-
çais, avec accompagnement de piano, rue Saint-Marc, n. 23.
On a regretté que l'idée de faire intervenir une danseuse
Ouverture, avec accompagnement de violon, ad libitum.
comme personnage principal ait forcé l'auteur  ne faire
N. 1. Duo chaulé par MM. Lemonnier et Boulard; Tout à ja pa-
de celte œuvre qu'un opéra incomplet; mais ce qu'on a —3
trie. fr. 78 c.
pu entendre a plu. Mlle Saint-Romain remplissait le N. 3. Chahsow bohémienne, chantée jiar Mme Boulanger: J'en-
personnage principal. tends frémir. —9 fr. 28 c.
i5. Concert de M. Panny. Ainsi que dans le premier, N. S. Dco chanté par Mlle Prévost et Bonlard : Tu pars adieu ma
,
dont nous avons déjà parlé, cet arliste n'a fait exécuter vie. —3 fr. 7» c.
que des morceaux de sa composition. Chants pour voix N. 4. Choeur de moikes : yé Smnt-Prançois. — 6 fr.
seule, chœurs de guerriers, de pêcheurs, de matelots, N. S. Duo chanté par Chollet et Féréol: S'il est heureux de plaire.
Sfr.
airs variés pour la voix et pour les instrumens, M. Panny
N. 6. Air chanté par Mlle Prévost : O douleur! o malheur!— S fr.
de tout, excepté de la grande musique. Il ne manque
fait
mal
N. 7. Choeur d'inquisiteurs: j^h îa/«< o/jtfce. — 2 fr.2Sc.
ni d'idées, ni d'effets, mais le tout est dirigé.
N. 8. Trio chanté par Mile Prévost, Chollet et Lemonnier: Oci'e/.'
18.Concert anniversaire consacré par M. .Moeser à que -vois-je ? —7 fr. 50 c.
orchestre et chœur. Ce dernier ouvrage, moins connu que N. 10. Duo chanté par Mlle Prévost et Chollet: Q monèpoux! —
les autres même maître, est riche d'effets de génie,
du 2 t'r. 25 c.
2 2» c.
sensible dans ses dernières productions. On aurait dé-
fr.
pelle Reissiger, le Moulin du rocher de l'Estatière, a été du public. Tous les morceaux sont d'une exécution facile.
morceaux ont été vivement applaudis; on a fait repéter IMPKIMEBIE DE E. DVVEKGEB, RUE DE VEBNEVIL, «" 4-
REVUE MUSICALE,
V"« ANNEE. PUBLIÉE PAR M. FÉTIS. Ji" U.
DEUXIÈME ET DERNIER ARTICLE. « devenir une science exacte. Par malheur, Veracini devint
«fou, et l'art du violon se perdit; mais Tartini et Mar-
Une idée singulière domine dans la partie de la bro-
celle lui restèrent.
chure de M. Fayolle qu'il a intitulée : Avis aux jeunes
« feu de temps après, Tartini quitta Venise pour al-
artistes qui se destinent à l'enseignement du Violon; cette
« 1er se fixer à Padoue. Il fit alors de profondes ré-
idée consiste dans la croyance que l'art de jouer du
violon est le résultat du calcul. « flexions sur un instrument dont la simplicité embrasse
Il y revient sans cesse
et la présente «une infinité de moyens. Il considéra le violon sous le
dans tous ses développemens. «Vers le
otôine Veracini, et qui avait repu une brillante éduca- « et de l'anatomie pour les mouvemens de Came. Après
« tion , comme musicien et comme mathématicien. «avoir étudié le système de Pithagore et celui d'A-
«Frappé des idées de J. Borelli sur les lois de la com- ce ristoxène, il préféra celui de Ptolémée et de Di-
«munication du mouvement, il fit de profondes ré- «dyme. Pour le corps sonore, il se procura l'ouvrage
« flexions sur le mécanisme symétrique des deux mains, «de Barlholomeo-Ramos Pereira (Pereyra), qui, en
« et sur leur usage dans l'art de jouer du violon. « 1400, avait été appelé de Salamanque à Bologne par
«Tartini ayant entendu parler de la haute science de «Nicolas V, pour y occuper une chaire de musique.
« Veracini, partit à pied de Padoue pour venir recevoir «C'est Pereira qui proclama le premier l'expérience
« de ses leçons. Veracini était alors à Venise chef de «des sons multiples du corps sonore, selon la loi des
« l'académie de musique fondée par le roi de Pologne. aliquotes. Enfin Tartini consulta l'ouvrage du célèbre
« C'est là que Tartini conçut la première idée de divi- «astronome J. Kepler, Harmonia mundi, dans lequel
ser l'archet géométriquement. Depuis il composa son n le troisième livre traite des proportions harmoniques.
Art de l'Archet, sur une gavotte de Corelli. «Mais deux ouvrages qui intéressèrent le plus, ce
les
'' Cet ouvrage immortel, le croirait-on, fut a de Sauveur, qui peut-être lui donna
fut l'acoustique
inspiré à Tartini en lisant celui de Borelli, qui contient «l'idée du troisième son, et le mémoire de Mairon sur
fies loismécaniques de l'action musculaire dans les «la propagation des sons, d'après Newton, ainsi que
•raouvemens de l'homme et des animaux. «sur l'analogie entre les sons et la lumière, etc. etc.»
«Ce fut à l'aide àa (^a\cu\ A&i infiniment petits qwtTay- J'ai cru devoir citer tous les passages où M. Fayolle
tini composa son Art de l'Archet, et safameuse feuille s'est attaché à son idée du calcul appliqué au violon,
àt broderies, sur un adagio en fa majeur qui se trouve afin de démontrer que cette idée n'est point en lui le ré-
'dans le même ouvrage sultat d'une simple conjecture, niais qu'elle résulte dans
106 REVUE ÎÏUSICALB,
son esprit de faits qu'il rapporte avec la conviction ou Voici encore un passage curieux de la brochure de
du moins la croyance d'un historien. Auxcirconstances M. Fayolle. «Tartini avait deuxarchets,run marquésur
qu'il cite avec tant de diJtails , qui ne croirait en effet « la baguette de la division à quatre temps, l'autre, de
que tout cela a été rapporté par les biographes contem- «celle àtrois temps. C'estdanscesdivisionsqu'il obtenait
porains de Veracini et de ïartini ? M. Fayolle ne nous «toutes les subdivisions de Vinfiniment petit, et comme
laisse ignorer aucune circonstance; peu s'en faut qu'il « il lui était prouvé que le poussé vertical était plus bref que
ne nous dise le jour et l'heure où les deux virtuoses ont • le tiré perpendiculaire , il faisait jouer la même pièce en
lu tel ou tel livre scientifique ou fait telle ou telle expé- « tirant comme enpoussant, avec les mêmes inflexions. Aussi
rience: eh bien! pas un mot de ces choses n'existe dans « avait-il écrit en grosses lettres cette maxime sur son pupi-
les renseignemens parvenus sur les
écrits qui nflus sont « tre: FORCE SANS BAIDEDR ET FLEXIBILITÉ SANS MOLLESSE. »
deux virtuoses. C'est, dit AI. Fayolle, d'après la tradi- En vérité, je suis fort embarrassé pour trouver un
tion et les conférences de Guingncné avec Petit et Pa- moyen de dire ù M. Fayolle que la tradition et les con-
gin, deux élèves de Tartini, qu'il a exposé les travaux férences de Ginguené avec Petit et Pagin ont encore
de cet artiste pour perfectionner son instrument. Pour étrangement abusé de sa bonne foi en ceci. Je l'exhorté
moi, je l'avoue. Petit et Pagin m'auraient dit en propre ù croiie queTarlini n'avait point deux archets dont l'un
personne qu'ils avaient vu Tartini faire usage du calcul était divisé en quatre temps et l'autre à trois, et qu'il
(les infiniment petits pour régler son Art de l'Archet, que trouvait dans ces divisions les subdivisions de l'infiniment
je n'en aurais rien cru ,
parce que c'est l'idée la plus petit; car Tartini n'était pas imbécille. Quant au pas-
bouffonne et la plus ridicule qui puisse passer parla sage souligné ,
je n'en parle pas ; l'intelligence me
tête d'un fou. Je n'en aurais rien cru, parce que loin manque absolument pour l'entendre.
d'entendre le calcul des infiniment petits,Tarlin\, je m'en Pour en finir avec Tartini, M. Fayolle s'écrie:
suis convaincu en lisant son Traité de musique, n'en- «... L'école de Tartini ,
près d'un demi-siècle avant
tendait pas trop bien les calculs de simple arithmétique, « Viotti, s'était répandue en Europe, et y avait porté
et attachait une grande importance ù de pures niaise- «partout sa méthode sublime. Hélas! aujourd'hui,
ries. Je n'en aurais rien cru, parce que Tartini, hon- a combien elle a déchu ! Au dire de certains professeurs,
sculement jouait du violon, mais était un grand violo- ic Tartini n'est plus qu'un mot.
niste, et qu'il ne se pouvait pas qu'il ne vît tout d'abord «Nous leur ferons observer que si Tartini n'avait
que le calcul, de quelque espèce qu'il fût, n'avait que «été qu'an mot, tous les savans de l'Europe n'auraient
4'aire à son archet. La tradition ,
qui trapsmet souvent « pas été jaloux de correspondre avec lui. » On ne peut
des absurdités d'âge en âge, a encore fait des siennes pousser plus loin l'évidence dans le raisonnement.
dans cette circonstance. Je regrette qu'un ancien chef de «Tous les savans de l'Europe, après sa mort (la mort
brigade à l'école polytechnique, qui joue du violon et «d'un mot! ) ne l'eussent pas cité comme une autorité
qui en a souvent parlé, ait été sa dupe dans une chose «irrécusable. Enfin, le savant Prony ne se serait pas
qui est doublement de sa compétence. « chargé de l'admirable article Tabtini, dans la Biogra-
J'ignore si Veracini prit de Borelli des idées sur le mé- iphie universelle. » On peut toujours se charger d'un
canisme symétrique des deux mains appliqué au violon, admirable article, cela ne gâte rien à une réputation
et s'il ne consulta pas là-dessus ses doigts et son bras de science; mais je crois en effet que M. de Prony au-
plutôt que le livre de son savant compatriote ; mais ce fait été assezembarrassé de faire la biographie d'un mot.
que je sais bien, c'est que Jl. Fayolle s'est trompé sur Ce paragraphe est charmant !
Dans cette même partie on voit que Rode était le Cor- tiqueque Serres de Genève en avait faite, et qu'il ait
rige du violon, Kreutzer l'Augereau du violon, Lafont mentionné un Traité des agrémens du chant, que TaTtini
l'Alcibiade du violon, et que Baillot est l'Hésiode du vio- n'a jamais fait.
lon. Je suis fSché que M. Fayolle n'ait pas poussé plus Pour en flnir avec les connaissances en physique et
loin celte liste comparative ;
j'aurais été bien aise de en mathématique que M. Fayolle attribue à Tartini, je
savoir ce que sont à l'égard du violon certains artistes lui rappellerai que le P. Colombo, célèbre mathémati-
qui mettent parfois mon oreille A de rudes épreuves. cien italien, affirma au docteur Burney, en 1770 , que
Bien des anecdotes et des citations de faits rapportées Tarlini ne comprenait pas lui-même son système, qu'il
par M. Fayolle dans les troisième et quatrième parties était d'une ignorance complète en tout ce qui appartient
de sa brochure sont au moins hasardées, ou même sont aux mathématiques ainsi que dans l'art d'écrire, et qu'il
complètement fausses. Par exemple, il dit (pag. 19) que avait été obligé d'avoir recours à la plume du même
vers le milieu du dix-septième siècle François Veracini, P. Colombo pour rédiger ses livres.
violoniste célèbre, existait à Venise, et que Tartini par- La partie de la brochure de M. Fayolle qui a pour
tit ù pied de Padoue pour aller prendre de ses leçons. titre l'art de jouer du violon de Paganini, est tirée de
D'abord, si Veracini avait brillé à Venise vers le milieu l'ouvrage de M. Guhr, et la notice abrégée sur cet ar-
du dix-septième siècle, Tàrtini n'aurait pas été prendre tiste, de celle qui a été publiée dans le septième volume
de ses leçons, car il naquit en Istrie, , en 1692, il était de la Revue musicale. M. Fayolle n'y a rien ajouté, si ce
dé'jà marié quand il alla à Venise , et Veracini aurait eu n'est quelques anecdotes qui ont peu de rapport à .son
alors plus de quatre-vingt-dix ans. Le fait est que Fran- sujet. Quant à la note sur M. de Bériot, elle porte pres-
«yis-Marie Veracini était né à Florence vers 1680 , et que toute entière sur la manière dont cet artiste accorde
qu'il a été appelé à la cour du roi de Pologne, en 1720. son violon pour jouer son concerto en mt bémol, et là-
Quant à ce que rapporte M. Fayolle, concernant les re- dessus vient un long passage sur les modes grecs, et sur
lations d'amitié entre Tartini et Veracini, il y a deux les Spartiates qui coupaient les cordes que les musiciens
versions à cet égard. Dans la première, Tartini, effrayé ajoutaient à leur lyre. M. Fayolle avoue que M. de Bé-
du jeu de Veracini, partit i\ l'improviste de Venise le riot allonge bien son archet; mais, dit-il, faute d'en
lendemain du jour où il l'entendit; dans l'autre, Vera- connaître les divisions, suivant l'école de Tartini, il
cini aurait emmené Tartini à Ancone pour lui donner manque de souplesse et d'énergie. Il y a tout lieu d'espé-
des leçons. On voit que rien de tout cela n'est bien rer que, sensible à cette observation, M. de Bériot va
avéré, et l'on est fort loin d'avoir des détails authenti- prendre le compas, et diviser sa- baguette en trois ou en
ques sur de prétendues études mathématiques de ces quatre temps; alors il aura de la souplesse, de l'éner-,
virtuoses. gie, et nous aurons du plaisir à l'entendre.
Eni4i)o, ÎSicolasV niBartholomeo-Ramos n'étaient nés, Troisième lettre à M. le Rédacteur de ta Revue musicale.
il n'y a jamais eu de chaire de musique à Bologne dans Monsieur,
le quinzième siècle; enfin, c'est en 1^82 que l'ouvrage Avant de rechercher ce que la tradition orale ou écrite
Je Pereira a été publié , c'est-à-dire ,
près d'un siècle nous a laissé de traces de l'ancienne école de chant ita-
après l'époque fixée par M. Fayolle. lienne, il me reste ù examiner les modifications in-
M. Fayolle assure que ce fut en 1714 que Tartini dé- troduites dans l'enseignement de l'École royale par
couvrit le phénomène du troisième son , bien antérieu- MM. Bordogni, Pellegrini, Banderait, et un peu avant
rement au fystime ue Rameau, qui date de 1722 (p. 22). eux par M. Garaudé.
Si le fait est vrai, il tint long-temps sa découverte ca- Je l'avoue , ce n'est pas sans crainte que j'aborde
chée, car ce ne fut qu'en 1-54, c'est-à-dire, quarante cette partie la plus délicate, sinon la plus difficile,
ans après qu'il publia son Trattato di musica, secundo la de mon travail. Toutefois ces messieurs voudront
vera scienza deW armonia, où il exposa pour la première bien se rappeler, si jamais ces lignes passent sous leurs
fois son système. Il est assez singulier que dans la liste yeux, qu'elles sont sorties de la plume d'un simple ama-
des ouvrages de Tartini que M. Fayolle a donnée teur, et qu'elles ont été inspirées par un seul motif,
(p.
28), il ait oublié celui-là, ainsi que sa réponse à la cii- l'amour de l'art et de la vérité.
108 ÏIEVCE MUSICALE.
C'est une erreur assez généralement accréditée, qu'un défrichée '. il ne suffit pas de faire disparaître de sa sur-
habile artiste est par cela même un maître excellent. Il face les pierres et les ronces; il est besoin de la remjier
est vrai que dans l'art du chant la plupart des grands de fond en comble, de la creuser dans tous les sen«
professeurs ont été des chanteurs célèbres; mais il s'en avec la pioche et la charrue. C'est alors seulement qu'on
iaut debeaucoup que tous les chanteurs célèbres soient peut semer avec confiance, et s'attendre à une riche et
devenus d'habiles professeurs. Je serais véritablement abondante récolte.
ingratsi je ne rangeais MM. Pellegrinict Bordogni dans Déjà plusieurs élèves sont sortis des classes de M. Ban-
la première de ces catégories , car j'ai encore présentes derali : je ne dirai un mot que de deux seulement qui
à mon souvenir toutes les jouissances musicales que je ont été plus particulièrement remarqués, M. Baroilhet
leur dois; mais ce ne m'est pas une raison suffisante et M"" Michel. Ces jeunes artistes ont toutes les quali-
pour reconnaître dans ces chanteurs, justement célè- tés et tous les défauts de l'école dont ils sortent. Tous
bres , les qualités qui constituent un bon maître de chant. deux ont un carnet bien rempli de traits de tputes sorte»,
Certes, ils sont capables, aussi bien que personne, de applicables aux divers rôles qui se rencontreront dans
transmettre à de jeunes élèves les traditions du style ita- leur répertoire ; tous deux ont bien saisi ce fion (qu'on
lien; mais c'est là, si je ne me trompe, tout leur talent me passe cette expression pittoresque, quoiqu'un peu
de professeur. Au reste, je désire vivement être dé- triviale ) italien que peut aussi donner la fréquentation
menti par eux, et je me tiendrai pour convaincu au pre- des Bouffes; mais ils ne sauraient ni l'un ni l'autre faire
mier bon élève qui sortira de leurs mains. sortir leur voix, la poser et la lier convenablement,
Quant à M. Banderali, la question mérite d'être exa- filer un son ou dire trois notes d'un chant spianato. Le
minée avec plus de soin et de gravité. C'est, dit-on, maître leur a laissé de plus, à peu près tous les vices na-
M. Rossini qui nous a adressé ce maître comme le meil- turels de leur organe, que je ne pourrais indiquer ici
leurdel'Italie; et auxavantages inusités qu'a cru devoir sans faire une énumération fort peu amusante de termes
lui faire l'administration
de l'JÉcole royale, on n'a pas dû techniques.
s'attendre àmoins qu'à une régénération complète da D'après tout ce que je viens de dire, je ne crains
Conservatoire quant à l'élude du chant. M. Banderali donc pas de me tromper en affirmant que malgré tout
jouit en effet en Italie d'une fort grande réputation son talent, AI. Banderali' ne connaît pas la constitution
comme professeur; celte réputation l'a suivi à Paris: fflécanique de la voix humaine, non plus que l'art de
aucun maîlre n'est ici plus couru , et nous aimons à le l'améliorer et d'en guérir les défauts, et ce sont là pour-
reconnaître, il n'en est aucun qui puisse balancer ses tant les premières qualités d'un bon maître de chant.
brillans succès dans les salons de nos dlletianti. Per- J'arrive enfin à M. de Garaudé. Ce professeur n'a pas
sonne en doué d'une imagination plus riche
effet n'est été chanteur comme MM. Pellegrini et Bordogni; il
et plus féconde; personne n'invente de plus jolis traits, n'est pas doué de la fécondité d'imagination de M. Ban-
de plus délicieuses fioritures ;
personne enfin ne sait derali , et cependant il peut se placer à côté de ces trots
mieux embellir un air. Vingt fois le même morceau pas- artistes, et je crois que l'École royale lui doit au moins
sera dans ses mains, et vingt fois il en sortira embelli autant qu'à eux. Un seul point excepté, que je tâcherai
d'une parure tolile différente. En voilà plus qu'il n'en d'éclaircir plus bas, il est plus aisé de parler de M. de
faut pour expliquer comment tous nos soprani et nos Garaudé que des professeurs italiens celui-ci du moins a ;
contralti de salons ne sauraient se passer de lui pour produit quelque chose de saisissable et de susceptible
régler la cavatine qui doit les faire applaudir à triple d'im examen réfléchi, je veux parler de sa Méthode
salve dans les soirées à la mode. complète de Chant, dédiée à son élève, mademoiselle Clo-r
Mais est-ce bien là tout l'art du chant, et même en tilde Coreldi, prima donna des théâtres de Milan et de
faisant suivre tout ce brillant cortège de traits et de fio- Naples. Quoique je n'aie pas le dessein de faire une ana-
ritures du style italien dont on ne contestera pas l'ex- lyse raisonnée de cet ouvrage important, ce qui serait
cellence, obtiendrez-vous un grand chanteur? hélas! je fort long et peu récréatif, je ne puis me dispenser de
crains que non; cai* pour réussir dans le chant italien dire quelques mots.
il ne surfit pas d'ajouter une parure éphémère à des M. de Garaudé a senti la nécessité de réformer l'ancien
phrases de mélodie; il faut des études longues,
cons- enseignement en France. Il nous dit dans son avis pré-
tantes et sévères, des travaux rudes et fastidieux, une liminaire qu'il est allé s'inspirer aux bonnes sources, et
application de tous les instans. La voix humaine, comme qu'il a écrit ses vocalises sous le beau ciel de l'Italie
la terre qu'on veut mettre en culture, a besoin d'être sur les terres classiques de la mélodie; qu'enfin il a re-
REVUE MUSICALE. 109
ce qui est susceptible de controverse. Il me semble élémentaires de la première partie de sa méthode sont
qu'oubliant ses propres paroles : que ce que l'on nomme des applications des principes de l'art, tandis que les
goût de style vieillit avec les professeurs qui l' enseignent , ce cent soixante exercices qui doivent servir .à les préparer
maître a attaché une trop grande importance à des sont écrits à la suite de ces leçons au lieu de les pré-
choses si fugitives, puisqu'il semble avoir écrit son ou- céder. Au reste, il suffit de parcourir la table des ma-
vrage pour faciliter aux élèves l'étude du style moderne. tières pour se convaincre que la classification des di-
C'est en effet à ce but que tendent presque uniquement verses parties dont se compose cet ouvrage important
les 285 pages de prose et de musique renfermées dans est fort peu rationnelle.
cette Méthode complète, tandis que les principes im- Je sais bien qu'à toutes ces critiques M. de Garaudé
muables de l'art du chant sont jetés çà et li avec fort peut répondre péremptoirement par un seul mot avec :
peu d'ordre et de méthode, et souvent entremêlés de ma méthode j'ai fait la Coreldi! pourtant, malgré les
graves erreurs. preuves incontestables du grand talent que possédait
M. de Garaudé s'est encore laissé entraîner par l'ap- celte virtuose, talent bien attesté par les applaudisse-
parente sagesse des moyens termes. Son principal but mens du public de San Carlo et de la Scala, ainsi que
affirme-t-il, a été de chercher à opérer une fusion heu- par les éloges des journaux de Naples , de Milan et de
reuse des écoles anciennes et modernes , de réunir o les Turin; je ne sais quel sentiment de doute m'obsède et
« avantages de la méthode large et expressive des Ga- arrête ma conviction. Pardonnez, je vous prie, mon-
(I brielli, des M ara, des Norichelli, des Pacchierotti sieur, mon incrédulité; je ne puis me persuader que
« des Narchesi, des Crescentini , à l'élégance et au bril- dans le cours de vingt-cinq ans de professorat vous ayez
« lant de la manière de chanter des Velluti, des Fodor, formé une cantante di primo or dine , comme dit le journal
« des Posta, des David, des Rubini et des Lablaclie. « officiel de iSaples, et que vous n'en ayez formé qu'un*.
M. de Garaudé possède trop bien l'histoire de l'art qu'il La Coreldi aurait-elle joui d'une réputation usurpée?
professe pour ignorer que la manière de l'ancienne école mais non; les Napolitains et les Milanais^souttrop fins con-
était large et expressive, sans pour cela le céder à l'école naisseurs, et jamais on ne précisa mieux le talent d'une
moderne sous le rapport du brillant et de l'élégance, et cantatrice, un bel métallo di voce melodiosa, nelta, pieghe-
qu'il n'est nullement besoin de chercher un juste milieu vole, ugaale, dutiile, che scende ai tuoni piu bassi e sinnatza
qui ne saurait exister dans les arts. Il suffit de recom- ai sopracuti, con ferma edargentinaprogressione. Ilesttout
mander à nos jeunes artistes de mettre dans leurs études aussi indubitable que vous avez été son maître. Cepen-
cette persévérance, cette conscience qui distinguait à dant je lis page 35 de votre méthode : la principale règle
un si haut degré les anciens chanteurs, sans craindre de l'expression musicale dans la vocalisation, est, (vous
aucunement que le goût moderne puisse rien perdre soulignez vous-même les mots suivans) d'augmenter gra-
dans la pratique des principes immuables de l'art. Ces duellement le son, lorsque la cantilène forme une suite de
principes sont pour l'étude des différens styles du chant plusieurs notes ascendantes, et de le diminuer peu dpeu,
ce qu'est la grammaire générale pour l'étude des lan- lorsque ces noies forment une phrase descendante. Avec de
110 REVUE AfUSICALE.
pareils axiôraes on peut faire un Dérivis, ou bien une tion dépourvue de soins et de goût ? c'était encore
madame , mais non une Coreldi. Dans une telle l'Opéra-Comique. Point de receltes; des dépenses à en-
perplexité, et pour l'honneur de l'art, je ne sais quoi gloutir la fortune la plus solide; point de salut pour le
me donne à penser qu'un autre maître a passé par-lù. présent, point d'espoir pour l'avenir : tel était le tableau
Un seul mot de M. de Garaudé peut tout èclaircir. que présentait alors un théâtre autrefois florissant et un
- En résumé , les améliorations introduites dans l'étude genre de spectacle déchu de la faveur publique. Que
du chant au ConscrTatoire, au lieu d'être radicales, s'est-il donc passé qui, dans un mois, a changé tant de
n'ont porté que sur le goût et le style : il y a progrès, mal en un bien dont tout le monde vient d'être frappé?
sans aucun doute, bien que nos théâtres i chant fran- Je vais essayer d'en rendre compte.
çais ne puissent de long-temps en ressentir l'influence. Plus occupé du soin de faire une salle élégante et de
Cela vient de ce que les études consistent toujours à la décorer avec goût que de construire un théâtre favo-
étudier des airs. Les maîtres étant Italiens, c'est de l'ita- rable à la propagation des sons par les dispositions de
lien qu'ils font apprendre ii leurs élèves ; et ceux-ci, une ses lignes acoustiques, l'architecte qui a tracé le plan
lois formés, quittent la France ou s'engagent A Favart. du nouvel Opéra-Comique, a si mal pris ses mesures
Voyez plutôt Mlles Michel et Baroilhet. Voili donc à que, naguère, musique ne produisait de l'effet que
la
quoi aboutissent les 4o ou 5o mille francs que coûte l'é- dans les corridors qui se trouvent derrière le théâtre, en
cole de chant. sorte qua le résultat était précisément le contraire de ce
Si l'on veut la régénérer et la rendre utile au pays, qu'il devait être. Au lieu de frapper directement contre
il faut chercher des maîtres possédant la tradition des le tambour de la première galerie pour se répercuter
principes fondamentaux de l'Ecole italienne, principes dans la salle, la voix des chanteurs se perdait dans le
applicables i toute espèce de chant, puis choisir quel- ceinlrc : l'orchestre, placé beaucoup plus bas que le
ques professeurs nationaux qui en fassent l'application parterre , s'épuisait en efforts inutiles pour projeter
à notre langue. Ce problème ,
je ne le crois pas inso- au loin ses masses sonores; enfin, tels étaient les dé-
luble, et je tâcherai de le prouver. fauts do cette salle, qu'un bon orchestre et des chan-
P. R. teurs excellens y auraient perdu une partie de leur
mérite.
Frappé de ces inconvéniens, M. Lubbert s'est décidé
Nouvelles de Paris. à sacrifier toute la partie de la salle qu'on nomme l'or-
Bien des révolutions se sont opérées dans la destinée acoustiques de la salle, elle succès a été complet.
de rOpéra-Comique depuis qu'un petit nomlirc de co- Profitant des circonstances favorables qui mettaient
médiens italiens en jetèrent les premiers fondemens, à sa disposition de bons musiciens, M. Lubbert a re-
sous le règne de Louis XIV aucune ne fut plus remar-
; monté l'orchestre et l'a augmenté de telle sorte qu'il en
quable que celle qui vient de se taire. Un mois s'est à a fait un des meilleurs qu'il y ait en France. Des sym-
peine écoulé depuis que l'administration de ce thé'itre a phonistes jeunes et pleins d'ardeur ont succédé à de
passé des mains de M. Boursault en celles de M. Lub- vieux musiciens fatigués. Sous la direction de M.Valen-
berl, et ce court espace a suffi pour tout changer. Alors, tino, ils déploient une énergie, une intelligence rare;
quand on voulait parler d'un spectacle dont toutes les les nuances les plus délicates sont rendues avec un fini
parties étaient négligées et qui n'inspirait au public que parfait, et la musique loin de s'affaiblir par l'exécution
du dégoût, on citait l'Opéra-Comique s'agissait-il d'un : comme cela n'arrivait que trop souvent autrefois, s'em-
mauvais orchestre? c'était celui de l'Opéra-Comique; de bellit maintenant de tout ce qu'il y a de magie et d'effet
choristes sans voix, chantant faux et manquant à la me- dans les ressources d'un orchestre excellent.
sure? cela se trouvait à l'Opéra-Comique; d'une exécu- Les mêmes réformes , les mêmes améliorations ont
REVUE MUSICALE. 111
été faites dans les chœurs. Devenus plus nombreux, re- teau. Cette galerie est ornée de statues: l'une d'elles
crutés de voix sonores et fermes, ils sont aujourd'hui représente les traits d'Alice Manfredi, jeune fille qui,
aussi s.itisfaisans qu'ils l'étaient peu autrefois. Ce n'est après avoir été séduite par un seigneur qu'elle aimait,
plus cette mollesse d'attaque, ce désaccord qui blessait a été abandonnée, et qui, après avoir langui quelque
naguère les oreilles les moins expérimentées; c'est de temps dans une vaine attente du retour de son amant,
l'iensemble et de la justesse. La métamorphose est aussi est morte à la fleur de l'âge. Les habitans conservent
complète qu'il est possible. encore le souvenir de la bonté de son cœur, et l'invo-
Autrefois, M. Pixéréoourt faisait preuve de beaucoup quent comme une sainte.
d'intelligence et d'expérience dans la mise en scène des Un domestique vient annoncer à Alphonse que des
ouvrages; depuis sa retraite, cette partie importante hommes à cheval demandent i lui parler aux portes du
avait été négligée dans presque tous les opéras ; M. So- château; ne doutant pas que ce ne soient les amis qu'il
lomé, qui vient de quitter l'Opéra pour entrer à l'O- a priés d'être témoins de son bonheur, il court à leur
péra-Comique, a déjà fait dans Zampa d'heureuses in- rencontre; mais il ne reparaît pas, et bientôt au lieu de
borations qui ont contribué au succès éclatant que vient lui, c'est Zampa qui se présente; Zampa qui s'oppose l'i
d'obtenir cet ouvrage. Les entrées, les sorties des cho- la conclusion de l'hymen projeté et qui se flatte de ne
ristes et des comparses sont bien réglées ; leurs mouve- point trouver d'obstacles à sa volonté. Il remet à Ca-
mens sont dessinés avec goût. Qu'on ne s'y trompe pas, mille une de son père qui est tombé entre les
lettre
ces accessoires ajoutent beaucoup à l'effet et au mérite mains du pirate, et qui conjure sa fille de lui sauver la
des ouvrages. vie et de lui rendre la liberté en accordant à Zampa tout
J'ai souvent blâmé les fautes de M. Lubbert. Le dé- ce qu'il exigera. Camille offre tous ses trésors; mais les
sir de conserver à l'Opéra une position qu'il devait à une richesses, il les dédaigne : c'est elle-même qu'il veut
faveur de cour, et qu'une intrigue pouvait lui ôter, lui posséder. Pénétrée de douleur, elle se retire dans son
consumer en diplomatie hurea^icratique un temps
faisait appartement, et livre son château et tout ce qu'il ren-
précieux qu'il dérobait aux soins de l'administration de ferme à la discrétion de Zampa compagnons.
et de ses
son théâtre. A l'Opéra-Comique, ce n'est pas la même Un repas est servi, le vin coule en abondance, les têtes
Un fameux pirate, nommé Zampa, est devenu la ter- de quitter la galerie, Zampa veut reprendre son an-
reur de Naples et de la Sicile; surpris enfin par les trou- neau; alors le courage des pirates estmis une rude l'i
pes du vice-roi , il a été jeté dans les prisons de l'État, épreuve, car la statue étend tout â coup son bras et le
condamné à mort , et dans la crainte qu'il échappe en- ramène vivement en serrant l'anneau. Malgré sa fer-
core au sort qui l'attend, son signalement a été envoyé meté, Zampa est ébranlé, et les pirates épouvantés se
à tous les officiers du gouvernement. Alphonse, l'un précipitent contre terre. Ce coup de tliéâlre termine le
d'eux, vient de le recevoir au moment où Camille, filh; premier acte.
d'un riche négociant, va lui donner sa main. Des fêtes Au deuxième, tout se prépare pour le mariage de
magnifiques se préparent pour célébrer ce mariage ; des Zampa avec Camille Lugano. Ce Zampa n'est autre
ouvriers sont occupés à décorer la vaste galerie du ciiâ- que le comte de Monteza, frère aîné d'Alphonse. Dans
ÎI2 REVUE MUSICALE.
sa jeunesse, d«s amis débauchés l'ont jeté dans un genre pièce. Peut-être ferait-il bien de supprimer au second
de TÏe aventureux et agité qui a fini par l'obliger à se acte une des apparitions de cette statue : «n multipliant
faire chef de pirates. Son frère Alphonse ne l'a point ces effets, on les affaiblit. Un mérite assez rare et assex
connu, parce qu'il est beaucoup plus jeune; il ignore remarquable de ce drame est celui de la position des
que ce Zampa dont il a reçu le signalement n'est autre morceaux de musique qui sont en général bien amenés.
que son frère. Alphonse vient de s'échapper des mains Enfin Zampa me semble k la lettre un fort bon poëme
des pirates; il a appris que Camille a consenti à donner d'opéra.
sa main à un étranger; il veut s'opposer ù cet hymen. La musique que M. Hérold a composée pour, cet ou-
Son rival est devant ses yeux; Alphonse reconnaît les vrage est une des productions les plus distinguées sor-
traits dépeints au signalement, et ne doute plus que ce ties de sa plume; dans mon opinion, c'est même ia
soit Zampa lui-même qui veut lui enlever sa maîtresse. meilleure ; et cet ouvrage me paraît lui assurer une
Un des compagnons du pirate vient d'être arrêté sur la place honorable parmi les plus habiles compositeurs de
côte au moment où il débarquait. Il était porteur d'une l'école française. Le caractère des morceaux prin-
lettre dans laquelle Alphonse espère trouver la preuv« cipaux est bien saisi et a de la couleur dramatique;
que l'homme qui est devant lui n'est autre que Zampa ;
plusieurs mélodies sont d'une forme très heureuse, et
mais cette lettre, qui est du vice-roi, contient le pardon l'instrumentation est remplie d'effets neufs et piquans
du pirate, et l'acceptation de ses services dans la marine quoiqu'on puisse lui reprocher d'être quelquefois trop
de l'État. Furieux, Alphonse brise son épée et s'éloigne, bruyante. Enfin , dans cet ouvrage , on sent la conscience
la chapelle s'ouvre, et un prCtre bénit l'union de Ca- d'un artiste qui a voulu bien faire et qui a écrit pour lui
mille et de Zampa; mais l'apparition de la statue d'Alice avant de songer aux autres ; dans les arts, il n'y a que
dans le temple vient frapper celui-ci de terreur et le ri- ces sortes de productions qui vivent. Plusieurs morceaux
deau tombe. de la partition deZamp^ méritent d'être particulière-
Le troisième acte se passe dans l'appartement de Ca- ment distingués. De ce nombre sont, »° l'introduction;
mille. Alphonse, qui a appris le motif qui l'a détermi- a° un fort beau quatuor; 5" l'air de Cholletau deuxième
née ù donner sa main au brigand, pénètre près d'eU« acte; 4°un duo qui se termine en trio, où se trouve une
pour l'engager à le suivre ; mais elle est irrévoca- phrase charmante chantée par Mme Boulanger, et qui
blement l'épouse de Zampa, elle résiste aux prières de aurait pu être reproduite avec avantage ; 5° le finale du
celui qu'elle aime. Surpris par le pirate et ses amis, deuxième acte, brillant d'une multitude de détails re-
Alphonse veut se défendre , mais il est entraîné. Ca- marquables; 6° et enfin un duo plein de chaleur et de
mille supplie son époux de lui permettre de se retirer passion au troisième acte. Certes, un opéra qui contient
dans un couvent, mais c'est en vain. Zampa veut user tant de bonnes choses est un bon ouvrage. Après avoir
de ses droits , une lutte s'engage , Camille se réfugie pris une si belle position dans son art , il ne reste plus
dans une alcôve; Zampa s'y précipite après elle, mais à M. Hérold qu'à marcher dans cette route pour arriver
au lieu de sa femme , c'est la statue , la fiancée de marbre à une réputation brillante et solide.
qu'il y trouve ; elle le saisit dans ses bras et disparaît Chollet et Mme Casimir ont bien chanté leurs rôles ;
avec lui dans les entrailles de la terre. L'appartement Mme Boulanger et Féréol ont bien joué les leurs ;
quant
disparaît, et l'on aperçoit le rivage de la mer. Camille, à celui de Moreau-Sainti, il est peu important.
accompagnée d'Alphonse et de ses amis, y reçoit dans Le succès le plus complet a accueilli la première re--
ses bras son père, rendu ù la liberté par le sacrifice présentation de Zampa, et de ce jour date la régénéra-
qu'elle a consommé. tion de rOpéra-Comique, régénération d'autant plus
Il y a de l'intérêt dans cette pièce, et même de l'art complète, d'autant plus satisfaisante, que M. Lubhert
dans les dispositions des deux premiers actes. Le troi- l'a conçue d'une manière toute musicale, et que les sa
sième n'est pas exempt de quelque embarras ; la substi- crifices ne lui ont point coûté. Trop long-temps la mu-
tution de la statue à Camille dans l'alcôve n'y a pas été sique n'a été que l'accessoire de l'opéra-comique fran-
faite avec adresse à la première représentation, et cela çais ;
pour lui donner l'importance qui lui appartient, il
a jeté quelque froideur sur le dénouement. Le principal fallait agrandir les moyens d'exécution; c'est ce qui vient
maison de commerce de Paris. Les difficultés de malice rappelant un peu celle de Voltaire; des oreil-
les amples, saillantes et détachées, des cheveux noirs
de recouvrement sur la province nous empê-
et longs retombant en désordre sur ses épaules, et con-
chent de tirer comme par le passé.
trastant avec un teint pâle, donnent à Paganini une
physionomie qui n'est pas ordinaire , . et qui représente
Jusqu'il certain point l'originalité de son génie.
EXTRAITS «On a dit à tort que l'expression de la douleur phy-
JO'une Notice physiologique sur le célèbre violoniste N:coi.o
sique donnait aux traits de Paganini un caractère sau-
Pagahihi , par M. le docteur Bekhati.
vage de mélancolie qui partait du chagrin de vivre.
La notice dont nous avons extrait quelques faits J'avoue que la fréquentation de Paganini ne m'a jamais
que nous allons offrir aux lecteurs de la Revue mu- donné une semblable idée de son caractère : je l'ai tou-
sicale, a été composée par M. Bennati, qui y a con- jours TU gai, spirituel, rieur même avec ses amis, se
signé le rés.vimé des observations qu'il a faites sur le livranljavec son charmant petit Achille à des jeux d'en-
célèbre violoniste dont il est depuis long-temps le fant. Ej mieux que personne je puis parler de Paganini ;
médecin. Cette notice est destinée à être lue à l'Aca- admis depuis plus de dix ans dans son intimité, ayant
démie des sciences de été mil|e fois en position de l'observer, d'abord en Ita-
l'Institut. L'auteur a bien
lie et pjis surtout à Vienne, où j'eus l'occasion de lui
voulu nous communiquer, et nous autoriser à en
la
donner mes soins pendant quelques mois, aucune cir-
extraire ce que nous croirions être de nature à in-
constanoe physiologique de sa vie ne m'est étrangère
téresser les artistes et les amateurs.
etc., etcl »
M. Bennati se propose de démontrer dans sa no-
tice que c'est moins à l'exercice fréquent et habituel Après avoir ainsi tracé le portrait général de l'ar-
des difficultés de son instrument que Paganini est tiste, M.lBennati entreprend de démontrer que sa
redevable de l'habileté extraordinaire qu'il a acquise, sensibilité^ nerveuse est le premier principe de son
qu'à son organisation pathologique. talent , ctj, par le récit des diverses maladies qui
Il trace d'abord
le portrait de l'artiste en ces termes l'ont allaqpé depuis son enfance , fait voir que cette
:
greur et lemanque de dents, en faisant rentrer sa « Dans sai première enfance comme à un âge
bouche et rendant son menton plus saillant, donne usa avancé, la mobilité et l'irritabilité de son système
114 REVUE MUSICALE.
veux ont été extrêmes, et toutes les maladies qu'il a « saircs à l'exécution des niouvcmens qui produisent
présentées se sontcompliquées de quelques phénomènes « les effets magiques qui nous transportent. »
extraordinaires venant de cette source.
Considérant la structure physiologique de Paga-
(( A quatre ans il a la rougeole, et celte maladie, sou-
une gravité
nini comme une condition nécessaire de son habi-
vent bénigne chez les enfans, prend chez lui
leté , M. Bennati en conclut que cette seule observa-
peu ordinaire. Le système nerveux s'y associe d'une
tion suffit pour démontrer la folie qu'il y aurait à
manière si remarquable, qu'il se déclare une catalepsie
qui le tient tout un jour dans un état de mort apparente.
vouloir imiter ce violoniste , n'étant point organisé
suite de cette dernière qu'un médecin crut recon- « debout et les bras pendans, fait paraître le droit beau-
naître en lui un commencement de phtisie laryngée, « coup plus long que l'autre? Et l'extensibilité des li-
et que le bruit s'est répandu qu'une maladie de poi- ngamcns capsulaires des deux épaules, et le relâche-
trine incurable conduisait le célèbre violoniste len-
«ment desligamensqui réunissent le poignet à l'avant-
B bras le carpe au métacarpe et les phalanges entre
,
tement au tombeau. M. Bennati lui-même partagea
« elles, qui les présentera et aura ainsi la faculté de faire
cette opinion lorsqu'il eut occasion de donner des
« ce qu'il fait? Sa main et ses doigts ne sont pas plus
soins à Paganini ,
pendant son séjour à Vienne, en
« grands qu'ils ne doivent être, mais il en double l'éten-
1828. Mais après l'arrivée de l'artiste à Paris, il vou-
« dueparl'extensibilité que toutessesparliesprésentent.
lut s'assurer de la véritable situation des choses, et « Ainsi, par exemple, il imprime aux premières pha-
de concert avec M. le docteur Miquel ,
qui a fait une « langes des doigts de la main gauche qui louche les
étude spéciale des affections de poitrine et de l'usage « cordes, un mouvement de flexion extraordinaire qui
du stétoscope du docteur Laennec il soumit Paga- , « les porte, sans que la main se dérange , dans le sens
nini àun examen sévère de l'état de ses poumons. «latéral à leur flexion naturelle, et cela avec facilité,
Après avoir rendu compte des faits qui résaltèrent précision et vitesse. Ou dira que ces facultés physi-
de cet examen, M. Bennati ajoute: « Maintenant «ques se sont développées par un long exercice: c'est
« nous sommes heureux de pouvoir donner cette as- «possible; mais il faudra convenir que la nature devait
M. Bennati corisidèie aussi la finesse remarquable pose du violon. Le pavillon de son oreilleest, en effet,
(le la peau du violoniste comme une cause de la sen- admirablementdîsposé pourreccvoir les ondes sonores.
Sa conque est large et profonde, ses saillies sont for-
sibilité de son tact, sensibilité dont il retire de grands
tement dessinées, l'hélix et l'anthélix proéminentes.
avantages dans le placement de ses doigts sur les
Les forjnes de cet organe n'ont chez Paganini rien de
cordes. Mais c'est surtout à la structure extérieure
douteux, et toutes ses lignes sont tranchées; il est im-
et intérieure de son oreille qu'il attribue celle per-
possible de voir une oreille plus ample , mieux propor-
ception si juste des sons qui se manifeste en lui d'une
tioiince dans toutes ses parties et plus fortement dessi-
manière éclatante par plusieurs phénomènes. La née. Mais ce qu'il y a de plus remarquable, c'est la
disposition extérieure de l'organe de l'ouïe, et la courbure en avant des cartilages qui composent le pa-
mobilité de ses parties, sont, à n'en pouvoir douter, villon, et l'ouverture du conduit auditif externe ; au lieu
des moyens fort utiles à certains animaux pour saisir d'être presque arrondi et largement ouvert, comme
avec rapidité les émanations les plus faibles du son chez les autres sujets, il est très alongé de haut en bas,
et du bruit. Ainsi , le lièvre tourne d'ordinaire l'ou- et semble indiquer l'ampleur du reste de ce conduit des
verture de ses oreilles en arrière pour juger s'il est sons.
poursuivi ; ainsi le cheval les dirige à volonté et rapi- oM. le docteur Delean le jeune, a examiné l'oreille
dement en avant ou en arrière, selon que le bruit qui de Paganini avec nous, et nous a éclairé de ses avis.
l'inquiète se produit devant ou derrière lui ainsi le L'ayant fait souffler on avaler, le nez et la bouche étant
;
blement que l'on peut avoir toute l'intégrité de î'ouïe l La délicatesse musicale de l'ouïe de Paganini sur-
sans avoir de cervelet, un autre académicien, auquel paie tout ce qu'on saurait imaginer. Au milieu de
la science doit plusieurs découvertes utiles, pourrait se l'asfeourdissante activité des instrumens de percussion
servir de l'exemple de Paganini pour corroborer ses de l'orchestre le plus nombreux, il lui suffit d'un léger
idées sur les fonctions du cervelet. Car, de même qu'il toucher du doigt pour accorder son violon. Il juge éga-
est rare de voir la base oocipitale aussi saillante, de lement dans les mêmes circonstances de la discordance
même, il est impossible de voir une ouïe plus fine que d'un instrument des moins bruyans, et cela à une dis-
celle de Paganini. Il entend ce qu'on dit à voix basse à tance incroyable. Dans plusieurs occasions il a montré
une distance très grande , et la sensibilité de son tym- quelle était la perfection de son organe musical en
pan est telle, qu'il éprouve une véritable douleur lors- jouant juste sur un violon qui n'était pas d'accord.
qu'on parle à haute voix près de lui et par côté ; il est a La musique pénètre Paganini. Nous tenons de lui
obligé alors de se tourner exactement en face de l'in- qu'à l'ûge de cinq ans, le carillon de cloches, tel qu'il a
terlouuteur. La sensation est beaucoup plus forte du lieu en Italie, lui procurait tantôt une grande jouissance, <
côté de roreille gauche; c'est celle qui correspond ù la tantôt un étrange sentiment de mélancolie, et qu'il ne
116 REVUE MUSICALE.
pouvait entendre le son de l'orgue à l'église sans être Un exemple rendra cette vérité beaucoup plus frap-
ému jusqu'aux larmes. beau être souffrant et dé-
Il a pante.
bile, le premier coup d'archet est une étincelle électri- Depuis vingt-cinq ans l'enseignement de la composi-
que qui vient de lui donner une nouvelle vie. Tous ses tion est confié aux plus hautes notabilités en ce genre,
nerfs ont vibré comme les cordes de son violon, et son à MM. Cherubini, Lesueur, Berion, Boietdieu, Reiclia et
cerveau n'a plus d'autre faculté que celle d'exprimer les Fétis.Depuis cette époque leurs élèves ont obtenu
transports de son ame musicale. » chaque année , des premiers prix aux concours et à
Cependant j'ai beau interroger les annales de
l'Institut.
Si, par cette dernière qualification , on entend un n'a jamais attribué qu'à mes soins assidus , que c'est en
PacchiaroUi , un Cresceniird , M. P. R. a raison. De lon- 1817 (elle avait alors quatorze ans) que j'ai commencé
gues études, dirigées par un maître habile, ont concouru à poser sa voix et à la développer avec les plus grands
sans doute à former le talent de tels virtuoses; mais ce ménagemens par tous les exercices préparatoires de
n'est qu'à des distances très éloignées que la nature l'école de Crescentini, dont je m'honore d'avoir suivi les
réunit sur un même élève tous les moyens d'organisa- conseils. L'étude de beaucoup de cantabite expressifs,
tion physique et morale sans lesquels il n'est point de genre dans lequel elle excellait particulièrement, a pré-
parfaits chanteurs. La plupart des professeurs cités dans cédé celle qui fait acquérir l'agilité. Je lui ai enseigné
ces articles ont tiré , en général , le meilleur parti pos- progressivement les principaux airs et duos du réper-
sible de leurs élèves, qui forment aujourd'hui la presque toire français et italien , ainsi que ses rôles, en Italie,
totalité des artistes chantans des principaux théâtres de où elle n'a cessé de recevoir mes conseils que lors de la
Paris et des départemens, et dont une partie a acquis maladie qui la fit périr à vingt-deux ans, en 1826, en
tine réputation distinguée. Le petit nombre de succès excitant les plus vifs regrets des Milanais, qui lui firent
éclatans doit s'attribuer à l'excessive rareté des belles des funérailles d'une pompe extraordinaire. J'ajouterai
voix réunies à ces dons naturels de l'esprit et de l'intel- qu'elle débuta au théâtre de San Carlo, à Naples, deux
ligence musicales, à cette expression touchante, à cette mois après son départ de Paris, par le rôle de Cenerentola,
fécondité de l'imagination, à cette brûlante énergie que qu'elle n'avait jamais étudié, et qu'elle joua ainsi à
les meilleurs maîtres ne peuvent, hélas ! qu'indiquer et l'iraproviste avec le plus éclatant succès. D'ailleurs
développer. JVaples manquait alors de maîtres de chant, même du
RE\l]E MUSICALE. 117
troisième ordre, et il est plus que notoire que j'ai seul cieuse application à l'art de chanter nos opéras français,
dirige sa carrière théâtrale, qui fut, hélas! trop courte en modifiant la méthode italienne selon les convenances
pour sa fortune et pour ma réputation ! délicates qu'exige notre scène lyrique.
pages destinées aux préceptes et exemples de chaque lomnieux d'une captivité. Un passage de cette lettre
partie constitutive de l'art du chant et de ses ornemens donne lieu à quelques observations que je prends la li-
divers. Quant aux autres exercices d'agilité, ils ne sont berté de vous communiquer.
qu'une préparation aux vingt-cinq vocalises ou mor- M. Paganini dit que depuis l'âge de 1.4 ans il n'a cessé
ceaux de chant sans paroles de la deuxième partie. C'est de donner des concerts et d'être sous les yeux du public,
à celles-ci surtout que je dois l'adoption de ma méthode et que pendant seize années il a été employé comme
par tous les bons professeurs qui y ont trouvé matière à chef d'orchestre et directeur de musique à la cour. Dans
de bonnes études classiques sur les cantabile qui expri- la dernière assertion , il pourrait bien y avoir une er-
ment les divers accens des passions, et une immense reur; la mémoire de M. Paganini semble l'avoir mal
quantité de fioritures modernes : ce qui semble consti- servi sur ce point, car la cour de la princesse Elisa Bac-
tuer un peu cette fécondité d'imagination qui m'est con- ciocchià Lucques, où il avait cet emploi, n'ayant pas
testée par l'auteur des articles, lequel paraît n'avoir elle-même existé seize ans, il est impossible qu'il y ait
examiné que le texte de mon ouvrage. rempli ces fonctions aussi long-temps. D'ailleurs, il
y
Le reproche de n'avoir formé, en vingt-cinq ans, entra vers i8o5, et il n'y était plus en i8i5. On ne sait
chantent les premiers rôles dans nos principales villes où, loin de rester sous les yeux du public fou au moins
départementales. En 1821 on prit, contrairement à tous des lecteurs de sa biographie), il semble plutôt en dis-
les usages d'Italie, la décision « que les élèves étudie- paraître pour quelque temps, période au moins assez
« raient le chant sans paroles dans une classe, et le chant obscure pour être favorable aux bruits répandus et il ;
« avec paroles dans une autre : » ce qui leur donne deux est certain que s'il a été en prison, ce n'a pu être qu'a-
méthodes quelquefois incohérentes. On me relégua dans vant 181 3, puisque depuis on peut suivre le cours de
cette première partie de l'enseignement. Il me devint sa vie année par année. Je ferai observer qu'en i8i3 il
donc désormais impossible de donner d'autres gages de était à l'âge de 25 ans, et que le raisonnement «qu'il
mon talent, si ce n'est pour la vocalisation , dont mes aurait dû avoir une maîtresse et un rival à l'âge de sept
élèves ont obtenu six prix au concours de i83o. Cepen- ans» n'est pas très logique.
dant, en 1827, M.Cherubini voulut bien tolérer que je Je suis loin, monsieur, de vouloir admettre le fait de
donnasse des leçons de thant d une seule élève qui avait très l'emprisonnement. Au contraire, j'ai tâché dans ma no-
peu de dispositions, et qui néanmoins obtint un prix au tice sur Paganini, de réfuter les bruits répandus à cet
concours suivant. Depuis, cette attribution m'a été re- égard , d'en relever les contradictions, et d'en montrer
tirée, quoiqu'il puisse sembler probable que, nourri des l'origine dans une méprise occasionnée par un violo-
principes et du style de la bonne école italienne, je niste polonais, Duranowski. J'aurais désiré d'en pou-
pourrais peut-être, plus qu'un autre, enfaireune judi- voir prouver à l'évidence l'impossibilité. Pour cela, il
118 REVUE MTCSICALE
duraitjustemertt fallu pouvoir montrer M. Paganini tou- tion n'était point encore dissipée quand elle s'est fait
jours sous les yeux du public; mais tous les ouvrages al- entendre. Sa vois ne se produisait que péniblement;
lemands qui ont paru sur Paganini, et que j'ai conscien- ses sons manquaient de netteté , de franchise , et ses in- ~
cieusement exploités pour ma brochure, ne donnent tonations, la plupart trop basses, indiquaient l'état de
rien de positif sur la période dont je viens de parler. souffrance dans lequel elle se trouvait à la suite d'un
J'avais l'espérance d'obtenir de M. Paganini lui- voyage oùclleétaitreslée dix jours en voiture. L'organe
même quelques éclaircissemens sur ce qui me parais- de Mme Schrœder est inégal; quelquefois il a toute la
sait obscur dans sa vie. Mais, à mon grand regret il n'a pureté désirable, et alors il seconde à merveille ses
pu trouver un moment favorable oi'i il pût tenir la pro- chaleureuses inspirations; mais quelquefois aussi ce
messe que j'avais obtenue de lui i ce sujet. Dans son n'est qu'avec peine quelle parvient
à vaincre certaines
propre intérêt comme dans celui du public, j'ose donc cordes voilées, et ce n'est guère qu'après deux ou trois
l'engager ici à donner par la voie de votre excellent scènes qu'elle maîtrise complètement son organe. .l'ai
journal des renseignpmens précis sur cette période de connu plusieurs cantatrices d'un grand talent dont la
sa vie, pour dissiper tous les doutes, que le manque voix était également rebelle par instans, et qui avaient
absolu de données biographiques pourrait laisser à ses besoin de la mise en train pour exécuter ce qu'elles ima-
ennemis sur cette captivité. ginaient. Telles étaient Mme Grassini, Mme Strinasac-
Agréez, monsieur, les assurances du plus profond chi , Mme Festa, et même Mme Le public a peut-
Pasta.
respect, avec lequel j'ai l'honneur d'être être trop vite oublié l'enthousiasme que lui a inspiré
IBETSCUCK, opéra en 3 actes, mirsiqnede Weber. — Mme Scbrœdcr- limpide, vibrante dans toutes ses cordes, elle semble
Devrieut. — Hailzinger. — Mme Pislrich. — Mme Rosner. — avoir été formée pour la musique allemande qu'il est
Les cbcciirs.
appelé à chanter. Ces voix vigoureuses se prêtent rare-
Le souvenir de l'effet qu'ont produit Freyschiitz, Obe- ment à une vocalisation facile et légère; aussi, quelle
ron et Fidelio l'année dernière , à Paris , est encore trop qu'eût été l'éducation musicale de ce chanteur, il est
récent pour que les amateurs de la bonne et conscien- vraisemblable qu'il n'eût jamais brillé dans la musique
cieuse musique ne se soient pas portés avec empresse- de Rossini; mais il est un excellent interprèle des in-
ment ù l'ouverture du théâtre allemand qui vient de spirations de Beethoven et de Mozart. A cette représen-
succéder i la clôture du théâtre italien. La plus brillante tation de Freyschiitz , sa voix était dans sa toute fraî-
assemblée assistait à cette représentation, où l'on devait cheur, et il a également bien chanté son grand air du
entendre la belle voix d'Haitzingcr, et jouir du beau ta- premier acte , le trio du second et le charmant rondo du
lent dramatique de Mme Schrœder-Devrient. D'ailleurs, troisième.
le bon orchestre du Théâtre-Italien devait seconder ces Mme Roland, qui l'année dernière chantait le rôle
artistes distingués, et sous ce rapport, l'exécution de- d'Agathe, est remplacée par Mme Pistrich, dont la voix
vait y gagner beaucoup, car celui de l'année dernière ne manque ni d'éclat ni d'étendue, mais en qui l'on
avait bien souvent gâté les admirables intentions de la pourrait désirer un peu plus d'accent. Son exécution est
grande actrice dans la musique de Beethoven et de facile et ses intonations ont de la justesse ; il y a beau-
Weber. coup d'analogie entre son organe et celui de Mme Ro-
Il faut bien le dire, toutefois; l'effet de la représen- land, mais l'avantage et comme musicienne et comme
tation n'a pas répondu à ce qu'on avait lieu d'en atten- cantatrice me paraît être du côté de Mme Pistrich.
dre. Une indisposition de Mme Schrœder-Devrient avait Guénée ne fait plus partie de la troupe de M. Roeckel;
fait ajourner l'ouverture du théâtre, et celte indisposi- il a été remplacé dans le rôle de Gaspard par M. Krebs,
REVUE MUSICALE. ll'J
nssez bon acteur, mais dont la voix est trop faible je dirai à M. Girard que le mouvement de Vallegro de
pour 00 rôle. Jusqu'ici la partie faible de l'opéra alle- l'ouverture est pris trop vile, et qu'il perd dans ce mou-
mand que nous avons eu à Paris a été dans les basses. vement beaucoup de finesse de détails.
Cela a d'autant plus lieu de surprendre les musiciens
qui connaissent l'Allemagne, qu'ils savent que ce genre
communément que les ténors,
de voix s'y trouve plus SOIRÉE
y a aux théâtres de Berlin, de Munich et de
et qu'il DE QDINTETTIS ET DE QIJATCORS,
Dresde, de bonnes basses chantantes qui auraient pu
Donnée [lai- M. Raillot à rHôlel-de-VIlle, salle Saint-Jean.
compléter un ensemble très satisfaisant avec Hailzlnger
Samedi 7 mai. )
et Mme Schrœder-Dcvrient. (
La prolongation de l'indisposition de Mme Dev rient -M. Baillof, sur qui j'ai épuisé toutes les formules de
a obligé le directeur à faire débuter à sa place Mme llos- l'éloge, vient de me mettre au défi par le talent mer-
ner A la deuxième représentation de Freyscfmlz. Celte veilleux qu'il a déployé dans cette séance. Ce n'était
cantatrice possède une jolie voix, et ne manque ni de plus dans un local exigu, devant un petit nombre d'au-
chaleur ni d'intelligence; mais, tomme la plupart des diteurs choisis qu'il se faisait entendre cette fois; c'était
chanteurs allemands, elle fait apercevoir dans son mé- dans une vaste salle, au milieu d'une foule d'auditeurs
canisme l'absence d'une bonne école de chant en Alle- empressés à juger le violoniste français dont s'honore
magne. Mme Rosner, dans certains momens d'expres- l'école actuelle, après les prodiges fantastiques du ma-
sion scénique, ne s'aperçoit pas qu'en forçant ses moyens gicien italien. Notre grand artiste avait compris sa po-
elle donne aux sons aigus de sa voix une aigreur qu'ils sition :il y avait de quoi pâlir pour un homme ordinaire;
n'ont pas naturellement; toutefois, cette cantatrice a mais ces instans critiques sont toujours favorables aux
obtenu un succès flatteur qu'elle a justifié dans plusieurs talens d'un ordre supérieur. Le génie de la musique et le
coup meilleure sous ce rapport à la seconde. devait avoir lieu jeudi dernier. Cet opéra est remis jus-
L'orchestre accompagne bien la musique allemande, qu'au rétablissement de la cantatrice. L'Enlèvement du
dont il n'a pourtant pas l'habitude comme delà musique Sérail est donné ce soir pour le second début de
italienne; M. Girard, en le dirigeant, fait preuve de Mme Rosner.
goût et d'intelligence. Comme il faut qu'il se mêle tou- — Paganini a fait merveilles dans le département du
jours un peu de critique aux éloges les mieux mérites. Nord. Les journaux de Boulogne, Lille, Calais et Dun-
120 REVUE MUSICALE.
dénué de fondement, car l'habile cantatrice est partie l'ouvrage se composera de plusieurs volumes.
SpoDtini in Deutschland, oder unpartheiische Wûrdigung seiner
mardi dernier pour la Suisse, et ne reviendra qu'au mois Lei-
stungen waebrend seines Àufenthaltes daseibst (Spontini en Alle^
de janvier prochain pour reparaître au Théâtre-Italien.
magne, ou critique impartiale de se^ productions pendant son sé-
Son intention est de profiter de la belle saison pour
joiw dans ce pays); in-8' de 8 feuilles, à Leipzig, chez Steina^ekei
prendre un repos qui lui est devenu nécessaire. On
parle aussi d'Adolphe Nourrit pour le même théStre :
Publications {étrangères. Grande Étude pour le Piano en forme de fantaisie , sur de célèbres
de
ami Hus Desforges, par T. BEksicmER , Op. 104. —6 fr.
d'une description de toutes
A Paris , chez l'auteur , rue des Vieilles-Étuves-Saint-Honoré ,
GEBHAam, L. E. Generalbass-Schule {traité d'accompagnement, ou Un monsieur et une dame, sans enfans, s'occupant de
de basse chiffrée); tome II, in-4°, à Leipzig, chez Harlknoch. musique , désirent près d'eux une demoiselle forte pia-
MuixER, W. Cbr. VEsthetisch-historische Einleitungen in die Wis- de dix-huit à vingt-cinq ans.
niste
senschafl der Tonkunst {introductions esthétiques et historiques à
S'adresser, pour de plus amples renseignemens, à
la musique) ; 2 vol. itt-8°, le premier de S4 feuilles et demie , le se-
leur domicile, rue de la Pais, n° »a bis, de deux à quatre
cond de 29 feuilles ; à Leipzig, chez Breitkopf.
heures seulement.
Obermaieb, J. B. Chorallehre, etc. {méthode de plain-cliant); qua-
En terminant ma dernière lettre, je rae croyais arrivé tistes du premier ordre, et pourtant aucun de ces vir-
à la partie la plus importante de cette correspondance, tuoses n'a atteint la perfection. Je crois , malgré cela
l'exposition de la vraie méthode de chant italien et me que le Conservatoire serait assez fier d'en avoir formé
,
mon grand quelques-uns de ce mérite. Dire que les sujets lui ont
Toilù, à regret, lancé dans une polémique
avec M. de Garaudé je dis à mon grand regret, car manqué ne me paraît pas juste; MlleGrassari, Mme Da-
;
j'aime à reconnaître tout le mérite du professeur auquel badie, je cite qaelques noms au hasard, MM. Dérivis,
je dois répondre ainsi que les nombreux services qu'il Oamoreau, Dabadie, Lafont, et cinquante autres, étaient
ne cesse de rendre chaque jour à l'art que nous cultivons bien doués de quelque organisation physique et morale
tous deux, lui comme habile maître, moi comme ob- et possédaient de belles voix et pourtant quels chanteurs
:
scur amateur. Aussi , comprenant parfaitement noire en a-t-on fait ? Peut-on avec justice m'empêcher de dire
position réciproque, ce n'est pas sans une vive appré- que c'est la faute des maîtres lorsque toutes les per-
hension que je vais essayer de soutenir les opinions que sonnes qui se sont un peu occupées de chant savent que
j'ai eu la hardiesse d'avancer. Porpora seul a fait Farinelli, Gafarelli, Salimbeni, Il
Comme si ma cause n'était pas déjà assez mau- Porporino, la Minghotti, la Gabrieli, la Molteni et plu-
vaise, M. de Garaudé ne s'est pas contenté de répondre sieurs autres; que de l'école de Pistocchi sortirent Pasi,
àoe qui le regarde personnellement, il s'est fait encore Minelli, Il Balino, Bertolino di Faenza, etBernacchi;
le champion de ses confrères du Conservatoire , et ré- que Bernacchi lui-même a eu pour disciples Cortani
fute mon assertion vague et banale, comme il l'appelle, Amadori, Guarducci, Mancini et RafT; qu'enfin de nos
« que tous les professeurs réunis n'ont point formé, en jours et sous nos jeux le célèbre ténor Garcia, dont le
« trente ans, six hons chanteurs et un seul artiste du nom sera inscrit dans l'histoire de la musique à côté
« premier ordre , » en disant : que ce n'est qu'à des dis- de ceux de Porpora, de Redi, de Pistocchi, etc., a
tances éloignées que la nature réunit sur un même élève tous aussiformé, seul, Adolphe Nourrit, Mine la comtesse
les moyens d'organisation physique et morale sans lesquels Merlin, Mmes Méric-Lalande, Raimbaut, Malibran,
il n'est pas de parfaits chanteurs; que la plupart des profes- et Mlle Edwidge, qui vient de s'essayer dans quelques
seurs cités ont tiré, en général, le meilleur parti possible de concerts avec tant de succès.
leurs élèves; enfin que le petit nombre de succès éclatons doit M. deGaraudé se trompe en affirmant que, «pour for-
t' attribuer d l'excessive rareté des belles voix réunies d ces mer un chanteur très distingué, cinq à six années de
fions naturels de l'esprit et de l'intelligence musicales, etc. bonnes études et d'essais publics de son talent devien-
A tout cela j'aurais bien des réponses à faire, je me <( nent indispensables. » Aucun des élèves de Garcia n'a
pornerai à quelques observations. Je n'ai jamais pré- étudié plus de dix-huit mois avant ses débuts ; et quant
tendu que les maîtres du Conservatoire dussent former aux essais publics, on sait que Caffarelli, le fameux cas-
•les chanteurs parfaits , car je n'en connais aucun , et je trat, qui n'était jamais sorti de la classe de Porpora,
122 REVUE MUSICALE.
et après de longues études commencées dès l'enfance, cour fermée par une grille, dans laquelle, me suis-je
croyait en être encore aux élémens, fut fort surpris un laissé dire, un certain artiste de quelque réputatiod .~
jour de s'entendre dire par son maître : J^a, mon ami, tu nommé Garcia , occupait un appartement; j'avoue qil'il
es le premier chanteur de l'Italie et du monde. ne m'est pas possible de préciser l'année, mais ce de-
L'exemple cité par M. de Garaudé, à l'appui de ses Quelques personnes m'a-
vait être entre 18 17 et 1826.
opinions, ne me paraît pas non plus bien concluant. Un vaient aflirraé que M. de G., donnant le bras i Une
chanteur est un artiste d'exécution, l'invention est jeune personne, allait fréquemment dans cette maison.
tout dans un compositeur. L'enseignement des bons et Mlle Colombelle était nom de cette jeune personne
le
véritables principes de l'art du chant a un résultat assuré; et ces visites avaient le même but, m'assurait-on, que
il fait des chanteurs très distingués, témoins Bernacchi, celles faites à la même époque et à la même personne
Mmes Raimbaut et Méric-Lalandc. Bernacchi avait une par Mme la comtesse M... et Ad. Nourrit. Voilà ce qui
mauvaise voix, Pistocchi en fit un des premiers vir- m'avait fait dire , en parlant de Mlle Coreldi , mais sous
tuoses de son temps. D'inhabiles maîtres avaient cassé la forme dubitative, un autre maître a passé par-là. La
laToix de Mme Raimbaut qui, pendant six ans, fut lettre de M. de G. me jeta dans une étrange perplexité ;
« voir mes conseils que lors de la maladie qui la fit pé- Je pourrais dire encore que ce n'est qu'après ses re-
« rir en 1826; » et un peu plus bas: « Il est plus que lations avec Garcia que M. de G. , renonçant à sa première
« notoire que j'ai seul dirigé sa carrière théâtrale. » Ces méthode de chant, l'a abandonnée pour en rédiger une
mots sont encore soulignés. autre qui offre de nombreux points de ressemblance
Diable mais ceci , si je ne
! me trompe , ui'a l'air d'uu avec les Exercices pour la voix, le meilleur ouvrage sans
démenti bien conditionné, fort poli dans la forme, contredit publié de nos jours, bien que trop concis et
comme cela convient entre gens bien élevés, mais très trop peu développé , mais l'auteur n'a pas voulu faire
précis et fort catégorique. C'est donc ici le point em- une méthode complète.
barrassant, et j'en suis réduit à employer une seconde Il y a bien des choses dans mes lettres auxquelles
ibis la forme dubitative; au reste j'en appelle aux sou- M. de G. n'a point répondu , et je lui en sais gré, cai
venirs de M. de Garaudé qui je l'espère
, pour ma jus- , celle-ci, déjà fort longue, serait devenue interminable.
tification, le serviront mieux qu'au moment où il écrivit M. de G. n'admet pas les observations que j'ai faites
sa lettre. sur sa méthode je le conçois; il cherche à me réfuter,
,
J'ai cité comme ridicule un axiome général sur l'art ou vocalisation, et la troisième enfin le chant avec pa-
de nuancer dicté textuellement par Crescentini. Enten- roles. Il n'est besoin, comme je l'ai déjà dit, que d'ouvrir
dons-nous. L'axîôme de Crescentini, queje connais par- ù la table la méthode de M. de Garaudé pour se con-
faitement, car il se trouve dans les réflexions prélimi- vaincre que ces trois parties de l'art ne sont pas dis-
naires placées par ce grand chanteur à la tête de ses tinctes et séparées, mais confusément entassées. Les
vocalises, n'a pas, ou je me trompe fort, la significa- vocalises sont mêlées aux exercices, des exercices iden-
tion absolue que lui prête M. de G.; c'est simplement tiquement les mêmes sont deux fois répétés d'abord
une règle d'expression musicale qui est bien loin d'être comme traits ou tournures de chant, ensuite comme
constante, car Crescentini et M. de G. lui-même four- préparation à la roulade; les gammes chromatiques y
nissent des exemples du contraire. Je pourrais en citer précèdent les gammes diatoniques, et ces dernières, la
cent autres pris àans tous les opéras connus; je me con- base du mécanisme de chant, reléguées à la fin et ne sont
tenterai d'un seul. Dans la cavatine de la Donna ilel regardées par l'auteur que comme une préparation aux
Lago , est-il possible de donner son véritable sens à la 25 vocalises de la 2°° partie.
phrase musicale placée sur ces mots, tatio detesto, au- Je m'arrête, et suis vraiment peiné de m'être vu
trement que par un crescendo de l'aigu au grave? Toutes forcé de revenir sur la critique d'un ouvrage qui pèche
les cantatrices qui ont chanté ce morceau n'ont jamais par l'ordonnance, mais dont les matériaux sont fort
fait autrement, même les élèves de M. de G. A présent, bons pour la plupart; une chose me fSche surtout,
je le demande , que devient Vart de nuancer si vous faites c'est l'importance que M. de G. attache à ses vocalises,
un précepte fixe et invariable de crescendo du grave à auxquelles, affirme-t-il, il doit l'adoption de sa mé-
l'aigu , et du diminuendo de l'aigu au grave. Ecoutez thode par tous les bons professeurs. Je ne conteste
les chanteurs élevés d'après cette méthode que ,
je puis aucunement le mérite distingué de ces vocalises, ni la
à bon droit appeler ridicule, ils ont tous la voix per- fécondité de l'imagination qui les a produites (j'avais
çante et criarde dans le haut, terne ou nulle dans les dit seulement que M. de G. n'est pas doué de la fécon-
cordes graves. Au reste, cet axiome avait été interprété dité d'imagination de M. Banderali), mais si c'est la
de la même manière par les rédacteurs de l'ancienne principale chose que les bons professeurs .onl remarquée
méthode du Conservatoire, et vous savez ce que cela a dans la méthode, je plains ces bons professeurs, ils ne
produit. A présent, voici le précepte tel que Garcia l'a connaissent pas les élémens constitutifs de l'art du chant.
compris : « On donnera d'abord la même valeur et la Lorsque M. de G. donnera une seconde édition de son
«même force à toutes les notes de ces exercices, afin ouvrage, qui malgré tout ce que je me suis vu forcé
« de les rendre très égales et très distinctes ; ensuite par d'en dire n'en est pas moins fort remarquable, je l'en-
« des inflexions on donnera un peu plus de force à la gage très fort à réunir sous un seul point tout ce qui a
« première note de chaque phrase ,
puis seulement à la rapport au mécanisme de la voix, à donnera cette partie
(1 seconde, ensuite à la troisième; après on changera toute l'importance, tous les développemens qu'elle mé-
« encore les inflexions de toutes les manières possi- rite, et, je ne crains pas de me tromper, il me pardon-
« blés. » Comparez et choisissez. nera mes critiques, et ne me saura pas mauvais gré de
J'ai dit, dans ma dernière lettre, que je n'avais pas mes avis.
le dessein de faire ime analyse complète de la méthode La suite de cette correspondance prouvera à cet ha-
de M. de G., je le devrais aujourd'hui pour mon entière bile professeur combien je désire lui voir occuper à l'É-
justification; j'y renonce, cela me mènerait trop loin. cole royale la place dont ses talens le rendent digne , et
Cependant, en démontrant que la classification des je ne laisserai pas échapper cette occasion pour lui faire
diverses 'parties dont se compose cet important ou- mes biens vifs remercîmens de la cruelle perplexité dont
vrage est fort peu rationnelle, j'aurai à peu près ré- il vient de me tirer. J'avais accusé M. Chérubin! d'igno-
pondu à tout. rance, j'avais reproché à ce savant mu.sicien de n'avoir
L'art du chant compose bien évidemment de trois
se aucune connaissance de l'art du chant, et cette propo-
parties bien distinctes. La première et sans contredit sition mal sonnante, vous-même,monsieur le rédacteur,
la plus importante , car sans elle les autres ne sont rien, ne l'aviez admise dans votre journal qu'avec un petit
et pourtant la moins connue, est le travail mécanique de correctif, et voici, à ma grande satisfaction, ce queje
la voix, l'art de l'émettre, d'en unir les registres, de la lis danâ la lettre de M. de Garaudé «en 1821 on prit,
rendre pleine et sonore, pure et flexible, agile et bril- 1. contrairement ;\ tous les usages d'Italie, la décision
lante, etc.; la seconde est l'étude du chant sans paroles » que les élèves étudieraient le chant sans parolesdans
124 REVUE MUSICALE.
« une classe , et le chant avec paroles dans une autre , ce ouvrage remarquable est très rare, et je ne suis jamais
« qui leurdonne deux méthodes quelquefois incohéren- parvenu à le voir. Je liens ces détails du nouveau Dic-
• tes. » Je vous le demande, monsieur, avais-je raison, tionnaire de Gerbert, qui cependant oublie de dire qu'il
ust-celù une hérésie- musicale bien conditionnée? Aussi, existe de ce Hortulus melicus une seconde édition de
nie voilùplus fier et plus audacieux que jamais, et c'est 1708, pareillement publiée à Mayence.
dans ces sentimens que je me dispose à continuer ma G.-E. ÂNI>ERS.
correspondance, si rien ne vient encore se jeter k la
studiosavarieiaic consitus a J. J. JValthero. (Petit jardin plus grand nombre des compositeurs dramatiques atta-
mélodique , à deux , trois et quatre parties qui se jouent chent peut-être une trop grande importance à cette
sur plusieurs cordes d'un violon seul, etc.) Moganliae, qualité, ce qui leur en fait négliger d'autres non moins
1688, 129 pages in-fol. oblong. essentielles, et donne quelquefois à leur musique un
Le numéro 28 de ce recueil curieux contient le mor- certain air écourté et un défaut de profondeur; mais
ceau suivant : quelques hommes d'un talent supérieur n'y sacrifient
Serenato a un coro di violini, organo tremoLante, c/iilar- point assez; c'est à celte négligence qu'il faut attribuer
rlno , piva, due trombe et timpani, lira tedessa e harpa le peu d'effet à la scène de certaines compositions rem-
smorzata, per un viotino solo. (Sérénade pour un chœur plies de force et d'invention. Les plus grands musiciens
devinions, orgue tremblant, guitare, flageolet, deux ne sont point à l'abri du penchant à développer jusqu'à
trombes et timbale, lyre allemande et harpe étouffée, à l'excès l'expression des sentimens dont ils trouvent l'in-
exécuter sur un violon seul. ) dication dans poème; en cédant sans réserve à leurs
le
La sérénade se termine par un cari do violini, le tout impressions, ils font de beaux morceaux qu'on admire
pour un violon seul ! au piano et dans les concerts, mais qui manquent d'effet
Certes, en voiL'i assez pour attirer l'attention des à. la scène.
amateurs de curiosités musicales ! Malheureusement cet Prenons pour exemples quelques ouvrages de M. Ché-
REVUE MUSICALE. 125
rubini. Mcdée, Lodoiska, le Mont Saint-Bernard conûen- dans cet acte, et c'est en lui que réside tout l'effet de- la
nent des choses de la plus grande beauté, qui, considé- pièce. L'air chanté par Haitzinger, le trio qui le suit,
rées dans les parlitions ou exécutées au piano, ont tou- la grande scène avec le gouverneur, le duo des deux
jours excité l'admiration des connaisseurs cependant ; époux et le finale sont des oeuvres de génie qui pren-
cesouvrages n'ont jamaisproduit au théâtre l'etTft qu'on nent rang panni les plus belles productions de l'art dra-
devait attendre de la beauté de la musique. Les grands matique.
morceaux qui se succèdent dans Médée empêchent l'ac- Joué d'abord sous le titre AeLêonore, ayec une autre
tion d'avancer, et contrarient l'intérêt et la curiosité ouverture et quelques morceaux qui ont été retranchés
dans l'ame des spectateurs. Le grand et magniQque par la suite, l'ouvrage de Beethoven eut peu de succès,
morceau du deuxième acte de Lodoiska fait languir une même à Vienne. Le compositeur le refît ensuite, re-
situation qui doit être vive de sa nature; enfin, les belles trancha quelques morceaux dont la longueur avait nui
inspirations qu'on trouve presque à chaque page dans la à l'effet des premières représentations, en fit d'autres
partition du Mont Saint-Bernard ne semblent pas tou- qui n'étaient pas dans la partition primitive, et écrivit
jours d'accord avec les situations scéniques, bien que le Touverture qu'on exécuteaujourd'hui; ce fut en cet état
sentiment de chaque scène soit profondément exprimé que l'ouvrage fut remis sous le titre de Fideiio. Malgré
par le compositeur. De là vient que ces beaux ouvrages, CCS changemens,
il fallait du temps au public pour confl-
tout en obtenant l'assentiment des artistes, n'ont jamais prendre musique de cet opéra; mais aujourd'hui, il
la
eu de succès de vogue au théâtre. Dans d'autres situa- jouit en Allemagne de l'estime de tous les gens de goût,
tions, lorsque M. Chérubini a rencontré dans la marche et tout porte à croire que Fideiio restera long-temps
des scènes des occasions favorables à son génie des dé- classé au premier rang dans le répertoire des théâtres
veloppemens, il a fait oierveille, et les musiciens et le allemands.
public ont éprouvé un égal plaisir à écouter ses pro- M. Rœkel, directeur de la troupe allemande qui se
ductions. Dans les Deux Journées, par exemple, le ûnale trouve en ce moment à Paris, a acquis les morceaux
du premier acte est très développé; mais l'action est originaux qui ont été retranchés de la partition primi-
nouée, l'intérêt est établi ; il s'agit d'exprimer des affec- tive de Beethoven , et se propose de les faire entendre
tions de surprise, de joie et de reconnaissance; tout est dans une représentation qui sera donnée vers la fin de
li d'accord avec le génie du musicien, aussi le morceau la nouveauté ne pewt manquer d'intéres-
saison. Cette
est-il excellent, non-seulement sous le rapport de la ser vivement tous ceux qui ne sont point insensibles ù
musique, mais sous celui de la scène. la musique.
Ces observations sont applicables a\i génie de Beet- J'ai dit dans le numéro précédent de la Revue Mw-
hoven et i\ son opéra de Fideiio. Il n'a écrit que cet sioale, qu'une indisposition assez sérieuse avait nui au
ouvrage pour le théâtre, en sorte qu'il n'est pas facile développement des facultés de Mme Schrœder-Devrient
de décider de ce qu'il aurait pu faire après avoir acquis dans la première représentation du Freyschûtz; cette
l'expérience de la scène; cependant si l'on eu juge par indisposition était entièrement dissipée à celle de Fi-
la direction que prit son talent avec l'âge, il est vrai- deiio, qui a été donnée le 17 de ce mois, et jamais cette
ssmblable que loin de se ployer aux exigences scéni- grande actrice n'a déployé un talent plus admirable que
ques, ir aurait porté de plus en plus dans sa musique dans cette représentation. Le rôle principal de cet opéra
dramatique l'indépendance de sa manière et se» rê- semble avoir été écrit pour ; la musique de Beethoven
elle
veuses et longues fantaisies. Les deux premiers actes parle à son arae, l'exalte et monte son imagination jus-
de Fideiio sont remplis de belles choses, dignes du ta- qu'aux choses les plus sublimes, Le jeu si expressif de
lent de ce grand musicien; cependant on ne peut nier sa physionomie, sa grâce charmante sous le costume du
que l'effet de ces deux actes est un peu froid. Cela jeune commissionnaire, ajoutent encore à l'effet qu'elle
vient de ce qu'il s'y trouve bon nombre de morceaux produit dans ce rôle. Sa manière est à elle; son chant,
qui, bien qu'empreints d'une assez forte expression, plein de passion, a des accens qui pénètrent le cœur.
ne sont pas proportionnés à la marche de l'action. Dans le second acte, elle est au-dessus de tout éloge.
Celle-ci languit et l'effet musical s'en ressent. Quelle gradation d'énergie dans sa manière de jouer et
Il n'en est pas de même dans le troisième acte. La si- de chanter tout cet acte! quelle profonde sensibilité
tuation est forte, terrible, mais elle a besoin de déve- elle montre dans le beau trio! quelle force surnaturelle
loppemens, et le génie de Beethoven s'y est trouvé dans le grand morceau d'ensemble, et quelabandon
dans son clément. Tout est de la plus grande beauté délicieux dans le duo ! Il n'y a rien en musique de plus
126 REVUE MUSICALE.
admirable que cette manière de sentir et d'exprimer. garde, l'homme au petit chapeau, dis-je, fait appeler
MineSchrœder-Devrient, considérée comme cantatrice, Georges (le grenadier), et lui déclare qu'il n'est plus
est un talent à part; talent d'inspiration et d'instinct un des enfans de la grande armée. Cependant, comme
musical plutôt que d'art; talent dans lequel on n'aper- il reçoit de fort bons renseignemens sur la manière dont
çoit jamais la part de convention, et qui est soumis tout notre soldat s'est comporté i "Wagram, H se décide à lui
entier à l'influence d'un système nerveux très actif. rendre ses épaulettes dont la laine s'est changée en or,
Haitzinger est excellent aussi dans le second acte comme jadis l'eau en vin aux noces de Gama.
de Fulelio. Sa belle voix se développe admirablement La musique du grenadier de Wagram est de M. Eu-
dans l'air très original qui commence cet acte. Il y gène Prévost, jeune lauréat de l'Institut, qui a déjà
est plus acteur que dans ses autres rôles; le désespoir fait représenter au même théâtre le petit opéra de l'ffô-
se peint très bien dans l'agitalo de cet air, et il y a teldes Princes. y a des motifs agréables dans ce second
Il
établi dans la gradation de l'intensité du soq une pro- ouvrage des couplets et une romance ont été particu-
;
gression qui est du plus grand effet, et qui ajoute beau- lièrement applaudis. La pièce a réussi.
coup A la beauté de ce morceau. Dans le trio , dans la M. Prévost va se montrer dans un ouvrage plus im-
grande scène, dans le duo, et dans le finale, la beauté portant, car il ne s'agit pas moins que d'une pièce en
des sons de sa voix est telle qu'elle semble inséparable trois actes.
regrette sa simplicité, et le ton de résignation qu'il va débuter au grand Opéra ou bien à l'Opéra-Comique.
mettait dans ce rôle : il avait su lui donner une physio- — Oui, comique, quoi qu'en disent certaines jeunes
nomie propre qui faisait illusion, chose fort rare au têtes écervelées; voyez plutôt Zampa, — Mais pas du
théAtre. Sa voix n'était pas belle, mais elle ne manquait tout; il est que Mlle Michel a débuté au
bon de sav/>ir
ont si bien secondé Mme Schrœder et Haitzinger, que toire, dans cette affaire, me semble singulièrement
l'enthousiasme du public a été porté jusqu'à l'excès et mystifié? — Enfin, Mlle Michel a donné le i4 mai
qu'on a fait recommencer le finale. L'orchestre a be- une soirée musicale, dans laquelle plusieurs artistes
soin d'exécuter plusieurs fois cette belle partition pour très distingués l'ont assistée. Mlle Michel s'est fait
rendre convenablement les détails de l'instrumentation. applaudir dans plusieurs morceaux avec justice, car elle
A la première représentation il a manqué complètement a fort bien chanté. Les mêmes applaudissemens ont été
dans pièce de MM. Hip- trice. Après la révolution de i85o cela pourrait passer
Le grenadier dont il s'agit la ,
polyte Lefebvre et Saint-Amans , était de faction le pour un tant soit peu aristocratique; mais de l'aristo-
lendemain de la journée de Wagram, et malgré la dis- cratie y en a partout, même chez les artistes. Toujours
il
cipline, abandonna son poste pour voler au secours est-il que Mme Clara possède une jolie voix de soprano
d'une jeune fille poursuivie par des soldats. Cette action et qu'elle en tire bon parti; elle m'a semblé se laisser un
louable sans doute, mais elle ne devait pas peu trop dominer par la peur, ce qui nuit à l'agilité de
était fort
reçu des applau-
trouver grâce devant Napoléon qui, sur ce point comme Quoi en
l'articulation. qu'il soit , elle a
Aussi le Petit-Caporal qui avait surpris la guérite veuve Parmi les artistes qui ont concouru à ce concert, on a
remarqué d'abord M. Hiller, qui a exécuté un concerto
de son factionnaire, et qui avait bien voulu descendre
de sa composition. L'œuvre et l'artiste ont été vive-
d'un grade pour devenir simple soldat et monter la
REVUE MUSICALE. 127
ment applaudis. M. Hiller a su résister i l'empire de la Italien, a conçu le projet de donner pendant la belle
mode; sa manière n'est pas celle de la plupart des pia- saison des concerts d"été dans le jardin de Tivoli, dont
mort à Paris le 1 5 de ce mois, à l'âge de 63 ans. Comme que par de grandes masses.
écrivain sur la musique, il s'est fait connaître par des — La première représentation de la reprise dHOberon
obervations pleines de goût et de finesse dans un écrit est annoncée pour mardi prochain au théâtre allemand;
très piquant qu'il a publié sous le titre du Rideau Levé. celle de Don Juan suivra de près. Le succès des deux
situation des théâtres de Paris, et par- premières soirées de Fidelio a décidé l'administration à
Il y examine la
ticulièrement des théâtres lyriques. Ses jugemens sur en donner une troisième qui a lieu aujourd'hui samedi.
les chanteurs et sur les compositeurs qui ont écrit pour Il y a lieu d'espérer que l'activité de M. Roekel, aidée des
ces théâtres ne sont peut-être pas d'une impartialité ir- talens d'Haitzinger et de Mme Schrœder, triomphera des
tèprochable , mais ils annoncent des connaissances po- obstacles que lui opposent la mauvaise saison et la pré-
*itives et variées. M. de Sévelinges avait sur les autres occupation des esprits.
littérateurs qui écrivaient alors sur la musique dans les
sique dans la Gazette de France. En i8oo , il a écrit une paru, il y a quatre ans, en deux volumes in-4°, a fait
Notice sur Mozart ,
qui a été placée en tête de la parti- d'immenses recherches pour rassembler tous les ou-
tion du Requiem de ce grand musicien publiée au ma- vrages de ce grand musicien , et a employé une partie
gasin de musique du Conservatoire. On lui doit aussi de sa vie à les mettre en partition pour en publier une
quelques bonnes Notices de musiciens célèbres qui ont collection complète. L'intention de réaliser cette publi-
été inséréesdans la Biographie universelle de M. Mi- cation a été annoncée, il y a plusieurs années, par
chaud. M. l'abbé Baini, et le catalogue des compositions qui
— Mme Schrœder-Devrient est, dit-ou, décidément doivent entrer dans cette collection a été inséré dans le
engagée à l'Opéra. On assure qu'elle débutera à ce deuxième volume des mémoires; l'attention des musi-
spectacle par la remise d'Ai'mide. ciens vient d'être appelée denouveau sur cette belle
— Le succès de Zampa est toujours fort brillant à entreprise par un prospectus qui en fait ressortir tout
l'Opéra-Comique; néanmoins une grande activité règne rinlérêt.
dans les répétitions des ouvrages qui sont à l'étude à ce Quoi de plus remarquable, en effet, parmi les monu-
théâtre. 11 est en ce moment question d'un nouvel opéra raens de l'histoire de la musique, que les œuvres de ce
de M. Adam, qui serait mis en scène immédiatement Jean-Pierre-Louis de Palestrina qui, dans le seizième siè-
pour assurer les recettes des lendemains de Zampa. cle, fut appelé à bon droit le prince des musiciens, qui fut
— On parle depuis près d'un mois de la suppression considéré par tous les savans compositeurs de l'école
de l'Institution royale de Musique classique dirigée par romaine comme leur chef et leur modèle, et qui a donné
M. Choron ; mais ces bruits paraissent être dénués de son nom au genre de musique qu'il cultiva et qu'il porta
fondement. Il ne s'agit que de quelques réformes dans au plus haut degré de perfection. Ces ouvrages sont
le personnel. devenus aujourd'hui excessivement rares; les éditions
— Il paraît qu'il est question d'instituer une nou- qui en ont été publiées sont en parties séparées et sont
velle musique de la chapelle du roi, et que cette mu- écrites dans une notation dont peu de musiciens de nos
sique commencera son service après l'installation de jours possèdent la clef; enfin, un grand nombre de ces
S. M. au château des Tuileries. On ne dit pas si les ouvrages, restés inédits, n'existent que dans les archives
artistes de l'ancienne chapelle y seront admis de droit, de la chapelle pontificale et de quelques églises de Rome.
ou s'il sera ouvert un concours pour la formation de la M. l'abbé Baini a recueilli tout ce qui existe des œuvres
nouvelle. du grand artiste, les a classés avec ordre, les a traduits
— M. Emile Laurent, ancien directeur du Théâtre en notation moderne, et en a rendu la lecture et l'étude
128 BEVUE MUSICALE.
faciles en les metant en partition. On doit espérer que deur de son talent, comme actrice, l'empressement du
l'éditeur sera secondé dans son zèle si louable, et que public, mais on a été frappé généralement de l'altéra-
de nombreuses so.uscriptions lui procureront les moyens tion qui s'est faite dùns sa voix. Ce n'est plus qu'avec
de réaliser son entreprise. Il y aurait de la honte à notre effort qu'elle exécute maintenant ce qu'elle faisait sans
siècle à se montrer indifférent à la gloire d'un des plus peine il y a quelques années. 11 est au moins douteux
grands hommes qu'ait eus l'art musical. qu'elle puisse aujourd'hui chanter plusieurs rôles qui
sion dans l'institution qu'elle a fondée, les élèves sont A Paris, chez Zetter et comp, , rue du Helder, n° 25 (1006).
obligées d'ajouter à leur nom celui de Catalani. Dans
quelques années tous les théâtres seront peuplés de Les 7* et S'^ livraisons de la troisième année de V Abeille musicale
Catalani; puissent-elles posséder une voixaussi belle, viennent de paraître ; elles se composent de la Brise de mai , romance
aussi étendue que celle de leur protectrice, dans sa de Ed. Eruguière; l'Omge, nocliirue d'Osboi'ne; le Rendez-vous
jeunesse, et puissent-elles s'en servir avec plus d'art et espagnol^ noctuelle de K. Romagnesi, et /e Retour du Tyrolien^ Ijro-
lui soient défavorables , et que ses concerts ne soient teur, rue Tivienne, n" 4.
moins fréquentés qu'ils l'auraient été à une autre époque. Le même éditeur vient de publier une nouvelle méthode de chant
Lors de son passage à Douvres, quelques amateurs se et de vocalisation renfermant des exercices propres à donner à la voix
furce graduée et d'un diapason peu élevé, composés par les meilleurs
offert 200 livres sierlings (environ 5,ooo fi.) ; mais la
maiires de l'école italienne , avec un accompagnement facile pour
modicité de la somme lui a fait rejeter cette offre.
piano, par Aug. Ahdrade, professeur de chant. Prix: 21
— M. Labarre, harpiste distingué et compositeur,
fr. (100 7J
bitués de K-ing's Théâtre , vient de reparaître à ce de recouvrement sur la province nous empê-
théâtre; elle a débuté dans l'opéra de Médée, de Mayer, chent de tirer comme par le passé.
rôle dans lequel elle a toujours obtenu de grands succès
Accueillie avec transport, elle a justifié par la profon- IMPHIMC91E DE E. Dt'VEttGEDt, RUE DE VEENEVIt, M" 4-
REVUE MUSICALE,
V«" ANNEE. PUBLIÉE PAK m. FÉTIS. N» 17.
Sur les archives musicales qui existent dans plusieurs églises chapelle contenait alors les messes et les motets de ces
de Rome. musiciens. Quoi qu'il en soit, M. l'abbé Baini avoue
L'immense quantité de chanteurs de la chapelle pon- ( Mem. st. crlt. diP. L, da PaUstrina, t. 1, n. i63) que
iiflcale et de compositeurs belges, français, espagnols les compositions de Guillaume Dufay tenaient alors la
et italiens qui furent attachés aux églises principales de première place dans la chapelle pontificale.
Rome, et les soins qui président en Italie à la conser- Dans le sac de Rome dont il a été parlé ci-dessus,
vation des monumens d'arts de tout genre, ont contri- tout ce qui existait de manuscrits et de livres précieux
bué à accumuler dans les bibliothèques et dans les ar- dans les archives fut livré aux flammes; quelques vo-
chives publiques et particulières de la capitale du monde luBies qui serraient à l'usage quotidien de la chapelle du
chrétien une multitude de compositions musicales et pape, et qui, par cette raison, n'étaient point enfermés
de traités manuscrits sur la musique qui surpasse tout dans les armoires, furent seuls sauvés de cet incendie;
ce qu'on peut imaginer. La plupart de ces ouvrages sont heureusement ces volumes contiennent des choses cu-
du plus hautintérêt pour l'histoire de l'art; malheureu- rieuses et intéressantes qui permettent d'apprécier le
sement, le sac de Rome par les troupes françaises, au mérite d'un grand nombre de compositeurs qui, jus-
seizième siècle, et les invasions qui désolèrent l'état de qu'ici, n'ont été connus que nominativement ou du
l'Église à différentes époques, ont détruit ou causé la moins que par des fragmens de peu d'importance. Les
perle d'un grand nombre de monumens précieux des noms de ces cotnpositeurs , dont on trouve des messes
premiers temps de la musique régulière à plusieurs par- et des motets dans les manuscrits du Quirinal, sont ceux
ties, et cette perte est irréparable parce qu'il ne se trou- d'Alexandre Agricola, Jean Abbat, Noël Baudouyn
vait point ailleurs de copies de ces vénérables produc- Busnois, Firmin Caron, Guillaume Dufay, Jean de
tions d'une époque reculée. Billhon, François de Layolle, Josquin Desprès, Guil-
L'histoire de la musique française souffre particulière- laume Faugues ou La Fage , Philippon , Mathurin Fo-
ment de cette perte. L'établissement du siège de l'église resteyn, Gascongne, Gaspard, Jean Ghiselin, Heyees
à Avignon avait attaché, dès le quatorzième siècle, un Corrado, Hilairc, Jacques Hobreecht, Jean Martin,
certain nombre de musiciens français à la chapelle Vincent Mison, Antoine Norraant (dit Lohial et sur-
du pape, lin manuscrit signé du cardinal d'Aquilée, noiïimé monsieur mon compère) , Jean Ockeghem, Pin-
camerlingue du palais pontifical, et daté du i" avril telli, Pippelare, Guillaume Prévost, Prioris, Pierre
1447, prouve même que les dix chapelains chan- Rosselli ou Roussel, Barlholomé Escobedo, Jean Tinc-
teurs de la chapelle, sous le pontificat de Nicolas V, toris, Vacqueras, Doraart ou Dommarto, et Eloy. Les
étaient tous français, et qu'ils se nommaient Richard volumes sont cotés 14, 16, '7, 19, 22, aS, 34, 55, 56,
flerber, Pierre Grosse-Tête (Grossi Capitis), Jean Hur- 59, 41, 45? 49) 5:, 54, 62, lao, 121, i25, 128, 129,
tault, Jean Postel, Clément Lagache, Jean de Viset, i3o, 143, 146, 147, 157, 198.
Pierre Landrich, Pierre Frebert, Jean de Marseille et Postérieurement au pillage de Rome dont il a été
130 REVUE MUSICALE.
parlé , il n'y a point de lacunes dans la suite d'ouvrages plet, aujourd'hui inspecteur du Conservatoire de musi-
produits par les maîtres de chapelle de la chapelle pon- que de Paris, et qui était un des commissaires, sut~les
tificale et des églises de Rome ; le nombre de ces pro- préserver du pillage et de la dévastation. Deux petites
ductions est immense, bien que des vols et des dépré- chambres situées dans des chapelles du Vatican, et ap-
dations particulières y aient causé quelque dommage- pelées custodie, contenaient tout ce qui servait au ser-
Les événemens de cette nature qui méritent d'être rapr vice quotidien; M. Mesplet y mit le scellé, qui ne fut
portés, sont les suivans: levé qu'après le départ de l'armée. Quant aux grandes
A la mort du cardinal Sigismond Chigi ( le 3o avril archives, placées dans une portion élevée des bStimens
1678), le pape Innocent XI nomma le cardinal Félix du Quirinal qui devint le logement d'un des consuls de
Rospigliosi protecteur de sa chapelle ,
place qui don- la nouvelle république, elles furent considérées comme
nait ù ce cardinal une autorité pleine et entière sur des choses de peu de valeur et laissées intactes. C'est à
tout ce qui concernait le matériel de cette chapelle. Soit l'ignorance des membres du gouvernement révolution-
par curiosité, soit par tout autre motif, il voulut que naire qu'on est redevable de la conservation de ce 4é-
les archives fussent transportées dans son palais , non- pôt précieux.
obstant les réclamations du collège des chapelains Les archives de la basilique du Vatican ne sont pas
chanteurs, et pendant dix années on ne put en obtenir moins intéressantes sous le rapport musical. Cette ba-
la réintégration. Lorsqu'il mourut (en 1688), le cardinal silique eut pour maîtres de chapelle , depuis le seizième
Carpegna fut obligé de fulminer une excommunication siècle jusqu'à ce jour, les musiciens les plus célèbres de
par ordre du pape contre les délenteurs des manuscrits l'Italie; les services qu'ils ont composés pour son usage
qu'on ne retrouvait pas ; ils rentrèrent alors au Quirinal, s'y conservent avec soin. La seule perte qui ait été faite
mais non sans qu'il y en eût plusieurs d'égarés. parce dépôt eut lieu vers 1770. Un gardien infidèle en
Parmi les ouvrages précieux qui se conservent dans enleva à cette époque environ cent volumes de parti-
les archives de la chapelle du Vatican, se trouvent: tions manuscrites et d'ouvrages rares concernant la
1° trois messes à quatre voix de Palestrina, inédites; théorie. Un des morceaux les plus précieux de cette bi-
2° quatre idem à cinq voix, également inédites; 3° trois bliothèque consiste en un volume de notices historiques
idem à six voix ;
4° deux motets à cinq voix 5° dix ; idein sur les maîtres de chapelle de Rome et des pays étran-
à six voix; 6° huit motets i huit voix; y° un Magnificat gers, composées par Octave Pittoni, et écrites de sa
i\ huit voix; 8° un Stabat à huit voix; 9° la première la- main recueil intéressant dont M. l'abbé Baini a tiré
;
mentation de Jérémie à quatre voix; 10° un Libéra à beaucoup de matériaux pour ses mémoires de Pales-
quatre voix. Tous ces ouvrages, du même auteur, sont trina. On y trouve aussi le manuscrit original du traité
restés inconnus jusqu'ici. 11° Une multitude de com- de contrepoint que Jean-Marie Nanini écrivit pour l'é-
positions d'Arkadelt , de Ferrabosco, d'Animuccia, de cole de musique qu'il dirigea long-temps, et dans la-
Roger Giovanelli, de François Soriano, de Vincent quelle il forma beaucoup de compositeurs distingués.
Ugolini, de Paul Agostini, de Virgile Mazzocchi , de L'église de Sainte-Marie-Majeure possède aussi des
Benevoli, d'Hercule Barnabei , d'Antoine Masini, de archives fort intéressantes. On y remarque particulière-
Berretta, de Lorenzani, de Dominique Scarlatli, d'Oc- ment les manuscrits de trois messes à quarante-huit voix
tave Pittoni , et de beaucoup d'autres compositeurs, la réelles eu douze chœurs, l'une d'Horace Benevoli, qui
plupart inédites; 12° une collection de Miserere et d'au- fut chantée par cent cinquante professeurs dans l'église
l'histoire de l'école romaine. munication. M. Baini me répondit qu'il n'y fallait pas
Les deux maisons de jésuites de Rome, appelées del songer, parce que cela était impossible. Lui-même,
Gesù et de S. Apollinare ,
possédaient des archives mu- après avoir consulté cet ouvrage et en avoir tiré d'utiles
sicales du plus grand intérêt; malheureusement elles renseignemens, avait désiré le revoir pour y vérifier un
ont été dispersées lors de la suppression de l'ordre. Les fait sur lequel il lui restait des doutes ; il ne put obte-
nir cette faveur, et le bibliothécaire alla jusqu'à lui affir-
livres, les partitions et les manuscrits furent en quelque
sorte livrés au pillage et vendus au poids. Un chanoine, mer que l'ouvrage n'existait pas.
rtommé Massajoli, acheta alors à vil prix environ trois Les mêmes difficultés existent partout. A Naples , la
mille livres pesant de manuscrits, de partitions et de bibliothèque du collège royal de musique renferme les
livrés précieux provenant du collège hongrois de S. ouvrages de tous les maîtres des Conservatoires , une
Apollinaire. collection complète des manuscrits originaux d'Alexan-
Quant aux archives de S. Laurent in Damaso, de S. dre Scarlatti, et les partitions originales de tous les
Laurent in Lucina, de Sainte-Marie delpopolo, et de S. opéras qui ont été représentés sur les théâtres royaux,
André delta valle, il n'en existe plus rien. L'occupation depuis leur origine; tout cela est renfermé dans une
de Rome par des armées étrangères à diverses époques suite de chambres où le bibliothécaire lui-même ne pé-
les ont absolument ruinées. nètre jamais, et personne ne peut en avoir de commu-
Beaucoup de bibhothèques particulières, fondées par nication. Tous ces bibliothécaires rappellent sans cesse
talie dans l'art d'écrire les canons; ces manuscrits sont Il est bien affligeant pour moi de me voir forcé de
cotés 3287 et 3288. La bibliothèque de la maison Chigi, répondre à une lettre que M. P. R. semble n'avoir écrite
où l'on trouve, entre autres choses, un Epitome istorica que dans le but superflu de proclamer l'opinion généra-
délia musica en manuscrit, composé par un savant mu- lement reçue, « que Garcia, auquel il voue une admira-
sicien nommé Aniimo Liberati. Les bibliothèques musi- (1 tion exclusive, est un artiste de premier ordre. » Bien
cales de MM. l'abbé Santini et de l'abbé Baini renfer- avant qu'il fût connu de M. P. R., j'aimais plus que lui
ment aussi beaucoup de raretés intéressantes. la personne et le talent de ce chanteur célèbre, et je ne
Par ce rapide aperçu , il est facile de voir que ce n'est puis qu'unir ma voix à la sienne pour tous les éloges
qu'à Rome qu'on pourrait écrire l'histoire de la musique qu'il lui plaira d'en faire.
italienne, et particulièrement de l'école romaine, car Mlle Colombelle-Coreldi, qui était ma pupille, vo3fait
ce n'est que là qu'on peut trouver réunis tant de docu- fréquemment chez moi et chez eux tous les principaux
mens et d'indications précises; mais tel est l'esprit artistes, mes amis. D'après ce que je viens de dire, on
d'égoïsme et de petitesse qui domine tous ceux qui sont peut présumer que Garcia était du nombre. Trois ans
commis à la garde de ces trésors, qu'il est ù peu près avant qu'elle partit pour l'Italie, je parlai à ce dernier du
impossible d'en obtenirla communication. Tout y est vif intérêt que je portais à ma jeune élève, et de mon
enfermé dans des armoires qui ne s'ouvrent jamais; il désir qu'elle tînt de lui quelques exemples de cette
n'est même pas permis de connaître les titres des livres, énergie brûlante qu'il savait alors si bien rendre et
car ils sont tournés en dedans des rayons des biblio- communiquer. Je choisis la belle scène du Sacrifice
thèques. d' Abraham, de Cimarosa [que Mlle Coreldi n'a jamais
On peut juger par le trait suivant de ce que sont, à chanté en public) ; il eut la complaisance de consacrer à
l'égard des hommes avides d'instruction, les bibliothé- la lui régler huit à dix séances d'une demi-heure, et
caires de l'Italie, et particulièrement de Rome. Frappé j'ai écrit les traits qu'il y avait placés. Jamais il ne lui
Iâ2 REVUE MUSICALE.
a fait chanter ni vocalises, ni airs d'opéra; tout s'est bles, sans réussir à régénérer les anciennes écoles d'Ita-
borné là : je l'atteste sur l'honneur. On sait que, depuis lie, comme il paraît se le proposer.
long-temps, lorsqu'un élève (ait fiasco, ses professeurs Les écrivains célèbres du siècle de Louis XIV ont
cherchent à désavouer la part qu'ils y ont prise; mais long-temps disputé sur la prééminence des anciens sur
lorsqu'il obtient des succès éclatans , c'est à qui cher- les modernes, et le parti des premiers était exubérant
chera à en dérober une part quelconque au seul maître de faits en leur faveur. Ne les imitons point en croyant
qui l'a formé. Certes, Garcia, si riche des triomphes qui aveuglément, comme articles de foi, tout ce que les
lui appartiennent véritablement, n'aura pas eu le charla- anciennes chroniques musicales nous racontent des
tanisme de penser que l'enseignement d'un seul air de- prouesses des chanteurs qui vivaient dans les deux
vînt un titre pour proclamer son élève une cantatrice siècles précédens, ni la vieille histoire de Porpora qui,
qui s'est illustrée en chantant des opéras dont il ne lui pendant cinq ans, fit travailler une seule page d'exer-
a jamais fait dire une seule note! J'aime aussi i penser cices à Caffarelli, et qui le congédia en lui disant : Fa,
que M. P. R. aura été abusé par l'apparente réalité des tu set il primo cantante del mondo! Il suffit d'examiner
rapports dont je viens de démontrer l'exagération men- les solfeggl et les opéras de ce temps pour s'assurer qu'on
songère, et n'aura pas eu l'intention d'affliger injuste- pouvait y obtenir de la réputation à meilleur compte
ment mon cœur plus encore que mon amour-propre qu'on ne peut le faire aujourd'hui en chantant Semira-
afin de chercher à ajouter une si légère parcelle de mide, Otello, laGazza, etc. Si une bonne partie des
fleuron à la couronne brillante de son ami. Le talent de chanteurs célèbres cités par M. P. R. pouvait apparaître
Mlle Coreldi, dirigé continuellement par moi pendant sur la scène Favart avec leurs airs d'agilité et même
sept ans, doit, comme celui de Mme Malibran, une leurs morceaux d'expression, genre dans lequel ils ex-
partie de ses effets à l'analyse raisonnée des souvenirs cellaient, il est probable qu'ils soutiendraient difficile-
qu'elles ont conservés de Mmes Catalani, Fodor, Pasta, ment la comparaison avec nos Malibran, nos Pasta, nos
Pisaroni, de MM. Garât, Velluti, David, Garcia, Rubini, Cinti, nos Garcia, nos Rubini. En faisant une exceptioa
Banderali, etc. J'en dirai tout autant pour moi-même. en faveur de Farinelli, Caffarelli, Pacchierotti , Cres-
J'ai sans cesse profité de mes liaisons avec la plupart centini , Marches! , la Gabrielli et quelques autres ^ la
de ces artistes célèbres pour les presser de questions sur grande réputation du surplus reste un peu dans les
un art dans lequel je cherche continuellement à me nuages. J'ajouterai que cette douzaine (et je fais une
perfectionner davantage. S'ensuit-il de là que je sois large concession ) de virtuoses du premier rang étaient,
leur élève ? hélas! pour la plupart... des castrats. Ces malheureux,
Il reste un autre point ù constater : c'est que ma rebuts de la société , n'avaient pour s'y faire admettre
Méthode de chant, gravée à la fin de 1825, a paru, je que l'unique perspective du talent queleurpromettaient
crois, avant celle de Garcia, dont je ne connaissais pas une de longues et constantes études ; ils s'y livraient exclu-
ligne. Il ne peut s'y rencontrer de points de ressem- sivement avec une ardeur et une persévérance dont
blance que dans ces sortes de préceptes et exercices presque aucun de nos élèves français ne veut se résoudre
généraux qui appartiennent à tous les maîtres et à à suivre l'exemple. Beaucoup de ceux-ci ne font qu'ébau-
toutes les méthodes. Au surplus, les nôtres sont gravées cher leurs études, et débutent trop tôt, contre nos avis ;
depuis long -temps: c'est au public impartial qui les d'ailleurs on doit sentir que des irrégularités de con-
achète, et aux mémoires fréquens de l'imprimeur, à duite, sur lesquels je ne veux point m'appesantir, con-
constater leur degré de mérite mieux que ne le feraient tribuent beaucoup aussi à gâter leur voix et à entraver
des articles de journaux. leurs progrès. M. P. R. appréciera ma réserve en n'en-
En musique comme en politique, il y a de ces démo- trant point dans de plus longs détails concernant quel-
lisseurs qui cherchent toujours à exploiter à leur profit ques-uns des anciens élèves du Conservatoire dont il
et à celui de leurs amis les occasions i'abattre ce qui cite les noms ; encore est-il juste de ne point accuser
existe pour reconstruire selon leur système particulier, leurs professeurs si le talent d'une partie de ces artistes
oubliant que souvent le mieux est l'ennemi du bien. A laisse beaucoup à désirer. Le pensionnat actuel réunit
Dieu ne plaise que je veuille ranger dans cette catégo- quelques sujets qui deviendront assez remarquables si
qu'il semble annoncer étaient suivis à la lettre, il cha- ment influé sur le talent des grands chanteurs italiens
grinerait inutilement beaucoup de professeurs estima- précités. Je ne pense point qu'un tel moyen entre dans
REVUE MUSICALE. 133
les plans de M. P. R., lesquels j'examinerai avec un vif Mme Schrœder-Devrient, fatiguée par trois représen-
intérêt; toujours est-il certain qu'il était l'une des prin- tations consécutives de Fidelio, n'a pas eu autant de
cipales causes de succès de ces bonnes études, qu'on nous succès dans le rôle de Rezia qu'elle en avait obtenu
accuse, un peu légèrement, de ne point savoir diriger: l'année dernière. L'effet ordinaire de la fatigue, dans
accusation propagée avec soin par tous les professeurs les chanteurs, est de faire baisser la voix et de mettre
qui n'ont pu réussir ù faire partie du Conservatoire. toutes les intonations légèrement au-dessous du ton :
Oberon est la dernière production du génie de Weber; son intonation a été rarement irréprochable dans la
par la couleur fantastique appropriée au sujet. Les mé- fait apercevoir dans son organe. Le rôle de Huon lui est
lodies de quelques morceaux de cet opéra ont quelque très favorable; y déploie des moyens extraordinaires,
il
chose de frais et d'aérien qui ne ressemble point à ce particulièrement dans un air du troisième acte, où il
qu'on entend dans d'autres ouvrages; mais, pour pro- est vivement et justement applaudi.
duire son effet, cette musique si délicate, si suave, a Bien que douée d'une voix plus facile que Mme
besoin d'une exécution très soignée; et, il faut bien Schmidt, Mme Pistrich ne réussit pas aussi bien qu'elle
l'avouer, cette exécution a manqué complètement aux dans Oberon. Dans le petit air et dans le duo du troi-
représentations A^Oberon qui viennent d'être données, sième acte Mme Schmidt chantait d'une manière très
,
bien que la troupe chantante soit composée à peu près satisfaisante; Mme Pistrich laisse beaucoup à désirer
des mêmes élémens que l'année dernière. Oberon exige de l'éclat dans les décorations, les cos-
Il est évident que les répétitions ne sont pas assez tumes et la mise en scène. L'année dernière tous ces
nombreuses à l'Opéra allemand, parce qu'un répertoire accessoires étaient assez soignés ; il y avait surtout une
inconnu de l'orchestre oblige à partager les études décoration mouvante à la scène de la barque qui était
entre beaucoup d'ouvrages difiërens : de là vient le dé- d'un effet très agréable. Cette décoration est retournée
faut d'ensemble qu'on remarque dans chaque opéra à Aix-la-Chapelle , et les dépenses considérables qu'il
entre l'orchestre et les chanteurs; défaut qui est plus aurait fallu pour son transport n'ont pas permis
faire
sensible encore dans Oberon que dans les autres opéras. de la faire venir; il en résulte que la fin du deuxième
Les choristes eux-mêmes , qui se distinguent quelque- acte est absolument sans effet.
fois par de la chaleur et un bon sentiment de musique, En somme, Oberon ne peut piquer la curiosité du
sont ici bien inférieurs à eux-mêmes. Dans le premier public en l'état où il se trouve; il est douteu? qu'il soit
chœur, le rhythme et l'intonation ont été presque cons- représenté de nouveau.
tamment faussés, et ce morceau charmant n'a produit
aucun effet. Le finale du premier acte et les chœurs de
femmes du deuxième et du troisième ont encore offert
DON JVAJi,
Opéra en deux actes musique de Mozart.
les mêmes défauts. Dans les opéras de Weber, les chœurs
,
et l'instrumentation occupent une place si importante, Ce n'était pas sans défiance que les partisans les plus
qu'il est facile de concevoir qu'une exécution négligée décidés du Théâtre Allemand se rendaient, jeudi dernier,
dans ces deux parties entraîne la ruine de l'effet gé- à la représentation de Don Juan. Ils savaient bien que
néral. certaines parties de l'immortel chef-d'œuvre seraient
134 REVUE MUSICALE.
bien rendues; ils comptaient sur le talent dramatique ils connaissent toutes ses productions, en savourent les
de Mme Devrient et sur Haitzinger; mais Don Juan, beautés et les rendent avec amour. De là ce nerf d'exé-
mais Leporelio, mais Zerline, mais donna Ehire, mais cution, ce sentiment intime qu'on a remarqué avec tant
le souvenir de Mlle Sontag, de Mme Malibran et de de plaisir dans les chœurs et dans les morceaux de Don
Mile Heinefetter! voilà ce qu'on craignait. Et puis la Juan, et l'effet que ces morceaux ont produit pour la
mise en scène si négligée A^Oberon faisait naître des première fois sur un théâtre de Paris à la représentation
doutes sur celle de l'ouvrage de Mozart. Hàtons-nous de jeudi dernier. De là aussi la manière très satisfai-
de dire que ces craintes, ces doutes se sont bientôt éva- sante dont plusieurs rôles ont été rendus par des ac-
nouis, et que le résultat de cette représentation a été, teurs en qui l'on n'en supposait pas les moyens,
pour le public celui d'une vive satisfaction. Fischer n'a point une voix aussi belle que Zucchelli ;
J'ai parlé si souvent de ce Don Juan, qui depuis qua- il ne chante pas aussi bien, et pourtant il joue bien
rante-cinq ans excite ^l'admiration du monde civilisé, mieux que de Don Juan. Il en saisit
lui le rôle difficile
qui a traversé tant de révolutions de goût, sans rien le caractère avec beaucoup d'intelligeqce et y montre du
perdre de sa fraîcheur, et qui a servi de modèle à tout talent dramatique dans plusieurs scènes. Sa taille svelte
ce qu'on a fait depuis ; j'ai si souvent exprimé l'enthou- et bien prise convient d'ailleurs au personnage. Assez
siasme que cette merveilleuse composition fait naître convenable sous le rapport musical, il n'a été sensible-
en moi, que je ne pourrais que me répéter en l'analy- ment au-dessous de l'intention du compositeur que dans
sant de nouveau. D'ailleurs, à quoi bon l'analyse là où le fameux rondo fin che dal vino. Dans les morceaux
il n'y a qu'un seul sentiment, qu'une seule manière de d'ensemble il s'est montré, sinon chanteur habile, au
voir et de sentir. Parmi tous les spectateurs qui assis- moins musicien exact et intelligent.
tent à une représentation de Don Juan, qu'on me montre Après le rôle de don Juan , les plus importans sont
une seule personne qui ne soit émue aux accens de cette ceux de donna Anna, d'Elvire et de Zerline. Il faut avoir
musique, et qui n'en soit l'admirateur, j'essaierai de lui vu Mme Schrœder-Devrient dans le premier de ces
en faire apercevoir les beautés, ou plutôt je me tairai; rôles pour une idée du talent que celte grande
se faire
car, que feraient mes paroles sur l'esprit de celui qui actrice y Pour la première fois, on a compris
déploie.
serait assez mal organisé pour n'être pas frappé de tant par elle ce que c'est que l'introduction et surtout que
de beautés? le grand duo en re mineur de Don Juan. Le récitatif et
Jusqu'ici, il faut l'avouer, nous n'avons entendu que le mouvement agité de ce duo offrent des difficultés
des rôles bien chantés dans les diverses reprises qu'on a immenses contre lesquelles nous avons vu échouer le
faites de Don Juan; mais l'esprit général de la composi- talent de presque toutes les cantatrices; l'ame énergi-
tion de Mozart n'a jamais été saisi ni rendu. Ainsi, en que de Mme Devrient en triomphe facilement, et y
1820, nous avons eu dans Garcia un excellent Don ajoute des beautés qu'on ne soupçonne pas avant de
Juan, et dans Mme Fodor une très bonne Zerline; plus l'avoir entendue.La gradation de sa douleur est par-
tard, nous avons admiré Mme Malibran dans cette émeut le spectateur jusqu'à l'exaltation.
faite; car elle
même Zerline, et Mlle Sontag dans Donna Anna; mais Ses acceus, ses gestes, ses regards, le jeu de sa phy-
si quelques morceaux chantés par ces virtuoses appro- sionomie, tout ajoute à l'effet de la musique. On sait
chaient de la perfection autant qu'il est possible , beau- que les musiciens seuls ont toujours insisté sur les
coup d'autres restaient sans effet, surtout dans les beautés de ce duo, et l'ont proclamé le chef-d'œuvre
masses c'est qu'il y a pour les chanteurs à grande vogue
: du genre; il n'avait jamais produit que peu d'effet à la
un besoin qui est le premier de tous, celui de se faire scène; mais avec Mme Devrient et Haitzinger il a trans-
applaudir et de s'isoler pour rendre plus éclatans les porté d'admiration la masse entière des spectateurs, et
succès qu'ils obtiennent. Ainsi, l'on donne tous ses soins des applaudissemens réitérés ont témoigné du vif plaisir
à un air, un duo, et l'on néglige un ensemble, un fi- qu'il avait fait éprouver.
nale. D'ailleurs, que peuvent quelques talens au milieu Le talent ne peut s'élever plus haut que dans la ma-
d,e toute une troupe qui n'est point pénétrée des beautés nière dont la même cantatrice a dit la grande scène , où
de musique de Mozart? Les
la Italiens se font toujours elle reconnaît le meurtrier de son père. Mlle Sontag
violence quand ils exécutent cette musique ;
pour les nous avait déjà donné une idée de cette scène difficile ;
Allemands, c'est autre chose, c'est presque une religion. mais si son chant était plus pur , ses qualités comme ac-
Elevés dans l'admiration du génie musical le plus vaste trice étaient bien moins élevées. Je dois aussi beaucoup
que l'Allemagne ait produit dans les temps modernes. d'éloges à Mtne Devrient pour la première partie de
REVUE MUSICALE. 135
l'air du deuxième acte qu'elle a dit avec beaucoup de de Mmcs Pasta, Malibian, MM. Rubini, Lablache, Zu-
simplicité et de pureté. Dans la deuxième partie, elle a chelliet Donzelli. Comme deuxième femme, on parle dt
laissé désirer plus de légèreté. Enfin, dans le quatuor, Mme Carrodori Allan, dont le talent est fort agréable,
des masques du finale elle s'est et qui vient d'obtenir de brillans succès à Venise. Il est
le quintette et le trio ,
montrée cantatrice aussi distinguée qu'actrice parfaite. question aussi d'une jeune cantatrice qui brille en ce
pour être moment à Berlin, et qui, dit-on, est destinée à rem-
Le rôle d'Elvire est excessivement difficile ;
bien rendu, il exigerait un talent de premier ordre, et, placer Mlle Sontag en Allemagne.
à l'exception de Mlle Heinefetter qui y était assez satis- Mme Pasta chantera le premier emploi pendant les
pourtant qu'elle a assez bien chanté dans le trio des autre opéra en deux actes, dont la musique est de
Mme Malibran était souvent parfaite dans Zerline; cet ouvrage, qui sera représenté vers le i5 dû mois
son souvenir était un écueil pour Mme Pistrich; toute- prochain. Concurremment, un autre opéra en trois
fois elle a su se faire applaudir justement dans ce rôle actes, de MM. Scribe et Auber, doit être mis en répé-
en le chantant avec goût et le jouant avec intelligence. tition la semaine prochaine. D'ici à deux mois, l'Opéra-
Haitzinger fait très bien ressortir le rôle de Bon Ot- Comique aura un nouveau répertoire, monté avec soin,
tavio qui a toujours été faiblement rendu par Bordogni. et aura repris tout l'éclat de ses beaux jours.
Ce rôle est important parce que c'est le seul ténor de Le directeur s'occupe en ce moment d'améliorer le
l'ouvrage, et parce que ce ténor se trouve dans tous les personnel chantant de son théâtre. On parle de l'acqui-
morceaux capitaux. Par un hasard singulier, le mor- sition qu'il vient de faire d'un jeune élève du Conser-
ceau qu'il a dit le moins bien est le fameux rondo du vatoire qui possède une belle voix de basse et qui a du
deuxième acte. sentiment musical. Un bon premier ténor et une bonne
Après avoir entendu Krebs dans le gouverneur de première femme compléteront l'ensemble.
Fidelio, il était permis d'être inquiet sur le sort du rôle —
La restauration de la salle de l'Opéra offrira des
de Leporello qui lui avait été confié; néanmoins, il s'en changemens assez considérables dans les dispositions.
est tiré beaucoup mieux qu'on ne l'avait espéré. Je ne Des galeries y seront pratiquées pour la classe moyenne
parle point de l'air, Madamina, qui est au-dessus de ses de la société. Le prix des places sera, dit-on, diminué.
forces ; mais dans tout le reste il est assez convenable Il parait que ce spectacle va devenir populaire.
ému l'auditoire. La mise en scène en est incomparable- Berlin, i5 mai. Mme Milder, l'une des cantatrices
ment meilleure qu'au Théâtre Italien ;tous les acteurs y les plus remarquables du théâtre royal, précieuse sur-
sont bien posés ; la scène est vive , remuante , et le sen- tout pour les amateurs de la musique d'un caractère-
timent musical qui anime acteurs et les choristes y
les pur, large et simple, a terminé dernièrement sa carrièri-
donne une idée juste des intentions du compositeur. dramatique par la représentation de deux opéras de
Il y a lieu de croire que Don Juan et Fidelio procu- Gluck. y/rmWeavaitétéchoisieparellepoursa représen-
reront à l'administration du Théâtre Allemand une suite tation à bénéfice. L'ouvrage avait été monté avec un soin
de représentations productives, et lui donneront les particulier. La salle élait comble, et la cantatrice a reçu
moyens de nous faire jouir pendant un mois ou deux de nombreux témoignages de l'intérêt qu'elle a loujour'i
d'un spectacle si intéressant pour les vrais amis de l'art inspiré aux amis de l'art, Le rôle de Renauld était reir;-
musical. Fétis. pli par M. Bader qui l'a chanté d'une manière remar-
— Le Théâtre Italien offrira aux amateurs de musi- quable. Les plus petits rôles de l'opéra avaient été con-
que, dans la saison prochaine, la réunion la plus belle fiés à des artistes distingués. Celui de la Haine, qui exige
et la plus complète de chanteurs distingués qu'il est d'ailleurs de si puissans moyens, a laissé seul à désirer.
possible de former aujourd'hui, car elle se composera Le surlendemain, Mme Milder parut pour la dernière
136 REVUE MUSICALE.
fois dans le rôle d'AIceste , qui a toujours été le plus fa- Bull. En général , le langage des journaux à ce sujet est
vorable à ses moyens. Sa voix a paru plus fraîche et plus d'une violence qui conviendrait mieux à des sujets plus .
puissante qu'on ne l'avait entendue depuis long-temps. graves; car, au bout du compte, qui est-ce qui force
La représentation fut en général très bonne ; les chœurs John Bull à entendre Paganini? Malheureusement il se
surtout étaient excellens. trouv eentre deux grands intérêts, la curiosité et l'ava-
Le jour de la pénitence [Bustag), M. Spontini a fait rice.»
exécuter dans la salle de l'Opéra le concert annuel On reconnaît les habitudes du peuple anglais dans ces
d'usage , qui n'avait attiré cette fois qu'un petit nombre sorties virulentes des journaux contre Paganini et contre
d'auditeurs. On commença par l'ouverture de Mozart, le directeur du théâtre italien. Dans ce pays de liberté,
en ut majeur; quoique l'orchestre fût nombreux, l'ef- les usages sont tyranniques : malheur à qui ne s'y sou-
fet de la masse instrumentale se perdait dans les frises met. En droit, l'artiste est seul juge
du prix qu'il met
et dans les décors de la scène. Les chanteurs étaient aux produits de son talent; mais il ne s'impose point
placés dans une position plus favorable. On avait an- comme une nécessité. Que si les habitans des bords de
noncé un hymne nouveau de Spontini qui ne fut pas la Tamise se révoltent contre le prix exagéré des con-
exécuté, on ignore pour quelle raison. La séance se ter- certs de Paganini
, ils sont libres de ne point
y aller ;
mina par Banquet d'Alexandre, de Haendel. Le chœur
le mais de s'injurier à cause de ces prix comme on le fait
a chanté avec une dureté qui a été d'autant plus sensi- dans les gazettes, c'est ce qui ne se voit qu'en Angle-
ble qu'on est habitué à entendre cette partie des orato- terre.Ce n'est pas seulement le peuple qui ne veut pas
rios de Haendel conduite avec un soin parfait à l'aca- qu'on augmente de quelques schellings les places de sa
démie de chant. Les solos et l'orchestre ont été excel- galerie : l'aristocratie veut aussi régler le tarif de ses
lens. M. Spontini dirigeait pour la première fois depuis plaisirs.
son retour de Paris. Il paraît que Paganini s'est effrayé de tout ce bruit;
— La cantatrice jadis si célèbre en Allemagne, il est du moins certain que le concert qui devait avoir
Mme Mara, vit encore à Reval en Esthonie. Le a3 fé- lieu le 12 de ce mois a été ajourné.
vrier dernier, 83° anniversaire de sa naissance, deux — Les frères Serassi , célèbres constructeurs d'orgues
députés vinrent la chercher chez elle pour la conduire à Bergame , viennent de terminer le grand orgue de la
au club de l'ordre équestre , où elle fut reçue par des basilique de Saint-Philippe à Turin. Cet instrument, qui
dames autrefois ses élèves, qui lui présentèrent deux est le quatre cent quarante-huitième sorti des ateliers de
pièces de vers envoyées par Goethe, et mises en mu- la famille Serassi , est considéré comme un chef-d'œuvre
sique par Hummel. de facture , de mécanique et de sonorité. La montre est
— On lit ce qui suit dans un journal : de douze pieds réels et les bourdons de seize pieds : plu-
« Les habitans de Londres ont suspendu provisoire- sieurs jeux de flûte de huit et de quatre pieds se joignent
ment leurs débats sur la réforme électorale pour s'oc- à ces jeux de fond pour nourrir un superbe plain-jeu.
cuper de Paganini. Le peuple crie haro sur l'artiste étran- Tous les tuyaux parlent avec une netteté remarquable
ger; les journaux le traitent d'mio/entj d'audacieux; et qui est le résultat de boursettes perfectionnées de l'in-
peu s'en faut qu'il n'y ait une émeute à Londres à pro- vention des frères Serassi. Le positif et le grand orgue
pos de concerts. M. Laporte, entrepreneur de l'opéra se joignent sans lever les mains du clavier au moyen
italien , pour trouver son compte dans les concerts que d'une pédale; enfin tous les détails concourent à faire
Paganini va donner, a été obligé de doubler les prix des de cet orgue un des plus beaux qu'il y ait en Italie.
places. Dans les loges, elles se louent 8 à 12 guinées; M. Cerutti, bon organiste de Turin, et M. Charles Se-
une place de parterre coûte une guinée, et une place rassi , qui outre son talent de constructeur d'orgue , pos-
de la galerie 10 schell. et demi. Passe pour l'aristocra- sède des connaissances assez profondes dans l'harmonie,
tie qui les retient et qui a de quoi les payer ; mais le ont fait l'essai de cet instrument.
parterre , et surtout la galerie ! Jamais un entrepreneur
anglais n'osey toucher; et il y a eu plusieurs fois de pe- ERRATUM.
titesémeutes pour cela dans le théâtre de Londres. Quel- DaDS Paganini du
l'article intitulé: le X
fil' siècle (au n» 16,
p. 124))une faute s'est glissée au titre de l'ouvrage de Jean-Jactjues
ques journaux enveloppent le pauvre Laporte dans leurs
Walther: au lieu de Hortulus melicus, il faut lire Chelycm, ce qui
malédictions; d'autres prennent sa défense et assurent signifie Petit Jardin du Violon.
que demandes exorbitantes de Paganini ont réduit le
les
directeur à la nécessité d'encourir la disgrâce de John IMPRIMEBIE DE E. Dt'VERGEB, BBE DE VEBSEUIL , N" 4'
REVUE MUSICALE,
V"" ANNEE. PUBLIÉE PAR M. FÉTIS. X" 18.
peuples, que ce n'est qu'en étudiant celle-ci dans ses faible sous beaucoup de rapports, l'histoire de Prinz ne
.lources les pluspures qu'il est permis d'espérer de donner se recommande à l'attention des musiciens que par des
icelle-làl'intérêtdontelle est susceptible , et de dégager renseignemens qu'on ne trouverait point ailleurs sur les
la réalité des faits des apparences mensongères qui en choses contemporaines de l'auteur.
dérobent la vue. Avant que le scepticisme, peut-être un Il est remarquable qu'avec le dessein de faire l'his-
peu trop étroit de notre ûge , eut remplacé la crédulité toire de la musique antique, la plupart des auteurs ne se
trop facile de nos pères, il suffisait de l'énoncé d'un fait sont point aperçus que la partie à laquelle ils attachaient
pour qu'on y ajoutât à l'instant, et sans plus mûr exa- le moins d'importance (l'histoire contemporaine) était
men , la foi due aux vérités évidentes, et sur une base précisément la seule de leurs ouvrages qui serait par la
aussi fragile chacun s'empressait de bâtir des systèmes suite consultée avec fruit, parce qu'elle repose sur des
plus ou moins ingénieux qui duraient jusqu'à ce que faits positifs , tandis que ce qui se rapporte à l'antiquité
d'autres erreurs eussent détruit celles-là. Sans cesse on y est plus ou moins entaché de système d'ignorance, et
recommençait l'histoire de la dent d'or dont parle Fon- plus ou moins hypothétique. Ainsi, les Synopsis musica
tenelle, et la vérification des faits était toujours la der- de Prcetorius ne sont d'aucune utilité en ce qui concerne
nière chose dont on s'avisait. les temps anciens de l'histoire de la musique mais on,
C'est dans cet esprit qu'ont été faites les diverses his- y trouve des détails précieux sur la musique instrumen-
toires de la musique que nous possédons ; la différence tale de l'Allemagne aux seizième et dix-septième siècles.
des temps y a seulement établi une impulsion de progrès Ainsi la misérable histoire de la musique de Bourdelot
qui, sans atteindre le but, indiquait qu'on y arriverait et Bonnet serait digne du plus profond mépris si elle ne
unjour. Le premier essai historique est Vlstoria musica nous fournissait quelques documensintéressans sur l'art
de Bontcmpi. Ce qui y est relatif à la musique des Grecs au temps de Louis XIV, et particulièrement sur LuUi.
mérite à peine quelque examen, les lumières manquant La saine critique littéraire commença dès le dix-
alors absolument surce sujet intéressant. Quelques raur septième siècle à jeter quelque lumière sur les textes
siciens du seizième siècle avaient substitué leurs pré- qui peuvent nous instruire de musique des anciens.
la
jugés et leurs systèmes à la vérité; au lieu de recherches La publication que fit Meursius en i6i6 des trai-
utiles on perdait alors
temps en vaines discussions
le tés de musique d'Aristoxène et de deux autres au-
la
sur les genres diatonique, chromatique et enharmoni- teurs grecs, bien que fort imparfaite, ne fut pas moins
que, dont on n'avait que des idées confuses, Bontempi utile ,
parce qu'elle fixa l'attention des savans sur
était imbu de toutes ces erreurs, et négligeait les faits ces restes précieux de l'antiquité. Elle donna lieu aux
les plus importans. La seule partie de son histoire qui recherches de Meibom qui, possédant une vaste érudi-
soit digne d'attention est relative à la musique du temps tion ,
quelque connaissance de la musique , et disposant
d;e l'auteur, et particulièrement à l'école de chant. de meilleurs manuscrits que ceux dont Meursius avait
138 REVUE MUSICALE.
fait usage, put mettre plus d'ordre et de correction dans cun progrès pour la science historique. Tant de disser-
les textes, en fit une traduction assez fidèle, et, au lieu tations inutiles, tant de discussions oiseuses auraient dû
de trois auteurs, en fit connaître sept. Bien des erreurs démontrer qu'il était nécessaire de chercher de nou-
déparent son travail; la manie d'expliquer même ce veaux documens, de fouiller dans les monumens et de
qu'on n'entendait pas, manie dont tous les savans étaient recueillir des faits nouveaux qui vinssent dissiper les
alors possédés, lui a fait quelquefois emlirouiller ce qu'il doutes. Au lieu de se livrer à cette recherche , on con-
croyait éclaircir; bien des monumens qui auraient pu tinua de se fourvoyer dans la fausse route où l'on était
l'éclairer n'avaient point encore été découverts ou n'é- entré, et de nouvelles erreurs vinrent se joindre aux
taient pas publiés; mais tel qu'il était, le résultat des erreurs trop nombreuses qui déjà s'étaient accréditées.
travaux de Meiboni n'en fut pas moins utile aux philo- C'est ainsi quel'abbé Roussier, dans son Mémoire sur ta
logues qui ont tenté depuis d'éclaircir les questions re- musiijue des anciens, imagina je ne sais quel système de
latives à la musique des Grecs. AValIis, qui vint après proportions auquel les Grecs ne pensèrent jamais pour
ce savant, et qui nous a donné les textes de Ptolémée et le substituer à la véritable constitution des modes de
de son commentateur, augmenta la somme de lumière sur leur musique. Ce fatras se reproduisit en partie dans
le même sujet et corrigea quelques erreurs de Meibom. V Essai sur la musique de Laborde, et dans d'autres livres
Sous le rapport historique, le livre d'Alhénée ren- encore.
ferme des renseignemens d'une haute importance pour L'histoire des instrumens des anciens n'est pas mieux .
ce qui concerne la musique; malheureusement Casau- faite. Aide Manuce, Meursius le fils, et Bartholin , dans
|
bon et les autres savans qui ont entrepris de publier et leurs traités des liâtes, Bacchini, Lampe et Zoega, dans
de corriger le texte de cet auteur manquaient de con- leurs dissertations sur les sistres, les flûtes et les trom-
naissances positives dans cet art; de là une multitude pettes, ne sont que des compilateurs de textes de poètes
de non-sens et d'erreurs. Ajoutons que l'archéolngie et d'historiens. Les monumens qu'ils décrivent et qu'ils
qui , en celte matière, pouvait venir si puissamment au analysent sont en trop petit nombre pour lever tous les
secours do la philologie, a été presque entièrement né- doutes ; d'ailleurs , dépourvus de critique et de connais-
gligée par les critiques. Celte remarque est applicable sance de l'art, ils ne touchent qu'à la superficie des
aux recherches de Burette, homme savant et musicien questions et ne distinguent point assez les diverses épo-
instruit, auquel on est redevable de recherches intéres- ques.
santes , bien qu'entachées d'erreurs assez graves sur la S'agit-il de l'histoire de la musique chez les peuples
musique des anciens. Outre le regret qu'on a qu'il ait qui ne nous ont point transmis de monumens de cet art,
employé un temps considérable et consumé les fruits c'est encore pis; on dirait un roman que chacun arrange
d'une vaste érudition sur le texte misérable d'un dialo- à sa manière. Par exemple, une multitude d'écrivains
gue de Plutarque sur la musique, on a aussi celui de ont écrit des ouvrages plus ou moins étendus sur la mu-
voir que tant de savoir se renferme dans des discussions sique des Hébreux, que nous ne connaissons que par
purement philologiques, au lieu de s'étendre jusqu'à la quelques phrases de l'Ancien-Testament. Ugolini a ras-
science de l'archéologie qui lui aurait été d'un secours semblé dans un immense volume in-folio de son Thé-
i^nmense. Quant aux PP. Ducerceau et Bougeant qui saurus sacer la plupart de ces ouvrages, fruits des veilles
entrèrent si vivement en discussion avec lui, ce n'étaient de savans plus laborieux que raisonnables. On sait que
que des enthousiastes qui, comprenant l'antiquité à leur rien ne reste de la musique du temple, ni des magnifi-
manière , et manquant d'instruction en musique, ne fi- ques instrumens dont il est tant parlé dans l'Écriture; il
rent rien et ne purent rien faire pour éclaircir les ques- est au moins douteux que les juifs aient écrit sur la
tions qu'ils traitèrent. La précipitation à conclure sur le théorie de l'art musical , et s'ils ont eu des livres sur cet
plus léger examen est le défaut dont est marqué tout ce art, il ne nous en est rien parvenu, à l'exception des
qu'on a écrit sur la musique des anciens depuis le com- travaux de quelques rabbins modernes. Une seule voie
mencement du dix-huitième siècle. restait donc pour se former quelque notion de la musi-
Le dialogue de l'abbé de Châteauneuf sur la musique que des Hébreux, c'était d'en chercher le type dans les
des anciens , la prétendue histoire philologique de la mu- monumens de l'JÈgypte; mais ces monumens n'étaient
sique de Blainville, et quelques autres écrits du même connus que fort imparfaitement, et les rêveries du jé-
genre ne méritent aucune estime. Ce sont toujours les suite Rircher n'étaient pas de nature à en faire sentir
mêmes données, les mêmes erreurs, la même igno- l'utilité. Le temps n'était pas venu où les mystères de
rance des faits , retournées de mille manières sans au- cette haute antiquité devaient se dévoiler.
REVUE MUSICALE. 139
Avec si peu de lumières, si peu de matériaux aiitiien- d'immenses richesses , inconnues autrefois se sonl'accu-
tiques et de si faibles ressources que celles dont je viens mulées autour de nous, et nous fournissent enfin les
de faire l'énumération, il n'est point étonnant que le P. moyens de substituer la vérité aux erreurs accréditées
Martini, Burney, Havfkins et Forkel aient laissé dans par des voyageurs ignorans. La connaissance des lan-
leurs histoires générales l'exposé de la musique des an- gues de rriindoustan devenue familière ;i quelques sa-
ciens entaché d'obscurité, d'omissions considérables, vans de l'Allemagne, de la France et de l'Angleterre, a
d'inexactitudes et même d'erreurs grossières; Busby, mis à notre portée les traités de musique composés par
qui n'd été que l'abréviateur des volumineux ouvrages d'anciens musiciens de l'Inde; les mémoires de la so-
de ses compatriotes, non-seulement n'a rien ajouté à ciété de Calcutta^ les œuvres des W. Jones, les collec-
ce qu'ils ont fait en ce genre, mais est resté fort loin tions orientales de Ouseley, et les recherches du baron
d'eux. II y a de l'érudition philologique dans les trois de Dalberg, ont jeté sur cette mu.^ique une vive lu-
volumes du P. Martini, mais nulle critique raisonnable; mière et dissipé les ténèbres dans lesquels elle était
les recherches archéologiques y sont d'ailleurs presque restée pour nous. La musique chinoise, mal expliquée
nulles. Peu de faits sont ajoutés dans les histoires de dans les premiers mémoires du P. Amiot qui ont été
Burney et de Hawkins à ceux qu'on connaissait avant publiés, mieuxexposée ensuite dans d'autres mémoires
qu'ils écrivissent; enfin Forkel a marché presque pas ù restés manuscrits à la bibliothèque royale, est soumise
pas sur les traces du premier de ces auteurs. maintenant à nos investigations sur des points impor-
Il faut le dire, la science de l'antiquité a fait d'im- tans qui nous étaient inconnus. Ainsi; la notation chi-
mensesprogrès depuis quarante ans, et des découvertes noise dont le P. Amiot n'avait point parlé d'abord a été
importantes ont offert depuis peu des ressources sans exposée par lui avec clarté dans ses nouveaux mémoires.
lesquelles il eût été impossible d'écrire l'histoire de la Quelques livres chinois sur la musique parvenus en Eu-
musique des anciens d'une manière satisfaisante. l'E- rope n'attendent qu'un traducteur pour nous éclairer
gypte surtout nous a ouvert ses trésors. Les monumens sur des faits curieux et intéressans. Par exemple, un
de toute espèce, et les peintures des tombeaux nous livre très volumineux sur la harpe chinoise intitulé
ont fait connaître des instrumens qui étaient ignorés Kllin po nia tchlûng (Traité complet sur le Khin), écrit
ainsi que la manière d'en faire usage. Leurs noms même par Houang ichin tclioung en 1662, réimprimé en 1724
nous sont maintenant connus par les découvertes que et en 1746, renferme les détails les plus étendus sur la
l'on a faites dans la langue des anciens Égyptiens. Quel- variété des formes de cet instrument, sa construction ,
ques-uns de ces instrumens, dont l'invention était attri- les règles du doigté, l'exposé d'une notation particu-
buée aux Grecs, ont été reconnus pour remonter à une lière à la musique du Khin, et toute différente de celle
antiquité beaucoup plus reculée; des notionsprécisesont du P. Amiot. Le système musical de l'église grecque du
été acquises sur le mélange de ces instrumens dans les moyen-âge et des Grecs modernes, des Ethiopiens, des
concerts, sur la manière de diriger ceux-ci, et de marquer Arabes, des Persans, des Turcs, des Arméniens et de
le rhythme. D'un autre côté , les archéologues ont plusieurs autres peuples de l'Asie et de l'Afrique, était
publié une multitude de statues, de bas-reliefs, de naguère pour les historiens de la musique un chaos
pierres gravées et de médailles qui sont venus expliquer qu'ils ne pouvaient débrouiller faute de documens; le
des textes restés inintelligibles. D'heureux travaux ont beau travail de M. Villoteau sur cette matière, et les
été faits par Boeck et quelques autres sur les rhylhmes détails qu'il a donnés sur la forme et l'usage des instru-
antiques; M. Perne a fait d'importantes découvertes mens de ces peuples, ne laissent rien à désirer.
dans la séméiographie ou la notation grecque au moyen Avant que l'abbé Gerbert eut publié la collection des
des manuscrits de la bibliothèque royale, et particuliére- auteurs ecclésiastiques du moyen-âge sur la musique,
mentd'un ouvrage grec de la plus haute antiquité resté in- les historiens de cet art ne possédaient presque aucuns
connu jusqu'à ce jour. Des manuscrits relatifs à la musique moyens pour s'instruire des révolutions qui s'étaient
récemment trouvés ;\ Herculanum, des lyres, des flûtes, opérées dans le système, dans le chant, dans la nota-
des cymbales, des trompettes, des crotales antiques ras- tion et dans l'harmonie pendant le long espace écoulé
semblés au musée de Portici sont venus aussi au se- depuis le sixième siècle jusqu'au quinzième. A l'excep-
cours de la science. Enfin , et ceci n'est pas moins im- tion de l'histoire de Forkel, les autres ouvrages du
portant, l'étude de l'histoire est devenue plus sérieuse, même genre offrent, en effet, une lacune considérable
plus positive et moins avide d'hypothèses. dcns cette partie. Mais il ne faut pas croire que la col-
S'agit-il de l'histoire de la musique dans l'Orient? lection de Gerbert soit suffisante pour porter la lumière
140 REVUE MUSICALE.
dans celte partie si importante de l'art; les renseigne- CONSERVATOIRE ROYAL DE MUSIQUE MARIA-CRISTINA,
iiiens manquaient absolument sur beaucoup de faits re- A MADRID.
latifs i la pratique de l'art, et ce n'est que depuis peu L'auguste et bien-aimé souverain des Espagnes et
que la découverte de plusieurs manuscrits de la biblio- des Indes, par un décret royal du i5 juillet, a ordonné
thèque royale et de quelques autres dépôts littéraires qu'il fût fondé dans ses états -un collège supérieur et gé-
faite par M. Perne et par moi, ne laisse presque plus nérât, pour l'enseignement de l'art et science de ta musi-
rien à désirer sur cette matière. Les recherches de l'abbé que vocale et instrumentale. Nous avons sous les yeux
Baini ont fourni aussi les documens les plus précieux un exemplaire du réglementde cet établissement, signé
sur la musique en général, et particulièrement sur la Francesco Piermarini, et daté du g janvier i83i; ne .sa-
musique d'église en Italie pendant les quatorzième , chant autre chose sur la fondation de ce Conservatoire
quinzième et seizième siècles. que ce qui se trouve dans les 77 pages de cette bro-
Les grands travaux biographiques qui ont été faits hure, nous allons en extraire les articles principaux.
depuis cinquante ans ont complété la série des connais- Certes , ce n'est pas la chose la plus urgente que les
sances sur une multitude de faits particuliers qui lient Espagnols étaient en droit d'attendre de leur roi ; mais
les diverses époques d'invention et de perfectionnement ce serait folie que de ne pas voir avec plaisir la création
entre elles. Enfin, une partie fort intéressante et trop d'un établissement utile, quelque odieuse qu'en puisse
long-temps négligée, savoir, les chants nationaux des être l'origine. Ferdinand, pour avoir fondé un Conser-
diverses contrées de l'Europe est devenue l'objetdes re- vatoire de musique, n'en sera pas moins un ISche, un
cherches de quelques érudits, et commence ix être assez fourbe, un barbare et un sot; mais aussi le Conserva-
connue pour occuper une place dans une histoire géné- toire de Madrid n'en rendra pas moins des services aux
rale de la musique. Les documens ne manquent donc progrès de l'art musical en Espagne, pour avoir été
pas, et le moment est venu d'en faire usage avec d'au- fondé par un sot, un lâche, un fourbe et un barbare.
tant plus d'avantage que l'esprit des études historiques Une espèce de discours préliminaire, sorte d'exposé
s'est amélioré, que l'on a appris à se défier des hypo- de motifs, placé à la tête du règlement dont nous avons
thèses et i étudier consciencieusement les faits, que parlé, est un chef-d'œuvre de basse flatterie; il n'est
l'éclectisme a pénétré dans les esprits, et commence ù formule si humble, si servilement adulatrice qui n'y
les garantir des préjugés de nation et de temps; enfin soit dix fois répétée; nos apologistes ministériels, nos
qu'arrivés à une époque où les matériaux s'accumulent courtisans à habits brodés à neuf ne sont que des éco-
avec tant d'abondance pour chaque chose, la société liers auprès de l'éloquent Espagnol. Ce sont des coups
éprouve le besoin de les résumer. d'encensoir à en avoir la figure meurtrie, c'est de la fu-
Mais qu'on ne s'y trompe pas; il ne suffit plus de mée d'encens i en être étouffé. Je n'en veux qu'un
faire l'histoire de chaque partie ou de chaque époque de exemple.
la musique, et de mettre ces morceaux à la suite l'un Le roi a daigné permettre qu'après le tilre de Con-
de l'autre, comme on l'a fait jusqu'ici. Tant de décou- servatoire Royal de Musique, on ajoutât ces paroles Ma-
vertes récentes dont j'ai parlé démontrent que tout se ria- Cristina. Paroles, dit notre auteur, plus douces à
tient entre la musique des anciens, des peuples de l'A- elles .seules pour toute oreille espagnole, plus harmo-
sie, des anciennes peuplades du nord de l'Europe et de nieusement cadencées, plus dignes d'inspirer la ten-
l'état moderne. Le devoir de l'historien sera de rendre dresse et la joie que toutes les mélodies que jamais la
sensible la chaîne qui lie toutes ces choses, et qui est science des Haydn et des Pergolèse saura inspirer aux
restée invisible au P. Martini, à Burney, à Hawkins et élèves du Conservatoire pour en former des hymnes de
à Forkel. C'est une carrière toute nouvelle qui s'ouvre reconnaissance ! !
devant nous, et qui promet une ample moisson de gloire Il est assez étonnant que le gouvernement espagnol
à celui qui saura la parcourir. Conçue sur ce plan, et n'ait pris garde qu'en 1 83 1 aux rares dispositions qu'ont
exécutée avec conscience et savoir, l'histoire de la mu- les habitans de ce pays pour la musique en général, et
sique seTa le livre des hommes du muiule comme des en particulier pour les diverses parties de l'exécution.
sayans; livre plein d'intérêt, qui contribuera puissam- Mieux vaut lard que jamais. Soyons en quoi consiste
ment à propager le goût d'un art qui finira par être l'établissement qui vient de s'ouvrir à Madrid.
pour toutes les classes de la société un aussi grand be- Bien que calqué eu quelque sorte sur le Conserva-
soin que celui de se vêtir et de se loger. on sent fort bien que dans un pays si pu-
toire de Paris,
FÉTIS. rement monarchique et religieux les institutions ne
REVUE MUSICALE. 141
doivent avoir que le moins de rapport possible avec non plus que du nombre d'élèves; le règlement est
celles de la France, même de la France du juste-milieu; muet à cet égard. On nous saura gré d'extraire de ce
mais comme il faut rendre à chacun selon ses œuvres, règlement quelques articles du chapitreVI, consacrés au
à côté de dispositions quelque peu bouffonnes, il s'en recteur spirituel. Cet emploi n'existe pas au Conserva-
trouve d'autres qui peuvent lutter avantageusement de Paris; ce serait un bien heureux perfectionne-
toire
avec l'organisation de l'Ecole royale de Paris. ment à introduire dans l'école de la rue Bergère; nou?
L'enseignement se compose de toutes les branches recommandons cela à M. de Quelen et à la commission
de l'art musical: harmonie, contre-point, composition, Choiseul.
chant, accompagnement, déclamation , étude de tous Art. 1. Le recteur spirituel célébrera chaque jour
les instrumens. Le personnel est composé de vingt-un dans l'oratoire de l'établissement le saint sacrifice de la
de l'enseignement ;
chetée.
5" Demi-pensionnaires internes, tics deux sexes, M. Francesco Piermarini félicite l'Espagne, dans son
jiayant seulement la nourriture et l'habillement; avant-propos, d'avoir vu sortir de son sein les Mali-
6° Externes payans des deux sexes. bran, les Correa, et les Colbran, et les Garcia, et dans
Pour entrer dans l'établissement, un élève doit avoir l'école dont il vient d'être nommé le chef, et qu'il paraît
plus de douze ans, et moins de dix-huit. même avoir organisée, il n'y a qu'un seul et unique
Lorsqu'un élève aura fini son éducation musicale, il professeur de solfège pour tout l'établissement et pas
lui sera délivré un brevet de professeur-élévc du Consci- un professeur de chant. C'est aussi une distraction par
valoire royal. trop forte.
Un article important du règlement, emprunte aux A côté de cet inconcevable oubli se trouve l'établisse-
anciens usages de l'Italie , iprescrit aux élèves de faire ment de concerts non gratuits qui me semblent une
partie de l'orchestre de l'école, gratuitement, toutes les excellente invention. Tout artiste espagnol ou étran-
l'ois qu'ils en seront requis. ger peut obtenir l'autorisation du roi de donner un
Nous ne pouvons rien dire du muntaut du budget, concert au Conservatoire. La moitié de la recelte, frais
142 REVUE MUSICALE.
déduits, lui appartient, le reste entre dans la caisse des côtés et grillées par-devant ; enfin , les quatrièmes
de rétablissement. Une autre espèce de concert non loges, reculées etgrillées, ont permis d'établir en avant
gratuit est celui qu'est obligé de donner tout élève une vaste galerie. Des pilastres un peu lourds, et qui
qui a obtenu le titre de professeur, mais le produit en- rappellent le goût du siècle de Louis XV, garnissent
tier des concerts de cette dernière espèce appartient au la galerie des premières loges. Le pourtour de tous
Conservatoire. La destination exclusive de ces fonds est les autres rangs de loges est en arabesques peintes et
raugmentation et l'entretien de la bibliothèque littéraire dorées sur un fond rouge; l'effet tfen est pas du
ou musicale de l'école ,
qui doit recevoir encore deux meilleur goût, mais il est riche. Le fond des loges et
exemplaires de toute la musique imprimée ou gravée des galeries est d'un bleu très clair, qui forme une
dans l'étendue du royaume. opposition tranchée avec les devants. Il m'a semblé que
Il est honteux pour la France d'avoir à trouver de celte vive transition du rouge et du bleu p3le nuit à
bons exemples à suivre dans un pays aussi reculé que l'éclat du teint des femmes. Il serait difficile d'indi-
l'Espagne. Nous avons une loi qui ordonne le» dépôt ;'i quer ce que signifient les figures qu'on a substituées
la direction de la librairie de plusieurs exemplaires de dans le plafond aux divinités mythologiques qui y
toute musique gravée, mais les chefs de cette adminis- étaient autrefois ; dans lespendenlifs on a représenté les
tration y mettent une telle négligence qu'à peine un siècles Xet de LouisXIV
de Périclès, d'Auguste, deLéon
vingtième de la musique publiée est-elle déposée, et le par divers attributs et des figures de femmes colossales
peu qu'il y en a, au lieu d'aller enrichir la précieuse col- aux robustes et noirs attraits, embouchant la trompette
lection musicale du Conservatoire, va s'engouffrer dans de manière à se rendre le visage peu gracieux. Des gi-
les greniers de la bibliothèque de la rue Richelieu. randoles attachées aux colonnes et portant des bougies
[Article cominuniqué. ) ajoutent à la clarté du lustre. En somme, bien que je
qu'une salle d'opéra soit bien ou mal décorée; pourvu sidérable de lumière, à en fondre l'effet, et à éviter le
qu'on y chante bien , que l'orchestre y soit bon , et que cliquetis des ombres éparses , peut avoir dans certains
les ouvrages qu'on y représente soient dignes d'un cas les résultats les plus heureux. On en a vu un exem-
spectacle lyrique qu'on dit être le premier de l'Europe, ple dans le lever du soleil dorant le sommet des monta-
il suffit. Je ne parlerais donc pas des changemens qui gnes au deuxième acte de Guillaume Tell.
viennent d'être faits dans la restauration complète de L'intérêt de cet opéra est tout renfermé dans les deux
l'Académie Royale de Musique, si parmi les lecteurs de premiers actes; les autres ont été conçus de la manière
la Revue musicale, il ne se trouvait quelques dames qui la plus faible par le poète ; il faut même dire que le
sans doute veulent savoir si la nouvelle décoration est quatrième était nul. L'administration de l'Opéra éprou-
favorable à l'effet de leurs charmes et de leurs brillantes vait depuis long-temps le besoin de resserrer ces deux
toilettes; ce motif doit me décider à dire quelques mots actes en un seul afin de rendre la marche de la pièce
des travaux de M. Lesueur dans la salle de la rue Le- plus rapide , et de pouvoir la faire suivre d'un ballet. Ce
pelletier. changement a été fait pour l'ouverture de la salle res-
Les loges de l'amphithéâtre ont disparu , et l'on a taurée. Par une de ces métamorphoses dont les pièces
rendu à cette portion de la salle sa première destination de M. Joui offrent quelques exemples, le commence-
et son ancienne distribution. Les premières loges de ment du quatrième acte est devenu celui du troisième;
côté ont été reculées d'un plan et réduites à quatre mais on n'en a conservé qu'une seule scène, ceUe de l'air
places, afin de trouverl'emplacement d'une première ga- chanté par Nourrit avec le chœur ;
puis vient la fête du
lerie d'un seul rang. Les loges de rez-de-chaussée, di- troisième acte, dont on a coupé le pas militaire et la
Tisées aussi par quatre places, sont maintenant closes valse pour ne conserver que la tyrolienne chantée et
REVUE MUSICALE. 143
dansée. Le chœur final, Anathéme à Gessler, a aussi dis- jeudi soir, devant un nombreux auditoire. Les princi-
paru pour faire pince ;\ un dénouement où Arnold et ses paux exécutans étaient Mme Stockhausen, miss Masson,
Suisses délivrent Guillanme Tell, et le tout se termine miss Novello, et MM. Vaughan, Horncastle , E. Tay-
par un chœur arrangé sur le dernier mouvement de lor et Parry. Les chœurs étaient chantés par les dames
l'ouverture. et les messieurs, membres de la société; l'oichestre,
Comme conception d'art, tousces dérangemens, qu'on conduit au violon par M. Murray, et l'ensemble des
appelle des arrangemens , ne valent pas grand chose; exécutans, dirigé par le compositeur. Cette exécution a
mais celui-ci permet d'offrir aux amateurs de la danse été plus parfaite que la première, et nous a mis à même
Je plaisir de la pantomime de Mme Montessu et de Fev- de mieux juger du mérite de cet ouvrage, qui sera bien
dinand, les grâces de Mlles Julia et Legallois, et cela certainement entendu avec plaisir i chaque solennité
absout M. Véron des coups qu'il a portés à la belle par- musicale en Angleterre.
tition de Rossini Le sujet de cet oratorio est traité avec beaucoup de
Il ne parait pas que le repos dont les chanteurs de l'O- jugement; il offre une variété et un intérêt que n'an-
péra ont joui leur ait été fort profitable. Mme Damoreau nonce point l'apparente sécheresse du style. Après une
qui avait chanté aux deux répétition sde raccord, est introduction sur le pouvoir du Tout-Puissant, on trouve
devenue subitement indisposée le jour de la représen- un récitatif qui décrit sa descente sur le mont Sinaï , au
tation et a été remplacée à l'improviste par Mlle Dorus milieu du tonnerre et des éclairs ; l'accompagnement de
qui a moins bien chanté que de coutume. Nourrit n'é- l'orchestre en est sublime. Après ces mots : Moise parle,
tait point en voix et a été obligé de forcer ses moyens en et Dieu lui répond par une voix qui prononce ces paroles , on
plusieurs endroits pour vaincre l'espèce de voile qui entend premiercommandement. Ces divins comman-
le
dans le commencement gênait l'émission de ses sons. demens sont sur un chant ecclésiastique, avec une har-
Valère, qui remplaçait Levasseur, n'a pas assez de mor- monie nourrie et en chœur, accompagnée seulement par
dant dans le timbre de sa voix pour la partie qu'il chante destromljones. Cela produit un effet original et sublime.
dans le trio du deuxième acte. Dabadie et sa femme ont Chacun descommandemens est séparé par de grands in-
bien joué et chanté leurs rôles. L'orchestre a été soi- tervalles qui sont remplis par des airs, des chœurs, etc.
gneux et plein d'énergie dans l'opéra comme dans le Le premier est suivi d'un air de ténor, le second d'un
ballet. récitatif pour soprano et d'un chœur. Les quatre pre-
— La dernière représentation de Fidello a été moins miers commandemens forment le premier acte de cet
bonne que les premières. Tous les chanteurs étaient fa- oratorio ; le second contient les six autres. La musique
tigués, et Mme Schrœder-Devrient fut si sérieusement est à tous égards digne de la beauté du sujet; les chœurs
indisposée au deuxième acte, qu'elle eutà peine la force sont grandioses comme ceux de Hsendel, et les airs et
d'aller jusqu'au bout, et qu'il fallut la soutenir quand les morceaux concertans ont la grâce et la suavité de
elle revint à la dernière scène. Cette indisposition s'est Mozart. L'exécution n'a rien laissé' à désirer; elle était
prolongée, et l'on a été obligé de substituer le Freys- faite con amore, et avec une chaleur qu'on trouve bien
chàlz à Don Juan qui était annoncé pour la représenta- rarement dans un concert public. Mme Stockhausen
tion prochaine. Cet événement retardera probablement selon son habitude, a été charmante de grâce et de fini;
la mise en scène d'Eurianlhe. miss Masson a chanté avec beaucoup d'expression et
— Des lettres de Londres annoncent que le 26 mai d'énergie, et miss Novello, par la pureté de son style,
Paganini n'avait pu encore donner son premier concert a prouvé qu'elle est digne du nom qu'elle porte.
à cause de l'irritation occasionnée parl'augmentation du MM. Taylor, Horncastle, Yaughhn et Parry ont se-
prix des places, et qu'il serait obligé de rétablir l'ancien condé dignement ces habiles cantatrices.
prix. Un Requiem, composé aussi par M. Neukomme, a
été exécuté ensuite. Il est aussi d'une grande beauté;
mais il a plus souffert que l'oratorio de la petite échelle
Nouvelles étrangères. sur laquelle il a été produit au jour. Dans une grande
église, avec un grand orchestre et des chœurs nom-
LoNDBES. Les Dix commandemens , oratorio composé breux, il produirait beaucoup plus d'effet.
par M. le chevalier Neukomme. Au nombre des exécutans se trouvaient MM. Smart
Cet oratorio a été exécuté pour la deuxième fois à et Moschelès.
l'assemblée de la société des Harmonistes classiques , le — Dans un concert donné par Mme Anderson, pia-
144 REVLE MUSICALE.
en la bémol de Hummel, on a aussi entendu une com- publier les ouvrages qu'ils ont composés pour cette cha-.
position fort originale de M. Neukomme, intitulée la pelle, et ont, par ces publications, formé un répertoire
Revue de Napoléon à minait ( en allemand , die Heersc/taii fort utile pour les églises des principales villes des dé-
nm mitteniac/d) La . poésie de ce morceau est singulière partemens oi'i lesmoyens d'exécution ne manquent pas.
et contient des beautés de premier ordre que M. Neu- Le style de ces deux auteurs est très différent et se dis-
komme a heureusement rendues. Le sujet offrait au mu- lingue par des qualités individuelles et d'école. Celui de
sicien des occasions d'effets nouveaux. Le poète suppose M. Lesueur est en général grandiose, simple, et d'une
que l'ombre de Napoléon se lève au milieu de la nuit, originalité qui en fait un genre à part dont la musique
entouré de ses généraux que la mort a moissonnés, et d'église d'aucun compositeur n'offre d'exemple.
qu'i'i sa voix les soldats tombes sur le champ de bataille, La messe que nous annonçons s» distingue par
depuis les campagnes d'Italie jusqu'i Waterloo, vien- une grande simplicité de mélodie et d'harmonie.
nent se ranger sous leurs drapeauxpourpassersa revue. Le sentiment religieux y domine et l'on y remarque
,
Il est facile de comprendre tout ce qu'il y a d'effet et de dans la plupart des morceaux une unité de pensée
mouvement dans un semblable sujet. L'ouvrage de qui est d'un fort bel effet. La manière est très va-
M. Neukomme, qui avait été entendu déjà nu concert de riée dans chaque partie : ainsi le Kyrie est plein de
M. Moschelès, jouit i Londres d'une vogue décidée. naïveté ; le Gloria brillant et joyeux dans sa première
— Le 26 mai dernier, le théâtre du roi a donné une partie ; tendre et mélancolique dans la seconde. La
représentation très brillante au bénéfice de Mlle Ta- forme du Ci-edo est nouvelle et le Sanctus plein d'éléva-
plus de grâce et de souplesse. Ce petit opéra a été ac- M. Lesueur. Il est facile d'exécution quant à l'orchestre;
compagné du second acte de Guillaume Tell et des pre- les parties vocales seules offrent quelque difficulté par
juiers actes de Mairimonio Secreto et de Tancredi. l'accent particulier qu'elles exigent.
distingué de l'Angleterre. Mme Stockausen dont les Ouverture pour le piano. — S fr.
airs suisses font fureur à Londres, s'est aussi fait en- N. 1. Couplets chaulés par Mme Boulanger: y^U! dans celle re-,
fr.
: et la
baisser le prix des places pour son concert. N. 3 . Air chanté par Mme Boulanger Ah ! cette solitude : ma donc
finir. —3 fr. 7S c.
Publications classiques. N.B. Air chanté par M. Boulard : Je ne -vis que pour l'Iiarmonie,
5 fr. 7S c.
Deuxième messe solennelle à grands chœurs et à grand N. 6. Trio chanté par MM. Moreau-Sainti , Boulard et Mlle Pré-
orchestre, composée par M. Lesietib, membre de vost : Esprit des rociters. — 4 fr. SO c.
l'Institut, etc. etc., avec accompagnement séparé de Chez M. Frère, passage des Panoramas.
piano ou d'orgue, par Cornette, artiste de l'Opéra-
Le Morceau d'Ensemble a été repris avec succès par la nouvelle
Comique. Cinquième livraison Prix : 5o fr.
admiaistratioa de l'Opéra-Comique. La musique agréable de cet ou-
A Paris, au magasin de musique de J. Frey, place vrage est applaudie par le public. Elle doit être bien reçue dans les
de M. Lesueur,
Les œuvres de musique religieuse étaient fort rares IMPBIMEBIE nE E. Dl'VE&GEB, BUE DE VEBHETIIL, N° 4-
REVUE MUSICALE,
V»= ANNEE. PUBLIÉE PAR M. FÉTIS. ^' 19.
iii'iijii iiif
core: le talent, c'est l'homme. Ces deux propositions créatrice se fut éteinte après avoir produit tout ce qui
semblent impliquer contradiction; car, selon la pre-^ était en elle. Ainsi, Majo, Mozart et quelques autres ont
qùèrc , la faculté d'invention serait le fruit du travail et cessé de vivre avant d'avoir atteint leur trente-sixième
de la volonté (théorie dont M, Janotot a fait la base de année; ainsi Monsignj^, après avoir jeté les plus heu-
SQD enseignement universel); et, d'après la deuxième^ reuses inspirations dans le Cadi dupé. Rose et Colas,
elle serait le résultat de l'organisation ; de telle sorte Félix, le Déserteur et la Belle Arsène, a cessé tout à coup
que Je caractère de l'artiste se peindrait dans ses ouvra- de sentir en lui le besoin et la possibilité d'écrire, et a
ges. Toutefois, cette contradiction n'est qu'apparente, passé les quarante dernières années de sa vie dans l'in-
car la patience, la volonté, sont des qualités inhérentes différence la plus complète à l'égard de la musique.
à l'individusomme la facilité de conception, et peut-être D'autre part, on a vu de grands musiciens passer la
plus rares; en ce sens, le talent est donc l'homme sans première moitié de leur existence dans une sphère de
cesser d'être le résultat du travail. Que'si Buffon a voulu médiocrité pour laquelle ils semblaient être nés , et se
dire que le caractère de l'Jiomme'se manifeste dans ses réveillant tout à coup, comme s'ils venaient seulement de
productions, c'est-à-dire que Tes passions fougueuses découvrir leur destination, se faire par leurs derniers
produisent des ouvrages énergiques et chaleureux, que ouvrages une renommée qui ne paraissait pas devoir
le désordre dans la conduite se peint dans ie désordre être leur partage. Tels furent Rameau et Gluck , qui
des idées, et que les mœurs douces et faciles sont le avaient plus de soixante ans quand ils entrèrent dans la
signe d'un talent moins fort que gracieux, moins élevé route de leur véritable talent. Quant aux artistes en qui
que régulier, il s'est trompé; mille exemples démon- le talent s'est manifesté dès l'enfance sans rien perdre
trent que des hommes froids à l'extérieur, simples et de de sa valeur jusqu'à la vieillesse la plus reculée et sans
moeurs régulières, ont été dans leurs ouvrages pleins de altérer la constitution physique, les exemples en sont
force, passionnés et novateurs, tandis que d'autres, très rares : on ne peut guère citer que les noms de Pa-
tout bouillans de véhémence, se sont montrés timides lestrina, de Handel, de Jean-Sébastien Bach, de Haydn
dans leurs productions. Dans le fait, la nature organise et de Jomelli. Ces exemples suffisent pour faire voir
les individus de manière très diverse, et chacun est forcé que les musiciens de génie ne sont pas tous constitués
d'obéir aux lois de sa constitution ; mais ces lois se com- (Je la même manière, et qu'on risque de se tromper en
pliquent de telle sorte que les qualités les plus appa- jugeant de la portée d'un artiste sur ses premiers ou-
rentes ne sont pas celles qui agissent le plus efficace- vrages.
ment dans les ouvrages de l'artiste; delà les erreurs où Cependant , les préventions sont telles en faveur des
l'on tombe dans les jugemens qu'on porte sur le talent facultés précoces, que le vulgaire ne peut se défendre de
de celui-ci en raison de son extérieur. porter des jugemens favorables ou contraires, et tou-
L'histoire de la musique nous présente de grands ar- jours définitifs, sur les premiers essais d'un artiste. Cent
146 REVUE MUSICALE. ff
fois il a été trompé dans ses prévisions , mais cela ne le n'était âgé que de quelques mois. Comme Soma , il
corrige point. Que de prodiges dans l'enfance sont de- joua aussi du piano dans l'âge le plus tendre, et il de-
venus des médiocrités dans l'<ige mûr! que d'hommes vint même d'une habileté si remarquable qu'il excita
médiocres, en apparence, se sont élevés à des talensde l'admiration générale par la difficulté des pièces qu'il
premier ordre! Citons deux exemples de ces merveil- exécuta à l'âge de sept ans dans les concerts publics.
leuses organisations dont le monde musical espérait de Il composait aussi; enfin, rien n'y manquait, et tel était
belles et grandes productions, et qui ont avorté. l'étonnement que faisait naître le petit Crotch, que son
Au commencement du dix-huitième siècle naquit ii organisation fut l'objet de recherches scientifiques de
Séville un enfant nommé Soma, qui , dès ses premiers quelques membres de la Société royale de Londres, qui
jours, pour ainsi dire, montra les dispositions les plus consignèrent leurs observations dans les Transactions
extraordinaires pour la musique. A peine était-il ûgé plUlosophiques , et que le docteur Burney, juge compé-
d'un an , qu'il mesure des chansons de
marquait déjà la tent, en fit le sujet d'une dissertation spéciale. De si
sa nourrice avec une exactitude de rhythme égale à celle belles espérances n'ont point été réalisées, et le docteur
qu'aurait pu employer le meilleur musicien. A quinze Crotch est resté un musicien fort peu remarquable.
mois, il ne pouvait souffrir qu'on jou.lt d'une guitare L'organisation est souvent bornée à de certaines facul-
dont l'accord n'était pas parfaitement juste; il pleurait, tés chez les musiciens. L'un a la faculté d'imaginer de
s'agitait, entrait même en fureur jusqu'à ce qu'on eut belles mélodies et n'a le sentiment de l'harmonie qu'à
trouvé cet accord parfait dont il sentait le besoin, et un faible degré. Un autre possède toutes les qualités du
alors il témoignait une joie excessive. De si heureuses compositeur dramatique et comprend àpeine la musique
dispositions avaient étonné les meilleurs musiciens; ils instrumentale. Grétry ne voyait de but à la musique
conseillèrent aux parens du petit Soma de les cultiver, que dans l'expression même matérielle de la parole; pour
et l'un d'eux se chargea de lui enseigner à jouer de tout le reste de l'art, il était sourd. Quelques composi-
l'épinette. On en mit une petite devant l'enfant, qui n'é- teurs sont doués de toutes les qualités de l'imagination,
tait alors .Igé que de vingt mois, et huit jours ne se pas- ont un sentiment très vif de l'harmonie et cependant
sèrent pas avant qu'il eut joué sur le clavier les mélo- ne peuvent parvenir à apprendre le contrepoint ni l'art
dies populaires dont on l'avait bercé. A deux ans, il d'écrire correctement. D'autres semblent nés pour la
trouvait de lui-même des successions d'harmonie; à science et sont absolument dépourvus d'Invention. La
deux ans et demi , il répétait sur son épinette les pièces faculté d'apprendre, réunie à l'abondance des idées, est
d'un organiste de la cathédrale de Séville qu'il avait fort rare: de là vient que le nombre de compositeurs
entendu jouer par son maître; enfin, il n'avait point at- qu'on peut considérer comme classiques est fort borné.
teint sa troisième année, et il lisait couramment la mu- Les chanteurs et les instrumentistes ne peuvent pré-
sique sur toutes les clefs. A l'âge de quatre ans, il avait tendre à la possession d'un talent supérieur s'ils ne pos-
déjà composé et écrit des boléros , des segueiUUes et de sèdent une double organisation spéciale; l'une physi-
petites pièces pour le clavecin, et il n'avait point encore que, l'autre morale. L'organisation physique, pour le
cinq ans lorsqu'il fit exécuter dans une église un Ave chanteur, consiste dans l'instrument vocal plus ou moins
Maria, à quatre voix de sa composition. Charmé d'un bien parfait, réuni à une poitrine large et bien con-
talent si rare et si précoce , un grand seigneur se char- formée, d'où dépend une respiration longue et facile;
gea du soin de pourvoir à l'éducation de cet enfant pour l'artiste qui joue des instrumcns à vent, elle se
extraordinaire, et le conduisit à Naples, où il le confia compose des lèvres fermes quoique moelleuses, et d'une
à Alexandre Scarlatti pour lui enseigner l'accompagne- langue agile et déliée; pour le violoniste et le violon-
ment et le contrepoint. Les progrès de Soma tinrent celliste, d'un bras souple et nerveux et d'une certaine
d'abord du prodige; mais insensiblement ils se ralenti- adresse dans le mécanisme des doigts; pour le pianiste,
rent, son imagination parut s'éteindre, et après plu- de doigts longs, agiles, et énergiques. Mais ces avan-
sieurs années de travail, il ne parvint à être qu'un maître tages de l'oi^anisation physique ne peuvent procurer
dd musique ordinaire, et il termina sa vie dans l'obs- d'autre résultat que celui d'un mécanisme plus ou
curité. moins perfectionné, si l'organisation morale ne s'y
Non moins remarquables furent les premières années joint ; et celle-ci est la même pour le chaûteur et l'in-
du docteur Crotch, musicien anglais, maintenant vi- strumentiste que pour le compositeur.G'est une faculté
vant. Ses heureuses dispositions se manifestèrent aussi de sentir vivement et d'exprimer avec profondeur ; d'in-
par le sentiment de la mesure et de l'intonalion lorsqu'il venler des accens qui ne sont point indiqués dans la
REVUE MUSICALE. 147
musique écrite, invention d'autant plus rare qu'elle est dix-septième. Le mouvement n'a point eu d'interruption
improvisée. Le travail, la patience et la volonté déve- dans la musique depuis quatre siècles , c'est-ù-dire de-
loppent sans doute les facultés de celle organisation mo- puis le temps où Binchois, Dufay et Dunstaple jetèrent
rale; mais la volonté, la patience et l'aptitude au tra- les premiers fondemens de l'harmonie régulière. Certes,
vail sont des qualités de l'organisation tout aussi rares c'étaient d'audacieux romantiques que ces vénérables
que les facultés de sentir et d'exprimer. artistes; ils osaient s'affranchir des préjugés de leur
Article inséré par M. cPOrtigue dans la Hei'ue de Paris dace; l'histoire de la musique offre mille révolutions
du S juin 1831. semblables qui n'ont pas eu moins d'éclat que celle qui
politique est une tendance vers le droit positif des na- M. d'Ortigue ne paraît pas partager mon opinion à
tions comme des individus, vers l'affranchissement des cet égard; si je l'ai bien compris,|ce n'est, selon lui, que
idées vagues qui vicient les notions du juste et de l'in- d'aujourd'hui que le véritable but de l'art a été aperçu.
juste dans les rapports des gouvernemens avec les peu- Il me serait difficile de choisir dans le morceau qu'il a
ples, et des peuples entre eux; enfin vers la substitution publié dans h Revue de Paris quelque passage qui ren-
de l'exercice de la'raison à celui de l'imagination. Le dît clairement sa pensée, parce qu'elle résulte plutôt
mouvement dans les arts, tel qu'on paraît le concevoir de l'ensemble de son article que d'un trait en particu-
aujourd'hui, n'est point dans le même sens, car c'est lier; toutefois je veux essayer de faire comprendre
précisément la raison qu'on en veut bannir pour ouvrir quelle est la nature de ses idées par la citation suivante.
à l'imagination une carrière sans bornes. Quant aux ré- «Nul doute que notre époque, prise dans son en-
sultats, ils sont à peu près les mêmes, car ils se bor- semble, ne soit une ère de progrès; mais, comme dans
nent à des actes de velléité non satisfaite. La résistance toutes les époques de transition , il s'y trouve plusieurs
du pouvoir est si tenace, qu'elle rendra peut-être long- élémens de différens systèmes hétérogènes qui la tirail-
temps vains les efforts du mouvement en politique, bien lent chacun dans une tendance particulière. Une impul-
qu'on ne puisse douter que celui-ci ne finisse par en- sion ne succède pas à une première impulsion sans que
traîner tout avec lui ; dans les arts, le parti du mouve- celle-ci ne fasse un dernier et violent effort pour amortir
ment en est aussi réduit à exprimer des désirs sans pou- la seconde. Or l'état de la musique offre précisément le
voir les satisfaire ; mais il se trompe quand il cherche spectacle d'une semblable lutte : d'un côté une large et
la résistance au dehors; elle est en lui-même, elle réside pleine voie de développemens; de l'autre, une voie de
dans l'incapacité qu'il a montrée jusqu'ici de produire. décadence ; entre les deux une voie stationnaire.
L'erreur de ce parti du mouvement ,
qui se désigne lui- « En indiquant les diverses tendances des écoles ita-
même sous le nom de romantique , est de croire que le lienne , française et allemande, je ne prétends pas, pour
mouvement n'a pas toujours existé , et que c'est d'au- ce qui concerne la première, attribuer au système
jourd'hui que date l'ère de l'innovation. Chaque époque adopté par Rossini la cause de la décadence dont elle est
mouvement, et depuis le onzième siècle, où Gui d'A- dont elle brille aujourd'hui, en remarquant néanmoins
rezzo a réformé le système musical, je ne vois guère de que tout ce qu'elle renferme de germes de durée et
moment où la musique soit restée stationnaire, où elle d'élémens de conservation ne saurait concourir à la
qui fermente ; il se fait en elle un travail régénérateur. par l'autre; le premier développé par Beethoven, le se-
Elle attend son homme ; il ne s'est paS montré encore, cond créé par Rossini. Ces deux hommes chacun dans
,
mais à coup Sûr il existe. Quoi qu'il en soit, on n'aper- sa sphère, ont obéi ù la même impulsion qui a déter-
çoit nulle part une forme arrêtée et caractérisée, si cei miné de nos jours une révolution analogue dans tous les
n'est l'ombre décharnée de l'école classique, qui s'en va ordres d'idées. Ainsi tout marche, et tout marche en-
toute ridée de science. » semble. i>
Il paraît, d'après le second paragraphe que je viens Certes,; j'admire fort le génie de Dossini, et je sais
de citer textuellement, que ce n'est point l'école ita- tout ce que ce grand artiste a fait pour les progrès de
lienne qui est dans la large et pleine voie de développe- son art ; mais je crois que lui-même serait fort étonné si
ment dont parle M. d'Ortigue, et que c'est elle au con- quelqu'un venait lui dire sérieusement qu'il a créé le
traire qui est menacée de décadence. Mais voici qui genre vocal. Mais ce n'est rien; poursuivons.
m'embarrasse : j'apprends dans le même paragraphe « Toutefois Beethoven et Rossini ont compris diver-
que Rossini a pu seul donner à cette école la vie et l'éclat sement ce mouvement d'ascension. Je ne conçois pas
dont elle brille aujourd'hui; or, je ne sais trop comment de développement possible sans le concours simultané
une école qui a de la vie et de l'éclat est menacée de dé- de deux ordres : l'un de principes immuables consa-
cadence , et mon embarras redouble en voyant plus loin crés par l'expérience universelle et qui constitue l'art
que cette même école renferme des germes de durée et ce qu'il est en soi, dans sa nature, dans son essence;
des élémens de conservation. Il est vrai que M. d'Ortigue l'autre de développement progressif qui étend et agran-
ajoute que ces germes de durée et ces élémens de con- dit l'art de tout ce qu'il acquiert successivement et du
servation ne sauraient concourir ù la grande restaura- génie et du temps; développement qu'il ne faut pas con-
tion de l'art et s'allier li un système nouveau, ù moins fondre avec ces innovations purement arbitraires, sans
qiip ces élémens ne soient dégagés entièrement de prin- germe d'existence ,
parce qu'elles sont sans racine dans
cipes inertes , usés , auxquels ils sont mêlés ; mais je re- la nature humaine, isolées, sans règle, sans vie. Cette
tombe ici dans mes perplexités, car les principes inertes doctrine vient se résumer au complet dans ce qu'une
et usés, dont il faut dégager tout ce que Rossini a donné haute philosophie a appelé l'ordre de foi et l'ordre de
d'éclat et de brillant à l'école italienne
ne peuvent être , conception.
que ceux des maîtres qui l'ont précédé, c'est-à-dire « Examinons maintenant la doctrine que l'école a
ceux de Cimarosa , de Paisiellu et de Chérubini. Or, substituée à celle-ci. Quelques individus se sont ren-
ces principes ne sont autres que ceux de l'école de Scar- contrés qui, s'érigeant en arbitres suprêmes du goût et
latti. Dans un long espace de temps, ils ont fait les du beau dans leur art, ont fouillé dans les archives du
succès de Léo , de Durante, de Pergolèse, de Majo, de génie, ont vérifié ses titres, ont décidé en dernier res-
Jomelli, de Piccini, de Sacchini et des compositeurs sort de ce qui était vrai, de ce qui était faux; ont ap-
qui viennent d'être nommés, ce qui pourrait faire croire pelé règles invariables des formules arbitraires pénible-
qu'ils étaient aussi des germes de durée et des élémens ment élaborées dans leur tête, ont assigné l'activité ;\
de conservation ; il est d'ailleurs singulier que ces prin- humain les bornes de leur propre capacité ;
de l'esprit
cipes soient inertes ayant produit tant de choses. et, emprisonnant le génie dans les limites circonscrites
L'école française est représentée, par M. d'Ortigue, de leur sphère particulière, ils lui ont dit : Tu n'iras
dans un état à faire pitié ; mais on peut se consoler de pas plus loin! Du reste, pour tout ce qui tient aux tra-
gent les deux grands genres de musique, l'un instru- comme l'obstacle enfin qui s'oppose aux progrès de la
mental, l'autre vocal, et qui doivent se compléter l'un ! musique. Celte opinion n'est pas nouvelle ; il y a long-
REVUE AfUSICAIiEi 146
temps que les littérateurs, les journalistes et les vieux C'est le sentiment d'une oreille délicate et exercée qu'elle
habitués de nos théâtres lyriques font chorus contre la invoque, et c'est sur elle qu'elle fonde ses règles. Je sais
ras de Gluck et de Mozart , et les traitait avec mépris à de l'éducation; mais l'ignorance n'a-t-elle donc pas les
cause de la science qu'il supposait y être. J'ai bien sou- siennes?. Nous sommes condamnés à tout apprendre il ;
vent traité cette question dans la Revue Musicale; j'ai n'est aucune de nos perceptions qui ne soit le fruit de
bien souvent fait voir que ceux qui s'élèvent contre l'exercice de nos organes, il est donc évident que les
cette science professée dans les conservatoires ne sa- perceptions sont d'autant plus perfectionnées que les
vent ce que c'est; et ce n'est pas sans regret que j'y re- organes sont plus exercés.
qui reconnaît l'existence d'un ordre de principes im- Les formes sont aussi variables comme les temps; elles
muables, consacrés par l'expérience, et qui constitue subissent l'empire de la mode, mais chacune d'elles a
l'art ce qu'il est en soi, et qui se persuade que ce ne des beautés qui lui sont propres, beautés qui ne cessent
sont pas ces principes immuables, consacrés par l'ex- point d'être réelles , bien qu'elles aient cessé de plaire.
périence, qui composent la science qu'on enseigne dans Les formes constituent les styles; ne connaître que celles
les conservatoires. Selon lui , cette science a été faite de son temps, ou si l'on veut que celles qu'on invente,
de fantaisie , n'a eu d'autre origine que bon plaisir
le c'est n'avoir qu'une manière, c'est tomber dans l'uni-
de quelques pédans ,
qui ,
prenant la mesure des facul- manquer de variété, c'est enfin se préparer
formité, c'est
tés du génie sur leur cerveau étroit, ont posé des li- à user promptement les ressources de son génie et à
mites au-delà desquelles il n'est permis à personne de faire naître promptement l'ennui et la satiété. Si la
se hasarder. Je ne puis laisser passer tant d'erreurs sans science des formes n'existait pas , si son influence con-
en démontrer la fausseté. servatrice ne se faisait sentir sans cesse, chaque révolu-
La science en musique, la science d'école ou de Con- tion de l'art jeterait pour jamais dans l'oubli ce qui au-
servatoire, comme M. d'Ortigue, se divise en
l'appelle rait précédé l'époque de transition, et d'un art si vague
deux parlies. La première, qui comprend l'Harmonie, de sa nature, et si variable dans ses impressions il ne res-
est le résumé de ces principes immuables consacrés par terait rien d'antérieur aux choses du jour. On peut ne
l'expérience , et qui constituent l'art ce qu'il est en soi point aimer la fugue, avoir horreur du contrepoint,
comme le dit le même écrivain. Cette science n'enseigne mais les habitudes d'une oreille affectée de sensations
que la classification méthodique des faits qui se sont toutes différentes que celles qui résultent de ces formes
accumulés dans la suite des temps et qui ont été les ré- sont dans ce cas une source de préjugés bien plus into-
sultats des progrès de l'art. Autre chose est un traité lérans que ne le sont les affections d'un musicien savant:
d'harmonie imprimé au seizième siècle ou un traité de mais on ne peut nier que ces mêmes formes ne soient
la même science au dix-neuvième. Lorsque l'art était des types de styles qui ont éum des populations entières
borné à un petit nombre de combinaisons harmoniques, avant qu'on connût autre chose. Ces formes ne sont
la science n'en contenait pas davantage. Desimaginations donc pas ennemies du plaisir de l'Oreille; il ne s'agit
plus hardies, celle d'un Monteverde, par exemple, que deleur trouver une place convenable. Je ne sache pas
viennent ensuite jeter de nouvelles richesses au milieu que le professeur de Conservatoire le plus entêté de sa
de celles qu'on possédait; aussitôt la science s'en em- vieille passion de science ait jamais conseillé à sesélèves
pare, les classe, et les dissonances naturelles, en venant de faire des fugues et du contrepoint dans un opéra ;
varier les effets de l'harmonie , changent radicalement loin de là, il leur fait voir que ces formules musicales
le système delà tonalité, résultat que Monteverde lui- sont essentiellement liées à de certains styles qu'il ne faut
même n'avait pas aperçu, et qui n'est rendu sensible employer qu'à propos, soit dans la musique sacrée, soit
que par les travaux des théoriciens. Ainsi, de proche dans le genre instrumental. Chaque chose a sa place;
en proche, les substitutions, les altérations, les antici- voilà la doctrine de l'école; voilà la science.
pations et les retards des élémens des accords marquent Pour en finir avec ces déclamations si fastidieuses
la marche ascendante de la science depuis son origine contre les Conservatoires, contre leur doctrine , contre
jusqu'à nos jours, et celle-ci se tient constamment la la science, je n'ai qu'un mot à dire : qu'on me montre
fidèle compagne de l'art. Cette science n'est donc pas, quelque invention de génie à quoi cette science ait été
encore moins est-elle le fruit du caprice et des préjugés. s'en soit trouvé gêné, et je passerai condamnation sur
150 REVUE MUSICALE.
elle, je la répudierai. Et pour ne parler que de Beet- peu de jours aux amateurs de musique des ouvrages di'
hoven , cité avec une juste admiration par M. d'Or- gnes de fixer leur attention.
tigue, n'y a-t-il pas dans mille endroits de ces sympho- Une indisposition subite et assez grave avait atteint
nies, où la fantaisie est poussée aussi loin que possible, Mme Schrœder-Devrient k une représentation de Fide-
mille choses où le grand artiste s'est jeté ù plaisir dans lio; cette indisposition s'est prolongée et a occasionné
l'ordre de ces formes scientifiques qu'il ne manie pas la clôture du théâtre pendant quelques jours. Les répé-
toujours avec une habileté égale à la beauté de ses in- titions d'Euriant/ie en ont été également interrompues;
spirations ?Tout indépendant qu'était son génie, il sen- le rétablissement de la santé de Mme Devrient a permis
tait la néeessité de recourir parfois à ces formes si plei- de les reprendre, et la première représentation de cet
nes de ressources ; jamais il ne s'est plaint qu'elles lui opéra est annoncée pour mardi prochain, 14 de ce
eussent été contraires. mois. Mme Devrient a reparu dans FiV/e/(o jeudi dernier;
'
M. d'Ortigue paraît se persuader que les artistes les son talent admirable montré dans tout son éclat.
s'y est
plus heureusement nés ne savent pas toujours se sous- Aujourd'hui, elle jouera le rôle de donna Anna dans
traire aux influences de l'école , et qu'ils se formulent Don Juan,
à leur insu. Selon lui, Haydn , malgré son génie , a un L'Opéra continue de faire des recettes productives
faire conventionnel et formulé qui ressemble d de l'éti- depuis son ouverture; la faveur publique semble être
quette. Il serait tenté d'avoir la môme opinion de Mo- revenue à ce spectacle- Les répétitions du Philtre, opéra
zart, si la mort ne l'eût surpris à trente-cinq ans, au mo- en deux actes, de WM. Scribe et Auber, s'y font acti-
ment oà il allait écrire sous la dictée de son cœur. D'abord, vement. On croit que la première représentation aura
ce que M. d'Ortigue appelle le faire conventionnel et for- lieu le i5 de ce mois. Le sujet est de ceux qu'on ne voit
mulé de Haydn, est précisément ce qui compose le do- pas communément à l'Opéra ; il est pris parmi les pay-
maine d'invention de ce grand musicien. Si ce faire est sans, non à la manière du Devin du Village ou du Ros-
devenu conventionnel et formulé, c'est pour ses imita- signol, mais des vrais habilans de la campagne, paysans
teurs qui ont converti le produit du génie en conven- en blouse et à sabots. Ce spectacle inusité à l'Opéra
tions et en formules; chez Haydn, tout est de création. pourra paraître piquant. On assure que la musique, com-
La même erreur existe h l'égard de Mozart, qui a in- posée par M. Auber pourcetouvrage, est fort spirituelle.
venté toutes les choses dont on a fait depuis de? patron) Une composilion d'un autre genre est destinée à pa-
sur lesquels chacun s'est habillé à sa taille. El puis raître bientôt sur la même scène ; il s'agit d'un ballet qui
qu'en dites-vous? ce n'est qu'en faveur de ce que Mo- a pour litre VOrgie; ce sujet difRcile a été traité avec
zart allait faire que M. d'Ortigue lui passe ce qu'il a audace par M. Scribe. La musique est de M. Carafa.
lait. En vérité ,
je suis tenté de croire à de l'inadver- Une indisposition de Mme Casimiraaussiinterrompu
tance de la part de l'écrivain : il est impossible qu'il les éludes ix l'Opéra-Comique et arrêté le cours des suc-
n'ait pas senli le cœur de Mozart dans Don Juan, dans cès de Zampa ; toutefois la cantatrice s'est rétablie, et
le Mariage de Figaro, dans la Flûte encltantée , dans la pièce a dû être reprise ce soir. Les répétitions du j
tous les adagios de sa musique instrumentale. nouvel opéra de M. Halevyse poursuivent avec activité; |
'
J'en ai dit assez pour faire voir que M. d'Ortigue il sera représenté vers le 25 de ce mois.
désigne par le nom de mouvement en musique l'oubli du On beaucoup à ce théâtre d'un opéra en trois
parle
passé, et par celui de résistance la science conservatrice: actes, de MM. Scribe et Castil-Blaze, dont la musique
si tsi est le mouvement, Dieu nous garde de sa faux! doit être composée par MM. Auber, Berton , Boieldieu,
FÉTIS. Chérubini, Halevy, Hérold et Paer. Cet ouvrage est
d'opéras italiens y furent représentés avec succès par une de l'autre, qu'il consentît à poser pendant quelques
troupe qui alors paraissait être assez médiocre, et qui séances.
passerait pourbonne aujourd'hui. Nos plus habiles
très Le résultat de cette rencontre et du travail de M. Bar-
compositeurs ne dédaignaient pas d'écrire pour ce petit tholini est arrivé à Paris depuis quelques jours : rien ne
théâtre; MM. Chérubini et Boieldieu y firent jouer le se peut voir de plus beau, de plus digne du sujet. Au
joli ouvrage de ta Prisonnière , dans lequel il y avait de mérite d'une ressemblance parfaite se joint celui plus
fortbons morceaux de musique. Plus tard, Gaveaux y grand encore de la vie qui anime les traits, de ce je ne
donna son Diable couleur de rose et son Bouffe et le Tail- sais quoi d'indéfinissable qui se remarque dans l'ensem-
leur; c'était alors le règne des petits opéras. L'orchestre ble de la tête de Rossini. Ouvrage digne du modèle et
du théâtre Montansier n'était pas considérable , mais il du ciseau qui a su si bien le reproduire, ce buste est aussi
était suffisant pour la musique de ce temps ; celui du remarquable par la manière dont le marbre est traité
nouveau théâtre paraîtra bien maigre à des oreilles sa- que par les qualités de la ressemblance et du sentiment
turées des bruyantes symphonies du jour. Là où règne d'art qui y brillent : l'antiquité n'a rien produit de plus
percevoir le génie qui se cache sous l'aspect de l'apathie nobbiana. Le libretto de ce drame musical en deux actes
et les impressions d'une ame active là où ne se peint que est de Romani, la musique de M. Pugni, élève du con-
l'indifférence. Il ne fallait rien moins que l'œil et la main servatoire de Milan, qui s'est déjà fait connaître avan-
d'un artiste de premier ordre pour vaincre tant de diffi- tageusement par quelques compositions instrumen-
cultés; cet artiste, M. Troupenas l'a rencontré à Flo- tales.
rence dans la personne de M. Bartholini, l'un des sculp- Le sujet du nouvel opéra est tiré d'un vaudeville fran-
teurs les plus distingués de notre époque , si ce n'est le çais, qui a pour titre le Tableau. Il est fort simple , car
premier; et son amitié pour Rossini s'est emparée de il s'agit d'un jeune soldat suisse qui, saisi de ce mal
l'heureuse circonstance de la réunion momentanée des qu'on nomme la Nostalgie , ou vulgairement la maladie
deux grands artistes, pour obtenirde l'un qu'il entreprît du pays, s'enfuit de Naples, où il était en garnison, et
l'exécution d'un busts de l'auteur de Guillaume Tell, et retourne dans ses montagnes. A peine arrivé dans sa
152 QBVVE MUSICALE.
chaumière, il y est découvert, arrêté et prêt à être et les efforts de Trezzini ténor
( ) et d'Iocliindi , n'ont
condamné. Un caporal, libéré du service militaire, et pu néanmoins faire applaudir la musique de Pacini,
amant de la sœur du soldat, se dévoue pour lui, prend qui a été trouvé froide et décolorée. -
et la
— Le premier concert de Pagahini à l'Opéra de Lon-
dres avait attiré une aflluence prodigieuse de curieux,
pièce finit par un mariage selon la règle commune.
ou si l'on veut d'amateurs. Le produit s'est élevé à près
On trouve dans ce pauvre canevas la facture élé- de deux mille guinées (environ 52,ooo francs). Certain
gante des vers de Romani du reste , la pièce est dé-
;
air boudeur se faisait bien remarquer dans l'aspect de
pourvue d'intérêt.
cette brillante assemblée ; on n'avait point oublié les
Les amis du jeune Pugni étaient en force à la pre- prétentions exagérées de l'artiste, et tant d'audace de la
mière représentation de son opéra aussi les applau- ; part d'un étranger n'avait pas fait naître des dispositions
dissemens n'ont-ils pas manqué. Dès l'apparitioD du bien favorables ; mais le talent extraordinaire de l'ar-
maestro au clavecin, ce fat une rumeur à rendre tes tiste, talent peut-être accru parle désir de montrer qu'il
gens sourds; les même applaudissemens se sont soute- avait le droit de se mettre hors de la ligne commune,
nus jusqu'à la fin de la représentation. Il va sans dire ce talent, disons-nous, n'a bientôt laissé de place que
que le compositeur fut appelé plus d'une fois sur la pour l'admiration la plus vive et la plus expansive. Ce-
scène; car ces sortes d'ovations sont de rigueur pour pendant on assure que la santé de Paganini était chan-
constater le succès d'un ouvrage ou d'un chanteur. Au celante le jour même de ce concert, et qu'il n'avait pas
fait, si l'on fait la part de l'inexpérience, des mala- fallumoins que son ame ardente et sa ferme volonté
dresses de faire, inséparables d'une première composi- pour triompher du mal qui l'oppressait.
tion dramatique, il y a assez de mérite dans l'ouvrage Comme à Paris, il s'est fait entendre dans un con-
de M. Pugni pour avoir justifié une partie des applau- certo, (îans une sonate sur la quatrième corde, et dans
dissemens qui lui ont été prodigués. Il ne faut pas qu'il un air varié. Chacun de ces morceaux lui a valu des ap-
s'enivre de tout cet encens et qu'il se croie tout d'abord plaudissemens où la gravité britannique s'est effacée, et
un grand homme; mais il a assez de talent pour pren- qui tenaient presque du délire. L'orchestre lui-même,
dre confiance en lui-même, et pour se croire appelé à transporté de plaisir, oublia sa destination jusques-là
se faire une réputation honorable quand le temps et le que le feu ayant pris à la musique qui était placée sur
A'onpiu non reggo, Tecil, y^fi non giunge pensiero, arï^ chantée par
depuis long-temps en Espagne, car elle a chanté à Bar-
Mme Pasia. — 3 fr. 7S c.
celonne pendant plusieurs saisons; mais elle ne s'était
ElvinoJ... E me tu lasci, scen^, son geloso zefiretto, duetto chanté
jamais fait entendre au théâtre de Madrid. Une salve
par Rubini et Mme Pasta. — Sfr. 7SC.
d'applaudissemens l'a accueillie à son entrée en scène ,
Condit
154 REVUE MUSICALE.
étendue, vous l'avez si singulièrement travestie que, « l'autre de développement progressif, etc., » j'avais-
si je ne craignais pas de ne m'être pas assez clairement assez nettement exprimé, ce me setnble, par ces mot»
exprimé, je serais tenté de croire que vous ne m'avez concours simultané, que la science, loin d'être l'obstacle
pas compris'. qui s'oppose aux progrès de l'art, n'est au contraire, en
De ces deux principes vous m'avez fait tirer deux con- quelque sorte, que le ressort de l'imagination ou du
séquences fausses, savoir: la première, que/< considère génie ; et de plus , en distinguant soigneusement les dé-,
la science en musique, t'est-d-dire, l'art d'écrire, comme vcloppemens des innovations , j'avais expliq^ié d'une ma-
la voie siaiionnaire, comme la résistance, comme Cbbstacle nière non moins claire que le progrès , ou, si vous vou-
enfin qui s''oppose aux progrès de la musique ; la seconde lez, le mouremenl n'est pas C oubli du passé, car, à. moins
que je regarde les progrès de l'art comme tellement in- de se contredire dans les termes, un développement
dépendans de la science positive et des traditions re- n'est autre chose que l'extension d'un principe qui se
pues, que le mouvement n'est, selon moi, que l'oubli du prête ù de nouvelles applications, se combine avec
passé, et ouvre à l'imagination une carrière sans bornes. d'autres ététnens homogènes, sans rien perdre de sonr
Je suis d'autant plus étonné que vous m'ayez attribué essence ni de sa force interne. A voir la préoccupation
un semblable raisonnement, que j'en avais fait précisé- dans laquelle vous sembicz être à l'égard de ce passage,
ment un tout contraire. En effet, en disant «Je ne conçois : après l'avoir ainsi transcrit et commenté, il ne aie
« pas de développement possible sans le corwours simul- reste plus que dé vous prier de le lire '.
' tané de deux ordres, Fun de principes immuables, etc., Ma sirrprise augmente, monsieur, lorsque je vou»
vois vous-même développer la même doctrine. Vous
(i) J'ai 1res bien compris que M. d'OrtIgue voulait indiquer quel-
distinguez très bien la musique à l'état de science propre-
que chose de semblable, et voilà pourquoi j'ai répété plusieurs fols ses
ment dite, et ù l'état de formes. Sous le premier point de
propres paroles : " Je ne conçois pas de développement possible sans
vue, la science n'enseigne que la classification méthodique
le concours simultané de deux ordics, l'un de principes immua-
• bles, etc., >. afin de faire voir la contradiction manifeste de ces prin-
des faits qui 'se sont accumulés dans la suite des temps et qui
cipes et de cet autre passage : <• Quelques individus se sont rencontrés, ont été les résultats des progrès de l'art; sous le second,
" qui, s' érigeant en arbitres suprêmes du goût et du beau dans leur les formes sont aussi variables que les temps, elles subissent
« art, ont fouillé dans les archives du génie, ont vérifié ses titres, ont l'empire de ta mode... elles constituent les styles. Avouez,
" décidé en dernier ressort de ce qui était vrai de ce qui était faux;
,
monsieur, que vous ne vous attendiez. pas i!i vous réfuter
« ont appelé règles invariables des formules arbitraires péniblement
vous-même'.
" élaborées dans leur télé, etc., • passage qui se termine par ces mots:
Arrivons maintenant au troisième point, le point
« Cette école , en littérature , nom de classique ou d'acadé-
a pris le
important, vital de la discussion.
• mique; en nmsique, elle s'est décorée du nom de Conservatoire. Cn
C'est de ce dernier
détruit la liberté des conceptions.
Là-dessus, je me mets à lui dire, nou ce que c'est que la vraie sciimce,
car je ne prétends rien lui apprendre à cet égard., mais ce que c'est système que j'ai voulu parler en signalant cette doctrine
que la science des Conservatoires, et je tâche de lui démontrer que fausse, mesquine, désignée dans mon article sous le
c'est la vraie science elle-même qui y est enseignée par les professeurs. nom de classique , qui s'est avisée de substituer aux no-
— iMais ce ne sont point les professeurs que j'attaque. Je les estime tions éternelles de l'art des formules d'une époque,
— Ce sont donc
fort. leurs élèves que vous blâmez? — Pas davantage. d'une école, d'un homme; qui arrête tout progrès, tout
— Entendons-nous : l'éeole , ce sont ceux qui enseignent et ceux qui
élan, parce qu'elle prétend emprisonner le génie dans
apprennent hors de là je ne sais ce que c'est que les Conservatoires
des liens arbitraires, qui sape en aveugle dans les vé-
; ,
ma faute s'il paraît que M. d'Ortigue n'avait pas d'idée bien nette de (2) Je l'étudierai. (A", du R. )
ce que c'est que le mouvement et la résistance en musique. (3) J'avoue que je ne m'y attendais pas, et je suis tout étonné qu'il
[Noie du rédacteur. )
en soit ainsi. {N. du Fu)
REVUE MUSICALE. 155
tentative de développement, et à force de sécheresse, « point dans un opéra ; loin de là il leur fait voir que
de rigidité, de règles inflexibles, amortit le génie même '. 1' ces formules musicales sont essentiellement liées à
Misérable parodie de l'ordre de foi qui atteste que ti de certains styles qu'il ne faut employer qu'à propos,
l'homme veut toujours mettre son moi à la place des « soit dans la musique sacrée, soit dans le genre instru-
lois imprescriptibles de la nature! En littérature, c'est 11 mental. Chaque chose a sa place. Voilà la doctrine de
le classique; en politique, c'est le despotisme de la cen- « l'Ecole. B Et moi je dis : voilà la tyrannie de l'Ecole '.
tralisation; en religion , c'est le gallicanisme. C'est cette Pour ce qui est de la musique religieuse, est-il rien de
doctrine, et celle-là seulement, que j'ai attaquée comme plus absurde que des fugues obligées sur des paroles
l'obstacle aux progrès de la musique; c'est en elle que telles que celles-ci: Kyrie eleison; etvitam venturi sœculi;
se manifeste la résistance au mouvement d'ascension que hosanna in excelsis ; amen. Ne vaudrait-il pas mieuxlais-
de nos jours Beethoven ^ et Rossini me paraissent repré- ser au compositeur la liberté de se livrer au sentiment
senter, l'un dans le genre instrumental, l'autre dans le que ces paroles lui inspirent et de donner à son poëme
genre vocal. Et certes, je l'ai dit assez nettement pour la forme qu'il conçoit'? Le professeur le plus entêté n'a
ne pas vous laisser de doutes sur ma pensée. Outre le jamais conseillé à ses élèves de faire des fugues et du
dernier passage que vous avez transcrit dans son entier, contre-point dans un opéra. Eh bien moi, ! tout ennemi
et qui a tellement excité votre indignation que vous de la science que vous me supposez, je dirai hardiment
l'avez qualifié de déclamations fastidieuses ,
j'ai dit, en à un élève : faites des fugues dans un opéra , osez ten-
parlant de Rossini, « non-seulement il a foulé aux pieds ter un nouveau moyen de frapper l'auditoire, si vous
<i les règles arbitraires des classiques, mais encoi'e il a re- jugez que la situation de la scène soit favorable à de
« mis en question les traditions reçues. J'ai présenté l'é- semblables effets. Mais, monsieur, n'est-ce pas vous
« cole, ai-je ajouté à la fin de mon article, comme le qui avez parlé de ces imitateurs qui ont converti le pro-
" plus grand obstacle aux progrès de l'art. » L'école duit du génie en conventions et en formules ; qui de toutes
n'est pas la science, et je suis loin de rendre la science les choses inventées par le génie ont fait des patrons sur
responsable de tout ce que fait l'école. On disait à je ne lesquels chacun s'est habillé à sa taille? Chacun, remar-
sais quel personnage de Gil-BIas, condamné à tort : o La quez bien, ce qui veut dire tous. En vérité, monsieur,
justice est bien injuste ! — Vous vous trompez , répon- vous allez plus loin que moi, car je n'avais parlé que de
dit-il , la justice est toujours équitable ; ce sont ceux quelques individus^.
qui l'exercent qui ne le sont pas. » Si je suis parvenu à rétablir les points principaux de
Je le répète: c'est de l'école et non de la science que
(s) Pour le coup je ne sais ce que deviennent les principes i
vient la résistance, de même que dans l'ordre politique
,
(2) Ce pauvre Conservatoire qu'on accuse de , résister au mouve- seignent point dans les Conservatoires, et que les musiciens qui en
ment d'ascension de Beethoven, a fait précisément des efforts pour font le plus d'usage sont ceux qui n'ont rien appris que par une cer-
que M. d'Oitigue connût ses ouvrages ; c'est par le soin qu'il a mis à taine habitude de tarbouiller du papier. Jamais les formules ne furent
en faire valoir les beautés , et l'enthousiasme qu'il a manifesté dans plus multipliées que dans la musique italienne de nos Jour:;, et cepen-
leur exécution ,
qu'il a vaincu les préventions du public français dant, à vrai dire, il n'y a plus véritablement d'école en Italie : chacun
«onire ce grand artiste. {JV. du R. du R.)
) y va à sa guise. (iV^.
156 REVUE 9IUS1CALE.
nia discussion, toutes vos accusations partielles tombent çn sens inverse, suivant chacun de ces ordres d'idées en
d'elles-mêmes. Je reprends maintenant certoines pro- particulier. J'ai besoin, monsietjr, de me faire violence
positions de votre article que je ne m'ejpUque ,que par poyr ine persuader qu'un esprit large, étendu, soit à la
l'espèce de préoccupation dont j'ai yarié plus haut. Se- fois du mouvement en politique, et de la résistance
lon vous le mouvement politique est «ne tendance vers dans les arts. Il n'y a pas de raison alors pour que vous
la substitution de l'exercice de la raison à celui de l'imagir- ne soyez stationnaire en littérature, rétrograde en phi-
nation.Il ne m'appartient pas d'examiner jusqu'à quel losophie, etc., conune si l'esprit humain, selon les di-
point cette déflnition est juste, j'observe seulenaent verses formes sous lesquelles il se préseate, suivant les
qu'en politique voua vous rangez dans le parti du diverses connaissances qu'il embrasse , devait tantôt
mouvement. Mais « le «eouvement dans les arts , sjou- marcher, tantôt s'arrêter, tantôt reculer; et comme si
n tez-vous, tel qu'on paraît le concevoir aujourd'hui, toutes les sciences , toutes les branches des études hu-
(t n'est plus dans le même sens, car c'est précisément la maines ne tendaient pas à une amélioration progres-
« raison qu'on en veut bannir pour ouvrir une carrière sive, à une vaste et magniGque unité ^.
« sans bornes à l'imagination. Quant aux résultats, ils «L'erreur de ce parti du mouvement, dites -TOUS
« sont à peu près les mêmes, car ils se bornent d des encore , qui se désigne lui-même sous le nom de ro-
t actes de velléité non satisfaite. » D'abord, il n'est pas «mantique, est de croire que le mouvement n'a pas
certain que le mouvement dans les arts tel qu'on parait «toujours existé, et que c'est d'aujourd'hui que date
leconceDoir aujourd'hui, soit t«^ que vous le définissiez. « l'ère de l'innovation. » Pour ce qui regarde l'auteur
Si, au contraire il n'est autre chose , comme je l'ai dit, de cette lettre, vous ajoutez : « Si je l'ai bien compris,
que le développement de ce qui existe déji, que cette «ce n'est, selon lui, que d'aujourd'hui que le véritable
marche ascendante de tout ce qui est susceptible de «but de la musique a été aperçu. » Si vous m'avez bien
combinaisons nouvelles, de quel droit venez-vous af- compris, monsieur? vous avez raison de vous servir
firmer que ses résultats ne se bornent i/u'à des actes de de cette forme dubitative ; car, si vous aviez compris
velléité 7ion satisfaite , et que le parti qui le représente cela, vous auriez compris précisément le contraire de
est tout- à-fait dans l'incapacité de produire? Quoi! ce ce que j'ai dit. Au sujet de Mozart, j'ai dit qu'il a
mouvement qui n'a point eu d' interruption depuis quatre agrandi ta sphère du m.aUre , expressions que vous avez
siècles (ce sont vos paroles), vous lui ordonnez de s'ar- judicieusement supprimées dans vos citations, parce
rêter brusquement le ii juin i83i, comme Josué au que vous aviez intérêt de diminuer mon admiration
soleil en lui disant : Sta! et tout en reconnaissant aux pour ce grand homme. Au sujet de Beethoven, j'ai dit
vénérables artistes des siècles passés le droit de s'affran- que ce dernier prit la musique au point où Mozart l'avait
chir, audacieux romantiques , des préjugés de leur temps et laissée, ce qui exprime encore la même idée. Enfin , je
de s'abandonner aux impressions de leur sensibilité musi- n'ai cessé de parler des traditions de l'art à toutes les
cale, en même temps qu'aux lumières de leur raison, vous époques, de développemens progressifs, et votre para-
décidez qu'à dater d'aujourd'hui il n'y aura plus de pré- graphe tout entier sur les progrès de la musique depuis
jugés d vaincre, plus de progrès à faire' !
Gui d'Arezzo jusqu'à nous, n'est que le commentaire
D'une autre pari, s'il est vrai que par mouvement en de mes propres paroles. Assurément, monsieur, vous
politique on entend telle chose déterminée que par , avez bonne envie de réfuter. A voir cependant le soin
mouvement dans les arts on entend la chose contraire, que vous prenez à chaque instant de me justifier, je
il faut convenir qu'on est bien absurde, et que la société crains bien qu'en dernier résultat nous ne soyons obligé
prise dans son ensemble, évidemment ne s'entend pas; de vous borner à des actes de velléité non satisfaite '.
queloin d'être résistant aux progrès de mon art, et même aux plus
sauraient bien d'ailleurs se moquer de mon inter- voir précisément ce qui reste à faire , ou plutôt sachant très bien qu'il
droit d'inventer ! ils
ne pai-lail ni de génie ni d'imagination , mais qu'on en avait; qu'on homme de génie les comblera un jour. Quant à la contradiètion que
n'annonçait pas faslueusement ce qu'on allait faire , mais qu'on faisait : M. d'Ortigue signale ici ce n'est pas moi qui l'ai faite; elle existe dans
,
il n'eu est pas toul-,i-fait de même à l'égard de nos grands hommes en les idées. (iV. du E.)
herbe. (iV. du M.) (3) Si mes lecteurs trouvent que dans mes observations sur l'article
REVUE MUSICALE. 157
Je ne crois pas devoir repousser sérieusement l'é- un adversaire tel que vous. S'il en est ainsi, je ne recu-
trange interprétation que vous donnez à un passage de lerai pas néanmoins, et le temps décidera.
mon article sur la décadence de l'école italienne. Je
Agréez, monsieur, l'assurance de ma considération
dois seulement vous faire observer que ces principes
la plus distinguée,
inertes et usés auxquels des êlémens de conservation et des
Joseph s'Oatigce.
germes de durée ont été mêlés, ne sont pas ceux de Cima-
rosa, Paisiello, Cherubini, comme vous affectez de le
croire, mais bien ce placage , ces formules banales, ces
phrases toutes faites, ces terminaisons éternelles que
A M. le Directeur de la Revue musicale.
( Note du rédacteur. )
REVUE MUSICALE.
lique, professeur du concert particulier du roi, etc., d'étendue. Toutefois, pour se conformer à l'usage, il les
etc. Prix : 24 fr. , à Paris, chez Lavkea, boulevard représente comme renfermées dans l'étendue de deux
Montmartre, Richaclt, boulevard Poissonnière, et octaves. C'est encore pour obéir à l'usage qu'il divise
SchleSinger, rue Richelieu.
les voix en voix aiguës et voix graves , et qu'il les classe
L'auteur de cet ouvrage, Espagnol de naissance, d'une manière absolue en considérant les voix de fem-
comme son nom et ses qualités l'indiquent, s'établit à mes comme des voix aiguës, et les voix d'hommes
Londres il y a environ vingt ans, et y devint le maître comme des voix graves. Il me semble qu'en cela il y a
de chant de la princesse Charlotte de Galles. Plus tard, erreur dans les idées de la plupart des professeurs. Le
lorsque l'Académie Royale de Musique fut établie dans caractère d'acuité ou de gravité d'une voix, ne se dé-
celte ville par une société d'amateurs zélés. M. de Le- termine pas seulement par le diapason où elle est ren-
desma y fut appelé pour y enseigner la partie de l'art fermée; il dépend aussi de l'accent et de la corrélation
musical qu'il professait. Ses observations sur un grand des sons dans l'ordre des sexes. Ainsi, l'effet du con-
nombre d'élèves qui passèrent alors sous ses yeux, lui tr'alto est celui d'une voix grave, tandis que celui d'un
fournirent les moyens de compléter les connaissances ténor donne la sensation d'une voix aiguë, bien qu'elle
qu'il avait déjà acquises dans le chant. C'est le résultat soit en réalité d'une quinte environ plus basse que le
de son expérience dans cet art qu'il a consigaé dans contr'alto. Dans y a des voix aiguës de
la réalité, il
l'ouvrage que nous annonçons : on y reconnaît en effet femmes et des voix graves de femmes, dés voix aiguës
le travail d'un homme instruit qui a réfléchi sur l'objet d'hommes et des voix graves d'hommes. Au reste, cette
de ses études, et qui ne l'enseigne point en routinier. Sa distinction est de peu d'importance , et je ne la fais que
manière de s'exprimer, dans les observations qui pré- dans le dessein de préciser les notions autant qu'il est
cèdent ses exercices, est simple et dénuée de tout char- possible.
latanisme. Il ne dissimule pas les difficultés, ne se flatte L'exposition abrégée des principes du chant faite par
pas de les avoir vaincues et ne donne pas son ouvrage M. de Ledesma dans le deuxième article de son ou-
comme le livre nécessaire, indispensable à ceux qui veu- vrage, renferme des notions suffisantes accompagnées
lent étudier le chant. Il avoue que ses idées diffèrent d'exemples pour l'étude; c'est au professeur qu'il ap-
de celles des autres maîtres sur quelques parties de cet partient de développer ces exemples et ces précepte?
art; mais il ne dénigre point la méthode des autres au en raison de la voix de l'élève et de son intelligence.'
profit de la sienne. D'ailleurs, il ne promet point de L'article relatif à la voix de poitrine et à la voix de tête
merveilles, et le paragraphe par lequel il termipe sa renferme de bonnes observations sur l'égalisation de^
préface démontre qu'il ne croit pas qu'on devienne un registres de la voix et sur la manière de les unir. Il y a
grand chanteur pour avoir étudié d'après les principes aussi de fort bonnes choses exprimées avec netteté dans
de telle ou telle méthode, ou exercé l'organe de la voix l'article qui concerne la flexibilité de la voix. En géné-
par tels ou tels exercices. ral, il est remarquable que M. de Ledesma ne s'est
Le génie du chanteur, dit-il, ne peut s'acquérir .par
« point fait le copiste de la multitude de méthodes de
i( très envers lesquels la nature ne fut pas si généreuse considérable de l'ouvrage de M. de Ledesma , ils sont
K sous le rapport de la voix, mais auxquels elle accorda en général d'un bon style, quoiqu'il résulte quelque
(I plus de génie qu'aux premiers. » monotonie du retour fréquent de certaines formes que
Les observations de M. de Ledesma sont divisées en ce professeur semble affectionner. Ces exercices me par
six articles où il traite \° de la voix; 2° du chant ; 3° de raissent complets sous le rapport des élémens, en cç
REVUE MUSICALE. 159
sens qu'ils renferment à peu près tous les traits dont un en un instant le fruit d'un long travail et l'espoir de
chanteur de talent puisse faire usage dans l'ornement leur avenir; pour le public, il n'y a qu'une chose qui dé-
du chant, et tous les passages qui peuvent lui apprendre cide; le plaisir ou l'ennui. Peu lui importe la cause de
i poser la voix, à filer le son , à le porter, à le détacher, l'une ou de l'autre sensation il ne juge que le résultat
; :
à respirer à propos et à bien phraser. Je ne sais toute- au reste, comme on le voit , ses décisions ne sont pas
fois si l'cpithète de progressifs leur est rigoureusement sans appel, et l'on peut appeler de Philippe à lui-même.
applicable. Je sais qu'il ne faut jamais la prendre ù la J'ai dit, en rendant compte de de
l'effet la traduction
lettre, et que la véritable progression dans les études à'Euriantke à l'Opéra, quel est le si>jet de cette pièce;
est une chose fort difficile à établir; toutefois je pense il est donc inutile que j'en donne ici une analyse nou-
qu'il aurait été possible de porter vers la fin certains velle ; mais je dois dire que les défauts révoltans du li-
traits qui se trouvent dans les premiers exercices, et qui brettoallemand avaient obligé M. Castil-Blaze à y faire
offrent des difficultés plus grandes que ce qu'on trouve de notables changemens réclamés par les exigences de
ensuite. A ce défaut près , l'ouvrage de M. de Ledesma notre scène et que ces changemens avaient malheu-
,
me paraît digne de fixer l'attention des artistes qui cul- reusement donné lieu à une altération fâcheuse (sous le
tivent l'art du chant. rapport musical) de l'œuvre de Weber. Ces changemens
consistaient dans l'addition d'une scène ( celle de la
nécessaire d'examiner toutes les circonstances qui en serait étonné du changement avantageux qui en serait
ont accompagné la représentation. Mais en vain les ar- le résultat, La couleur des morceaux de musique en
tistes reclamcnt-ils contre cette précipitation qui ruine deviendrait plus vive, plus tranchée, et le coinmencu-
k
160 REVUE MUSICALE.
ment de ceux-ci ne se confondrait pas , comme cela a — Depuis quelques jours on parle sérieusement
lieu maintenant, avec les ritournelles du récitatif. d'une réduction considérable qui sera faite dans le bud-
Rien ne prouve mieux la puissance de l'exécution get du Conservatoire de musique, réduction -qui aura,
que la différence' qu'on a remarquée entre l'effet des dit-on, pour effet de faire supprimer dans cette école un
beaux morceaux de la partition d'Eiirianlhe à J'Opéra, certain nombre de classes d'instrumens, et de supprimer
et celui qu'ils ont produit au Théâtre Allemand. Weber totalement l'école de déclamation. Décidément ce
a conçu le rôle principal de cet ouvrage dans un système temps est celui de la persécution pour les aits et les ar-
tout énergique qui n'est point en rapport avec le talent tistes.
gracieux et fini de Mme Damorcau : de là une altération
capitale dans la pensée du compositeur,quand cette can-
tatrice a éité chargée de représenter Euriant/ie ù l'Opé- Bulletin d'Annonces.
ra. Ce même rôle joué par Mnje Schrœder-Dovrient
HuLEVT. La tangue musicale opéra-comique eu un , acte.
n'est plus reconnaissable, ses belles inspirations en font
Grande partition. — 78 fr.
une des plus belles conceptions de la scène lyrique. Son Parties séparées. — 7» fr.
talent s'y élève quelquefois au plus haut degré du sub- La Langue musicale a obtenu un succès décidé an théâtre de l'O-
lime et doone à la musique de Weber son véritable ca- péra-Comique , et tient une place distinguée dans le répertoire de ce
ractère. Comme actrice, elle est admirable dans le fi- théâtre ; nous croyons que les directeurs de théâtre et les sociétés phil-
nale du deuxième acte et dans les scènes du troisième; harmoniques apprendront avec plaisir la publication de cet ouvrage
et chante avec beaucoup d'énergie; mais quelquefois Six exercices , ou études pour le violoncelle, par J.-J.-F. Dut2œuer:
il force trop sa voix et crie au lieu de chante/. œuvre 116. — 3 fr. 7S c.
Les chœurs sont une des parties les plus brillantes de Concertino pour le violon , avec accompagnemeot d'orchestre , par L.
l'exécution ; dans Euriantke il faut qu'ils prennent part Spohr ; œuvre 79. — 12 fr.
à l'action ; c'est ce que les choristes allemands comr A Paris , chez Richault, boulevard Poissonnière , n° l6.
plupart de nos théâtres, à chanter froidement leur par- AGENCE GÉNÉRALE DE LA HUÎStQUE.
tie, rangés sur un des côtés de la scène. Dans l'intro- Un artiste pouvant enseigner le piano, l'harmonie,
ductiou, dans les deux finales, et dans quelques scènes le chant, le violon, la flûte et le basson , désire se fixer
du troisième acte, les chœurs ont été rendus avec un en province, ce qu'il ne fera pourtant qu'à des condi-
ensemble, une justesse, une homogénéité de sentiment tions avantageuses. Étant organiste-adjoint d'une église
parfaite. Je regrette pourtant qu'on ait fait des change- de Paris, une place de ce genre lui conviendrait parfai-
mens qui ne sont pas heureux dans le chœur des chas- tement. Le même artiste pourrait aussi diriger une mu-
seurs. sique de Garde nationale, ayant fait une étude spéciale
On ne peut douter c^i^Eurianthe n'ait une suite de de la musique militaire.
représentations productives; tous les amateurs de Il faudrait à cet artiste un fixe et une clientelle nom-
bonne musique voudront y entendre Mme Devrientet breuse et assurée pour qu'il se décidât à quitter Paris,
jouir d'une exécution franche et vigoureuse telle que oij il occupe plusieurs places.
celle des chœurs de cet opéra. S'adresser au bureau de l'Agence générale de la Mu-
— La première représentation du Philtre, qui devait sique, rue du Helder, n° i3.
avoir lieu lei5 de ce mois, est ajournée à lundi, par suite
d'une indisposition de Mme Damoreau. IMPBIMERIE DE E. DIIVERGEB, (IDE DE VERNEriL, H* 4-
REVUE MUSICALE,
V" AXXEE. PUBLIÉE PAR M. FÉTIS. N 21.
Condit.
162 REVUE MUSICALE.
à quelques remarques concernant la chronologie et l'on trouve àCorinthe et dans ses environs , dans le but
l'hiàtoire. de rassembler des inscriptions qui pussent éclaircir l'his-
Ce monument est si singulier, les faits qu'il révèle toire de cette partie de la Grèce.
sont de telle nature, qu'il exigera de longues recherches Un soir, suivi par un fidèle serviteur grec, il se pro-
de tout genre pour en apprécier toute l'utilité. J'esptre menait dans un petit bois d'oliviers, au sud-est de l'A-
que M. Murhard, si ce journal tombe dans ses mains, cropolis. Ayantprolongésa promenade plus qu'il n'avait
ne sera point blessé des doutes qui me restent sur l'au- l'habitude de le faire , il se sentit fatigué, et se jeta sur
thenticité de ce monument : sa vue ou celle d'un fac- un banc pour se reposer. Lui et son domestique étaient
similé , la forme des caractères, et le texte lui-même, sans armes ; et comme la distance à laquelle ils se trou-
peuvent seuls donner ;\ cet égard la conviction que vaient de la ville pouvait les exposer à quelque attaque
M. Murhard paraît avoir acquise. imprévue, il lui donna ordre d'arracher un jeune oli-
Je fais précéder la traduction de la version du savant vier pour se procurer au moins un moyen de défense.
professeur et de ses obsei-vations du récit des circon- Le domestique s'efforçait vainement d'obéir à son maî-
stances qui ont procuré la découverte du monument tre voulant cependant y parvenir, il se mit à gratter la
;
dont il s'agit. terre avec ses mains pour débarrasser les racines de
Le caractère douteux de toutes les relations connues, arracher l'arbre, et dans la cavité formée par la dispa-
relatives à la musique des Grecs anciens, et l'obscurité rution des racines, il découvrit un vase de métal en-
dans laquelle ce sujet reste enveloppé, rendent bien in- foncé dans la terre. Bientôt, par leurs efforts réunis, ce
téressans les documens d'une haute antiquité et d'une vase fut enlevé et dépouillé de la terre qui s'y était at-
authenticité incontestable que nous allons présenter à tachée.
nos lecteurs. C'était une amphore de métal d'environ deux pieds de
Ces documens dont nous parlons, sont deux tablettes haut sur un de large, hermétiquement fermée. Aucunes
de métal , sur lesquelles sont gravées en grec ancien la paroles ne pourraient exprimer le ravissement de notre
description d'une tête musicale donnée à Ëphyre (Co- jeune antiquaire ; favorisé par l'obscurité de la nuit, et
rinthe), dans la troisième année de la seizième Olym- avec l'aide de son domestique , il porta son trésor en lieu
piade, ou 709 ans avant J.-C., par Lasus, d'Hermione. de sûreté. Le mouvement qu'il donnait au vase en mar-
Ces tablettes nous ofiVcnt une importante addition à chant lui faisait entendre qu'il renfermait quelque chose.
l'histoire de la musique des Grecs; elles intéressent éga- Dès qu'il fut arrivé dans son appartement, M. Kraut-
lement lus amateurs de l'antiquité et les musiciens, et mann se hâta d'examiner son amphore. L'exiérieur n'of-
jettent plus de clarté sur cette matière que tous les tra- frait rien de remarquable, si ce n'est une couche pro-
vaux des nombreux écrivains qui l'ont traitée jusqu'à ce fonde de vert-de-gris ( ou plutôt de patine )
qui attestait
jour. son antiquité. Tous ses efforts pour l'ouvrir restèrent
Le récit suivant, 1j commentaire et les notes histo- sans effet, et M. Krautmann eut le chagrin d'être obligé
riques qui y sont jointes, sont donnés par M. Murhard de se mettre au lit sans avoir pu satisfaire sa curiosité.
de Berlin , dont le neveu , 31. Krautmann , a eu le bon- Dès le malin , son premier soin fut de se procurer les
heur de découvrir ces antiquités remarquables. outils nécessaires; il se mit alors à l'ouvrage avec la
M. Frederick Krautmann quittait l'université de Hei- plus grande précaution, et pour endommager le vase le
delberg au moment où l'état de la Grèce commençait à moins possible, il se détermina à scier le couvercle.
fixer l'attention générale. Jeune et entreprenant, il fut Cela l'ait, il aperçut au fond deux tablettes détachées;
Bientôt résolu à aller y défendre la cause de la liberté; sa cuiiosilé redoubla, et il n'hésita pas à sacrifier le
il quitta son pays, et combattit sous l'étendard de Co- corps de l'amphore pour se mettre en possession de son
locotroni. Les événemens le conduisirent à Gerema précieux contenu. x\près beaucoup de temps et de peine,
(l'ancienne Corinthe), et souvent il eut occasion de il la partager en deux. Chacun des côtés
réussit enfin à
faire de courtes excursions autour de la Tille. Inspiré avait un pouce d'épaisseur, d'où l'on peut juger que la
par l'idée qu'il se trouvait sQr une terre classique, il tâche ne fut pas aisée. Par quels moyens ces tablettes
dirigea son attention sur les nombreuses antiqnilés que furent-elles originairement déposées dans le vase, et
REVUE MUSICALE. !63
comment fut-il hermétiquement fermé sans les endom- Je vais maintenant donner une fidèle traduction de la
mager? Ce sont des questions que jelaisse à décider aux première tablette, en y joignant des observations dans
connaisseurs. M. Kraatniann découvrit avec une joie les endroits qui nécessiteront quelques éclaircissemcns.
inexprimable que les tablettes contenaient des inscrip- Après les premières lignes que nous avons citées, la
tions grecques qui étaient gravées sur le métal. Il se première tablette commence coinme il suit :
trésor, etle déposa dans les mains de son oncle, M. Mur- « art du chant. »
doré. Corinthe ayant été appelée Ephyre, ce qui sera J.-C, et que Télestes ait régné 5oo ans plus tard dans
prouvé parles tablettes elles-mêm;s, je puis hasarder
le Péloponèse, il s'ensuivrait que Gatterer et d'autres
l'opinion, dit M. Murhard, qu'elles sont formées du écrivains modernes, particuhèrement Eaumer, ont eu
métal connu sous le nom de corinthien , dont il sera
tort de fixer la première Olympiade 776 ans avant J.-C,
possible maintenant de faire une analyse chimique. el que le P. Petau avait parfaitement raison en la pla-
Florus et Pline paraissent en avoir donné jine descrip- çant en 777.
tion exacte en le désignant comme un mélange d'or,
« SeirouvaientaussiprésensàÉphyre Pherekydes
d'argent et de cuivre. Telle est en effet son apparence,
et non pas celle du bronze; d'où il résulle que le savant
« de Patras, le batteur de mesure (PYOMAFOS)
minéralogiste Reil s'est trompé dans ses conjectures sur ce et Damon de Cyrène qui instruisait les écoliers. »
ce sujet. Chacune de ces tablettes a un pied et demi de Le mot traduit ici par batteur de mesure signifie,
liauteur, huit pouces de largeur et un quart de pouce coinme on le verra par la suite, le chef des choeurs. Da-
d'épaisseur. Les caractères vont de droite à gauche, et mon de Cyrène étant mentionné ici comme contempo-
prennent une direction oblique. Dans quelques places, rain de Télestes, montre la fausseté de l'opinion reçue
le vert-de-gris a mangé quelques lettres; cependant, à jusqu'ici, qu'il vivait du leinps de Socrate , 422 ans
l'exception de deux endroits seulement , il a été facile avant J.-C, car il aurait été âgé de plus de 200 ans
de remplir les lacunes, et celles qui txi.-itent ne parais- quand ce philosophe vivait. Combien nos recherches
sent pas d'une grande importance. pour découvrir la vérité se trouvent souvent vaines et
puériles'!
(i) Les autours varient sur le nom du père de Lastis d'Hermioue;
on l'a appelé Cltarmantide , Symbrïnus^ Sïsymhrlnns^ elc, in:iis aucun « Or, Damon donnait des instructions dans la
nyme auquel on doit le catalogue des ol^mpioiiiques, s'accordent à coup plus tard que dans la quatrième olympiade, à moins que toute la
placer Lasus dans la cinquante-huitième olympiade, c'esl-à-dire près chronologie ne soit fausse.
de deux, cents plus tard qu'il n'aurait vécu réellement, d'après le mo- ( Note du rédacteur .
)
nument publié par M. Murhard. Que devient d'ailleurs le lémoipnage (o) Aucun auteur de l'antiquité n'a dit que Damon fut de Cyrène;
d'Hérodote qui dit (lib. 7, secl. 6) que ce musicien fit chasser d'A- Plnlarque assure qu'il était Athénien. M. Murhard a senli la difficulté
thènes, par Hipparque , fds de Pisistrale, le poêle Onomacrite? T a- chronologique qui s'éiève ici; cependant Plntarque, Diogène Laerce
X.-\\ eu deux Lasus' d'Hermioue, l'un fils d'Eupoiis , et qui vécût de la et Suidas, d'accord avec un dialogue de l'ialon, ne laissent presque
quatrième olympiade à la seizième, et l'autre, fils de Chahrinus, qui pas de doute que Daraon fût l'un des maîtres de Périclès et de Socrate;
fleurit dans la cinquante-huitième olympiade? M:iis les inventions or Platon était presque son contemporain. Faul-il encore avoin-ecours
qu'on lui attribue sont précisément les mêmes que lui-mêmp se donne à la supposition de deux musiciens du nom de Damon.'
dans la première tabletÇe. ( Noie du rédacteur. [Note du rédacteur. )
)
164 REVUE MUSICALE.
qu'il ressemblait à notre violon. — Dieu sait ce qu'il II d'acteurs étaient présens, et pour donner de
Vaut entendre ici par la neuvième et lu dixième notes '. <i l'éclat à son règne , ordonna à Pherekydes de
Cl Enfin, se trouvait aussi à Ephyre Lasus, fils
<i préparer une grande fête en l'honneur de la
u d'Eupolis, le même qui fut appelé Hermionien par i< musique (MOT^LlKA)- Or, Pherekydes obéit; des
<c le roi Télestes. Or , Lasus avait écrit beaucoup <i messagers furent envoyés dans les Hellas et dans
Il le Péloponèse ,
pour inviter tous les artistes re-
(i) Il y aurait ici une multitude d'observations à faire sur le lexlc
ques, ne fut mise en usage en Gièce que plusieurs siècles après l'épo- « les concours de musique (AF « NES MOTZIKOI),
que décrite par Lasus , s'il faut en croire la plupart des écrivains, el
Il prirent part à la fête. »
parliculièreineiit Athénée (lib. iv et xrv.)
Je viens reprendre ma correspondance interrompue dans l'obligation de l'apprendre. Ce n'est pas d'aujour-
depuis quelques seiiiHines. Je tûcherai que mes lettres d'hui qu'un pareil état de choses subsiste avec toutes
car je serai peut-être obligé d'être quelquefois en dis- produire et de les étendre : on entend des inégalités de
sentiment avec mon correspondant, mais de cela je lui registre, des détonations des voix venant de la gorge,
;
témoigne d'avance un regret bien sincère ; je veux bien du nez; des voix sourdes, parce que ces maîtres exigent
ne pas répliquer, mais non faire le sacrifice de ma con- que l'écolier exécute avec la voix ce qu'ils f^nt sur leur
viction : il est un point cependant qui mérite une expli- instrument, soit clavecin, violon ou violoncelle. » J'ai
cation, elle sera courte. Ma mélhode , a dit M. de G., eu occasion , moi-même , d'entendre dire à un profes-
gravée à ta fin de 1826, a paru., Je crois , avant celle de seur, assez en réputation et qui ne manque pas de ta-
Garcia, dont je ne connaissais pas une ligne. lent : K Un avantage très grand que j"ai sur les autres
Je trouve à page 764 du Journal de l'imprimerie
la maîtres, c'est que je n'ai jamais su chanter, ce qui fait
Garaudé appelle la méthode de Garcia. D'une autre part L'art du chant n'est pourtant pas chose si aisée. L'his-
j'ouvre la méthode complète dédiée d Cl. Coreldi, et je lis toire de la musique ne cite qu'un seul grand chanteur.
à la page i3 bis de l'avis préliminaire fai l'amertume
:
Garât, dont les études n'ont pas été longues et péni-
de lire dans laGazette officielle de Milan,duS fevr.\&2&... bles. Dans les choses d'exécution rien ne saurait rem-
Ah! M. de G., méfiez-vous des bibliographes. — Mais placer Le gosier est comme les doigts, dont
le travail.
en voila assez sur celte trop longue discussion. on ne peut bien se rendre maître qu'après les avoir
Pour dire, même d'une manière succiucte, ce qu'étiiit beaucoup exercés. Tout ce qui est de mécanisme ne peut
le chantdans les anciennes écoles un gros
d'Italie, c'est être enseigné que par des praticiens; il y a certaine-
livre qu'il faudrait faire et non quelques colonnes de ment quelques exceptions, mais elles sont si rares qu'el-
journal; aussi n'ai-je pas la prétention de montrer dans les coaûrment encore ce que j'avance. Presque tous
ces lettres quels furent la naissance, les progrès et la les grands maîtres furent de grands chanteurs ; au reste
décadence de cet art, de rechercher par quels points se ceci est d'une vérité banale dans l'enseignement des
ressemblait la méthode des grands maîtres, ei quelles instrumens, et la voix n'est que le plus beau et le plus
différences génie de chacun y avait apportées: je dois
le difficile de tous.
me borner à quelques notions générales sur l'enseigne- Les Italiens ont un proverbe fort juste, qui dit: pour
ment. chanter il faut cent choses, et la voix doit iMre comptée
11 en est de l'art du chant comme de la médecine. pour quatre-vingt dix-neuf; quelques personnes ont
Les choses les plus difficiles sont précisément celles conclu de là qu'il suffisait d'avoir une belle voix, mais
que tout le monde prétend savoir. Il n'y a pas de bonne jamais leurs noms ne i'urent inscrits dans les fastes mu-
femme qui ne possède un remède pour chaque maladie, sicaux. Les maîtres italiens entendaient par ces quatre-
de même qu'il n'est pas de croque-note si ignorant qui vingt-dix-neuf choses l'élude longue et constante à la-
au besoin ne se dise professeur de chant. Un maître de quelle il faut soumettre la voix, et c'est ce que Ginguené
hautbois ou de corse moqueraitde vous, si vous lui de- appelle si heureusement le corps de l'art, u La véritable
mandiez des leçons de violon ou de clarinette; mais richesse du chant, dit un écrivain (Encyclopédie au
frappez à la porte du premier arliste venu, pourvu qu'il mot Chant), est la justesse et la rondeur des sons, l'é-
166 REVUE MUSICALE.
tendue naturelle ou ailificielle de la voix, l'ait de la core en être qu'aux élémens, fut bien surpris quand le
renforcer et de l'adoucir à volonlé; celui de la l'aire sor- maître lui dit : «Va, mon fils , tu n'as plus rien à ap-
tir pure, large, pleine et dégagée de toute influence prendre; tu es le premier chanteur de l'Italie et du
gutturale et nasale; celui de ménager l'haleine, de la «monde. » Il disait vrai, car ce chanteur était Caffa-
prolonger au-delà de sa durée ordinaire , et de la re- relli. »
prendre imperceptiblement; celui de lier les sons entre J'avoue que je ne comprends pas les artistes s'inti-
eux, de les enfler et de les diminuer par degrés insensi- tulanl chanteurs ou maîtres de chant, et qui n'ont vu
bles; celui de' passer avec adresse de la voix de poi- dans celte anecdote que la feuille de papier réglé et
trine à celle de tCle, et réciproquement, et de travailler n'ont pu se rendre comple d'immensité de choses qu'on
telleincnt les plus liants sons de la première et les plus pouvait indiquer avec quelques lignes de musique.
bas de la secor.de, qu'en se succédant ils paraissent de Certes je n'exagère pas en affirmant qu'il serait facile
la même force et du inêine volume : c'est ensuite une de remplir deux fois les huit pages de votre journal
belle articulation, une prononciation nette et distincte; avec la simple explication des mille et mille éludes dif-
c'est enfin une sorte de déclamation chantante dont la férentes qu'un chanteur peut faire sur une simple
source est dans l'ame, et qui donne à la musique ex- gamme diatonique. Je lâcherai dans une prochaine let-
pressive, de quelque caractère qu'elle soit, le genre tre , l'espace m'en empêchant aujourd'hui, d'indiquer
d'expressions qui lui convient. « comment on doit entendre cette simple feuille et com-
Les maîtres modernes reconnaissent bien aussi que ment est (lossiblc de mettre tout un cours de chant de
il
c'est li le bon et véritable chant, mais la roule qu'ils six années en quatre pages.
font suivre à l'élève, et qui consiste presque dès le dé- Mais avant d'aller plus loin, je dois consigner ici une
but à faire dire des vocalises ou des airs n'est guère observation qui s'applique ù tout ce que j'ai dit, coiïime
propre à leur faire atteindre ce but. C'est ici le cas de à tout ce que je dirai, afin qu'il ne reste plus d'ambi-
citer pour la centième fois l'anecdote sur Caffarelli et guité dans le sens de mes paroles lorsqu'il m'arriverait
Porpora, regardée comme une fable par les uns, comme d'écrire encore ces mots art du chant.
une simple singularité par d"autres, et qui, dans le fait, Je crois qu'il est assez généralement convenu au-
n'est pour ainsi dire qu'un résumé Je la marche suivie jourd'hui que la musique est une langue sui generis, et
dans renseignement du chant par les grands maîtres non point une espèce d'accentuation ajoutée au dis-
d'Italie. Je la transcris, monsieur, telle que vous l'a- cours. Je ne veux pas faire un axiome avec mes pro-
vez rapportée dans votre excellent ouvrage : I^aMiisi/iuc pres opinions; ainsi, en cas de contradiction, je garde
mise à ta portée de tout le monde, ehap. XV, p. 2^ i : mon explication comme mienne, n'en voulant charger
« Porpora, l'im des plus illustres maîtres de l'Italie, la conscience de personne. En admettant donc que la
prend en amitié un jeune casirato son élève. Il lui de- musique soit une langue, le chant me semble la parole
mande s'il se sent le courage de suivre constanim.jnt la de cette langue, ou, si vous l'aimez mieux , le moyen
roule qu'il va lui tracer, quelque ennuyeuse qu'elle méc^inique d'en exprimer le sens; et comme dans toutes
puisse lui paraître. Sur sa réponse affirmative, il noie les langues du monde l'art de la diction , ou accentua-
sur une feuille de papier réglé les gammes diatoniques lion , ou déclamation, appelez cela comme vous vou-
et chromatiques , ascendantes et descendantes ,
les drez, est tout-à-fait distinct de la langue elle-même,
prendre à franchir les inîervalles et à porter le son ; des peut-être la plus importante de la musique, n'en est pas
trilles, des groupiics , des appogiatures , et des traits de moins une chose tout-à-fait distincte et séparée, qui
suivante y est encore consasrée. sonnes qui savent parfaitement que stdfier et chanter
et l'écolier; l'année
A la troisième , on ne parle pas de la changer : léiève sonl deux choses différentes; mais y a tant de gens
il
commence à murmurer; mais le maître lui rappelle la qui apprennent à solfier croyant apprendre à chanter,
promesse. La quatrième année s'écoule, la cinquième que je n'ai pu passer cela sous silence.
la suit, et toujours l'éternelle feuille. A la sixième on Le chant est un art à part qui a ses principes fixes,
d'articulation , de prononciation et enfin de déclama- arts; son but unique n'étant que d'exprimer la musi-
à la fin de cette année l'élève, qui oe croyait en- que, il est tout simple qu'il ensuive toutes les révolu-
tion;
REVUE MUSICALE. 1G7
lions. Comme la poésie, comme la sculpture et la pein- A l'Opéra comme i'i tout autre théâtre : l'administration
ture, il se compose de deux choses bien distinctes : la ne doit pas la négliger. Venons A l'analyse de l'opéra.
première et la plus élevée, le génie : c'est la nature qui Guillaume, jeune paysan bien sot et bien crédule,
la donne; l'élude procure la seconde, et sans celle-ci est fort amoureux de Térézine , fermière pleine de
le génie ne saurait parvenir à toute sa hauteur. Le me- finesse et de coquetterie, qui aime assez qu'on la cour-
nuisier de Nevers serait devenu sans doute un de nos tise, mais qui ne promet point de répondre i\ l'amour
plus grands poètes, si l'éducation première ne lui eût qu'on a pour elle. Térézine est riche ; Guillaume, simple
manqué; Garât, si le hasard avait voulu que Porpora valet de ferme, ne possède que trois pièces d'or, seul
fût son maître , se serait peut-être placé au niveau des ht'riiage de son père. Désespéré de ne pouvoir toucher
Ferri, des Farinelli, des Caffarelli, des Marches!, ou des lecœur de sa belle, ce pauvre Guillaume a recours à
Crcscentini ;
qui sait même s'il ne les eût pas dépassés. un charlatan pour en obtenir un Philtre qui le fasse
Ce serait folie de penser que je deman<le aux maîtiesde aimer. On pense bien que l'homme aux spécifiques ne
communiquer le génie, qu'eux-mêmes ne possèdent pas manque pas de celui-ci, et que la vue des trois pièces
toujours ; il est bien entendu que quand je parle de Vart d'or le décide à mettre notre amoureux en possession
du chant, c'est seulement de cette partie de l'art qui peut de ce trésor.Sa vertu est infaillible, et dès le lendemain
s'apprendre; je crois devoir y attacher une plus haute Guillaume doit en voir les effets : le charlatan a le pro-
importance qu'on ne le fait généralement. Avec une jet de s'éloigner le jour même. Certain d'être aimé dans
bonne école et des facultés ordinaires, je crois qu'on vingt-quatre heures,Guillaume, après avoirbu le flacon
peut être un bon chanteur: on ne saurait être un grand qui ne contient que du vin de Lachryma Christi, cesse
chanteur avec du génie seulement. de se désespérer, et prenant confiance en lui-même, af-
P. R. fecte un air d'indifférence auprès de sa maîtresse. Pi-
quée de ce changement, celle-ci se promet de s'en
venger et feint d'accorder sa main i Joli-Cœur, sergent
Nouvelles de Paris. recruteur plein de suffisance et beau-fils de régiment.
Le valet de ferme s'inquiète d'abord fort peu de ce ma-
riage projeté, parce qu'il ne doute point de la puissance
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE. de son philtre; mais cette liqueur précieuse ne doit
LE PHILTRE, avoir d'effet que le lendemain, et le sergent devient si
l'amour qu'il a pour elle, et se décide à combler tous cantatrice s'était fait remarquer par les qualités de son
ses vœux. Le cli;\rlalan ne quitte le village que comblé chant plutôt que par celles de son jeu; dans le Philtre
des bénédiiitions de Guillaume, dont la foi robuste dans ellene mantiue ni de finesse ni d'intelligence de la scène.
les secrets empyiiques vient encore de s'augmenter. Sa prononciation s'améliore, sa voix gagne du timbre,
Le fond de cet opéra est fort léger, mais il y a beau- et son goût se perfectionne chaque jour. Je dois cepen-
coup d'art dans la manière dont M. Scribe en a préparé dant l'avertir que deux ou trois notes sont quelquefois
les ressorts. Il fallait une grande expérience de la scène données par elle avec négligence, et qu'elles restent un
et beaucoup d'esprit pour tirer si bon parti d'un sujet peu au-dessous du ton : ces notes sont mi, fa diéze et
qui semblait ne devoir fournir qu'une scène ou deux. sol en haut ; le la et le si sont en général plus purs elplus
a été adaptée aux paroles par M. Auber. Dans presque vailler sérieusement ces notes.
tous les morceaux, il y a de jolies phrases qui sont La mise en scène du Philtre est fort soignée; on y
bien amenées, et qui indiquent une grande habitude trouve du mouvement, de l'effet et de la vérité. Les
des effets de la scène. Le ton général de l'ouvrage a du décorations de M. Ciceri sont jolies ; il y a au deuxième
naturel et de la franchise; le luxe de l'instrumentation, acte un fond qui représente une église de village et un
luxe nécessaire aujourd'hui , ne s'éloigne pas trop de la bout de campagne : l'effet en est très heureux. L'éclai-
simplicité du sujet; enOn, on ne peut nier que si le rage de M. Locatelli ajoute encore au mérite de la pein-
Philtre n'est pas le produit d'une inspiration forte et ture. Il me semble qu'il suffit de laisser les premiers
passionnée, celle partition est du moins le fruit d'un plans dans l'ombre pour que le fond soit aussi lumineitx
talent fort distingué. morceaux qui ont été
Parmi les qu'on le désire, et qu'il est inutile de plonger la salle
accueillis avec le plus de IJiveur, on remarque l'air dans l'obscurité pour arriver à ce résultat. C'est une
chanté par Dabadie : Je suis sergepl , la scène du char- observation que je soumets à M. Locatelli.
latan , où l'art des dispositions est poussé fort loin, et Les trois |)reii]ières représentations du Philtre ont
où il y a une péroraison cliarmanle , un duo chanté attiré beaucoup de niondeà l'Opéra : il est vraisemblable
par M"" Dorus et Adolphe Nourrit; la deuxième partie que celle de lundi sera aussi fort brillante, car M'"' Da-
du finale du premier acte, et surtout un morceau d'en- moreau y doit reprendre le rôle que son indisposition
semble du second, où les jeunes lilles entourent Guil- lui a fait abandonner à M"' Dorus. Le public qui aime ,
laume et veulent toutes le faire danser avec elles. Eu fort à faire des comparaisons, voudra juger
du mérite ici
résumé, la partition du Pliittrc me parait l'emporter sur relatif des deux cantatrices, dans un ouvrage nouveau.
celle du Dieu et la Dayadire, soit sous le rapport de la — Les représentations du Théâtie Allemand touchent
convenance à l'égard du sujet, soit sous celui de la à leur fin : la dernière sera donnée jeudi prochain, 3o
proportion des morceaux et de leur effet. de ce mois. Mardi dernier, le premier acte de Don
L'exécution soignée du nouvel opéra a beaucoup Juan et le deuxième de Fidetio ont été joués au bénéfice
contribué à son brillant succès. Nourrit est aussi bon de Ilaitzinger :il y avait moins de monde à cette repré-
acteur que chanteur distingué dans le rôle de Guil- sentation qu'on aurait dû l'espérer d'après la composi-
laume : il en a saisi à merveille l'esprit de bêtise. Dans tion du spectacle et le mérite du bénéficiaire. A l'ex-
la scène où il s'enivre en croyant boire son philtre ception du premier duo chanté par Haitïinger et Mme
amoureux, il est excellent. Levasscur est aussi fort Schrœder-Devrient , de la grande scène de cette canta-
bien placé dans le personnage du charlatan. Non-seule- trice et du finale, l'exécution n'a pas été fort bonne;
ment il y fait briller sa belle voix et ses rares qualités de l'orchestre a fait preuve pendant presque toute la re-
HISTOIRE DE LA IHUSIQUE. coinine ayant vécu environ 55o ans avant J.--C., e
Thamyras , ou , comme le notnme le savant Herrman ,
Dérouvertes d'anciennes tabielles î^recques relatives à la musique,
dont la date remonte à 709 ans avant l'ère nhrclicnne, par M. le
Ihamyris, mentionné par Homère. Ces documcns
est
professeur J.-G. MuRnARD, deBeilin. aultientiques ne peuvent-ils pas donner plus de force à
i'opmion nouvellement émise qu'Homère n'a jamais
e.xisté, et que les ouvrages qui lui sont attribués ont
" Or, bientôt vinrent Terpandred'Antissa*, Iby-
été composés beaucoup plus tard, ou du inoins, en
V kos tic Pihegimn Kyp.siles de iMilra et Thamyras , ,
admellant l'existence d'Homère, ne peut-on pas suppo-
« de ïhrace. Ils arrivèrent à Ephyre pour assister à ser qu'il a écrit ses poèmes seulement dans le septième
« la fête. Terpandre était l'inventeur du Barbiton' siècle avant J.-C? de plus, Terpandre
si fut l'inven-
B et des nouvcau.\ signes de notation ; Ibykos , celui teur de la notation, ce ne fut donc pas Pyihagore*? Le
a de la Sambuque *
, et Thamyras du mode Dryo- mode Drynpien, mètne que le mode Dorien, car
est le
Ici , nos idées chronologiques sont encore renver- a Quand ils furent tous rassemblés, la ville ne put
sées; car, Ibykos de Rliegium a été considéré jusqu'ici « contenir cette multitude , car il y avait là des gens
K de toutes les contrées. Or , Télestes ordonna au
(j) Voyez la Hevne musicale, an V, u° 2-1 , p. 161. « peuple de se répandre dans les montagnes il :
viron 640 ans avant J.-C. Cependant d'autres écrivains le font vivre « dans les montagnes au Dieu qui guide les cour-
dans des temps plus anciens et même antérieurement aux olympiades. « siers ; ensuite les jeux Isthmiens furent répétés
du rédacteur.
(^Note ) « cette année : TOTTO. TAP. EAAH^nONïOY.
(3} Le Bavh'uoa, sorte de harpe à cordes obliques, fut inventé jiar
Anaeréon (Aihénéc, lib. iv) et non par Terpandre qui vivait a\ant ce
« .... AKOTE:seAI. ONOMA.
poète. Tous les auteurs de l'antiquité sont d'accord sur ce l'ail.
Le peuple alla dans les montagnes : Par ces montagnes
[Note du rédacteur. )
on doit probablpincnt comprendre la suite de collines
(4) Jubas , cilc par Athénée (lib, iv) dit, dans le quatrième livre
qui traverse l'Isthme entre la Morée et le continent. Car
de son Histoire des Tltécilrcs, que la SamlnirpLC fut inventée par les
il est expressément dit que le peuple sacrifiait au dieu
Syriens , et cela est conforme à l'origine de tous ces instrumeiis qui
appartenaient au genre de la harpe , et qui venaient évidemment do qui guide les coursiers (Neptune), et que les jeux Islh-
accorder ce fait avec le texte de la tablette qui fait remonter celui-ci plus anciens, comme l'a prouvé M. Pernc. On peut consulter là-dessus
à plus de cent ans avant la 33" olympiade.' le beau travail de ce savant dans la Revue musicale, tome 3, 4, ït, 6,
miens furent renouvelas. Maintenant il est bien connu qui ne pouvaient être changés, ou qui appartenaient
que les jeux Isthmiens en l'honneur de Neptune prirent aux rites et ne pouvaient être omis: car vofto? signiûe
naissance dans ce lieu. Les mots grecs ci-dessus cités loi. Selon Claude Ptolémée ( lib. III, c. iv, § ii), le
offrent une lacune que je suis hors d'élat de remplir. terme vo//o,- était employé par les Grecs pour signifier
un hymne à Apollon. Boèce, loulelbis, pense que l'éty-
« Or, Tclcsles fit élever un amphithéâtre clans
mologie de ce mot vient de ce que dans les temps an-
« une prairie près de la ville pour les ainuseniens
ciens, et avant l'invention de l'écriture , les lois étaient
« du soir. 11 était fort spacieux et pouvait contenir
mises en musique et chantées par le peuple, afin qu'el-
« plusieurs milliers d'honime-.. Les filles et les 1cm-
les fussent imprimées dans sa mémoire avec plus de
« mes étaient assises sur le Kaihedras. force; mais au temps de Télesles , cet u^age ne pou-
Lorsque Pherekyiles eut aiTang;c toutes choses
n
vait plus exister, car l'art de l'écriture était bien connu.
« connue cela lui avait été commandé, le peuple se D'ailleurs, les prêtres dont il est question dans le texte
« hâta de prendre place ; la l'ète commença et dura ne peuvent avoir rien chanté qui fût relatif aux lois.
« huit jours entiers. »
« Le jour suivant, les acteurs, les danseurs, elles
D'apris ce passage, on ne peut continuer à soutenir Il joueurs de fliilc et de cylharc représentèrent une
que les femmes n'assistaient point aux spectacles des « tragédie. Le sujet était celui de Thésée, suivant
anciens; mais en même temps, il est évident qu'elles n l'ordre que Télestes l'Héraclide en avait donné.
étaient séparées des hommes. Il paraît qu'une j^ace
« On y voyait une grande magnificence dans les
nommée KatUedras leur était réservée ; on peut même < costumes et dans les images qui éiaicnl rangées en
supposer que ce lieu n'était pas renfermé dans l'amphi-
théâtre, car
" ce lieu. Or, pour l'exécution des strophes, Damon
il aurait dû être dans ce cas d'une étendue
prodigieuse. Toutefois
" de Cyrène avait inventé de nouveaux modes à
il est possible que les femmes des
plus hautes classes y fussent seules admises. " l'usage des joueurs de flûte , et Rallias d'Ephyre
( en avait fait de même) à l'égard des anlistrophes
Il
« Bientôt la fête commença comme il suit : Le « pour les joueurs de cythare. La partie qui devait
« premier jour les danseurs Hymetiiens dansèrent,
n être récitée par les chorages fut ensuite chantée
« et les prêtres chantèrent les nomes; car la fête
" dans le mode Phrygien , après que les joueurs de
« était religieuse. »
<i flûte et de cythare eurent fait d'abord entendre le
Ce peu de lignes fourniraient la matière d'un volume Il prélude; et ceci était une nouvelle inventiun de
entier; et môme un volume entier ne suflirait pas pour Il Lasus, fils d'Eupolis*. Or, Phcrekydes vivait dans
résoudre les doutes qu'elles firent naître. Qui pourrait Cl une grande inimitié avec Damon de Cyrène car ;
expliquer ce qu'on a voulu dire par les danseurs Hymet- « l'un était envieux de l'autre, et tous deux étaient
tiens? On connaît le miel du mont Hymeltc; on sait
" célèbres. Peudantque les joueurs de flûtes accom-
pourquoi il éuit ainsi nommé. Si les danseurs Hymet-
" pagnaientles strophes , Pherekydes flattait le peu-
iiens étaient des danseurs du mont Hymelle , on peut
« pie , et le peuple siffla avec des petits sifflets. Alors
alors remarquer, d'après de judicieuses observations,
que habitans des montagnes sont toujours les meil-
les
« Damon de Cyrène s'éloigna et pleura. »
leurs danseurs. Mais n'est-il pas plus naturel de croire Ce passage aurait encore grand besoin d'eclaircisse-
que les danses dont il est ici question étaient d'un genre
religieux, puisqu'il est bien
connu que Jupiter avait le Buretlc sur ia musique des anciens, et dans une mullilude d'autres
surnom à'Hymeltien? D'après cela on peut aisément ouvrages, l'explication fort claire de ce qu'il faut entendic par Nomes.
supposer que les personnes attachées à ce rile religieux ( Note du rédacteur,)
étaient appelées Hymettiennes. (S) Je reviens encore à Lasus d'Herraione. Hérodote, qui naquit
dans la qualriènie année de la 75" olymp. (484 ans av. J.-C. ) dit que
Il est à remarquer dans ce passage du texte qu'il
ce musicien fit chasser le poète Onomacrilc d'Athènes par Hippar-
semble y être question d'une espèce d'introduction à la
(jrie , fils de l'islslrale : comment serait-il possible que cet historien a*
fête. Les prêtres clianUrent Us -joum après beaucoup de :
fùl trompé sur un événement qui avait dû se passer moins de cin-
recherches, je n'ai point hasardé de traduction de ce quante ans avant sa naissance, et qu'il se fût trompé de près de deux
mot'. Il signifie évidemment certains chants religieux cents ans sur le temps où vécut Lasus.' I^Vojrez Hérodote, lib. v«,
sect. 6. )
(l) Le savant professeur aiirsit pu trouver dans les mémoires de 11 {Note du rédacteur.)
REVUE MUSICALE. 171
mens. Lasus parle de la splendeur des images em- « Télsstes fit présenter à la divine chanteuse une
ployées i celte représentation de la tragédie ; mais il ne n superbe parure de bijoux, connne un don. Car
parle pas de décorations; nu peut-on pas en conclure que « rien de semblable n'avait été entendu jusqu'alors.»
j>ar images on entendait décorations ? Combien il serait
J'ai déjà donné mon opinion sur les notes Hypo-
i'i désiier que notre savant Bcettingcr fît des recherches
mixolydien et Hypopolamon; il est vrai que Lasus re-
sur ce point intéressant ! Cet excellent aichéologue a
marque deux fois que l'Hypopotatnon n'avait jamais
déjà éclairci celle matière dans son ouvrage intitulé :
« chœurs consistaient en hommes, en jeunes gens « perfectionné cet instrument. 11 tendit quatre cor
,
«Tiresias, chanta l'Hypopotamon, lequel n'avait <i avec une baguette polie : mais les cordes résonnè-
1 jamais été entendu auparavant, car cette note est <c renl avec tant de force ,
que le peuple poussa des
« cinq tons plus haut que l'Hyperboléion. Et tout le
Il cris de joie. »
« peuple battit des mains , tant était grande la joie Nous allons voir ici quelle était la nature des concours
« qui régnaitdans le cœur de tous les auditeurs. Or, musicaux des Grecs. L'existence de semblables con-
cours est une preuve que les anciens Grecs avaient une
(1) De Mino Aureo, édit, Ruhnkin, cum not, vario. J78G, lib. rx, musique plus cultivée que nos écrivains sur la musique
cap. C. ne l'ont pensé jusqu'ici. Un concert auquel un peuple
172 REVUE MUSICALE.
tout entier participe est assurément beaucoup plus im- « tous les compétiteurs , et Télestcs l'Héraclide fut;
portant que nos soirées musicales, qui paraissent souvent a obligé de distribuer beaucoup d'or qu'il tira de
ptre moins consacrées i la musique qu'i\ la conversation n ses coffres. »
et aux rafraîchissemens du soir.
Je n'ai pas osé m'avcnluier à traduire les noms Sam-
Le vainqueur était récompensé par une branche de
buque et Darbiton.W estévidcnt, d'après ce passage, que
pin; pourquoi n'cst-il pas question de laurier? Strabon
ces deux noms ne désignent pas le même instrument,
et Euclide sont trop minutieux sur ce point pour laisser
comme on l'avait pensé autrefois. Krotales a été habi-
l'ombre d'un doute sur ce fait, que le laurier était l'ar-
tuellement traduit par plcclrum; quelle indignité de
bre destiné à couronner le front des vainqueurs dans le
supposer que les anciens, ces modèles du beau en tout
concours de musique. Vi-aisemblabicment, dans le Pélo-
genre, aient classé le plecirum parmi leurs instrumens
ponèse et sur l'Isilime, le pin était substitué au laurier,
de musique! Qu'aurait dit Tiotli si son archet avait été
car Hérodote dit que dans les jeux Isthmiens le front
pris pour son Crémone'? Il est bien évident que ce ne
des vainqueurs était couronné avec une branche de pin.
pouvait être un plectre , car celui-ci, au lieu de servir à
L'Epigone, d'après l'explication que nous venons de
frapper un autre instrument, aurait été frappé lui-même.
voir, ressemblait à notre violon ou à noire violoncelle,
Pour prendre place dans un concours musical, le krotale
l'hcrckydes devait posséder un bien beau talent, puis-
doit avoir été un instrument de premier ordre: c'était
qu'avcc un instrument aussi imparfait que celui-ci
peut- être un instrument à sonnerie, une espèce de ca-
semble l'avoir été d'après la description donnée, il pou-
rillon. Il est à regretter qu'Aristoxène ne donne aucun
vait exciter le ravissement de la multitude'!
détail sur cet instrument dans la description des instru-
« Sur celaDaraon de Cyrcne concourut pour le mens des anciens.
« prix ; il chanta avec ses élèves dans le nouveau » Or, quaiid le cinquième jour fut arrivé, un
« mode Dryopien, et le peuple répandit des larmes. " beaucoup plus grand nombre de personnes se ra.s-
« Mais quand Kypsiles toucha les cordes (de sa lyre), I sembla. Ce cinquième jour était le plus beau et le
« la joie revint dans tous les cœurs. Après cela îhy- II plus remarquable de toute la fête , car Pherekydes,
" kos de Rhegium chanta sur la Sambuque, et Thad- « le batteur de mesure, avait inventé une nouvelle
« mis le Phénicien frappa avec un grand art les
, ,
ti méthode pour jouer toutes les flûtes et les cythares
« Krotales. A la fin arriva Terpandre d'Aiitisse: il
Il ensemble. Or , tous ceux qui étaient habiles en
« joua le Barbiton d'une manière si parfaite que
,
M musique ,
qui pouvaient jouer de la flûte ou de la
« tout le peuple frappa des mains en poussant des Il cythare , s'étaient rassemblés jjour concerter tous
« cris de joie. Alors , quand les arbitres furent con- Il ensemble, d'après la nouvelle méthode, et ils
« suites, ils décernèrent , à l'unanimité, le prix à
nombre de Après que
Il étaient au huil cents. le
laillcnom de son inventeur, qui était originaire d'Ambracic cl qui il guettes blanches. Ils se tinrent debout en face du
fui reçu citoyen de .Sycione. AfistoxcDc parle de ccl Epigone (p. 5, u matin , du midi du , soir et de la nuit ( des quatre
édit. Meibom.) ; or, cet homme êlait ne long-lemps api'ès l'épcfjuc Il côtés de l'amphithéâtre ). Pherekvdes se plaça lui-
dont il s'agit. D'ailleurs, on sait le jugement sévère des liphorcs
« même au centre , sur un siège élevé , agitant une
qui tirent retrancher à la lyre de Terpandre les deirx cordes qu'il
Il baguette dorée, et les joueurs de flûtes et de cy-
avait ajoutées à la lyre ; s'il y avait eu en Grèce de son temps ies
insiruniens à quarante cordes, cumiueul se ferail-il qu'on n'eût point a thares se rangèrent eu cercle autour de lui. Dè«
Toulii souffrir qu'il se servit d'une lyre qui n'en aurait eu que scpl.' 11 que Pherekydes, avec sa baguette dorée, eut
On ne peut douter cependant que ce ne soit eu effet Tcrpandjc qui Il donné le signal , tous les musiciens commencèrent
a porte à sept le nombre des cordes de la lyre ; lui-même le fait en-
Il à la fois, de sorte que la musique résonna au loin ,
tendre dans deux vers qui ont été conservés par Huclide [IntroHuct.
Quant à
II mémejusqu'àlamer, et Pherekydes l'avait arrari-
Iiarm. p. 19. éJil. 3!cibom.) et par Strabon (lib. 13). la res-
que cela veut dire. Il n'y a jamais eu d'insirument à archet chez les (2) Le Kiotolon était un instrument de percussion : cela est prouvé
anciens ; on peut voir là dessus une dissertation dans le troisième vo- par tous les textes anciens ;
que signifie tout ce que; dit ici M. Mor-
lume de h Rei-iie musicale (p. lOô). hard.»
« gée de manière que les sons dijfércns les uns des celui de cythare tous les instrumens à cordes. Lasiis
« autres se réunirent de telle sorte qu'ils produisirent range parmi les flûtes le cor et le salpinx ou trompette.
>i une harmonie. ' » Pourquoi ne supposerait-on pas que, sous les termes
de Lydienne, Dryopienne et Phrygienne, on comprenait
Ce texte n'a pas besoin de commentaire. Qui voudrait
notre flûte ordinal re,rélégiaquec/ia/cm(e, et la clarinette^'.'
maintenant continuer à disputer aux Grecs la lecture
Chez nous mêmes, tous ces instrumens ne sont-ils
delà musique instrumentale et la connaissance de l'har-
pas considérés comme du même genre! Je sais
étant
monie? Il faudrait pour cela commencer par nier l'au-
bien que selon les écrivains modernes, !e mot Bombyx
thenticité du monument que nous avons sous les yeux.
signifie l'ancienne chalémie ; mais comment se faisait-il
Il y est établi pour la première fois, en termes clairs et
que quelques siècles avant l'époque actuelle, la bom-
précis, que l'harmonie était produite par laconsonnance
barde était désignée par le même nom? Gaspar Bartoli-
des divers sons. Eh! quel orchestre que celui d'Ephyre!
nus, dans son savant traité de Tibiis veterum, chap. 6,
Nous voyons que les Grecs connaissaient les effets d'une
décrit le bombyx comme un grand instrument de
musique forte et considérable, et que Pherekydes était
bois courbé dans la forme d'un ver, avec cette remar-
un directeur de musique expérimenté, puisqu'il n'em-
que, que ce nom de bombyx (ver à soie) était dérivé de
ployait pas plus de quatre sous-directeurs pour conduire
sa forme. D'après cela il paraît probable que le bombyx
huit cents musiciens. Il montrait un grand jugement en
des anciens n'était autre chose que notre serpent. Lasus
les rangeant en cercle autour de lui; de cette manière
paraît comprendre sous le nom de cythare tous les in-
la totalité de la dernière ligne de ce grand orchestre
strumens quiavaient des cordes; mais je serais entraîné
était à une égale distance de lui.
trop loin de mon sujet si je voulais décrire en particu-
«Or, cette musique était bien combinée, car lier tous les instrumens à cordes des anciens. Meibomius
« quand toutes les flûtes et les cylhares avaient joué a traité ce sujet avec un soin minutieux'.
« ensemble, les flûtes jouaient seules et ensuite les Je ne peux toutefoispasser outre sans oberver qu'il est
« cylhares alternativement. Pendant tout. le temps impossible que le simicon ait eu trente-cinq cordes,
u de l'exécution, le Rylhmagos frappait et levait ainsi que l'établit Roch dans son Musicalische Les:icon,
« avec son bâton ; de là viennent les termes arsis et car il n'aurait pas été possible de le jouer avec un ar-
<i thesis. Pour la conclusion, tous les musiciens chet. Le simicon des Grecs doit avoir été une espèce de
o Trigone , le Phorminx , la Lyre , la Magrepha , le lumeul impossible que des flûtes Lydiennes et Phrygiennes aient été
« Pektis, le Chelis, l'Epigone et le Simicon. Le Si- jouées ensemble , car elles étaient dans des tons différens , et ne pou-
avec un archet.
vaient être jouées qne dans ces tons. On peut voir sur ce sujet un
« micon était joué Ici on jouait aussi
travail complet dans le sixième volume de la Revue mus'/cate. A l'é-
« les Krotales , le Tympanon et le Sistre. Les Rylh-
gard de l'union de la Sambuque, des Trigones et de l'Epigone, avec les
« magos battaient avec leurs baguettes dans un mou- lyres, on peut consulter les notes précédentes et un article sur les
« veinent égal, de sorte que tous {ces instrumens) instrumens à cordes des Grecs inséré dans le neuvième volume de la
a pouvaient aller ensemble. » Revue musicale. Pour le Simicon et son archet , encore une fois i! l'.iu-
composer en unissant les instrumens à cordes et à vent 1552, tom. vit, lib. 4, cap 6. (Il est assez singulier que M. Mur-
est des plus anciens. Il paraît évident, d'après le pas hard cite le septième volume d'une collection qui n'en a que deux, cl
sage qu'on vie-ut de lire, que sous le nom générique Je qu'il n'en sache pas le titre. Aucun de ces livres grecs traduits et com-
flûte, on comprenait tous les instrumens à vent, et sous mentés n'est divisé par chapitres; enfin Meibomius n'a point traité des
instrumens dans ses notes. Que faut-il penser d'une pareille citatioai'}
(l) Voici certes un passage d'une haute importance! les termes en Nous terminons ici ces notes déjà trop nombreuses, quoiqu'il y eut
sont positifs. Mais il faudrait voir le texte. des volumes à faire sur tout le reste, car tout cela est inexplicable.
{IVole du rédacteur.) (Note du rédacteur^
174 REVUE MUSICALE.
cet instniment, qui était employé par les Hébreux dans élait-ce un dieu déguisé! Peut-être Lasus avait-il une
leurs cérémonies religieuses, élnit un instrument à yent? vue plus prol'onde dans ce passage; car nous voyons
sou élymologie même indique une origine hébraïque. immédialement que ce présent apporté par le jeune
Nous venons de voir que les Grecs connaissaient la homme était la basse fondamentale. Maintenant, si la
mesure. Lasus ne pouvait pas à cet égard s'exprimer mélodie et l'harmonie ne sont rien sans la basse fon-
plus clairement qu'il ne l'a fait dans le passage ci-dessus. damentale , si elle tire sa valeur et son caractère
Nous y trouvons une exacte déQnilion des termes d'elle seule, la basse fondamentale n'cst-elle pas en
Arsiset Tliesis. Rousseau, dans son Dlclionnaire de Mu- réalité l'anie , le principe vivant de la musique, et n'é-
sique, à l'article Battre la mesure, remarque Irèsfausse- tait-ce pas vraiment une idée grec(]ue de s'efforcer de
mentqueles Grecs indiquaient la partie accentuée de la prouver qu'elle avait une origine divine? Il est évident
mesure en levant la main, et l'autre partie par un mou- que l'instrument de Korinthos ne pouvait être que le
vcment de tête; il ajoute que Scarlatli se servait de conlrc-basson, car cet instrument ressemble à une co-
cette méthode de marquer la mesure. Quant à moi, lonne creuse, et son tuyau de métal peut, sans un grand
j'avoue franchement que je ne puis comprendre ce que effort d'imagination, être comparé l'i un chapiteau. Si
Rousseau a voulu dire'. l'inslrumentde Korinthos était d'une grandeur et d'une
épaisseur peu communes, cette comparaison élait encore
Or, quand ce nouveau mode d'exécution fut
<i
« cythares, et qu'il en jouait en maître. Or , Korin- plus bas, le la de trente-deux pieds. Ici se trouve une
« thos appela sa flûte KUMOPA, et elle ressemblait seconde lacune dans le texte.
« ilune petite colonne creuse. A sa partie supérieure « Le sixième et le septième jour la mu.sique de ,
n se trouvait une large ouverture dorée et la tète , « Pherekydes fut répétée car le peuple ne voulait ,
« l'ésonnanle était ornée d'une ciselure en or qui <( entendre que cela, et il jeta au jeune homme des
<i l'ormaitcomme le chapiteau d'une colonne. Quand a couronnes de fleurs et Korinthos sur cela dispa-,
« Korinthos eut embouché son instrument , il ré- <c Pomora dans Ephyre.
rut et laissa son
.. sonna d'une manière inconnue et forte ,
comme « Après cela Télestes l'Héraclide donna aux
, co-
« lorsque la mer vient battre sur les côtes ;
il joua « lonnes de son palais la forme du Pomora et , or-
« danslamanicre dePherekydesetil résonna comme « donna qu'elles fussent appelées d'après le jeune ,
«TPJ. AF-VOEIN. et Korinthos appela les sons « honnne Colonnes Corinlhiennes et cela a toujours
, ,
« graves que faisait entendre sa nouvelle invention été ainsi depuis ce temps. »
du peuple: aussitôt on se persuade que la main des dieux « Le huitème jour, les danseurs Hymettiens dansè-
est visible dans cet événement , et
peut-être même « rent comme au commencement de la fête, et les
( Note du rédacteur. )
« le peuple demeura encore long-temps à Ephyre
KEVUE MUSICALE.
o jusqu'à ce qu'à la fin il se dispersa de lui-même. » soin et de chaleur qu'on n'en avait remarqué dans les
<i Ainsi fut la fèie musicale à Ephyre dans , la troi- soirées précédentes. L'air charmant du même opéra ,
II sième année de la qualrième olympiade, sous le fort bien chanté par Haitzinger, a fait beaucoup de plai-
comme vérités deviendrait susceptible d'une toute autre couleur locale de ce chœur dé bohémiens est fort re-
sans mon désir d'éviter d'affliger Garcia) me faisait comme actrice, Mme Schrœder-Devrient a joué et
espérer la un d'une discussion aussi oiseuse pour vos chanté son rôle d'Euriani/ie de manière à exciter le
lecteurs. Mais M. P. R. veut absolument que j'aie pillé plus vif enthousiasme parmi les spectateurs. Malgré
Us exercices pou?- la voix de son ami, et il dit «qu'ils ont l'heure avancée , cet enthousiasme fut tel, qu'on rede-
1 paru en décembre 1824, et ini Méthode en février manda à grands cris une partie du finale du premier
.1 1826. » acte. Eiirianthe est maintenant considérée par les habi-
Puisque des dates forment sa conviction sur un point tués du Thérure Allemand comme une des meilleures
aussi invraisemblable, je lui affirmerai que, depuis le productions du génie de Weber.
mois d'avril i824i"^qi''''l3 fin de 1820, j'ai constamment Jeudi dernier une représentation a été donnée au bé-
habité l'Italie. Réduit à la seule lecture de la Gazette de néfice des choristes de ce théâtre : elle était composée
France, je n'ai pu certes deviner que Garcia avait publié d'un concert et de Don Juan. La partie la plus curieuse
un petit ouvrage sur l'art du chant : ce que je n'ai appris du concert fut un duo italien chanté par Mme Schrœ-
qu'en 1826. D'ailleurs, c'est de Venise que j'envoyais der-Devrient et par Bordogni. Pour tous ceux qui con-
mon manuscrit, et sa gravure était presque terminée naissent Mme Devrient, il était évident que ce morceau
lors de mon retour à Paris. Outre l'impossibilité réelle avait été étudié par elle avec Bordogni, car la plupart
3'un plagiat qui n'eût été qu'une maladresse fort inu- des oruemens qu'elle y avait introduits étaient dans la
tile, il faut que M. P. R. connaisse bien peu mon ca- manière de ce chanteur; cette condescendance de sa
ractère pour en laisser percer le plus léger soupçon! part ne lui a, point réussi. Rien de plus timide, je di-
Agréez, etc. rais presque de plus maladroit, que son exécution dans
A. DE Gabaudé. ces choses qui sont absolument étrangères à sa manière
de sentir. Telle était la métamorphose qui s'était opérée
dans son talent, qu'elle avait perdu toute sa chaleur ac-
coutumée, et que Bordogni semblait un volcan par
Nouvelles de Paris.
comparaison. En revoyant Mme Schiœder-Devrient
Les dernières représentations du Théâtre Allemand dans Don Juan, il était difficile de se persuader que
ont été les plus brillantes de celte saison. Pour le béné- c'était la même cantatrice qu'on venait d'entendre dans
fice de Mme Schrœder-Devrient on y a' donné Eurian- ce malheureux duo. Cet opéra a été exécuté avec plus
ihe, précédé d'un concert: cette soirée fut une des plus de soin et de fini que dans la représentation au bénéfice
satisfaisantes sous le rapport de l'exécution. L'ouverture de Haitzinger.
de la Flûte encUantée avait été choisie pour l'introduc- — Un concert doit être donné dimanche, 5 de ce
tion du concert : l'orchestre l'a rendue avec plus de mois, dans la grande salle du Conservatoire de musique,
17f> REVUE MUSICALE.
an bénéfice des Polonais. On y entendra Haitzinger, les dernières années de son administration, ses perte»
distinguas. L'orchestre exécutera une symphonie d'un M"' Fodor, dont l'engagement avec le même entre-
jeune compositeur, nommé M. Ermel.et la symphonie preneur est terminé, se retire définitivement de la
en ut mineur de Beethoven. scène.
MDSIQUE BELIGIEDSE.
Nouvelles étrangères.
Messe solennelle à trois voix, choeurs et orchestre, dé-
diée à 1^1. le comte de Tournon , pair de France , par
Home. L'état de nos théâtres d'opéra est l'on languis-
dans ce FJizéar-Warie Jouve, élève du Conservatoire. Parti-
sant. Tant de l'amilles honorables sont frappées
tion, prix 50 fr., à Paris, chez Aulagnier, éditeur du
:
qu'elles ont de plus cher, tant d'inquiétude et de mé- musique, rue du Coq-Saint-Honoré, n. i3.
contentement régne dans la société, que les spectacles
Peu des jeunes musiciens se livrent maintenant à la
sont peu fréquentés, et qu'on prend peu d'intérêt ù ce
composition de la musique religieuse, parce que la dif-
qui s'y passe. D'ailleurs, nous n'avons ici que des chan- ficulté de faire exécuter de semblable musique est fort
teurs médiocres gui n'ont rien de ce qu'il faut
pour
gi'ande, et parce que ce genre ne leur présente aucun
exciter la curiosité du public. Pacini vient cependant
de
avantage, n'y ayant plus de chapelle dans aucune
donner un ouvrage nouveau au théâtre Falle : cet opéra grande ville de France il faut donc encourager ceux :
L'orchestre est toujours fort mauvais : la réputation — Un très beau violon de Stradivarius estimé 3,000 fr., qu'on lais-
des théâtres de Rome est faite sous ce rapport. Par ha- serait a bon marebé. (102)
sard, l'exécution des choeurs a été passable. — Harpe de Treumager, très belle et fort bien conservée,
péra représenté en dernier lieu au théâtre de la. Canob- — Une basse d'Amati ,
grand modèle recoupé.
biana à Milan, sous le titre // diserlore Swhzero, est en- — Une au:re, sans nom d'auteur, fort bonne pour l'orch. (104)
gagé pour écrire l'opéra de la saison du Carnaval i85i- S'adres-er à I'Agexce oésérale de i,a musique , rue du Helder,
i852. n° 13.
— On annonce de Naples, que Barbaja ne renouvel-
lera pas son bail des théâtres royaux de cette ville. Dans IMPBIMIBIE rE E. DCVEECEB, Et E DE VEBKECIt, N" 4-
REVUE MUSICALE,
V" AIVÎVÉE. PUBLIEE PAR M. FETIS. N- 23.
Gondtt. de l'Abonnem.
^ Division des matières:
Lîi Revue musicale paraît lo Samedi de chaque semaine.
3 MOIS. Littérature, Histoire, Poé-
G MOIS.
On s'abonne au I)ui'eai2 de l'AôEifcc générale de la muskjue tique de la musique. Théâ-
» Fr. IS fr.
et dt! la Revue musicaliÈ, rue du Helder, n° 13; tres lyriques, Concerts, Bio.
M. ScuLESiNGER, mafchand deniusique, rue de Richelieu, n" 97. graphie, Nécrologie , luven.
tiens nouvelles , Analyse
.. Or. paiera e.i..lis «Tr. 5o r. d'at Bulletin des Publications de
franchissement pour les départe-
PARIS, SAMEDI fe JUILLET 1851. la
son de l'avancement de la civilisation ; on en a des vaincu de l'utilité qu'on peut en retirer. Cependant,
exemples dans la multitude d'entreprises nouvelles encore une fois, il n'existe pas aujourd'hui un seul An--
qu'on voit naître chaque jour, et dont on n'apercevait nuaire de la musique.
pas l'utilité quelques années auparavant. Pour ne par- Nos pères mieux partagés à cet égard, car dès
étaient
ler que d'un seul objet, les Annuaires se multiplient 1741 il une sorte d'Almanach musi-
se publiait à Paris
avec une incroyable rapidité: il n'est presque plus de cal sous lo titre d'Etac actuel de ta musique du roi. Ce ne
département, de ville considérable même qui n'ait le fut d'abord qu'un très petit et très mince volume des-
.xicn; il s'en est formé pour beaucoup de genres d'in- tiné à indiquer seulement les noms des musiciens em-
dustrie, et Vraisemblablement il en sera publié beau- ployés dans la chapelle, dans la chambre et dans l'écu-
coup d'autres encore. D'où vient donc que l'art qui, rie du roi. Les musiciens de l'écurie pourront sembler
le premier, a eu ses almanachs, est aujourd'hui le .seul quelque chose de fort bizarre; mais il faut se souvenir
qui n'en ait point? car il ne paraît pas maintenant dans que dans l'organisation de la cour qui fut faite au com-
toute l'Europe un seul Annuaire musical , bien que la mencement du règne de Louis XIV, il y avait une mu-
musique soit de tous les arts celui qui peut tiier le plus sique destinée à accompagner le cortège du roi dans les
d'utilité d'un livre de celte nature. En effet, que d'in- occasions solennelles et à marcher avec les hérauts
ventions ou de perfeclionnemens d'înstrumens se font d'armes; c'était cette musique, composée de trompet-
dans les pays étrangers sans que ceux que ces décou- tes, de hautbois, de cromornes et de timballes qu'on
vertes intéressent en soient instruits, ou sans qu'ils trou- appeVdhlamusique de l'écurie. Elle subsista jusqu'au com-
vent d'une manière facile des renseignemens sur leur mencement de la révolution. L'Etat actuel fut continué
auteur, sur les lieux où l'on peut se les procurer, et sur pendant quarante ans environ; insensiblement il s'était
mille autres choses semblables! que de musique nou- agrandi, et dans les dernières années il contenait le
velle, de livres, de méthodes, restent dans l'oubli faute détail des fêtes de la cour, des concerts spirituels, et
d'un indicateur annuel qui les enregistre ! Si l'on ajoute des spectacles de Versailles et de Fontainebleau.
à tout cela les notices qu'un annuaire peut contenir sur En lySi, le libraire Duchesne commença à publier
les questions les plus intéressantes de l'art, les détails un ahnanach auquel il donna le titre de Les spectacles de
qui doivent s'y trouver sur les opéras nouveaux repré- Paris. Cet annuaire, où l'on trouvait le catalogue des
sentés, dans le cours de l'année, sur tous les théâtres du pièces du répertoire de V Opéra, de {'Opéra-Comique et
monde, sur les concerts, les chanteurs et instrumen- de la Comédie-Italienne, les noms des chanteurs et des
tistes, les professeurs et amateurs les plus distingués de musiciens d'orchestre de ces théâtres, avec les dates de
la France et de l'étranger, les facteurs d'instrumens, les leur réception et de leur retraite, des détails sur les pre-
marchands, graveurs et imprimeurs de musique, le mières représentations, les spectacles extraprdinaires
personnel des théâtres, les écoles de musique, les et les débuts, ainsi tjue I3 liste des compositeurs v^ïM4.-
178 REVUE MUSICALE.
et quelques anecdotes relatives à la musique, était en helUgen, Eln Nachtrag zu den M usikalischen almanach;
quelque sorte le complément de VEtat actuel : il fut con- il s'est caché sous le pseudonyme de Siméon Méta-
tinué, avec des augmentations considérables, jusqu'en phraste le jeune (Cologne, 1786, petit in-8°). Enfin
'795, puis repris en 1799, et abandonné enCn en iSoi. Reichardt publia aussi un almanach musical à Berlin
A cet almanach en surcéda uu autre intitulé Opinion : en 1796, in- la.
du parterre, qui fut coiUinué pendant huit années; puis Les Taschenbuch fur Freunde und freudinen der masik,
on eut V Annuaire dramatique, qui commença en iSo'j, et de Marlius Erlang 1786, 1789); et \vi Musikalischet
(
dont il fut publié seize années; le Mémorial drama- Taschenbuch de Jules et Adolphe AVerden et de Mann
tique qui commença ù paraître en 1806 et unit en i8i4; (Pening, i8o5, i8o5) sont aussi des espèces d'alma-
et enfin V Almanach des spectacles, qui se publfo chez nachs de musique.
M. Barba depuis neuf ans. Tous ces annuaires ont clé En Italie , il a été publié plusieurs séries d'Indici pour
faits i peu prés sur le même plan, et n'ont de rapport les spectacles de musique de Milan, de Venise et do
qu'aux spectacles de l'ranoe; la musique n'y occupe Rome; mais depuis plusieurs années, tous ces recueil*
qu'une place secondaire. ont cessé de paraître.
IJn musicien français, dont le nom est resté inconnu, Dans le dessein de remplir une lacune qui existe sous
voulut essayer, en 1773, de donner i un annuaire mu- ce rapport dans la littérature de la musique, j'ai re-
sical une forme plus spéciale let d'y introduire des dé- cueilli dos matériaux pour un annuaire musical qui sera
tails plus étendu? sur ce qui concernait cet art; il en publié au mois de décembre prochain. Cet annuaire
publia trois années, c'est-i-dire 1775, 1776 et 1777; renfermera l'indication du personnel de tous les specta-
mais le succès n'ayant pas répondu i son attente, il cles lyriques de la France, de l'Allemagne, de l'Italie,
ii'arrêta. de l'Angleterre, des pays du nord et de l'Amérique; le»
Ea 1781, Luneau de Boisgermain , qui n'était pas noms et adresses de tous les professeurs et des princi-
étranger à la musique, entreprit aussi la publication d'un paux amateurs, des facteurs d'instrumens à claviers et
Almanach m«s(ca/ qui, sans remplirtoutes les conditions, ;'i vent . ainsi que des luthiers, accordeurs, graveurs,
était cependant préférable ;i celui des années précéden- imprimeurs et marchands de musique des analyses de»
;
temps (1782, 1783 et 1784), le chapelain de cour Junker royal de Covent-Garden pendant quarante ans.) Lon-
deR.irchberg en publiait un autre, d'abord i Berlin, en- dres, Henry Colburn et Richard Bentley, 2 Toi. grand
que ce n'est qu'une des compilations sans aucun mé- là?) et sortit aussitôt de la salle. Ce même concert fut
rite particulier dont on trouve des exemples dans les féconden anecdotes bizarres. Jarnowickdevaityjouerun
Jnecdotes of Music, de Burgli, et dans le Concert Room concerto pour satisfaire au désir du roi Georges III qui
and orchestra aneccloles of music and musiciens , de ne l'avait jamais entendu : mais aussitôt que ce violo-
Busby, qui, semblables au Musical Biograpky , publié ni.-to capricieux se fut aperçu que Salomon, dont il
h Londres en i8i4» sans nom d'auîeur, ne contiennent était l'ennemi, dirigeait l'orchestre, il remit son instru-
que des extraits faits avec négligence, des derniers vo- ment dans l'étui et s'en alla. Enfin, la reine d'Angle-
lumes dos hisioires de la musique de Burney et de terre et les princesses ses filles imaginèrent de demander
Hawkins; mais il n'en est point ainsi: M. Parke ne parle à Haydn de chanter des cansonetle italiennes. Ce que ce
que de ce qu'il a vu ou entendu; son livre est un re- pauvre homme fut obligé de faire avec sa voix cassée de
gistre tenu pour lui , année par année, jour par jour, soixante-deux ans.
de ce qui s'est passé sous ses yeux dans les concerts, les Les artistes sur lesquels on trouve les renseignemcns
meetiings et les spectacles lyriques. Un tel livre , établi les plus intéressans dans les mémoires de M. Parke sont
sorun plan si uniforme, ne promet pas une lecture fort Giardini , Yaniewicz, violoniste de la Bohême, qu'on a
attachante; aussi n'est-ce point par l'intérêt des vérita- souvent confondu avec Jarnowick, Viganoni, Bauzzini,
bles mémoires que ceux de M. Parke se recommandent. Sacchini , la fameuse Banti , le violoncelliste John
Au commencement de chaque année on y trouve d'a- compositeur anglais Shield,
Crosdill, Dussek, Viotti, le
bord l'indication de la troupe italienne du théâtre du le docteur Burney, madame Catalan!, et quelques au-
roi, puis le catalogue des opéras qui ont été représentés, tres d'un mérite renommé. On remarque dans ces dé-
suivi de détails analogues sur les théâtres de Covent- tails de l'exactitude dans les faits et dans les dates , sorte
Gardeû et de Drury-Lane, sur les oratorios et les de mérite assez rare dans les livres anglais relatifs à l'his-
concerts. Tout cela n'offrirait qu'une lecture sèche toire delamusique. Quanta l'esprit de critique, il yman-
et décolorée si l'on n'y trouvait en même temps une que absolument. Ce sont toujoursles mêmes formesadmi-
multitude d'anecdotes peu connues ou totalement igno- ratives qui sont employées pour louer des artistes de ta-
rées sur beaucoup d'artistes célèbres, italiens cl alle- lens fort différens : comme la plupart des écrivains an-
mands, qui pendant un temps plus ou moins long ont glais, M. Parke prend pour mesure de son estime la
habité à Londres, et des renseignemcns biographi- réputation de celui dont il parlé, et le succès qu'il a
ques qu'on chercherait vainement ailleurs. Sous ce rap- obtenu dans le monde fashionable. Au reste, il en sera
port, le livre de M. Parke mérite l'attention des litté- éternellement ainsi de la musique et des autres arts en
rateurs musiciens. Angleterre.
On trouve aussi dans les Musical Memoirs des rensei- En résumé, les mémoires de BI. Parke ne seront
gnemens assez inléressans sur l'origine du concert de point consultes sans fruit par les biographes musicaux
musique ancienne et sur quelques sociétés de concerts parce qu'ils sont faits par un homme du métier qui parle
qui ont précédé l'établissement de la société phllarmo- de visu et de auditu , et parce que ce n'est pas comme
oique, tels que les concerts du Panthéon, dans lesquels beaucoup de rapsodies, un livre fait avec des livres.
la fameuse cantatrice M ara se fit entendre pour la première Les compatriotes de M. Parke ont assez maltraité son
fois en Angleterre le 29 mars 1784 ; ceux du "Wauxhall, ouvrage dans leurs joarnaux;. mais il peut s'en con-
le concert vocal de îViUis'sRoom, et le concert établipar soler en se rappelant qu'ils ont quelquefois vanté des
de Glouceslor, frère dui roi, ayant aperçu dans l'or- de presque tous les artistes professant l'art du chant.
chestre un joueur de contrebasse de cette nation, nommé N'ayant pu la comprendre ils en ont nié l'existence.
Joute , qui depuis plusieurs années était i Londres em- J'avoue que jamais je n'ai partagé' leur incrédulité, tant
ployé au théâtre italien, s'écria avec l'accent de l'hor- la chose m'a toujours semblé simple et naturelle. J»
re«ir : There'i a Frtnchman? (Quoi! un Français est vais entrer dane quelque détail à ce sujet.
180 REVUE MtSlCALÉ.
Dans une de mes précédentes lettres j'ai prouvé par chaque espèce. J'ai supposé mon élève un peu musi--
le témoignage de plusieurs grands artistes combien cien; une quarte, une quinte, etc., lui fournira le mo,-
était grande l'influence des maîtres dans l'élude du dèle de tous les intervalles semblables que son organe
chant. Il y a dans la nature même de cet art une raison lui permet de faire; d'ailleurs il n'y a pas ici de chan-
qui me semble péremptoire. Qui ne sait que savoir gement de doigté. A tous ces exercices je ferai l'appli-
«'fcouJerest une desjplusgrandesdiflicultés de l'exécution cation des travaux précédens pour la qualité et la jus-
musicale, même lorsqu'on est parvenu à un certain de- tesse de la voix, pour la sûreté de l'intonation, et la
gré d'habileté; beaucoup d'instrumentistes, quoique manière franche et nette d'attaquer une note; de plus,
ayant leur machine musicale sous les yeux et dans les ils me serviront à poser la voix et à la porter, soit en
mains, ne peuvent parvenir ise dominer constamment, montant soit en descendant; de plus, ces divers inter-
et deviennent par moment inférieurs à eux-mêmes. valles exécutés dans toute l'étendue de la voix l'excer-
Combien est mille fois plus difficile le travail du ceront dans tous ses registres en les unissant l'un à
chanteur, surtout s'il est novice encore, si ses organes l'autre; déplus... mais je n'ai pas envie de faire urr
ne sont pas exercés, si son gosier n'obéit pas à son livre, je jette quelques idées sur le papier, et une fois
oreille, si toutes sesfacultés étant absorbées par la seule la roule ouverte, je laisse à l'intelligence de chacun à
action de chanter, son intelligence est tout-à-lait hors dire ce qu'on peut faire encore d'études différentes sur
d'état de porter un jugement sur les sons qu'il émet. tous ces intervalles. — Après cela , la première année
A force de persévérance et de soins, un instrumentiste sera bien avancée. Passons encore i d'autres travaux.
peut, seul, se rendre maîtreetdela justesse et delà qua- Après ces deux lignes, j'écris de simples gammes dia^
lité de son de son instrument ; tandis que le chanteur ne toniques de deux, trois, quatre, cinq notes, etc., jus-
saurait se passer de l'assistance du maître pour acqué- qu'à l'octave, la douzième, ou la double octave, selon
rir cette précieuse et indispensable faculté. En outre, l'étendue de la voix, en montant et en descendant;
il est infiniment rare de rencontrer dans un sujet une six lignes me suffiront. Quelle immensité d'études je
émission franche, pure et naturelle; presque toujours viens de mettre devant moi! en voilà plus qu'il ne
l'organe est entaché de quelque vice; tantôt la voix est m'en faut pour achever la seconde année heureux si' :
sourde ou cotonneuse, tantôt perçante ou éraillée, quel- une partie delà troisième n'a pas encore besoin d'y êtrff
quefois elle est gutturale ou nasale; ces défauts et bien employée Voyez plutôt: l'élève a déjà l'intonation as-
!
d'autres encore se modiûent de mille manières. Tout surée, il commence à pratiquer le poriamenlo , sa voix
homme doué d'une bonne organisation musicale pourra est ronde, pleine et de bonne qualité relativement à son-
bien les reconnaître dans autrui, mais il n'appartient organe, il respire convenablement ;
je peux lui faire filer
qu'au professeur expérimenté d'indiquer le remède, de des sons dans toute l'étendue , dans toute la force de sa
prescrire la manière de se corriger. Celui-lù seul qui voixà c&mmencer duplus grave, à partir de l'émission la'
possède i fond le mécanisme de la voix humaine, saura plus faible. Car je ne suis pas de ceux qui pensent que
dès les premières leçons reconnaître la bonne voix au filer des sons doit être lecoinmencement d'un cours de
milieu de tontes les taches qui la défigurent, marquer chant. Pour commencer à filer un son d'une manière
à l'avance la seule route ii suivre pour extirper les mau- satisfaisante, il faut déjà avoir acquis au moins à un
vaises habitudes, et la retrouver telle que l'a faite la certain degré les qualités que je vie"ns d'énumérer; oa
nature. connaît l'antique proverbe qui non sa fermare la voce ,
De quelles paroles vousservirez-vous pour expliquer non sa. cantare. Filer très bien un son n'appartient
clairement tout cela- dans une méthode ? qui peut rem- qu'aux grands chanteurs, et mon dire ne vous étonnera
placer l'oreille et l'expérience du maître? et ce travail plus quand je vous aurai conté une anecdote qui d'ail-
n'est pas l'affaire d'un jo'ur. Six mois suffiront-ils pour leurs fera diversion à l'ennui de mes termes techniques.
cela? Eh bien! supposons que j'exagère; ce sera tou- Personne n'eut une mise de voix plus extraordinaire
jours trois mois de travail , et pas une note n'aura été que Farinelli; il savait en respirant enfler ses poumons
écrite sur îa feuille de papier réglée. Et je n'ai pas dit d'une grande quantité puis il le ménageait avec
d'air, et
un mot de la respiration, celte base de l'art du chant. une telle adresse qu'il pouvait soutenir la voix avec
Passons à une autre étude : on m'accordera bien que une force et une douceur inimitables , de manière à
deux lignes suffisent pour écrire des sauts de tierce, de Stttpé'fier ses auditeurs. En 17341 " l'époque de la riva-
quarte, de quinte, etc., dans toute l'étendue d'une voix lité des deux théStres italiens à Londres, Farinelli
humaine; d'autant que je ne prends qu'un exemple de chantait dans un opéra composé pour lui par son frère.
REVUE MÎJSICALÈ.
Au théâtre lijal devaient chantei'\$enmni^ Carestini et m'arrête : après avoir lu ces lignes ,
je prie MM. les
Au Cuzzom: c'était un redoutable voisinage; cependant dilcttnnti e maestri del bel canto de jeter encore une fois
Farinelli, sachant le pouvoir d'une mise de voix, résolut les yeux sur l'anecdote de Caffarelli; j'ose croire qu'elle
d'employer ce moyen pour captiver la laveur publique ; ne leur paraîtra plus un conte.
il y réussit. Appuyant sa main droite sur sa poitrine, un Lorsque j'annonçais dans mes lettres précédentes que
peu au-dessous du cœur, il émit un son si Irais et si je rechercherais quels documens écrits nous restaient
pur, silonguement soutenu , si merveilleusement mo- de l'ancienne école italienne, j'avais alors quelques vel-
difié, que tous les spectateurs en demeurèrent ébahis, léités de faire de l'érudition musicale; aujourd'hui j'y
et ses émules qui étaient venus pour l'entendre en per- renonce pour ne pas fatiguer inutilement les lecteurs
dirent courage. Les applaudissemens ne discontinuèrent de votre journal. Ainsi donc je ne parlerai ni d'une
pas pendant cinq minutes, et depuis ce moment l'af- sorte de méthode de chant écrite en 1 562, par Camillo
fluence fut telle, que du mois d'octobre au mois de mai Maffeida Solofra, ni des renseignemens précieux pour
lesentrepreneursdu théâtre parvinrent à payer dix-neuf l'histoire du chant qu'on trouve dans la prattica di mu-
raille livres sterling de dettes. Grande e/fetio d'una missa sica de Zacconi (iSgG), dans le Melopeo de Cerone,
di voce, dit avec beaucoup de raison le biographe de Naples, i6i5, dans l'ouvrage de Herbst, imprimé à
Farinelli, qui n'est pas moins que le vénérable père Francfort vers 1640, sous ce titre : musica moderna
Giovenale Sacclii, délia, congre i^azione di S. Paolo, socio prattica, overo maniera del buon canto, etc., etc., me
deW institato di Bologna, a délia reale academia di Man- réservant de montrer ailleurs par quelles vicissitudes
iova, professore d'eloquenza nel collegio di nobili di Mi- l'enseignement du chant est arrivé à la feuille de Por-
lano. pora et de là aux volumineuses méthodes de notre siècle.
Demander que nos élèves ûlent un son comme Fari- Il est un document que je ne saurais me dispenser ce-
nelli, ce serait beaucoup exiger, quoique je sache bien pendant de donner ici, parce qu'il est très peu connu et
tel directeur de théâtre qui paierait cher un son filé avec qu'il me semble de la plus haute importance: c'est un
lequel il pourrait payer ses dettes. Mais revenonsà notre fragment de l'Historia musica d'Angelini Bontempi
tieuille de papier réglé. Avec la mise de voix, mon élève sur l'ancienne école romaine, dont lui-même était élève.
étudie les gammes dont j'ai parlé, et qui peuvent seules - «Dans les écoles de Rome, les élèves employaient
sulGre pour parvenir à la plus merveilleuse agilité. D'a- chaque jour une heure ù chanter des morceaux difficiles
bord il les dit égales et dans un mouvement lent, les pour acquérir de l'habitude; une heure à l'exercice du
notes bien liées et bien articulées, et puis de degré en trille, une heure à celui des traits (passaggi) ; une autre
degré il en augmente la vitesse. Ici, comme pour tous àl'étude des belles-lettres; une autre au travail du chant,
les autres exercices, il commence au son le plus bas de en présence du maître et devant un miroir pour s'habi-
ta voix, et monte jusqu'au plus élevé, et emploie suc- tuer ù ne faire aucun mouvement vicieux avec le
cessivement \e forte , le piano , el le mezzo forte. C'est front, les sourcils ou la bouche. C'était l'emploi de la
de la besogne pour toute la vie ;
jamais il ne faut cesser matinée. Après midi, une demi-heure était employée à
de s'exercer dans l'agilité sous peine délaisser sa voix l'étude de la théorie , une heure et demie au contre-
Un chanteur nedoit jamais se lasserd'étudier;
s'allourdir. point, une heure aux belles-lettres. Le reste du jour
madame Malibran fait des gammes chaque jour. Aussitôt était consacré â jouer du clavecin ou à composer quel-
qu'on aura acquis une agilité suffisante , on s'appliquera que morceau de musique tel que mottet , chanson-
à se rendre maître, pour ainsi dire , de chaque note de nette , etc. Nous venons de parler des exercices ordi-
la gamme, à faire ressortir en accentuant une ou plu-^ naires dans l'intérieur de la maison. Les jours de sortie,
Eieurs notes à son choix. En finirais-je si je voulais ana- les élèves allaient très souvent au dehors de la porta An-
lyser tout ce que peut renfermer d'exemples les quatre gelica, près du Monte Mario où se trouvait un écho, de-
pages de cette feuille de papier! Eh! mon Dieu! ne pour- vant lequel ils chantaient pour se readre eux-même»
rait-on pas avec la moitié, de la persévérance et un bon juges de leurs défauts, ou bien ils allaient prendre part
maître devenir un chanteur distingué ? Je ne veux plus à l'exécution de la musique qui se faisait dans les églises
dire qu'un mot de ce qu'on appelle lesagrémens du chant, de Rome. Ecouter avec attention les chanteurs célèbres et
qui font à mon avis une des parties les plus essentielles nombreuxquiflorissaient sous le pontificat d'UrbainVIII.
de l'art. Les différentes espèces de gruppetti ou de mor- étudier leur manière, rendre compte au maître de leur5
denti, il faut uoe ligne pour les écrire, et une seule note impressions et de leurs observations, était encore une
avec le signe (r. au-dessus pour indiquer le trille. Je des occupations de ces élèves. L'école de Rome était
las REVUE MUSICALE.
Je viens de lire dans les deux derniers numéros de valent pas la justesse irréprochable qui est une de»
Totre excellent journal la traduction d'un article de la qualités les plus remarquables de Mme Damoreau, la
Gazette musicale de Berlin, sur la découverte de deux nature des sons n'avait pas la pureté accoutumée. La
tablettes grecques relatives à la musique. plupart des traits manquaient d'ailleurs d'éclat et de vi-
Me trouvant en état de vous lournlr quelque rensei- gueur. Dans les ornemens dont elle a brodé peut-êtr«
gnement lii-dessus, je m'empresse de vous les commu- avec un peu trop de luxe les mélodies du compositeur,
niquer. Vous en ferez, monsieur, l'usage que bon vous on a retrouvé la richesse de l'imagination de la canta-
«emblera. trice, mais non le même bonheur dans l'exécution. En
Vous aviez bien raison d'émettre des doutes sur l'au- un mot, Mme Damoreau a été inférieure à elle-même;
thenticité de la trouvaille, et d'en vouloir constater la ilest vraisemblable toutefois qu'elle reprendra ses avan-
réalitépar des preuves que vous avez demandées au tages après avoir joué quelques représentations du
professeur Murhard, qu'on disait être en possession de Pldltre.
ces tablettes. Il ne vous a pas répondu, et je crains bien — On donne ce soir i\ l'Opéra-Comiqne la premièi"«
que cette réponse ne se fasse attendre long-temps. représentation d'un ouvrage en trois actes, qui a pour
Votre lettre ne parviendra pas û une adresse qu'on aura titre : le Grand prix , ou le Voyage à frais commun». La
peut-être quelque peine à trouver dans l'Almanach musique de cet opéra est de M. Adam, qui a déjà obtenu
royal de Berlin. Voici le mot de l'énigme : plusieurs succès sur le même théâtre. Les principaux
Toute l'histoire de cette découverte, tout le contenu rôles seront joués parPonchard, Lemonniecet Mme Ca-
des tablettes n'est que de pure fiction. Ce fut le direc- simir.
teur de la Gazette musicale de Berlin, M. Marx, qui — Le concours pour le grand prix de composition
conçut l'idée d'une plaisanterie, qu'il avoua plus tard musicale s'ouvrira i l'Institut le 20 de oe mois. Des
lui-même avoir poussé un peu trop loin. Je regrette modiQcations ù apporter dans le mode de ce concours
de ne pas avoir sous la main les deux premiers volumes ont été proposés au ministre des travaux publics et des
de la Céciiia, dans l'un desquels se trouve cet aveu pro'^ arts par la commission instituée par le ministre de I'id-
voqué par une lettre de M. G. Weber, qui, désirant térieur; mais il paraît que ces modificatioDS soot i^out-
avoir le texte original d'un passage des tablettes, et ne nées indéfiniment.
pouvant se procurer l'adresse du professeur Murhard Les concours du Conservatoire de musique auront
avait écrit a M. Marx, dont la réponse ne tarda pas à le lieu dans les preaiicrs jours du mois d'août.
désabuser. — Un concours est ouvert au ThéStre-Ilalien powr
«Me voilà bien attrapé ! » s'écria "Weber ; il ne put voudront y contracter des engagemens.
les choristes qui
«"empêcher de rire lui-même d'avoir ainsi donné dans Tous les lundi de chaque semaine du mois de juillet
le piège. les examens auront lieu au théâtre, depuis une heure da
G. E. Akssas.
Nouvelles étrangères.
LosBEES. King'sThîâtre (Opéra Italien). Miss PatoH,
Kourelles de Paris.
autrefois lady Lennox, aujourd'hui madame Wood, a
A la septième représentation du nouvel opéra le P/iil- quitté les théâtres anglais au commencement de la sai-
ire, Mme Damoreau a paru dans le rôle cpii lui avait été son, pour essayer ses moyens dans l'Opéra Italien; ses
destiné par les auteurs, et qu'une indisposition asse» succès n'y ont pas réponde à l'atlenle de ses amis. La
REVUE MUSICALE. 183
roisc de madame Wood a perdu beaucoup de sa fraî- n'est qu'à regret qu'ils l'applaudissent. Les concets qu'il
cheur, et maintenant elle est souvent obligée d'avoir donne sont moins productifs qu'on ne devait s'y atten-
retours aux cris pour assurer ses intonations. Dans la dre. La haute société est trop occupée de la question de
Ceiiereniola, où elle s'est fait entendre, elle avait i\ la réforme parlementaire pour prêter beaucoup d'atten-
lutter contre le souvenir de madame Malibran , et ce tion à la musique; d'ailleurs, ce monde fashionable
souvenir lui a été funeste. A. vrai dire, madame "Wood garde rancune à l'artiste pour avoir osé essayer de
n'a point d'école de chant : son mérite principal con- mettre à son talent un prix plus élevé qu'à celui de
siste dans un sentiment très pur de la musique ; elle a MM. François Cramer et autres virtuoses de mêm«
brillé surtout dans la musique de Handel, et dans les force. En vérité, ce peuple raisonnable est parfois bien
chansons anglaises quelle chante avec beaucoup d'ex- enfant.
pression. Au théâtre Italien, ce genre de mérite est à Drury Lare. L'opéra-comique de MM. Auber et
peu près perdu. Le peu de succès de madame Wood à Scribe, FraDiavolo, a été représenté sur ce théStre ,
King's Théâtre l'a déterminée à se retirer à l'arrivée des sous le titre de The Devil's Brother, mais si défiguré ,
Uni, où il chante le rôle (TErnesto. Sa voix qui a beau- la méthode anglaise, il en a ôté la plupartdes morceaux
coup gagné sous le rapport du volume , est de la plus importans, on les a taillés et rognés pour les remplacer
belle qualité depuis le mi bémol en bas jusqu'à l'uiaigu; par des airs de sa façon. C'est d'après des échantillons
ce genre de mérite est celui qui produit le plus d'effet de cette espèce que l'on a toujours jugé à Londres la
King's Théâlre ont compris aussi le prix de la belle Le Colporteur de M. Onslown'a pas été plus heureux:
méthode de Rubini et de la pureté de son goût. On lui c'estencore M. Alexandre Lee qui s'est chargé de l'ar-
reproche seulement d'abuser de la roulade. ranger de sa bonne façon et il y a si bien réussi que le
,
Madame Rubini, autrefois mademoiselle Chaumel cours des représentations s'est borné à une seule. Il
élève du Conservatoire de Paris, a chanté le rôle A'I- faut dire aussi que l'arrangeur a été parfaitement se-
mogène dans le Pirate , si été aussi fort bien accueillie. condé par l'exécution. Notre correspondant nous écrit
Bien que vaincus par le talent extraordinaire de Pa- hâbituelletnent à ces sortes de spectacles. Les acteurs,
gaoini, les Anglais boudent toujours cet artiste, et ce et particulièrement miss laverarity, ont fait des effort»
184 REVUE MUSICALE.
pourrendre d'une manière satisfaisante la musique dif- de la mélodie à l'harmonie; 4° du contrepoint simple
soin. Toutefois, il est douteux que le succès ilc Zemire caractère des instrumens et de la manière de les em-
et Azor musique de cet ouvrage est
se soutienne : la ployer; 7° de l'union de la musique vocale à l'instru-
d'un genre trop sérieux pour le public anglais. mentale; 8° de la connaissance des formes musicales;
Un nouveau théStre s'est élevé cette année sous le 9° de la musique la musique théâtrale
d'église; 10° de ;
nom de Queeii's Tliéâtre dans Tottenham street. Ce 11° sur la musique de concert et de chambre; 12° de
théâtre est fort petit ; il est destiné à la représentation la musique militaire et de la danse.
de quelques farces anglaises et de quelques petits opé- —
Le nouvel opéra de Chelard [Miauit] a été joué à
ras. On y a exécuté d'une manière supportable la séré- Munich avec beaucoup de succès nous attendons des ;
nade de Haîndel, Acis and Galalea, ;\ laquelle 51. Potter détails sur cette composition.
a ajouté des instrumens i vent. M. Seguin, élève de Napies. Les théâtres de cette ville n'ont point été
l'Académie royale de musique, y a chanté le rôle de Po- heureux dans le choix des opéras qu'ils ont offert au
Vienne. Un genre d'opéra fort singulier a été essayé il Carrière d' I tdegonda, musique du maestro Maria Aspa,
pour l'ouverture du théâtre Kœrtnerthor, sous la direc- n'a vécu que deux ou trois soirées. Cet ouvrage a eu eu
tion deM.Duport. Cet opéra, qui a pourtiIre:Z)cr/ioe'2ernc cela le même sort qu'un autre opéra du même nom,
Smbel (le Sabre de bois), a été arrangé par M. le cheva- dont la musique était de M. Michel Costa, et qui fut re-
lierde Seyfried, sur des morceaux choisis dans la mu- présenté il y a environ trois ans.
sique instrumentale de Mozart. Le même musicien avait Le dernier opéra représenté sur ce théâtre {la Strega
déjà fait un essai de ce genre dans son Assuerus, qui diDcrneglengli), musique de Dionisio Pogliano Gugliar-
avait été bien accueilli; mais il a été moins heureux di, a été plus favorablement accueilli, et a eu un cours
dans cette occasion. Les morceaux principaux du nou- de représentations.
vel opéra sont: i° l'ouverture formée d'une grande so- Milan. La Nex'c, comédie lyrique de Romani, mu-
nate de l'œuvre 42 ;
.?° un chœur tiré de l'œuvre 78; sique du maestro Ricci, a été représentée au ÙiéàlreA lia
5° le quatuor de la Villaneila rapita {diteAlmen), con- Canobbianale 21 juin dernier. Cette pièce, tirée de l'o-
verti en quintette; une pièce de musique militaire
4° péra-comique Je MM. Scribe et G. Delavigne, n'a pas
tirée d'une sonate en Mi majeur, le finale du premier eu plus de succès que la musique, malgré les efforts de
acte arrangé avec le quatuor de violon en sol, et le der- la Pantanelli, de Frezzolini, de Giordani etdeReina,
nier finale avec fugue, pris dans la grande sonate en re, qui étaient chargés des rôles principaux.
GoxHi. M. F. Nohr, premier maître de chapelle du il s'en Irouve en ce inonieul une très belle coHeclion en vente. On y re-
marque des instrumens des meilleurs luthiers italiens français et alle- ,
duc de Saxe-Gotha a fait représenter dans cetle saison mands, tels qu'un très ancien et très beau violon de Duippofruggard ,
i\ la fois originale, mélodieuse el savante: c'est beau- Gaspard de Salo , un Bassol une supeibe copie de Magini par Wuil-
,
on écrit de Moscou que ce virtuose jouit encore d'une — Harpe de Preumager, très belle el fort bien conservée,
4o0 fr. (lo3)
bonne santé, mais il vit dans une retraite absolue, et
— Une basse d'Amati grand modèle recoupé. ,
ne se
—
fait plus entendre.
— Une autre, sans nom d'auteur, fort bonne pour l'orch. (104)
Le maître de chapelle Frédéric Schneider a ou- S'adresser à Agence réhékale de la musique rue du
1'
, Helder,
vert à Dessau un cours de lecture ser la musique. Ce n° 13.
AVIS IMPORTANT. Chaque art, chaque science sont soumis à cette néces-
sité : la musique , qui est à la fois un art et une science,
MM. des Départemens dont
les Souscripteurs
art puissant dont les moyens sont illimités, science
l'abonnement expire au i" août sont priés de le étendue par la multitude d'objets qu'elle embrasse; la
renouveler dans la première huitaine de ce musique, dis-je, variable à l'excès, parce que sa marche
mois, soit en un bon sur la poste, soit en un est rapide, et parce que les modifications qu'elle subit
mandat sur une maison de commerce de Paris, changent ses formes jusqu'à 1^ rendre méconnaissable,
éprouve surtout le besoin de ces revues à des époques
s'ils ne veulent pas éprouver de retard dans l'en-
rapprochées. Je vais essayer, dans cet article , de faire
voi du journal. voir quel a été son état depuis le commencement de
l'année i83o, et indiquer son avenir.
Les objets que j'aurai à passer en revue sont: i° la
REVOE MOSICALE musique dramatique en Italie, en France et en Alle-
Depuis le commencement de l'année 1830. magne; 2° la musique religieuse ; 5° fa musique instru-
mentale; 4° la théorie et la littérature musicale ;
5° les
PREBIIER ARTICLE *.
été soumises i une perturbation violente en ce qui con- hardie, pleine d'incorrection, mais séduisante par sa
cerne cet art. En 1812, les Ilaliens en étaient encore nouveauté et surtout par ses formes gracieuses, qui
aux douces et spirituelles mélodies de Pnisiello et de d'abord firent excuser son harmonie, son bruit, et qui
Cimarosa; car leur oreille ne semblait faite que pour ensuite les firent aimer. Une facilité prodigieuse, une
comprendre les formes mélodiques. fécondité rare, se joignaient à ses autres qualités; il
Paër, Mayr avaient obtenu des succès en essayant de fournissait !\ lui seul plus d'ouvrages que les autres
leur faire goûter quelque chose de l'harmonie et de l'in- compositeurs aux villes principales do l'Italie , et bien-
strumentation allemande; mais les oreilles italiennes to- tôt il réduisit îa plupart d'entre eux au silence, ou s'en
léraient ces nouveautés en faveur des méludies qui fit des imitateurs. Tout allait à merveille tandis quePiOS-
abondent dans les partitions de ces musiciens habiles, sini se sentait en verve et produisait ; mais il était fa-
et regrettaient qu'on y eût mCdé des choses étrangères. cile de prévoir que l'effet d'une telle supériorité, en
Une horreur du bruit se manifestait surtout dans toutes l'absence d'écoles bien dirigées, et l'usage constant de
les occasions où l'on essayait d'en faire entendre au pu- tous les moyens d'effet que fournissait l'art, auraient
blic de la Seala, de la Fenice ou de Sainl-Cliarles. Exa- pour résultat d'user les sensiitions musicales, d'étein-
minez aujourd'hui ce même peuple, et vous le verrez dre l'émulation , et de laisser l'Italie sans compositeurs
avide de celte harmonie, de ces effets d'instruinens, de quand le maître à la mode cesserait d'écrire.
ce bruit enfin qui jadis lui était odieux. Pas d'opéra où C'est en effet ce qui est arrivé. En 1823, Rossini a
la bande turque ne vienne sur la scène joindre ses eflbrls quitté Naples pour venir en France, et depuis lors ila
lyceux de l'orchestre, où la grosse caisse et les cym- cessé d'écrire pour le théâtre italien. Ses anciens ou-
bales ne frappent le rhythme pendant toute la durée du vrages, représentés sur tous les ihéâtres de l'Italie de-
spectacle; car le rhythme est devenu le premier des be- puis lors, ont enfin fatigué l'attention de ses admirateurs
soins en musique pour un peuple qui n'aimait autrefois les plus dévoués. De toutes parts on demande du nou-
que le chant gracieux et même un peu vague. Qui a veau, mais ce nouveau on ne sait le prendre. Gene-
où
produit de si notables chaiigeniens , si ce n'est Rossini ? rali, devenu vieux avant le temps, s'est condamné au
Et toute discussion de goût i part, quelle opinion doit- silence: Morlacchi vit i Dresde, et ses derniers essais
on se former de l'artiste capable d'opérer de semblables n'ont point été heureux; Niccolini a fini sa carrière;
prodiges, si ce n'est celle d'une imagination forte et Paciniade la fécondité, mais, imitateur de Rossini, il
puissante qui a dû s'emparer de l'attention générale, ne s'est pas trouvé assez de force pour sortir de sa po-
faire oublier tous les ouvrages qui n'étaient pas les siens, sition secondaire après le départ de son modèle pour la
et pendant un temps ne laisser de place pour personne. France ; Donizetti, faible desavoir, mais qui ne manque
L'envahissement de l'Italie, en 1796, par les années pas de génie, pourrait faire davantage pour sa gloire s'il
françaises , et les guerres qui en furent la suite, la dimi- ne travaillait avec négligence; Mercadante, qui avait
nution du pouvoir du clergé dans la Lombardie, la Tos- promis un compositeur dramatique à l'Italie dans VEtisa
cane , le Bolonais, l'état de Venise, le Padouan, le e Claudio, n'a point réalisé les espérances qu'il avait
Bergamasque, et la vente des biens de l'Eglise et des données, et semble s'être rendu justice en se condam-
hôpitaux, avaient porté un coup mortel à la musique nant au silence; il s'est fait directeur d'opéra à Lisbonne,
religieuse et aux écoles où tous les musiciens avaient puis à Madrid; Vaccai ,
qui manque aussi de force, a
trouvé jusque-là le principe de leur existence et de leur renoncé à une lutte inutile avec le public; Bellini,
éducation, quand Piossini commença à sentir se déve- dont il sera parlé tout à l'heure, semble destiné à ac-
lopper en lui le germe du talent. De nouvelles écoles quérir quelque renommée, mais c'est le seul composi-
venaient d'être établies, il est vrai, par les soins de Na- teur de la jeune école qui ne se soit pas fait le servilc
poléon , de Beauharnais et de Murât, mais sur des pro- copiste de Rossini. Le reste ne vaut pas l'honneur d'êirt
portions moins vastes que celles des anciens conserva- nommé. Ainsi se vérifie la prédiction des critiques, que
toires. D'ailleurs le prestige était détruit; l'ancienne l'époque brillante de Rossini serait le signal de la déca-
ferveur des élèves n'existait plus, parce que les modèles dence de la musique italienne.
avaient disparu. Piossini , pour qui la nature avait tout Jetons les yeux sur les opéras qui ont été représenté»
fait, sut se passer d'une éducation musicale, n'en con- dans l'année i83o sur les théâtres d'Italie : qu'y verrons-
nut point d'autre que la lecture des ouvrages de Mozart, nous? beaucoup de chutes honteuses, et pas un succès
de Haydn, de Beethoven et de quelques-uns des pre- réel: rîén enfin qui ait mérité de vivre quelques jours. Sans
miers maîtres italiens, et se fit une manière neuve, parler de nullités absolues telles que la Fiera tti Fras-
REVUE MUSICALE. 187
caii, d'un maestro Brcsciani, représenté ;\ Venise ; VHe- depuis le commencement de l'année i83i. Le premier,
ro'madelMessico , de Ricci, jouée ù Modène; la Conies- professeur de contrepoint au collège royal de musique
sina, de Cappelletti, à Bologne; Bianca e Fernando, de de Naples, a fait entendre au petit théâtre Nuovo un
Campiuti, à Pavie; IlTcnente e il Cotonetto , de Mo- opérette en un acte, intitulé ilVcntaglio;\e succès a cou-
retti, dans la même ville ; PulcineLla marilo e non marito, ronné son entreprise: le second, dans un Beniowski,
farce détestable de Pctrclla, ù Naples ; Coslanza ed représenté au théâtre de la Fenice, à Venise, n'a mon-
Oringaldo , de Loro Rossi , dans la même ville ; et Saul, tré que la décrépitude d'un talent estimable. Pacini,
de Mme Caroline Pazzini Uccelli , à Florence, ouvrages qui depuis quatre ou cinq ans fut le grand fournisseur
qui n'ont en qu'une ou deux représentations, noustrou- des théâtres de l'Italie , commence à sentir sa veine se
vons un Malek-Âdel de Niccoliui, que Mme Pasta n'a glacer; celte année donné qu'un seul opéra, il
il n'a
pu soutenir à Vérone; une Giovanna d'Arco, où il ne Corsaro, pour l'ouverture du théâtre Tordinona deRome.-
n'est pas trouvé un seul morceau digne d'être cité; une Comme dans presque tous ses derniers ouvrages, on
Donna. Bianca d' Axenetlo , triste débris du talent usé de trouve en celui-ci de l'habitude du métier, et rien de
Pavesi ; trois opéras de Donizetti, / Pazzi per progetto plus.
il Nuovo Pourceaagnac , il Diluvio universale , qui n'ont Deux jeunes musiciens ont fait leur premier pas sur
fait que passer sur les théâtres de Naples, et qui n'ont la scène lyrique depuis mois de janvier de cette an-
le
été que de nouvelles preuves de la facilité négligente née : l'un est M. Mazuoli, qui dans une Rosamunda,
de leur auteur. Grand bruit a été fait à Venise de l'opéra jouée au théâtre Carcano de Milan , a laissé entrevoir le
de Bellini / Capuletti ed I Moniecchi, composition à la germe du talent; l'autre, M. Pugni, élève du Conser-
vérité supérieure à toutes celles qui viennent d'être ci- vatoire de Milan , a montré plus de connaissance des
tées, mais qui ne justifie pourtant pas le bien qu'on en effets que d'invention dans son Diseriore suiziero, re-
a dit. Au reste, Bellini, dans cet ouvrage comme dans présenté en dernier lieu sur le petit théâtre de la Ca-
sa Straniera et dans son Pirate , a donné lieu de remar- nobbiana de la même ville.
quer ce fait singulier, qu'en imitant les formes et l'es- Il ne faut pas croire que la faiblesse des ouvrages
prit demusique française, il a obtenu de brilians
la dramatiques représentés depuis le commencement de
«ucccs, tandis que les compositeurs fidèles aux tradi- i83o sur les théâtres d'Italie soit un accident dont il
tions italiennes n'ont pu faire applaudir leurs ouvrages. n'y a rien i conclure; les années 1828 et 182g ont été
Cette circonstance confirme ce qui a été dit précédem- plus déplorables encore, et de tout ce qui a été composé
ment du changement opéré dans le goût des Italiens. en 1827, il n'est resté que VU Itimo giorno di Pompei,
Dans les ouvrages de Bellini, les morceaux d'ensemble, qui est considéré comme le chef-d'œuvre de Pacini, et le
les duos développés, les grands airs sont fort rares, et Pirate, qui a commencé la réputation de Bellini. La
l'on y trouve beaucoup de récitatif, de romances, de musique dramatique italienne, qui a été dans un pro-
petits airs, en un mot beaucoup de morceaux de petites grès constant depuis Alexandre Scarlatti jusqu'à Ros-
dimensions. Cette tendance à rapprocher la musique sini, entre donc dans une ère de décadence dont l'ori-
italienne de la française est d'autant plus remarquable, gine remonte non-seulement à la destruction des Con-
que les Italiens avaient montré jusqu'ici le plus profond servatoires, mais â celle de la musique d'église; car s'il
mépris pour cette dernière. n'y a plus d'éducation musicale pour'les compositeurs
Une nouvelle production du même compositeur, la dramatiques, il n'y a pas plus d'avenir pour eux.
Sonnambula, a été donnée cette année au théâtre Car- Jetons les yeux sur les productions de l'année 1769:
cano, de Milan. Bellini semble avoir voulu s'y rappro- nous y verrons que tous les opéras nouveaux repré-
cher de la manière italienne plus qu'il ne l'avait fait sentés alors furent écrits par Bertoni, Astarilta, Ga-
dans ses autres ouvrages. Les formes en sont plus luppi, Anfossi, Baroni, Mortellari, Gazzaniga, Gu-
grandes, plus musicales, et moins dramatiquement glielmi , Jomelli , Majo , Piccini , Paisiello , Sacchini et
françaises que celles du Pirate et de / Moniecchi. Ayant Sarli, artistes dignes d'être classés au premier rang.
été écrite pour Mme Pasta et pour Rubini, cette parti- Tous étaient ou directeurs de Conservatoires, on maî-
tion a obtenu un brillant succès que certains journaux tres de chapelles dans les églises ou les monastères les
ont attribué au mérite des chanteurs, et dont les amis plus riches; leur existence était assurée ; ils ne travail-
de Bellini ont fait honneur à la beauté de la musique. laient que pour la gloire. Aujourd'hui jl ne reste en Ita-
Deux anciens compositeurs, Raimondi et Generali, lie que trois écoles de musique assez mal organisées, et
ont voulu essayer de rentrer dans la carrière dramatique la plupart des chapelles ont été supprimées: en sorte
REVUE MLSICALE.
que les compositeurs n'ont qu'un sort d'autant plus pré- titre abrégé de La Galleria armonica. Ils n'en ont pas.
caire, que le prix de leurs partitions est fort modique. connu le véritable contenu , car ils disent qu'il est rela-
Aussi voit-on ceux mêmes qui ont obtenu des succès tif ei la desciiption d'un orgue ingénieux qui avait coûté
chercher hors de leur patrie des moyens d'existence dix-huit années de travail à Todini ; mais ce n'est pas
qu'ils nu trouvent que dans des pays étrangers. A seulement à cet orgue que se borne la description, car
l'exemple de Rossini, Jlercadante s'est fait directeur la Galerie harmonique que cet habile artiste avait for-
de musique en Espagne; Morlacchi en Bavière : Carafa mée contenait plusieurs instrumens et machines qui
ne travaille plus que pour les théStres de France; Vaccai étaient renfermés dans trois chambres de sa maison, et
s'est t'ait maître de chant ù Paris; Coccia à Londres, et tous ces objets sont détaillés dans le petit ouvrage dont
en général ne prospèrent que par les institutions spé- Dans la première chambre se trouvaient deux hor-
ciales : supprimer celles-ci, c'est leur donner la mort. loges fort curieuses et fort compliquées qui n'avaient
Dès 1796, la décadence de la musique fut inévitable point de rapport direct avec la musique; dans la
pour l'avtnir. lin homme de génie pourra se rencoutrer deuxième était une machine immense que Todini
dont le lalcnt aura de l'éclat pendant un temps plus ou nomme Polyphème et Galatée, où beaucoup de mouve-
moins long; mais une époqne brillante comme celle de niens différcns étaient exécutés par des Tritons et des
1^50 ù 1780 est devenue impossible. dieux marins qui portaient un clavecin mécanique. Po-
lyphème jouait d'un instrument appelé SordelUna
Musetta, dont les sons étaient produits au moyen d'un
Variétés. clavier placé sous celui du clavecin.
C'est surtout dans la troisième chambre que se trou-
CIRIOSIÏKS HISTORIQUES DE LA MUSIQUE.
vaient les inventions musicales très remarquables dont
Plusieurs inventions relatives aux instrumens de Todini était l'auteur. Ce sont ces inventions qui sont
musique passent pour modernes, quoiqu'elles soient dignes de frapper d'étonnement, si l'on songe au temps
réellement fort anciennes. Ces inventions ne sont sou- où elles ont été faites. En voici la description abrégée.
vent constatées que par de petits écrits, qui, tirés ù Todini avait construit deux violons singuliers dont
petit nombre, se perdent par la suite des temps , et les l'un portait sous ses cordes celles d'un autre vioUnetio
noms des inventeurs finissent par être ensevelis dans ou pochette, qui sonnaient à l'octave de celle du violon.
l'oubli. Il était difficile de constater des découvertes à Au moyen d'un ressort placé près du sillet, on pouvait
des époques déj j reculées, où il n'y avait point de jour- jouer à volonté le violon ou la pochette isolément, ou
naux pour les enregistrer, ou du moins , lorsque ces les deux instrumens ensemble à l'octave. L'autre vio-
journaux étaient peu répandus et n'étaient rédigés qu'a- lon, au moyen d'une machine ingénieuse, pouvait être
vec négligence. On ferait un livre assez volumineux monté tout ù coup d'une seconde, d'une tierce, et
de ces inventions perdues et retrouvées à diverses même d'une quinte. Ces deux instrumens sont décrits
époques. Un petit livre fort peu connu, et mal décrit dans le chapitre XXH du livre qui a été oité précé-
par Forkel et par Lichtenthal dans leurs Biographies demment.
musicales, offre'un exemple très remarquable d'inven- Dans le XXIII"* chapitre du même ouvrage , on
tions de ce genre qui ont eu lieu dans le di.x-septième trouve la description d'une viola di Gamba inventée
siècle, et qui, après avoir été oubliées, ont été repro- aussi par Todini. Cet instrument était remarquable par
duites depuis comme des choses nouvelles. Ce volume un mécanisme qui permettait d'y jouer à volonté et sans
révèle d'ailleurs des faits inléressans qu'on avait ignoré démancher les quatre espèces de violes, e'est-à-dire,
jusqu'à ce jour. le soprano ou par-dessus de viole, le contralto ou xiola
Michel Todini, musicien et facteur d'inslrumens , né bastarda, le tenore et la basse de viole. Todini avait
à Saluzzo, dans le Piémont, vers lôaS, et fixé ù Rome, aussi donné à la partie grave de cet instrument une
où il exerçait ces professions , est l'auteur de ce livre étendue beaucoup plus grande, mais il y renonça par
dont le titre est : Dichiaratione dtlla Galleria armonica la suite, parce qu'il inventa la con(re-èawe qu'il introdui-
eretta in Roma da Michèle Todini , piemontese di Saluzzo sit et qu'il joua lui-même dans les oratorios, lés con-
iiella sua liabilalione (sic), posta aW arca delta Ciambella, certs et les sérénades. Le nom du véritable inventeur
-in Roma, per Francesco Tizzoni, 1676, 92 p. in-12. For- de cet instrument a été ignoré de tous les historiens de
kel et Lichtenthal n'ont cité cet ouvrage que sous le la musique.
REVUE MUSICALE. 189
Todini avait aussi inventé deux elavetins qu'il avait sous la direction de I,eo et de Durante. Vers 1^54, il de-
tonstiuils lui-même. L'un de ces clavecins, conçu de la vint maître de chapelle à Brunswick, y composa laet
manière lu plus ingénieuse, offrait les moyens déjouer musique des ballets de Nicolini qui avaient alors beau-
dans les trois genres diatonique, chromatique et enhar- coup de vogue. En 1763, il fut appelé à Cassel comme
monique des anciens, sans avoir recours à des divisions maître de chapelle, avec desappointemensde mille écus
multipliées et incommodes du clavier. Cet instrument d'Allemagne; il occupa ce poste jusqu'en 1780, époque
est décrit dans le XXV* chapitre de la dichiaratione, où il fut mis à la pension. Désirant goûter les charmes
Euljn, dans la troisième chambre de la maison de du repos pendant les dernières années de sa vie, il se
Todini se trouvait un grand orgue qui renfermait beau- retira alors à Fritîlar, et y vécut dans la tranquillité jus-
coup d'effets qu'on a reproduits depuis lors comme des qu'à sa mort, qui eut lieu au mois de juin 1787.
inventions nouvelles. Cet orgue, dont la construction , On trouve en manuscrit ses principaux ouvrages daus
avait exigé plusieurs années' de travail, faisait entendre la bibliothèque de Cassel; les plus remarquables sont :
ensemble ou séparément sept instrumens d'espèce dif- 1° trois Te Deum; 2° un Requiem; 3° deux Miserere;
férente, dont un était le grand orgue, composé d'un 4° deux Magnificat ; S" l'oratorio d'Isacco de Métastase ;
grand nombre de jeux qui pouvaient se séparer ou se 6°' plusieurs messes, psaumes et motets ;
7° Diana eU
réunir à volonté sans que l'oigaciiste fût obligé de lever Endimione , opéra représenté à Cassel en 1765; 8° Àr-
les mains du clavier; invention qu'on a veproduile de iaserse, opéra sérieux, ibid, 1765; q" Nilteii , o'péra,
nos jours. Quatre instrumens rfa peima, c'est-à-dire, ibid, 1770; 10° Andromède, o^éra, ibid., 1771; 11° Plu-
appartenant à l'espèce du clavecin ou des cordes pin- sieurs morceaux détachés, qui furent écrits pour le so-
cées, étaient aussi renfermés dans cet orgue. L'un était praniste Morelli, et introduits dans divers opéras.
un clavecin ordinaire, le seeond, une Epineite à l'octave Le style de Fiorillo est simple, naturel et rempli de
aiguë, le troisième, Un Tiorbino ou petit Théorbe. Ces mélodie ; mais il manque d'originalité, et son style n'est
quatre instrumens contenus dans l'orgue de Todini qu'une imitation de la manière de Hasse.
étaient un violon et l'espèce de grande viole, appelée FIORILLO (fhédébic), fils du précédent, est né à
.Lyra ou Accorda , qui était alors en usage. Todini avait Brunswick en 1753. Dans sa jeunesse , il se livra d'a-
trouvé un mécanisme qui imitait parfaitement le jeu de bord à l'étude de la mandoline sur laquelle il acquit ,
l'archet sur ces instrumens. On sait que des recherches une habileté peu commune; mais il quitta bientôt cet
nombreuses ont été faites depuis la fin du dix-huitième instrument pour le violon, et devint un des virtuoses
siècle pour reproduire le même effet; mais ce qui rend les plus renommés sur son instrument. En 1780, il en-
l'invention de Todini vraiment merveilleuse, c'est que treprit un voyage en Pologne; trois ans après, on lui
le même clavier servait pour l'orgue avec tous scsjeux, offrit la place de directeur de musique au théâtre de;
pour les clavecins, épinette et théorbe, et pour ces Riga; mais il n'occupa' ck poste que jusqu'en 1785.
mêmes instrumens à archet, qui pouvaient être joués époque où il se rendit à Paris. Il s'y fit entendre avei-
seuls ou réunis ù l'orgue et aux instrumens da penna, succès au concert spirituel , et y publia quelques ouvrages
sans qu'il fût nécessaire de lever les mains du clavier. qui furent accueillis ffvec empressement par les ama-
Todini a écrit son livre au moment oi'i il venait de teurs. Vers 1788, il quitta la France pour se rendre à
terminer toutes ses inventions et de les livrer aux re- Londres, où il s'établit définitivement. On croit qu'il
y
gards et à l'examen des curieux dans sa maison; il
y estmort; mais on manque de renseignemens sur lo>
invite en plusieurs endroits tous les musiciens à venir dernières années de sa vie on sait seulement qu'il joua :
les examiner et i s'assurer par eux-mêmes des avan- en 1794 un concerto d'alto, dans les concerts de Han-
tages qu'on peut en retirer. On ne peut donc élever de nover-Square. Les auteurs du Dictionnaire des musi-
doute sur leur réalité. D'ailleurs, Lichtenlhal assure ciens (Paris, 1810) en parlent comme s'il eût encore
que l'orgue dont 11 vient d'être pailé existe encore à vécu à cette époque; mais ceux du DicUonary ofmusi-
Rome, et qu'on peut l'y voir (Diiion. eBibl. délia mus. cians qui a été publié à Londres en 1824 (2 vol. in-S").
t. IV, p. 65). avouent qu'ils n'ont pu recueillir aucuns renseignement
à cet égard.
On a de Fiorillo les compositions dont les titres sui-
BIOGRAPHIE.
vent ;' 1° six trios pour deux violons et basse, op. 1
i
FIORILLO (Ignace), né à Naples le 1 1 mai 1715, Ot Berlin et Paris: cet ouvrage eut un succès prodigieux
I
ses études musicales dans les Conservatoires de Naples, dans sa nouveauté; 2° six duos pour deux violons op. t;.
190 REVUE MUSICALE.
op. 8, Paris, 1787. Ces munies symphonies ont été ar- 11 loro fantasic; ne altra allôr ne voranno che il simu-
rangées pour deux flûtes , et pour deux hautbois. « lacro di Gioacchino Rossini. » (Le temps n'est pas éloi-
On a publié aussi à Paris, comme l'œuvre huitième gné où les allégories surannées et discréditées du paga-
de Fiorillo, six sonates pour le clavecin avec accompa- nisme sortiront de la mémoire de chacun : Apollon ne
gnement de violon, 1788; 9° six trios pour flûte, violon guidera plus le char du soleil ; les dieux de l'harmonie et
et alto, op. 9, Paris; 10° trois sonates pour le clavecin, du chant ne régneront plus sur le Parnasse; et cepen-
avecaccompagnemcnt de violon, op. 10, Paris; 11° six dant les artistes musiciens posséderont encore une
duos pour deux violons, op. 11, ibid; 12° six grand trios image qui enflammera leur imagination du plus noble
pour deux violons et basse, op. 12, Paris, 1791; enthousiasme; cette image ne sera autre que celle de
i3° trois quinlctlis concertans pour deux violons, deux Rossini. )
altos et basse, op. iZ,ibid; 14° six duos pour deux vio- — Cafpi (Fbancesco) , Dclla vita e del comporre di Bt-
lons, op. \t\,ibid, 1794; i5°étudesdcviolonl'ormant tren- r.cdetto Marcello, Patrizio Vciielo, sovra nominato prin-
te-six caprices, op. i5, Londres et Paris, 1796. Ot ou- cipe dclla musica i Venise, i83i, in-8°.
vrage est celui qui a le plus contribué i répamlrele nom M. Caffi, littérateur musicien, né à Venise, et do-
de Fiorillo, et à lui l'aire une brillante réputation. Les micilié dans cette ville, a eu à sa disposition des mé-
éditions en ont été multipliées en Angleterre, en France moires qui lui ont fourni les moyens de donner à son
et en Allemagne; iC° six sonates pour violon et alto, trav.iil toute l'exactitude nécessaire.
faisant suite aux études de violon, op lO, Paris, Sie- ,
— Une nouvelle et troisième édition da Dizionario délia
ber, 1798; 17° trois quatuors pour le violon, 1799. Le viiisica sacra e profana, de l'abbé Pietro Gianelli, vient
caractère du talent de Fiorillo, comme exécutant, était
d'être publiée dans la même ville. Il y a lieu de s'éton-
de jouer facilement les plus grandes difficultés; mais il
ner qu'on multiplie les éditions d'un mauvais livre dans
lirait peu de son du violon, et son style manquait de
lequel les fautes les plus grossières sont accumulées.
largeur. Pour donner un exemple de l'érudition de l'abbé Gia-
autore (De la musique de Rossini et de son auteur); Laudate eum in cymbalis. Le pauvre homme est de cette
Bologne, i83o, in-8" , de la typographie de Emidio force dans tout son livre. La partie biographique n'y
dell' Olmo. moins curieuse.
est pas
L'auteur de cet écrit est membre de l'académie phil-
harmonique de Bologne et de plusieurs sociétés savan-
tes toutefois on ne reconnaît pas dans son ouvrage de
;
Nouvelles de Paris.
profondes connaissances dans l'art dont il parle. Son
admiration pour le grand artiste dont il a fait l'objet de
son livre est sans bornes; mais on voudrait qu'à côté THÉÂTRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.
des éloges passionnés qu'il lui donne, et qui sont mé-
son
LE GRAND PRES,
rités , il se trouvât quelque chose dont l'art pût l'aire
ou LE VOYAGE A FKAIS COMMUNS,
profit; mais rien de semblable ne s'y rencontre. On ne
Opéra-comique en de MM. Gabriel
trois actes, paroles et Masso»,
peut mieux donner une juste idée de l'enthousiasme
musique de M. Adam.
dont M. Brighenti est saisi pour le génie du maître de
Pesaro, qu'en citant le passage suivant de son œuvre Les Italiens divisent leurs opéras en trois genres prin-
cipaux qui sont 1° l'opéra sotœ, l'opéra semi-feria, et
laudative :
:
« Gia presto sarà il tempo in oui le troppo viete e dis- l'opéra baffa. Celui-ci peut être encore de deux sortes,
REVUE MUSICALE. 191
saToir : Vopéra buffa proprement dil, genre auquel ap- fini par disparaître de notre scène, et qu'elle n'a été
partiennent // matrimonio segreto et le Barbiere di Si- conservée que dans de petits ouvrages en un acte. Le
viglia, et la Farsa, telle que /a Cuffîara, de Paisielio. retour à l'ancien genre dans le Grand prix ou le Voyage
Ces genres ont un caractère musical très prononcé et à frais communs est donc en quelque sorte un pas rétro-
se distinguent par des différences remarquables. Vopéra grade qu'on essaie de faire faire à l'Opéra-Comique : je
stria répond à ce que nous appelons le grand opéra; le doute qu'on y réussisse. En vain M. Adama-t-il fait des
temi-seria est notre drame musical de demi-caractère, efforts pour musicatiser le sujet sur lequel il travaillait,
auquel appartiennent ÊM/^Arosine, Montana et Stéphanie, nu moyen de la multiplicité des morceaux et des formes
Lodoïska, tes Deux Journées, Léocadie, etc., etc.; quant qu'il a empruntées à l'opéra moderne la comédie re-
:
à l'opéra boiilïe, nous n'avons rien qui lui ressemble pousse tout cela. Là où il n'y a pas de situation véri-
réellement, car ce genre est conçu dans un système tout tablement musicale, les morceaux qu'on introduit dans
musical par les Italiens , et notre comédie lyrique, genre les scènesne peuvent être que des morceaux de placage
où brille plus d'esprit que de gaîté, n'admet la musique qu'on peut ôter sans que l'ouvrage en éprouve quelque
que comme un accessoire. La farce se prête merveilleu- dommage; d'ailleurs, la richesse des formes de l'instru-
sement à la musique ; la verve du compositeur n'y est mentation ne s'allie pas avec des mots spirituels ou des
limitée par aucune considération de convenances théâ- scènes d'intrigue. Tout est désavantageux pour le mu-
trales; malheureusement, les Français relèguent en gé- sicien dans une pièce de cette espèce : si sa musique est
néral ce genre de pièces à leurs théâtres de vaudevilles faible, sa réputation en souffre; si elle est forte, elle
du plus bas étage : on ne le trouve que fort rarement nuit à l'intelligence de l'action. Quelques mots du su-
à l'Opéra-C.oraique. Monsieur Deschalumeaux , les Ren- jet du Grand prix ferent comprendre que cet ouvrage
dez-vous bourgeois, sont de véritables farces, dans les- n'était pas favorable à la musique.
quelles la musique aurait tenu une place importante si Un jeune musicien, amoureux de la fille du directeur
ces pièces eussent été coupées par un poète italien; de l'école française des beaux-arts de Rome, n'a d'autre
mais à l'époque où elles furent écrites, l'éducation mu- ressource pour revoir celle qu'il aime que d'obtenir le
sicale des Français n'était pas assez avancée pour cher- grand prix de l'Institut; mais ce prix est donné à un
cher dans les iiroduits de cet art leurs jouissances les autre. Un peintre de ses amis, qui a été plus heureux
plus vives au théâtre; avant tout, ih fallait une pièce que lui au concours , lui procure l'occasion de se ren-
dont les scènes s'enchaînassent selon les règles du dre à Rome avec un original qui veut voyager à frais
théâtre, des mots plaisans, des saillies en dialogue et communs, et qui se charge de la dépense, s.iufà compter
non point en musique. après. On part, et après quelques journées de voyage
La gaîté la plus libre , les bouffonneries les plus ridi- "on arrive dans une auberge des Alpes. La femme de
cules, sont aussi favorables à la musique que le drame l'aubergiste est une Parisienne que notre jeune homme
pathétique. Ce sont des acccns d'un autre genre qui a connue et à qui il a promis d'être le parrain de son
procurent des sensations d'une autre espèce; mais l'art premier enfant; cet enfant vient de naître précisément,
s'y peut développer avec autant de puissance. C'est ce et le musicien est tenu d'acquitter sa parole. De là, ob-
que les Italiens ont bien compris. En France, on dési- ligation de s'arrêter pour la cérémonie du baptême;
rait avant tout un spectacle agréable , où la musique ne mais le compagnon de voyage ne se rend à Rome que
fît que varier le plaisir; ce penchant du public, forti- pour épouser la maîtresse du jeune homme, et une
fié par l'habitude, a donné lieu à \n comédie lyrique, lettre qu'il reçoit l'oblige à partir sur-le-champ. Il écrit
en d'autres termes, à l'opéra-comique dans Ie(|uel deux mots à celui qui est son rival sans le savoir, monte
Grétry, Dalayrac, cl quelques autres auteurs se sont en voiture et disparait. Heureusement arrive le peintre
illustrés. qui se charge de conduire son ami au but de son
Depuis que le véritable drame musical s'est introduit voyage. On arrive à Rome avant l'épouseur, mais on
à l'opéra-comique, la comédie lyrique a perdu de son trouve le père inflexible. Une seule ressource reste en-
importance. Le public, en laison des progrès de son goût core : c'est le peintre qui imagine d'en faire usage. Au
et de ses lumières, a donné chaque jour plus d'attention moyen d'une scène de quiproquo, il parvient à faire ob-
à la musique, et s'est ai>ciçu que cet art n'est puissant tenir à son ami la main de celle qu'il aime par celui
que lorsqu'il domine toute l'action ou lorsqu'il sert à ex- même qui devait épouser la jeune personne.
primer des mouvemens passionnés de l'ame : rien de 11 y a de la facilité dans la musique que M. Adam a
tout cela n'existe dans la comédie ; de là vient qu'elle a faite sur cette pièce d'intrigue, trop de facilité même.
192 REVUE MUSICALE.
car c'est là le défaut de ce jeune compositeur. Il at- mi bémol de M. Neukom, quelques ouvertures de Ché-
tache plus d'importance à faire vite qu'à travailler ses rubini,Weber, Spohr, Beethoven, Marschner et Men-
ouvrages avec soin; de là les négligences de son style delsohn. Au troisième concert, on a entendu un choix
et le peu de scrupule qu'il a dans le choix de ses idées. des morceaux du Jugement dernier, oratorio de Spohr,
Peut-être, en écrivant ainsi, s'est-il jugé et a-t-il vu sa qui a produit peu d'effet et où l'on n'a trouvé nulle
portée ; toutefois, à sa place, je voudrais savoir de quoi trace d'invention. Les meilleurs chanteurs du théâtre
je serais capable, ot j'écrirais avec soin, ne fût-ce que italien, Mme Wood, et MM. Phillips et Sapio, se sont
pa rcuriosilé. Il y a dans son opéra nouveau beaucoup fait entendre dans ces concerts.
d'acq.uit sous le rapport des formes et des effets ; c'est — L'Institut royal des arts et sciences de Parme a
quelque chose, sans doule, mais il faudrait aussi qu'il décerné une médaille d'or à M. Antoine Gibertini , lu-
y eût-de, l'originalité et du choix dans les idées, et cela thier de cette ville, pour un violon construit par lui dans
manque absolument dans cet ouvrage. Au reste, la la manière de Stradivarius, et dans lequel il a su attein-
pièce a réussi sans opposition. dre à la plus grande intensité et à la plus belle qualité du
son.
yient de faire représenter dans celte ville un opéra en luu de Richelieu , n° 97 ; nous rendrons compte de cette iuléressaute
livraison dans uià de nos prochains numéj'os.
trois actes, sous le titre de Minuit; cet ouvrage a ob-
tenu le plus brillant succès. L'ouverture, plusieurs A. Bergère, variations l>rillanles et faciles pour violon seul, sur trois
poèmes de Métastase ; mais on a dû y faire beaucoup Cet ouvrage paraîtra avant le 20 juillet. Les personnes qui désire-
ront recevoir sans relard sont priées de souscrire d'avance chez
de changement, car le programme indique cinq duos,
le ,
été son maître dans l'art d'écrire la musique. 6. Près de l'orme, au. bout du 'village, chansonnette, paroles de
— Le 4 juillet, Paganini a donné son huitième con- M. Casimir Bonjour, musique de Mme Hantulle.
cert qui a été un des plus brillans de la saison ; la recette 6. Le Rendez-vous romance paroles de ,
,
M. Boucher de Perthcs,
Haydo, de Mozart et de Beethoven, une symphonie en IMPaiMEBIE PE E. DBVliBGEB, RI'E DE VEBBEDIL, M° !\.
REVUE MUSICALE,
V" AN\EE. PUBLIEE PAR M. FETIS. fi' 25.
voi du journal. bien sûr de ce qu'il voulait dire. Ainsi je voyais dans un
paragraphe que l'école italienne est menacée de déca-
dence; dans un autre endroit, que 'Koiûm a pu seul
POLÉMIQUE. donner d cette école la vie et l'éclat dont elle brille, et plus
ment m'engager , à propos de certain article que le même appelle ordre de foi ce qui se peut apprendre, c'est-à-
M. d'Ortigue a fait insérer dans la Revue de Parts. dire la science musicale, et ordre de conception, ce qui
"Voici le fait: est le résultat de l'imagination. Tout le monde sait qu'on
Le 5 juin dernier parut dans le recueil périodique trouve en effet dans la bonne musique deux choses:
que je viens de citer, l'article dont il s'agit, sous ce l'une est le produit de l'expérience , c'est-à-dire la scien-
titre : Du mouvement et de la résistance en viusique. Je lus ce ; l'autre est le fruit de l'invention. Mais c'est une grave
ce morceau, et n'y attachai guère plus d'importance erreur que de croire que la science appartient à l'ordre
qu'à beaucoup d'autres déclamations oiseuses dont l'art de foi; car /a /bi est la croyance sans examen, et le
que je professe e.»;! souvent l'objet dans les journaux; musicien qui croirait aveuglément ce que lui dit son
j'y avais remarqué que, sans avoir une idée bien nette de professeur serait un pauvre artiste. C'est à l'ordre <Je
ce qu'il voulait dire, l'auteur avait fait un jeu de mots conviction qu'appartient la science musicale ; mais M. de
sur deux expressions devenues fort à la mode dans le Lamennais n'a point parlé de celui-là, et M. d'Ortigue
langage politique, et cela ne me parut mériter aucune n'y a point pensé. Au reste, je ne suis point entré en
attention sérieuse. M. d'Ortigue, qui avait ses motifs discussion lù-dessus avec lui; j'avais à examiner
)94 REVUE MUSICALE.
ragraphe que je vais citer, et qui est beaucoup plus question. Selon lui, ce n'était pas la doctrine des pro-
curieux. fesseurs du Conservatoire qu'il avait attaquée. — C'est
« Examinons, dit M. d'Ortigue, la doctrine que i'é- donc leur manière de l'enseigner? Pas davantage.
« cole a substituée à celle-ci ( celle de principes immua- Leurs élèves peut-être ? Encore moins. Mais quoi —
a blés consacrés par l'expérience universelle). Quel- donc? La fausse science, l'enseignement despote, le génie
<: ques individus se sont rencontrés qui, s'érigeant en esclave, l'art artificiel (comme si tout art n'est pas arti-
i< arbitres suprêmes du goût et du beau dans leur art, ficiel !
) exotique, et l'ordre de fol bâtard. Là-dessus je lui
« ont fouillé dans les archives du génie, ont vérifié ses dis queje ne le comprends pas.
« titres , ont décidé en dernier ressort de ce qui était Vous croyez peut-être, monsieur, que la chose en
t vrai, de ce qui était faux, ont appelé règles invaria- reste là? Mais détrompez-vous; M. d'Ortigue veut ex-
« blés des formules arbitraires péniblement élaborées ploiter ce qu'il considère comme ion «/ce , et me fait
< dansleur tête, ont assigné ;\ l'activité de l'esprit hu- apercevoir trop tard que donné dans un piège en
j'ai
" main les bornes de leur propre capacité, et, einpri- entrant dans cette discussion avec lui. Vainqueur ou
« sonnant legénie dans les limites circonscrites de leur vaincu, peu importe à M. d'Oitigue, pourvu qu'on
« sphère particulière, ils lui ont dit: Tu n'iras pas plus s'occupe de son mouvement et de sa résistance; pour
« loin! Du reste, pour tout ce qui tient aux traditions lui tout sera gain dans cette affaire. Je n'ai rien à dire
« des siècles, aux développemens futurs, liberté en- sur son calcul ; mais j'ai à me plaindre de son procédé,
« tière, disent-ils, à condition qu'on ne sortira pas du car, pour se donner tous les avantages de la discussion,
» cercle de leurs théories. Celte école, en littérature, ce n'est plus au directeur de la Revue musicale qu'il s'a-
" a pris le nom de classique ou d'académique ; en musi- dresse, bien que jamais celui-ci ne se soit refusé à pu-
n que, elle s'est décorée du nom de Conservatoire. Un blier ses réponses ; il trouve plus convenable aux intérêts
« enseignement despote, un génie esclave, un art .nr- de son amour-propre de porter sa polémique dans le
« tificiel, exotique, voilà ce qu'on doit
à cet ordre de feuilleton de V Avenir (le i5 de ce mois), et là, tout à
" foi bâtard. » son aise, il me fait la leçon, se moquant agréablement
N'est-il pas évident,
monsieur, d'après ce passage de mes notes, qu'il se garde bien de citer, et se décer-
,
que M. d'Ortigue se persuade qu'on n'enseigne dans les nant sans façon les honneurs du triomphe.
Conservatoires qu'une science fausse, résislante aux Quel que soit mon dégoût pour les vaines disputes et
progrès de la musique;
que sans ces écoles tout irait
et les niaiseries. la conduite de M. d'Ortigue en celte cir-
pour le mieux? Convaincu par ses propres paroles que constance m'oblige à rentrer encore dans celle-ci; mais
ce partisan du mouvement ignore ce que c'est que la ce sera pour la dernière fois. 11 pourra ensuite discourir
science dont il parle avec tant d'assurance j'ai cherché tout à son aise et m'accabler de son dédain sans me dé-
,
à le tirer d'erreur. Je lui ai fait voir que , loin de résister terminer à rompre le silence.
aux progrès de l'art, elle s'est toujours modifiée par Vous vous rappelez, monsieur, que j'ai fini par dire
eux, résumant simplement ce que le génie avait ima"iné à M. d'Ortigue que je ne comprends pas ce qu'il veut
successivement, et étendant sans cesse son domaine. Je dire avec sa fausse science, et que dans un autre endroit
lui ai dit enfin que
ne connaissais pas de professeur
je j'aî parlé de ses contradictions. Vous avez compris qu'en
qui enseignât autre chose dans les Conservatoires. J'au- parlant de l'embarras de mon intelligence ,
je me suis servi
rais pu le renvoyer aux livres qui ont été faits sur ces d'une forme polie pour lui faire entendre qu'il ne se
matières pour l'usage de la première école de musique comprenait pas lui-même; mais ce n'est pas ainsi qu'il
de France, mais c'eût été lui dire qu'il parlait de ce qu'il l'enlend. Voici les jolies choses qu'il dit là-dessus dans
ignorait, et par politesse je n'en fis rien. son feuilleton du i5 juillet:
Je croyais ne plus entendre parler ni du mouiement i( Par cela même que M. Fétis fait l'aveu sincère de
ni de la résistance en musique; mais j'ignorais à qui j'a- « l'embari'asoù son intelligence s'est trouvée, il renonce
vais à faire. Il me vint bientôt une longue lettre oi3 « au droit de nous mettre en contradiction manifeste
M. d'Ortigue prétendait que je lui avais pi'êté des idées « avec nous-même, car cette contradiction, manifeste
qui n'étaient pas les siennes, etme traitait assez cavaliè- Il à sesyeux, supposerait manifestement qu'il nous à
rement. Je publiai cette lettne dans la Revue musicale, I compris. Pour sortir de ces embarras, que fera
et je l'accompagnai dénotes où je lis voir que dans tout « M. Fétis? Après avoir confessé, dans la première
cela M. d'Ortigue ne fait qu'une dispute de mots, une II note, qu'il ne nous a pas compris, dans la seconde ,
véritable logomachie, et qu'il sort contiuuellcmentde la « et pour ne pas perdre l'occasion de relever la' con-
REVUE MUSICALE. 195
« tradiclion manifeste de nos paroles , il commencera ment dans les Conservatoires, il n'y avait qu'un seul
« par dire qu'il nous a très bien compris, dût-il se maître de chant; les études étaient homogènes , et c'est
« mettre en contradiction manifeste avec lui-même. » à cela surtout qu'ont dû leur naissance les différentes
Tout l'article est dans ce goût: M. d'Ortigue s'y écoles Napolitaine, Bolonaise, Romaine et Vénitienne.
montre partout un intrépide ergoteur; le penchant la i\ Celles de Bologne et de Naples furent les plus célèbres;
dispute sur les mots, qui chez lui domine la pensée, c'est dans ces deux villes, en effet, que fleurirent les
dirai donc plus que je ne comprends pas ses distinctions Ce professeur unique enseignait à la fois et le profes-
de deux sorlos de sciences; je ne le renverrai plus à sorat, si je puis m'exprimer ainsi et la pratique de l'art. ,
son paragraphe que j'ai cité textuellement, et où se Dans chaque classe on choisissait les élèves les plus in-
trouve toute la question; je lui dirai nettement qu'en telligens et les plus forts, et ceux-ci, sous les yeux du
discourant sur la vraie et la fausse science, sur l'ordre professeur, faisaient répéter la leçon de chaque jour à
de foi véritable et l'ordre de foi bâtard, il ne sait de quoi leurs condisciples. Il n'est pas besoin de faire ressortir
il parle. Ceci ne me paraît pas ambigu dans les termes. les avantages de cette méthode, ils sont évidens pour
Quant aux contradictions, j'en relèverai encore une; toute personne qui a pris ou reçu six leçons de chant en
elle suffira pour donner une idée de la liaison des faits sa vie. Ces élèves-répétiteurs étaient de vrais moniteurs
dans l'esprit de M. d'Ortigue. Quiconque connaît la d'enseignement mutuel, nouvelle invention renouvelée
science sait que son domaine flnit où commencent les des siècles, passés.
formes idéales. On ne peut donc enseigner que l'art La voix est une chose si délicate et si fragile qu'il
d'écrire ; le reste appartient à l'imagination. C'est ce que n'est sortes de précautions que l'on n'eût soin de pren-
devrait savoir surtout celui qui se déclare ouvertement dre des jeunes chanteurs dans les Conservatoires d'Italie
le partisan du mouvement. Eh bien ! M. d'Ortigue re- et surtout dans les écoles privées, cette véritable pépi-
proche au Conservatoire de ne point enseigner aux jeu- nière des grands talens.
nes compositeurs à faire un quatuor, un quintetto in- Burney nous apprend qu'au Conservatoire de St-
strumental une symphonie de ne point leur apprendre
, , Onofrio, les i6 castrats qu'il y avait de son temps étaient
ce que c'est qu'une idée mélodique. Apprendre ce que c'est séparés du reste des élèves. « Ils couchent, dit-il, dans
qu'une idée mélodique! Qui aurait pu penser qu'une le.s étages du haut et dans des appartemens plus chauds
idée mélodique appartînt à l'ordre de foi? que le reste des élèves, parce que leurs voix étant plus
Vous pensez peut-être, monsieur, qu'il eût mieux délicates, on a soin de leur éviter le danger des rhumes
valu ne pas relever de pareilles choses , et que le silence qui nuiraient non-seulement à leurs études, mais les
eût été la meilleure réponse. Ce silence, je l'aurais en exposeraient à perdre leur voix pour toujours. » Ainsi
effet gardé, si le langage de M. d'Ortigue eût été moins donc, la qualité de castrat (j'emprunte cette épithète à
superbe. M. de G.) servait à rendre la voix encore plus fragile
Agréez, etc. qu'elle ne l'est dans l'état naturel; mais les mcd/f avalent
FÉTI3. sur les autres chanteurs l'avantage de pouvoir, sans
interruption, continuer leurs études pendant six ou
huit ans. La mue a peu d'influence sur ces sortes de
CORRESPONDANCE.
voix, et après l'opération de la castration, le larynx reste
SEPTIESIE LETTRE A M. LE DIRECTEUR DE LA BEVOE MDSICALE. à peu près stationnaire dans son accroissement, tandis
Le fragment que j'ai cité de l'histoire de Bontempi qu'elles acquièrent en même temps un éclat et une
les explications que j'ai données sur la feuille de Porr force relatives à l'ampliation que les cavités thoracique,
pora, c'est autant qu'il en faut pour montrer en quoi buccale et nasale prennent avec l'âge. Malgré cela, la
consistait dans l'ancienne école italienne l'étude du qualité de castrat n'est pas d'un si haut avantage qu'on
chant, et combien l'enseignement de cet art a dégénéré. doive, lorsqu'on en est doué, devenir un grand chanteur;
Mais indépendamment de l'enseignement proprement non heureusement pour l'humanité, d'autres
! artistes et
dit,on suivait dans ces écoles-modèles des traditions en grand nombre ont balancé souvent et quelquefois
d'un autre genre, qui, pour être moins fondamenta- dépassé la réputation des evirali les plus flimeux. Sans
les, ne laissaient pas d'avoir leur importance. On en parler des cantatrices qu'on n'a pas besoin de soumettre
jugera. à cette barbare opération, Raff, Babini, Anzani, David
Dans les écoles les plus nombreuses, et particulière- le père et bien d'autres ténors ,
peuvent être cités à côté
196 REVUE MUSICALE.
des Guadagni, des Pacchiaroltl, des Crescenlini, etc. rouse, chanteur unique et prodigieux, montait et re-
Je ne rechercherai pas ici quel tempsemployaientàleurs descendait tout d'une haleine deux octaves pleines par
études les sofirani femmes et les ténors; mais l'expé- un trille continuel marque sur tous les degiés chroma-
rience a prouvé que quatre années d'études sérieuses et tiques, avec tant de justesse, quoique sans accompa-
constantes sont plus que suffisantes pour mettre un gnement, que si l'on venait à frapper brusquementcet
élève sur la route qui mène aux points les plus élevés accompagnement sous la note où il se trouvait, soit
de l'art. C'est donc une grande erreur de croire que les bémol, soit dièze , on sentait à l'instant l'accord d'une
chanteurs italiens ont dû la supériorité de leur chant à justesse à surprendre tous les auditeurs, » Le Conserva-
leur qualité de castrat. Cette supériorité, on ne peut rai- toire, dans les trente et quelques années de son exi-
sonnablement l'attribuer qu'à l'excellence delà méthode stence a-t-il vu sortir de son sein im artiste homme ou
italienne. L'histoire de l'art cite les noms d'artistes femme, maître ou élève, capable d'exécuter la moitié
Allemands, Anglais et E.<pagnols, qui ont fait leurs de ce que Ferri faisait en se jouant? Au reste, on peut
études en Italie, et dont la réputation s'est élevée aussi être un fort bon chanteur et ne pas pouvoir faire une
•haut que colle des plus habiles castrats. Il suffit de gamme chromatique en trilles continuels. Ferri était
rappeler les noms de Vhiglesina, <VEl Tedescld, de Raff, un phénomène, et les écoles publiques ne sont pas
de la Todi , etc. Autrefois on trouvait en Italie douze établies pour procréer des phénomènes. Eh! mon Dieu,
ou quinze chanteurs du premier ordre , et soixante à nous accordons que le mieux est l'ennemi du bien.
quatre-vingts du second rang. En se rappelant quelle Donnez-nous du bien , le mieux viendra quand il pourra.
était alors la distribution des rôles dans un opéra, on Ce bien, on peut le faire en formant de vrais chanteurs,
se convaincra que les castrats ne formaient même pas et non des perroquets à fioritures.
lamoitié de ces chanteurs. Dans Vopera séria, et c'est Les relations du maître ù l'élève étaient alors toutes
surtout à ce genre que s'adonnaient les grands artistes, différentes de ce qu'elles sont aujourd'hui. La plupart
ily avait constamment deux soprani hoinmes, un so- n'étaient payés de leur» soins que par le talent de leurs
prano femme, un contralto et un ténor. Et yeut-on élèves, l'instruction étant tout entière aux frais des
.savoir quels étaient ces ténor» non-ÉriVa;/? Je ne dirai professeurs jusqu'au moment où le jeune artiste était
rien de David, que nos pères ont entendu au concert jugé capable demonter sur la scène. De li et la diffi- ,
spirituel où il produisit une sensation prodigieuje. An- cultépour un enfant d'obtenir des leçons d'un maître
zani, le maître de Garcia, avait un si prodigieux talent, en réputation, et le soin extrême que le professeur
que sa présence effrayait les Pacchiarotti, les Guadagni, prenait de l'élève. Cet usage s'est conservé jusqu'à nous,
les Marchesi qui vivaient de son temps. Son voisinage en Italie et en Angleterre. Nous pourrions citer ici plu-
était si redoutable, que les castrats le plus en réputation sieurs artistes vivans qui doivent leur talent à de sem-
se liguèrent contre lui, et par un acte en due forme , blables conventions. Mais c'est surtout à l'égard des
s'obligèrent à ne jamais prendre d'engagement dans les castrats que ce mode d'enseignement était du plus grand
troupes dont il ferait partie. L'anecdote de Raff et de la avantage. C'est à l'âge de huit, de dix ou de douze ans,
princesse Belmonte est trop connue pour la rapporter que les en fans entraient dans les écoles, et dans toutes,
ici. Et qu'on ne dise pas que ces ch.inteurs si fameux le régime était le même. Comme dans les Conservatoi-
ne pourraient pas lutter avec ceux de nos jours, qu'ils res de Naples, ils étaient logés, nourris, etc., en même
trouveraient dans Sémiramis, Otello, la Gazza, des dif- temps qu'instruits dans l'art du chant. Continuellement
ficultés inconnues pour eux, et que leurs airs d'agililé sous les yeux du maître , autant intéressé qu'eux-mêmes
n'approchaient pas de ceux qu'écriventles compositeurs à leurs progrès , leur conduite privée n'était pas moins
modernes; à tout cela, la réponse est facile. Ouvrez la surveillée que leurs études. Un castraio n'ayant d'autre
méthode de madame de Mougeroult, à la fin vous trou- ressource que sa voix, c'est à la cultiver et surtout à la
verez un air varié par Marches! d'autres chanteurs ont ; conserver qu'il passait de longues années. Mais en Ita-
laissé des morceaux écrits par eux ou poureux on peut : lie , comme chez nous , l'école dégénéra par la faute des
en voir quelques-uns à la bibliothèque du roi, ou bien maîtres. Les spéculateurs trouvèrent à propos d'abréger
à celles du Conservatoire; les pièces sont là, il ne faut le temps des études, et peu à peu s'établit le règne des
pour prononcer que des yeux et de la bonne foi. Quant routiniers. Mancini, de son temps, écrivait, comme je
à l'agilité, voici ce que J.-J. Rousseau dit à l'article le fais aujourd'hui, pour défendre les bonnes traditions;
toix de son Dictionnaire ce : fait est emprunté à l'histoire les paroles Je Mancini, élève de Bernarchi, artiste ha-
de Bontempi. i« Le chevalier Balthazar Ferri, de Pé- bile, professeur expérimenté, ne sauraient trop souvent
REVUE MUSICALE. 197
être citées. Le passage suivant du livre de Mancini ex- à deux ordonnances, l'une du 3 décembre i8i4) qui
plique clairement ce que je viens de dire sur la manière fixe les pensions de retraite des officiers civils au tiers
dont les maîtres se faisaient payer de leurs élèves. des appointemens, après vingt-cinq ans de service;
« Est-il possible qu'un jeune homme, après avoir l'autre, du a septembre i823, qui fait exception en
passé rapidement les règles de la musique, et ayant à faveur des musiciens de la chapelle et de la musique
peine été mis en état de fredonner quelque air, puisse particulière, et leur accorde, comme pension de re-
devenir un bon chanteur? La porte des meilleurs talons traite, la moitié de leurs appointemens, après vingt-
n'est-elle pas le résultat certain de la négligence à cor- cinq ans de service, ou après vingt ans de service et
riger les défauts naissans qui, avec le temps, devien- soixante ans d'flge. Les termes des deux ordonnances
nent incorrigibles La source du mal, selon moi, est
? sont clairs et précis. Eh bien ! au mépris de la der-
dans le vil intérêt qui semble dominer une grande partie nière, la commission a liquidé les pensions de tous les
des maîtres qui, se souciant peu d'appliquer les bonnes artistes de la chapelle , même de ceux qui avaient vingt-
règles de l'art et les préceptes qui leur ont été trans- huit ans de service, seulement au tiers.
mis, et ne donnant pas l'attention requise aux divers Etonnés autant qu'affligés de cette injustice et de ce
talens de leurs écoliers, ne songent à les faire avancer mépris des titres les plus authentiques, les musiciens
dans la carrière que pour les produire promptement de la chapelle viennent d'adresser la lettre suivante aux
sur la scène, et pour retirer les bénéfices stipulés sur membres de la commission.
leurs gains; l'écolier, de son côté, se montrant dans
l'immaturité de son talent et enorgueilli par des applau-
A Messieurs les Commissaires de l'ancienne liste civile.
mais c'est vraiment là l'état de l'art. de leurs fondions, les musiciens ne peuvent être assimilés
pour les pensions de retraite aux employés de la maison ci-
vile , et que par conséquent, l'' ordonnance du 3 décembre
sont victimes depuis un an continue d'être mis en vi- confiance que leur donnent votre justice et des droits
gueur. En voici un nouvel exemple : acquis par de longs services.
L'ancienne chapelle du roi a été supprimée au mois « L'article lo de ladite ordonnance porte bien que le
d'aofit i85o. Près d'un an s'est écoulé pour régler les surplus de la pension acquise aux musiciens, par suite
pensions acquises par de longs services , et pendant ce de nouvelles dispositions, sera étranger k la caisse de
lemps , on ne s'est point inquiété de saveir si les artistes vétérance; aussi n'est-ce pas sur cette caisse qu'ils de-
qu'on avait renvoyés si subitement n'éprouvaient pas mandent le complément de ce qui leur revient, mais
de p(;essans besoins ; enfin , ces pensions viennent d'être sur les fonds affectés aux pensions civiles , ainsi que le dit
liquidées. La commission de l'ancienne liste civile avait l'ordonnance.
à se conformer, pour la liqnidaliori de la maison du roi, « Messieurs, ce que le roi a prorais aussi solennelle-
198 REVUE MUSICALE.
ment nous senilile une delte sacrée. Nous pensons souhait. Ce n'est point à rendre ses pièces irréprocha-
donc que l'objet de notre réclamation doit l'aire partie bles sous le rapport de la contcxture, ni à leur donner
de la liquidation dont vous êtes chargés. Nous avons en un mérite remarquable de style qu'il s'applique, c'est à
conséquence l'honneur de vous prier de vouloir bien faije si bien qu'elles soient amusantes. 11 ne laisse point
prendre en considération notre demande, el de la mettre aux spectateurs le temps de se reconnaître: des scènes
sous les yeux du roi, qui aime et protège les arts, ainsi séduisantes sont toujours préparées par lui avec une
que ceux qui les culliyenl. » merveilleuse adresse, et occupent si bien l'attention,
Paris, le Juillet 1831. que le public ne s'aperçoit de l'invraisemblance des
moyens que par réflexion et long-temps après que le
Suiienl les signatures.
rideau s'est baissé. C'est ainsi qu'il a fait dans ses vau-
11 est impossible de réclamer des droits acquis avec devilles, dans ses opéras-comiques, et qu'il fait dans
de si justes réclamations? Après tout ce qu'où a vu Examinons son nouvel ouvrage représenté lundi der-
jusqu'ici, il est au moins permis d'en douler. nier à l'Opéra, et nous verrons qu'il y a été fidèle A son
système. Le sujet de ce ballet est le même que celui de
Léocadic; mais l'auteur a traité la première partie d'une
m.inièrc difl'érente. Au lieu de rejeter dans l'avant-
Nouvelles de Paris. scène l'aventure de la jeune fdle , victime d'un attentat
occasionné par une orgie de jeunes étourdis, il a placé
finit jamais, disait M. Berchoux, a fini pour nous, et donne lieu à cet événement n"a point été placée sur la
nb danse pas plus ses forfaits qu'elle ne les chante. Le scène. Il y aurait eu dans une pareille scène , bien con-
moyen-âge et les temps modernes ouvrent maintenant duite et bien graduée, un effet plein de chaleur et d'en-
une mine de sujets long-temps dédaignés. Nous n'ai- traînement. Une telle -cène mani|ue au ])rcniier acte.
mons plus le ton élevé; la taille des héros nous paraît Sauf cette part de critique, qui a été faite par une
trop gigantesque, el nous nous rapprochons volontiers partie du public à la première représentation, l'Orgie a
de notre petite nature. Bien des causes, plus graves obtenu un brillant succès. Des scènes intéressantes et
qu'on ne pense, ont amené ce changement dans noire conduites avec art, des danses charmantes , une mise en
goût; d'autres causes, faciles à prévoir, pourront peut- scène très soignée, des costumes vrais et frais, de belles
être nous reporter vers des choses plus grandes mais ; décorations, un ensemble enfin fort salisfaisant, assu-
jusque-lù il faut que la mode jouisse de son privilège. rent à ce ballet une suite de représentations productives.
Bien en prend. aux artistes qui sacriDent à cette incon- La musique est l'ouvrage de M. Caral'a on y recon- ;
stante divinité; elle prend soin de leurs succès qui, ne naît lamain d'un artiste qui a l'habitude de manier un
dussent-ils pas durer plus que ses faveurs, sont toujours orchestre et de lui faire produire des effets; mais on peut
bons à obtenir. lui reprocher de manquer de couleur locale. Ony trouve
M. Scribe est un des premieurs auteurs qui ont com- bien la chanson du conirahandista et çà et là quelques
pris le goût de l'époque actuelle et les penchans de la boléros; mais on aurait dû y retrouver plus souvent le
génération. Doué de beaucoup d'esprit, et, ce qui est caractère de la musique espagnole. M. Caiala pouvait
plus rare, d'un tact très fin, il a saisi à merveille le puiser à pleines mains dans les airs natiiinaux de l'Es-
genre qui convient (pour le moment) à ce monde d'oi- pagne, où l'on trouve les choses les plus originales et les
sifs que le besoin d'amusement dévore, et il l'a traité à plus séduisantes. Ce défaut de coloris local est au reste
REVUE musicale: 199
celui de l'école actuelle: Rossini et Weber sont les dans celui de l'amoureux; quant au bailli Chollet, il a
seuls compositeurs de nos jours qui ont compris tout ce étécomplètement nul. Sa voix est trop faible trop peu
,
qu'il y a de puissance dans le coloris et qui ont su trou- mordante pour cette musique et pour ce rôle : à peine
ver des effets admirables de localité. Le Freyschiiiz et l'entendait-on! Ce chanteur n'a point l'articulation ra-
Guillaume Tell sont des modèles en ce genre. pide ni facile; quand il ne peut étaler ses sons de tête
M. Carafa a fait entendre dans la musique de ce ballet dans un point d'orgue, il est privé de la moitié de ses
une clarinelte alto en solo c'est la première fois que cet
; éfémens de succès.
instrument a été employé en France. L'exécution générale de l'ouvrage s'est ressentie de
la précipitation de l'étude; la plupart des mouvemens
étaient altérés.
THEATRE DE L'OPERA-COMIQ UE. L'ouverture iVOberona été dite avec ensemble et effet
par l'orchestre, sous la direction de M. Valenlino.
Représenlation extraordinaire an bénéfice d'uu artiste. La Pie — — Une fort belle médaille de Paganini vient d'être
voiEPSE opéra en 3 acles , arrangé sur la musique de I^ossini par
,
lités de la musique française sont une certaine vérité au revers est un aigle portant un violon dans son bec ,
d'expression qu'on ne trouve pas toujours dans les ou- l'archet dans une de ses serres, des couronnes et des
vrages les plus dramatiques des écoles italienne et alle- palmes dans l'autre.
mande, et je ne sais quel caractère de grâce mélodique Le prix de cette médaille est de 6 fr. en bronze.
qui lui est particulier. Son défaut principal est d'être — On lit ce qui suit dans un journal :
renfermée dans de trop petites proportions de là vient : Nous avons indiqué, il y a quelques jours, le moyen
que les chanteurs français manquent aussi d'élévation, proposé par M. Robelin pour éclairer la salle de l'Opé-
et ne sortent qu'avec peine d'une manière petite et mes- ra, et qui consisterait à substituer à la voûte et aux
quine. Malheureuseinent, ils ne se doutent pas de ce pendentifs qui sont actuellement en plâtre ou en toile,
qui leur manque pour dire convenablement de la mu- une voûte et des pendentifs en verres peints, éclairés
sique qui n'est point dans leurs habitudes. 11 n'y a pas par derrière. On sait que cette disposition occasionne-
un chanteur de province qui ne croie de bonne foi avoir rait la disparition du lustre qui gêne une grande partie
chanté le rôle A'Otello ou celui d'Jlmaviva, et ce qu'il des spectateurs. Le même motif, joint au désirde conser-
y a de plus singulier, c'est que le public est de leur ver les peintures et les ornemens que détériore prompte-
avis. Si ce même public pouvait entendre une seule fois inent la fumée des becs de lumière; enfin l'intention
la Gazza Ladra, exécutée par madame Malibran, de remédier à l'élévation de température occasionnée
MM. Lablache, Zucchelli et David même, il ne pour- par la chaleur que répand le lustre, ont engagé M. Cou-
rait plus assister à une représentation de la Pie Voleuse; verchel à rechercher un moyen de supprimer le lustre
mais les habitués des théâtres de province, ceux mêmes des salles de spectacle, et de faire ainsi disparaître les
de rOpéra-Comique de Paris n'ont point d'idée de la inconvéniens qu'il entraîne.
perfection qu'on rencontre quelquefois au théâtre de la L'appareil soumis par 51. Couverchelà l'approbation
rue Favart; ils se contentent d'admirer Chollet, et, à del'Académie des Sciences, consisterait dans l'établisse-
tout prendre, UvPie Voleuse, telle qu'elle a été rendue ment d'une tourelle ou lanterne en fer qui surmonterait
jeudi dernier par les comédiens de l'Opéra-Comique est la coupole de la salle, et dont les ouvertures latérales
un acheminement à des choses d'un goût meilleur. Ne seraient munies de lames de persiennes également en
nous étonnons donc pas des applaudissemens qui ont fer. Elle aurait pour objet, i°dé servir de ventilateur à
étédonnés jeudi à des choses qui ne nous flattaient pas fédifice ;
2° de servir de cheminée au foyer de lumière,
l'oreille, et faisons la part de l'inexpérience des specta- qui serait placé à sa base et par conséquent au sommet
teurs comme celle des chanteurs. de la coupole.
M"'' Prévost était chargée du rôle de la servantjC ; on '
Ce foyer se composerait des becs d'Argant ou de gaz
ne peut pas dire précisément qu'elle l'a bien chanté, rapprochés suffisamment pour former un cercle lumi-
mais elle l'a joué avec chaleur et sensibilité. Boulard est neux non interrompu etimitant alors un vaste bec de
tou joins bien lourd, mais il ne s'est pas trop mal tiré gaz hydrogène; il serait surmonté d'un hémisphère pa-
du rôle difficile du soldat. Tliénard a fait ce qu'il a pu rabolique en métal blanc poli, destiné l'i refléter les
200 REVUE MUSICALE.
rayons sur toutes les parties de la salle, à la manière le reste est le résultat de l'exercice, et le point
impor-
des ahat-joura. tant est qu'on y trouve une suite complète et bien gra-
En rendant le foyer lumineux plus que suffisant, on duée d'exemples pour tous les cas qui peuvent se ren-
pourrait placer au-dessous une gnze ou tissu métallique contrer dans la musique de cet instrument jusqu'aux plus
blanc et très serré, qui éviterait la projection trop puis- grandes difficultés. M, Cornette n'a rien négligé sous
sante des rayoris. ce rapport. Après avoir donné des exercices sur chaque
M. Couverchel pense que ce système d'éclairage of- position , il établit une bonne gradation sur leur mélange
frirait l'avantage d'employer indistinctement l'huile ou où les positions sont chiffrées. Les duos , les préludes ,
le gaz et même ces deux modes d'éclairage simultané- les trios et les grandes études offrent ensuite une collec-
ment, ce qui préviendrait les accidens résultant quel- tion complète de traits qui s'élèvent jusqu'aux plus hau-
quefois du vice de l'un des systèmes, et rendrait beau- tes difficultés. La méthode est terminée par une ana-
coup plus facile l'obscurité partielle de la salle. lyse des positions sur le trombone-alto.
MÉTHODE DE TnoMBONE, Contenant les principes de Ce dernier ouvrage sera mis en Teale le 16 loût.
cet instrument, des gammes, des exercices, vingt le- G. KuHMER. Op. »9. Trio brillant pour trois llûtes. —6 fr.
çons avec basse ou trombone , précédées chacune d'une A Paris, cliez A. Farrehc, éditeur de musique, rue J.-J. Rous-
seau n° 2 à l'entresol.
étude, quatre duos concertans deux trioset six grandes
,
, 1 ,
études. Dédiée i M. H. Valenlino, premier chef d'or- — Quadrilles de contredanses pour le piano, avec accompagne-
ment de violon flûte ou flageolet ad libilum), composé sur des mo-
chestre du théâtre royal de l'Opéra-Comique , par V. , (
Prix: i5 tr. complète; lo fr. sans les trios et les gran- Paris, chez Picini, boulevard des Italiens, n° 11.
des études. — M. Roeckel, directeur du théâtre allemand, a l'honneur de pré-
Paris, chez RicHAotT, éditeur des œuvres de Vauba- venir le public qu'il ouvrira, à partir du i" août prochain , un cours
ron et de Belcke pour le trombone , boulevard Poisson- du chant, et qu'il donnera aussi des leçons particulières, soit chez
nière, n° iG, au premier. lui , soit en ville.
mois,soit en un bon sur la poste, soit en un ferment des chapelles où les hommes qui se sont fait un
mandat sur une maison de commerce de Paris, nom recommandablé peuvent trouver l'emploi de leurs
talens. Ainsi Haydn a passé la plus grande partie de sa
s'ils ne veulent pas éprouver de retard dans l'en-
longue vie et a écrit tous ses beaux ouvrages dans la po-
voi du journal. sition de maître de chapelle du prince d'Esterhazy. lien
de faire paraître le 26° numéro de la Revue mu- que ne soit dans un état peu satisfaisant dans la presque
totalité de l'Allemagne : la constitution des théâtres en
sicale le 3o juillet, où sa publication devait avoir
est la cause principale. Livrés pour la plupart à des en-
lieu. La valeur de ce numéro sera remplacée
trepreneurs qui ne peuvent être dirigés que par leur in-
aux abonnés par des suppléinens dont nous pu- sont en quelque sorte fermés aux
térêt particulier, ils
blions aujourd'hui le premier. musiciens nationaux, parce que les opéras français ne
Nous espérons que nos abonnés nous sau- coûtent que le prix de la traduction ,
qui est fort peu de
ront gré du soin que nous prenons de remplir chose. Ces ouvrages piquent autant la curiosité du pu-
blic que les meilleures compositions allemandes pour-
nos engagemens envers eux.
raient le faire, et le but de l'entrepreneur est atteint sans
dépense. De là vient que la plupart des artistes alle-
et périls, celui-ci, presque toujours aux expédiens, et composition est plus froid, a moins bien réussi dans
souvententraîné à sa ruine, ne peut accorder aux com- son opéra le Manteau rouge ,
qu'il a fait représenter k
positeurs aucune indemnité comme prix de leurs tra- Stuttgard. Le chef actuel de l'école allemande, Spô'hr ,
vaux. Dans le fait, il n'y a point de droit de propriété a été moins heureux cetle fois qu'il ne l'avait été dan«
pour les compositeurs allemands, si ce n'est celui qui ses premiers ouvrages; son Alchimiste a été reçu froi-
résulte de la vente de quelques copies de leurs partitions dement au théâtre de Cassel. Ries, auteur de la Fiancée
aux directeurs des diverses provinces, et c'est li un du Brigand, n'a point trouvé cette année d'emploi pour
grand mal, car il faut que le travail d'un artiste trouve ses talens à la scène. Mendelsohn n'a pas été plus heu-
sa récompense dans l'indépendance qu'il lui procure. reux. Quant aux autres opéras représentés dans l'année
Ne nous étonnons donc pas du petit nombre de com- i85o, tels que les Amazones de Skraup, les Brigands cl
positeurs distingués que l'Allemagne a fourni depuis le Chanteur, de M"° Léopoldine Blahetka , et quelques
trente ans dans le genre dramatique, bien que les ha- autres,cène sont que de faibles ouvrages. Le Flibustier
bitans de cette contrée soient doués par la nature d'un de M. Lobe, musicien de la cour du duc de Saxe-Wei-
génie heureux pour cet art ; ce génie, ils sont contraints mar, est digne d'être mentionné pour les choses esti-
à le diriger musique instrumentale ou sacrée.
vers la mables qu'il renferme. Un jeune élève de Weber,
Beethoven lui-même qui dans Fidclio a manifesté une
, M. Beoedict, fatigué d'une vaine attente en Allemagne,
»i haute conception scénique, et qui, dans les ouver- a porté ses talens à Naples, et y a écrit les Portugais à
tures qu'il a écrites pour les drames de Coriolan, d'Eg- Goa, ouvrage qui a été représenté ensuite avec succès
mont et de Promethée, a remué tant de passions, Bee- sur le théâtre de Stuttgard. Reissiger, qui s'est placé
thoven , dégoûté des embarras du théâtre , a souvent au rang des bons compositeurs allemands par sa musi-
prodigué dans de simples sonates de piano de sublimes que instrumentale, a Lui représenter à Dresde un opéra
idées toutes empreintes de l'intérêt de la scène .Wcber, qui a pour titre le Moulin du rocher de l'Estaiïère. Les
plus heureusement placé par ses fonctions de directeur journaux ont donné des éloges à cet ouvrage. Enfin,
de la musique du roi de Saxe, a pu, après vingt uns M. Nohr, premier maître de chapelle du duc de Saxe-
d'attente , créer enfin les beautés originales du Frcys- Gotha, a donné depuis quelques mois un opéra intitulé
chiitz,A'Euryanihe et d'Obcion. C'est à une position Dcr Berger des Alpes), dans lequel il pa-
Alpcn/iirt (le
semblable que nous sommes redevables des opéras dont raît avoir montré du talent dramatique. Ainsi qu'on le
Spohr a enrichi la scène allemande. Aujourd'hui, des voit par cet aperçu, il n'y a que les compositeurs pos-
jeunes gens pleins d'ardeur, luttant avec désavantage sédant une position de maître de chapelle qui ont pu
contre les vices de l'organisation ihéâlrale de leur pa- faire représenter des ouvrages de théâtre.
trie, ont peine à se faire connaître, quoique leurs pre- Un genre de musique, aujourd'hui négligé par le»
miers essais soient de nature à inspirer quelque con- compositeurs italiens et français , l'Oratorio , de tout
liance pour leur avenir. .\u premier rang de ces jeunes temps cultivé avec succès parles musiciens allemands,
compositeurs Wolfram, Marschner Lind-
se présentent , onvre encore aujourd'hui une carrière honorable à
paintner et Mendelsohn Barlholdy. Le premier, qui quelques artistes distingués. A la tête de ceux-ci se
s'est fait connaître dès 182- par son opéra de la Rose place Frédéric Schneider, maître de chapelle à Dessau,
enchantée, a donné cette année avec succès, au théâtre qui s'est concilié les suffrages de tous ses compatriotes
lie Dresde, un drame romantique qui a pour titre le par ses Oratorios du Jugement dernier , du Paradis perdu
Moine de la montagne. Comme la plupart des composi- et de Gédéon. Après lui vient Klein, qui s'est distingué
teurs allemands de l'école actuelle , Wolfram n'a pu cette année par son David pénitent ; Lowe, de Stettio ,
se défendre de chercher ses succès dans l'imitation du auquel on doit la Destruction de Jérusalem; Closing,
style de l'auteur du Freyschiitz; néanmoins, on ne peut dont le Balthasar renferme des beautés réelles ; Spohr,
y ait dans
nier qu'il sa musique de la chaleur, de la qui a traité tous les genres avec talent, vient aussi de
rigueur d'harmonie et de brillans effets d'instrumenta- mettre au jour le Jugement dernier ,
qui se fait remar-
tion.Marschner, qui avait acquis déjà quelque célébrité quer par de beauxchœurs et de beaux effets d'harmonie,
par son Vampire, vient d'augmenter sa réputation par mais où l'on voudrait trouver plus de nouveauté dans
spn opéra du Templier et la Juive. On lui reproçj^.
eproçfjsç. les idées.
quelques entrepreneurs imprudens , derient de jour du public avec beaucoup de faveur et mérite son sucoèt
en jour moins contestable. Cependant ces plaisirs tien- par l'élégance des idées et l'habileté qui brille dans la
entreprises, à la tête desquelles se placent les théâtres. nécessaire de les lui rappeler ici; nous nous bornerons
Cette question, trop vaste pour être traitée dans cet à fiiire remarquer qu'ils ont eu la plus funeste influence
article , se présente naturellement dès qu'on songe à sur le sort de la musique et sur les travaux des compo-
examiner la situation des théâtres de Paris; situation siteurs. Quatorze opéras nouveaux ont été joués à ce
qui est devenue plus périlleuse chaque année, et dont théâtre depuis le mois de janvier i83o; six seulement
la révolution de juillet a comblé les maux. Nous traite- méritent d'être placés parmi les productions d'un art
rons dans un autre article et de la source du mal et véritable. Le premier est dû à la plume féconde de
des remèdes qu'il serait à propos d'y porter ; nous nous M. Auber; il est intitulé Fra Diavolo. On y trouve la
bornerons ici à constater l'un de ces effets en ce qui facilité qui distingue la manière de ce compositeur, et
eoncerne les théâtres lyriques. surtout ce tact des convenances dramatiques et des
Depuis quelques années, une révolution s'est opérée effets de scène dont il a donné des preuves dans pres-
sur notre première scène lyrique : à l'opéra déclamé a que tousses ouvrages. Danilowa, de M. Adam fils, est
(uccédé l'opéra chanté. Ce changement, bon en soi une composition d'une certaine importance sous le
parce qu'il enrichissait la musique française de formes rapport des proportions musicales; malheureusement
qui lui étaient étrangères, pouvait devenir la source l'imitation du style Rossinien y domine, et l'invention
d'une erreur si l'on n'adoptait un genre qu'à l'exclusion y est pour peu de chose. Cependant les premiers essais
d'un autre; car dans cet art, tous les moyens peuvent de M. Adam promettaient quelque originalité. M. Zim-
concourir au but s'ils sont employés à propos. L'erreur mermann n'a point été heureux dans le premier ouvrage
que nous signalons, on ne sut pas s'y soustraire; ce ne qu'il a donné au théâtre; mais tout le monde avoue
fut pas seulement pour le genre nouveau qu'on montra que musique renfermait d'assez belles choses pour
sa
uae prévention exclusive, ce fut aussi pour les hommes qu'il eût pu espérer de réussir si le poème de VEnlève-
qui l'avaient traité les premiers. Dès lors la carrière fut mcnfeûteu plus d'intérêt. La /««g-ue musicale, de M.
fermée à tous les compositeurs qui n'étaient pas dans Halevy, est une preuve nouvelle de la facilité de ce
le même système, et l'Opéra cessa d'offrir des ressour- jeune compositeur, de ses progrès dans son art, et un
ces au génie des jeunes artistes formés dans nos écoles. heureux présage de ce qu'il pourra faire quand un ou-
Deux opéras de peu d'importance ont été représentés vrage important et d'une coupe heureuse pour la mu-
à l'Académie royale de musique dans le cours de l'année sique lui sera confié.
i83o. L'un, François I" à Chambord, ouvrage d'un Il y a peu de chose à dire des autres pièces qui ont
amateur qui a gardé l'anonyme, n'a été joué que six été représentées en i83o à l'OpéraComique. LaTable et
fois. Une certaine habitude de facture s'y faisait remar- le Laidement, de M. Chelard, est l'erreur d'un homme
quer, mais la monotonie en était le vice radical ; c'était de talent; Attendre et Courir , ouvrage d'un amateur,
enfin une de ces productions qui ne sont ni bien ni mal Trois jours en une heure, pièce de circonstance peu di-
et quine vivent point. Le second opéra , le Dieu, et la gne de 1\J[.
Adam, {'Amazone, où la muse romancière
Bayadère, écrit par la même plume qui a tracé les par- de M. de Beauplan a voulu se monter au ton de l'opéra
titions de la Bergère châtelaine, A'Emma et de ta Muette enfin, Joséphine, bluette composée et apprise en huit
de Portici , n'est pas une des meilleures productions jours, ont déjà disparu de la scène pour la plupart.
Une grande activité s'est manifestée à l'Académie gnalé le commencement de l'année i83i ; nous voulons
royale de musique depuis quelques mois. Une traduc- parler du Diable dSc'ville , opéra de M. Gomis, compo-
tion da YEuryantke de Weber y a été donnée sans suc- siteur espagnol , dont le talent est empreint d'une teinte
cès. Nous avons expliqué dans quelques articles la cause d'originalité très prononcée. Si le succès de cet ouvrage
de la mauvaise fortune de cet ouvrage, l'une des meil- ne s'est pas soutenu aussi long-temps que son début
leures productions de Weber; nous ne reviendrons plus pouvait le l'aire espérer, des circonstances particulières
ici sur ce sujet. Plus heureux, le nouvel opéra de en ont été cause.
11- Auber, qui a pour titre le Philtre, a été accueilli M. Paris, jeune compositeur, pensionnaire du gou-
204 REVUE MUSICALE.
vernement, après avoir essayé ses forces sur un des attaché une grande importance. Dans sa lettre, il dit
théStres de Venise, est venu payer sa dette à sa patrie, qu'il se serait empressé de venir porter lui-même au mi-
en écrivant pour l'Opéra-Couiique un petit ouvrage in- nistre et son mémoire et l'explication de son secret, s'il
titulé La Veillée. On a reproché quelquefois aux élèves n'était retenu par la nécessité de faire vivre une famille
du Conservatoire de ne savoir pas se dépouillerdes habi- nombreuse, qui n'a de soutien que dans son travail.
tudes scolastiques dans leurs travaux d'imagination; ce Le mémoire qui est joint i la lettre a pour titre :
reproche n'est point applicable à M. Paris: on lui ferait Projet d'un nouveau chiffre, ou Mémoire instructif pour
à plus juste titre celui d'avoir presque oublié l'époque à exprimer par les seules notes de la musique tout ce qui peut
laquelle il appartient, et d'avoir rapetissé sa manière à s'écrire en toutes les langues de l'Europe , en usant des let-
l'égal de l'ancien opéra-comique. A ce petit opéra a tres de l'alphabet. Ce mémoire ne contient pas l'exposé
succédé le Morceau d'ensemble ,
production de la plume du secret d'Audibert , car ce secret , il ne voulait le com-
féconde de M. Adam. On y trouve des formes plus mu- muniquer qu'au ministre, moyennant qu'il en eût reçu
sicales et plus larges que dans quelques autres ouvrages des preuves de munificence; dans le cas où ses offres ne
en un acte du même auteur. seraient point acceptées, il déclare que ce secret mourra
Un changement important fait dans l'organisation et avec lui. Du reste, sa confiance en l'utilité de son chiffre
le personnel des chœurs et de l'orchestre, par la nou- et dans l'impossibilité d'eu pénétrer le mécanisme était
velle administration de l'Opéra-Comique, a transformé sans bornes, u On n'a garde de penser, dit-il ,
qu'un me-
Texécution pire que médiocre de ce théâtre en un en- « nuet, une sarabande, une adagio, une allegro, une
semble excellent. C'est dans un opéra fort remarquable gigue , mêlés i cent chiffons différens , renferme un
'
de M. Hérold , intitulé Zampa, que cet heureux chan- « avis ou une relation, quels qu'ils puissent Le sieur
être.
gement a été essayé la première fois ; l'œuvre du com- Il Audibert le donne au plus habile. Il soumetau surplus
positeur en a tiré un effet qu'il aurait été impossible a son secret ù l'examen des premiers hommes de France,
d'obtenir dans l'ancien ordre des choses. Dans son nou- « en musique , et dans l'art de déchiffrer les lettres, et
vel opéra,M. Hérold s'est placé au rang des meilleurs « il soutient qu'ils ne verront goutte dans ces notes ou
compositeurs dramatiques de la France. Son style y est o dans son chiffre, quand même ils auraient vis-à-vis
plus nerveux, plus nourri que dans ses autres ouvrages. ( ou à côté l'original de ce qu'on lui aurait donné à mas-
<i quer en musique ; mais ce qui est digne d'une attention
Il particulière, c'est que ses lettres musiciennes renferme-
SOB DN CHIFFRE MUSICAL « ront un chant régulier, auquel il ne manquera rien
« pour la justesse, et pour la proportion de la mesure.»
POVB LBS DÉPÊCHES DIPLOMITIQTJBS.
Ou verra tout à l'heure que sa confiance était mal
peu de choses à quoi l'on n'ait voulu employer
Il est fondée.
la musique Porta et quelques autres médecins en vou-
: Le mémoire d'Audibert est terminé par un morceau
laient faire une panacée universelle; de nos jours, de musique dans lequel ,
quoiqu'il en dise , il n'y a point
ÎH. Sudre en a fait une langue de signaux, dont l'uti- de sens mélodique. Ce morceau , renfermé en quinze
lité a été reconnue pour la guerre et pour la marine. On portées qui contiennent chacune environ huit mesures,
a ignoré jusqu'aujourd'hui qu'un musicien de Lyon a est la traduction en chiffre musical, que l'auteur croyait
imaginé vers le milieu du dix-huitième siècle de l'em- indéchiffrable; mais l'examen attentif de cet exemple y
ployercomme chiffre pour les dépêches diplomatiques. a fait découvrir les élémens suivans :
Ce musicien, nommé Audibert, était maître de musique 1° Les différentes clefs marquent les douze mois de
de l'Académie de Lyon, et avait été employé dans plu- l'année, en raison de la position que chacune d'elles oc-
sieurs maîtrises de cathédrales et de collégiales des villes cupe sur la portée.
principales du midi. Il dit, dans un mémoire autographe 2" Le quantième du mois est indiqué par des pauses.
dont il sera parlé tout i l'heure, qu'il est connu par dif- S" Chaque mot se place entre deux barres de mesure.
férens ouvrages en plusieurs genres qu'il a donnés au 4° La position des clefs doit être telle que la note sol
public dans les provinces ; ces ouvrages sont depuis long- se trouve sur la seconde ligne en montant.
temps tombés dans l'oubli. Au mois de février 1746, il 5° Un point sur une ligne désigne la fin de la phrase.
adressa à d'Argenson. ministre des affaires étrangères, 6° Un soupir marque la virgule.
une lettre accompagnée d'un mémoire sur la découverte 7° Le point sur la ligne accompagné d'un soupir mar-
qu'il avait faite d'un chiffie musical auquel il paraît avoir que le point et virgule.
REVUE MUSICALE. 205
8° Un point qui suit une note marque l'apostrophe. du chiffre musical, et la réponse du ministre, se trou-
9° Les voyelles s'écrivent toujours sur la troisième vent dans un recueil manuscrit de la Bibliothèque royale
ligne, de Paris , placé parmi les livres imprimés et coté V,
10° A se marque par une ronde; e par une blanche, i84o, 6-y. L'existence de ces pièces n'a été connue
( par une noire, o par une croche, u par une double d'aucun bibliographe.
croche. Le double crochet étant en haut indique Vu
voyelle ; s'il est en bas , il dédigne l'a consonne ou le b.
PUBLICATIONS CLASSIQUES.
11° Si sur la troisième ligne désigne ay son octave
supérieure, b, son octave inférieure, c, et ainsi des au- Pratica d'accompagnamento sopra bassi numerati e con-
trappunti a piu voci sulla scata ascendente , e discendente
tres consonnes dans la suite des notes si, ut, ?•«, mi, fa,
maggiore, e minore, con diverse fughe a qaattro e otio
sol, ayant soin de n'employer jamais ces consonnes sur (Pratique d'accompagnement sur des basses chiffrées,
la troisième ligne, quelle que soit la clef. Il est indiffé- et contrepoints à plusieurs voix sur la gamme ascen-
rent d'employer pour ces consonnes des blanches, des dante majeure et mineure , suivis de fugues à quatre
et à huit parties , par le P. Stasislas Matïei, mineur
noires , des croches ou des doubles croches; le choix de
conventuel (grand cordelier), maître de chapelle ho-
{a valeur se détermine par la longueur du mot qu'on noraire de S. A. R. la duchesse de Lucques, etc. etc.)
doit mettre entre les deux barres. trois parties in-folio. Bologne , Cipriani et comp°,
12° Kse s'indique par un bécarre, as par un dièze, y au magasin de musique du théâtre del Corso , n° go.
par un bémol, et z par un double bécarre. Ces signes L'école bolonaise de contrepoint est célèbre depuis
ne sont affectés à aucune ligne de préférence ; ils peu- plus de cent cinquante ans : elle fut dans son origine une
vent s'employer partout à volonté. émanation de l'école romaine , la plus pure et la plus
i3° L'inconvénient de ce chiffre est de ne représenter correcte de toutes les écoles d'Italie. Jacques-Antoine
qu'une lettre par chaque signe, et conséquemment d'exi- Perti, qu'on peut considérer comme le fondateur de
ger beaucoup de temps pour la rédaction, et beaucoup cette école de Bologne , et qui était né le 6 juin i66i,
d'espace pour peu de texte. avait eu pour maître Joseph Corso , surnommé Celano,
Au moyen de ces élémens, découverts par l'analyse élève de François Foggia, maître de chapelle de Saint-
du morceau de musique, on a trouvé la traduction de Jean-de-Latran. Le P. Ange Predieri, qui fut le maître
ce morceau, et les quinze portées ont donné les vers du P. Martini, un savant homme qui s'était formé
était
suivans aussi dans l'école de Rome. Tout le monde eonnaît les
ouvrages de ce même P. Martini, et sait que son savoir
Beaux lieux, agréable retraite,
Quand on peut goûter vos douceurs pure harmonie. Ses contemporains, Antoine Caroli et
Est-il quelque bien qu'on regretle ? Joseph Coretti, étaient pussi de savans professeurs et
Jardins, de tous côtés ouverts, Sarti, dont le mérite comme compositeur de musique
Bois , canaux , riante campagne sacrée n'est point assez connu en France , appartenait
Que mes yeux, dans un doux loisir,
aussi à cette excellente école bolonaise, qui n'a plus au-
Au charme qui vous accompagne
jourd'hui de représentant que l'illustre Ghérubini, digne
S'abandonnent avec plaisir !
La facilité qu'on avait trouvé ù traduire le chiffre d'Au- Le P. Martini avait formé quelques élèves auxquels il
dibert n'était pas une recommandation en faveur de sa avait communiqué les traditions parfaites de l'école ro-
découverte ; les offres de ce musicien ne furent point maine; les plus distingués d'entre eux furent l'abbé
acceptées, et le ministre d'Argenson lui 6t répondre Jean-Calixte Zanolti, Laurent Gibelli, Bernard Ottani,
qu'ayant déjà des chiffres de celte espèce, et ne les con- François Orsoni et le P. Mattei. Tous furent d'habile.»
sidérant que comme des objets de curiosité, parce qu'ils professeurs et des compositeurs recommandables dans
ne pouvaient être employés pour les expéditions ordi- le style ecclésiastique ; mais le P. Mattei paraît avoir été
naires, il se bornait à le louer de son zèle pour le ser- l'élève de prédilection du savant historien de la musi-
vice du roi, et à le remercier de sa bonne volonté. que, car jamais il ne s'en sépara. Ce fut entre ses mains
La lettre adressée par Audibert au ministre, son mé- qu'il laissa ses manuscrits, et il lui confia le soin d'oii-
moire, l« travail analytique des élémens de son système seigner dans l'école qu'il avait lui-même dirigée avec
pour un employé des affaires étrangères, la traduction gloire pendant do longues années. « Je sais, lui dil-U
20P. REVUE MUSICALE.
«en mourant, en quelles mains je laisse nia place et dans lequel le texte est i peu près nul; toute la théorie
u mes écrits » [So in clie mani lasciô il mio posio ecl i miei d'harmonie de la même école est renfermée dans les
fcrilti). Fantuzïi [Notizie degli scritlori Botognesi, t. 5, Regole jnusicali per i principianti di cembalo de Fenaroli,
p. 553) assure qu'il avait laissé en effet entre les mains recueil de partimenii également dépouillé de texte; en-
(lu P. Mallei les matériaux de la suite de son liisloire de fin le cours d'études de Mattei est exposé dans une suite
la musique , en le chargeant du soin de terminer cet ou- d'exemples, précédés seulement de quelques notions
vrage; mais son attente n'a point été remplie, et dans communes et incomplètes. Toute la science de contre-
les quarante-une années qui se sont passées depuis la point enseignée dans le Conservatoire de Milan a été
jnort de Martini jusqu'à celle de son élève, rien n'a paru renfermée en trente-cinq pages in-8° par Morigi; La
de celte histoire qui, bien que conçue sur un plan dé- scuola di contrappunio de Tritto ,
premier maître du col-
fectueux et remplie d'inutilités, n'en est pas moins un lège royal de musique de Naples , est aussi un ouvrage
irionument très remarquable d'érudition musicale. de peu de valeur, où toute la théorie et la pratique sont
A l'égard de l'école de contrepoint cl d'harmonie, la exposées en cinquante-deux pages. Un seul auteur ita-
volonté de Martini a été mieux observée, car le P. Mat- lien moderne a écrit des livres où la science du contre-
tei y a enseigné avec distinction pendant quarante ans, point et de l'harmonie sont développées: cet auteur est
et a tonné un nombre considérables d'élèves. L'euvrage le P. Sabbatini; mais celui-là avait à exposer le sys-
que nous voulons examiner ici est le résultat de ses le- tème particulier de Valotti, son maître.
çons ; c'est le cours que ses élèves ont suivi invariable- Toute la théorie de .Mattei sur l'harmonie est ren-
ment. On se tromperait si l'on croyait y trouver l'exposé fermée en six pages ; elle se borne à l'exposé de la forme
d'une doctrine profonde sur la théorie de l'harmonie et de l'accord parfait, de celui de la septième dominante et
du contrepoint; ce n'est même pas un recueil d'obser- de leurs dérivés, avec quelques notions des ligatures.
vations sur des cas particuliers de l'art d'écrire comme Du reste , les faits particuliers n'y sont rattachés par au-
le Saggio fondanuidale pratico di conirappiinlo de Martini ;
cune considération générale; nulle philosophie ne se
uniquement destiné à la pratique de cet art, le livre de fait apercevoir dans l'ensemble de ces faits. Après les six
îlattei ne contient que des exemples qui étaient sans pages dont j'ai parlé, viennent les gammes des diver»
doute analysés par lui dans ses leçons orales, mais qui tons majeurs et mineurs, avec leurs harmonies diato-
sont ici dépouillés de texte. niques, chromatiques et quelques-unes des progressions
Si l'on considère attentivement l'école italienne de- qui en dépendent; puis (page 33) commencent les
puis le ooraUicncement du dix-huitième siècle, on y re- basses chiffrées ou parlimenti rangés aussi par tons. Ces
marque une très bonne tradition qui se transmettait basses sont composées de formules harmoniques plus
dans toute sa pureté de génération en génération, tra- élégantes que celles de Fenaroli; elles sont contenues
dition toute pratique et qui s'acquérait par une longue jusqu'à la page \'2,!\. Les six pages suivantes ,
qui termi-
habitude d'accompagner les partimenii sur le clavecin et neut la première partie, contiennent des règles de
d'écrire beaucoup de contrepoints et de fugues ; mais ce modulation.
que nous appelons ta doctrine y était à peu près oublié. Quelques règles de contrepoint, avec les exemples
II semble que les meilleurs maîtres italiens considé- qui y sont relatifs, composent toute la théorie de cette
raient toutes les questions comme épuisées par les an- partie de l'art dans l'ouvrage du P. Mattei; elles sont
ciens théoriciens, tels que Zarlino, Zacconi, Tevo, contenues dans huit pages compose d'exem-
; le reste se
Laurent Penna, Bontempi, Bononciui , Ccrelto, Ti- ples en contrepoint simple, depuis deux jusqu'à huit
grioi, Bona, Angleria, et quelques autres, et qu'il ne parties réelles, sur la gamme diatonique montante et
restait plus rien à dire. Ils ne remarquaient pas que les descendante, dans les modes majeur et mineur. Ces
mêmes progrès qui s'étaient faits dans la pratique de- exemples sont bien écrits, mais la progression des diffi-
qui avaient en quelque sorte changé l'aspect de l'art, premiers pas on y voit dans les contrepoints simples à
avaient aussi considérablement ajouté à la théorie, et que trois et à quatre des imitations et des canons , bien
celle-ci avait besoin d'être résumée dans de nouveaux qu'aucunes notions de ces formes ne soient données dans
livres. Toute la science pratique du contrepoint de l'école l'ouvrage. Au reste, quelques-unes de ces formes font
de Naplcs, pendant le dix-huitième siècle, s'est repro- voir que le P. Mattei possédait une grande habileté et
duite dan? les Regole del conirnppunio pralico de Sala, beaucoup d'expérience dans l'art d'écrire. Je ne puis me
Quvrage presque entièrement composé d'exemples, et refuser au plaisir d'en rapporter ici un exemple :
UEVUE MUSICALE. 207
/^ O <^
Q ^> -
^S ^^
E
Canon à l'octave
fr"" r r r^
*i
r
m
^ ^^
^^ y-<9 ^^
^
-©-=-
^ ?^
at±
/On
xr fj T ~T
g ^^
-M-
,^
:«=
yir^?~
fe?3
^ ^^ ^-^ i:^ ^ -'^
/T^
En résumé, les exemples pratiques éctils par le P. ce qu'on en espérait, et ne donne pas une haute idée de
Mattei démontrent que sa réputation de savant profes- sa méthode ni des qualités philosophiques de son esprit.
seur était méritée; mais son ouvrage ne justifie point FÉtis.
ne se servent des lettres que comme signes du nom des notation de ces instrumens à celle de la voix, et rendre
notes, au lieu que depuis le temps de Boèce jusqu'à celle-ci uniforme. Lichtenthal a copié exactement For-
celui de Gui d'Arezio, et même postérieurement, ces kel, et ne paraît pas avoir lu
le passage d'Hawkins qu'il
mêmes lettres furent les signes des sons. Une autre cite , donne des renseignemens beaucoup plu*
et qui
différence se fait remarquer dans la nomenclature lit- étendus sur le livre de Salmon, bien qu'il n'ait pas com-
térale des notes d«s Anglais et des Allemands : les uns et pris exactement l'objet des réformes proposées par cet
les autres nomment ut C , ré D, mt E , /« F, sol G, et écrivain. ( voy. Havuldns , HLit. ofma*., t. IV, p. 420 et
ta A; mais les Allemands désignent si bémol par B, suiv.)
et si'i^ par H, tandis que les Anglais disent Ji liât pourij La réforme proposée par Salmon fut vivement atta-
bémol, et simplement B pour si'c. quée par Mathieu Look, professeur de musique , dans
Mais Ce qu'il y ade'plus remarquable dans cet emploi des Observations upon a late book entilled an Essay to the
des lettres pour la désignation des noies qui se retrou- advancement ofmusic, etc. Londres, 1672, in-8°. Salmon
vent aujourd'hui en Allemagne et en Angleterre après se défendit dans une lettre qu'il adressa à Jean Wallis,
tant de siècles, c'est qu'il ne s'y est pas conservé sang mathématicien célèbre et bon musicien ; cette lettre a
interruption depuis le moyen-âge, car la méthode de pour titre : À vindication of an essay to the advancemtnt
Gui d'Axezzo y fut introduite et mise en usage dès le ofmusic from M. Matihew Looks observations , etc. Lon-
onzième siècle, et dans toutes les écoles des églises et dres , 1672, La société royale de Londres ap-
in-8°.
des cloîtres on se servit des noms de notes ut, ré, mi, prouva la réforme de Salmon et en flt un éloge qui pa-
fa,^sol; la. Ce n'est point ici le lien d'examiner comment rut dans les Transactions philosophiques, de 1672, n° 80.
et pourquoi l'on en revint plus tard ù une méthode plus Néanmoins elle ne fut adoptée, ni pour la substitution
ancienne en Allemagne : je ne me propose que d'exami- des lettres aux notes, ni pour la suppression des clefs ;
ner ce qui concerne l'Angleterre, et de faire voir que le mais l'usage des lettres pour la désignation des notes
retour ù la nomenclature des lettres y est peu ancien, s'en est conservée. C'est ce que Hawkins n'a pas dé-
car il ne remonte pas au-delà de 1672. mêlé. Au reste, toute cette dispute se termina par une
Ce fut un maître-ès-arts de l'université d'Oxford, plaisanterie d'un musicien anglais nommé Phillips, <p]i
nomméThomasSalmon.quile proposa dans un ouvrage parut en 1675 sous le titre de Duetlum musicum, avec
intitulé: Anessay io the advancement ofmusic, by casting une lettre de Playford contre le systèirie de Salmon.
away the perplexily of différent cti/fs, and uniting ail sorts La réforme des clefs a été reproduite depuit Salmon
ofmusic, tute,vio(, violins, organ, harpsichord,voice, etc., par Dumas, par Lacassagtie et par plusieurs autres au-
in one universal c/iaracter. Londres, 1672, in-S». Tous teurs, et démontrée inutile par Boyer dans une lettre à
les bibliographes musicaux ont cité cet ouvrage sans Diderot (Paris, 1767, in-ia), comme elle l'avait été
l'avoir vu, et sans savoir ce qu'il contient réellement, par Malcolm en 1721 dans son Treatittofmus ic.
Walthcr l'a indiqué dans son Lexicon sous le titre latin. Je possède une traduction française manuscrite de
De augenda musica, et sous la fausse date de 1667. For- l'ouvrage de Salmon, sous le titre de Essay pour l'aaan-
kel, d'après Hawkins, en a donné le titre et la date avec cement de la musicque en teuant les difficuttez qui se ren-
plus d'exactitude dans sa littérature générale de la mu- contrent dans les différentes clefs, et unissant sous un ca-
sique, mais il ne fait mention que de la suppression des ractère uniuersel toute sorte de mu«"i/«e,etc. L'orthographe
clefs proposée par Salmon, el ne paraît pas avoir eu de cette traduction indique qu'elle a été faite à l'époque
connaissance du deuxième chapitre du livre de celui-ci où a paru l'original. Féhs.
qui est intitulé de la nécessite de changer la gamme. Dans
ce chapitre Salmon propose de substituer les lettresaux
notes, non-seulement pour leur dénomination, mais
Nouvelles de Paris.
aussi pour la notation, et dans le chapitre suivant il
propose de réduire les clefs à un caractère universel en La musique, si maltraitée par le gouvernement né
indiquant la basse sur la portée par un B, les voix in- des journées de juillet, a été cependant appelée à fêter
termédiaires par M, et le dessus parTr. [treble) qui si- l'anniversaire de ces fameuses journées; ces pauvres ar-
gnifie dessus en anglais. Au moyen de ces signes, et en tistes, qui, dans le noble langage des bureaux du mi-
plaçant les lettres sur la portée , Salmon voulait faire nistère des arts, sont appelés par dérision les crins-crins
disparaître toutes les tablatures compliquées alors en de l'Opéra , sont venus payer leur dette au Panthéon, et
usage pour l'orgue, le luth, la viole, etc., ramener la prêter le secours de leur archet aux émotions simulées
Supplément.
SUPPLÉMENT AU N° 26 DE LA REVUE MUSICALE. •209
de l'autorité. Ils ont fait de leur mieux, c'est dire assez sions réclamées ajuste titre soient liquidées; mais voici
que ce qu'ils ont fait entcudre était excellent, autant par ce qu'il a trouvé de mieux pour se venger de l'obliga-
le choix des morceaux que par le nerf de l'exécution; tion qu'on lui impose. Une décision administrative
la pompe de leur harmonie n'a pas été la partie la moins oblige les acteurs pensionnés par suite de longs services
digne de la cérémonie funèbre du 27. L'entrée du roi à un théStre royal , à ne faire usage de leurs talens qu'à
dans le temple a été le signal du concert, qui a com- cinquante lieues de Paris. Cette décision avait pour but
mencé par une espèce de fantaisie à grand orchestre sur d'empêcher la dislocation fréquente du personnel de ces
la Marseillaise composée par M. Schncilzhœffer. Ilya
, théâtres : M. d'Argout en fait une application singulière
du talent dans l'arrangement de ce morceau, que l'or- aux musiciens de l'Opéra, en décidant que ceux qui se-
chestic a rendu avec une rare énergie. ront admis à la pension ne pourront plus faire partie de
Après que le roi eut scellé les quatre tables de bronze l'orchestre de la nouvelle administration; comme s'il
sur lesquelles sont gravés les nom? des victimes des 27, pouvait être dans l'intérêt du gouvernement que des ar-
28 2g juillet, et qu'il eut prononcé un discours ac-
et tistes fussent privés de moyens d'existence qui ne lui
cueilli par les applaudissemens de ceux même qui ne sont point onéreux. Nul ne peut cumuler une pension
l'avaient pas entendu, les chants ont recommencé, et de retraite uu traitement d'activité; mais cela n'est
et
Adolphe Nourrit a chanté avec sa chaleur accoutumée vrai qu'à l'égard du gouvernement, et la loi n'a point
une hymne de M. Victor Hugo, dont M. Hèrold a com- voulu priver les pensionnaires du droit d'augmenter
posé la musique. Ce morceau su distingue par beau- leurs ressources par une industrie particulière. La dé-
coup de franchise de ton. Une belle marche funèbre que. cision de M. d'Argout aurait pour effet de priver l'or-
H. Chérubin! a composée autrefois pour le général Ho- chestre de l'Opéra de talens tels que ceux de MM. Vogt
che , au concours avec Piccini et Paisiello, a été ensuite Tulou, Dauprat, et de plusieurs autres artistes distin-
exécutée avec beaucoup d'ensemble par l'orchestre, gués; nous pensons qu'elle est nulle de plein droit, et
Bonaparte avait demandé cette marche, et avait offert que le recours au conseil d'Etat ferait triompher la cause
un prix de cent louis pour le vainqueur. Il se connaissait du bon sens et de la justice.
fort peu en musique ; néanmoins il se fit le juge du con- — L'ouvrage qu'on répète en ce moment à l'Opéra-
cours, et son penchant pour le genre de Paisiello le fit Comique est intitulé le Livre de l'Ermite. La musique
décider en faveur de ce compositeur, dont l'ouvrage est, dit-on, de M. Carafa. Cet opéra sera vraisembla-
était certainement inférieur à celui de Chérubini. Celui- blement représenté dans la première quinzaine d'août.
ci fut sensible à cette injustice, et ne le cacha point: — La partition de Zampa, opéra-comique en trois
telle fut l'origine de l'inimitié qui exista toujours entre actes, de mise en vente chez
M. Ilérold, vient d'être
le plus grand général des temps modernes et le plus sa- Meissonnier jeune, éditeur de musique, rue Dauphine.
vant musicien de l'Europe. Cet ouvrage, qui a obtenu un brillant succès à Paris,
La marche funèbre chœur de Castor
a été suivie d'un ne peut manquer d'être bien accueilli dans les départe-
et Pollax , de Rameau, arrangé par M. Chérubini, de mens et à l'étranger. Le prix marqué de la partition est
la prière de Moïse, d'un chœur de la Création, de Haydn, de ia5 francs ; celui des parties d'orchestre est le même.
et enfin de la Parisienne , chantée par Adolphe Nourrit — Le Théâtre royal Italien fera son ouverture le i"
avec une verve prodigieuse. septembre prochain , et la saison théâtrale sera de sept
— Encore un exemple de
• la protection que le minisire mois, qui S€ termineront le 5i mars 1802.
chargé des arts accorde aux artistes, et de la justice de Voici la note des artistes qui se trouvent jusqu'à ce
ses décisions. Peu conCans dans l'avenir par suite de ce moment engagés, et qui se feront entendre , soit en-
qu'ils voient au présent , les musiciens de l'orchestre de semble, soit successivement : MM. Rubini, Nicolini
l'Opéra qui ont droit à leur pension demandent qu'elle Bordogni, premiers ténors; Lablache , Sanlini, Gra-
soit réglée au moment où le gouvernement cesse d'ad- ziani, BerattonijDerosa, premières basses; MmesPasta,
ministrer ce spectacle et le confie à une entreprise Malibran, Schrœder-Devrient, Carradori , Tadolini
particulière. Jusqu'ici, l'on n'a point encore imaginé de prime donne, et Mmes Michel, Amigo et Rossi, se-
ne pas reconnaître les pensions liquidées; ces artistes conde donne.
ont dû croire qu'ils devaient se hSter de faire régler On donnera dans le courant de la saison trois ouvrages
leurs droits dans la crainte qu'on n'invoquût plus tard nouveaux. L'ouverture aura lieu par la première repré-
quelque fin de non-reccvoir. Il faut bien que M. le mi- sentation de Anna Bolena, opéra séria, musique de
nistre des travaux s'exécute sur ce point, et que les pen- M. Donizetti, dans lequel MM. Rubini, Lablache et
I
210 REVUE MUSICALE.
Mme Pasta, rempliront les principaux rôles; les autres l'une pour les femmes, l'autre pour les hommes. Il ne
ouvrages sont 1 1 Pirata , opéra séria, et la Somnambula, sera admis que quatre personnes dans chacune , et les
opéra buffa, musique de M. Bellini. élèves seront obligés de souscrire un engagement con-
Les chœurs, entièrement renouvelés, seront dirigés tenant de certaines conditions que M. Kalkbrenner con-
par M. Hérold. sidère comme indispensables pour atteindre le but qu'il
MM. les locataires et abonnés de la dernière saison, se propose. Il se réserve aussi de choisir parmi les per-
qui désireraient renouveler leurs abonnemens pour la sonnes qui se présenteront celles que la nature aura or-
saison prochaine, sont priés de vouloir bien se faire ins- ganisées le plus convenablement pour l'exécution sur le
crire au bureau de la location, rue Favart, en face la piano.Le cours commencera au mois d'octobreprochaîn,
rue d'Amboise, d'ici au 20 août, autrement on dispo- chez M. Kalkbrenner, rue Cadet, n° 9.
serait de leurs loges ou stalles.
— Depuis long-temps, les admirateurs du talent si
dans l'art de jouer du piano. Ce mécanisme, dont les On sait que le concert de la fête communale de
bases sont l'indépendance des doitgs accompagnée de Douai est une sorte de solennité des arts pour nos con-
leur égale aptitude dans les deux mains , et l'art de tirer trées; on sait que chaque année, une société aussi
de l'instrument tout le volume de son qu'il est suscep- brillante que nombreuse s'y presse attirée , à la fois par
tible de donner et d'en modifier la qualité, ce mécanisme le charme de la musique et par l'éclat de la réunion.
n'est autre que celui de démenti, perfectionné dans Le concert de cette année n'a eu rien à enviera ceux
quelques-uns de ses détails et enrichi de toutes les der- qui l'ont précédé; il a eu même, pour nous Douaisiens,
nières découvertes en difficultés vaincues. Les avantages un attrait nouveau : celle qui devait en faire ie principal
résultans de ses principes sont tels que ce n'est que par intérêt, était notre concitoyenne ; nous avions pour la
l'étude de ces mêmes principes que peuvent être déve- première fois du plaisir d'entendre et d'applaudir à
loppées les facultés les plus heureuses; sans eux, l'agi- un beau talent, dont la ville de Douai peut s'enorgueil-
lilé naturt'lle la plus rapide et le trav.iil le plus assidu ne lir.
donnent que des résullats imparfaits. Si l'on n'était re- Une des plus belles symphonies de Beethoven, exé-
tenu par la crainte de porter atteinte à des réputations cutée avec un ensemble admirable sous la direction de
justement acquises à de certains égards , on pourrait ci- notre habile citoyen, M. Luce, a ouvert le concert
ter des hommes fort distingués par leurs qualités natu- MM. Debarge et Mantel ont chanté après le beau duo
relles qui n'atteindront jamais le but vers lequel ils s'é- de Guillaume Tell. M. Nourrit jeune, qui leur a suc-
lancent sans relâche , faute d'avoir connu et pratiqué ces cédé au pupitre, a su captiver l'attention par un solo de
principes dès leurs premières études. cor, remarquable par ses difficultés et ses modulations.
Les principes dont nous venons de parler, M. Kalk- Dans un duo de violon et de piano d'Osborne et de Bé-
brenner les a exposés dans une méthode qui ne tardera riot,M. Luce a donné une nouvelle preuve de son
point à paraître, et qui ne ressemble en rien aux autres étonnante facilité et de son rare talent comme amateur.
méthodes de piano qui ont été publiées jusqu'ici. En la Tous morceaux de piano ont été exécutés sur l'un
les
voyant, on sera étonné que tant de choses nouvelles, des pianos à^queue de M. Pavy qui sont à l'exposition
ou du moins inconnues, aient été renfermées dans un de l'industrie. On a commencé la seconde partie par
i\ petit volume: tels sont les avantages des principes l'ouverture de la Jessonda de Spohr. L'introduction a
généraux: ils s'appliquent à tout, et sont féconds en laissé regretter le manque d'instrumens de cuivre que
résultats bien qu'exprimés en peu de mots. seule l'Allemagne possède; mais dans l'alIegro l'or-
Ne voulant point laisser imparfait le service qu'il rend chestre s'est relevé et a été parfait jusqu'à la fin. Cette
à l'art, M. Kalkbrenner vient enfin de céder aux sollici- belle ouverture était entendue en France pour la pre-
tations dont il était entouré depuis long-temps, et a mière fois.
consenti à ouvrir un cours destiné à former quelques Le jeune Vilant, notre concitoyen, élève de notre
jeunes professeurs. Ce cours sera divisé en deux classes. académie et du Conservatoire était venue payer son
REVUE MUSICALE. 211
tribut de reconnaissance, à sa ville natale ; il l'a fait lent électrise les habitans de Madrid, qui ne sont pas
d'une manière brillante dans un air varié de Becr qu'il moins sensibles à la musique ni moins enthousiastes que
a exécuté sur le basson avec une facilité prodigieuse, les Italiens. Carlo Trezzini, qui possède une voix de té-
une qualité de son qui annoncent un talent des plus nor puissante et étendue, n'est point nouveau pour
remarquables. nous , mais il jouit toujours de la faveur publique ; son
On avait entendu la veille au théâtre le Concert à la habileté à manier le bel instrument dont la nature l'a
Cour. Mlle Michel a chanté l'air de cet opéra : quelle doté est d'ailleurs fort remarquable. Mme Cari, comme
différence pour la musique ! quel bonheur pour un com- contr'alto, est une bonne acquisition. Les trois sujets
positeur d'être ainsi compris, traduit au public! qui viennent d'être nommés et Inchindi composent un
Nous ne passerons pas en revue les divers morceaux ensemble fort satisfaisant auquel il ne manque qu'un
dans lesquels Mlle Michel s'est fait entendre avec tant bon opéra nouveau pour produire beaucoup d'effet.
de succès. Nous dirons que cette demoiselle promet à Malheureusement nous ne possédons plus Mcrcadanle
la France une des cantatrices les plus distinguées. A pour en écrire.
une excellente méthode qu'elle doit aux leçons de Ban- Barceiohne. L'administration du tbéâlre italien de
derali, elle joint beaucoup d'ame et d'expression. Sa cette ville est complètement changée; à la tête des nou-
belle voix de contre-alto peu.t atteindre à l'élévation du veaux entrepreneurs se trouvent MM. Grassi, Bordes,
soprano. Il est rare d'entendre cadencer avec plus de Martinez, un accordeur de clavecin, etc., etc. Les chan-
perfection, et exécuter des gammes chromatiques avec teurs principaux engagés par celte administration sont
plus de bonheur et de facilité ; elle a surtout été parfaite Mmes Pastori et Brambilla, prime donne; Cavaceppi, et
dans son morceau italien de Pacini; c'est là qu'elle a en dernier lieu Genero; le /srimo Aasio Moncada ; enfin le
donné la mesure du talent qu'elle promet au départe- bouffe Lainer, qui n'est pas ce qu'il y a de meilleur
ment du Nord et à la France. dans la troupe, et Mme Médard, de Toulouse, qui a
Mlle Michel est une jeune et belle personne qui ne déjà chanté autrefois avec succès à Bercelonne comme
compte que dix-huit ans, ce qui ne peut qu'ajouter en- primo masico.
core à l'intérêt que son beau talent doit inspirer. Le premier ouvrage représenté a été le Danao, de
— Au concours de musique d'harmonie qui a eu lieu Persiani; à l'exception d'un duo chanté par la Pastori et
dans la même ville, la musique de la ville de Valen- Moncada, cet ouvrage n'a point été applaudi. On y a
ciennes a obtenu le premier prix, et celle de Cambrai fait succéder la Vestale, de Pacini, ouvrage déjà connu,
le second. mais qu'on entend toujours avec plaisir; la Brambilla y
a été vivement applaudie. En attendant l'arrivée de Ge-
nero, on fut obligé de monter l'Allessandro nelle Indie,
Nouvelles étrangères. de Pacini, dans lequel Moncada prit la partie de té-
Màdeid. La composition de compagnie chantante
la nor écrite pour Nozzari Ce fut dans cet ouvrage que
de notre théâtre italien est fort bonne cette année; nous Mme Médard fit sa rentrée. Ceux qui l'avaient entendue
avons comme prime donne, Mmes Tosi et Càrl comme ; ily a quelques années, trouvèrent qu'elle avait perdu
ténors, Trezzini et Pasini; comme premières basses, une partie de ses moyens; néanmoins elle sut se faire
Maggiorotti et Inchindi, et comme bujfo caricato, Vac- applaudir dans une cavatinc de Pacini qu'elle avait in-
cani, qui est comme une partie du mobilier de l'opéra troduite dans cet ouvrage. L'arrivée deOenero a permis
de Madrid. de mettre en scène le Pirate, déjà connu, et qui a été
Le premier début de Maggiorotti eut lieu le 6 juin écouté avec froideur. Genero n'est point de force à
dans l' Orfana délia Seka, opéra de Coccia. Ce chanteur chanter le rôle difficile qui a été écrit pour Rubini; ce
connu en Espagne, ayant fait
était déjà partie des com- n'est que dans l'air du second acte qu'il a recueilli quel-
pagnies de Madrid et de Barcelonne en 1826 et 1827; ques applaudissemens. La Cenerentola, dont on ne se
son succès ne fut pas des plus heureux celte fois, et la lasse point, a été reproduite ensuite et a fourni l'occa-
comparaison avec Inchindi ne lui fut pas favorable. Ce sion d'un nouveau triomphe à Mme Pastori. Enfin la
dernier est maintenant en possession de la faveur pu- Siraniera fut chantée avec succès par la même canta-
blique, et ses partisans sont fort nombreux; l'opéra fut trice , Genero, le basso Cavaceppi et Mme Médard. En
médiocrement goûté.
d'ailleurs somme, le répertoire varié de cette .saison a satisfait le
La Tosi a été beaucoup plus heureuse dans Bianca e public assez exigeant de Barcelonne.
Fernando, qui succéda à l'ouvrage de Vaccai, Sou la- MiLAR. Le 8 juillet, un concert a été donné au théâtre
212 REVUE MUSICALE.
Re par M. Giovanni Paggi, hautboïste d'un talent esti- Grisi; premier ténor, Reina; première basse , Coselli.
mable. Cet artiste s'y est fait entendre dans un adagio Pacini est engagé pour écrire un opéra sérieux dont le
suivi de variations sur un thème de ta Donna del Lago , libretto est de Romanelli.
dans le grand rondo d'Ottavia de Pompée , exécuté sur le A Sinigaglia pendant la foire mesdames Caroline
,
:
hautbois, et dans une fantaisie sur le thème de l'air de Ungher et Rose Lugani, prime donne; Giovanni Ca-
Rubini dans Anna Bolena, exécuté sur le cor anglais. pelli, premier ténor; Alexandre Giachini, deuxième
Mme d'Anvers, cantatrice française avantageusement ténor; Luigi Biondini cl Natale Costanlini, premières
connue à Paris, et qui est fort aimée à Milan , a chante basses.
dans ce concert un air de Sigismondo et un duo de la Londres. On lit dans le Court Journal du 9 juillet :
Sposa fidèle, de Pacini, avec M. Jean Schoberlechner, « Siroe, opéra de l'honorable miss Marianne Jervis. Une
de Vienne. seconde répétition de cette intéressante et remarquable
, Le 6 du même mois, un autre concert, suivi du production a eu lieu, marili dernier, dans les salons de
deuxième acte d'Otello avait eu lieu au théâtre de la madame Cuthbert, Grovenor square. Elle a été honorée
Canobbiana. Dans le concert , on avait entendu mesdames de la présence de don Pedro et d'un nombreux cercle
Pantanelli, d'Anvers, Salvi, et un signor Parade, qui d'amateurs distingués. Nous sommes à même aujour-
possède une belle voix de basse grave. Le deuxième acte d'hui de remplir la promesse que nous avons faite , dans
d'Otello fut exécuté par mesdames Blasis et Riva, Reina, l'un de nos derniers numéros, de donner à nos lecteurs
Pochini, Lombardi et Crosa. Le spectacle fut terminé un compte plus détaillé de cet opéra.
par le ballet de Enrico IV al passo délia Marna. (Ici se trouve une longue explication du sujet de la
succès à Turin dans le Pirate. La gazette de Turin dit u On voit qu'il y avait là d'amples matériaux pour ex-
qu'on peut les nommer les colonnes du tliéâtre à'An- citer une vive et fertile imagination , et d'aussi éminentes
gennes. Il paraît que ces deux artistes ont chanté avec dispositions musicales que celles annoncées par le talent
une rare expression dramatique les rôles principaux de de miss Jervis. L'élonnement et l'admiration s'augmen-
cet ouvrage. On n'a point oublié, sans doute, qu'ils teront encore en apprenant que cet opéra a été écrit par
sont tous deux élèves de l'institution de musique clas- elle à l'âge de dix- sept ans.
sique dirigée par M. Choron. «Tous les exécutans étaient chaleureusement stimu-
— Voici la composition de quelques troupes chan- lés par le concours du chant de miss Jervis dans une des
tantes des spectacles d'été en Italie. parties de l'ouvrage aussi le succès le plus complet a-
:
A Florence: madame Caroline Passer! ni prima donna; , couronné leurs efforts. Plusieurs morceaux ont été
t-il
madame Marianne Bruner, primo musico; Antoine Or- redemandés, et l'un des duos chantés par uiiss Jervis et
landini, premier ténor ; Del Riccio, basse chantante; •
miss Otway nous a rappelé le Giorno d'Orrore de Pasta
et Bordandini, basse comique. Le premier opéra repré- et de Sonlag. M. Roche a chanté avec une grande éner-
senté sera Zadig ed Astariea. gie, et miss Os-borne a mis beaucoup de charme dans
A Parme: madame Cantarelli, prima donna; Valen- l'air O placido ; mais les airs Fedeste mai et fra l'Orror,
cia, ténor; Giani, basse chantante; et Cipriani, buffo chantés par miss Jervis, sont certainement les morceaux
caricato. L'ouverture de la saison s'est faite le 16 juillet capitaux de l'opéra.
par VOrfanella di Ginevra, de Ricci, auteur de l'opéra u La soirée s'est terminée par l'hymne constitution-
de La Ncve, qui a été représenté sans succès à Milan, nelle de la composition de don Pedro , qui a produit un
il y a peu de temps. très grand effet. L'orchestre était formé d'un nombre
Au théâtre de la Concorde, à Crémone, pendant la choisi de musiciens de M. Oury.
Sa Uajeslé et dirigé par
foire prochaine, G. B. A'erger, premier ténor, Amélie MM. Gabuzzi et Schuizétaient au piano. En témoignage
Verger, prima donna, Adelasia Spech, primo musico. de son admiration, don Pedro, à la fin de l'opéra, a
Le même ténor G. B. Verger est engagé pour le pro- placé une couronne de lauriers sur la tête de l'héroïne
chain carnaval à T^irin : Adélaïde Tosi y doit chanter de la fête. »
comme prima donna, Amélie Verger Brambilla comme — Paganini a reçu du roi d'Angleterre une bague en
primo musico assolido , et Horace Cartagena comme prj- brillans du plus grand prix, en témoignage d'admira-
Hio basso. tion pour son grand talent.
Le 5 août i85i , M. Sébastien Érard, l'un des plus Dans la dernière moitié de sa vie , il dor-
construction.
célèbres facteurs d'iastrumens de musique, et l'un de mait peu. Son lit était couvert de papiers sur lesquels
ceux dont les découvertes ont été les plus utiles, est il traçait des plans d'amélioration d'instrumens ou d'in-
décédé dans son château de ta Muette, à Passy, prèsde ventions nouvelles. Ses livres mêmes, à défaut de pa-
Paris, à l'âge de 7g ans et quelques mois. Ses obsèques, pier, étaient couverts de tracés de pièces mécaniques.
auxquelles les artistes les plus distingués ont assisté, qpt Cette facilité d'exprimer ses idées par le dessin lui a
eu lieu le 8 du même mois. épargné bien des essais superflus et bien des dépenses
Né à Strasbourg, le 5 avril i^Sa, M. Erard était le Au moyen de ses connaissances positives en
inutiles.
quatrième enfant de Louis-Antoine Érard, fabricant de mécanique, Érard voyait avec netteté les objets dont il«
meubles, qui ne s'était marié qu'à l'âge de 64 ans. T' s'occupait et évitait les tStonneraens, qui sont le déses-
tenait de son père une constitution robuste qui n'a pas poir des hommes d'invention dont l'éducation élémen-
peu contribué à ses succès, car elle lui a permis de se taire a été négligée. Lui-même avouait dans sa vieillesse
livrer à ses travaux avec une assiduité qui aurait altéré les avantages qu'il avait retirés de cette éducation, et di-
la santé d'un homme moins heureusement organisé; A sait souvent qu'il devait ses succès au dessin, à
géo- la
cet avantage, il joignait un esprit hardi, entreprenant, métrie et à la mécanique. Les moyens d'exécution ne
et, ce qui est plus rare, une persévérance sans bornes lui manquaient jamais : dès qu'il tenait le principe de ce
dans ses projets ou dans les inventions qu'il voulait exé- qu'il voulait faire, il improvisait quelquefois trois ou
cuter. Son caractère décidé se manifesta dès son en- quatre modèles fonctionnant dans des systèmes diffé-
fance. A l'âge de i3 ans, il monta au plus haut point rens, et choisissait ensuite celui qui remplissait le mieux
du clocher de la cathédrale de Strasbourg, et s'assit en son but , abandonnant les autres et mettant au rebut des
dehors sur le sommet de la croix, trait de courage et choses que d'autres ont cru trouver ensuite cpmme de.'-
d'adresse qui ne s'est peut-être pas répété depuis. perfectionnemens de ce qu'il avait fait. De cette facilité
Vers l'âge de 8 ans, Sébastien Érard fut envoyé dans d'invention et d'exécution résulte cette multitude de
les écoles de Strasbourg pour y étudier l'architecture, modèles de tout genre qui se trouvent aujourd'hui dans
la perspective, et le dessin linéaire, genre de connais- ses ateliers et dans ses magasins de Londres et de Paris.
sances indispensable à qui veut se livrer à l'art des con- Ses heureuses dispositions et son aptitude au travail
structions ou aux arts mécaniques. Il y joignit un cours lui avaient assuré de bonne heure une grande supé-
de géométrie pratique; mais son esprit inventif ne tarda riorité sur ses condisciples; aussi était^il toujours dé-
point à lui suggérer des méthodes particulières pour la coré de la croix de mérite que l'on accordait aux plus
résolution des problèmes qu'il se soumettait à lui-même. habiles dans les écoles de Strasbourg. Travaillant dans
Celte première éducation, qui répondait aux besoins les ateliers de son père, il avait acquis de bonne heure
de son imagination, lui fut dans la suite d'un giand se- ce qu'on nomme ta main , c'est-à-dire l'habileté dans le
cours pour tous ses travaux. Continuellement occupé maniement des outils, genre de mérite indispensable à
d'inventions nouvelles, son esprit était sans cesse en qui est destiné à diriger des ouvriers et à Içs formpj. Un
REVUE MUSICALE.
professeur de l'école du génie de Strasbourg, qui con- tation était si bien établie que c'était toujours i lui qu'on
naissait Paptitude du jeune Erard pour l'exécutiou , s'a- s'adressait pour toutes les choses nouvelles qu'on voulait
dressait à lui pour faire construire les modèle? dont faire exécuter. Il était recherché par les hommes les
il se seivait pour les démonstrations de son cours plus distingués : l'un d'eux l'introduisit chez la duchesse
et lui disait souvent, admirant la perfection de son tra- deVilleroy, qui aimait les arts, protégeait les artistes, et
vail et ses idées ingénieuses ; Jeune liotnme, tous devriez qui avait surtout un goût passionné pour la musique.
entrer dans le génie, voire place y est marquée. Elle voulait qu'Erard demeurût chez elle et lui offrait un
Il était encore enfant lorsqu'il perdit son père, dont engagement avantageux mais ; le désir de conserver son
la mort laissait sans fortune une veuve et plusieurs en- indépendance lui fit refuser cet engagement. D'ailleurs,
fans. Sébastien prit la résolution de se rendre à Paris il avait déjà conçu le projet d'un voyage en Angleterre.
pour y chercher de l'emploi , et partit de Strasbourg à Il fut seulement convenu qu'il resterait chez la duchesse
l'Sge de 16 ans, ayant ù peine l'argent nécessaire pour le temps nécessaire pour exécuterplusieurs idées de cette
le voyage. Son parrain, homme riche, auquel il alla dame ;
qu'il aurait dans l'hôtel de Yilleroy un apparte-
faire ses adieux, ne donna que sa bénédiction;
lui et la ment convenable i ses travaux, et qu'il jouirait de la
seule chose dont il ne se montra point avare, fut l'eau liberté la plus entière. Dans sa vieillesse, Erard se plai-
bénite qu'il lui jc!a sur la tête. Ce l'ut vers 1768 que le sait encore à rendre horemage i la bonté de Mme de
jeune Erard arriva à Paris ; il s'y plaça chez un facteur ViUeroy et à parler de la reconnaissance qu'elle lui avait
Sébastien Erard n'avait pas 23 ans, et déjà sa répu- commerce des pianos étranger^) l'un d'eux, dont U est
REVUE MUSICALE. 215
inutile de tirer le nom de l'oubli où il est tombé , fil pra- clavier de son instrument, au moyen d'une clef qui
tiquer une saisie chez Érard, sous prétexte que cet ar- monter ou descendre à volonté d'un demi-ton
faisait ,
tiste ne s'était pas rangé sous tes lois de la communauté des d'un ton ou d'un ton et demi , et de cette manière la
évaidaitlisles , dont fêtai de luthier faisait partie, trard transposition s'opérait sans travail de la part de l'accom-
trouva facilement parmi ses piolecleurs des personnes pagnateur. Ce fut aussi dans le même instrument qu'il
en crédit à la cour, et sur le rapport favorable qui fut fît le premier essai de l'orgue expressif par la seule
fait au roi de son mérite et de ses mœurs , il obtint de pression du doigt, essai qu'il a depuis exécuté en grand
Louis XVI un brevet' flatteur qui constatait les services dans l'orgue qu'il a construit pour la chapelle du roi.
qu'il avait rendus à l'industrie française. Par l'effet de Grétry, dans ses Essais sur la musique, qui furent im-
cette protection, l'établissement des deux frères prit pritnés il y a trente-cinq ans, a signalé cette inventio
chaque jour de nouveaux développemens , et le débit de à l'admiration des musiciens et à l'attention du gouver
leurs pianos à deux cordes et à cinq octaves , tels qu'on nement.
les faisait alors, devint iminense. Un autre instrument, la harpe, commençait à se ré-
Continuellement occupé d'inventions et de perfec- pandre en France. Krumpholtz, par la beauté de ses
tionnemens, le génie de Sébastien Érard s'exerçait sur compositions et par son style plein de goût, l'avait mis
une multitude d'objets. Ce fut ainsi qu'il imagina le piano à la mode. Les harpes dont Krumpholtz se servait alors,
organisé avec deux claviers, l'un pour le piano, l'autre et qu'on désignait sous le nom de haipes à crochets,
pour l'orgue. Le succès de cet instrument fut prodigieux étaient fort imparfaites sous le rapport du mécanisme,
dans la haute société. Il lui en fut commandé un pour bien qu'on eût fait beaucoup d'efforts pour les rendre
la reine Marie- Antoinette , et ce fut pour cet instrument aussi bonnes que le permettait le mativais principe sur
qu'il inventa plusieurs choses d'un haut intérêt, surtout lequel elles étaient établies. Les défauts de cette con-
à l'époque où elles furent faites. La voix de la reine struction inspiraient souvent à Krumpholtz du dégoût
avait peu d'étendue, et tous les morceaux lui semblaient pour son instrument. Lié d'amitié avec Erard , et témoin
écrits trop haut. Erard imagina de rendre mobile le de la facilité avec laquelle il perfectionnait tous les ob-
jets dont il s'occupait , il le pria d'abord de lui faire une
(i) On verra peut-être avec intérêt en quels termes est conçu ce contrebasse àclavierpourlamettresoussa harpe comme
brevet ; en voici la teneur :
un tremplin et pour s'accompagner avec les pieds; Erard
• Aujourd'hui cinq février mil sept cent qualre-vingl-cinq, le roi satisfit à l'instant à cette demande'. Alors Krumpholtz
- étant à Versailles , informé que le sieur Sébastien Érard est parvenu pria Érard de s'occuper de la harpe elle-même, et de
« par une méthode nouvelle de son invention, à perfectionner
, la con-
chercher des moyens efficaces pour corriger ses défauts.
" struclion de l'instrument nomme forte-piano qu'il a même obtenu
,
Érard pensa; des idées nouvelleslui vinrent, et il s'oc-
y
« la préférence sur ceux fabriqués en Angleterre, dont il se fait un
cupa de les mettre sur le papier et de tracer le plan d'une
« commerce dans la ville de Paris , et voulant Sa Majesté fixer les ta-
harpe conçue sur un principe absolument nouveau.
" lens du sieur Érard dans ladite ville et lui donner des témoignages
« de la protection dont elle honore ceux qui , comme lui , ont par un Pendant qu'il était occupé de ce travail , Beaumarchais
,
le baron de Bbitecil. (i) Celte contrebasse existe encore dans les magasins de M. Erard,
216 REVUE MUSICALE.
si Érard réussissait, et que la ruino de leur établissemenl pianos avec un succès éclatant dans les concerts qui
en serait la suite. Rruniphollz , le même Kruraplioltz furent donnés à l'Odéon par Rode, Baillot et Lamarre ,'
qui avait entraîné Érard dans des travaux Immenses et à leur retour de Russie. Les amateurs et les artistes
dans des dépenses considérables, vint le trouver et le étaient satisfaits de ces pianos; Erard ne l'était pas ; il
pria de renoncer à son nouvel instrument. La situation savait qu'il restait encore à perfectionner, les claviers
fâcheuse des affaires de cet artiste, la crainte de mettre étant faciles, mais le coup de marteau manquant de
le comble à son rnfortune, et la conviction que la nou- précision. Nous le verrons plus tard, de retour d'Angle-
velle harpe ne réussirait qu'avec peine ayant Krum- terre, exposer le modèle d'un nouveau grand piano qui
pboltz pour adversaire , détermina Sébastien J'T.ird à réunit tout ce qu'on peut désirer de perfection dans le
construits, ainsi que leurs mécaniques, furent mis i mettre le sceau de sa réputation de facteur d'instrumens,
l'écart, et le travail des harpes fut abandonné. et plus encore à celle de grand mécanicien, par l'in-
Vers cette époque, les troubles de la révolution écla- vention de la harpe à double mouvement, dont il avait
tèrent en France et portèrent un notable dommage à déjà jeté autrefois le plan , et qui suffirait pour iminor-
l'industrie. Sébastien Erard prit le pari de passer en taliser ?on nom. Nous avons fait connaître avec détail
Angleterre, non pour abandonner la France oi^ il vou- la construction et les avantages de ce bel instrument
lait revenir, mais pour y ouvrir de nouveaux moyens ( Voy. la Revue Musicale, t. II, p. 537-344? s' '• m '
d'écoulement aux produits de sa fabrication. Il y ii'sta p. 1-19), et nous renvoyons le lecteur à nos articles sur
plusieurs années; mais lorsqu'il voulut revenir, le ré- ce sujet. Le succès de cette harpe fut immense; elle
gime de la terreur était organisé en France. Déjà il était parut i\ Londres en 181 1 et 1812, au moment oi'i la
à Bruxelles, lorsqu'il reçut de son frère une lettre dans (iiculalion du papier-monnaie était la plus abondante.
laquelle celui-ci lui peignait les dangers qui l'attendaient Érard vendit pour 25,000 liv. sterl. (environ 625,000 fr.)
à Paris. Il prit le parti de retournera Londres et d'y fon- (le son nouvel instrument dans le cours de la première
der un établissement du même genre que celui de Paris. année. Le travail que cette invention avait coûté à Érard
A Londres, comme ;\ Paris, il remplit ses magasins est à peine croyable ; on le vit pendant trois mois ne
d'instrumens et de produits qui étaient tous de son in- pas se déshabiller et ne dormir que quelques heures sur
vention. En 1794» •' prit son premier brevet pour le un sopha. Il fit plusieurs modèles avant d'arriver à la
perfectionnement des pianos et de la harpe , et sa fabri- perfection qu'il désirait , et les difficultés à vaincre étaient
que de ces instrumens ne tarda pas à obtenir la vogue. telles qu'il était presque décidé à renoncera l'entreprise,
Cependant il n'oubliait pas son pays, et le désir de re- lorsque l'idée du mécanisme qu'il a déûnitiveinent adopté
voir la France l'occupait sans cesse; il profita du chan- vint le tirer d'embarras. Pendant un court séjour qu'il avait
gement qui s'était opéré dans le gouvernement après le fait à Londres en 1800, il avait déjà construit une harpe
9 thermidor, et arriva à Paris en 1796. Ce fut alors qu'il à double mouvement sur un principe curieux de méca-
fit fabriquer les premiers grands pianos en forme de nisme, mais qui offrait des inconvéniens sous plusieurs
clavecins, dans le système anglais, dont il avait perfec- rapports. Le principe du mécanisme une fois adopté et
tionné le mécanisme , et qu'il Dt paraître les harpes à les modèles construits, il restait un travail immense à
simple mouvement , de son invention. Ces pianos sont faire pour en établir la fabrication. C'est dans l'inven-
les premiers pianos à échappement qu'on ait fabriqués i tion des outils de tout genre et dans l'ordonnance et la
Paris. Ils avaient dans le clavier le défaut de tous les distribution du travail que le génie d'Erard se fait aper-
instrumens de ce genre, c'est-à-dire la lenteur dans cevoir. Sa manufacture de Londres, que nous avons
l'action des leviers et du marteau. Les artistes et ama- visitée, ne le cède à aucune autre de quelque genre
teurs de Paris, accoutumés au jeu facile des petits pia- que ce soit, pour les moyens ingénieux de fabrication ,
nos sans échappement, éprouvaient de la gêne sur ceux- la précision des outils et des machines , enfin la perfec-
ci. "Ce fut par ce motif, qu'apVès de nombreux essais et tion du travail. De retour en France, Érard établit le
des recherches de tout genre , Sébastien Érard publia , même genre de fabrication dans ses ateliers de Paris, et
en 1808, un nouveau genre de piano à queue dont le , eut à former de nouveau des ouvriers el à construire de
mécanisme répondait avec plus de promptitude et dont nouvelles machines et de nouveaux outils.
les dimensions plus petites étaient plus en rapport avec Les fréquens voyages qu'il faisait en France lui avaient
la grandeur des salons de Paris. Dussek joua un de ces fait négliger la fabrication des pianos à Londres, où la
REVUE MUSICALE. 217
harpe seule se construisait dans ses ateliers. Cependant reins. Ni la science, ni les soins assidus de M. le docteur
dans tous les brevets qu'Érard prit en Angleterre , et qui Fouquier, son médecin, ne purent le soustraire à la
sont au nombre de quinze ou vingt, de nouvelles idées gravité de ces accidens ; ils triomphèrent de l'excellente
pour le perfectionnement du piano aussi bien que de k constitution qui lui promettait de prolonger son exi-
harpe y sont exposées. Il se proposait de les exécuter en stence dix ou quinze années de plus.
France. A chaque exposition des produits de l'industrie, Outre le nombre immense d'inventions et de décou-
ses ouvrages ont été couronnés. Trois fois il reçut la vertes relatives aux instrumens de musique, Erard.
médaille d'or, et la croix de la légion-d'honneur lui fut comme on vient de le voir, avait imaginé une multitude
décernée à l'une des dernières expositions ; enfin , aucun de machines et d'outils nécessaires pour l'exécution de
'des témoignages honorables qui peuvent être donnés à ses plans. Entre ces objets, il faut distinguer une scie
un manufacturier du premier ordre ne lui a manqué. mécanique établie dans sa manufacture de Paris, qui
Le modèle de son grand piano à double échappement débite des bois de toute épaisseur de trente deua; pouces
ftit exposé en 1823. Ce mécanisme, chef-d'œuvre de de large , et qui fonctionne par des moyens nouveaux
combinaison, est la solution d'un problème qu'aucun de son invention.
facteur n'avait pu résoudre. Il s'agissait de réunir dans Ce n'était pas seulement par ses rares talens qu'Érard
im même clavier toutes les nuances du toucher qu'offre avait mérité l'estime de ses contemporains ; cette estime
lemécanisme simple sans échappement et la précision lui était due aussi par son caractère noble et généreux.
du coup de marteau du mécanisme à échappement. Il Aimant les arts avec passion, bienveillant avec les ar-
est facile de comprendre quelles étaient les difficultés tistes, il faisait un bel usage de sa fortune pour la pro-
immenses de ce problème : Erard l'a résolu de la ma- spérité des uns et pour l'encouragement des autres. La
nière la plus heureuse. Ces nouveaux instrumens ont musique , la peinture étaient pour lui des objets de pas-
été établis depuis lors dans la fabrique de Londres par sion. Son oreille bien organisée, son œil perçant lui
Pierre Érard, neveu de Sebastien, qui dirige aujourd'hui révélaient les beautés de ces arts, et l'habitude qu'il
cette fabrique. Un de ces instrumens, qui avait été con- avait de vivre avec les musiciens et les peintres les plus
struit pour la duchesse de Berry, et qui a été acquis habiles avait perfectionné ses heureuses dispositions. .
depuis peu par M. Troupenas, éditeur de musique, a Dans le cours de sa vie , il a formé plusieurs collections
excité l'admiration des artistes qui l'ont joué ou entendu. magnifiques de tableaux, auxquelles il avait employé
Quoiqu'il fût constitué de la manière la plus robuste, des capitaux considérables, et qu'il avait successivement
Sébastien Érard pouvait difficilement résister à tant de vendues; mais la plus rare et certainement la plus belle
travaux. Les contrariétés inséparables d'une vie si active que possède aucun particulier en France, est celle qu'il
sur le vaste théâtre de deux capitales telles que Paris et a réunie dans sa maison de campagne de La Muette , où
Londres, devaient aussi exercer leur influence sur sa il a terminé sa longue et honorable carrière. Son dés-
santé. Depuis dix ans environ, des maladies douloureu- intéressement parfait et sa loyauté lui ont l'ait des amis
ses venaient souvent interrompre le cours de ses tra- de tous ceux qui l'ont connu. Il avait adopté son neveu,
vaux. Vers la fin de 1824, la pierre se déclara; Erard Pierre Érard, fils de son frère Jean-Baptiste, et l'avait
fut opéré avec le plus grand succès au moyeu du pro- associé à ses travaux. M. Pierre Érard , dans le dessein
cédé de la lithotritie par M. le docteur Civiale. A peine de conserver dans leur pureté les inventions de Sébas-
rétabli, il s'occupa du perfeclionnement de l'orgue, et tien, relatives aux pianos et aux harpes, continue de
parvint à finir le grand instrument expressif où tous les diriger les établissemens de Paris et de Londres.
genres d'effet sont réunis, et qu'il a construit pour la La famille et les amis d'Érard se proposent de rendre
chapelle des Tuileries. (Voyez sur les détails de cet orgue un dernier hommage à sa mémoire, en faisant frapper
les articles de la Revae Musicale, t. II, p. 128, et t. VI, une médaille à son honneur.
p. lo4 ) ' 29. ) Il était occupé à le faire poser lorsque les
Nouvelles de Paris. vre. Qu'est devenu le livre sur lequel elle était inscrite,
en quelles mains est-il passé? Voilà qui lourmenle sin-
gulièrement ce pauvre Pascal,
THÉAÏUE DE L'OPJÏR A-COMIQU E.
Le saint homme, en mourant, a laissé son livre à son
LE LIVRE DE L'ERIHITE, élève le jeune Mazelto , auquel il a donné sa confiance ;
Opéra en deux actes , de MM. Planard el Paul DuronT, musique celui-ci a lu dans ce précieux recueil l'histoire d'un in-
deM.CARAFA. trigant qui se faisait passer pour grand seigneur; il y a
L'opéra-comiqiie, tel que le comprend le public qui vu comment l'ermite l'a sauvé en lui confiant ses titres
fréquente ce spectacle, est un mélange d'intérêt et de de noblesse, et reconnaissance que le sieur Pascal en
la
gaîté réuni à une musique dont les qualités principales a faite. Les fanfaronnades de ce dernier, son importance,
doivent être pour les spectateurs français la convenance cl l'extrême ressemblance de l'écriture de sa reconnais-
scénique et l'expression dramatique. C'est le mélange sance enregistrée sur le livre de l'ermite avec celle
de ces choses qui a procuré jeudi dernier au nouvel opéra d'une lettre dont notre homme a chargé Mazelto, font
de MM. Carafa, Planard et Paul Duport un succès qui penser à celui-ci que le seigneur d'Albateros pourrait
n'a point été contesté. Voici le sujet de ccLte pièce, dont bien n'être pas autre que l'intrigant dont il a ri de si
la scène est placée en Porlugal. bon coeur en lisant le livre précieux. Il interroge Pascal
Don Pascal Mascarilles, simple secrétaire d'un grand dont les réponses embarrassées trahissent le secret.
seigneur, mais homme fort vaniteux et possédé de la L'ermite avait pris en amitié deux jeunes filles , Inès
manie de passer pour gentilhomme, a pris un jour le et Antonia,qui ont été sauvées d'un naufrage par Mello,
nom et les habits de son maître pour aller en bonne for- jeune pêcheur, dont la mère les a élevées. Les fian-
tune. Surpris par celui dont il usurpait les litres, il est çailles d'Anlonia et de Mello vont être célébréesau lever
poursiiivi judiciairement, et au moment d'être pendu. de la toile, et Inès a conçu un amour violent pour un
La fuite est la seule ressource qui lui reste. Le hasard le jeune homme dont on ne connaît pas la famille, et qui
conduit auprès d'un ermite qui lui donne l'hospitalité et est arrivé depuis peu.
luifournit les moyens de passer au Brésil. Cet ermite Cependant le seigneur Pascal d reconnu son fils dans
estun homme de qualité qui , dégoûté du monde s'est ,
l'amant d'Inès, et sa fureur n'a pas de bornes lorsqu'il
voué à la solitude. Pour faciliter à Pascal sa sortie du apprend que celui-là a promis à la jeune fille de l'épou-
Portugal, il lui confie ses titres de noblesse, et lui en ser. Il ne doit pas être question de mariage entre le fils
fait faire un reçu sur le livre où il tient note de tous les de monseigneur d'Albateros et une jeune orpheline
événemens singuliers qui viennent à sa connaissance. sans titres, sans naissance. C'est alors qu'on découvre'
Arrivé au Brésil, Pascal y fait une fortune rapide et que les deux jeunes filles sont les derniers rejetons de la
considérable. Ne doutant pas que l'incartade qui l'avait famille des Medilla. Un parchemin laissé par l'ermite ,
obligé de s'expatrier ne fût oubliée, et pensant bien que et le récit que fait Mello de la manière miraculeuse dont
lui-même ne sera pas reconnu, il revient à Lisbonne elles ont été sauvées des flots, en font foi. Il n'y aurait
où les titres de noblesse que l'ermite lui a confiés lui donc plus d'obstacles ù l'union d'Inès et de Fernand , si
donnent les moyens de satisfaire les idées d'ambition et le seigneur d'Albateros, entiché de sa noblesse volée,
de grandeur qui l'ont perdu. Il est grand seigneur en- n'était épouvanté par l'idée que son fils va devenir le
vers et contre tous. Pas une porte qui ne s'ouvre devant beau-frère d'un pêcheur Plus de mariage entre Ântonia
lui; jusqu'à celle du palais du roi (je ne sais pas si c'est et Mello , ou Inès ne sera jamais l'épouse de Fernand.
de don Miguel qu'il s'agit) qui a roulé sur ses gonds Mais par bonheur, Mazelto représente au père le livre
pour laisser passer Pascal , aujourd'hui monseigneur de l'ermite, qui a écrit avant de mourir que la recon-
d'Albateros, etc., etc. Notre intrigant parvient à se faire naissance dès litres de noblesse seraient remise à don
donner les biens d'une ancienne famille, celle de Mé- Pascal, s'il consentait à l'union d'Inès el de Fernand.
dilla,dont tous les rejetons ont péri dans un naufrage. Tout le monde est heureux, et la pièce finit par une
de graves inquiétudes sur la reconnaissance qu'il a faite y trouve du faire, de l'habileté dans l'arrangement des
à l'ermite de ses litres de noblesse. 11 tremble d'être effets, toute l'expérience enfin d'un compositeur qui a
obligé de les restituer à leur propriétaire, et ses craintes écrit beaucoup. Elle n'est point dépourvue de mélodie ;
redoublent lorsqu'il apprend que l'ermite a cessé de vi- mais celle qu'on y trouve e.«t vagiie , el quelquefois trop
REVUE MUSICALE. 219
empreinte de réminiscences, C'est enfin une de ces pro- de l'orchestre, n'ont eu qu'à se louer desprocédés de
ductions qui commandent l'estime, parce qu'on y re- M. Beramendi , et nous le concevons sans peine, s'il est
connaît la main d'un artiste, mais qui ne font point épo- vrai que les frais d'une seule soirée se soient élevés à
que dans l'art, parce que l'invention y manque. onze mille francs. Citer ce chiffre est peut-être une in-
L'exécution de l'orchestre a été fort remarquable, et discrétion, mais nous n'avons pu nous empêcher d'op-
digne du talent de iVI. Valentino qui le dirige. Autrefois, poser la généreuse conduite d'un simple particulier àl'es-
tout inspirait le dégoût dans la musique qu'on entendait pèce de vandalisme de l'administration des beaux-arts,
à rOpéra-Comique ; aujourd'hui la partie instrumentale qui détruit la chapelle , marchande quelques milliers de
y est du moins digne d'une capitale telle que Paris. francs sur des pensions acquises, retranche trente mille
Féréol est sans contredit l'acteur le plus agréable du francs du budget du Conservatoire, réduit pour ainsi
théâtre de la rue Monsigny. lia fait rire à plusieurs re- dire M. Choron à la portion congrue, et ruine deux
prises dans le rôle de Rlazetto. Chollet et Boulard ont cents familles, le tout pour épargner une cinquantaine
aussi reçu de justes applaudissemens. Mme Pradber et de mille francs sur un budget de quinze cents millions.
jjeiic
Prévost sont fort gracieuses dans le rôle des deux D'après tout ce que nous venons de dire, il est évi-
jeunes filles. Il n'y a rien à dire des décorations ni des dent que l'opéra de M. Beramendi est en-dehors du
costumes. La pièce nouvelle n'exigeait pas un grand doniaiue de la critique, et vraiment nous en sommes
luxe d'accessoires. fâchés, car il est beaucoup d'artistes qui s'honoreraient
ritait surtout de fixer l'attention. Justice n'a pas été couplets de Luca, chantés et joués d'une manière en-
rendue à M. le chevalier de Beramendi; le directeur de traînante par Garcia père, les cavatines de la prima et
la Revue musicale doit se trouver heureux de réparer de la seconrfarfonna (Mlles Gebauer et Louis), et un beau
l'oubli du Nalionat et des Débats. sextuor au second acte.
Un opéra italien écrit par un amateur espagnol, dont La distribution des rôles présentait de piquantes op-
le premier acte a été composé en Italie, le second douze positions : trois artistes retirés du théâtre, Garcia père,
ans après en Hollande, et dont Teiécution sert d'inau- Conssul et Angrisani, paraissaient à côté de trois jeunes
guration à un nouveau théâtre construit à Paris, voilà débutans, Mlles Gebauer, Edwige Louis et M. Do-
plus de singularités qu'il n'en faut pour fixer l'attention mange qu'on n'avait encore entendu que dans les con-
des dilettanti; mais ce qui est digne, j'ose le dire, de certs. Garcia , chargé du rôle comique de la pièce , écrit
la reconnaissance des artistes, c'est le mode de repré- pour une voix de basse-taille, a retrouvé toute la cha-
sentation choisi par M. Beramendi. Les Vendanges de leur, toute la verve de la jeunesse; malheureusement
Xérès n'ont pas été exécutées , comme l'a dit le Natio- les ans et les fatigues ont porté une grave atteinte â sa
nal, par des amateurs, et la représentation n'a pas servi, voix; il a eu les honneurs de la soirée autant comme
comme on pourrait le penser après la lecture du feuil- chanteur que comme comédien , et a su montrer aux
leton des Débats , à donner un nouvel attrait à une soi- artistes jeunes et vieux quelle doit être la supériorité
rée de Tivoli. Cet événement musical est, si je puis d'un grand talent, alors même que les moyens physiques
m'exprimer ainsi, une œuvre d'art ou tout au moins ont presque succombé. Nous ne laisserons pas échap-
une jouissance d'artiste dégagée de tout intérêt privé. per la première occasion qui se présentera de donner à
Dans un moment où la musique est si mal traitée par Mlle Gebauer, élève de M. Garcia fils, et à Mlle Edwige,
le pouvoir, si délaissée par le public, c'est une chose élève de M. Garcia père, des avis pour ce qui leur reste
du plus heureux exemple qu'un amateur emplcyant sa à faire, des encouragemens pour ce qu'elles ont acquis.
fortune à l'encouragement des arts. On nous assure que La première , chargée d'un rôle fort long et écrit très
tout le monde , chanteurs , choristes , danseurs , artistes haut, possède un timbre pénétrant, une grande justesse
220 REVUE MUSICALE.
artiste est pourtant bien différente de |Ce qu'elle était il qu'il vivait solitaire à Pétersbourg, car ce virtuose est
y a un ou deux ans : elle est en bon chemin, qu'elle arrivé depuis peu de temps à Londres. Jusqu'ici il a re-
persévère. Le rôle dont s'était chargée Mlle Edwige ne fusé de se faire entendre non-seulement dans des con-
convient ni i son physique ni il son talent; et pourtant certs publics, mais dans des cercles particuliers d'ar-
dans la cavatine du second acte elle a su montrer la tistes.
naît. Nous ne pouvons nous empêcher, en finissant, de H. Hekz el de Békiot. Varialious concertantes pour piano et violon,
dire un mot d'un charmant petit ballet d'enfans, com- sur la tyrolienne favorite de la Fiancée. — 9 fr.
posé par M. Petit, et dont l'exécution ne déparerait pas H. Herz et Lafout. Variations concertâmes pour piano el violon,
Nouvelles étrangères. CzERK Y. Grandes variations pour piano, sur ia ronde de Fra Diavolo.
6fr.
Mantode. La famille Pozzesi, composée de plusieurs — Dix-huitième rondino pour piano, sur un thème favori de fm
artistes distingués, excite en ce moment l'intérêt des Diavolo. — 6 fr.
habitans de cette ville. Malgré les chaleurs de l'été , le — Souvenirs dramatiques, de collection trois fantaisies élégantci
spectacle a été fréquenté par les amateurs, et ceux-ci pour piano, sur des motifs do Fra Diavolo. — Chaque tf fr.
ont paru satisfaits de l'exécution du Barbiere di S'mgUa, — Grandes variations à quatre mains, sur un chœur favori de Fra
paux rôles. On a trouvé dans sa composition de l'ima- Adam. Mélange pour piano, sur des motifs du Dieu et la Bayadire —
gination et du savoir. Au nombre des morceaux les plus 6fr.
remarquables on cite surtout l'ouverture, qui est, dit- — Mélange pour piano, sur des motifs du Diable à Sévillr. —6 fr.
on, d'un grand effet, l'introduction avec chœurs, la ca- — Mélange pour piano , sur des motifs des Deux Familles. —6 fr.
rondeau de prima donna. Cet opéra a été OsnoRNE. Kondino pour piano, sur des motifs du Diable à Séville.^—
vatine et le la
6fr.
représenté par les fils de Pietro Pozzesi et par sa nièce
Antonietta délia Noce , jeune personne de 17 ans, que
,
Karr. Fantaisie pour piano, sur le boléro des Deux Familles. — tf fr.
la
— Id. pour piano, sur les motifs du Diable à Séville. — 5 fr.
nature a pourvue des plus heureuses dispositions pour
Labarre. Duo pour harpe et piano, sur les motifs du Dieu et U
le chant. Bayadère. —9 fr.
Parme. L'Acquislo per raggiro Ossia la Casa da Ven- — Variations pour harpe et piano, sur un thème original. —9 fr.
dere, du maeslio Salviani, a été jouée sur le théâtre — Air du ballet du Dieu H la Bayadire , arrangé en rondeau pour
C'est à la suite de ce malheureux ouvrage, où il n'y a, Waleiers. Fantaisie pour la flûte, avec accompagnement de piano
posaient de plus de cent personnes. Florence, Sienne, on remarque particulièrement l'académie dirigée par
Pise renfermaient une foule d'artistes distingués du même M. Zelter, dont les membres s'adjoignent ordinairement
genre. Enfin, la chapelle pontificale de Rome possédait à toutes les grandes solennités musicales. Les grandes
fêtes de musique, sorte d'institution qui n'existe qu'en
alors les plus belles voix qu'il y eût au monde , et la mu-
Allemagne et en Angleterie , contribuent puissamment
sique, dirigée par Santarelli, était excellente.
à la prospérité de la musique d'église dans le premier de
(l) Voyez la Revue musicale ^ A'^'^ année. ces pays. Quatre sociétés principales organisent chaque
222 REVUE MUSICALE.
année une de ces grandes fêtes : ce sont les sociétés des multipliées, et qui ont fait paraître plusieurs ouvrage»
bords du Rhin , des bords de l'Elbe, de la Bavière rhé- depuis le commencement de l'année i83o: les plu»
nane et de la Suisse. Ces sociétés choisissent une ville connus sont Fr. Schneider, Klein, Schnabel, Zelter;
de leur circonscription pour le lieu de la fête ; l'époque Preindl, Hummel et Keller. Leur style est en général
fixée est indiquée par les journaux, et tous les musi- énergique et brillant.
ciens des villes et villages, ;\ quarante ou cinquante lieues La première révolution française a ruiné toutes Ict
à la ronde, s'y rendcrH. Les habitans du lieu désigné maîtrises do cathédrales, et avec elles la musique reli-
pour la fête s'empressent d'accueillir les étrangers et gieuse de France. Napoléon, par l'établissement de sa
de leur donner l'hospitalité. Cinq ou six cents esécutans chapelle , ranima ce genre de musique , et fit naître l'oc-
se trouvent souvent rassemblés. Plusieurs jours sont casion de mettre en évidence le talent de quelques-un»
ordinairement employés à faire les répétitions, et l'exé- de nos artistes. A la restauration , Martini , M. Lesueur,
cution des messes, des hymnes, des oratoires occupe et peu de temps après M. Chérubini , devinrent le»
deux ou trois séances. II est facile de comprendre tout compositeurs de la- chambre du Roi. Ce fut pour cette
ce qu'il y n d'émulation pour les compositeurs dans la chapelle que M. Chérubini écrivit la plupart des messes
possibilité d'enlcndre exécuter leurs ouvrages par des et des motets qui lui ont assuré une renommée impé-
masses si imposantes. Dans l'année 1 83o , deux fêtes de rissable : M. Lesueur, dans un style qui lui est propre,
ce genre ont été célébrées , l'une par la société des bords s'est fait aussi une réputation d'habileté très méritée.
de l'Elbe, ù Halle, les 4, 5 et 6 juin, l'autre, dans la Ces deux artistes ont publié, dans le cours de l'année
semaine de la Pentecôte, par la société des bords du i83o, deux ouvrages très remarquables: l'un est une
Rhin, à Dusseldorf. Dans la première, le David, de messe solennelle du plus grand effet, par M. Chérubini;
Klein, le Banquet d'Alexandre, de Handel, un psaume l'autre, deux oratoires de la Passion, par M. Lesueur.
de Reissiger, et un Hosanna de Fr. Schneider, ont été Ce dernier vient de mettre au jour sa seconde messe
exécutés avec une fermeté et une puissance remarqua- solennelle, qui renferme des beautés réelles. M.Chel ird,
bles; dans la seconde, on a entendu le Judas Macchabée, dont le talent a de la solidité, mais dont les succès n'ont
de Handel , le Dies irœ, de Mozart , et le Christ au mont pas été France aussi brillans qu'on aurait pu l'espérer,
des Oliviers, de Beethoven. a fait entendre à l'église Saint-Roch une messe avec or-
Aucune institution semblable n'existait en France, chestre qui renferme des choses d'un style original. La
lorsque les professeurs et amateurs de musique des dé- suppression de la chapelle du Roi, qui a eu lieu au moi*
partemens du Haut et Bas-Rhin se sont réunis pour d'août dernier, peut être considérée comme un événe-
donner une fête musicale i Strasbourg, au mois d'avril ment funeste pour la musique religieuse: elle était le
iR3o. Trois cent quatre-vingt-dix-sept exécutans, venus seul point de réunion où l'on pût entendre ce genre de
de Colmar, de Schlesladl et de quelques petites villes musique avec éclat, et c'est à elle que nous devons les
du Rhin et des Vosges, ou domiciliés à Strasbourg, ont belles compositions qui ont été publiées en France de-
faitentendre l'oratorio de Frédéric Schneider, It Juge- puis quinze ans. Cette suppression a d'ailleurs le grave
ment dernier, avec une vigueur d'ensemble qui donne inconvénient d'attaquer l'existence d'un grand nombre
beaucoup d'espoir pour l'avenir. Il est vraisemblable d'artistes, et de jeter le découragement dans leur ame.
que cet exemple sera imité par d'autres départemens Espérons que la France jouira d'assez de calme et de
et que la musique trouvera une source de perfectionnc- prospérité pour que le gouvernement comprenne la
l'orgue a 6!é cultivé en France d'une manière brillante; sont joués avec une rare perfection à Vienne et à Berlin.
mais compositions des organistes français étaient
les Les pianistes allemands ont eu de tout temps une
fort inférieures à celles des organistes allemands. De- habileté remarquable; aujourd'hui on cite particulière-
puis quelques années une amélioration sensible se fait ment MM. Hummel, Moschelès, Piies et Czerny, pour
apercevoir en cette partie de la musique, grâce aux le- leur double talent de compositeurs et d'exécutans. Hum-
çons de M. Benoist, organiste habile et professeur au uitl et Moschelès se sont fait entendre à Paris avec le
Conservatoire. plus brillant succès au commencement de i83o. Le pre-
mier est placé à la tête des compositeurs allemands de
MUSIQUE INSTRUMENTALE.
musique instrumentale. Le nouveau concerto et le sex-
Les Italiens ont toujours montré si peu de penchant tuor qu'il a publiés dans le cours de l'année sont des
pour la musique instrumentale, que leurs compositeurs modèles de facture élégante et de mélodie suave. Les
»e sont presque tous voués au genre dramatique et à la études de M. Moschelès pour le piano, son nouveau
musique d'église. Cependant ils ont eu des instrumen- concerto et son trio sont, dans un autre genre, des
tistes du premier ordre. Depuis Corelli jusqu'à Paga- morceaux d'un ordre très distingué. M. Ries semble
nini, une multitude de grands violonistes se sont formés maintenant se livrer à des travaux de musique drama-
en Italie. Paganini est aujourd'hui l'artiste le plus éton- tique et à la symphonie de préférence à la musique de
nant en son genre. Après avoir parcouru l'Allemagne et piano. Son opéra la Fiancée du Voleur a été représenté
l'Italie, et après avoir excité partout l'admiration la plus au mois de juin i83o à Paris, par îa troupe allemande,
vive, il a mis le comble à sa renommé&par les concerts mais si mal exécuté qu'il n'a produit aucun effet. Czerny
qu'il a donnés à Paris. Tout en faisant la part d'une cri- se fait plutôt remarquer par la quantité de ses produc-
tique juste, les artistes eux-mêmes ont été forcés d'a- tions que par le mérite de celles-ci: ses premiers ou-
vouer que le talent de ce violoniste tient du prodige. vrages méritaient l'estime des connaisseurs ; les derniers
Comme compositeur, il possède aussi un talent fort sont remplis de négligence. M. Pixis mérite d'être men-
distingué; son genre est le concerto et la fantaisie. Il tionné parmi les pianistes allemands les plus distingués,
n'y a point d'autre compositeur remarquable en Italie moins par son exécution que par ses ouvrages qui sont
dans le genre instrumental. en général bien écrits et brillans. Cet artiste s'est aussi
Beethoven, et, dans un ordre inférieur Fesca et essayé dans le genre dramatique par un opéra de Bibia-
Spohr, ont produit une multitude de beaux ouvrages de na, qui a été représenté au théâtre allemand l'été der-
musique instrumentale dans le dix-neuvième siècle. Par nier. Cet ouvrage renferme des chœurs d'un grand effet.
eux, et surtout par le premier, les genres de la sym- La musique instrumentale a été long-temps la partie
phonie et de la musique de Chambra, qu'on désigne sous faible de la musique française. Onslow, Reicha, Kreut-
lesnoms de quatuors et de quintettes, ont acquis en Alle- zer, Rode, Baillot, Kalkbrenner et quelques autres ar-
magne une rare perfection. Depuis quatre ans Beetho- , tistes lui ont donné de l'éclat depuis trente ans environ.
ven et Fesca ont cessé de vivre; Spohr reste seul, et Les quatuors, et surtout les quintettes de M. Onsloiv,
jusqu'à ce moment aucun talent d'un ordre supérieur l'ont placé au rang des compositeurs les plus habiles de
ne s'est manifesté parmi les jeunes Allemands comme l'Europe : ces compositions jouissent en France et en
destiné à succéder à Beethoven, bien qu'un certain Allemagne de toute la faveur publique, et la méritent
nombre d'œuvres ait été publié dans le cours des der- par la chaleur peu commune
y règne et par leur
qui
nières années, et notamment en i83o. facture élégante et pure. Deux nouveaux quintettes qu'il
Sophr et Mayseder sont à la tête des violonistes alle- a publiés en i83o sont au rang de ses plus beaux ou-
mands; mais ils sont inférieurs aux violonistes français vrages,
pour la vigueur de son et le style de l'exécution. Les Kreutzer, Rode, Baillot sont les chefs de l'école des
violoncellistes sont en général fort habiles. Le vieux violonistes français. Le premier, brillant, nerveux, tout
Rombcrg a cessé de se faire entendre, mais Bohrer et en dehors, a imprimé à sa musique le caractère de son
Dotzauer sont aujourd'hui des artistes du premier ordre. style d'exécution. Ses concertos ont été joués par tous
Quant aux instrumens à vent, ils sont joués en Alle- les violonistes depuis plus de trente ans , et ont toujours
magne avec une grande supériorité. Les flûtistes fran- eu beaucoup d'effet quand ils ont été rendus avec la cha-
çais paraissent l'emporter sur les Allemands, mais il leur convenable. La mort a frappé depuis peu de mois
n'est point de clarinettiste qui puisse soutenir la com- ce virtuose, aussi remarquable comme compositeur dra-
paraison avec Baermann , et les instrumens de cuivre matique que comme instrumentiste. Rode , élégant
224 REVIUE MUSICALE.
suave ,
pénétrant , était le modèle de la grâce unie A fets neufs, extraordinaires et souvent heureux. Dan*
la force; sa musique, mélodieuse et brillante, avait be- une représentation de l'Opéra, une ouverture de laTem-
soin pour produire tout l'effet dont elle est susceptible, pête de Shakespeare, composée par lui, a été exécutée
,
de la magie de son délicieux archet; toutefois, elle est par l'orchestre et les choeurs. Bien qu'elle n'ait pas rem-
un objet d'étude pour tous les violonistes. Il a précédé pli complètement l'attente du compositeur, elle s'est
de peu de jours dans la tombe Kreutzer , dont il avait fait remarquer par des traits d'une grande hardiesse et
été l'ami sincère, malgré la rivalité de talent qui exis- des combinaisons d'effets inattendus. Mais c'est surtout
tait entre eux. M. Baillot reste seul debout pour nous dans une symphonie fantastique, exécutée avec un
consoler de la perte de ses deux émules. Jeune encore grand succès, que le génie de M. Berlioz a pris son essor.
de verve et de talent, cet artiste célèbre semble plutôt Mille bizarreries plus surprenantes qu'agréables ù l'o-
augmenter ses forces que s'affaiblir avec l'ûge. Les soi- reille sont jetées à profusion dans cette composition: la
rées de quatuors et des quintettes qu'il donne chaque mélodie n'y domine point; mais la pensée est forte,
année réunissent auprès de lui l'élite des amateurs de dramatique, et l'effet est toujours neuf. Si M. Berlioz
Paris, qui viennent admirer la variété merveilleuse de consent quelque jour à sacrifier un peu plus aux grâces
style qui lui fait jouer avec une égale supériorité, et dans il obtiendra l'une des plus grandes renommées du monde
des styles différens, les compositions de Haydn, deBoc- musical.
difficultés sansbut; son jeu large, son goût exquis char- annuels est arrivée : les concours, qui ont commencé
ment toujours les connaiseurs et le public dans les oc- dans cette école le 7 août, sont terminés. Déjà celui
casions rares où il se fait entendre. Ses compositions de l'Institut, pour le grand prix de composition musi-
ont le caractère de son talent : sans cesser d'être bril- cale, était fini depuis quelques jours^ Cinq concuriens
lantes, elles sont mélodieuses et fortes d'harmonie, avaient été admis au concours d'essai. Le sujet donné
qualités dont la réunion est fort rare dans la musique de était une cantate sur l'épisode de B'tanca Capetlo. Ce
piano. Plusieux morceaux nouveaux ont été publiés par sujet, assez favorable à la musique, parce qu'il offre du
lui depuis le commencement de M. Herz s'est
i83o. mouvement, avait été versifiée par M. Pastoret. Dans
proposé d'inspirer l'étonnement plutôt que de charmer sa séance du i3 août, l'académie des Beaux-Arts de
l'oreille par ses tours de force ; il en l'ait de fort extra- l'Institut a décerné le premier prix à M. Prévost, élève
ordinaires et montre une adresse rare dans les bonds de M. Lesueur. M. Lagrave , élève de MM. Berton et
qu'il fait sur le clavier; mais, il faut l'avouer, on cher- Fétis, a obtenu le deuxième prix. Un autre deuxième
che souvent en vain la pensée musicale au milieu de ce prix a été décerné à M. Elwart, élève de MM. Lesueur
feu roulant de difficultés vaincues dont se composent et et Fétis. Enfin, une mention honorable a été décernée
son jeu et sa musique. Ses dernier» ouvrages sont plus il M. Thomas jeune , élève de M. Lesueur pour la com-
faibles que les précédens : ce sont en général des fantai- position ,
et de M. Barbereau pour le contrepoint. Cette
sies et des airs variés. multitude de prix et de distinctions démontre que le
qui brille surtout dans la musique instrumentale , se M. Prévost dans notre compte rendu de la séance pu-
manifeste depuis deux ou trois ans, et a brillé d'un vif blique de l'Académie royale des Beaux-Arts, laquelle
de bizarreries au milieu desquelles se trouvent de grandes fort brillans, et ne se sont point ressenti du décourage-
pensées d'un ordre tout nouveau. Couronné au mois de ment que les circonstances et les mesures funestes du
septembre dernier par l'Académie des beaux-arts de gouvernement ont fait naître dans l'ame des professeurs ;
l'Institut, il a fait entendre dans la séance publique de ce qui prouve que rien ne peut ébranler chez ceux-ci le
cette Académie une scène de Sardanapale remplie d'ef- sentiment de leurs devoirs comme artistes.
REVUE MUSICALE. 225
Aux concours de contrepoint, le premier prix a été seur ; on le reconnaît tout de suite. Ainsi, tous les élèves
décerné à M. Lecarpentier, élève de M. Félis; le de M. Baillot se sont présentés cette année avec les qua-
deuxième, Ix M. Viallon, élève de M. Reicha. Ces deux lités de l'école de ce savant professeur, c'esl-à-dire, un
jeunes compositeurs ont fait preuve d'habileté dans jeu large, une manière grande et simple, mais avec le
l'art d'écrire par la manière franche et libre dont ils ont respect que professe M. Baillot pour la musique de
traité la fugue à trois sujets et à quatre parties qu'ils VioUi, respect qui lui a fait rejeter tout ornement qui
ont écrite sur un sujet donné. en pouvait altérer la pensée primitive. Les élèves de
Le concours d'harmonie a été moins fort cette année M. Kreutzer, au contraire, sont venus brillans et hardis
que les précédentes un premier prix a été obtenu par
: orner cette musique de beaucoup de traits et de fioritu-
M"- Lagrave, et deux accessits ont été décernés à res, et ces traits, indiqués par le professeur, étaient
M"'' Rosine AnJrien et à M" Hervy. Ces trois jeunes les mêmes chez tous les concurrens. Enfin, l'élève de
personnes sont élèves de M. Halevy. M. Habeneck est venu aussi se faire entendre tel que
Le jury n'a pas cru devoir accorder de premier prix l'avait préparé son maître. Dans tout cela ,
il est impos-
au concours de contrebasse le deuxième a été décerné ; sible de discerner ce qui appartient à l'organisation
à M. Chaime, élève de M. Chénié. Nous regrettons particulière de l'élève, c'est-à-dire, ce qui fait la réalité
que l'obstination de quelques artistes et l'incurie des du talent après que le savoir est acquis. Ne serait-il pas
directeurs de spectacles pour l'amélioration de leurs mieux, après qu'un élève a reçu de son maître toutes
les connaissances que celui-ci peut lui donner,
qu'il fût
orchestres, aient obligé le professeur à changer cette
livré à lui-même pour l'étude du morceau qu'il
système du maniement d'archet doit
année le qu'il avait
adopté d'après Dragonetti et les autres contrebassistes exécuter au concours et qu'enfermé pendant quelques
,
italiens. Les mêmes causes font conserver l'accord de jours pour l'étudier, il dessinât lui-même les ornemens,
l'instrument par quintes au lieu de l'accord par quartes, le phrasé, enfin le style d'exécution de ce morceau?
bien qu'il soit physiquement impossible de jouer juste Sans doute les concours faits de cette manière seraient
et avec rapidité dans cette manière d'accorder. Que de moins amusans pour l'auditoire sans doute il y aurait ;
temps il faut pour vaincre les préjugés et la paresse des moins de prix décernés, mais peut-être y aurait-il plus
hommes ! d'originalité dans les talens, et le jury proîioncerait
avec
a été décerné à M. Pilet Jeune , élève de M. Vaslin. ou dix ans, nommé M. Lacombe, a partagé le premier
On sait que le concours de violon est toujours fort prix avec MM. Pothier et Besozzi et a fait admirer l'a-
,
jeu. Ses
brillant : il ne l'a pas été moins cette année que les au- gilité de ses doigts et même la fermeté de son
tres. Deu X premiers prix ont été décernés , l'un à concurrens ont aussi montré du talent, mais ils n'ont
pu inspirer le mêrrie élonneroent; car, quoique
jeunes,
M. Remy, élève de M. Baillot, l'autre à M. Lagarin ,
ont atteint l'âge où le travail doime des
résultats.
élève de M. Auguste Kreutzer. Les seconds prix ont été ils
lent ;
qu'il nous soit permis toutefois de faire quelques Mme Hattute et Mlle Rosine Adrien ont partagé le pre-
observations sur le mode de te concours, observations mier prix; le deuxième a été décerné à Mlle Barbé.
qui sont applicables à tous les autres. Le morceau désigné La classe de harpe s'est distinguée cette année : elle
premier prix ce
pour le concours est ordinairement choisi un mois ou a fourni deux élèves qui ont partagé le :
deux à l'avance et étudié pendant tout ce temps dans sont MM. Croisez et Dretzer.
classes qu'en résulte t-il? C'est que jusqu'aux Trois élèves de M. Tulou ont fait honneur à leur
les :
eux,
moindres ornemens sont prévus, discutés, arrangés, maître par leur talent sur la flûte: deux d'entre
en sorte que c'est moins l'élève qu'on entend que le MM. Franchomme jeune et Coche ont partagé le pre-
maître. Il en résulte que les sujets de chaque école se mier prix, le second a été décerné à M. Alkan.
moins heureux dans ses résultats; un
présentent avec la physionomie de cette école, et qu'il M. Vogt a été
n'est jamais nécessaire de s'enquérir du nom du profes- seul de ses élèves, qui se fait distinguer par une jolie
226 REVUE MUSICALE.
qualité de son, mais dont l'exéculion manque de net- Ayant de dire notre avis sur le talent des élèves qui
teté, a obtenu le deuxième prix de hautbois : cet élève se sont présentés au concours, quelques observation»
est M. Lemerle : le jury n'a pas cru devoir décerner de sont nécessaires pour nous garantir par avance du re-
premier prix. proche qu'on pourrait nous adresser sur d'apparentes
Un élève de M. Dauprat, M. Bernard, a réuni tous contradictions dans nos jugemens.
les suffrages par la pureté du son qu'il tire du cor, la Les études sont ainsi distribuées an Conservatoire,
fermeté de son embouchure et la précision de son exé- qu'un même élève dépend de deux ou même trois maîtres
cution dans les traits. Ce jeune élève chante d'ailleurs qui le guident chacun ù leur manière. Si donc nous attri-
avec goût, qualité indispensable sur un instrument qui buons à M. de Garaudé ce qui est du fait de M. Pelle-
a beaucoup d'analogie avec la voix humaine. Le pre- grini, à MM. Bordogni ou Banderali ce qui appartient
mier prix lui a décerné. à Mme Empaire ou à M. Henry, et réciproquement, nous
Une des parties des études dont les progrès sont les demandons pardon à tons et chacun d'une confusion
i\
plus remarquables depuis plusieurs années dans le Con- dont eux-mêmes sont les premières victimes. Les trois
servatoire de musique est le solfège. Peut-être , dans le artistes italiens ne nous en voudront pas de les avoir
régime du chant serait-il désirable que des soins parti- plus particulièrement cités: leur position plus élevée,
culiers fussent donnés à la conservation des voix dans leur réputation, leur influence plus étendue, le talent
ce genre d'études; mais on ne peut nier que sous le dont ils firent preuve dans une autre carrière, tout doit
rapport de la lecture de la musique les classes de sol- augmenter leur part de responsabilité.
fège du Conservatoire présentent des résultats qu'on J'avais d'autant plus besoin des précautions oratoire»
chercherait vainement dans toute autre école. Aussi re- dont je viens d'user, que parmi les quatorze élèves qui
marque-t-on une amélioration très sensible dans la ma- se sont fait entendre, soit pour léchant, soit pour la vo-
nière dont les concurrens des classes instrumentales calisation, il n'en est pas dont le travail et une bonne
déchiffrent à première vue le morceau qu'on leur donne direction ne corrigent quelques défauts. Ainsi, au lieu
à lire. Celte année , ces classes de solfège présentaient de suivre l'exemple qu'a pu leur donner un de leurs
des lecteurs habiles en grand nombre que le jury s'est
si maîtres, M. Pellegrini, dont le- gosier était si facile et si
TU dans la nécessité de partager le premier prix des libre de tout effort, il n'en est pas un qui n'altère la
élèves du sexe masculin entre MM. Deldevez, Alkan, flexibilité de son larynx en serrant la gorge, en tendant
Seligmann, Petit et Gerson, le deuxième entre MM. Ho- les muscles du cou ou de la tête. Ce défaut est surtout
noré, Duvernoy, Pasdeloup, Georges, et de décerner remarquable chez Mlle Larcher. Celte espèce de con-
des accessits à MM. Marquerie, Lombard et Prumier. traction nuit ù l'émission de sa voix, qui serait meilleure
Dans la classe y a eu aussi un premier
des femmes, il avec moins d'efforts, et ne laisserait pas entendre une
prix partagé entre Mlles Berchlold, Derudder, Guénée, sorte de petit sifflement d'air assez semblable à une
Peignât, un deuxième partagé entre Mlles Pastier et flfite qui perd du vent. Ce petit étranglement de gosier
Troullé, et trois acessits décernés i Mlles Castellan, nuit aussi à ses notes graves qui ne sont pas de bonne
Slasson et Cotelle. qualité. Au reste, Mlle Larcher, jeune et jolie personne,
peut remédier à tout cela avec du travail et de la persé-
VOCALISATION.— CHANT.— DÉCLAMATION LYKIQOE. vérance, et à vrai dire elle a besoin de l'un et de l'au-
A l'époque des concours de 1828 le directeur de la tre. Cette mauvaise qualité des voix graves se retrouve
« présenté le tableau déplorable de notre pauvreté. Rien différence qui existe dans les registres de la voix , font
Et pourtant alors comme aujourd'hui on faisait des lau- tête; et pourtant rian de plus rare, surtout chez le»
réats, et les professeurs se félicitaient des succès de leurs femmes, que de vrais sons de poitrine. Je puis dire en
élèves. Mais les habiles chanteurs du théâtre italien éta- vérité, qu'à l'exception de Mlle Dabedeilhe, tout jeune
blissant une comparaison perpétuelle au grand détri- contralto de quinze à seize ans , et d'un ou deux sons
ment de l'École royale, le public protestait contre ces francs et naturels qu'un heureux hasard a fait trouver
décisions. Cet état de choses ne pouvait durer, et il est dans son morceau à première vue à Mlle Dulken , je n'ai
aisé de reconnaître que nous sommes en voie d'amé- pas entendu trois sons de poitrine d'une qualité irré-
dans la rue Bergère, c'est une gamme à la fois liée et cilité le public se dispose en faveur d'un chanteur qui
distincte ; mnis en revanche force traits , force notes con- fait entendre tous les mots de son rôlel Les modèles à
fuses comme en savent trop faire MM. Forgnes et Der- suivre sont Lablache , Mmes Pisaroni et Malibran , Ad.
vis, Mlles Cuniaid, Laforêt, etc. ; ou bien des gammes Nourrit et Ponchard.
saccadées ù la manière des chanteurs de Feydeau, in- M. Revial le ténor a dit avec mollesse un air de Ma-
supportables aux oreilles habituées à l'exécution ita- saniello. Dans les piano, sa voix s'efface, et à force de
lienne. Cotte fois je m'adresse à Mlles Camoin , Pei- l'adoucir, il la fait disparaître. Il y a beaucoup d'ana-
gnât et à M. Séguy. logie entre le genre de talent de M. Revial et celui de
Je m'interromps pour prier ces jeunes artistes de ne Mlle Camoin; mais celle-ci a de plus de la force et de
pas s'irritier de la la sévérité de mes critiques. C'est au la voix, choses que M. Revial ne possède pas au même
début de la carrière que la vérité est dure à entendre, degré.
c'est alors aussi qu'elle est plus utile. Assez d'autres les Il me reste à parler des trois élèves qui , à mon avis,
accableront de complimens. J'en appelle i\ leurs maîtres laissent deviner le plus d'avenir, et l'étendue de cet
eux-mêmes: n'estil pas vrai que si des éloges de com- article ne me laisse guère plus de place. Je commence
plaisance encouragent un artiste, ils en perdent vingt? par Mlle Dabedeilhe , fort jeune contralto, élève de
Je poursuis. M. Pellegrini. C'est la voix que je préfère; il est vrai
Le portavienio était autrefois en italien la pierre de que j'ai un faible pour les contralto. L'air de Vltaliana,
touche des chanteurs. En effet, cette partie de chant est amici in ogni evento est taillé sur un bien large patron
sans contredit une des plus importantes, et c'est peut- pour une élève de seize ans. Malgré cela , Mlle Dabe-
être à cause de son portamento irrégulier que la plus ha- deilhe a trop dit cet air en écolier qui répète sa leçon.
bile cantatrice française actuellement vivante ne s'est Quelques inflexions heureuses ont d'ailleursprouvé
pas élevée à la hauteur de renommée dont ses belles qu'elle aurait pu, avec un peu d'effort, y mettre moins
qualités la rendaient digne. Le talent moins remarqua- de monotonie et plus d'intentions. Sa prononciation est
ble de Mlle Camoin est entaché du même défaut. Son molle , ses traits sont confus, et sa voix fort inégale et
portamento est un vrai port de voix français d'un effet peu timide dans les sons aigus. L'âge portera remède à tout
agréable. Mlle Camoin a chanté un air de Bianca e Fa- cela.
liero dans lequel elle a fait entendre de beaux sons; elle Ou je me trompe fort , ou M. Dérivis fils ne jouissait
a de la force dans certaines parties; cependant elle doit pas de toute l'étendue de ses moyens. J'ai cru aperce-
s'appliquer les observations que j'ai faites snr les sons voir des efforts qui dénoteraient quelque altération dans
graves ; dans sa voix ils sont un peu rauques. Qu'elle se la santé du jeune lauréat: les fatigues d'un concours ne
tienne bien en garde contre les mauvaises habitudes. l'ont pas effrayé, et deux fois il s'est vu couronner. Il
La prétention dépare le plus beau talent, et le temps est y a chez lui de l'avenir, mais que l'avantage qu'il vient
passé où il était de bon ton de prononcer l'italien à la de remporter sur ses rivaux ne l'aveugle pas. Je lui dirai
française. lie candor pour il candor ne vaut pas mieux toute la vérité. M. Dérivis père, ici je parle à l'artiste
que d'adoucir le son de R double comme si l'on avait A et non pas au fils , n'est pas un modèle à suivre comme
dire le mot afféterie. M. Forgues doit se faire un repro- chanteur. On aurait dit pourtant que c'était lui et tion
che du même genre. Il place souvent avant les mots Pelligrini qui lui avait réglé le récitatif àe son air. Il faut
une espèce d'aspiration. Ainsi il dit Ité.'ne pour ne, hé! laisser à M. Prévost et autres successeurs d'Adrien cette
d'inutiles pour d'inutiles. L'air de Freichiitz qu'il avait manière de dire le récitatif à coups de poitrine. Lors-
choisi est un peu fort pour ses moyens; et comme dans qu'on reçoit des leçons de Pellegrfni, on n'a pas besoin
les passages de vigueur il escamote les e muets placés d'aller ailleurs chercher des conseils pour cela. Le reste
sur les dernières syllabes , l'effet en diminue encore. Je de l'air a été monotone , etM. Dérivis est arrivé à l'âge
l'engage très fort à s'attacher à lire et à porter les sons où dans la disposition d'un morceau on doit deviner l'ar-
avec franchise ainsi qu'à leur donner de la rondeur. tiste. Sa voix belle et étendue n'est pas égale dans toute
Une bonne prononciation est d'une si heureuse in- ses parties. Dans le piano elle est cotonneuse et peu ac-
fluence dans le chant, que je ne conçois pas qu'on la centuée; les sons hauts de franche poitrine sont criards;
néglige si fort. Bien articuler est moins difficile qu'on le bas est quelquefois rauque. Une voix de basse, for-
ne le pense. L'action de la parole et l'action de chanter, mée d'un seul registre, doit être d'une seule qualité et
tout-à-fait indépendantes l'une de l'autre, se combi- comme une cloche sonne un son homogène, soit qu'on
nent parfaitement. Qui ne sait d'ailleurs avec quelle fa- la frappe piano, demi-fort, ou M. Dérivis a de.»
fort.
228 REVUE MUSICALE.
l'agilité , il doit à présent en régler l'usage en la rendant de juillet i83o. Il est temps de renoncer aux palliatifs
La voix de Mlle Falcon est belle et puissante; c'est ce tacle, et d'attaquer dans sa source le mal qui le dévore.
qu'on appelait autrefois au Conservatoire une voix de Nous développerons dans un prochain article nos vues
grand opéra. La qualité en est un peu rude et demande à cet égard. On assure que déjà l'on s'occupe de cet
du travail. Mlle Falcon devrait faire des gammes chaque objet, et qu'un homme connu par son habileté admi-
jour pendant une heure. Les défaut qu'elle doit éviter, nistrative sera mis à la tête de la nouvelle direction.
core, c'est l'égalité des registres, du corps dans les sons Bulletin d'Annonces.
graves, de la netteté dans la prononciation , de la sua-
Le Grand Prix ou , le Voyage à frais communs, opéra-comique en Irois
vité dans les trois modifications de la voix.
actes, paroles de MM. Gabriel el Masson, musique de M. Ad
.l'omets malgré moi une l'ouïe de remarques; toute-
Adam.
fois je ne puis m'empêcher d'inviter les jeunes artistes
Morceaux détachés , arrangés pour le piano par V. Rifaut.
de l'École, tant hommes que femmes, de tflcher de se
défaire de plusieurs mauvaises habitudes qu'ils ne pour- N. 1. Air chaulé par M. Ponchard. —S fr. 60 c.
raient plus tard déraciner qu'avec peine. En général, on N. 2. Air chanlc par M. Féiéol. —3 fr. 76 c.
7 fr. 60 c.
excès d'aplomb. Lever les yeux au ciel, tourner la tête
N. 4. Couplets chaulés par Mme Boulanger. — 3 fr. 88 c.
sens, et mille autres simagrées ne servent
dans tous les
N. S. Duo chanté par M. Ponchard cl Mme Boulanger. 4 f. 6» —
ni à rendre le chant meilleur, ni à faire que l'expression Madone, chantée par M. Ponchard et Mme Bou-
N. 6. Prière à la
soit plus communicative. Il n'e»t d'aucune utilité de re- langer. — 2 fr. 60 c.
muer le corps comme Mlle Falcon , de se balancer sur N. 7. Air chanté par Mme Casimir. —4 fr. 60 c.
M.Dérivis, d'avancer leslèvres comme Mlle Dabedeilhe, On sait qtie ^c Grand Prix a obtenu un succès décidé à la première
bout de les en guérir. AnnaBolcnna, opéra , musique de Doniïetli , composé pour Mme
Les prix ont été justement adjugés. Peut-être en au- Pasia, Rubini et Lablacbe ,
qui vient d'obtenir un grand succès à
60
n« prix, M. RÉviAL — , prof. M. Henry.
4 fr. c.
—S
Mlle C\MOiK. —
La même, transposée pour conlr'allo sans les chœurs. f.
/(/.
N. 10. Siil suo capo aggrmi un dio, scène el duo chanté par
CHANT. Mmes Pasta et Tadolini. —5 fr.
I" prix, Mlle Falcon, M. Dérivis, — profess. M. Pellegriiii. Incessamment paraîtra la partition, dont le prix sera de 12 fr. poui
II' prix, Mlle Camois, — prof. M. Bordogoi. les personnes qui se feront inscrire avant le 1 B septembre.
M. RÉTiAL, Mlle Dabedeilhe, — prof. M. Pellcgrini. Clti non la vede , arietla composta per Rubini del maestro Vaccaj
3 fr.
^ L'Opéra-Comique vient d'être fermé pour la qua-
Vn primo pensiere in Londra, notturno pcr soprano e conirall»
trième fois depuis trois ans. Aux causes permanentes del maestro Vaccaj. —2 fr.
AVIS IMPORTANT. narchie absolue: il faut qu'il soit enrégimenté pour ob-
tenir protection. En vain un violoniste , un claveciniste,
Les personnes dont l'abonnement expirait le
un (hauteur, auraient-ils voulu se faire entendre dans
i"août, et qui ne l'ont point encore renouvelé, des concerts organisés à leur profit : mille obstacle se-
sont priées de le faire promptement, si elles ne raient venus les arrêter dans leur entreprise. Le roi des
veulent point éprouver de retard dans l'envoi Kiotons et sa compagnie des ménétriers et joueurs cCin-
monastère ou d'un entrepreneur de théâtre. D'une part, Besozzi, Pugnani, Viotti, beaucoup d'autres qu'
et
ils ne jouissaient pas de la liberté qui règle aujourd'hui vinrent à Paris avant la révolution de 1789, ne purent
leurs actions; de l'autre, ils ne trouvaient pas dans une se soustraire il cette influence du privilège. Il leur fallut
civilisation peu avancée des ressources qui eussent pu se faire entendre à la cour et au concert spirituel, ou
assurer leur indépendance. En France, toute fortune garder le silence.
émanait de la cour; c'était vers ce point central que Dans les provinces, il en était de même: les direc-
tendaient les efforts de tous les artistes. Une générosité teurs de théâtres avaient aussi privilège contre toute
sans bornes y récompensait les talens de quelque genre espèce de spectacle ou d'amusement public. Telle est
qu'ils fussent : les bienfaits du prince n'étaient pas tou- la puissance de l'habitude parmi les hommes qui se
jours distribués avec discernement; la médiocrité obte- mêlent d'administration, que cet abus a survécu même
nait quelquefois par l'intrigue et par la faveur ce qui ù la révolution qui a détruit les privilèges et les mono-
n'aurait dû être le partage que du mérite; mais celui- poles; un directeur de spectacle a droit de prendre une
ci était rarement méconnu. Tranquilles sur leur sort, partie de la recette d'un coiïcert qui se donne dans une
les musiciens doués de talens distingués vivaient dans ville de son arrondissement dramatique , même lorsqu'il
une douce insouciance et n'avaient d'autre soin que ne s'y trouve pas; ce qui, joint à l'impôt vexatoire des
celui de leur réputation. Ils ne songeaient point à se indigens et aux dépenses occasionnées par les concerts
faire entendre dans des concerts publics, ni à spéculer sur est un motif suffisant pour que les artistes s'abstieiment
leur habileté; d'ailleurs, ils n'auraient pu le faire. Si la d'en donner. Quoi qu'il en soit les premiers concerts à
,
faveur de la cour a ses avantages, elle a aussi ses incon- bénéfice ne furent entendus en France que postérieure-
véniens, car elle crée les privilèges, les corporations et ment au mois de janvier 1791 , où ce genre d'industri
le monopole. L'homme isolé n'est rien dans une mo- fut affranchi par une loi.
230 REVUE MUSICALE.
En Allemagne, les- artistes n'avaient pas autrefois en ont donnés plus d'un siècle avant que les autres peu-
plus de liberté pour l'exercice de leurs talens qu'ils n'en ples de l'Europe en fissent entendre. Leur génie, plus
avaient eu France. Leur esclavage était même plus dur; industriel qu'artiste , avait compris l'avantage qu'un
car dans certaines parties de ce pays, telle que la Prusse, musicien peut tirer de ses talens pour sa fortune. Voici
il ne leur était point permis de voyager sans la permis- ce qu'on lit dans le numéro 742 de la Gazette dont il
sion du prince, ne fussent-ils même pas engagés à son vient d'être parlé, sous la date du 3o décembre 1672 :
service : il suffisait qu'ils fussent nés ses sujets. La Bo- « On avertit que dans la maison de M. Jean Banistcr
hême fournissait d'excellens instrumentistes en tout « (maintenant appelée VEcole de musique), près de
genres qui se répandaient dans le reste de l'Allemagne, a George Tavern, dans Whyte-Friers , ce lundi, il sera
mais qui , lorsqu'ils ne trouvaient point à se placer au « exécuté de la musique par d'excellens maîlres, com-
service de quelque prince ou de quelque grand seigneur, I mençant à quatre heures précises de l'après-midi, et
étaient souvent obligés de se réunir en troupe de musi- « que par même concert aura lieu chaque
la suite le
ciens ambulans pour aller se faire entendre de château <c après-midi même heure. »
à la
en château , ou même de s'arrêter dans les villages pour Un avertissement du même genre se trouve dans le
y faire danser les paysans. Les plus grands artistes, n° gCi de la même Gazette, sous la date du 4 février
Quanlz et le fameux violoniste François Benda ne pu- 1674. Il y est question d'un concert fort bizarre. On y
rent même se soustraire à cette nécessité, et commen- lit: «Rare concert de quatre trompettes marines, qui
cèrent ainsi leur réputation , à défaut de concerls oi"i ils « n'a jamais été entendu en Angleterre. Si quelqu'un
eussent pu se faire entendre. Mozart, dont les talens « désire venir l'entendre, il peut se rendre à Fleece-
précoces eurent tant d'éclat ,
paraît avoir été le premier « Tavern, près de St-James, vers deux heures de l'a-
qui donna de ces concerls, dans les voyages qu'il fit « près-midi, tous les jours de la semaine, excepté le
fivec son père, en sorte qu'il ne paraît pas qu'on puisse II dimanche. Le concert durera une heure, et recom-
faire remonter l'origine des concerts à bénéfice en Al- « incncera immédiatement après. Les meilleures places
lemagne au-delà de 1762. « sont à un shelling, les autres à six sous. »
Les académie prkate (concerts particuliers) se re- Beaucoup d'autres avis semblables se trouvent dans
trouvent dans des temps très reculés en Italie mais ; les lamême Gazette, à diverses dates des années 1676,
Académies publicche (concerts publics) ne datent qrie 1678, 1679, i685, 168g, 1690, 1691, etc., etc. Par
des vingt dernières années du dix-huitième siècle. Tous exemple , on y voit que le 6 avril iGgS, et le 3o octobre
les grands chanteurs étaient engagés aux théâtres ou de la même année, le célèbre chanteur italien Tosi a
dans les églises, et ne se faisaient entendre que là; donné deux concerts à Londres, l'un dans Covenl-Gar-
quant aux instrumentistes, ils étaient aussi placés dans dcn Charles-Street; l'autre, dans un endroit qu'on ap-
des positions aisées qui ne les obligeaient point à recou- pelait York-Baildings.
rir aux chances des concerts à bénéfice pour augmenter L'usage des concerts à bénéfice s'est conservé depuis
leurs ressources. La plupart étaient au service des prin- ce temps jusqu'à ce jour, non-seulemeut à Londres,
ces ou des riches églises de quelques grandes villes. mais dans toute l'Angleterre, et ces concerts se sont
Qu'on examine toute la musique des anciens violonistes multipliés dans une proportion qui passe tout ce qu'on
italiens, on verra que la plupart de leurs morceaux sont pourrait croire. Il ne s'agit point d'art dans ces concert»,
intitulés concerti ou sonate da chiesa, parce que c'était en où l'exécution est en général fort négligée ; il y a peu de
effet dans les églises qu'ils les exécutaient. Cet usage de plaisir pour l'auditoire ,
point de gloire pour les artistes,
se faire entendre dans les vastes basiliques de l'Italie mais ils rapportent beaucoup d'argent à ceux qui sont
s'est même conservé jusqu'à nos jours parmi les instru- protégés par la fa?hion,et cela suffit. Un concert anglais
mentistes italiens. Dans sa jeunesse, Paganini a joué n'est qu'une opération mercantile.
souvent dans les églises de Gênes, de Parme et de Bo-
logne. Aujourd'hui les concerts se donnent particuliè-
rement dans l'intervalle des saisons théâtrales, et ils se CORRESPONDANCE.
sont multipliés à l'excès. Les artistes jouissent en Italie
nolTIÈSIE LETTRE A M. LE DIRECTEOR DE LA KEVDE MDSICALE.
de plus de liberté qu'en France pour ces concerts , car
ils ne sont soumis à aucune rétribution fiscale. La commission pour réorganiser le Conser-
instituée
Les Anglais sont lesinvenleurs des concertsùbénéfice; vatoire a été plus expéditive que moi. Son travail est,
on trouve dans la Gazette de Londres la preuve qu'ils dit-on, terminé, le mien ne l'est pas encore, et je n'ai
REVUE MUSICALE. 231
(l'autre moyen d'y mettre un terme que de supprimer mer la décadence de l'art ? mais en vérité est-il besoin
vrais donc m'en tenir ù ce que j'ai déjà écrit, si je n'a- Un autre vice et non moins funeste, c'est qu'à l'école
vais eu d'autre but que de faire parvenir à cette com- de musique on ne forme pas des chanteurs proprement
mission par la voie de la presse quelques idées sur In dits, mais des chanteurs de telle outelle qualité. Avant
matière dont elle avait à s'occuper; mais l'art est à mes même de commencer ses études, un élève sachant par
yeux d'une bien autre importance, et rien ne m'empê- avance à quel emploi il doit se consacrer, tout son tra-
che d'adresser aux artistes et aux amateurs la suite de vail se borne à étudier quelques rôles de cet emploi. Il
Le pouvoir, chez nous, a toujours eu la manie de se mier prix, n'est pas en état de régler seul d'une ma-
mêler de tout. Au lieu de protéger et d'encourager les nière convenable l'air le moins difficile , tandis qu'un
arts purement et simplement, en mettant des hommes jeune artiste, au sortir de l'école, devrait chanter toute
spéciaux et habiles à la tête des divers élablisscmcns sorte de musique appropriée à ses moyens, et savoir
d'art et en distribuant sagement et généreusement à la disposer pour ses moyens toutes les parties d'un rôle.
fois les fonds du budget, il a tout voulu faire lui-même. J'ai suffisamment exposé à diverses reprises les dé-
Le pouvoir s'est donc fait chef d'orchestre, directeur de fectuosités de l'enseignement du chant à l'École royale;
spectacle , maître de chant, etc. Dans le monde, il est il faut être juste pour tout le monde, tous les vices ne
reconnu que pour devenir célèbre dans les arts ou dans sont pas dans l'enseignement. Il est d'autres causes in-
les sciences il faut de longs et pénibles travaux; dans dépendantes de la volonté et de la capacité des maîtres
les bureaux c'est un axiome, que pour administrer les dont les mauvais résultats ne sont pas moins graves : et
arts et les sciences il suffit de s'appeler chef, sous-chef, en premier lieu, l'inconduite des élèves. La crainte de me
commis d'ordre , expéditionnaire, intendant ou direc- voir taxé d'un rigorisme ridicule ne m'empêchera pas
teur-général. Le gouvernement fit une chose fort bonne de dire que le régime d'une école de chant ne saurait
et très louable en créant un Conservatoire de musique; être trop sévère. 11 est rare qu'un artiste chante juste
mais il tomba dans une grande erreur quand il pbça un lorsque sa santé est altérée. Rien ne nuit plus à la voix
musicien à la tête de cet établissement, parce que le que excès, de quelque nature qu'ils soient. Il faut aux
les
mot niusi(/ue se trouvait sur la porte cochère. Le Con- chanteurs, et surtout aux élèves dont les organes n'ont
servatoire, tel qu'il est organisé, se divise rationnelle- pas acquis tout leur développement, un régime régu-
ment en quatre branches bien distinctes : la composi- lier et sévère, un travail constant, mais modéré: il n'est
tion , l'étude des instrumens, le chant et la déclama- sorte de soins et de précautions dont on n'accablât les élè-
tion, bien que je ne sache pas ce que cette quatrième ves dans les Conservatoires de Naples ; en un mot, un
chose vient faire là. Il fallait tout bonnement placer un pensionnat de jeunes chanteurs devrait plus ressembler
administrateur compial/le à la tête de l'école entière, et à un couvent qu'à un collège.
On se plaint souvent de voir des sujets d'une belle
puis donner un chef spécial à chaque spécialité; mais
des chefs réels, dirigeant et professant eux-mêmes, et espérance dont les lalens avortent avant d'avoir acquis
non des inspecteurs ou directeurs des études, superféta- tout leur développement. Ce mal est dû à diverses causes.
un professeur principal, aidé de quelques maîtres placés sir à se- ruiner eux-mêmes. A cela les Italiens avaient
gissait pas autrement dans les Conservatoires de Napics venus à un certain degré de force étaient une source de
et de Venise. Supposons un moment qu'à l'époque de revenus pour l'établis-sement, le maître ne laissait violer
la première création de l'école de musique, au lieu de qu'à la dernière extréaiilé l'engagement contracté au
nom de l'élève. Chez nous c'est l'inverse. Le séjourd'un
ce bariolage de professeurs indiqués dans l'Almanach
pour chef unique Carat, pense- élève dans l'école est toujours onéreux; le Conserva-
national, on eût choisi
toire n'en sachant tirer aucun profit, en veut être dé-
t-on que le règne des criards aurait duré jusqu'à l'arrivée
barrassé plus tôt possible. Voilà le résultat d'un gou-
de Rossini à Paris? pense-t-on que les sommes énormes le
directeur de spectacle veut avoir des sujets au plus bas mât un casnel réparti entre le directeur et les profes-
prix possible ; il a doue le droit de demander des ordres seurs ; dans les collèges royaux cela se pratique ainsf.
de début pour M. un tel ou Mlle une telle qui lui parais- IJe temps en temps l'École donnerait à son bénéfice des
sent pleins d'espérance, et en échange du talent qu'ils représentations dramatiques et des concerts, et les élè-
ont déjà ou qu'ils sont près d'avoir, il lui offre dix-huit ves déjà sortis de l'établissement seraient tenus pendant
cents francs ou deux mille francs d'appointemens. Il un laps de temps fixé d'y coopérer gratuitement. Je
importe donc fort peu i un élève de l'école de passer pourrais indiquer encore d'autres sources de revenus,
beaucoup de temps à travailler son art, puisque lestrois je les omets pour abréger. J'ai déjà parlé de l'excellente
premières années de sa carrière ne lui appartiennent iiistitulion des élètcs-répétUeurs. Rien ne fait réfléchir sur
pas : ce qu'il fait, c'est d'y arriver tant bien que mal, et une science ou sur un art comme l'obligation de le mon-
ces trois années ne sont encore pour lui qu'une prolon- trer aux autres. Il n'est pas besoin non plus de revenir
gation de séjour à l'école, un temps de privations. Il sur la marche du travail, je m'en réfère à ce que j'ai
fallait établir un règlement inverse. dit de la feuille de Porpora. Je m'arrête pour en finir.
être que désintéressées; ainsi donc voici ce que je pro- des artistes pour avoir placé l'art sur une route meil-
pose : faire de l'école de chant une chose toute spéciale leure.
et parfaitement indépendante; choisir parmi les plus Si tout n'était pas consommé, s'il restait encore quel-
habiles un professeur unique ; celui qui connaît le mieux que espérance de voir les idées que j'ai exposées près
le mécanisme de la vois huaiaine ,
qui possède le mieux d'être mises en pratique ,
je ne prononcerais pas le nom
les traditions d'enseignement des grandes écoles d'Ita- de celui qui me semble seul capable de régénérer en
lie, et le placer comme chef absolu à la tête du pen- France l'art du chant. Si je place Garcia au-dessus de
sionnat et des autres classes de chant. Ce maître serait tout ce que je connais de maîtres, on ne pourra pas dire
tenu d'en choisir lui-môme quelques autres qui assiste- qu'en écrivant ces lettres mon seul but est de le pousser
raient régulièrement à ses leçons pendant la première au Conservatoire ; et je ne vois pas pourquoi je devrais
année, et seraient dirigés par ses conseils afin de rendre taire la vérité par cela seul que j'occupe une petite place
les études homogènes. dans son amitié. Il n'a guère besoin de ma voix ni de
Les élèves pensionnaires provisoirement reçus après ma plume pour proclamer qu'il est un artiste de pre-
examen n'obtiendraient leur admission définitive qu'a- mier ordre, et mes éloges, quelque ej;c/as(7's qu'ils soient,
près un noviciat de deux à trois mois, suivi d'un nouvel n'auront pas plus d'influence sur sa réputation que les
examen. Il y aurait des élèves payans et des élèves afflictions dont on le menace.
gratuits. Ces derniers s'obligeraient par acte authenti- Mes lettres, à ce qu'il paraît, ont réveillé quelques
que, comme cela avait lieu à Naples, à payer au Con- petites haines, ont remué quelques obscures jalousies,
servatoire, pendant un temps déterminé, une somme c'est tout naturel. Il serait si doux de dormir sur le lit
plus ou moins forte suivant l'élévation de leur engage- que l'on s'est fait, si personne ne venait vous y déranger !
ment : il serait juste qu'une partie de cette somme for- On veut bien de la critique pour ceux qui pratiquent
REVUE MUSICALE. 233
un an on trouve le moyen de provoquer une sorte de secours d'associations qui se constituent gardienne du
réaction contre les maîtres italiens auxquels pourtant le feu sacré prêt à s'éteindre , et s'empressent d'ouvrir un
Conservatoire est redevable de toutes les améliorations asile aux artistes distingués qui accourent à Paris de
qui se font apercevoir depuis quelques années. tous les points de l'Europe; aux chefs-d'œuvre qui jouis-
Tout n'est pourtant pas désespéré ; ce que Kalkbren- sent d'une admiration de tradition, mais qui restent
ner vient d'imaginer pour le piano, je veux dire une ignorés dans les bibliothèques du Conservatoire ou de
école libre destinée à régénérer l'art, un autre l'entre- quelques amateurs; enfin, aux conceptions timides ou
prendra pour le chant , puisque l'établissement doté par aventureuses de jeunes iinaginalions pleines d'enthou~
le budget marche à reculons. Pendant son séjour à Lon- .siasme, d'où jaillissent quelquefois des étincelles de
dres, Garcia avait ouvert une académie que suivaient génie qui prophétisent de grands talens. C'est dans ce
près de cent élèves , malgré le prix élevé des leçons ; but qu'a été créée la société académique de l'Athénée ,
il serait fort à désirer qu'à Paris, où cet habile maître dont les personnages les plus notables dans les arts et
semble avoir définitivement fixé son séjour, il voulût dans les lettres sollicitent l'honneur de faire partie. Des-
établir quelque chose d'analogue^ d'autant mieux que tinée à rendre ,
par son esprit d'éclectisme et d'extension
les lepons particulières sont hors de la portée delà classe qu'elle prend chaque jour, de grands services à l'art
d'amateurs la plus nombreuse. qu'elle protège, c'est un centre autour duquel doivent
Je vous demande bien pardon, monsieur, d'avoir si bientôt rayonner toutes les sociétés philharmoniques de
souvent et si long-temps envahi vos colonnes avec mes France. Déjà ses concerts mensuels sontsiattrayans que
lettres écrites à la hâte et peu dignes de figurer dans vo- les chaleurs du mois d'août ne diminuent pas l'affluence
tre excellent journal. Si jamais je parviens à pousser qui s'y porte, et celui du jeudi 18 était composé de
jusqu'au mot fin un livre que j'ai entrepris sur l'histoire manière à piquer la curiosité deux artistes étrangers
:
,
du chant et des chanteurs, je prendrai la liberté de vous talens de premier ordre, s'y sont fait entendre; l'un sur
adresser quelques fragmens de travail moins imparfait^. le piano, l'autre sur le trombonne. M. Field, pianiste
anglais, a exécuté avec une perfection admirable, une
J'ai l'honneur, etc.
P. P..
fantaisie de Hertz sur un motif de' Guillaume Tell son :
(l) Nous avons déjà dit que nous ne partagions pas toutes les opi- excité un enthousiasme qui s'estmanifesté par des bravos
nions de notre correspondanl. Nous croyons devoir lé rappeler, ear plusieurs fois répétés. A la satisfaction générale, il a re-
plusieurs passages de la leUre qu'on vient de lire nous semblent pou- paru dans la seconde partie du concert, et, cette fois, M.
>oir être conleslés. Nous donnons place dans nos colonnes à tout ce
Vidal qui dirigeait l'orchestre s'est joint à lui. Ce violon,
qui peut inléresser l'art, sans nous obliger à prendre pom' nôtres les
aussi modeste que distingué, possède au plus haut degré
opinions qui sont exposées dans ce qu'on nous communique.
les qualités essentielles de l'art de l'accompagnement;
il attaque la note avec précision et délicatesse, et
ses
virtuoses n'en ont pas moins été couverts d'applaudis- M. Stephen a quelque chose de mystérieux dans son
semens mérités. timbre qui convenait parfaitement aux récits de cet oji-
Mais voici venir M. Diepo, phénomène allemand, vrage remarquable. Des effets de tam-tam, de timballes
([ui est parvenu , par un travail sans doute long et et le dévergondage du chœur Onal ont excité de vives
pénible, i adoucir d'une manière étonnante les sons sensations.
durs et secs du trombonne et à les diviser, dans des Somme toute , le concert était très beau.
traits rapides, aussi exactement que s'il se servait d'une
division existe au mo3'en des trous (|ui y sont pratiqués. Nouvelles de Paris.
Cet artiste a émerveillé l'assemblée et éleclrisé l'or-
C'est définitivement le i" septembre qu'a lieu l'ou-
chestre qui l'a fort bien accompagné. Il serait curieux de
verture du Théâtre-Italien. .Jamais la saison ne s'était
voir ce dragoiulti du Irowbonae, réuni i\ MM. Vau-
annoncée d'une manière plus éclatante première repré- :
baron et Thibault dans un trio concertant.
sentation d'un opéra qui a obtenu des succès brillans
La soirée a commencé par une ouverture de M. Ma-
sur les théâtres d'Italie et d'Angleterre; des chanteurs
gnier, élève de M. lieicha.
L'introduelion brillante et agitée de cette pièce de
tels que Rubini, Lablache et Mme Pasta, des chœurs
entièrement renouvelés et dirigés par M. Hérokl, un
musique annonce un drame, tandis que le motif de
orchestre jeune et habile, voilà bien des élémens de
l'allégro, un peu trop dans le caractère de la contredan-
succès.
se, appartient plutôt à une action comique; c'est une
Encore sous le charme des impressions profondes que
faute, à mon avis, qui semblerait résulter d'un dél'aut
Hugo. La voix grave de solide vienne relever ce malheureux théâtre, qui, avec
tastiques imaginée par Victor
tous les élémens de succès possibles, voit àchaque ins-
monicon, donne dans ses numéros ù^b et [\!\ l'évaluation sent inattaquables, que les Chinois possèdent depuis
exacte du total des recettes des concerts donnés à Lon- plusieurs siècles une connaissance très étendue des lois
dres par Paganini. Le premier, qui a eu lieu le 3 juin de la vibration dans les tubes et de son action dans les
au théâtre du roi, a produit 700 livres sterling(i 7,Soofr. ); languettes métalliques. 11 a démontré que l'jEoline
le deusièmc (10 juin), 1200 livres sterling (3o,5oorr.); l'zEolophone et tous les instrumens du même genre
le troisième (i3 juin), 900 livres sterling (22,760 fr.); tirent leur origine du petit orgue portatif appelé cheng.
le quatrième ( 16 juin), à peu près la même somme; le — Une traduction anglaise du livre de 51. Fétis, in-
cinquième (22 juin), recette énoirae qui s'est élevée à titulée : La musique mise à la portée de tout le monde,
plus de i,5oo livres sterling (environ [fi,ooo fr.). Les vient d'être publiée chez fi. Coiks et comp. , sous le
recettes diminuèrent dans les concerts suivans qui eu- titre de Music Mode easy.
rent lieu les 27, 3o juin, i5 et 22 juillet. Outre ces Parmi les autres publications nouvelles relatives à la
concerts, Paganini en a donné deux dans la cité musique, on remarque une nouvelle édition de l'excel-
ù LondonTavern : le prix des places avait été diminué à lent ouvrage de M. John Guim sur le violoncelle, ou-
une demi-guinée; de plus, il y a joué dans plusieurs vrage divisé en deux parties; la premièrehistorique, sous
concerts à bénéûce de quelques autres artistes, et s'j le titre àeA T/ieoritical and practical essay on vloloncello;
est fait à peu près la part du lion. L'artiste célèbre la seconde pratique , intitulée : The Theory and praiice of
voyage en ce moment dans les provinces anglaises et y flngering ihe violoncello.
donne des concerts. La quatrième édition de \aTheory and praclice oftko-
— Les concerts de M. Hummel n'ont point été pro- rotigh bass (Théorie et pratique de l'harmonie) de
ductifs cette année; toute l'attention était fixée sur Pa- M. Corfe, vient aussi de paraître chez Priston, Dean
ganini. Les lettres que nous avons sur ces concerts font Street, Soho. Enfin, T. C. Westley, i65 strand, vient
entendre que le brillant de l'exécution de cet artiste cé- de publier la deuxième édition du Dictionnaire des ac-
lèbre commence i baisser. Il voyage en ce moment, et cords [Dictionary of musical c/wrds.) de M. Ware, et le
a déjàdonné des concerts à Manchester et à Liverpool. Maître du chant théorique et pratique [Theoritical and
Dans un de ces concerts, il a fait entendre un nouveau practical singing instructor) du même auteur.
rondo avec orchestre de sa composition, qu'il a inlitulé Cassel. Le théâtre de cette ville vient de cesser d'ap-
Monretour à Londres. On y reconnaît la facture élégante partenir à la cour. Les artistes qui étaient engagés pour
et pure de ce musicien distingué. Mad. Raimbaux ac- plusieurs années ont été remerciés, et ont reçu une
compagne M. Hummel dans ses voyages, et chante à indemnité pour la rupture de leur engagement : de ce
ses concerts , où elle fait admirer son talent. nombre est Spohr, qui, par suite de cette réforme, se
Pbaktiscbe AnswEiCHi'NGS-ScHTJLE iwd and Drei and « Le septième renferme des modulations à quatre
l'ierstimmigen Beispuien zuni gebrauclie angchender or-
parties dans le style figuré et lié.
ganisten und componisten Ferfasst (Ecole pratique de
la modulation cosnposée d'exemples i deux, trois et
« Le huitième chapitre confient différentes modula-
,
quatre parties, pour l'usage des organiste; et des tions dans lesquelles l'échelle chromatique sert de fon-
compositeurs commençans, et dédiée au Conserva- dement à la basse.
toire de Paris, par C. H. Rinck. op. 99.) Prix, 14 flo- Il Tous ces exemples , winsi que la plupart des modu-
rins (8 fr. 40 c.) Mayence, Paris et Anvers, chez les
lations renfermées dans cet ouvrage, sont faciles à exé-
fils de B. Schatt.
cuter et sont formés de quatre mesures, afin que cha-
Cet ouvrage n'a point encore paru, mais nous avons cun offre un tout et que l'élève puisse s'exercer sur tous
sous les yeux V avant-propos, qui en est comme le pro- les tons.
spectus , et nous croyons devoir en donner ici la tra- » Telle est la route que je suis avec mes élèves, lors-
duction. qu'après avoir parcouru avec eux les règles de la gram-
« Tout morceau de musique a pour base un ton prin- maire musicale,j'aborde les compositions d'un style plus
cipal qui doit se faire sentir, non-seulement au com- élevé.
mencement et à la fin du morceau , mais encore impri- « Dans les chapitres 2 , 3 et 8 j'ai chiffré les basses
mer une teinte générale à l'ensemble et se reproduire afin que l'ouvrage puisse également servir ù l'étude de
plusieurs fois. Néanmoins la composition qui se traîne- l'harmonie et de la composition à quatre parties.
rait constamment sur le ton primitif deviendrait d'une " Puisse mon ouvrage offrir quelque utilité ;
puissent
monotonie fatigante i l'oreille; il est donc nécessaire de les compositeurs et las organistes écrire beaucoup
changer quelquefois de ton; ce passage d'un Ion dans d'exemples de ce genre et en tirer avec leurs élèves les
un autre, qui s'opère au moyen de la cadence parfaite, avantages que m'ont déjà procurés les miens!
se nomme modulation, et les modulations s'appuient « Peut-être me déciderai-je à donner une suite à ce
sur les régies de l'harmonie et de la transposition. I,e premier ouvrage.
but de cet ouvrage n'est pas d'exposer toutes ces règles,
mais seulement de donner aux organistes et aux com-
positeurs une méthode pratique et facile pour moduler. Bulletin d'Annonces.
Plusieurs maîtres distingués , Albrechstberger, Hudl Anna Boleiina , opéra , musique JeDonizetli, composé pour Mme
Knecht, Resse, Vierling, etc., ont publié des exem- Fasta, Kubiui et Lablaclie ,
qui vient d'obtenir nu grand succès h
ples de modulations, mais aucun, je crois, ne les a Londres, et dont les représenlations auront liou à l'ouverlure du
Les modulations renfermées dans les sept premiers Les morceaux suivans sont déjà publiés :
chapitres de cet ouvrage comprennent tout le cercle N. 2. Corne Innocente Giovanne, cavatine chantée par MmePasla.
« Le premier chapitre renferme des modulations à La même, transposée pour contr'allo sans les chœurs. —3 f.
N. 10. Sid suo capo aggravi un dio, scène et duo chaulé par
ties entremêlées de dissonances. —5
Mmes Pasta et Tadolini. fr.
n Le troisième contient des modulations à trois par-
N. 14. fivi lu te ne scongiuro, scène et air chanté par Rubini.
lies. ôfr.
(i Le quatrième est relatif aux modulations à quatre Incessamment paraîtra la partition, dont le prix sera de 1 2 fr. pour
parties, écrites en contrepoint : pour éviter la monoto- les personnes qui se feront inscrire avant le 1 6 septembre,
nie , on y a placé quelques notes de passage. Chi non la vede , arielta composta per Rubini del maestro Vaccaj.
matières, depuis le commencement du seizième siècle tions de la colonne d'air contenue dans les tuyaux et
jusqu'à la On du dis-huitième, est très cousidérable; mais les languettes métalliques des anches. Les moyens de
les mêmes causes qui ont préparé la décadence de la compensations proposés par M. Weber paraissent reiTi-
musique dramatique et des autres parties de l'art ont plir toutes les conditions désirables.
exercé leur funeste influence sur la littérature musicale. Sous le rapport de l'histoire de la musique j. deux
Depuis trente ans il n'a été pulilié que des livres de peu livres assez importans ont été publiés depuis la fin de
d'importance, à l'exception du diclionnaire de musique 1829. Le premier renferme deux mémoires sur l'in-
de Lichtenthal, des excellens mémoires de l'abbé Baini fluence que les musiciens belges ont exercée sur les
sur Palestrina, et d'un assez bon livre sur la musique progrès de la musique dans les i4'", '5' et 16" siècles,
des Grecs ,
par Robustiano Girorii; la plupart des écrits par MM. Riesewetter, de Vienne, et Félis : ces mé-
italiens, publiés depuis cette époque, consistent en moires ont été publiés par l'institut de Hollande, sous
pamphlets sur les théâtres, en mémoires critiques sur ce t'iire: Verhandelingen over de Vraag, elc. (Disserta-
quelques compositeurs, et en essais biographiques. Les tions sur la question : Quel a été le mérite des Néerlan-
lettres de Carpani surRossini, elle petit volume du dais dans la musique, etc.?) Par des moyens différens,
Vénitien Majer sur la musique italienne moderne, sont les deux auteurs ont jeté un grand jour sur cette ques-
ce qui a été publié de plus piquant en ce genre de litté- tion , l'une des plus intéressantes de l'histoire de la mu-
rature. _Dc légères brochures relatives à la musique de sique moderne. Le second ouvrage, intitulé: ^rc/iœ/o-
Bellini , et des alinanachs de théâtre, sont tout ce qui gisch Lilurgiscli Lekrbuch des Grœgorianisclien Kirchenge-
Système des compensations dans les tuyaux d'orgue. Ce le premier n'a rien ajouté aux notions renfermées dans
sujet délicat, dont les élémens ont été réceniinent dé- les vocabulaires de Roch et de Wolf; le second contient
238 REVUE MUSICALE.
des renseignemens précieux sur les musiciens d'une titre: Analyse der Scliœnen der Musik und der T anses
province de l'Allemagne, qui a été très féconde en ar- (Analyse du beau dans la musique et dans la danse) ;
tistes distingués. Ces biographies locales sont faites avec et les introductions aesthétiques et historiques à la mu-
beaucoup de soin par les littérateurs allemands. Deux sique {Msthetische-historicli Einleilungen in die Wissen-
autres ouvrages du même genre ont été publiés dans les schaft derToukunst) de M. W.-Chr. Miiller.
premiers mois de l'année i83i : le premier est le Kunst- Une multitude de traités de musique élémentaire ou
ler-Lexikon tirolisches ( Dictionnaire des artistes du de chant a été publiée depuis le commencement de
Tyrol , contenant les biographies des artistes nés dans l'année i83o; parmi ces ouvrages, les plus remarqua-
ce pays ou qui y ont vécu long-temps ) ; le deuxième bles sont ceux de MM. H. -FI. Guhr, chantre évangé-
est le Panthéon der Tonkiuisiler de M. Rosmai:n ,
qui lique du collège de Militsch; G. -F. Kiihler, précepteur
contient une galerie biographique des compositeurs delà maison des orphelins, à Sluttgard; C. Loewe ,
virtuoses, professeurs , auteurs morts et vivans de l'Al- directeur de musique au Gymnase deStcttin
Heukel, ;
lemagne et des autres pays de l'Europe. Enfin, un professeur de liiusique A Fulde ; C.-F. George, profes-
nouveau dictionnaire technique de la musique a été scurà l'école primaire de Longensalza;G.-C. Grosheim,
publié i Ulm, sous le titre de JFoerterbacli neaestes de Cassel ; et enfin, la quatrième édition de la méthode
musikalisches.' de plain-chant [Chorallehre) , de M. J.-B. Obermaier.
Dans la partie historique de la musique, ce qui a été La littérature musicale de la France, sans être aussi
publié de plus remarquable dans l'année i83i ,
jusqu'à riche que celle de l'Allemagne, a cependant fourni plu-
ce jour, est le livre de M. G.-W. Finck, intitulé : jErj^e sieurs ouvrages intéressons dans l'année qui vient de
Wandrung der œltesten Tcnkunst ( Premier développe- finir. En première ligne on doit placer le beau travail
ment de la musique dans les temps les plus reculés, de M. le directeur Bennati sur le mécanisme de la l'oix
servant d'introduction i l'histoire de la musique). 11 liumaine pendant le chant, travail d'un genre neuf, et qui
serait fort désirable que ce livre fût traduit en français. a révélé des faits imporl.ins, ignorés jusqu'ici , snr les
C'est surtout dans la théorie de l'art et dans la partie causes de la classification des voix, sur les fonctions des
élémentaire de la musique et du chant que l'Allemagne diverses parties de l'organe vocal dans chaque genre de
est riche en publications. Une nouvelle édition de l'ex- voix, et sur le mode d'exercice le plus couvenable pour
cellente théorie de la musique (T/ieorie der Tonkunst) développer leurs qualités. Ce travail a été complété par
de M. Godefroi Weber, a été mise récemment sous un second mémoire du môme auteur, sur quelques ma-
presse. Un autre professeur du même noin ( M. Frédé- ladies du gosier qui affectent l'organe de la voix. Un ou-
ric-Denis Weber, direcleurdu Conservatoire de Prague) vrage considérable sur le même sujet, par le docteur
a publié une méthode élémentaire complète de la théorie James Rush, a été publié en i83o à Philadelphie (
2'
sont cultivées avec succès par les musiciens Allemands. pour le style instrumental, objet des études de la plu-
Parmi les ouvrages
remarquables de ce genre
les plus part des compositeurs allemands. M. Choron y a ajouté
de littérature musicale, on doit au célèbre critique des notes instructives , qui sont une bonne critique du
Rochlitz le troisième volume du livre piquant qu'il a livre original. Le second ouvrage a pour titre L'Har- :
intitulé : pour les amis de la musique ( Fur freunde der monie au commencement du dix-neuvième siècle; M. Jelens-
Tonkunst); l'ouvrage de M. J.-W. Bœhm qui a pour perger, professeur-adjoint au Conservatoire, que 1»
REVUE MUSICA|iE. 239
est l'auteur. C'est i la fois un recueil systématique de pendant il est imprime autant de
peu de pays où l'on
procédés pour étudier la science de l'harmonie, et uu musique qu'en Angleterre; mais quelle musique! 11 en
système nouveau de classification des accords. La di- esta peu près de même de la littérature musicale an-
rection des éludes y est bien tracée ; quant au système, glaise ; assez abondante par le nombre des publications,
il peu rationnel.
a lu défaut d'être obscur et elle est nulle par la qualité. Ce sont chaque année de
Quelques ouvrages élémentaires pour l'étude des prétendus traités de composition qui ne sont que des
principes de la musique et des instrumens ont paru de- aperçus de systèmes d'harmonie, et qu'on désigne sous
puis le commencement de i83o, mais rien de nouveau le nom de ThorougU Bass; des abrégés de musique élé-
ni d'important ne s'y fait remarquer ; un seul mérite mentaire qui se copient mutuellement, ou des pain-
d'être signalé: c'est une Gi'ammfliVe musiea/c, par M. Au- phlets sur les théâtres, les concerts et les meetings.
bcry du Boulley. L'auteur, l'ayant destinée particuliè- Parmi ces pauvres productions, les moins faibles pu-
rement à l'instruction des instrumentistes, a considéré bliées dans l'année i83o sont un abrégé de musique
l'art sous un rapport particulier, abstraction faite de (Music epitomised, a class Book], par M. Jousse; un
l'étude des intonations ; des considérations nouvelles se traité des premiers principes de l'harmonie, par M. Rod-
trouvent répandues çà et là dans ce livre, dont l'exécu- Tvell ( The first rudiments of harmony),.ct lin recueil de
tion typographique, par les procédés nouveaux de M. E. questions sur les élémens de la musique (Five hundred
Duverger, est très remarquable. questions and answers intended for tliose persans studying
Un livre d'un genre neuf, embrassant toutes les par- the éléments ofmusic), parle docteur Crotch. Un livre
ties de l'art musical, abstraction faite du langage tech- intéressant a paru à Londres au mois de mai i83o;mais
nique de cet art, a été publié par M. Fétis, sous le titre il est l'ouvrage d'un Italien. Ce livre est une biographie
de La Musique mise à la portée de tout le monde. La pre- de Ferrari, contenant des anecdotes sur la plupart des
mière édition de cet ouvrage a été enlevée en quelques musiciens célèbres de la fin du dix-huitième siècle et du
mois, et la publication de la deuxième n'a été retardée dix-neuvième; il est intitulé : Aneddote piacevoli ed Inter-
que par les événemens politiques et les malheurs de la ressanti accorsi nette vHa di Gotifredo Ferrari ( Londres ,
librairie. Deux autres éditions du même livre ont été i83o, a vol. in-i2.)
faites à Liège et à Bruxelles. M. Blum en a publié une
traduction allemande à Berlin une traduction anglaise
:
Variétés.
vient de paraître à Londres, sous le titre de The Muslc
Découvertes sur le célèbre musicien belge Rolaitd de Lasstjs.
made easy; enfin, une traduction italienne est annoncée
comme devant être publiée sous peu de temps à Flo- Bien des contradictions et beaucoup d'obscurité a
rence. Dans le but de compléter les notions qu'il a ren- régné jusqu'ici dans ce que les biographes ont rapporté
fermées dans son livre, sous le rapport de l'histoire de concernant Roland de Lassus ,
qu'on s'accorde à consi-
l'art, M. Félis a donné des curiosités historiques de la dérer comme un des plus grands musiciens qui ont vécu
musique, tirées en partie de son recueil périodique, dans le seizième siècle. Quelque clarté avait été jetée
intitulé : La Revue Musicale. sur la vie et les ouvrages de cet artiste célèbre dans un
L'Angleterre n'a point trouvé place dans cette Revue essai biographique, composé par M. Henri Delmotte,
iuccincte, parce que, tournant sans cesse dans le même bibliolhécaiie de la ville de Mons, dans les Pays-Bas,
cercle, elle est san^ progrès en musique, et paraît devoir patria de Roland de Lassus, et cette notice avait été
rester slationnaire, car la constitution de la société dans insérée dans deux numéros d'un journal intitulé Le
ce pays s'oppose à ce que la situation de cet art s'y Dragon ,
qui se publiait en celle ville dans l'année 1 826.
améliore. II n'y a point, à proprement parler, de com- M. l'élis avait tiré de cet essai des notions dont 11 s'était
liositeurs anglais pour la scène; on se borne presque servi pour l'article de Roland de Lassus, dans son mé-
toujours à arranger des opéras français, allemands ou moire sur les musiciens belges ,
qui a été couronné,
italiens avec quelques additions d'airs anglais ou écos- en 1829, par l'institut de Hollande.
sais. La musique instrumentale n'est guère plus floris- Depuis lors, M. Delmotte, ayant conçu le projet
sante, car il serait impossible de trouver dans les trois d'écrire l'histoire des liltérateurs, des artistes et géné-
royaumes le débit de symphonies, de quatuors, de ralement de tous les hommes nés i Mons, qui se sont
trios, de sonates ou de quelque autre chose de sembla- distingués par leurs talens, en quelque genre que ce
ble ; tout y est réduit i des bagatelles qui ne méritent soit, n'a cessé de rassembler des matériaux et de faire
240 REVUE MUSICALE.
lies recherches avec une persévérance et une sagacité 5° Le catalogue des ouvrages imprimés et manuscrits
dignes des plus grands éloges, et a voulu s'entourer de de Roland de Lassus qui existent dans la bibliothèque
documens irrécusables sur Roland de Lassus et sur de Munich, où l'on voit avec étonncment que ces ou-
Philippe de Mons, qui ont puissamment contribué aux vrages sont au nombre de plus de deux mille cinq cents.
progrès de l'art musical dans le seizième siècle , et qui Quant aux pièces qui ont été envoyées parl'adminis-
tiennent la première place parmi les artistes nés i Mons. Iration des archives, elles ne sont pas moins intéres-
Dans ce but, il s'est adressé aux autorités de la Bavière, santes, car elles se composent:
par l'entremise de l'ambassadeur des Pays-Bas, pour 1° De détails tirés de pièces authentiques sur Roland
en obtenir des documens qu'il supposait exister dans les de Lassus, sur sa femme, Regina Weckinger, qui avait
archives de la ville de Munich et dans la bibliothèque écrit une notice biographique de son mari, existante
de la cour et de l'état, à cause du long séjour que Ro- dans les archives, sur ses fils Ferdinand et Rodolphe de
land de Lassus a fait dans cette capitale. Ses espérances Lassus, habiles compositeurs, dont l'un succéda à son
n'ont point été vaines, et le résultat de ses démarches a père en qualité de maître de chapelle, et dont l'autre
surpassé son attente , car il a dû à la complaisance de fut organiste de la cour, et enfin sur ses petits-fils et
des des archives des renseignemens précieux qui per- 2° De la généalogie authentique et complète de la
mettent d'écrire aujourd'hui l'histoire de Roland de famille de Lassus, encore existante aujourd'hui dans la
qu'il n'existe pas plus de registres de l'état civil du ter à la chapelle quand il le voudrait.
seizième siècle à Munich qu'à Mons; sur les titres de S" Et enfin, de l'inventaire authentique de toutes le»
noblesse et blasons qui avaient été accordés A ce com- compositions de Ferdinand de Lassus , où l'on voit qu'il
positeur par l'empereur Maximilien II, et par le pape avait écrit beaucoup d'ouvrages à trois et quatre chœurs.
Grégoire XIII; sur sou mausolée qui avait disparu L'épitaphe, des panégyriques et une multitude de
depuis la destruction du couvent des Franciscains de vers à la louange de Roland de Lassus, sont conservés
Munich en 1801 , où il était placé et qu'on croyait dans ces pièces curieuses ; mais parmi les choses les
perdu , mais qui a été sauvé par un musicien de la cour, plus intéressantes, il faut placer en première ligne les
nommé Heigel, et qui se trouve maintenant en bon extraits de la notice écrite par la femme de ce compo-
état dans le jardin de mademoiselle de Mauntich; enfin, siteur, parce ((u'ils donnent des renseignemens précii
sur plusieurs autressujets intéressans, qui sont éclaircis sur ses dernières années, renseignemens dont on avait
avec beaucoup de sagacité. manqué jusqu'ici. On y voit, entre autres choses, que
2" Le catalogue de tous les ouvrages, soit imprimés, vers la fin de ses jours Lassus avait perdu complètement
soit manuscrits dans lesquels on peut puiser des rensei- lamémoire et même l'usage de la raison. Ces rensei-
gnemens sur Roland de Lassus et sur Philippe de Mons. gnemens complètent la notice que Samuel de Quickel-
5° Une biographie très exacte , très détaillée et ap- berg, ami de Lassus, a donnée sur ce musicien, et qui
puyéede preuves par M. Schmidhammer, tirée en partie ne va que jusqu'à l'année i565.
du Parnassus Boicus ouvrage fort rare, avec les cor-
, Les renseignemens sur Philippe de Mons, bien que
rections et additions de Forkel et de Lipowsky. moins étendus, sont cependant fort intéressans. Pour
4° La description très détaillée du magniûquc ma- les compléter, M. Delmoltese proposa d'explorer et les
nuscrit des Sept psaumes de la pénitence , à cinq vois , registres de la c.ilhédra,le de Cambrai, où Philippe de
d'Orlando di Lasso, ou Roland de Lassus, que le duc Mons fut chanoine, et les archives de la capitale de
Albert V de Bavière fit exécuter avec une dépense l'Autriche, le même musicien ayant été maître de la
inouïe , et qui existe dans la bibliothèque de la cour et chapelle inipéiinle sous les empereurs Maximilien II
l'état. el Rodolphe II.
REVUE MUSICALE. 241
Exécuté avec l'esprit consciencieux de recherches et qu'elle fût connue; de l'autre, il nous fait connaître sou
la sagacité que M. Dohnotte dépkiie dans son travail nom, qui était celui de fyslol ou fystole, mot qui vient
on ne peut douter que son livre ne soit d'un haut inté- évidemment du latin fîstula; enfin, il nous apprend le
rêt, et qu'il ne vienne ajouter au faisceau de lutnière^i nom d'un musicien, vraisemblablement Picard, comme
qui, depuis quelques années, commence à éclairer les l'indique sa forme Gueurlant ,
qui s'était distingué dans
premiers siècles de l'école de la musique moderne. l'art de jouer de la flûte à cette époque reculée, et qui
persévérer dans son entreprise patriotique. Il serait désirable que le ministre de l'intérieur don-
nât des ordres pour préserver d'une entière destruction
un monument curieux et intéressant pour l'histoire des
SUR UN MONUMENT DU XIF SIÈCLE FÉTis.
arts.
QUI OFFRE LA FIGURE d'uIT JOUEUR DE FLUTE TRAVERSIERE.
tome sixième de la Revue musicale, j'ai démontré que la des journées de juillet. Un genre que les Français ont
flûte traversière a été connue des Egyptiens et des Ro- long-temps préféré est celui qui soulTre le plus de
mains, et que c'est celle que ces derniers ont désignée l'état fâcheux des affaires ; l'Opéra-Comique, autrefois
sous le nom Ae flûte oblique. Elle paraissait s'être perdue; si recherché , est le premier à donner le signal de dé-
du moins les manuscrits que j'avais examinés jusqu'ici tresse aux autres spectacles , destinés comme lui au
ne m'avaient point oflert , dans leurs miniatures , de fi- naufrage qui menace d'engloutir tout ce qui tient aux
gure de cet instrument; mais le hasard vient de me faire musique. Il y a là quel-
arts et particulièrement à la
découvrir un monument curieux du douzième siècle , que chose de singulier qui mérite d'être examiné ,
où j'ai vu, uon-seulement une flûte trarcrsière, mais un fait presque paradoxal qui veut être recherché
la ligure du joueur avec le nom de celui-ci. dans son origine.
Ce monument est un fragment qui se trouve dans le La fondation de l'Opéra-Comique français remonte
cimetière de la petite ville de Péronne, en Picardie. Il à celle de la Comédie italienne, spectacle mêlé de
consiste en un bas-relief qui paraît avoir faitpartied'un chant, qui fut établi définitivement en France, au mois
morceau plus considérable , et qui est placé parmi des de mai 1719; par les acteurs italiens organisés en so-
débris d'anciennes maçonneries, près du mur situé au ciété. Un autre Opéra-Comique fut ensuite ouvert aux
nord du cimetière. Ce bas-relief représente un homme foires Saint-Laurent et Saint-Germain ;' il finit par st;
•vêtu d'une tunique longue qui descend jusqu'au milieu réunir au premier. Alors ce spectacle offrit l'attrait
des jambes, ayant sur la tête un bonnet qui couvre les d'une réunion de lalens parfaits en leur genre, tels que
oreilles, et tenant des deux mains une flûte qu'il em- Clairval, Cailleau, Mme Favart, Laruettc, Trial et
bouche comme la flûte traversière, et dont on n'aper- sa femme, talens qui, dans une longue suite d'années,
çoit que la partie antérieure percée d'un trou. Au-des- eurent des successeurs non moins distingués. Il y avait
sous de la figure est une inscription gravée en relief, et alors du plaisir pour le public, et les comédiens-socié-
portant ces mots : taires trouvaient de grands bénéfices dans leur exploi-
tation. Dans un temps moins heureux, la société se
€l)g acjJse Umagge a gue urloitu Ij) soflf
maintint parce que les sociétaires se contentaient dt
îro fgstol hj) obgt aimo Bomint mclviiii.
moindres bénéfices; tous les acteurs avaient du talent,
Ce monument est intéressant sous plus d'un rapport; en sorte qu'aucun d'eux n'imaginait qu'il devait avoir
car, d'une part, il démontre l'exislence de la flûte tra- de plus grands avantages que ses co-sociétaircs. Il n'eu
versière en France, à une époque où on ne croyait pas fut point ainsi quand la valeur du personnel eut dimi-
242 REVUE MUSICALE.
nué et lorsqu'il ne se trouva plus pnrnii les eomédiens bluettes. De toutes ces causes est résultée l'obligation
de rOpéia-Comique qu'un petit nombre d'artistes de porter les recettes à plus de deux mille cinq cent»
distingués, car ceux-ci n'ignorant pas qu'eus seuls francs par jour! Il s'est trouvé des spéculateurs asse»
attiraient le public et faisaient des recettes abondantes, imprudens pour croire à la possibilité de ces receltes,
exigèrent qu'il leur lût accordé une part plus forte etpour en courir les hasards.
dans le produit des représentations. C'est ainsi qu'après Dans la proportion de l'augmentation des dépenses,
la mort de Dozainville, la retraite de Mmes Dugaiou, leschances de succès ont diminué pour l'Opéra-Co-
Gonthier et Saint-Aubio, l'excellent ensemble de mique. D'une part, comme je l'ai dit, la valeur du per-
rOpéra-Comique se trouvant rompu , Elleviou et Mar- sonnel s'est détériorée et le spectacle a offert moins
tin, restes seuls pour soutenir la prospérité du spectacle, d'attrait au public ; de l'autre, les habitudes du gouver-
devinrent exigeans, se firent l'aire des concessions, et nement constitutionnel ont donné aux mœurs françaises
absorbèrent le produit des recettes qu'ils procuraient une teinte sérieuse qui a diminué progressivement le
au théâtre. Ce fut l'origine de la ruine de l'Opéra-Co- goût du spectacle dans la société. A ces causes sont
mique, car ce fut celle des prétentions exagérées des venu se joindre un état de gêne toujours croissant de-
acteurs, prétentions toujours croissantes, et qui ont puis cinq ans, par suie de l'interruption des affaires
élevé le budget du personnel à un taux effrayant. Les commerciales, et en définitive les embarras causés par
successeurs de Martin et d'Elleviou ,
qui n'ont pas la révolution de juillet. Enfin, la profusion des billets
leur talent, el qui sont sans- charmes pour le public, gratuits, dont il se fait dans les rues un commerce
ne produisent point d'argent, et néanmoins se font payer scandaleux, a habitué une partie de la population de
fort cher. Quatre d'entre eux reçoivent ensemble cait Paris à fréquenter les théâtres pour un prix minime que
mille francs de l'entrepreneur, et lorsqu'ils sont tous les administrations ne perçoivent même pas. Que de
réunis, ils font souvent des recettes de cent chiquante causes pour consommer la ruine des théâtres, et par-
ou deux cents francs . Que dis-je? il y a peu de jours que liculièremenl celle de l'Opéra-Comique!
le produit d'une représentation a été de cinquante-neuf Faut-il conclure de tout ce qui vient d'être dit qu'il
francs ! Il est évident que des acteurs qui tous ensemble faut fermer définitivementl'Opéra-Comique, et qu'il
ne produisent que cimiuante-neuf francs ne valent que n'estaucun moyen de rendre la vie à un spectacle qui
cinquante-neuf centimes par représentation, car le par lui-même, avait tant d'attrait autrefois pour les
partage doit être égal : or les auteurs des pièces repré- Français ? Je ne le crois pas. Il sulTit de connaître la
sentées ce jour-là n'ont reçu que quarante-cinq centimes source du mal pour y porter remède. Le mal est de
pour leurs droits. plusieurs espèces; le remède doit venir de plusieurs
tout s'est ressenti de la progression. Les retraites mul- D'une part, le gouvernement doit comprendre que
tipliées des anciens acteurs, musiciens, choristes et lui seul peut, au moyen d'écoles établies dans des lieux
, employés du théâtre ont élevé successivement le total convenables et bien dirigées, arrêter la détérioration
des pensions de retraite à la somme considérable de conslante du personnel des théâtres lyriques, el préparer
cent quarante mille francs, qui absorbe à peu pris la pour l'avenir des ressources qui n'existent pas pour le
subvention accordée par le gouvernement. Au lieu de piésent. Les députés ne doivent point oublier que si
l'ancienne salle de la rue Feydeau , dont la position l'économie est nécessaire dans les finances, cette éco-
était excellente, et qui ne coûtait que quarante- cinq nomie ne doit pas être parcimonieuse pour les arts qui
mille francs de loyer, le spectacle a été transporté dans exercent une influence très active sur la civilisation, et
une salle plus grande et plus belle dont le prix annuel que ce serait mal connaître les intérêts du pays que de
s'élève à la somme énorme de cent quatre-vingt-dix refuser de soutenir des entreprises dramatiques telles
mille francs, y compris les entrées. Celte salle, mal que celle de l'Opéra-Comique.
placée, qu'on ne voit pas, qu'il faut aller chercher et Les acteurs doivent se persuader qu'on ne peut rece-
qui n'offre point de recettes éventuelles, a été l'origine voir qu'en raison de ce qu'on vaut, et que, lorsqu'on
d'une augmentation d'employés pour le service. Les ne sait point attirer le public par sa présence sur la
révolutions de goût dans la mu.'iique ont obligé à aug- scène, on n'a d'utilité dans un théâtre que comme la
menter le nombre des choristes et des musiciens d'or- partie d'un tout inséparable; donc il ne faut pas qu'ils
chestre. Le public s'est accoutumé au luxe des cos- élèvent leurs prétentions à l'égal des gramls acteurs
tumes et des décorations jusque dans les ujoiodres qui faisaient autrefois la fortune des spectacles auxquels
REVUE MUSICALE. 243
iU étaient attachés. Il est donc temps, dans leur intérêt blait d'abord fatiguée , s'est bientôt remise , et a été
et s'ils veulent trouver encore de l'emploi, qu'ils re- sublime dans tout second acte. Une pareille exé-
le
noncent à ces énormes traiteaiens de vingt-cinq et trente cution doit procurer à ^nna Bolena un succès de
mille francs, qu'ils ne gagnent pas. Tout cela doit être fureur , dont l'orcbestre et les chœurs pourront ré-
dimiuué de moitié s'ils veulent que les entrepreneurs
clamer leur part. Il y a un très grand luxe de déco-
leur offrent quelque garantie de solidité. Il ya d'ailleurs
rations et de costumes.
encore une existence honorable dans un revenu de douze
mille francs par an ; celui qui ne s'en contente pas ne
peut guère être heureux avec une somme plus considé- TSÉATRE DES NOUVEAUTÉS.
rable. Nos plus grands talens n'en avaient pas tant au-
Première représenlation du Barsiek de Séviile.
trefois.
Les propriétaires de la nouvelle salle de l'Opéra- Au temps des privilèges, c'est tout récent, le théStre
Comique comprendront sans doute aussi qu'il ne suffit de rOdéon sollicita plusieurs fi)is l'autorisation d'ou-
pas de fixer le prix d'une location, et qu'il faut trouver vrir une nouvelle scène aux jeunes compositeurs fran-
des locataires, et surtout des locataires qui payent. Au çais, et fit valoir, pour appuyer ses prétentions, plu-
lieu de vouloir que l'argent qu'ils ont déboursé pour sieurs bonnes raisons, raisons de gros bon sens, qu'on
l'acquisition de leurs actions leur rapporte six ou sept se garda bien d'écouter. Il assurait, (c'est toujours l'O-
pour cent, il faut qu'ils se contentent, au moins dans déou qui parle ou son directeur), il assurait, dis-je
un moment si défavorable, de trois et demi ou quatre que ce n'était pas assez pour un pays qui compte trente-
au plus. deux millions d'habitans, qu'un seul débouché à une
Le nouveau directeur, si tant est qu'il s'en trouve un, industrie, et que c'était honte pour la France de res-
ne doit point oublier qu'il lui faut avant tout de l'acti- serrer ainsi le génie de ses jeunes compositeurs; tan-
vité, mais que l'activité ne suffira pas s'il n'y joint du dis que chaque petit état d'Italie ouvre dix scènes riva-
discernement; car ce n'est point assez de jouer beau- les à leur imagination d'artistes. C'était bien simple à
coup de pièces nouvelles, il faut que les pièces soient dire, mais à faire entendre !...
bonnes pour avoir des succès durables. Il lui faut du Le théâtre royal de l'Opéra-Conrlique avait le bon-
goût, du tact, de la hardiesse jointe à de la prudence. heur d'être placé sous la haute surveillance de certains
Surtout qu'il mette fin au scandaleux et slupide com- gros personnages qui trouvaient bien doux d'exercer sur
merce de billets gratuits, qui n'ont d'autre résultat que lui leur autorité toute paternelle. Ces hauts surveiltans
de remplir de spectateurs indifférens des salles où le ne comprenaient pas qu'il vînt au cerveau d'un fidèle
véritable public ne veut pas aller, et de faire la fortune sujet la pensée grotesque d'entrer en concurrence avec
de quelques misérables ctaguears. un théâtre privilégié : aussi l'autorisation fut-elle refu-
Qu'on ne trompe pas; il n'y a plus de demi-me-
s'y sée tout net.
sures possibles. Tout ou rien réforme complète ou mort
; Cependant, comme il est beau d'exercer l'hospitalité
permanente. Voilà quel doit être le choix du gouverne- et qu'on gagne tout à vivre bien avec ses voisins , le
ment, des acteurs, des actionnaires et du directeur. privilège refusé aux artistes français fut accordé aux
FÉTIS. compositeurs étrangers dont la musique peut être exé-
il désigner deux ou trois de ses collègues qui s'adjoin- cavaline italienne pour voix de contr'alto avec accompa.
La Veglia ,
,
draient i la section de composition musicale , chargée , composée et dédiée à Mme Baptiste Quinef par
gnemenl de piano ,
d'après le désir du ministre des travaux publics, d'exa- Nlcola Lorenzo. Op. i. Prix: 2 fr. SO c.
miner une nouvelle théorie des phénomènes acoustiques A Paris, chez Roy, éditeur de musique, boulevard des Italiens , S.
de M. Cabilets. MM. Prony, Dulong et Savart sont Ah/ rammenta la tuafede, recitalivo e duelto serio ,
per soprano s
nommés à cet effet, contralto , con aceompagnamenio di piano espressamente eomposto
sique, qu'il cultivelui-même avec succès, et tout porte Les personnes qui voudraient apprendre le piano cl
de la Belgique i celles de la France , et les charges sont piano et l'harmonie sont enseignés aux élèves, et le»
bien plus grandes dans le premier de ces pays que
dans progrès de ceux-ci prouvent la bonté de la méthode
le second; mais tout le secret de
la différence dans le adoptée par ce professeur. M. Stoepel désirerait trou-
sort des artistes français et dans celui qui est destiné ver des personnes assez avancées pour servir de moni-:
aux Belges s'e.xplique par un seul mot : Le roi Léopold teiirs dans son établissement, et qui recevraient en
aijné tes arts. échange, de professeurs distingués, des leçons de piano
MitiN. On doit représenter au théâtre de la Scala et d'harmonie.
un opéra nouveau de Donizzetti intitule Otto
mesi in , :
Condit, de VAbonnem.
246 REVUE mUSlCALE.
« gore, en 4^ pages ; 5. Dissertation II sur les parties cords, tous de la main de Doin Caffiaux, démontrent
« de la musique aucienoe , en io3 pages; 6. Disserta- que lui-même avait fait ces suppressions. C'est ainsi que
tion III sur la musique des diflérens peuples, en 65 les huit premières pages détachées du premier livre ont
« pages; 7. Livre III, Histoire de la musique, depuis été presque entièrement changées dans le cahier qui
« Pythagore jusqu'à la naissance du Christianisme, en contient ce livre. Quant à sa volonté de faire les sup-
« Sg pages; 8. Dissertation IV sur les iusiruinens de pressions dont il vient d'être parlé, elle est manifeste
« musique anciens et modernes, en 57 pages; 9. Uisser- par la pagination même du rnanuscrit, qui a été faite
« tation sur le contre-point des anciens et des inoder- aussi par lui, et qui n'a point de lacune, depuis le
«nes, en 46 pages; 10. Dissertation VI sur la déclama- commencement du premier livre jusqu'à la fin du cata-
« tion , en 4' pages; 1 1. Livre IV , Histoire de la inu- logue des musiciens. Au reste, un autre fait démontre
«siquc, depuis la naissance du Christianisme jusqu'à que, postérieurement à la note indicative des vingt
« Guy d'Arezzo, en 5i pages; 12. Dissertation VII sur cahiers de l'histoire de la musique , Dom Cailiaux avait
« le chant et sur la musique d'église, en 3g pages ; donné une autre forme à son ouvrage, et qu'il l'avait
t i3. Livre V, Histoire de la musique, depuis Guy divisé en 19 dissertations, dont les la premières con-
« d'Arezzo jusqu'à Lu lly , en 125 pages; 14. Disserla- tenaient tout ce qui a été retranché comme des prolégo-
« lions VIII et IX sur l'opéra et sur lu sensibilité des mènes du livie principal. Cela résulte évidemment de
« animaux pour la musique, en 24 pages ; i5. Livre VI, la pagination du manuscrit tel qu'il est aujourd'hui;
Il Histoire de la musique, depuis Lully jusqu'à Hameau, car ce manuscrit commence au premier livre par la
it en 98 pages; iG. Dissertation X, Parallèle de la uiu- page 565, et se continue sans interruption jusqu'à la
• sique ancienne et moderne, en 23 pages; 17. Disser- page 1 161 ; de pins , on voit que le premier livre était
« tation XI, Parallèle de la musique française et ita- originairement inlilulé Dissertation XI H' sur l'Histoire
<i lienne, en 43 pages; 18. Dissertation XII, Parallèle de la musique et des musiciens, et les livres suivans, Dis-
«des Lullistes et des Anlilullistes , en 26 pages; sertations i4% i5', i6*, 17% 18' et 19°.
•i
19. Livre VII, Histoire de la musique, depuis lla- Quels que soient les motifs qui ont porté Dom Caf-
« meau jusqti'aujourd'hui(i754),en i45 pages; 20. Ca- fiaux à faiie le sairilice des dissertations qu'il avait
j talogue des musiciens, dont il n'est point pailé dans écrites sur divers objets de l'histoire de la musique , on
a le corps de' l'ouvrage, en 20 pages; 2i.Tolaldes ne peut que regretter la perte de quelques-unes, telles
« pages du manuscrit, 1171. » que celles qui traitaient des instrumens de musique
Celte note, conforme à la table générale qui suit la dans l'antiquité, du contre-point des anciens et des
préface et qui contient l'analyse de chaque partie de modernes, et de la musique d'église. La soigneuse éru-
l'ouvrage, n'est cependant point d'accord avec l'état dition qoi brille dans les autres parties du livre ne
actuel du manuscrit, qui ue forme que 9 cahiers. Le peut laisse rde doute sur le mérite de celles-là. Il aurait
premier de ces cahiers leuferrae la préface et la table mieux valu qu'elles fussent conservées, et que le savant
analytique des matières;. mais le deuxième, qui devait bénédictin eût renoncé à examiner dans le premier livre
contenir la dissertation sur l'excellence de la musique, quel était l'état de l'art musical avant le déluge, et si
en 83 pages, manque; on ne trouve à sa place que- Adam était musicien-né par le fait même de la création.
deux feuilles, cotées pages iog-ii6, où se trouve le L'histoire conjecturale, l'histoire qui ne repose pas sur
commencement du premier livre. Cette pagination esl des monumens et des faits n'est point de l'histoire.
conforme à la note ; car les 24 pages de la préface et du Toutes les dissertations qu'on a écrites et qu'on écrira
la table, et les 83 pages de la dissertation, composaient sur la musique des peuples qui ne nous ont rien laissé
un total de 107, plus, la page du litre; venait ensuile pour en juger, ne parviendront jamais à en donner une
le premier livre, commençant à la page 109. Les cahiers idée satisfaisante , tandis que les textes des écrivains
du premier et du deuxième livie sont complets ; mais le grecs et latins , les statues , les bas-reliefs , les peintures,
cinquième et le sixième, qui contenaient les deuxième les médailles , etc. , offrent les moyens d'approcher de .
et troisième dissertations, ont disparu, ainsi que ceux en ce qui concerne les instrumens des anciens.
la vérité
des dissertations 4, 5,6, 7, 8,9, 10, 11 et 12. Les livres Bien supérieure aux compilations de Bonnet et Bour-
troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième, delot, de Blainville et de Laborde, l'histoire de la mu-
ainsi que le catalogue des musiciens, sont compltls.
sique de Dom Caffiaux méritait d'être publiée et aurait
La perte desdissertatious u'est point l'effet du hasard; fait honneur à la France à l'époque où elle fut écrite.
car plusieurs chaugemens de titres, corrections e; 11c- L'auteur dit, dans sa prélace, qu'il a lu, analysé et ex-
REVUE MUSICALE. 247
pliqué plus de douze cents auteurs pour composer cet l'année ij54, qu'elle pourrait opposer à celles qui ont
ouvrage; il n'y a point d'exagération dans cette asser- été publiées en Italie, en Allemagne et en Angleterre,
tion ; les détails dans lesquels il est entré sur les points et cet ouvrage aurait sur les antres le mérite de les
les plus' importaos de l'histoire de l'art prouvent qu'il avoir précédés.
possédait des connaissances fort étendues , et qu'il avait
de ces ouvrages qui ne soit apprécié à sa juste valeur premier volume de la Revue musicale , et a été accueillie
et qui ne soit considéré dans l'influence qu'il a exercée avec plaisir par ses lecteurs. Nous avons recueilli quel-
sur les progrès de l'art; pas une découverte de quel- ques nouveaux renseignemens sur cette burlesque, di-
que importance qui ne soit enregistrée. L'ordie chrono- gnité, et particulièrement sur un des musiciens les plus
logique est celui que Dom Caffiaux a adopté. Cette dis- célèbres qui en ait été décoré; nous croyons qu'ils ne
position a l'inconvénient de morceler chaque partie de seront p:is vus sans intérêt.
l'art musical, et de faire revenir, à plusieurs reprises, En i()o5, Claude-Guillaume Nion, désigné commu-
sur le même sujet; mais a l'avantage de il présenter, nément sous le nom de La Foundy, violon ordinaire de
sous un même coup d'oeil, l'ensemble des progrès de lu chambre du roi de France Henri IV^ fut fait roi des
chaque époque. En ce qui concerne l'antiquité. Dom ménétriers et maître des joueurs d'instrumens, tant hauts
Caffiaux a puisé la plupart de ses matériaux dans la que baf , le royaume de France. Ce La Foundy
dans tout
bibliothèque grecque de Fabricius, et surtout diins les un des plus habiles joueurs de violon du pays,
était alors
mémoires de Burette; pour tout le reste, il a été obligé ce qui n'était pas beaucoup dire à une époque où la
de lire dans les auteurs originaux tous les passages qu'il plupart des musiciens de cette espèce savaient à peine
cite, et il s'est acquitté de cette tâche consciencieuse- lire la musique. Dans le même temps existait à Tou-
ment. A l'époque où il écrivait, les grands ouvrages de louse un autre joueur de violon qui jouissait aussi d'une
Martini, de Burney, de Havrkins, de Marpourg, de grande réputation. Ce violoniste, nommé Taillasson
l'abbé Gerbert et de Forkel, n'existaient pas; on (Gaillard), mais plus connu sous celui de Maiheliri on
n'avait point encore les lexiques musicaux de Walther, Mat/m/m, était né dans la capitale du Languedoc, en
de Roch et de Wolf ; les biographies générales de Ger- i58o, et s'était livré dès son enfance à l'étude la musi-
ber, de Laborde, de Lipowsky, de Hoffmann et de que avec le plus grand succès. Guillaume Nion, ayant
beaucoup d'autres , n'avaient pas encore paru : il n'exis- été informé des talens de TaillasSon, résolut d'en faire
tait pas une seule bibliographie de la musique ; enfin, sou lieutenant et de le revêtir d'une partie de son au-
l'historien de cet art était, en quelque sorte, réduit à torité pour le pays où il habitait. Ses propositions fuirent
ses propres forces pour porter la lumière dans des acceptées, et par acte passé devant Descolermaiix et
questions obscures. Le P. Caffiaux , malgré ces dés- iVlarchevelle, notaires à Paris, le 21 août 1608, il con-
avantages, a su donner de l'intérêt à sa narration, et a céda' à Malhelin , représenté par sûn fi'ère Pierre de
jugé sainement du mérite de chaque chose et de chaque ïaillasson, docteur et avocat, qui, en lOiS, fut fait
artiste dont il a parlé. Son style ne manque ni d'élégance capitoul, le titre do son lieutenant irrévocable: lui don-
ni de facilité; ses' citations sont exactes et précises; en nant le droit de recevoir tous maîtres ,
joueurs d'instrumens,
un mot, son histoire peut être encore consultée avec tant audit Toulouse que dans les villes des ressorts du par-
fruit, surtout à l'égard de la musique française, nonob- lement de celle cité ; comme aussi , défaire toutes corrections
stant les travaux plus récens de plusieurs musiciens nu punitions qu'il appartiendra contre toute personne qui
savans. Les livres 4» 5, 6 et 7 sont particulièrement entreprendra sur ledit art sans son congé et licence. Le tout
dissertations qui en ont été détachées ; la nation fianpaise d.ins leur amour-propre et dans leur intérêt, ne vou-
posséderait alors une histoire générale complète jusqu'à lurent point reconnaître sa suprématie. Vainement
,
248 REVUE MUSICALE.
muni de Icllrcs royales, les e-xen^ples pris dans l'Écriture Sainte et dans l'Histoire-
Mathelin se présenla,
ménétriers proleslèrent, et celte cause importante fut profane. A la fin, Mathelin paraît se convertir.
Cet artiste, assez remarquable pour son temps
portée au parlement. Pierre Villèle fut le syndic des ~,
rent en harmonie avec leur chef. A de certaines époques, malheureusement fort rares,
Mathelin ne se reposa pas sur les lionneurs de sa où le monde vil en paix, où rien ne vient troubler la
nouvelle dignité ; il chercha à s'en rendre digne en sur- bonne harmonie qui règne entre les peuples et les rois,
passant ses rivaux. Une aiuilié très vive l'unissait avec enfin, où chacun content de son sort ne s'agite point
le fameux poète toulousain Godolin, et il composait pour le changer, l'activité de l'esprit qui a toujours be-
plus d'un siècle , les poètes auxquels on donnait ce nom arts et les sciences, et s'en fait un besoin de première
n'étaient plus musiciens comme les premiers trou- nécessité. Mors, la civilisation marche i grands pas ,
badours. Godolin était un véritable artiste, insouciant lout se perfectionne, les hommes de talent se produi-
du soin de ses afliiiresj et occupé seulement de son art sent en abondance, la sensibilité devient plus vive, et
et de ses plaisirs. Taillasson avait xplus de prévoyance, l'on devient moins exigeant sur les plaisirs que procu-
et pressait souvent son ami de se préparer une indé- rent la poésie, la musique la peinture , etc. car ces , ;
pendance pour sa vieillesse. Lui-mêine mettait ses plaisirs étant en quelque sorte l'affaire principale de la
lalens. Le duc de Montmorenci, gouverneur de la pro- époque semblable est un temps de béatitude pour les
vince, l'estimait et le protégeait. On voit aussi par les entiepreneurs de spectacle; ils n'ont que faire de se
registres des archives de Toulouse que les États de la tourmenter pour varier le répertoire de leur théntrc,
province s'étant assemblés en 1639, donnèrent à Ma- ni de se ruiner pour rassembler les meilleurs comédiens
thelin et d sa bande cl: violons , une gratification de trente ou les chanteurs les plus renommés il faut bien que le :
livres, pour avoir joué ù la procession des États. Ce l'ut public se rende à leurs représentations; que ferait-il de
dans le même temps que Malhclin fut créé par Louis ses soirées ? Un virtuose , un seul ouvrage suffisent pour
Xlll, roi des violons de France, en remplacement do long-temps. Sans avoir besoin de remonter
l'atlirer
Guillaume Tsion, qui venait de mourir. bien haut pour trouver des exemples de celte longa-
Mathelin avait un rival d'une haute réputation, né nimité des habitués de théâtres pour leurs plaisirs, je
comme lui à Toulouse; ilsenommail Poucet. Ilsallaient citerai les paisibles années 1820, 21 etii, où Mme
tous deux dans les réunions , dans les cérémonies d'ap- Mainvielle-Fodor,. puis Mme Pasta, presque seules, avec
parat et aux processions; lii, dit l'annaliste La faille , un ou deux opéras de Rossini voyaient tous les soirs
chacun avec sa bande luttait de talent, et cherchait à les spectateurs accourir en foule pour savourer leurs
surpasser .son compétiteur. Les poètes en langue moun- chants. Les temps sont bien changés! Voyez ce même
dine (Toulousaine) ont chanté ces deux arlistes. Auger théiltre Italien, alors le rendez-vous habituel des classes
(iaillard nomme dans ses vers patois Mathdin et Poncel: élevées de la société, où les loges élaient, en quelque
il semble les mettre sur la même ligne, notamment dans sorte, des propriétés immobilières qui ne changeaient
répître dédicatoire de ses œuvres, qu'il adresse au sieur pas de possesseurs, et où l'on n'obtenait presque d'être
de Séré. Il a aussi composé un Dialogue sur l'abus que admis que par faveur! Aujourd'hui, que d'efforts pour
se coumet à las dansos dans lequel il se donne Mathelin
, lui conserver se ïljrillnntesdestinées !
pour interlocuteur, et lui fait défendre le plaisir de la . Déjà, l'année dernière^ M. Robert avait réuni plu-
danse, que lui , Auger, attaque vigoureusementpar des sieurs arlistes d'un rare mérite, à l'aide desquels il a
REVUE MUSICALE. 249
bravé les désavantages du inoincnt le plus défavorable second ordre mettent dans leurs ouvrages, il a plutôt
qui se rencontra jamais pour les entreprises dramatiques. consulté sa mémoire que son génie. Ecrites avec négli-
Pour la saison qui vient de s'ouvrir, ses sacrifices sur- gence et une prodigieuse rapidité, ses productions se
passent encore ceux do l'année dernière, et la troupe succédèrent pendant les premières années sans rien
qu'il a formée renferme à peu près tout ce qui reste de faire pour sa gloire. A peine avait-il fini dans une ville
grands chanteurs et d'acteurs remarquables en Italie , qu'il courait dans une autre, et souvent répétait dans
et trois opéras nouveaux couronnés en Italie d'un succès dans la première, Heureuse-
celle-ci ce qu'il avait fait
éclatant seront joués dans un seul hiver. M. Robert a inent lui-même estimait peu ce qu'il écrivait ainsi. Un
,
bien jugé sa position. Il y a, sans doute, beaucoup de . engagement qu'il contracta avec Barbaja pour remplir
hardiesse dans les dépenses énormes auxquelles il se les fonctions de directeur de musique et de compositeur
soumet; mais il a senti que dans la situation actuelle des théâtres de Naples, l'obligea aussi â multiplier ses
des choses, il fallait vaincre l'effet des inquiétudes qui ouvrages à l'excès; mais la nécessité de se soutenir
préoccupent tout le monde , et fjrccr, en quelque sorte, auprès d'un public assez exigeant fut cause du moins
le public à prendre du plaisir malgré lui. Il ne s'est qu'il essaya de mettre plus de soin dans sa manière
pas d'ailleurs borné à ce qui pouvait flatter l'oreille des d'écrire, et qu'il se mit à sonder ses propres inspirations
spectateurs, et ses soins se sont étendus jusqu'aux ac- plus qu'il ne l'avait fait jusque-là. C'est do ce moment
cessoires de leur bien-être. C'est ainsi qu'à l'imitation que datent ses meilleures productions, et particulière-
de l'Opéra de Londres, il a fait placer dans les corridors ment Anna Bolena.
et sur les escaliers des divers rangs de loges, des tapis Ce n'est pas que cet opéra soit irréprochable sous
élégans et moelleux. le rapport de l'imitation : on y trouve encore bien du
Anna Bolena est le premier ouvrage de Donizettî qui Rossinisme, et Donizetti, par l'uniformité des moyens
ait été représenté à Paris, Il fut écrit l'année dernière qu'il emploie, par l'analogie de caractère qu'on remar-
pour le théâtre Carcano de Milan, où Mme Pasta, Ku- que dans un grand nombre de phrases, et surtout par
bini et Galli se trouvaient réunis pour le chanter. l'usage immodéré des instrumens bruyans, est tombé
M. Donizetti, né ù Rome, eut pour premier maître de dans un des défauts les plus considérables qui peuvent
contrepoint et d'harmonie son compatriote Jannaconi, entacher les ouvrages d'arts , c'est-à-dire, dans la mo-
savant maître de chapelle , et acheva ensuite ses études notonie. Toutefois, on ne peut nier qu'il y ait de belles
sous la direction deMayr,àBergame. On conçoit qu'une choses dans cette partition. L'air de Percy [con pertic-
éducation musicale, dirigée par des maîtres si habiles, duo de Jeanne Seymours et de Henri VIII
chini ), le ,
devait avoir pour résultat de former un musicien exercé une partie du finale du premier acte, la scène d'Anne
dans l'art d'écrire. Donizetti est en effet un des compo- de Boulein et de Jeanne Seymours, une période du trio
siteurs de l'école moderne qui écrivent le mieux, et du deuxième acte, plusieurs fragmens du finale du
peut-être celui dont le stjle est le plus pur. Jamais on deuxième acte, et quelques autres phrases répandues
n'entend dans sa musique de ces successions d'accords çàetlà dans le reste rouviage,annoncent une imagina-
appartenant à des tons différens et enchaînés sans liai- tion assez riche pour produire un bon opéra, si celui
sons, successions dont les partitions de Paccini, de qui est pourvu de cette qualité avait la ferme volonté
Mercadantc, et de beaucoup d'autres sont remplies, et de s'en servir.
qui donnent lieu à ces grossières suites de quintes, d'oc- Le sujet du nouvel opéra est tiré d'un épisode du
taves et de tierces majeures. Ce compositeur possède règne d'Henri VIII, roi d'Angleterre: c'est celui de la
d'ailleurs toutes les connaissances matérielles des res- malheureuse Anne de Boulein, qui, après avoir été
sources de l'instrumentation et n'est point étranger à élevée jusqu'au trône par un caprice amoureux de ce
l'art du chant. Avec ces avantages , et de plus avec des prince sanguinaire, fut conduite à l'échafaud pour faire
idées propres à sa manière de sentir, il n'a cependant place à sa rivale , Jeanne Seymours. Il y a dans ce sujet
produit que des ouvrages plus ou moins médiocres dans des situations fortes, que Romani, le plus habile poète
la plus grande partie de sa vie. Séduit par les succès d'opéras de l'époque actuelle, a bien arrangées pour la
de Rossini , et n'imaginant pas de meilleur moyen pour musique. Malgré quelques défauts de contexture, il y a
en obtenir de semblables que de se faire son imitateur, de l'inlérêt dans cet ouvrage, qui gagne beaucoup à
il ne s'est pas donné la peine de chercher en lui-même être entendu plusieurs fois.
les qualités dont la nature l'avait doué , et avec cette Un grand intérêt de curiosité s'attachait à la rentrée
insouciance que la plupart des compositeurs italiens du de iVInie Pasta. Rarement un grand acteur, un chanteur-
250 REVUE MUSICALE.
célèbre, retroureiU, après un oubli de plusieurs années, les rôles de demi-caractère. Depuis lors, ses études
la faveur dont ils ont joui autrefois auprès du public. pour acquérir ce qui lui manquait ont été profonde».
Les.goûts de celui-ci .sont variables; et puis, le temp.o Il s'est particulièrement attaché à donner une émissPon
ne passe pas en vain sur l'organe vocal d'un chanteur. libre de tout le volume de son que la nature a mise
La Toix de Mme Pasta a subi l'effet de cette cause de dans ses moyens; de là vient que sa voix a acquis la
changement et de destruction. On sait que cette voix fut force qui lui manquait. Il en a tiré un moyen d'expres-
toujours rebelle à la première émission, et que, même sion puissant par l'opposition des sons forts et doux,' et
dans le temps de ses plus grands succès, .Mme Pasta avait par l'habileté avec laquelle il a su unir la voix de poU
besoin d'un peu d'exercice pour se mettre en haleine; ses trine et la voix mixte. Son habileté à se servir de ce
premiers accen.s étaient toujours voilés, et ce n'était moyen d'effet surpasse tout ce qu'on peut imaginer. Sa
qu'après une scène ou deux qu'elle jouissait de tous ses manière a acquis aussi plus de largeur, plus d'expres-
moyens. Cet effet est commun à toutes les voix qu'on sion et de force; enfin, son talent est devenu pins dra-
désigne sous le nom de sopraiii ou coniralli sfogati ; matique plus impressionable. On avait cru remarquer
,
mais le désavantage qui en résulte est balancé par la un peu d'exagération dans sa manière de donner les
qualité naturellement expressive de ces voix. La peine sons vigoureux de sa voix de poitrine aux deux premiè-
que Mme Pasta éprouvait autrefois à ilonner avec pureté res représentations; mais ce défaut a disparu à la troi-
deren^eplus fréquente; ses sons ont perdu de leur force de chant de l'Italie. Dans le rôle de Percy il a obtenu
et de leur velouté dans le médium et dans le grave ;
un succès d'enthousiasme.
mais ses sons élevés ont acquis plus d'étendue et de Lahiache, excellent acteur, musicien parfait et chan-
légèreté. Quant au goût et à l'expression qu'on admi- teur toujours sage, joue de la manière la plus satisfai-
rait en elle autrefois, elle les a conservés , et même ces sante le rôle de Henri VIII. La puissance de son orgaoe
qualités se sont perfectionnées. Mais c'est surtout sous fait un très bon effet dans la plupart des morceaux , et
le rapport du talent dramatique que Mme Pasta doit surtout dans les ensemble. Il a su prendre avec beau-
être considérée. La vérité de sa diction, l'expression de coup d'habileté la physionomie d'Henri VIII; peut-être,
son accent, de ses gestes et du jeu de sa physionomie ; cependant, ses démarche sont-ils trop fa-
gestes et sa
donne jamais, même dans ses inspirations les plus pas- Mme Tadolini mérile des éloges pour sa manière
sionnées, telles sont les qualités par lesquelles elle élégante et puie de chanter le rôle de Jeanne Seymours.
attache le spectateur, l'émeut et mailrise toutes ses im- Cette jeune cantatrice manque un peu de force; mais
pressions. Son chant, qui n'a peut-être pas Toujours elle rachète ce défaut pai' la justesse parfaite de ses into-
une correction scolaslique , est du moins accentué de nations, le velouté de sa voi.ï, une manière agréable
manière à s'harmoniser parfaitciiient avec se» intentions de phraser et la correction de sa vocalisation. Ses pro-
soéniques; enfin. Mme Pasta possède le plus beau grès sont très remarquables, et il y a une dislance im-
lalent tragique de l'époque actuelle, talent digne de mense entre son exécutiork dans ce rôle et ce qu'elle
A l'exception des Anglais, qui sont de pauvres con- de SCS efforts et l'a \ivement applaudie, même à côté
naisseurs en musique, tout le monde s'accorde aujour- des glands talcns dont je viens de parler.
d'hui à proclamer Rubini le plus grand chanteur de Mlle Michel, quoique bien jeune encore et manquant
l'Italie, et cet éloge n'est point exagéré. Depuis qu'il d'expérience de la scène, a aussi beaucoup gagné de-
s'est f lit entendre à Paris, c'est-à-dire , depuis iSaS, puis l'année deinière. La partie grave de sa voix est
ses progrès ont été immenses. Alors sa voix était iné- toujours un peu faible pour l'emploi qu'elle a adopté ,
gale , médiocrement timbrée, et les mélodies qu'il chan- mais le temps lui donnera du timbre. Bien qu'il y ait
tait étaient souvent défigurées- par une multitude de encore quelque timidité dans l'exécution de ses phrases,
traits et de fioritures. Toutefois, il ét.nil déjà facile de sa voix se pose avec plus d'aplomb, et sa vocalisation
voir que son éducation première de chanteur avait été acquiert de la fermeté. En général, elle réussit dan? ce
bie 1 faite. Sa respirutiuii était libre et lacile, sa mise qu'elle entreprend , et l'auditoire est en sécurité lors-
de voix naturelle et franche, si vocalisation légère et qu'elle chante. Des études soutenues, un voyage en
bien articulée. Aussi obtint-il beaucoup de succès dans Italie , et l'occasion de jouer quelque rôle important
KËVUE MUSICALE. 251
achèveront, de développer ses heureuses dispositions. pour donner à cet ouvrage tout l'éclat que mérite une
0x1 a remarqué un jeune homme nommé Eorgas, qui grande composition, dont les études sont déjà assez
a succédé à Jiovanoladans l'emploi des utilités. Ce jeune avancées pour faire juger que non-seulement elle est
artiste ne manque point d'intelligence ; sa voix a du digne de l'auteur du Crociato, mais que c'eït le chef-
timbre; il chante avec justesse et paraît bon musicien. d'œuvre de ce compositeur, l'un des plus habiles de
II est élève du Conservatoire. Il est vraisemblable qu'il l'époque actuelle.
n'en restera pas à sou emploi subalterne , et qy'avec un
peu de hardiesse et de bonheur, il finira par atteindre à
de second
Nouvelles étrangères.
a dignité de premier ténor dans les villes
général fort satisfaisante. Les chœurs, composés de bon- cette ville api es VOlito ePasquate, de Donizetti. Ce jeune
nes voix, chantent juste et avec intention. Je leur re- compositeur, nommé Angelo Pellegrini , est élève du
procherai seulement de ralentir quelquefois le mouve- conservatoire de Milan, et en particulier de Federici.
ment et de gêner l'orchestre. Celui-ci a de l'ensemble — Mme Meric-Lalande est engagée comme prima
et du fini. M. Vidal , qui le dirige , ne s'était pas encore donna au théûtre de Madrid, pour remplacer vlme Tosi
fait connaître comme chef d'orchestre : son coup d'es- qui retourne en Italie.
sai a été fort heureux. Tout anuonce que lorsqu'il aura — M. Prividali attaque, avec sa violence accoutu-
acquis le sang-froid qui ne peut être que le résultat de niée , dans le numéro 68 de son Censore unixersale dei
l'habitude, il sera un de nos artistes les plus distingués tluatri, notre article inséré dans la Revaemusicale du 16
en ce genre. juillet dernier, sur l'état du théâtre italien, et en géné-
De belles décorations, des costumes qui manquent un ral de la musique en Italie, depuis le commencement
peu d'exactitude , mais qui ont beaucoup d'éclat , com- de i83o. Ses critiques ont pour objet l'opinion émise
plètent, dans Anna Bolena , un spectacle fort beau , par nous dans cet article comme eu plusieurs autres en-
dont le public s'est montré avide jusqu'ici. droits de notre journal, sur la décadence évidente de ta
Aujourd'hui samedi, on aura la première représen- musique italienne. A entendre M. Prividali, cette opi-
tation de la reprise du Mairimonio segreto. Rubini y chan- nion serait en nous comme une in:ii.omanie, et nous
tera le rôle de Paolino ,Lablache jouera celui de Gero- serait particulière. Que prétendent donc tous les artistes
nimo, et M. Berrattoni débutera dans le comte Robin- qui reviennent d'Italie, et qui s'accordent à dire que ce
son. JJaidi, iMme Pasla jouera Tancredi. On annonce beau pays vit de souvenir dans les arts? Que veut dire
pour le i5 octobre, la Sonuanbuta , et pour le i5 no- un homme assez expert eu musique, et dont M. Privi-
vembre te Pirate. dali ne récusera pas le témoignage, parce qu'il parle de
tacle en y joignant un ballet, le directeur de ce théâtre Italiens? Que veut dire aussi Rossini,quia déclaré cent
avait fait réduire le chef-d'œuvre de Gluck, en retran- fois, non-seulement à nous, mais à vingt autres per-
chant le premier acte, qui, à l'exception du finale, est sonnes, qu'il n'a écrit les fioritures de ses morceaux de
la partie la plus vieille de l'ouvrage, et à peu près tout chant que pour suppléer à l'inhabileté de la plupart
le quatrième. Pour rendre compte de l'effet de cette re- des chanteurs qui existent maintenant en Ilalie? Si notre
présentation, il est nécessaire d'entrer dans quelques opinion avait besoin d'être appuyée auprès des vrais con-
développemens qui ne pourront être que l'objet d'un naisseurs, nous pourrions étendre loin cette liste de ci-
article que nous donnerons dansnotreprochaiu numéro. tations. Nous savons qu'on affecte en Italie beaucoup
Pendant que le directeur de l'Opéra cherche à jeter de d'estime pour des choses qui nous en inspirent fort peu;
la variété dans son ancien répertoire en faisant revivre mais cette facilité d'admiralion est précisément une
des ouvrages digues d'une haute renoimnée, il fait preuve de décadence. Que d'opéras qui ont été aile
poursuivre avec activité les répétitions et les travaux slélte, en Italie, sont venus faire floschi à Paris, quoi-
pour la mise en scène de Robert te Diable, opéra en cinq qu'ils fussent chantés par des troupes mieux composées
actes, musique de M. Mtyerbeer. Rien ne sera négligé que celles qu'on trouve ordinairement par-delà l.es
252 REVUE MUSICALE.
monts! Pour donner plus de poids à sa crilique, M. Pri- ou i5'. Cette égalité et cette étendue si précieuses, sont
Tidaii , comme s'il n'entendait pas le français, mêle des surtout obtenues par le concours des deux autres maïi-
choses que nous avons mises à leur place ; c'est un ches culièrement nouveaux. Celui qui a le plus de rap-
petit plaisir que nous voulons bien lui laisser. port avec la harpe vou.ç offre toujours une octave que
vous mettez en rapport avec la tonique, au n)oycn d'un
sillet mobile, ou par le barré. C'est ainsi qu'on obtient
AGENCE GÉNÉRALE DE LA MUSIQUE. dans le pincé une variété agréable et riche, qui colore
Har'po-ljre. ISouvi'lle Oiiilare. l'accompagnement et lui donne plus de moelleux en :
de l'année i85o, époque toujours avide, il offre les plus grandes facilités pour
jusque vers la fin à laquelle il
daille qui lui fut décernée par l'Alliéncc des Arts dans sa
difiTicultés. Les cordes d'ui, de i-é, de si, etc., sont plei-
dût disparaître pour faire place au nouvel instrument. liante, et favoriser ainsi le mouvement de l'harmonie.
M.Sor a écrit plusieurs morceaux pour la luirpo-lyre, cl M. Salomon avait obtenu un brevet de plusieurs an-
M. Salomon a fait ime méthode au moyen de laquelle nées pour la harpo-lyre, et saveuve ne voulant pas
les personnes qui jouent de la guitare peuvent appren- continuer la fabrication de ces instrumens, céderait vo-
dre seules i\ jouer de son instrument. lontiers le brevet avec les instrumens qui sont déjà con-
Il fallut M. Salomon bien des essais de tout genre
à struits. On peut s'adresser, pour en traiter, au bureau
pour arriver aux résultats qu'il a obtenus, et nul doute de V Agence générale de la musique, rue du Helder, n° i5,
qu'il n'efit ajouté encore quelques pcrfcclionncmens à où l'on peut voir et essayer l'instrument.
son invention, si la mort ne fût venue l'enlever au mi- Prix des Itarpo-lyres .
l'examiner :
Prit des piédestaux :
puis le mi de la guitare ordinaire jusqu'au la de la con- faite (page 241) dans l'inscription du monument de Pé-
tre-basse. ronne ; cette inscription doit être lue ainsi:
concentrer l'intérêt sur les questions politiques, et cau- avocat-général à la cour de Darmsladt, et savant musi-
ser momentanément du dominage aux arts, aux sciences cien, en est le rédacteur principal. Ce journal offre
et à la littérature. Il y a trente-trois ans environ que la beaucoup d'intérêt par l'importance des questions qui y
gazette musicale de Leipsick [Masikatisclie Zeitung) fut sont traitées, et par le savoir de M. Weber. L'autre écrit
établie par la maison Breitkopf et Haertel, qui en con- périodique a pour litre Euionia : il paraît à Breslau, de-
tinue encore la publication. Dans les vingt premières puis le mois d'octobre 182g, par cahiers inégaux. Il est
années, cette gazette fut rédigée avec beaucoup de la- rédigé par M. Hientzch, supérieur du séminaire des
lent, surtout lorsque Rochlitz fut chargé de celte ré- pasteurs évangéliques de Breslau. Sa forme est plus
daction ; depuis quelques années, elle s'est affaiblie et a grave que celle de la Cœcilia; de là vient qu'il a moins
perdu la plus grande partie de son intérêt : cependant de lecteurs.
elle se soutient encore, par son ancienne réputation. Il n'y a point de véritable journal de musique en
Steiner, de Vienne, a publié pendant sept ans une Italie, c'est-à-dire de journal qui traite de toutes les
gazette miusicale de l'Autriche ,
qui était faite à peu prés questions de l'art; mais on y trouvait dans les années
sur le modèle de celle de Leipsick ; mais après avoir précédentes deux espèces de revues des théâtres lyri-
coûté d'assez grands sacrifices à son fondateur, elle a ques; elles se publiaient à Milan , l'une sous le titre de
cessé deparaître. En 1829, Castelli a entrepris de la / Teatri, l'autre sous celui de li censore universati dei
faire revivre, mais sous une forme si légère, si éphé- Teairi.Le premier a cessé de paraître depuis l'année
mère, qu'elle n'a obtenu l'estime ni des savans ni des i83o; deuxième se publie encore. Au reste, les re-
le
leusement ressenti l'effet des derniers événemens, et la sont publiés à Londres. V Harmonicon, rédigé sur un
crise commerciale qui en a été la suite a obligé l'éditeur plan défectueux, est quelquefois entaché de pédantisme,
à cesser sa publication depuis le premier janvier i83i. quoiqu'il soit en général superficiel. M. Ayrton pn est
254 REVUE MUSICALE.
M. Bacon, de Noi wich, qui ne manque pas d'instruction exerçait l'emploi de maître de chapelle. Adrien le Roy,
musicale, mais qui est très irrégulier dans ses publica- musicien distingué de son temps, plus célèbre encore
tions. Pour donner une idée de son inexactitude à cet comme imprimeur etcomine inarchand de musique ,fut
égard , il suffira de dire que la dernière livraison de 1 838 chargé de le présenter à la cour. Charles IX, grand
n'a paru qu'au mois de mars i83o. atnateur de musique, fit au célèbre cotnpositeur un ac-
Le nouveau monde était naguère trop peu avancé cueil des plus flatteurs, le reçut plusieurs fois, toujours
dans la culture des arts pour avoir besoin d'un journal avec la même bienveillance , et lui fît de riches présens.
de musique; mais depuis quelques années, les progrès D'après ce qu'on vient de lire , le récit des biographes
ont été si rapides dans cet art, qu'on a cru l'existence s'éclaircit parfaitement. Ce ne fut pas la seule renommée
d'un sembloble journal possible, et il s'en est établi un de Lassus qui fit naître chez le roi le désir de le mander
,
sous le titre de Tlic Euterpiad, à New-York. Cette pu- à sa cour; ce fut plutôt le souvenir des admirables com-
blication se ressent de l'inexpérience des rédacteurs positions que Lassus lui avait fait entendre pendant son
dans la matière qu'ils traitent; mais sans doute il s'a-
méliorera. que par ses citations. M. Delmotte dit dans son article :- Après
Beaucoup d'essais infructueux avaient été faits eu « avoir vu l'Angletene il visita la France, et le souverain de ce dei^
France pour y établir un journal de musique, lorsque X nier pays lui Qt égatemeul l'accueil le plus Uatteur et le plus boDo-
en France ; mais tous ces auteurs ont placé ce voiaje à une époque
antérieure au déparlde ce grand musicien pour Munich ; aucun d'eux
SUR LE SÉJOUR DE ROLAND DE JASSUS A PARIS. connu le deuxième voyage dont M. Anders démontre invincible-
n'a
KX «571. ment la réalité dans cette note. Si j'ai gardé le silence sur le premier
ris (i). La plupart racontent que Charles IX, roi de une histoire exacte et complète de chaque musicien que de répondre
aux questions du programme, c'est-à-dire, de montrer quelle avait
(J) La plupart de ces auleure parlent d'un voyage
en France, mais été leur inQuence sur les progrès de leur art.
non d'un séjour .i Paris. Pacquol dans ses mémoires sur
,
l'histoire Qu'il me soit permis, puisque je parle de ce mémoire , de faire re-
littéraire des Pays-Bas, dit positivement qu'après deux ans de
séjour marquer deux fautes d'impression , au milieu de la multitude qui s'y
à Rome, Lassus voyagea en France avec Jules rraiicaccio,
gentil- trouvent dans l'édition qui en a été faite à Amsterdam. Au lieu de l<t
séjour à Paris, qui l'engagèrent ù redemander cet in- laisseront-elles rien à désirer? Je le souhaite, et ferai
eomparablo musicien. On conçoit, comment celui-ci, se seulement observer qu'il est pour l'histoire de l'art
souvenant des hontes d'un roi protecteur de son art, comme pour celle des artistes de ce temps reculé , une
s'empressa d'accéder ;V sa demande. source trop négligée jusqu'ici, je veux parler des pré-
On voudra savoir d'où je liens les détails que je viens faces et des épîlres dédicatoires, où l'on trouve souvent
de donner : c'est Adrien le Roy lui-même qui me les des détails curieux que l'on chercherait vainement ail-
fournit. Il imprima , en iSyi, un œuvre musical de leurs. Dans un ouvrage que je prépare, on remarquera,
Lassus, le dédiai Charles IX, et c'est dans cette dédi- j'espère, quel parti on peut tirer de ce genre de docu-
cace, datée du i" août, qu'il raconte ce fait. Il nous mens (3).
apprend même que Lassus avait pris chez lui un loge- G.E. Andbbs.
ment (i). (3) La note qu'on vient de lire est d'autant plus intéressante
Une antre preuve du séjour de Lassus à Paris, c'est qu'elle explique l'origine de l'opinion de quelques auteurs concernant
les sept psaumes de la pénitence qui sont contenus dans le fameux
qu'il y publia une composition qu'il envoya au comte
manuscrit de la bibliothèque royale de Munich exécuté aux, frais du
Palatin Guillaume de Bavière. La dédicace est signée par
duc Albert V. Le voyage de Lassus à Paris en 1S71 , , ayant éléconnus
Lassus lui-même, et datée de Paris, du 7Juin iSyi.Elle
sans doute des contemporains , la tradition s'était établie que la mu-
commence par ces mots :
sique des psaumes de la |iénitence avait été demandée à Lassus par
« Arrivé de Bavière d Paris, ville que je brûlais de- Charles IX , roi de France, pour être chantés dans sa chapelle , en
« puis long-temps devoir, je n'ai rien eu de plus ù expiation du massacre de la Saint-Barthélémy , et ceUe tradition avait
«cœur. Prince illustre, que dcf vous envoyer (ie ce«e ensuite été adoptée par les historiens. Mais M. Schmidhamer savant ,
la vie de Lassus. Les pièces tirées des archives de Mu- .< pénitence à la demande de Charles IX, roi de France , en expiation
nich, lui seront d'un grand secours. Mais ces pièces ne « du crime de la Sainl-Barthélemy. Ce fait est évidemment faux, car
« 1° le premier volume du manuscrit , contenant la copie de la musi-
(l) Voici le texte :
apiid me, quamdiu in tua anula et cohorte fuimus, comitem ilH semper « Mandavil ilaque princeps illustrissimus (Albertus) excellentissimo
(Primus liber modulorum, quinisvocibus constantium, Orlando o nullum nostra saecula tulere , hos psalmos quinque potissimum vo-
I.as-
susio auctore, Luieliïe Farisiorum. Apud Adrianum Le Itoy et Robert « cibus componendas qui quidem adeu apposite lamenlabili
,
et que-
mihi fuit antiquius , uihilque mihi prius faciendum esse existimavi « ces, an lamentabiles voces, snavilalesne affecluum plus decorarint.
quam ex bac ipsa iirbe, tolius Galliœ capite, aliquod grati erga te
U Hoc quidem musicse geniis musicam reservalam vocant : in qua ipse
bus nunquam hacteous cdili, Monachii Boioariœ compositi , Orlando K numerabilia , sic etiam in his ingenii sui priestabililatem posteris
au lieu de s'en rapporter à faulorilé de ceux qui en ont parlé. La conserve une partie de sa puissance; mais dans une
bibliographie musicale qu'il fait en ce moment ajoutera beaucoup de salle de spectacle, elles exercent une grande influence
lumières à celles que nmis devons déjà aux travaux de Forkel et de sur les impressions de l'auditoire , et la forme emporte
Lichienllial. le fonds. Ceci explique pourquoi Us belles scènes de
'KoieduRédcfCteiir.) Gluck conservent encore tout leur effet au piano ou
REVUE MUSICALE. 257
dans les concerts, tandis qu'elles paraissent avoir vieilli i des mouvemens dans les aii's, et surtout au rhylhme
la représentation. Les dispositions d'une assemblée dans accéléré des cabalettes. Ces choses-là dépendent beau-
un concert ne ressemblent point à celles des mêmes in- coup plus du mécanisme de l'art que delà véritable créa-
dividus transportés à l'Opéra. Au concert, on ne veut lion ; mais le public ne juge que des résultats et n'a que
que de musique et , certes , les inspirations de Gluck
la , des impressions non analysées; il est, s:ms le savoir,
sont de la musique excellente mais au thérttre on veut ; sous l'influence de ses habitudes et delà mode, lorsqu'il
un plaisir dramatique analogue aux idées sociales ac^ croit prononcer avec équité sur le mérite d'un ouvrage
fuelles , et ce plaisir n'est plus sans mélange aux repré- d'un autre temps.
sentations d'Alcesie, d'Orpfiée ou d'Jrmide. Les specta- Ce n'est pas tout : l'art d'instrumenter n'en était
teurs de nos jours ne s'accommodent plus du langage qu'aux premiers élémens lorsque Gluck fît dans toutes
précieux d'un héros qui ne peut rien voir que les appas de les parties de la musique dramatique une révolution
sa maîtresse , d'une magicienne qui oublie le soin de sa qu'on peut considérer comme une dos plus importantes.
gloire TfOMT un charmant vainqueur Avec le sentiment d'une harmonie forte, il avait celui
El tous ces lieux couimuns de morale lul)rîque des effets des instrumens : il en Imagina une multitude
Que Lulli rechauffa des sons de sa musique. dont rien n'avait donné l'idée jusque-là. Mais la route
ne sauraient lui plaire. Ces spectateurs ne veulent plus qu'il avait ouverte, d'autres la rendirent plus large.
qu'un chevalier mette une guirlande de fleurs par-dessus Haydn, Mozart, Rossini, Beethoven, Weber Cheru- ,
sa cuirasse; les Nayades,les Dryades et les Hamadrya- biui Méhul ajoutèrent d'immenses combinaisons à
, ,
des ne leur inspirent plus de dégoût. Ils ne veulent plus celles qu'il avait trouvées. Les progrès de l'exécution
voir descendre une machine appelée gloire pour y voir instrumentale ont d'ailleurs permis d'aborder des diffi-
deviennent inhabiles i\ juger de la musique en elle- Tout cela, je le répète , n'est que le coloris de la musi-
même. Un art ne peut produire son effet qu'autant que que, mais ce coloris est pris par les spectateurs pour
tout ce qui l'accompagne y contribue. Ne nous étonnons la partie principale, et le génie qui a trouvé des traits
donc pas de la froideur avec laquelle le public a accueilli tels que Un seul guerrier , Poursuivons jusqu'au trépas ,
la remise A''Armide, qui a eu lieu le 9 de ce mois. La Esprits de haine et de rage. Plus j'observe ces lieux. Suis
musique de Gluck a dû se ressentir de l'effet d'un spec- l'amour puisque tu le veux, et tant d'autres beautés du
tacle suranné. premier ordre , est méconnu.
Soyons justes: malgré les beautés d'un ordre sublime En essayant de faire revivre pour la génération ac-
qu'on remarque dans la partition à'Armide, cette belle tuelle l'un des plus beaux ouvrages d'un grand artiste,
création a dû éprouver aussi l'effet des progrés de cer- M. Véron a fait un acte de bonne administration, car
Gluck n'avait jamais eu beaucoup
taines parties de l'art. un directeur de l'Opéra- doit essayer le goût du public
d'estime peur ces formes obligées qu'on nomme la sur des choses de genres difl'érens, afin de varier son
coupe des airs. Fort rarement il employait les variétés répertoire en le retirant après un essai peu satisfaisant,
;
de mouvement.; ses airs n'en ont presque toujours il en faitun autre qui n'est pas moins louable, car il
qu'un seul ; ce ne sont même pas , à proprement parler, n'est jamais avantageux de lutter contre le goût du
de véritables airs , à moins qu'il ne les tourne en ron- public, et l'on doit respecter la mémoire d'un musicien
deaux. Le plus souvent ce sont de belles périodes d'un tel que Gluck. Les hommes qui ne comprennent pas
grand intérêt dramatique, mais dans lesquelles la magie les vrais intérêts de l'art, et il y en avait quelques-uns
de la forme est négligée. De son temps , les piccinistes parmi les vieux amateurs qui assistaient à la représen-
lui en faisaient le reproche et disaient qu'il n'avait rien tation du 9 de ce mois; ceux-là, dis -je, auraient
fait qui eût les belles proportions des airs de Roland volontiers fait un crime à M. Véron des réductions que
et de celui de Didon, Ah! que je fus bien inspirée. Ce la partition d'Armide avait subies; mais les gens raison-
défaut de formes de quelques airs à'Iplûgénie, A'Alceste nables avaient compris que ces réductions étaient né-
et (VArmide, est devenu plus remarquable encore au- cessaires, et l'événement a prouvé qu'elles étaient même
jourd'hui, où l'on est accoutumé aux effets de la variété indispensables; car si la représentation de la pièce en
258 REVUE MUSICALE.
trois actes n été froide, qu'on juge de ce qui en aurait marquable dans le rôle de Renaud. Jamais, peut-être,
été si tout eût été conservé! Le couiinenceinenl du ce rôle n'a été chanté avec tant de chaleur, d'intelli-
premier acte contient un long bavardage d'Arinidc et de gencc et de suavité. Ce jeune acteur est la colonne de
ses suivantes, où se trouve un récilalifs;ins intérêt et l'Opéra. Soigneux à l'excès, plein de verve et d'amour
plusieurs airs vieillis; il a bien f.dlu faire disparaître de son art, il porte dans chaque ouvrage le sentiment
tout cela, sous peine de jeler un froid mortel sur le juste du personnage qu'il est chargé de leprésenter, et
commencement de la repréaentation. Il en est ù peu il
y joint un goût du véritable chant qui était autréfoi»
servé le beau finale du premier acte. Il me semble que non pas un nouvel opéra, mais deux, l'un en deux
si l'on en. eût fait, au moyen de quelques préparations, actes, l'autre en quatre. On assure que le premier de
l'introduction du premier, on aurait obtenu un effet ces ouvrages sera prêt à être représenté à la fin de cet
plein de chaleur qui aurait bien disposé ù l'entrée de hiver.
Renaud, laquelle, malgré le talent de Nourrit, a paru — • C'est avec plaisir que nous annonçons que les
froide. Il faut, pour porter la main iivec bonheur sur affaires de l'Opéra-Comique sont arrangées. Toutes les
l'œuvre d'un homme de génie, de l'habileté, du tact et difficultés ont été levées, tous les comptes soldés, le»
Pour juger de l'effet possible d'Armide, il aurait fallu moj'ens d'exécution aient été réduits. M. Lubbert ren-
que cet'ouyrnge fût long-temps étudié, (|ue les ballets tre en possession de l'administration, et le théiltre ou-
eussent' été refaits et ramenés aux formes nouvelles, vrira le 1" octobre prochain. On parle de la prochaine
enfin qu'un grand luxe de décorations et de costumes eût mise en scène de la Marquise de Brinvilliers , opéra en
été déployé; mais il n'y a qu'un gouvernement qui pour- trois actes, dont nous avons déjà parlé.
rait courir les chances de pareilles dépenses, et l'on ne — Les Puritains d'Ecosse, opéra en trois actes, dont
peut, dans l'incertitude de la réussite, exiger qu'un en- la musique est confiée ù plusieurs compositeurs, doit
trepreneur se livre aux dangers d'une telle spéculation, être représenté au théâtre des Nouveautés. Cependant il
surtout au moment où il n'épargne rien pour donner un serait possible que la mise en scène de cet ouvrage fût
grand éclat A un autre opéra en cinq actes dont le suc- ajournée, car on assure que l'administration de ce
— Débuis de M. EerreUoni.
,
lu le
de Ciinarosa.
L'orchestre a laissé désirer plus de finesse en quelques
endroits, mais, en général, il n'a point manqué d'effet. On a si souvent parlé du chef-d'œuvre de Cimarosa ,
dent de la force; mais sa voix, un peu altérée dans les origihales et spirituelles, qu'il ne reste plus rien à en
cordes hautes , ne se prête plus que difficilement à la dire. Cet opéra vit encore et n'a rien perdu de sa fraî-
suavité de quelques mélodies du premier et du troisième cheur, malgré la direction nouvelle que la musique dra-
acte. Par l'effet de l'arrangement en trois actes, le rôle matique a prise : ce fait seul en dit plus que tous les
d'Hidraot a disparu ; il n'en reste plus que le duo , Es- éloges qu'on pourrait lui donner. Mais pour que ce bel
prits de haine et de rage, que Dabadie a bien dit. Mlle ouvrage produise l'effet que le compositeur y a mis, il
Jawureek, qui avait paru faire des progrès dans le rôle faudrait que tous les rôles fussent confiés ù des artistes
du page du comte Ory, est retombée dans ses anciennes de premier ordre, et que ces chanteurs comprissent bien
habitudes; elle a chanté avec sa négligence accoutumée que le style d'exécution qui lui convient est tout diffé-
le joli air Dans l'âge heureux où l'on sait plaire. rent de celui auquel ils sont habitués par les produc-
Quant à Nourrit, il a fait preuve d'un talent très re- tiops de l'école moderne; or ces conditions sont fort
REVUE MUSICALE. 259
difficiles à remplir. ÇaroUmj Lisetta, Fidalma, Paolo, car il a joué le rôledu comte Robinson en charge,
le comte Rohinson, Geronimo, sont des rôles difficiles de chose que rien n'indique dans le caractère du persoU'-
troupe d'acteurs si parfaite? son organe est ingrat, et ses manières ont quelque chose
Ce n'est pas que je veuille dire, qu'à moins de possé- de brusque et de décousu qui ne lui promettent pas
der des talens comme celui que Lablache déploie dans beaucoup de succès à Paris.
le Matrimonio segreto , on ne peut chanter dans cet ou- Tout l'opéra du Matrimonio segreto repose sur Labla-
vrage : si cela était, il faudrait renoncer à l'entendre. che. Lui seul comprend et la pièce et la musique. Pro-
Mais il est fâcheux que d'aussi belle musique soit sa- fond musicien, il entraîne après lui tous les autres ac-
crifiée à des chanteurs tels que Mlle Amigo, Mme Rossi teurs dans les morceaux d'ensemble, et leur communique
et M. Berretloni. Mme Tadolini a fait certainement de quelque chose de sa verve ; acteur inimitable, il occupe
très grands progrès dont elle vient de donner de nou- la scène de telle sorte qu'il parvient à faire oublier les
velles preuves dans le rôle d'Amenaide de Tancrède ; défauts de tout ce qui l'entoure. Sa diclion, ses gestes,
mais il est si difficile de comprendre aujourd'hui ce qui le jeu de sa physionomie font illusion et montrent la
convient au style de la musique de Cimarosa, que mal- nature prise sur le fait. Jamais la comédie n'a été mieux
gré ses progrès , cette jeune cantatrice est encore une jouée , même par les meilleurs acteurs de l'ancienne
Caroline bien faible. Il est vrai qu'il ne s'agit pas de Comédie française.
chanter ce rôle; il faut le jouer, et Mme Tadolini est,
comme actrice, d'une nullité complète.
Tahcreui opéra en deux actes, musique de Rossini.
Rubini lui-même, dont
—
,
pas contesté,
le talent n'est
Mme Pasta Rubini. —
Mme Tadolini.
Rubini n'est pas dans Paolo à la même hauteur que dans
15 SFPTEMBBE.
Jnna Bolena ou Tancrède. Je n'ai jamais entendu de
chanteur qui fût à la hauteur de ce rôle ; cependant Cri- Après avoir entendu Mlle Sontag et Mme Malibran
velli, bien 'qu'un peu froid , le chantait dans son véri- dans Tancrède, après avoir goûté le vif plaisir que cau-
table style, c'est-à-dire dans une manière large, simple sait l'ensemble parfait de ces deux voix de syrènes, il
et naturelle. Rubini, outre qu'il possède une belle voix semblait qu'on ne pourrait plus supporter à Paris la re-
et qu'il est habile chanteur, a beaucoup plus de verve présentation de cet opéra ;
pourtant on se souvenait des
que Crivelli ; néanmoins il ne chante pas aussi bien que beaux jours où Mme Pasta donnait aupersonuage de Tan-
lui les deux duosdu premier acte, ni Pria clie spanti. Les crède une couleur si mélancolique, si analogue à lana-
oppositions d'une voix sonore et puissante avec la voix ture de la coinposition. La reprise de cet opéra par cette
de tête modulée légèrement, et sa prodigieuse fécondité grande actrice ne pouvait donc que faire naître beaucoup
dans les fioritures lui réussissent bien dan^ l'opéra sémi- d'intérêt et de curiosité parmi les habitués du Théâtre
sérieux de l'école moderne mais dans ; la musique légère Italien, car on avait à la comparer d'abord avec elle-
et gracieuse de Cimarosa , ces choses ne s'accordent ni même, ensuite avec Mme Malibran. Tout a été plaisir
avec le caractère des cantilènes , ni avec l'esprit du rôle ;
dans cette circonstance; Mme Pasta , supérieure à elle-
de là l'absence d'effet. Nul doute que si un chanteur tel même, aussi étonnante comme cantatrice que comme
que Rubini avait appliqué ses facultés et ses moyens phy- tragédienne, s'est montrée plus gracieuse, plus variée
siques à l'exécution de la musique ancienne et surtout dans les effets de la scène, et n'a pas laissé apercevoir
de la musique bouffe, il n'y eût acquis beaucoup d'habi- un seul instant de faiblesse dans son chant. Elle ne
leté; mais l'habitude et peut-être aussi la connaissance chante pas de la même manière que Mme Malibran
traditionnelle de ce style lui manquent. elle n'atteint peut-être pas à la même perfection dans
M. Berettoni , était annoncé sur l'affiche comme pre- les détails; sa voix ne possède point ces beaux sons
mière basse chantante, et il faut bien qu'il le soit en graves, qui, dans la manière de la jeune rivale, forme
effet, puisqu'il a débuté dans le rôle du comte Robinson; avec la partie élevée de la voix d'heureuses oppositions;
cependant sa voix sourde et voilée dans la plus grande mais tout ce qu'elle a imaginé d'ornemens pour les mé-
partie de son étendue ne le rend guère propre à cet lodies rossiniennes est du goût le plus délicat, le plus
emploi. J'ajouterai que ses habitudes paraissent être pur, et toutes ces choses, elle les a rendues avec un
celles d'un buffo caricato plutôt que d'un basso caniante rare bonheur.
260 REVUE MUSICALE.
On sait que les premières scènes oi'i Mme Pasta se à' Amenaïde, L'organe de cette jeune cantatrice a natu-
fait entendre sont quelquefois pénibles pour elle , et que rellement de la pureté, et sa vocalisation est facile. Les
ce n'est qu'après avoir chanté pendant un certain temps ornemens de son chant sont bien réglés et de bon goût;
qu'elle acquiert le libre exercice de ses moyens; il n'en la justesse de son intonation est généralement satisfai-
a point été ainsi à la représentation du i5 septem- sante; enfin il ne lui manque qu'un peu plus de force
bre : dès le récitatif de sa cavatine elle a fait entendre que l'exercice pourra lui donner, et un sentiment dra-
une pureté, une liberté de vocalisation qu'on ne lui matique qu'il n'est pas certain qu'elle puisse acquérir.
connaissait pas autrefois. Admirable par ses accens dra- Les qualités par lesquelles elle est destinée a briller sur
matiques comme par sa manière de dessiner celle belle la scène sont à peu près les mêmes que celles de Mme
cavatine, elle l'a été également par les délicieuses fiori- Damoreau, sauf la différence d'un talent naissant ù un
tures dont elle a orné les mélodies charmantes de Ros- talent formé.
sini, et par son exécution, bien plus correcte qu'autre- Tancrède, remonté avec beaucoup de soin, me parait
fois. Les mêmes qualités se sont fait remarquer dans destiné à fournir un bon nombre de représentations
tout le reste de l'opéra, et particulièrement dans le duo productives. Les chœurs et l'orchestre exécutent avec
avec Argirio, au second acte. Jamais ce morceau n'avait ensemble, les décorations sont belles et les costume»
eu tant d'effet; il est vrai que cet effet ne fut pas seule- riches
ment dû à la cantatrice; Rubini s'y montra aussi dans FÉTIS.
toute la puissance de son talent, et l'ensemble de ces
deux grands artistes fut parfait.
été supprimée. Un air nouveau a été introduit au pre- A vendre un 1res bon p ano vertical {picno-calinet) de Broadwood
mier acte pour Jlubini, et un autre pour Mme Pasta à Pri.v: 000 fr. (60).
la fin du deuxième. Dans celui-ci, Mme Pasta paraissait D£MA^-DË DE PLACE EK TBOVINCE.
un peu faliguée, et n'a plus eu toute la pureté qu'on Une dame qui enseigne le cliaut et le piano depuis plusieurs années
avait admirée dans le reste de l'ouvrage; mais elle y a à Paris, dcsirer.'ût aller en province, dans tme ville où l'on peut lui
encore fait preuve de ce goût parfait qui avait brillé dans assurer eue clienlelle nombreuse, el dont les ressources musicales fus-
son chant pendant tout sent telles qu'elle put y trouver ce qu'elle quitterait à Paris, (si)
le reste de la représentation.
Son succès a été complet, et le public lui a témoigné rUDLICATIONS SOUS PRESSE
vingt fois dans la soirée, par des applaudisseinens pro- Pour paraître au premier jaDiier )83i.
longés, le plaisir qu'elle lui a fait éprouver. Annuaire miu/ca/ pour l'année 1852, par M. Fétis; 1 vol. in-18,
Rubini (Argirio) n'a pas été moins digne d'admira- Prix: Sfr. (S2)
Iiier. (S3)
et le rôle d'Argirio lui fournit des occasions favorables
Au bureau de Y Agence générale de la musicale, rue du Helder, 1 3.
ces cris ne sont pas ce que le public préfère dans son porté le premier prix, était élève de M. Faslin. C'est
chant, car il fut peu applaudi à la fin de cet air. Dans M. Norblin qui a donné des leçons à ce jeune hotnme.
tout le reste du rôle, il s'est montré un chanteur fort Une nouvelle faute qui s'est glissée dans notre Erratum
habile , et dans l'allégro du duo // vivo tampo di quella du dernier numéro, nous oblige à faire une nouvelle
spada il a excité le plus vif enthousiasme. rectification. Dans l'inscription du monument de Pé-
ronne au lieu de Soa/leu, c'est Sofleu qu'il faut lire.
J'ai dt'jà dit plusieurs fois que Mme Tadolini a fait ,
Condit
262 REVUE MUSICALE.
acquit des connaissances plus étendues. Enfin un traité Un passage remarquable du livre d'Alexandre ïassoni
rendit la liberté i\ Jacques I" en 14^3 > et le plaça sur le \nt\lalé Pensieri diversi (Venise 1646), vient à l'appui de
trône de ses ancêtres. La comparaison du pays qu'il ve- l'opinion des divers auteurs qui ont attribué i Jacques!"
nait de quitter avec celui sur lequel il venait régner n'é' l'invention ou du moins le perfectionnement de cette
tait pas à l'avantage de celui-ci: l'Ecosse était plongée ancienne musique écossaise. Voici ce passage :
dans un tel état de barbarie que l'Angleterre , bien que « Noi ancora possiamo connumerar tra nostri Jacopo
barbare aussi, semblait être arrivée i\ la civilisation la « Rè di Scozia, che non pur cose sacre compose in
plus avancée. Jacques sentit la nécessité d'adoucir d'a- «canto, ma trov6 da se stesso una nuova musica la-
bord la férocité du caractère de ses sujets, et rien ne lui «mentevola, e mesta, différente da tutte l'altre. Nel
parut plus propre à atteindre ce but que de faire passer «che poi è stato imitato da Carlo Gesualdo, Prencipe
dans leurs mœurs l'usage constant de la poésie et de la « di Venosa che in questa nostra età hù illustrata anch'
,
musique. A défaut de musiciens et de poètes qui pussent « egli la musica connuove mirabili invenzioni». (Lib. X.
le seconder dans ses desseins , il composa lui-même de c. XXIII.) Berardi a rapporté tout ce passage dans ses
petits poèmes et des chansons en dialecte écossais et les Miscellanea Musicale, page 5o , mais sans citer la source
mit en musique. La plupart de ces poèmes et de ces où il l'avait pris.
ballades contiennent la description des usages , des oc- L'opinion de Burney n'est fondée que sur des preu-
cupations et des divertissemens des Ecossais. Ces mo- ves négatives. Son argument le plus fort CQjsiste à
numcns curieux de l'histoire des arts chez un peuple dire que les collections d'anciennes ballade^Pf chan-
sauvage ont été recueillis et publiés à Edimbourg en sons, et particulièrement celle que fit John Shirley,
1783, in-S", sous le titre àt Restes poHiques de J acques l". en 1440? des ouvrages de ce .
genre composés par
Ce recueil est précédé d'une dissertation dans laquelle Chaucer, Gower, Lydgate et autres, laquelle se trouve
l'éditeur prouve l'authenticité des pièces qui le compo- parmi les manuscrits d'Ashmol à Oxford, ne renfer-
sent, et accompagné d'une dissertation sur la musique ment rien qu'on puisse attribuer à Jacques I", et ne
écossaise, où l'ondémontre que Jacques I" fut l'auteur contiennent que les paroles sans les airs. Enfin il dit
de l'ancienne musique de ces ballades. qu'après avoir examiné inutilement les manuscrits de
Burney a néanmoins élevé des doutes sur l'authen- toutes les bibliothèques de l'Angleterre pour y découvrir
ticité de ces mélodies antiques et sur la part que Jac- d'anciens airs notés, il a acquis la preuve que toute cette
ques I" peut y avoir eue. Il me semble que ces doutes musique, jusqu'au quinzième siècle, a péri [ji Général
ne sont pas fondés. Les plusanciens témoignages restent /listory ofmusic, t. II, p. 58i ). Pour peu qu'on soit
chron. àHearne, vol. IV, page i323), Hector Bcelhius, faibles preuves. N'a-t-on pas affirmé, et Burney lui-
dans son Histoire d'Ecosse, traduite en dialecte écossais même n'a-t-il pas imprimé qu'il ne lestait rien des com-
par Bullanden S Buchanan, dans son ouvrage sur le positions régulières à plusieurs parties des treizième et
même sujet ^, Bûle, Dempster, et après eux l'évêque quatorzième siècles? Cependant la découverte inatten-
Tanner, se sont accordés dans les éloges qu'ils ont don- due de plusieurs manuscrits est venue donner un dé-
nés aux talens de Jacques comme musicien. «Il y avait menti formel à cette assertion et faire connaître les ,
i< peu d'instrumens connus à cette époque dont il ne œuvres de beaucoup de compositeurs dont les noms
(l jouât, disent ces écrivains, mieux que les meilleurs mêmes étaient inconnus. L'opinion des hommes les plus
« musiciens de son temps. Outre ses chansons écossaises, instruits dans les antiquités de l'Ecosse est que les vieux
tt dont il avait lui-même composé la musique, il avait >
airs si célèbres dans ce pays, Katherine Ogie et Cold avtl
« écrit un traité de Musica. » Raw, ont été composés par Jacques I".
A l'égard des ballades les plus anciennes après celles-
(1) < He was weil lernit to feclit with the swerd, to just, lo turnay,
ci l'opinion générale est qu'elles ont été composées par
,
et le suivit arec le reste de la maison de l'ambassadeur. musique moderne de l'Europe, on aperçoit cependant
Le comte n'ayant point trouvé d'emploi pour son mu- le demi-ton du troisième au quatrième degré de l'échelle
Marie ayant remarqué ses talens, le prit ;\ son service. analogie peut exister en effet dans les produits les plus
Peu à peu il sut par ses flatteries et par son adresse s'in- récens dela musique de ces deux contrées mais en re- ;
sinuer dans lus bonnes grâces de la reine, se Gt élever montant aux premiers monumens musicaux des Ecos-
au poste de secrétaire intime, fut initié dans toutes les sais et des Irlandais, on y trouve des différences radi-
affaires de l'état; et même, s'il en faut croire quelques cales, soit dans le rhythme qui est en général plus vif
éci'ivains contemporains, fut quelque chose de plus et plus marqué dans la musique irlandaise que dans l'é-
qu'un simple secrétaire pour Marie Stuart. Passant une cossaise, soit dans les finales, qui, dans les mélodies de
partie des journées et des nuits dans le cabinet de la l'Irlande, sont bien plus inattendues que dans celles de
reine , il composait pour elle ces airs qui , dit-on , sont l'Ecosse. L'analogie est bien plus sensible entre la mu-
devenus par la suite la plus belle partie de la musique sique irlandaise et les mélodies welches du pays de
nationale; et il les accompagnait sur son luth. On sait Galles, et l'histoire explique celle-ci; mais ce n'est pas
la fin malheureuse de ce musicien. Le 9 novembre i566, ici le lieu d'examiner ce sujet qui sera l'objet d'un autre
il était avec la reine dans un grand cabinet attenant à la article dans lequel je comparerai des mélodies an-
chambre à coucher de celle-ci, au chftteapi d'Holyrood. ciennes de l'Ecosse, de l'Irlande et du pays de Galles.
La reine, qui était souffrante et dans le septième mois de Presque toutes les collections d'airs écossais qu'on a
sa grossesse , l'avait admis à sa table. Le roi ( Darnley), publiées depuis un siècle ont été des opérations mer-
auquel on avait donné des soupçons, vint s'asseoir en cantiles dans lesquelles on a surtout cherché à flatter le
tiers au souper. La perte de Riccio avait été résolue. goût des consommateurs au lieu de s'attacher à conser-
Tout à coup, lord Ruthven pénètre dans l'appartement ver la pureté primitive de ces monumens d'un art ori-
de la reine avec quelques conjurés par une porte dé- ginal. Jean Hilton, musicien anglais, fut le premier
robée; Riccio se réfugie derrière le fauteuil de Marie qui fit imprimer un air écossais {Cold and Raw) dans sa
Stuart, mais lord Ruthven renverse la table, frappe le collection de Catclies, publiée àLondres en i652. Cet
musicien d'un coup de poignard, le saisit, l'entraîne peu remarqué alors, quoiqu'il soit un des plus
air fut
dans la chambre de la reine, et le malheureux tombe originaux de la musique écossaise. Ce ne fut qu'en 1730
percé de cinquante-six coups de dague et d'épée. qu'on commença à distinguer le mérite de ces mélodies,
Il est assez difficile de comprendre comment un mu- lorsque Thomas Durfey en eut introduit plusieurs dans
sicien piémontais, élevé dans les habitudes de la musique son recueil intitulé P<7/« to purge Me/an(;o/7(Pillules pour
italienne et dont le talent était déjà formé, a pu changer purgerla mélancolie). Alors commencèrentcesnombreu-
tout à coup la nature de ses idées musicales et se rendre ses publications d'airs écossais dont les recueils se sont
familières les formes des mélodies écossaises. C'est un multipliés de plus en plus. Alexandre Munroe, musi-
fait fort remarquable que celui d'un étranger qui devient cien natif de l'Ecosse, demeurant à Paris, fit paraître
en quelque sorte le créateur de la musique nationale dans cette ville, en lySo, une collection d'airs écossais
d'un peuple; il paraît néanmoins par le téiuoignage des arrangés pour la flûte avec des variations. En 1735,
auteurs écossais, mêmes ne peut être révoqué en
qu'il AVilliam Thompson publia une collection de chansons
doute. On cite particulièrement les anciennes ballades écossaises avec la musique, collection dans laquelle les
Peatie's MU, Tweed-S'ute, Mary Scol et Galloway Sliieb, airs originaux sont conservés avec assez de pureté; elle
comme appartenant i\ Riccio. Ces ballades, bien que a pour titre Orplieus Caledonius. Trois autres recueils de
d'un style purement écossais, ont cependant un cachet mélodies écossaisesparurent ensuite (ijSS) par les soins
plus moderne que Katherine Ogie, Mairland TVilly et de Mac Gibbon, musicien à Edimbourg, mais déjà la
Cold and Raw, qui appartiennent à la plus haute anti- manie des embellissemens et des accompagnemens dans
quité. Dans celles-ci, la tonalité n'admet que des in- le système musical moderne avait altéré sensiblement la
tervalles d'un ton dans la succession d'une note à une physionomie locale de ces airs. Ce fut encore pis dans le
autre, ce qui donne aux mélodies l'aspect le plus grand recueil publié à Londres par François Bârsanti,
étrange; dans les autres, bien que la tonique ne puisse maître de chant italien, qui, pour ajuster sur les mélodies
se délefminer d'une manière aussi positive que dans la les basses de sa façon , corrigea beaucoup de
passages qui
264 REVUE MUSICALE.
lui semblaient être d'une modulation fautive. Le même gociations affermirent ce prince sur le trône, et la paix
système a été suivi par tous les autres éditeurs, et bien- qu'il signa en i654 avec toutes les puissances le rendi-
tôt les marchands de musique, faisant de ces publica- rent sans retour souverain du Portugal , d'une partie des
tions des objets de pur trafic, eurent des espèces d'ou- Indes et du Brésil. Il ne jouit pas long- temps de cette
vriers musiciens qui ne se contentèrent pas de changer paix qu'il avait tant désirée, car une maladie de langueur
les mélodies originales dans leurs arrangemens, mais le mit au tombeau le 6 novembre i656.
qui en firent même à l'imitation de la musique nationale Jean IV aimait et-protégeait tous les arts; mais la
dei'Ecosse et qui les livrèrent au public comme de véri- musique avait été l'objet spécial de ses études, et il
y
peu d'années qui ne voient
tables airs écossais. Il est était devenu fort habile. Une bibliothèque immense de
éclore quelque recueil de ce genre. Parmi les meil- musique , formée des œuvres des compositeurs de toutes
leures collections qui doivent inspirer le plus de con- les nations, depuis le milieu du quinzième siècle, tut
fiance, je citerai celle qui a été publiée en huit vo- rassemblée par son ordre et par ses soins ; on peut juger
lumes in-4° à Edimbourg en 1816, et la Selcclionof 100 de son importance par le catalogue qui en a été dressé
Scottish songs for ikc harp and piano-forle, en deux vo- par le libraire Paul Crasbeeck, et qui a été publié sous
lumes in-fol. ,
publiée par J. Elouis, professeur de chant le titre de Index de Obras que se conservaà na bibliollteca
et de piano à Edimbourg. Real de Musica, Lisbonne, 1649, iri-4°- Cette riche bi-
FÉTIS. bliothèque a péri malheureusement dans le désastre de
Lisbonne en i;56. Jean IV ne se bornait pas à cultiver
Machado, dans sa bibliothèque lusitanienne, indique son érudition dans cet art.
(t. II, p. 5-4) UQ livre écrit en langue portugaise sous C'est du premier de ces ouvrages qu'il s'agit ici. Bien
le titre de Defensa de la musica modcma contra ta errada que Machado, et d'après lui Forkel et Licbtenthal, aient
opinion dcl Obispo Cyrilo Franco (Défense de la musique donné à celui-ci la date de 1649, comme étant celle de
moderne contre l'opinion erronée de l'évêque Cyrillc- l'impression, le volume ne porte ni date ni nom de lieu ;
Franco), et attribue cet ouvrage à don Jean IV, roi de mais l'auteur ayant daté son ouvrage du 3 décembre
Portugal. Forkel, qui n'a point vu le livre dont la ra- 1649, et les caractères de l'impression étant évidem-
reté est excessive, ne l'a cité que d'après l'autorité de ment les mêmes que ceux de l'Index de la bibliothèque
Machado {AUgem. Litter. der Musik, pag. 98), et s'est royale dont il vient d'être parlé, il est vraisemblable
trompé sur sa nature en le plaçant parmi les livres re- que l'écrit du roi de Portugal a paru dans les derniers
latifs aux effets de la musique des anciens. Ayant sous jours de 1649, ou au commencement de i65o. Du reste,
lesyeux un exemplaire de ce même livre, nous nous cet écrit ne forme que cinquante -six pages in-4°. Il ne
trouvons en état de_le faire mieux connaître, et de don- porte pas de nom d'auteur, mais plusieurs circonstan-
ner quelques reoseignemens curieux sur le livre et sur ces ne permettent pas de douter qu'il soit de Jean IV.
lamaison de Bragance. Né en 1604, époque où le Por- 2° L'exemplaire que nous avons sous les yeux et qui
tugal, conquis par les armes de Philippe II, roi d'Es- appartient à la bibliothèque royale de Paris, est accom-
pagne , ne. formait plus qu'une province espagnole, ce pagné de celte note manuscrite ; L'auteur de ce livre csl le
prince, doué d'un caractère aimable, mais manquant roi de Portugal Dom Juan IF. Il fut fait au 2 de décembre
d'énergie , ne semblait pas destiné à tirer sa patrie du 1649, comme l'on voit page 44j <^l *" l'année 1666, on m'en
joug sous lequel elle gémissait; mais la fermeté d'ame de fit présent d Lisbonne, comme d'un livre très rare. 3° Au
sa femme, dévouement de quelques amis puissans,
le verso du feuillet qui précède l'épître dédicatoire est un
et un ascendant de bonheur constant qui lui fit donner sonnet en langue portugaise dont les premières lettres
le nom de Fortuné, en décidèrent autrement. Une cons- des vers forment ces mots : El Rei de Portugal ( le roi de
piration ourdie par Pinto Ribeira , secrétaire du duc de Portugal). 4" L'épitie dédicatoire, adressée à Juan Lo-
Bragance, Miguel Almeida, l'archevêque de Lisbonne renço Rabelo est signée : Incertus autor D. B., c'est-à-dire
et quelques autres, délivra enfin les Portugais de l'op- Duo; Bragantiœ. 5° Et enfin, le titre de la traduction ita-
pression , et plaça la couronne sur la tête de Jean IV, le lienne de cet ouvrage (dont il sera parlé tout à l'heure)
5 décembre 1640. Quatorze années de guerres et de né- est entouré d'un cartouche composé d'instrumens de
REVUE MUSICALE.
musique, et surmonté de l'écusson des armes de la mai- riels de l'art avaient absorbé l'attention de tous les mu-
son de Biagance. siciens; quant à la douceur des mélodies, à la conve-
L'évêque de Lorette, Cyrille Franco, auquel le roi nance des formes, à l'expression, on ne se doutait pas
de Portugal répond dans son ouvrage , mourut ù Rome alors que ce fussent des qualités qui dussent se rencon-
avec la dignité de commandeur et administrateur de trer dans la musique. Peut-être fallait-il qu'il en fOt
l'hôpital de S. Spiriio in Sassia. Son opinion erronée, ainsi ;'i cette époque reculée du quinzième siècle, pour
suivant l'expression de Jean IV, avait été émise dans que l'art eût toutes ses phases; mais les reproches de
une lettre adressée par oc prélat ù son ami Hugolin l'évêque Franco n'en étaient pas moins fondés.
fîualleruzzi, datée de Lorette, le i6 février iS/jg, et in- Ce fut à celte critique, qui n'est pas toujours renfer-
sérée dans le deuxième volume de la deuxième édition mée dans les bornes de la politesse, que le roi Jean IV
de la Collection publiée par Aide Manuce à Venise, en entreprit de répondre dans le petit ouvrage dont il est
I 55i, sous le titre de Leiterevolgari didiversi nobUissimi ici question. Il était un peu tard, après un siècle ,
pour
/iuomini , et excelLentissimi ingegni , scritte in. diverse mate- venir réfuter les propositions de l'évêque; quoi qu'il en
rie, 2V. ïn-8°. C'est dans l'édition de 1567 que Jean IV soit, le royal écrivain a fait preuve d'érudition musi-
avait lu la lettre de Cyrille Franco ; mais celle-ci n'est cale dans son ouvrage. On y trouve quelques renseigne-
qu'une copie exacte de l'édition de i564 qui avait été mens précieux et qu'on chercherait vainement ailleurs
augmentée d'un volume. sur quelques compositeurs anciens, et particulièrement
L'évêque Cyrille, après avoir rapporté dans sa lettre sur plusieurs maîtres portugais. Le livre est terminé
les éloges qui ont été donnés à la musique des anciens, par trois exemples de musique à trois parties, sans nom
éloges qu'il admettait sans restriction , exprimait le re- d'auteur, qui pourraient bien être de sa composition,
gret que la musique moderne n'eût pas les mêmes qua- quoiqu'il les ait donnés comme étant fort anciens. For-
lités pour toucher l'ame, et se livrait à des critiques sur kel, qui ne connaissait l'ouvrage de Jean IV que par la
les compositions des musiciens de son temps; critiques citation de Machado, a fait une erreur en le plaçant
mordantes, mais qui n'étaient pas dépourvues déraison. parmi musique des anciens, car
les livres relatifs à la
Après avoir que les modes de la musique des ancien?
dit il moderne. C'est aussi par
n'y est question que de la
avaient chacun une destination d'expression différente, erreur que ce savant bibliographe a donné la date de
tandis que le même ton s'emploie souvent dans la mu- Perugia, 1666, pour celle de la traduction italienne de
sique moderne pour marquer la joie ou la douleur, il cet ouvrage : cette traduction , intitulée Difesa délia mti-
ajoute que la plupart des compositeurs, même les plus sica moderna contro la falsa opinioni del Vescovo CiriUo
célèbres, se servent du même chant four ]e Kyrie, l'J- Franco , tradottadi spagnuolainitaliano , n'a point de date
gnus Dei, le Gloria et le Credo d'une messe, a Aujour- ni de nom de y a d'ailleurs lieu de croire que ce
lieu. Il
« d'hui , dit-il, toutes ces choses si différentes se chan- n'est point à Pérouse, mais à Venise que l'édition a été
« lent sur le même ton et de la même manière. faite, car au bas du titre gravé , on lit C. Dolcettafece :
B Ecoutez les paroles d'un musicien : On a chanté une in Venetia. Les exemples de musique qui se trouvent à
K belle messe aujourd'hui d la chapelle; demandez quelle la fin de l'édition originale ont été supprimés dans la
solu d'expression des paroles et aux bouffonneries qu'on Defensa de ta musica moderna, etc., ne ressemble nulle-
remarquait dans la musique de ces anciens maîtres, et ment à celui de la lettre originale de cet évêque II y a
surtout dans leur musique d'église. Les procédés maté- plus, le traducteur ne s'est pas même donné la peine
266 REVUE MUSICALE.
de chercher le titre réel de la collection où se trouve la de famille; je suis presque heureux quand je vois ma
lettre dont il s'agit, car il la cite sous le titre de Lettere fleur bien-ainiée , et je dis avec le poète :
iltustri, tandis que celui qui lui appartient est Lettere Tous qui ne savez pas combien l'eufance est belle ,
une messe de Palestrina qui a été publiée sous le voile de Eh, bon Dieu! comme me voilà loin de M. Dérivis et
l'anonyme avec ce titre: Respuestas a tos dudus, que se de Moïse! Pardon, lecteur, m'y voici.
pusieron d ta missa Panis quem ego dabo de Pênes trina C'est dans Moïse que M. Dérivis fils a fait son pre-
impressa en cl libro 5 de sus missas, Lisbonne, i654, mier début.
in-4°. Une traduction italienne de ce livre a paru sous M. Dérivis est élève du Conservatoire; M. Dérivis a
le titre de Rinpostc alli dabii proposti sopra la missa Panis remporté le premier prix de chant au concours de cette
queui ego dabo det Palestrina, slampata nelle sue messe année. Ce n'est pas un brevet de génie, mais c'est du
tradolta de spagnuolo in italiano. Rome, Mauricio Bel- moins une preuve d'études, et l'art du chanta singuliè-
moDti, i655, in-4°. Outre ces ouvrages imprimés, Ma- rement besoin d'être étudié. Le jeune lauréat possède
ehado cite (Biblioth. Lusit. t. p. S^S), d'après l'histoire une voix d'un timbre agréable; ses cordes basses sont un
généalogique de la maison royale de Portugal d'Antoine peu sourdes, mais ses notes élevées ont du charme ; ce
Gaétan de Souza, deux traités de musique composés par qui fait que sa voix ressemble plutôt i ce que nous ap-
le même prince , et qui sont restés en manuscrit. Le pelons en France un bariton, qu'à la vraie basse, la
premierest intitulé :C(3«[;ori;(ancia(/«.'/ius('c«, cpassos délia basse de Moïse. Un autre défaut de cette voix, c'est
coUegida dos mayorcs proffessores desta arte ; le deuxième de manquer de mordant : ainsi, lorsqu'elle est accom-
a pour titre : Principios da musica, quem foraà seus pri- pagnée par les instrumens de cuivre, ce qui se repro-
meiros aulliores, e los progressas que tece. Il est vraisem- duit souvent dans Moïse, elle se trouve complètement
blable que ces derniers ouvrages ont péri avec la bi- couverte; j'ai à lui reprocher aussi quelquefois d'être à
bliothèque royale de Lisbonne, lors du désastre de cette côté du ton.
ville. M. Dérivis a d'ailleurs des qualités incontestables. Sa
vocalisation est facile et bien articulée ; une phrase gra-
Nouvelles de Paris. cieuse est dite par lui avec élégance, et, comme je l'ai
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE. deviennent trop faibles pour la vaste salle de l'Opéra.
Début de M. DÈRivis fils.
homme; mais
Il y a ,
je crois, de l'avenir chez ce jeune
Le nom du débutant dont je vais parler était une ce n'est pas là où il est , c'est dans un cadre plus petit :
vieille connaissance des habitués du théâtre de l'Opéra. à rOpéra-Comique, par exemple ; et je le verrais avec
DérivisPiVe vous semble-t-il pas que ce soit comme une peine s'attacher obstinément à une scène qui exige des
partie intégrante de la salle de la rue Lepelletier? Ce moyens particuliers. Il perdrait tout à lutter contre sa
nom seul remet debout devant vous, vivant, en chair nature , il briserait sa jeune voix eu voulant la forcer ,
et en os, tout le vieil Opéra français; comme un pot et serait perdu pour l'art. Il peut prendre ailleurs une
d'étain avec une bière mousseuse vous rappelle Téniers belle position; un riant avenir d'artiste peut s'ouvrir
et l'école flamande. Pour moi, en Toyant sur l'affiche devant lui, mais qu'il quitte, pour un temps du moins,
le nom de M. Dérivis, il m'a semblé que j'allais voir un cadre trop vaste pour la portée actuelle de son ta-
Œdipe, ou la Lampe merveilleuse, deinier triomphe de lent , ([u'il doit laisser à l'avenir le soin de développer.
cette étonnante basse-taille. Il s'est trouvé des gens aux- Je sens le besoin de dire qu'Adolphe Nourrit a été dé-
quels cela fit plaisir. A voir ce nom, ils se croyaient licieux dans cette représentation.
vingt ans de moins : pour moi, jeune homme, qui n'ai — Mardi prochain aura lieu la reprise deSemiramide;
pas des souTcnirs de vingt ans, je n'ai pas éprouvé cette Mme Pasta y reprendra le rôle dans lequel elle a obtenu
ineffable jouissance; mais je l'ai comprise, car j'ai aussi autrefois de grands succès, lorsqu'elle le joua après la
mes souvenirs, souvenirs d'enfant, c'est possible; j'y rentrée si malheureuse de Mme Mainvielle-Fodor. La-
tiens. Ainsi, par exemple, j'aime les giroflées jaunes ,
blache chantera la partie à'Àssar. Le rôle difficile à'Jr-
parce qu'autrefois j'en faisais des guirlandes pour les fêtes sace a été confié à Mlle Miihçl. Ce rôle est Lien fort
REVUE MUSICALE. 267
poiircette jeune personne, dont la voix de contralto n'a bord un peu froid; mais au troisième acte elle recueilli
pas encore acquis de timbre dans les sons graves. Nous tous les suffrages.
sommes informés qu'elle-même sent toutes les difficul- A ce premier opéra a succédé la Donna Cariteu de
ses devoirs envers l'administration : ce motif lui sera vrages ont alterné sur la scène jusqu'au début du basso
sans doutecompté par les dilettanti qui ont déjà donné cantante Faltrinieri, qui a dû se faire dans II Barbiere
bien des cncouragemens à Mlle Michel, et qui, dans di Siviglia.
celte circonstance, lui donneront de nouvelles preuves CoKFOO. Depuis long-temps il y a un opéra italien
Les débuts de Mme Caradori dans le Barbier de Sé- opéra n'est ep activité que dans les saisons d'automne
ville auront lieu sous peu de jours. Cette cantatrice et du carnaval. La nouvelle troupe est assez nombreuse,
distinguée accompagnée de Rubini (yi/marisa) et de mais composée de chanteurs obscurs qui ne promettent
,
Lablache (Figaro), ne peut manquer d'exciter une vive pas de grands plaisirs aux amateurs de musique. On y
curiosité dans cet ouvrage. voit figurer les noms d'Annettfe Cardani. Adélaïde Mal-
— L'ouverture du théâtre de l'Opéra-Comique est dotti. Maria Marconi, Félix Rossi, Gaetano Marconi, etc.
définitivement fixée au i" octobre prochain. Espérons Naples. Une jeune cantatrice, née dans le Milanais
que d'après les nouveaux arrangemens qui viennent nommée Thérèse Tavola, obtient du succès au théâtre
d'être pris, les concessions qui ont été faites de part et Nuovo, et a joué les premiers rôles de plusieurs ou-
d'autre, et la réduction des frais de près de moitié, ce vrages qui ont été représentés sur ce théâtre. Il Venta-
spectacle aura maintenant une existence plus solide que glio de Raimondi est le seul dans lequel elle n'a pu se
dans les dernières années, et qu'il retrouvera dans le faire entendre, parce qu'il est écrit dans le dialecte na-
public la faveur dont il jouissait autrefois. On assure politain et parce que le récitatif y est remplacé par un
que l'ouverture du théâtre se fera par la première re- dialogue en prose écrit dans le même dialecte , et qui se
douteux que cette pièce soit prête pour l'époque fixée. Mme Ronzi-de-Begnis a paru dernièrement au théâ-
— Samedi prochain, l'Académie royale des Beaux- tre Saint- Charles dans le rôle de Desdemona A'Otelld.
on y entendra la scène
Arts tiendra sa séance annuelle :
Les journaux italiens disent qu'elle y a eu du succès,
de M. Prévost, qui a obtenu cette année le premier mais les renseignemens particuliers qui nous sont par-
grand prix de composition musicale. venus indiquent qu'elle y a été faible.
Palebme. La Zingara , opéra de Donizetti , représenté
en dernier lieu sur le théâtre de cette ville, n'a pas eu de
succès, quoiqu'il ait' été _assez bien chanté par^la Manzoc-
Nouvelles étrangères.
chi et le ténor Poggi. Le Crociato lui a succédé, et n'a pas
Odessa. Le théâtre italien de cette ville vient d'être produit tout l'effet qu'on aurait pu en attendre, à cause
réorganisé d'une manière plus brillante que par le passé d'une indisposition de \a prima donna. UElisa e Claudio a
par le directeur M. Fiorini, Ua bon choix de chanteurs, été retiré de la scène après trois représentations, par or-
parmi lesquels on remarque la signora Paolina Slonti- dre supérieur, et la reprise de l'opéra de Bellini, I Mon-
celli, le contr'alto Marietta Cararo, le ténor François tecclii e Capulett n'a point réussi ;\ cause de la faiblesse de
Gumirato, le basso cantante Faltrinieri et le bouffe Bor- moyens d'ÉUsa Orlandini, qui succédait à M"" Maraffa-
tulucci ; un orchestre composé en grande partie d'ar- Fischer, dont le départ pour l'Allemagne a misla direc-
tistes italiens, au nombre desquels on cite le directeur tion de ce théâtre dans un grand embarras.
de musique Joseph Ronzoni, le premier violoncelle Be-
noît Strinasacchi , le premier hautbois François Ghirar-
doni, les premiers violons Dugnazzi et Casati , et la
Publications étrangères.
première viole Charles Lavelli. Le premier trombone Die Flibdstier (le Flibustier, opéra en 3 actes, musique
est un Français nommé Demin ; c'est un homme de de J.-C. Lobe, musicien de la cour du grand-duc de
beaucoup de talent. L'ouverture du théâtre a eu lieu le
Saxe-Weimar), partition pour le piano. A Leipsick,
chez Breitkopf et Hcrtel.
14 juin dernier par l'opéra de Vaccai Gialietta e Romeo.
Le début de la signora Carraio dans cet ouvrage fut d'a- Lesjournauxallemands ont parlé avec éloges de cette
268 REVUE MUSICALE.
composition de la nouvelle école , et nous avons résumé mune, mais n'est pas exempte d'un peu de vague, el
ce qu'ils en ont dit : aujourd'hui nous avons sous les plusieurs phrases paraissent manquer de terminaison.
yeux la partition , et nous pouvons juger, sinon de tout Le finale est fort court ; ce n'est pas un des meilleurs
le mérite qu'il peut y avoir dans la facture, au moins de morceaux de l'ouvr.'ige.
Ja nature des idées de M. Lobe et du degré d'originalité Le duo n° ;•, entre Alonzo et Marie, renferme de jo-
de sa partition. Nous croyons que les amateurs ne Ver- lies phrases et des effets d'une bonne harmonie , mais il
ront pas sans intérêt quelques lignes d'analyse sur cet manque de liaison dans les diverses parties et a quelque
ouvrage. chose de vague et de décousu. L'air d'Alonzo , n"8, lui
Au premier aspect, on r<:connaît que M. Lobe est est bien supérieur, soit sous le rapport de la mélodie,
élève de l'école allemande créée par C.-M. deWeber, soit sous celui de la conduite des idées. La scène de
mais non dans un système d'imitation complète de la Morgan avec les flibustiers renferme de fort belles
manière de ce compositeur, car bien des traits font re- choses, surtout dans le dernier mouvement qui est plein
connaître aussi du penchant à opérer entre celte école de verve et d'énergie. On regrette que la romance de
de nos jours une sorte de fusion. Ainsi,
et l'italienne Marie ne soit pas d'une mélodie plus gracieuse et sur-
bien que de certaines modulations et des harmonies un tout plus variée. Il en est de même du petit air de Zilia .
peu vagues, bien qu'une phrase de chant tout entière Le finale du deuxième acte est plus développé que
montrent dans l'ouverture l'origine des impressions mu- celui du premier; on y trouve des passages remplis de
sicales de M. Lobe, on ne peut s'empêcher de recon- force et d'effet. Ce morceau doit avoir beaucoup de cha-
naître dans le début de l'allégro du même morceau les leur à la scène.
procédés de la manière rossinienne. Mais comme nous Les divers morceaux du troisième acte offrent le mé-
l'avons déjà dit, ce n'est pas de l'imitation pure qu'on lange de qualités et de défauts qui se font remarquer
trouve dans la composition du Flibustier ; les idées sont dans les deux premiers; mais en général cette compo-
évidemment de M. Lobe; le système seul appartient à sition fait beaucoup d'honneur à M. Lobe, et le classe
son époque, et le système est un composé des manières parmi les compositeurs distingués de l'époque actuelle
allemande et italienne. en Allemagne.
Le premier chœur de dans l'introduction a
flibustiers
AGENCE GÉNÉRALE DE LA MUSIQUE.
de la force et de la couleur locale, et le rhythme eu est
riANO A VErîDTlE.
fort dramatique. Ce chœur est en si mineur; autant A vendre un 1res l)on piano vertical {piano-cabinet) de Eroridwood
qu'on peut en juger par une partition réduite pour le Prix; 000 fr. (SO).
à Paris, désirerait aller en province, dans une ville où l'on peut lui
estbeaucoup plus dans le système allemand que le reste.
assurer ene clienlcUe nombreuse, et dont les ressources musicales fus-
Cette scène est vivement dialoguée; il est difficile de
sent telles qu'elle put y trouver ce qu'elle quilterait à Paris. (SI)
juger son effet ailleurs qu'à la scène. Le mouvement en ruBi,icATio2rs sors pbesse
neaf-lmit qui vient ensuite est d'un fort bel effet et a de Pour paraître au premier janTier iSSs.
l'originalité non-seulement dans la mélodie, mais dans Annuaire musical pour l'année 1852, par M. Fétis; 1 vol. inl8.
hier. (Sô)
de l'intérêt. Le seul reproche qu'on peut faire à M. Lobe,
Au bureau de l'Agence générale de la musique rue du Helder,
, 1 3
mais ce reproche est commun à tous les compositeurs
Le duo n° 3, entre Alonzo et Morgan, a moins d'in- Adam. Mélange pour piano, sur les motifs àti Philtre. — 6 fr.
que le morceau précédent. M. Lobe montre dans Karr. Fantaisie pour piano , sur un motif du Philtre. —S fr.
térêt
première partie de son ouvrage un peu trop
Chaclieu. Rondo pour piano, sur un motif du Philtre. — 6 fr.
toute cette
A Paris, chez E. Trocpesas, rue Saint-Marc, n. 23, et à ï Agence
de penchant à se servir des divisions ternaires de la me-
générale de la musique , rue du Helder, n. 13.
sure.
IMPBIMEEIE DE DUVEBGEE, Bl'E DE VEEKEtlII,, H° 4-
La mélodie de l'air de Mario est gracieuse et peu com- E.
REVUE MUSICALE,
V"' AN"XÉ1=:.
PUBLIEE PAR M. FÉTIS. N» 34.
tionnemens à des choses connues. Malgré l'interruption giques sur les cordes, M. Dizi voulut essayer d'augmen-
des travaux, causée par la révolution de i83o, celle-ci ter leur résistance en les doublant d'un bois de qualité
n'a pas été stérile. différente dont les fibres fussent transversales à celles de
Plusieurs instrumens, tels que le hautbois, les cors et la table supérieure. Tout semblait devoir s'opposer au
trompettes, et les instrumens à archet, offrent des sys- succès de cet essai; car, outre la difficulté de conserver
tèmes complets depuis les sons les plus aigus jusqu'aux la vibration libre ù une table accolée à une autre, la
plus graves. Ainsi le hautbois, le cor anglais, le basson colle interposée entre les deux tables semblait devoir
et le contre-basson forment une famille d'instrumens, à interrompre cette vibration; néanmoins le résultat des
anches isolées, dont les sons ont de l'analogie depuis les recherches de M. Dizi fut un instrument supérieur, sous
plus bas ou les plus élevés. Il en est de même des instru- le rapport du volume de son, à ce qu'on possédait.
mens ù archet, qui, depuis le violon jusqu'à la contre- La même découverte, appliquée par M. Pleyel aux
basse, présentent une suite de sons analogues. La clari- tables des pianos, lui a tait trouver les moyens de cons-
nette, jusqu'ici, n'a point offert le même avantage aux truire des instrumens exceilens, surtout sous le rapport
compositeurs. Mijller avait inventé, il est vrai, une cla- de la pureté et de l'égalité des timbres.
rinette alto qui a été perfectionnée par M. Simiot de M. Pape, l'un des meilleurs facteurs de pianos de
Lyon, mais on s'était arrêté à cette variété de l'instru- Paris, avait mis à l'exposition des produits de l'indus-
ment. Un habile facteur de Gœtlingue, nommé Streit- trie, en 1827, de grands pianos où le mécanisme (l<;
wolf, vient de compléter le système par une ctarinelie- l'instrument était placé au-dessus des cordes, en soile
violoncelle et par une clarine Ite-conirebasse, qui ont à peu que, n'y ayant pas de nécessité do séparer la table du
prés l'étendue des instrumens à cordes dont ils portent sommier pour laisser un passage aux marteaux, le piano
les noms, et qui se jouent avec fucililé comme la clari- avait acquis un plus grand volume de son, et en même
nette ordinaire. Il y aura de beaux effets à tirer de ces temps plus de solidité. Depuis lors M. Pape n'a cessé
clarinettes réunies à celles qu'on possédait déjà. Il pa- de travailler ù perfectionner son procédé, et il est par-
raîtque M. Streitwolf n'est pas le seul qui se soit oc- venu à fabriquer des pianos <|iii peuvent soutenir la
cupé des clarinettes basses; on assure qu'un amateur comparaison avec les meilleurs instrumens, sous le rap-
de Paris en a fait construire qui se jouent aussi avec fa- port du son. La grande diflicullé que le facteur ait à
'C^^4
270 REVUE MUSICALE.
vaincre dans les pianos dont le mécanisme est au-des- suivant les principes de son oncle, fabrique d'excellens
sus des cordes, est la lourdeur du clavier, défaut qui instrumens dans ces deux genres. Dans ces derniers
paraissait irrémédiable, parce que l'on est obligé d'em- temps M. Erard a donné particulièrement ses soins à~la
ployer des ressorts qui t'ont résistance pour ramener les fabrication des grands pianos, d'après les dernières et
marteaux en l'air : quelques artistes avaient même dé- importantes découvertes de Sébastien Erard, et les ré-
cidé que la difficulté était invincible ; néanmoins M. Pape sultats de ses travaux ont été de fabriquer des instru-
vient de la vaincre de la manière la plus heureuse, en mens qui l'emportent de beaucoup sur tous les pianos
appliquant le système du mécanisme en dessus aux pia- anglais, et même
sur ceux de Broodwood, dont la répu-
nos carrés. Dans ces pianos, la disposition des cordes tation était grande auparavant. L'un de ces pianos,
si
est telle ,
que le tirage est presque direct; en sorte que construit pour la duchesse de Berri , a été transporté en
l'instrument ne fatigue pas et a la plus grande solidité, France, acquis par M. ïroupenas, et a excité l'admira-
bien que le fond soit ù jour, que le dos de l'instrument ou entendu. M. Erard
tion des artistes qui l'ont joué
soit fort léger, et qu'il n'y ait point de barrage en fer. vient de se fixer à Paris pour établir dans sa fabrique de
Le son est presque égal ù celui d'un grand piano, et, celte ville des instrumens du même genre. Tout nous
par des moyens de l'invention de M. Pape, le clavier répond de son succès.
est devenu facile et léger comme le serait celui d'un Les perfcctionnemens apportés dans la fabrication
piano de Vienne. Un pareil résultat est de la plus haute des pianos de tout genre, par plusieurs de nos artistes,
importance, car il donne aux consommateurs les moyens n'est pas d'une médiocre importance , car ils ont af-
de se procurer d'excellens instrumens d'un petit vo-, franchi la France du joug de l'étranger dans cette
lume, légers, solides et agréables au toucher, pour un branche importante de l'art musical. Il n'y a pas long-
prix très inférieur à celui des grands pianos. temps encore que les grands pianos et les pianos verti-
Continuant ses recherches sur les principes acous- caux anglais étaient considérés comme les meilleurs du
tiques de la construction des instrumens à clavier, monde, et que les amateurs distingués faisaient venir à
M. Dietz, dont l'esprit d'invention s'est fait avantageu- grands frais de ces instrumens de Londres. Aujourd'hui,
sement connaître par son polyplcctron et son aereplionc l'on est forcé de reconnaître la supériorité de la facture
u fait nouvellement d'heureux essais dans la fabrication française, sous plusieurs rapports, et l'on trouve à Paris
des pianos de diverses formes, et le succès le plut le double avantage de se procurer d'excellens instru-
complet a couronné ses efl'orts, particulièrement en ce mens et de les obtenir pour un prix très inférieur ù ce-
qui concerne les pianos verticaux, auxquels il est par- lui que coûteraient ceux qu'on tirerait de l'Angle-
venu à donner un son moelleux, pénétrant et volumi^r terre. Cette conquête n'en est pas une seulement sous
neux, malgré le peu d'élévation de l'instrument, élé- le rapport industriel et cominercial ; elle est de la plus
vation qui est si peu considérable, que le piano ne haute importance sous celui de l'açt.
dérobe nullement la vue du chanteur qu'il accompagne. Dans celte revue que nous venons de terminer, nous
A ces avantages se joint pour ces pianos celui d'èlrc avons tâché de ne rien négliger de ce qui intéresse les
d'un prix fort peu élevé. progrès de la m\isique, sous quelque aspect qu'on veuille
M Dietz a fait aussi une heureuse application de son la considérer.
joli instrument appelé aerephone, en l'adaptant à la par-
tie inférieure des grands pianos, de manière à pouvoir
être joué par la main droite, tandis que la gauche ac-
compagne sur le piano, ou à pouvoir dialoguer avec
DE (^ÏELQUES POEMES SDR LA MUSIQtlE.
celui-ci. On sait que l'aerephonc est un instrument qui
imite avec perfection le son du hautbois et du cor an- La musique a été l'objet de beaucoup d'éloges et de
glais, et qui, comme ces instrumens, est susceptible critiques; mais les éloges l'emportent et pour le nom-
d'expression. bre et pour là qualité des écrivains, et le catalogue rai-
La perte que l'art musical a faite récemment, en la sonné de tout ce qui a paru sur cette matière, soit en
personne de M. Sébastien Erard, de l'homme qui fut prose, soit en vers, formerait presque un volume: je
doué du génie le plus universel dans la construction des ne veux parler ici que des poèmes , qui ne sont pas tous
instrumens, a ramené parmi nous M. Pierre Erai-d, son purement des éloges, et dont quelques-uns sont didac-
neveu, qui dirige depuis plusieurs années la grande ma- tiques»
nufacture de harpes et de pianos à Londres, et qui, en Le plusantien poète auquel on doit des morceaux en
B EVUE MUS ICALE. 271
vers sur la musique en général et particulièrement sur de l'empereur et avocat ordinaire du duc de Saxo-
celle de son temps, est l'Anglais Chaucer, qui, sans Weiraar, publia sous le titre de Lob der edlen Musik
avoir écrit de poème spécial sur cet art, a décrit les (Louange de la musique sacrée), Weimar, imprimé
concerts et les instrumens de l'époque oi'i il vécut dans par Jean-André Muller, 1696, petit in-8°. L'ouvrage
de longues tirades de ses divers ouvrages, et particu- est précédé d'une épîlre dédicatoire au ducde 'Weimar,
lièrement dans sa Cour d'Amour, dans son poème de de vers latins et allemands à la louange de Lorber, par
Troilus et Créseide , dans son conte du Meunier (Mil- Erhard Weighel , Salomon Franck et Elle Binder, ainsi
ler's Taie ), dans sa Maison de la renommée , cl dans son que d'un acrostiche en vers allemands sur les noms de
Pardonner's Taie. On sait que Chaucer, l'un des pre- Jean-Christophe Lorber. Le poème forme soixante -six
miers fondateurs de la poésie anglaise, naquit à Lon* pages, et contient dix-huit cent trente-deux vers. Il est
(1res en i528, et passa plusieurs années en France et suivi de notes qui s'étendent depuis la page soixante-
dans les Pays-Bas, où il recueillit les poésies des mé- neuf jusqu'à la page cent douze du volume. S'il est per-
nestrels, des trouvères, et paiticulicrement des poètes mis àun étranger de juger de la poésie allemande, je
provençaux qu'il affectionnait. Il est vraisemblable dirai qu'il m'a semblé que celle de Lorber est bien lourde
qu'il êl passer quelques-unes de leurs descriptions de et ne brille pas par l'harmonie. A la page cinquante-
la musique dans sa langue. Il mourut en ]4oo. Buriiey trois, on trouve vingt-huit vers qui ne sont composés
(A General Ixisiory of Masic. t. Il, pag. S^-S-SSo), et que par la combinaison de noms propres de composi-
Hawkins (^History of tlie Science and practice of Muslc teurs, sans aucun mélange d'autres mots.
t. II, 8i-io5) ont rapporté quelques fragmens relatifs Un poème, ou plutôt une épître de trois cent seize
à la mnsique tirés des poèmes de Chaucer, avec des vers sur lamusique a été inséré dans la collection des
notes pour l'explication des vieux termes anglais de cet Deliciœ poeiarumGermanorum, sans nom d'auteur. Cet
art. ouvrage paraîi. être ancien. On n'y trouve rien qui an-
iVIais ce n'est pas des simples fragmens en vers que je nonce quelque talent poétique dans son auteur, et je
veux parler; s'il fallait citer tout ce qui a été fait en ce doute que ce morceau ait jamais fait les délices de per-
genre, il faudrait remonter dans l'antiquité la plus re- sonne.
culée, parler d'un grand nombre de poètes grecs dont En 1704, le P. Lefèvre (François-Antoine), jésuite,
les oeuvres sont parvenues jusqu'à nous ou dont les vers publia un poème latin en quatre chants, sous le titre de
épars se retrouvent dans Athénée, dans l'Anthologie et Musica Carmen, in-12, de vingt-trois pages. Le Journal
en beaucoup d'autres endroits. Le moyen-âge fourni- des Savans de la même année en a fait une analyse
rait aussi sa moisson. Les poésies macaroniques de Théo- (pag. 1065-69), et le Journal de Trévoux (décembre
phile Folengo, connu sous le nom de Merlin Cocaie, 1704, pag. âo48) lui a donné des éloges qu'il mérite
et la foule obscure des poètes latins modernes présen- sousle rapport de l'élégance de la versification latine.
teraient des multitudes d'épigrammes et d'odes, dont Ce poème a été réimprimé dans le recueil dé l'abbé
Jean de Holtheuzer a réuni quelques-unes à la fin de d'Olivet, intitulé : Poemata Didascalica, Paris, i749j **
son Encomiam Musicœ. Je mentionnerais surtout l'ode dans la Collection qui a pour tkre: Scella dipoemi latini
célèbre de Dryden sur le pouvoir de l'harmonie; mais délia comp. di Giesu,Venise, 1749- On y trouve à la fin
je veux me borner ici à parler des ouvrages de ce genre une comparaison du caractère des deux musiques ita-
qui ont quelque étendue. lienne et française du temps où l'auteur écrivait, assez
Je viens de citer Jean de Holtheuser. Je ne connais bien sentie et bien exprimée. Une traduction française
son poème que par la citation qu'en a faite Forkel, qui du poème du P. Lefèvre, par Grainville se trouve à la ,
paraît l'avoir vu, par la description qu'il en donne. Ce suite de la traduction du poème d'Yrïart^; sur le même
poème, qui est un éloge de la musique prononcé dans sujet, par ce littérateur.
l'université de Wittenberg, est intitulé : Encomium Mn- M. de Serré ou de Seré de Rieux, conseiller au par-
sice , artis antiq uissimx et Uivince carminé ekgiacco scrip- lement de Paris, donna, en 1714» un poème français
ium et recltatum in ceteberrima Acadsmia JVitUbergensi sur la musique en forme d'épître, divisée en quatre
in prœlectione musicœHenrici Fabri. Anno i55i, -26 april. chants. Ce poème parut d'abord à La Haye, sans nom
Erfurl, i55i, quatre feuilles in-4°- Je ne connais éga- d'auteur, et fut réimprimé dans la même année à Lyon,
lement que le titre du Carmen de Musica de Sébastien in-4° de trente-deux pages ( Voy. les Mém. de Trévoux,
PichseUius (Spire, i588, in-8"). Après ces poèmes avril1734, p. 65a, et 1716, p. 606). Il fut bien reçu
du
vint celui que Jean-Christophe Lorber, poète couronné public , et les journaux en parlèrent avec éloge. L'au-
272 REVUE MUSICALE.
tour y parle avec assez de goût, pour son temps, de la primerie royale, gr. in-S". La troisième a paru daii.< I.'
musique en général, de la musique italienne et de la même ville_ en i78f), petit in-4°, et la quatriètne a éli
musique française en particulier, et passe en revue les faite à Burgos en 1809, in-12. Cet ouvrage, où brifli
principaux musiciens de l'époque où il écrivait. Eni734, une versification facile el riche d'images, est l'ouvragt
M. de Seré retoucha son poème qui fut réimprimé à d'un hoinme qui connaissait bien l'art dont il parlait.
Paris avec les changomens. 11 commence par ces vers : Le premier chant traite des élémens de la musique en
Je cliaiile l'ait des sons el le divin génie général; le deuxième est relatif à l'expression musi-
Qui daigna sur la terre apporter l'iiarmonle, cale, le troisième est intitulé: De l'usage et deladigniié
Et qni, par un concours de flexibles ressorts, de la musique; le quatrième traite de la musique de théâ-
Du coucerl dramatique étala les trésors.
tre, et le cinquième, de l'usage de la musique dans la
Plusieurs parties de ce poème ne sont qu'une traduc- société et dans la retraite. Les notes qni accompagnent
tion de celui du P. Lefévre, mais une traduction para- le poème, bien qu'elles ne soient pas exemptes d'er-
phrasée et fort élégante. reur, ont de l'intérêt sur ce qui concerne quelques mu-
Le poème sur la musique de M. de Seré de Uieux siciens espagnols. Les papiers autographes relatifs au
fut publié avec celui de la Chasse au cerf, sous ce titfe : poème d'Yriarte, ses notes et ses brouillons existaient
Li-f: Doni: des enfans de Latonc , Paris, 1^34, in-8°. naguère dans la bibliothèque de M. Gohier, ancien
Un autre poème intitulé : VOrigine des spectacles en membre du directoire, et ont été vendus après sa mort
musique, a paru La Haye en i^S^jin-ia. L'auteur de
à avec sa bibliothèque . au mois de mars i83i ( Voyez son
ce poème est resté inconnu , et Barbier ne l'a point in- Catalogue n° 2454)- En 1789, l'abbé Antoine Garzia a
diqué (inis son Dictionnaire des Anonymes. L'ouvrage publié à Venise (nella stamperia di Antonio Curti, gr.
débute par ces vers : in-8°] une très bonne traduction du poèine d'Yriarte
Vous vci ral-je toujours d'un esprit prévenu sous le litre de La Musica poema di D. Tommaso Iriarle
lllilmcr un guiit , Daniis, à vous même inconnu ? tradotto dal Castigliano. y a joint une préface intéres-
11
Tiansporlé de colère au seul nom de cantates, sante. Grainville a donné une traduction française du
Ue nouveaux opéras de motets, de sonates,
,
même ouvrage intitulée: La Musique, poème traduit de
Tous devenez l'effroi des modernes auteurs,
l'Espagnol, de D. Thomas de Yriarte ,
parJ. B. C. Grain-
El rien ne peut contre eux modérer vos fnieuis.
ville, el accompagné de Notes par le citoyen Langlé, etc.
Après les poètnes dont il vient d'être parlé . M. iVIaz7.a Paris, J.-J. Fuchs, an VIII (1800) , in-12. Au lieu de
(
Angelo), professeur de langue grecque Parme, (it .'i
ces notes, (jui sont peu intéressantes, on regrette de ne
)>araîlre Irois odes en un recueil intitulé: Gii cffetii délia
pas trouver dans cette traduction celles de Yriarte.
masica; Solennizandosi il giorno di santa Cecilia d'aisi- ^1. Belfour, amateur de musique anglais, a fait paraître
gnoriFUarmonici. Parme, 1776, in-8°. La troisièiue de en 1811 une traduction anglaise du poème espagnol,
ces trois odes est une traduction de celle de Uryden que
Londres, gr. in-8'', édition de luxe fort soignée et ac-
Handel a mise en musique sous le titre de The Alcxan- compagnée d'une bonne préface.
der's Fest. Une autre
traduction en vers italiens de la Marinontel est auteur d'un poème en douze chants
même ode a été publiée depuis par M. D. G. Indelicato, sur la musique, intitulé: Polymnie ; mais on ne peut
professeur de langue et de littérature italienne, sous le
guère considérer cet ouvrage comme un poème didac-
titre de La festa di Alcisaudro ovvcro il poter dclla ma-
:
tique : il appartient plutôt au genre satirique parce
sica. Ode di Dryden, ed Allri saggi di poesia ingtese, re- qu'il est la musique de Gluck et
surtout dirigé contre
caii in versi iialianl, coi testi a fronte. Paris, J.
Didnt ses admirateurs. y prend avec chaleur la défense de
Il
1827, in-18. Le Pouvoir de l'harmonie, poème lyrique de Piccini contre ceux-ci. Ce poème, où l'on trouve plus
Uorat, n'est aussi qu'une traduction en vers de l'ode
de force que dans les autres ouvrages en vers de Mar-
lie Dryden.
montel était connu depuis long-letnps, mais seulement
,
De tous les poèmes qui ont été écritssur la musique, par des fragmens, lorsqu'il fut publié à Paris en entier
lepins célèbre est celui du poète espagnol Yriarte.
Ce après la mort de l'auteur, en 1819, in-S", sur une copie
poème, divisé en cinq chants, fut publié à Madrid sous que l'éditeur s'était procurée ; mais presque toute l'édi-
le titre de La Musica, poema, et fut impritné avec luxe Mar-
tion fut aussitôt supprimée , à la demande de 51.
en 1779, in-8°, fig. Cette première édition
peu tirée à
, montel fils.
d'exemplaires, est fort rare et très estimée. La deuxième,
En 1 81 1 , parut un poème didactique sans nom d'au-
qui est aussi a.'îsez belle, a été imprimée en
1784 à l'im- teur, intitulé: LaMusique, poème en quatre chants. Paris,
REVUE MUSICALE. 273
1811, Le Normant, gr. in-8" de cent trois pages , avec compositeurs et beaucoup d'artistes de tout genre y ont
une préface. Barbier nous apprend dans son Diction- assisté.
naire des Anonymes (n" 12,245) que ce poème est de Né à Montpellier, le 4 août 1780, M. Nourrit (Louis)
M. Bordenave, et l'éditeur nous apprend que l'ouvrage fit ses premières études musicales comme enfant de
fut écrit en 1798. On le croirait composé vingt ans plus chœur dans l'église collégiale de sa ville natale, et vint
tût, car l'auteur s'arrête à Gluck comme compositeur, à Paris, en 1796, pour les terminer*. Admis comme
à Rameau et à J.-J. Rousseau comme théoriciens et cri- élève au Conservatoire, le 3o floréal an (1802), il X
tiques. Toute sa doctrine à cet égard est renfermée dans reçut d'abord des leçons de M. Guichard; dans l'année
ces deux vers qu'il adresse au jeune musicien; suivante (4 messidor an XI) il passa sous la direction de
Lis, médite long-temps les écrits de Kameaii Garât, qui, charmé de la beauté de sa voix de ténor, lui
Choisis Gluck pour modèle, et pour juge Rousseau, donna des soins assidus, et en fit un de ses élèves les
deux autres, de s'est cependant achevée que plus de vingt ans après.
la musique de théâtre.
Plusieurs autres rôles chantés par Nourrit, entre autres
En 1794» un petit poème sur la musique a été publié
à Modéne sans nom d'auteur, sous le titre àe La mu- celui d'Orphée , achevèrent de montrer sa supériorité,
aica, poemeito, in-8°. Je ne connais cet ouvrage que par comme chanteur, sur les autres acteurs de l'Opéra. Mal-
duré cinq mois. Les obsèques de cet homme estimable et que la faute pourrait faire croire qu'il élail âgé de vingt aos de
ont eu lieu le lendemain 24; des gens de lettres, des plus qu'il n'avait réellement.
274 REVUE MUSICALE.
Devin du village, de Deuialy dans les Bayadéres, etd'Ala. dont on a dit tant de bien. La pièce est montée avec
din dans la Lampe, merveilleuse. Jusque dans les derniers luxe; M. Véron, homme d'esprit et de goût, y mettra
temps il conserva le joli timbre de son organe. Cepen- sans doute tous ses soins.
dant, ayant senti de l'affaiblissement dans ses moyens,
il se retira en 1826, et obtint la pension qu'il avait ga- THÉÂTRE ITALIEN.
gnée parTingt-un ans de services. Depuis lors M. Nour-
Otello, opéra en deux actes, musique de Kussiui.
riti vivait une partie de l'année dans une campagne à Mme Pasta. — Rubini.
linéiques lieues de Paris. Lorsque les émeutes courent la ville, les paisibles
11 laisse deux fils qui suivent la même carrière que amateurs de spectacles et de musique se renferment
lui: l'aîné (Adolphe), héritier de sa jolie voix, et doué chez eux, et les entrepreneurs des plaisirs du public
de beaucoup plus de chaleur et d'expression dramati- sont ruinés. Rien ne résiste à ces tristes symptômes des
ques, jouit de toute la faveur du public; le plus jeune discordes civiles : les réunions d'artistes les plus satis-
(Augustin) a débuté à l'Opéra-Comique eu 1828, après perdent leur attrait;
faisantes la peur et le malaise
avoir joué dans les départemens et. depuis lors, est triomphent de l'attraction des talens
,
les plus remar-
passé en Hollande, où il a été pendant quelque temps quables. Rien assurément de plus séduisant que Tan-
directeur du théâtre d'Amsterdam. crcde chanté par Mme Pasta, Rubini et Mme Tadolini ;
c'était une aflluence comnae pour une tête couronnée; (le musique est devenu désert. Alors il a fallu que l'ad-
mais aussi c'est une puissance que la première danseuse ministration du Théâtre Italien cherchât autre chose, et
du premier théâtre de l'Europe; car ce serait folie de elle nous a donné VOtello , autrefois i^n des triomphes
vouloir contester ce double titre. C'est quelque chose de Mme Pasta, et non moins fuvorable aujourd'hui au
que de régner en maître sur un public qu'on façonne à développement de son beau talent.
sou gré, auquel on commande, et qui obéit ; auquel on Deux manières différentes de concevoir le rôle de Des-
dit viens, et qui vient ;
qui se presse, se foule, s'étouffe, demona ont été remarquées autrefois dans Mme Pasta.
se tue pour venir. Quel est le roi, je vous prie, qui La première précéda ^es voyages en Angleterre. Alors
commande ainsi l'enthousiasme, le délire? Les rois cette grande actrice donnait à ce rôle un caractère de
paient les acclamations : on achète le droit d'applaudir mélancolie douce et pénétrante; plus tard, elle y mit
une actrice. plus de véhémence et d'énergie. Egalement bien dans
Rien n'y manquait; plumes, diamans, perles, gaze ces deux manières , elle y jetait des beautés d'un ordre
légère; femmes aux cheveux parfumés, aux blan- supérieur. C'est la deuxième que Mme Malibrau a imité
ches mains, aux bouquet» enivrans ; applaudissemcns depuis en l'exagérant parfois, quoiqu'elle y ait aussi
bruyans des hommes; applaudissemens de roi : ceux-ci mérité de justes applaudissemens sous le rapport de
sont plus tranquilles. Don Pedro assistait à cette repré- l'action dramatique. Aujourd'hui, Mme Pasta a encore
sentation. modifié son talent dans ce beau rôle de Desdemona.
Mlle ïaglioni a été ravissante de grâce et de légèreté: Choisissant avec un goût exquis ce qu'il y avait de meil-
.lussi c'était étourdissant les bravos et les battemens de leur dans ses diverses manières de jouer ce rôle, elle y
mains. joint aujourd'hui une simplicité, une vérité qui sont le
M. Dérivis fils a continué ^es débuts dans le Comte comble de l'art. Ce qui me parait surtout en elle digne
Ory. Ce jeune homme a pris plus d'assurance qu'à son d'une profonde admiration , c'est l'harmonie qui règne
premier début, et ses qualités de chanteur sont placées entre ses gestes, ses regards, l'accent de sa voix, sa dé-
dans un jour plus favorable. Son succès n'a pas été marche et son chant. Tout concourt à un ensemble ho-
incertain. mogène , rien n'y a l'apparence de la machiiie théâtrale,
Les répétitions à^Robert le Diable se font activement. de la mécanique à effet: c'est comitie cela que Desde-
Le public est impatient d'entendre cette composition mona doit parler et agir: ce sont ces sentimens qui doi-
REVUE MUSICALE. 275
vent l'agiter ; c'est ainsi qu'elle doit pleurer et se plain- Schroeder-Devricnt débutera au Théâtre Italien. Labla-
dre. Enfin c'est la nature, c'est-à-dire la perfection. cbe jouera le rôle de Don Juan, Rubini celui de Don
Heureusement bien disposée, surtout à la deuxième Ottavio , et Siiutini celui de Leporello.
représentation. Mme Pasta a chanté avec un goût ex- — L'ouverture du théâtre de l'Opéra-Comique aura
quis sa cavatinc, les deux finales des premiers actes et lieu déoidémenl le 5 octobre par Le Livre de l'Hermite,
tout le troisième. Lors même que sa ?oix est rebelle et opéra de MM. Planard et Cnrala, puis on reprendra
n'obéit point à sa volonté, la pensée de son chant, l'ins- Zampa, dont le public a été trop tôt privé, et enfin peu
piration qui lui dicte lesornemens dont elle l'accom- de jours après l'ouverture, aura lieu la première repré-
pagne ont quelque chose de si élevé, que l'auditoire sentation de la Marquise de Brinvilliers , opéra en trois
éprouve encore un vif plaisir. actes.
Rubini est plein de verve dans le rôle d'Otello. La
puissance de ses moyens y trouve un vaste champ à des Nouvelles étrangères.
effets que lui seul est en état de produire. Sa fertile ima-
La Zaira de Mercadante a été jouée au théâtre Saint-
gination lui fournit des traits hardis qu'il exécute avec
Charles, à Naples, avec succès. Les principaux chan-
h sûreté d'un grand chanteur qui a vaincu toutes les
teurs dans l'ouvrage étaient Mme Ronzi-de-Begnis, Eon-
difficultés. Peut-être abuse-t-il un peu de sa facilité par
figli et Tamburini. Les acteurs et le compositeur ont
la profusion de ses fioritures; mais il les exécute si bien
été rappelés plusieurs fois sur la scène. On s'accorde à
qu'on lui pardonne facilement l'abus qu'il en fait quel-
donner des éloges à l'habileté que Mercadante a dé-
quefois. L'effet qu'il produit dans sa cavatine, dans Je
ployée dans son opéra plutôt qu'à la nouveauté des
finale du premier acte et dans les belles scènes du
idées et à Pimagination. Nous donnerons dans un de
deuxième , est prodigieux; il y fait comprendre que ce
nos numéros prochains quelques détails sur cette par-
n'est point à tort que l'Italie le considère comme le pre-
tition.
mier de ses chanteurs. Bientôt nous l'entendrons dans
le Pirate; c'est là, dit-on que son habileté et la beauté
LaVedova scaltra, représentée dans la même ville sur
,
!e théâtre Nuovo, n'a pas été bien accueillie. La musique
de ses moyens se déploient dans toute leur magnifi-
nouvelle composée sur cet ouvrage par le maestro For-
cence.
Bordogni, qu'on disait engagé à Turin, est rentré au
nasini est faible. Elle a été sifflée à la première repré-
, supportée à la deuxième, et applaudie aux
sentation
Théâtre Italien pour y jouer le rôle du rival d'Otello. Ce
deux suivantes. L'instrumentation a paru de meilleur
rôle ingrat exige des moyens, parce qu'il faut lutter avec
goût que la partie vocale. Les chanteurs étaient Ta-
un chanteur tel que Rubini dans le deuxième acte; on
cenna, Rossi Galliani, Casacciello et la signera Tavola.
conçoit que, sous ce rapport , Bordogni laisse beaucoup
Après quatre représentations, cet opéra a été retiré
à désirer; pourtant il s'est évertué et a chanté avec plus
et remplacé par l'Olivo e Pasquale, qu'on revoit toujours
de chaleur qu'on n'avait lieu de l'espérer.
avec plaisir.
J'ai déjà parlé de M. Forgas, jeune homme sorti du
On prépare un nouvel opéra du maestro Gagliardi,
Conservatoire, qui s'est produit dans un rôle secondaire
intitulé le due Gemelle. Cet opéra est tiré de l'ouvrage
iTJnna Bollena. Dans Oiello il est chargé de celui de
de M. Planard, les deux Sœurs jumelles, qui
fut mis en
Jago, beaucoup plus important et plus difficile. Sans y
musique en 1 823 par M. Fétis,et représenté avec succès
être tout-à-fait à l'abri du reproche sous le rapport de
au théâtre de l'Opéra-Comique.
la scène, il a fait preuve d'intelligence, de hardiesse,
Par décret du roi de Naples, l'entreprise des théâtres
et s'est fait applaudir, même comme chanteur, dans le
royaux, dirigée par Barbaja , doit cesser à Pâques,
duo du premier acte. Avec de la persévérance, de l'é-
en i853.
tude, et un voyage d'Italie, ce jeune homme se posera
quelque jour d'une manière avantageuse au théâtre.
Otello sous le rapport de l'ensemble est bien exé-
Publications étrangères.
, ,
cuté par les chœurs et par l'orchestre. On s'occupe beaucoup de l'art du chant en Allema-
— Le début de Mme Caradori aura lieu ce soir, dans gne dans ce moment, et surtout du chant appliqué à
le rôle de Rosine du Barbier de Séville. Cette cantatrice des réunions de voixd'hommes ou de femmes. Un grand
distinguée a obtenu de brillans succès à Londres et en nombre d'ouvrages a été publié sur ce sujet depuis plu-
Italie. sieurs années. Nous offrons ici à nos lecteurs les titres
On dit que Don Juan sera l'opéra dans lequel Mme des dernières publications de ce genre :
27e REVUE Ml'SICALE,
BreidensUin, H. K. Praklische Singschule, enthaltend Pour tes hommes, — III. Classe de uotation musicale
melhodisch geordnete Uebiingen fur Slinimbildung, et de solfège, les lundis, mercredis et vendredis, de huit
Takt und Notenlreffen , nebst einer Auswahl rnehrstim- à neuf heures du soir. Prix: 20 fr. — IV. Classe de vo-
miger Gescenge fiir weiblichc Stimiiien. ( Méthode pia- calisation et de chant. On con-viendra pour le prix et
lique de chant, contenant des exercices gradués de vo- l'heure de cette classe.
calisation, de mesure et d'intonation; suivi d'une choix
l'iAwo ET HARMONIE SIMULTANÉMENT M.
de chants ù plusieurs parties, pour voix de femme.) — (Prof., Franç. .StœpcI.)
Deux livraisons. A Bonn, chez Mancus. Puur les dames. — Deux cours élémentaires , les di-
mentar-MusikschuIe,
Deux cours de perfectionnement, les lundis, mercre-
vorii'iglich berechnet fiir den Ge-
dis et vendredis, de midi et demi à deux heures, et les
sang. Nach Pestalozzischen Grundsaizeii verfasst. I'
L'enseignement de
Fessy. Rondo sur un motif du P/tilire. — 6 fr.
l'école comprend l'étude du piano, Labarre. Hicordanza di Paganini^ fantaisie pour la harpe, sur les
de la harpe et du chant, ainsi que la partie scientifique motifs de Paganini. — 6 fr.
de la musique. — Duo pour harpe et piano , sur les motifs des Deux Familles. —
ORDUE DES COURS. .7fr. SO c.
CiRCASsi. Six fantaisies pour la guitare, sur les motifs des opéras uou-
Cu.^NT (Professeur, M. Massimino.)
yeaux: la Muette de Portici, Comte Ory,
Pour les dames, — I. Classe de notation musicale et Tell, Fra Diaeolo, le Dieu
le
et la Bayadère. Chaque,
la Fiancée, Guillaume
—4 fr. SO c.
de solfège, les lundis, mercredis et vendredis, de onze A Paris chez E. Trodpekas, rue Saint-Marc
, , n. 23, el à ïAgence
heures à midi et demi. Prix: 20 fr. — IL Classe de vo- générale de la musi^tte^:: rue du Helder, n. 15.
calisation et de chant. Pour cette classe, le professeur
conviendra avec les «lèves du prix et de l'heure. IMPHIMEBIE nE E. DBVERGEH, Rt'E DE VEUSEXIIL, N" 4-
REVUE MUSICALE,
V" AriINÉE. PUBLIÉE PAR M. FÉTIS. N» 35.
remarque un enchaînement de faits, depuis l'antiquité musique des Orientaux, que ceux-ci n'ont pas plus
la plus reculée jusqu'à nos jours, et cet enchaînement l'intelligence de la nôtre , et que les fragmens qui sont
est tel que chaque âge ne fait qu'ajouter à ce qui a été parvenus jusqu'à nous de la musique des Grecs nous
fait dans les âges précédens. S'agit-il de la médecine ? semblent à peine appartenir à l'art auquel nous don-
aussitôt la pensée se porte sur Hippocrate, dont les nons ce nom. Eh comment nos
! organes pourraient-ils
aphorismes sont encore des vérités fondamentales en effet se façonner à jouir d'une musique qui, comme
malgré les progrès immenses que l'anatomie, la décou- celle des Arabes et des Persans, est fondée sur une
verte de la circulation du sang et deux mille ans d'ob- échelle diTÎscc par tiers de tous au lieu d«fr demir-tons
servations ont fait faire à cette science. Dans les mathér auxquels nous sommes accoutumés ; comment pour-
matiques, les travaux d'EucIide et d'Archimède formeiit rions-nous comprendre la mélopée des Grecs, dans la-
les premiers anneaux nécessaires de la chaîne qui con- quelle la quantité prosodique et le rhythme poétique
duit à ceux de Lagrange et de Laplace. Aristote a jeté absorbaient le rhythme musical au point de le rompre
les premiers fondemens de la psychologie ; la littérature sans cesse? Mais qu'est-il besoin de remonter si haut et
de tous les temps a vécu d'idées empruntées à Homère, d'aller si loin pour trouver des exemples de ces sys-
Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane, Démos- tèmes de musique tous différens du nôtre ? Ecoute^ un
thène, Plutarque, en un mot à toute l'antiquité. Si la barde du pays de Galles chanter ayec enthousiasme dans
peinture moderne a ajouté à celle d'Apelies et de Poly- un Eistedwood les sauvages mélodies traditionnelles dç
gnote les effets de la perspective et du coloris, elle n'est ses ancêtres,voyez le plaisir se pelqdre sur la figure
pas plus avancée sous le rapport du dessin; certains de ses compatriotes, comparez vos sensations à celles
arts, tels que la sculpture et l'architecture, sont même qu'ils éprouvent, et laissant à part la curiosité satis-
encore réduits à une servile imitation des modèles grecs, faite, dites si vous avez éprouvé autre chose que de la
et l'infériorité des imitateurs à l'égard de leurs maîtres fatigue et du dégoût. Ici, dans la musique des Orien-
est patente. taux, dans celle des Grecs, l'art vous semble impar-
La musique seule, telle qu'elle est aujourd'hui, n'a fait; mais votre jugement est une erreur. La vérité
rienemprunté des anciens, et peut être considérée que vous n'avez pas aperçue, c'est que chacune de ces
comme un art tout nouveau. Art singulier, dont le do- musiques est un art différent, qui a pour base un ordre
maine est immense , il n'est point astreint , comme ceux particulier d'idées qui n'a que peu ou point d'analogie
du dessin , à une imitation de la nature qui poserait des avec les autres.
bornes à ses effets. Il n'est pas, comme la littérature, Un fait plus remarquable encore se révèle dans l'exa-
renfermé dans un cercle d'idées qu'il reproduit d'âge en men de la musique des Européens modernes, et parti-
âge en se bornant à des modiûications de formes; selon cvilièreipent dans les productions de cet art depuis le
278 REVUE MUSICALE.
quinzième siècle. Si l'on considère les compositions de car ce fut en cherchant à faire revivre les spectacles ly-
Busnois , d'Okeghem et de Josquin Desprez , en les riques des Grecs, et surtout à retrouver les effets attri-
comparant avec ce qui existait avant qu'ils écrivissent, bués à leur musique, que Vincent Galilée, le comte de
on est forcé de rendre hommage au génie de ces artistes Vernio, et plusieurs autres hommes distingués de ce
et de reconnaître qu'ils ont eu une part glorieuse dans temps jetèrent les premières bases d'un plaisir qui est
les progrès de leur art; mais si, placé sous l'influence devenu le plus vif pour la majorité des amateurs de
des effets de la musique actuelle et livré aux préjugés musique. Bien des révolutions de goût se sont faites dans
de ses habitudes , on cherche dans les productions de la musique depuis ce temps, et ces révolutions ont en-
ces vieux musiciens des effets analogues, alors on n'é- glouti toutes les productions qui les avaient précédées.
prouve que de l'ennui à écouter ces mêmes ouvrages Cependant, chaque époque eut ses beautés; beautés
qui ont excité l'admiration la plus vive au temps oCi ils dill'érentes, il est vrai, de celles qui vinrent ensuite,
furent écrits. Cependant celte musique n'est pas comme mais qui ne sont pas moins réelles. Les airs et les duos
celle des Grecs ou des Orientaux le produit d'un art de Scarlatti, bien que vieillis dans leurs formes mélo-
étranger d celui dont on fait usage aujourd'hui; mais diques, sont fort remarquables sous le rapport de l'ori-
elle offre cet art sous un des aspects où il peut être con- ginalité des rhythmes et des systèmes d'accompagne-
sidéré. D'autres choses furent inventées par la suite, ment. Ceux de Pergolèse brillent surtout par l'expres-
l'art se perfectionna et atteignit le plus haut degré de sion des paroles. Ces deux auteurs représentent des
beauté où il pouvait arriver dans cet ordre d'idées ; époques de progrès; mais leur instrumentation, bor-
rien en effet ne peut être iîjouté dans ce genre aux per- née aux moyens les plus simples, n'est destinée qu'à
fections du style de Palestrina : il fallut s'ouvrir de nou- soutenir les voix par l'harmonie, et l'on n'y trouve au-
velles routes. cun des effets de la musique de l'époque actuelle. Bien
Ce temps où mourut ce grand homme que
fut vers le plus riches de combinaisons harmoniques, bien plus
Claude Monteverde imagina l'emploi des dissonances énergiques et plus colorées, les compositions de Han-
naturelles et changea par-là, sans le savoir, les condi- dcl et de J.-S. Bach offrent de nombreux exemples de
tions de la tonalité. C'était une série de faits nouveaux l'introduction des formes instrumentales dans la musi-
qui s'ouvrait ; c'était le vaste champ des hardiesses har- que destinée aux voix, et c'est aux ouvrages de ces
moniques avec toutes les conséquences qui devaient en deux grands maîtres que commence la fusion de ces
découler. Sous ce rapport, la révolution commenc(je deux genres, qui avaient été séparés soigneusement
par ce grand musicien vers iSgS n'est pas encore ache- jusqu'à eux. Jomelli, s'emparanl d'une partie de leur
vée, mais elle touche à sa un, car ce qui reste de coiii- système, l'introduit en Italie concurremment avec
binaisons de dissonances à faire a été récemment indi- Basse, et ces deux compositeurs créent une école nou-
qué. Pour tirer de la découverte de Monteverde tout )e velle qui fait oublier celle de Léo et de Pergolèse, et
parti possible, il fallait, à une époque où l'art du chant qui commence à mettre en vogue les effets de l'instru-
n'étaitencore fondé que sur l'ordre mélodique, avoir mentation. Viennent ensuite Piccini et Galuppi qui
recours aux ressources des instrumens c'est ce qui eut : perfectionnent l'opéra-comique et inventent les formes
lieu; et tandis que les Italiens s'amusaient à faire la des morceaux d'ensemble pour rompre la monotonie
critique de l'homme de génie, Samuel Scheidt et tous des airs. Gluck crée la déclamation lyrique , et trouve
les vieux organistes de l'Allemagne s'emparaient des une multitude d'effets nouveaux. En Italie, Paisiello,
nouveaux trésors qui leur étaient offerts et en tiraient Cimarosa et Guglielmi inventent de nouvelles formes
des effets qui excitaient l'admiration de leurs contem- mélodiques et s'élèvent plus haut que leurs devanciers
porains. Aujourd'hui, les ouvrages de l'inventeur et de dans l'expression dramatique ; ils commencent à déta-
ceux qui ont utilisé les premiers sa découverte sont cher l'instrumentation des voix et à lui donner un in-
tombés dans l'oubli, et n'existent plus que pour un pe- térêt à part. Pendant ce temps, la musique instrumen-
tit nombre d'érudits. tale s'avance à pas de géant en Allemagne ; Haydn
Une invention d'un autre genre créa, vers le même crée la symphonie; Mozart en verse tous les trésors
temps, une source de jouissances dont on n'avait pas dans la musique dramatique. Rempli d'une imagination
jusque-là soupçonné la possibilité. Il s'agit de l'opéra, riche et féconde , il invente des mélodies qui n'ont point
dont les premiers essais furent faits à la fin du seizième d'analogie avec ce qu'on a fait avant lui , et l'expression
siècle. Ici se présente le premier exemple de l'avantage des sentimens énergiques est poussée par lui beaucoup
des études historiques pour les progrès de la musique, plus loin qu'elle n'avait été auparavant ;
grand colo-
REVUE MUSICALE. 279
riste, il devine les e£fëts des instrumens à vent et en- est pas de même en musique, et surtout en musique
seigne aux autres compositeurs les moyens de s'en ser- dramatique. On ne la lit point, on ne peut la lire, et
vir. Viennent Paer et Mayer qui appliquent ces décou- quand elle a disparu du théAtre, c'est pour toujours.
vertes à la musique italienne en les modifiant, Méhul Or, voilà le mal ; et ce mal est très considérable, nod-
et Chérubini qui font dominer les formes d'une harmo- seulement dans l'intérêt des artistes qui ne travaillent
nie vigoureuse dans leur musique, qui perfectionnent que pour des réputations éphémères , mais aussi pour
l'accompagnement figuré , et qui font des découvertes le public qui ne s'instruit pas et qui manque de variété
dans les effets des instrumens de cuivre; enfin Rossini, dans ses plaisirs ; car il est remarquable qu'à chaque
qui s'empare de toutes les découvertes, y applique ses époque il y a un style dominant que tout le monde
facultés particulières, et y joint les effets de la puis- adopte parce qu'il est à la mode , et parce qu'il procure
sance du rhylhme. des succès, mais qui, par cela même, est monotone.
Voilà donc où nous sommes arrivés; mais si nous je- Cependant chaque âge de musique dramatique a eu
la
tons les yeux sur la route qui a été suivie depuis le ses beautés comme la peinture et la poésie ; chaque sys-
point de départ, nous n'apercevons plus les intermé- tème eu ses avantages. L'art, en de certaines parties,
a
diaires, et nous ne voyons que des débris de renommée. a suivi une marche progressive, surtout en ce qui con-
Ici se manifeste une différence très remarquable entre cerne l'effet ou le coloris musical; mais en d'autres, il
les effets de la musique et ceux des autres arts. Bien des s'estappauvri de choses excellentes. Pourquoi donc les
systèmes de peinture ont été essayés et cultivés avec artistes, dans l'intérêt de la durée de leurs productions,
plus ou moins de succès depuis que Raphaël a cessé de dans celui del'art surtout, ne se chargeraient-ils pjs de
vivre; cependant Raphaël est encore un grand peintre donner au public une instruction musicale plus forte et
aux yeux des artistes comme à ceux des simples ama- de le débarrasser de ses préjugés en se livrant eux-
teurs. Bien des écrivains se sont essayés dans la comé- mêmes à des études historiques pour faire revivre tout
die depuis Molière , et Molière est encore plein de gloire. ce qu'il y a eu de bon dans toutes les écoles depuis le
Cependant Raphaël était contemporain de Josquin Des- seizième siècle, en l'employant à propos. Alors cesserait
prezet Molière a précédé Scarlatti; d'où vient donc que cette monotonie de moyens et cette uniformité de ma-
Josquin Desprez et Scarlatti sont pour le public comme nière dont tout le monde éprouve la fatigue sans le re-
n'avaient pas existé, et que les ouvriiges de beau-
s'ils marquer ; alors vivraient encore les musiciens distingués
coup d'autres grands musiciens plus modernes sont tom- de tous les temps par la conservation de ce qu'ils au-
bés dans l'oubli ? D'où vient enfin que la musique dra- raient fait pour les progrès de l'art , et les compositeurs
matique en particulier n'a qu'une courte existence de comprenant pour eux quelque chose de plus
qu'il y a
vingt-cinq ou trente ans, après laquelle une modifica- qu'une existence de vingt-cinq ou trente ans, et que la
tion de goût la plonge dans le néant , souvent même postérité ne serait plus pour eux un vain mot, travail-
pendant la vie des auteurs qui ont le plus de vogue ? Je leraient en artistes et non en marchands, et balanceraient
crois trouver la solution de cette difficulté dans l'usage la fortune par la gloire.
qu'on fait des ouvrages d'arts et de littérature. Les mo- N'est-ce qu'une utopie dont je viens d'entretenir les
numens historiques de la peinture et de la sculpture lecteurs de la Revue musicale? je ne le crois pas. Je
sont sans cesse sous les yeux du public , et celui-ci peut crois à la conservation de toutes les ressources de l'art,
faire des comparaisons des qualités des artistes de tous si quelque jour un musicien de génie sait s'emparer de
les temps et de toutes les écoles, comparaisons qui l'ins- ce que lui ont laissé les siècles passés et sait s'en
truisent et donnent une durée d^opinion aux travaux des servir; je crois enfin à des plaisirs plus variés et mieux
artistes. Il en est de même de la littérature et de la j sentis pour le public.
poésie. Qui n'a point lu Homère et Virgile ? Qui ne con- A l'égard des principes élémentaires de la musique,
naît Cicéron ? Qui ne relit chaque jour les chefs-d'œuvre et surtout de leur exposé, les études historiques ne sont
de Corneille, de Racine, de Molière, de La Fontaine pas moins nécessaires, el l'on ne pourra obtenir un livre
de Pascal, de Bossuet, de Voltaire et de Rousseau? véritablement intéressant et instructif sur cette matière
Viennent après cela Chateaubriant, de La Mennais, La que lorsqu'on aura entrepris démontrer, par les monu-
Martine, ou tout autre ! Quel que soit leur mérite, ils ne mens, comment les notions de l'art se sont formées telles
feront point oublier les anciens écrivains, parce qu'on vit qu'elles exislentmaintenant. Sans parler du vocabulaire
encore avec ceux-ci, et qu'on s'instruit en comparant de la musique dont les termes sont rarement compris
leurs œuvres avec celles de leurs successeurs. Il n'en par ceux qui s'en servent, faute d'étymologies hislori-
280 REVUE MUSICALE.
ques, n'est-il pas évident qu'on refait sans cesse et tou- titre : le Brigandage de la Musique italienne. L'auteur
jours inutilement des efforts pour reformer la notation , était un original du nom de Jean- Jacques Sonnette,
l'emploi des clefs, la transposition, et mille autres dont le style est fort extraordinaire pour le temps où if
choses, parce qu'on ignore ce qui a été fait précédem- vécut : cet homme avait été en Italie ; et bien qu'il s'ex-
ment sur les mêmes objets, et parce qu'on ne sait pas prime avec prévention contre les musiciens italiens, il
quelles sont les origines de la technologie actuelle, ori- savait de quoi il parlait. Il y a des anecdotes plaisantes
gines qui en démontreraient la nécessité et la conve- dans son livre, et sa manière de les conter est fort amu-
nance, en même temps qu'elles feraient disparaître ce sante. Je ne crois pas pouvoir mieux faire connaître
qu'elle semble avoir d'obscur? l'esprit de l'auteur de cette production singulière qu'en
Malgré tant de motifs pour se livrer à l'étude de l'his- citant quelques-uns de ses traits.
toire de la musique, chacun la néglige ou la dédaigne ; les « Nous nous étions servi (dit Jean-Jacques Sonnette)
musiciens mêmes semblent être plus convaincus de son pendant près de mille ans d'une musique qui est dans le
inutilité que les autres. Il est vrai qu'ils sont en général caractère de la nation et le génie de notre langue, lors-
plongés dans une ignorance absolue de toute chose qui que les Sacohini, les Piccini, et tous les autres noms en
sort de la pratique de leur art. Toutefois, je n'en doute ini, nous sont venus dire dans leur baragouin Signori, :
pas, il en sera de leurs préjugés à cet égard comme de non sapete cantare. Comment nous ! ne savons pas chan-
beaucoup d'autres qui se sont déji modifiés le temps : ter? Hé I nous ne faisons autre chose d'un bout de l'an-
en fera justice, et ils finiront par comprendre les avan- née à l'autre. Nous avons tant de goût pour la musique,
tages qu'il y aurait pour eux à savoir d'où proviennent que nous mettons en rondeaux toutes les affaires de la
les choses dont ils se servent sans les connaître. politique et celles de la vie civile. Si la France perd une
FÉTIS. bataille, elle en est d'abord consolée lorsqu'elle a chanté
le général : toute l'armée fait chorus et célèbre sa dé-
faite le verre à la main. Si le gouvernement fait une
SDR ON LITRE SINGULIER.
sottise qui expose la monarchie à quelque grand mal-
Il y a long-temps que les discussions ont commencé heur, on s'en console lorsqu'on a noté le ministère.
à propos de la musique italienne et de la française; la Chaque impôt, chaque taxe a musique particulière ;
sa
déclaration de guerre fut faite en 1702 par l'abbé Ra- on les paie gaîment en faisant un refrain au bout de la
guenet, qui publia alors un Parallèle des Italiens et des somme. Lorsque le roi fait une maîtresse, n'importe
Français en ce gui regarde la musique, et qui se pronoupa quelque dépense qu'elle coûte à l'Etat, pourvu qu'on la
avec chaleur en faveur des premiers. J'ai lu dans une ohansonne, témoin la Bourbonnaise , qui a été exécutée
.notemanuscrite, que cet abbé avait émis celte opinion par la monarchie entière. Les dames de la cour l'ai-
par reconnaissance pour les lettres de citoyen romain maient tant, qu'elles la chantaient tous les matins avant
qui lui avaient été accordées ; mais son livre ne laisse de dire leurs prières. Le clergé n'échappe point au goût
point de doute sur la préférence qu'il accordait à la que nous avons pour la belle musique. Si l'on fait un
musique italienne: il écrivait de conviction, et il faut cardinal, son éminence ne manque jamais d'être chan-
avouer que son opinion était fondée. On pense bien que sonnée. Il y a toujours quelques petits airs pour les
son petit volume ne resta pas sans réponse. Le Cerf-de- évêques. Si quelque grande dame est surprise en fla-
la-Vieville en fit une volumineuse de là une polémique
: grant délit, elle en est quitte pour un vaudeville; si une
qui ne se termina qu'en 1726 dans 7e Mercure de France demoiselle un faux pas, on la relève par deux cou-
fait
et dans le journal de Trévoux. plets. Le grand Opéra tient notre voix en haleine trois
Des querelles du même genre se sont renouvelées à fois la semaine ; car l'acteur n'a pas plus tôt entonné les
époques, mais avec beaucoup plus de cha-
différentes premières notes de son rôle, que le parterre lui fait
leur en 1752, à propos de la Lettre de J.-J. Rousseau chorus et l'accompagne jusqu'à ce qu'il ait fini. »
sur la musique française, en 1778,du retour des lors Au milieu des plaisanteries de ce paragraphe, on
bouffons àPaii^, en 1801, et en dernier lieu, pour les trouve une liberté de dire qui est fort remarquable
succès deRossini tout cela a fait éclore une multitude
:
pour le temps où il fut écrit. Les plaisanteries de l'au-
de brochures plus ou moins plaisantes , plus ou moins teur du Brigandage de la Musique italienne ne sont pas
acerbes; mais de tous les pamphlets qui ont été écrits toujours du meilleur goût ; mais il faut qu'il plaisante
sur la musique, aucun n'est d'un goût aussi singulier sur tout , et même sur ce qui prête le. moins à la plai-
que celui qui parut en 1780, en 173 pages in-8°, sous ce santerie. Parlant des maîtres romains que Charlemagne
REVUE MUSICALE. 281
avait demandés au pape pour réformer le chant français letympanon, l'orgue, le chalumeau, étaient tous du
des églises, il s'exprime ainsi : genre féminin
; on y priait Dieu avec beaucoup de
« Le seigneur Charles, arrivé en France, envoya un gaité, car c'était toujours sur le ton d'un menuet ou
de ces maîtres à Metz et l'autre à Soissons. 11 n'est pas d'un rigodon. Les actrices de ce spectacle spirituel ne
aisé de dire pourquoi il n'en envoya pas un à Paris : se voyaient qu'au travers d'une grille. Il fallait cepen-
apparemment que ses habitans n'avaient pas un goût dant que les nobles Vénitiens qui étaient leurs gouver-
décidé pour la musique italienne comme ils l'ont au- neurs les vissent de plus près, puisque l'organiste de
aujourd'hui. Sans doute que le seigneur Charles, en ces Conservatoires, qui dirigeait l'orchestre, se trouva
faisant des établissemens de chant, se réglait sur le gé- enceinte , au grand scandale de celles qui ne l'avaient
Bie de chaque ville. pas encore été. a
« Cependant, malgré de si bons maîtres, les Français M. Sonnette fait une critique assez juste de la ma-
ne firent pas de grands progrès dans la musique ita- nière d'écrire les opéras dont usaient quelques compo-
lienne. Il fallait qu'alors nous eussions les mêmes dé- siteurs italiens de son temps. eVojci un autre inconvé-
fauts que les étrangers nous reprochent encore aujour- nient de la rïiusique italienne ; c'est le peu de temps
d'hui , car la lettre latine dit que nous chevrottions en qu'on donne aux maîtres. L'entrepreneur leur envoie
chantant, ce qui est tout juste le vice qu'on reproche à le sujet quinze jours avant l'ouverture du théâtre pour
nos grands opéras. » composer la musique, ce qui est tout juste le temps
Voulant expliquer la cause du succès des soprani tels qu'il fautpour l'estropier. Il est vrai que les professeurs
que Farinelli, Cafiarelli et autres, M. Sonnette en trouve ont imaginé un moyen très court pour composer l'opéra
une à laquelle personne n'avait pensé : « La société eu- le plus long. Ils ont des maîtres croupiers sous eux à
ropéenne, dit-il, n'était pas accoutumée de trouver qui ils font faire toute la partie du récitatif; reste quinze
parmi elle des individus amphibies qui n'étaient ni ou seize ariettes. Sur celles-ci on en choisit trois qu'on
hommes , ni femmes on les regarda d'abord comme
; travaille, c'est-à-dire Varia cantabile, l'aria di bravara et
des êtres d'un autre monde, puisqu'ils n'avaient rien à ilduetto, moyennant quoi l'opéra est composé; car les
laisser après eux dans celui-ci. Ils avaient la voix fort autres sont de petits menuets, des rondeaux et autres
claire, ce qui fit que les femmes s'en approchèrent les bagatelles en musique qui ne signifient rien. Voilà la
premières. Comme ils tenaient aux deux genres, on ne clef de cette énigme que les maîtres français n'enten-
sut d'abord si on devait leur faire l'amour ou le leur dent pas; car lorsqu'on dit que Baranello a fait cinquante
laisser faire. Il fallut en venir aux expériences physi- opéras, cela veut dire qu'il a fait cent ariettes et autant
ques: les eunuques s'en tirèrent du mieux qu'ils purent. de duos. B
Lorsqu'on sut à peu près ce qu'ils valaient, on s'arran- Toutes les exagérations de l'esprit de parti se trou-
gea en conséquence. Les femmes vertueuses s'accoutu- vent dans cette singulière production, et le goût n'en
mèrent avec des hommes à qui il ne manquait qu'un est pas trop bon ; mais il s'y trouve cependant des rea-
jupon pour passer pour femmes. Le beau sexe se fit à seignemens et des anecdotes sur les principaux chan-
un amour invisible qui ne laissait aucunes traces...... » teurs italiens de la seconde moitié du dix-huitième siè-
Je n'ose achever la citation. Le livre est rempli de traits cle, qui ne manquent pas d'intérêt.
que la Faustina en faisait sur les théâtres d'Angleterre. ans, il devint enfant de chœur de la maîtrise de Saint-
Le Salve Regina et le Tantum ergo furent sur le ton des Sauveur, dans sa ville natale. A cette époque, les études
ariettes. La répétition de ces spectacles se faisait le sa- musicales étaient généralement mauvaises en France,
medi, et le dimanche était le grand jour de l'Opéra. surtout en province : il y a donc lieu de croire que Flo-
L'église changée en parterre était remplie de specta- quet ne devint pas un savant musicien sous la direction
teurs , la plupart étrangers. Le billet qu'on prenait à la du maître de Saint-Sauveur; mais il était né avec de
porte ne coûtait que due soldi, ce qui faisait que la salle grandes dispositions et une certaine facilité de trouver
était toujours pleine. Le violon, la flûte, le hautbois, des mélodies heureuses. Il écrivit, à l'âge de onze ans.
282 REVt'E MUSICALE.
un molet d grand chœur (comme on disait alors) qui fut première répétition suffit pour faire voir que les préten-
fort applaudi. Les encouragemens qu'on lui donnait le tions de Floquet étaient ridicules, et son ouvrage fut
déterminèrent i se rendre ii Paris en 1769. Les auteurs rejeté sans appel. Le chagrin qu'il en ressentit altéra sa
du Dictionnaire des Musiciens (Paris, i8io) disent, à santé ; après quelques mois de langueur, il mourut le
l'article Floquet , qu'il fit d'abord, avec Lemonnicr, 10 mai 1785. Floquet était né avec quelque talent; ses
Balhitle et Théodore, et ensuite l'Union de l'Amour et chants étaient plus gracieux, ses formes plus légères
des Arts. y a dans ce peu de mots erreur et
Il que celles des compositeurs français qui l'avaient pré-
inexactitude. L'Union de l'Amour et de-' Arts, ballet cédé ; il ne lui manqua que d'arriver à propos; car,
qui fit la réputation de Floquet, est composé, comme quel que fût son mérite, il ne pouvait lutter contre
presque tous ceux qu'on donnait alors, de trois su- Gluck ou contre Piccini. Vingt ans plus tôt, il eût fait
jets différens, dont chacun forme un acte, Balhyle et une sorte de révolution dans la musique dramatique
Chtoà, Théodore et la Cour d'Amour. Il fut représenté té française. M. de Boisgelou, qui l'avait connu, assure,
7 septembre > ;73 ; son succès fut prodigieux, et quatre- dans ses Mémoires manuscrits sur la musique, que Ce
vingts représentations sufTirent à peine à l'empressement ne fut point le chagrin qui le conduisit au tombeau,
des spectateurs. Ce n'est pas que la musique de cet ou- mais la débauche : dans les derniers temps il ne vivait
trage annonce un génie original; mais les chants en plus que chez des femmes perdues.
sont gracieux et moins lourds que ceux de la musique
de cette époque; on y trouve une chaconne qui a joui
long-temps de la faveur du public, et que les amateurs ANECDOTES.
jouaient avec délices sur leur clavecin. L'opéra d'Aio-
un jour consulté par un musicien sur la
Lulli fut
lan, que Floquet fit représenter l'année suivante, n'eut
musique d'un Prologue que celui-ci avait composée. Au
pas le même succès, et fut retiré après sept ou huit re-
bas de la dernière page de la partition se trouvaient ces
présentations.
mots : Fin du Prologue. Lulli se défendit long-temps de
Ce fut alors que ce musicien réfléchit sur les défauts
donner son avis; du com-
enfin, cédant à l'importunité
de son éducation, et qu'il résolut d'aller eu Italie pour
positeur, il du mot fin, et dit au
effaça la dernière lettre
y étudier le contrepoint sous d'habiles maîtres. Il y avait
musicien qu'il trouverait son jugement à la dernière
du courage dans une semblable résolution malheureu- :
Cet ouvrage n'eut aucun succès; mais l'auteur se releva ils entendirent mal celui qui les instruisait, et ils
l'année suivante par le Seigneur bienfaisant, où il y a de se mirent à chanter avec un aplomb merveilleux: Et
jolies choses, et qui fut applaudi malgré la révolution les barons nous semblent doux quand il est causé, etc.
que Gluck avait faite dans le goût de la musique. La Ceci nous rappelle un amateur qui , ayant à chanter
nouvelle Omphale , qu'on représenta au théâtre de la l'introduction à'Elisa, ou le Mont Saint-Bernard , de
Comédie Italienne, eu 1781, fut la dernière production M. Chérubini, ne manquait jamais de dire: S'il est au
que Floquet livra au public. fond de ces habits quelques malheureuses victimes , au lieu
Ses succès lui avaient tourné la tête au point qu'il de : S'il est au fond de ces abîmes.
dori, se fixa ensuite en Angleterre, et y acquit de' la de sens , qu'il a excité un murmure improbateur au mi-
Le timbre de sa voix avait acquis plus de
réputation. lieu d'un public tout disposé à trouver bon tout ce qu'il
volume, son talent s'était perfectionné: au bout de fait. Cette scène, jouée ainsi, est toute contraire non-
quelques années elle se trouva en état de lutter avec'les seulement à la tradition, mais aussi à la pensée de Beau-
artistes les plus renommés sur le théâtre de Londres, marchais.
dans les concerts et dans les meetiings. Une épreuve lui Un accident, qui pouvait avoir des suites funestes,
restait à faire : c'était de paraître sur quelque théâtre de est arrivé à Lablache à son entrée en scène de l'air Fate
primo cartello en Italie, et cette épreuve lui a été très largo. Une trappe cédant tout à coup sous ses pieds lui
favorable dans les saisons dernières à Venise et à Mi- fit perdre l'équilibre, il fit des efforts pour arrêter sa
lan; cependant on sait que ces villes sont les plus dan- chute, mais inutilement, et sa tête vint frapper le plan-
gereuses pour la réputation des artistes. Enfin Mme Ca- cher près de la rampe. Un cri d'effroi s'échappa de toutes
radori vient d'aborder la dernière et la plus grande les parties de la salle. On releva Lablache, et il sortit ap-
difficulté, celle d'un début à Paris, dans ce séjour où puyé sur les bras de plusieurs personnes. Le spectacle
se consolident et se détruisent pour jamais les renom- était suspendu et l'on attendait avec anxiété des
nou-
mées. Chanter le rôle de Rosine sur le théâtre Favart, velles d'un acteur chéridu public, quand on est enfin
et le chanter après Mlle Sontag , après Mme Malibran ! venu annoncer que l'accident n'avait aucune suite fâ-
quelle chance de succès reste-t-il ? et Mme Ca-
pourtant cheuse et que M. Lablache ne demandait qu'un instant
radori y a réussi; après tant de broderies élégantes et pour se remettre. En effet, il repartit bientôt et reput
neuves, non moins remarquables par l'invention que de toutes parts les marques du plus vif intérêt. Aucune
par l'exécution, elle a trouvé le moyen de faire des émotion ne se apercevoir dans son jeu ni dans son
fit
choses qui ne ressemblent point à ce qu'on avait en- chant, et il joua comme de coutume, c'est-à-dire en
tendu , et elle les a faites de manière à faire applaudir grand comédien.
et la légèreté de son organe et la sûreté de sa méthode. On dit que la continuation des débuts de Mme Cara-
Certes, ce n'est point une cantatrice vulgaire qui ob- dori aura lieu dans la Cenerentola.
tient un pareil succès. — La deuxième repjésentation de la rentrée de Mlle
La voix de Mme Caradori n'est pas volumineuse; Taglioni n'avait pas attiré moins de monde à l'Opéra
mais le timbre en est pur, argentin, pénétrant. Son que la première, et l'artiste célèbre n'a pas été moins
intonation est généralement juste ;
quelques notes éle- digne de l'admiration du public.
vées, qui ont paru douteuses, me paraissent plutôt en- — Mlle Camoin vient de débuter aux Nouveautés
tachées d'une teinte gutturale que d'un défaut de jus- avec un succès qui lui promet de l'avenir. C'est un
tesse. Une émotion très vive s'est fait apercevoir dans commencement d'amélioration dans le personnel du
le début de la cavatine ; mais bientôt remise , la canta- théâtre des Nouveautés; amélioration qui est fort né-
trice a pris confiance dans son talent, et a retrouvé le cessaire pour
nouvelle destination de ce théâtre. On
la
libre usage de ses facultés. Comme actrice, Mme Cara- y prépare deux opéras nouveaux, entre autres unpas-
dori est très convenable ; elle a de l'aisance et ne man- ticcio arrangé par M. Castil-Blaze et qui portera le titre
que pas de finesse. Au reste, si je ne me trompe, ses des Sybarites de Florence. Cet ouvrage ne tardera point
qualités la portent surtout vers le style de l'opéra bouffe à être représenté.
;
c'est là son domaine ; elle y sera toujours bien placée. — La réouverture du théâtre royal de l'Opéra-Co-
Rubini jouait Almaviva; il a rétabli dans son rôle une mique a lieu aujourd'hui samedi 8 octobre ; on annonce
284 REVUE MUSICALE.
prochaine représentation, à ce théâtre, de la marquise et ChoUet , ont bien chanté cette cantate. L'orchestre
la
de Brinmlliers , drame lyrique, sur lequel l'administra- dirigé par M. Grasset, a laissé désirer plus d'ensemble
nous pensons que c'est là une erreur qui lui serait très. Op. 26.— efr.
Quadrille de contredanses pour le piano, sur des motifs d'Anna Be-
nuisible.
11 y a des progrès dans la cantate que M. Eugène Pré- lena , composé par Henri Lemoiue. —S fr. 7S c.
Avant qu'on eut imaginé de faire un objet de spécu- plus célèbres, depuis la seconde moitié du quinzième
lation des talens de chanteur et d'instrumentiste, les siècle , en avaient fait le thème de leurs compositions
concerts n'a raient ni la forme qu'on leur donne aujour- sacrées et profanes; ils les avaient arrangées avec toutes
d'hui , ni l'ennui qui les accompagne quelquefois. les ressources du contrepoint fugué et du canon, telles
qu'elles existaient alors, à trois, quatre, cinq, six,
L'exercice dela musique n'était pas seulement borné
aux musiciens de profession; les princes, les courti- sept ou huit parties. Après que l'imprimerie eût fourni
sans, et en général les personnes d'une condition éle- les moyens de multiplier les copies de ces composi-
vée se faisaient honneur d'y montrer quelque habileté. tions , on les publia d'abord dans de grands livres in-
A l'égard du peuple, il ne connaissait de la musique fol., où toutes les parties étaient en regard, non en
que celle qu'il entendait à l'église, et les chansons vul- partition, comme on l'a fait depuis, mais séparées, et
gaires; tandis que les gens de la plus haute distinc- dans un système de notation bizarre, chargé d'immenses
tion témoignaient aux artistes distingués de l'estime difficultés de proportions qui causaien t souvent de grands
pour leurs talens, le peuple ne les considérait qu'a- embarras aux musiciens les plus habiles. S'il y avait cinq
vec mépris. 11 n'y avait point encore de spectacles, en ou six voix, elles étaient écrites sur les deux pages en
sorte que , hors l'église , l'usage de la musique était ren- regard, et tous les musiciens se groupaient autour du
fermé dans les salons des grands, et tenait surtout une pour y chanter chacun la partie qui lui était des-
livre
place importante à la suite des repas, ou même pen- Plus tard, on trouva cette disposition incom-
tinée.
dant ceux-ci. Rangés autour d'une table sur laquelle mode, et chaque partie fut imprimée séparément dans
étaient des fruits et des vins exquis, les acteurs d'un de petits livres: chacun avait le sien, en sorte qu'au
concert exprimaient dans leurs chants les douces ou lieu d'être tous groupés en un seul point de la table
vives émotions qu'avaient fait naître en eux la vue de les musiciens restèrent assis, et l'exécution en devint
femmes charmantes, une conversation spirituelle et plus agréable et plus facile en ce que chacun pouvait
animée, et quelquefois le bouquet des liqueurs spiri- lire sans peine sa partie. On trouve encore aujourd'hui
tueuses. dans les bibliothèques grand nombre de ces petits livres
Le chant occupait la plus grande partie de ces con- «ù sont réunis plusieurs cahiers de compositions de di-
certs; mais ce n'était pas, comme aujourd'hui, une suite «ers auteurs qui formaient une espèce de répertoire
d'airs ou de duos destinés à faire briller la voix d'une pour les gens du monde: les plus anciens recueils de
cantatrice ou d'un chanteur privilégié. Ce qu'on a ap- ce genre paraissent avoir été imprimés à Paris par Pierre
pelé depuis lors Vart du chant n'était pas encore connu ;
Ajtaignant, en j55;f, in-8° oblong. Aux chansons fran-
les airsde diverses formes n'avaient pas encore été ima- çaises et italiennes des premiers temps, dont les paroles
ginés; il n'y en avait d'autres que les chansons fran- étaient souvent d'une obscénité qui nous paraîtrait au-
çaises, alors fort à la mode, les Canzonnette et lesF(7- jourd'hui révoltante , et que les femmes les plus distin-
landle napolitaines, les Romanesque! ou airs populaires guées d'alors chantaient cependant sans façon av«.c les
286 REVUE MUSICALE.
aucun accompagnement; mais vers le milieu du quin- musique de chambre et de concert ce fut l'invention du :
zième siècle, on commença de mêler les instrumens drame lyrique et les progrès rapides que fit ce nouveau
aux voix. Ces instrumens ne jouaient point alors de genre. D'abord cette invention eut pour effet d'intro-
parties distinctes comme sont aujourd'hui nos
accom- duire dans les concerts le récitatif et Varia, des opéras
pagnemens de piano, de harpe ou de guitare; quel- nouveaux; alors commença l'élude sérieuse du chant.
ques compositeurs ayant remarqué que le goût de la Dès y eut des chanteurs, ils voulurent briller; in-
qu'il
grande (c/itlaroiie) et petite [clUiarra), la Fiolad'arco ou concerts privés qui avaient fait les délices des amateurs
da hraccio, la Viola iasiarda (qui se jouait sur le genou), de musique pendant plus d'un siècle, et prépara le règne
et Viola di gamba (basse de viole). Quelquefois on
la des concerts [Académie) qui, dès le commencement du
y
joignait les instrumens à claviers {Slromcnti da lasli) dix-huitième siècle, devinrent à la mode dans toute
,
qui futintroduite d'Irlande en Italie. Les instrumens exé- veux parler des couplets et des romances qu'on chantait
cutaient les mêmes parties que les voix; ainsi la Viola à la fin dus repas. Cet usage ne s'était maintenu qu'en
d'arco ou da hraccio jouait à l'unisson du soprano et du France; il convenait particulièrement aux Français,
mezzo soprano; le luth, la guitare et la Viola bas\arda plus chansonniers que musiciens, plus avides d'entendre
faisaient entendre les parties des vois intermédiaires; la dus paroles spiiituelles ou gaies que de flatter leur
Viola da gamba , la Chiiarrono et les autres instrumens oreille par de véritalile musique. La nation française n'a
graves jouaient à l'unisson de la voix de basse. Certains pas naturellement le sentiment de l'harmonie, aussi se
tableaux du Valentin, des deuxVeronèse et de quelques gardait-on bien de chanter en chœur le refrain des cou-
autres peintres des écoles romaine , lombarde et véni- plets : chacun joignait sa voix à l'unisson avec celle de
tienne représentent des concerts de cette espèce. son voisin. Ces chants n'étaient pas de véritable musi-
La musique de chambre ou de concert éprouva de que; disons plus: ils furent un obstacle à l'amélioration
notables changemens après que plusieurs maîtres qji de l'éducation musicale des Français.
vivaient au commencement du dix-septième siècle,
et FÉiis.
particulièrement Louis Viadana , eurent mis en usa-e
une sorte de basse instrumentale différente de la basse
chantant», et à laquelle ils donnèrent le nom de basse
REV€E MUSICALE. 287
Conservatoire de musique classique, par M. Choron, Sur sa réponse affirmative, le maître consent à diriger
fondateur et directeur de cet établissement; a feuilles ses études, et, mettant aussitôt la main à l'œuvre, il
in-4° oblong. Prix: 2 fr. net. Paris, chez Mlle Alex. prend une feuille de papier réglé ; il y note quelques
Choron, rue de Vaugirard, n" 69.
exercices élémentaires, suivis de quelques autres pres-
On a élevé des doutes sur la réalité de l'éducation de que aussi simples; seulement, sur les dernières lignes,
Caffarelli par une seule feuille de papier de musique il place quelques-uns des ornemens du chant et divers
remplie par Porpora de gammes et de traits propres à passages qui en contiennent les principales difficultés,
former la voix d'un chanteur. Quant à nous, nous n'a- puis il remet la feuille (jnlre les mains de l'élève, dont
vons jamais douté qu'il n'y eût de quoi travailler toute elle fait toute l'occupalion pendant la première année.
la vie sur cette feuille tracée par la main d'un maître tel L'année suivante y est encore consacrée. Ala troisième,
que Porpora, et accompagnée de ces leçons orales qui on ne parle point de la changer. Le jeune homme com-
ne peuvent se mettre dans les livres, et qui se modifient mence à murmurer; mais le maître lui rappelle sa pro-
en raison de l'organisation des élèves. M. Choron s'est messe. La quatrième et la cinquième année s'écoulent
proposé de démontrer, dans le petit ouvrage que nous de la même manière. A la sixième, on ne quilta point
annonçons, que cette feuille était suffisante pour former encore la feuille, mais à ce qu'elle contenait on joignit
un chanteur habile, et même un artiste tel que Caffa- quelques leçons d'articulation, de prononciation et de
relli. En jetant les yeux sur ce qui est contenu dans les déclamation. A la fin de cette sixième année, l'élève,
douze portées de la première page de cet opuscule élé- qui ne croyait en être encore qu'aux élémens , fut bien
mentaire, nous nous sommes en effet convaincu que les surpris quaud le maître lui dit : «Vas, mon fils, tu n'as
gammes, les portamenti Ui voce, les traits et les ornemens plus rien à apprendre; tu es le premier chanteur de
qui s'y trouvent, composent tout le répertoire de l'édu- l'Italie et du monde. »
cation d'un chanteur, et que celui qui serait arrivé à les « Il disait vrai : l'élève était Caffarelli..,, elle maître
exécuter avec toute la perfection désirable dans tous Jes était Porpora.
degrés de lenteur et de vitesse, sans laisser rien désirer « Pour un grand nombre de lecteurs , ce récit aura
sous les rapports de l'égalité des sons, de l'accent, de la tout l'air d'une fiction, d'un conte fait à plaisir; mais
justesse et de la libre articulation, serait un artiste tel pour quiconque connaît les arts et celui du chant en
qu'il n'en existe point ,
quelles que soient les brillantes particulier, il ne paraîtra rien contenir que de très na-
réputations de nos jours. turel et de très vraisemblable. Tout art , en l'une quel-
L'Introduction, en deux pages, que M. Choron a conque de ses opérations les plus compliquées, n'offre
placée en tête de son opuscule, nous a paru un morceau jamais que la combinaison plus ou moins diversifiée
intéressant par son originalité et par les vérités qu'il d'un petit nombre d'opérations simples et élémentaires
renferme. Nous croyons que nos lecteurs la verront avec dans lesquelles toutes les autres peuvent toujours se
plaisir, et nous la transcrivons ici. décomposer. Choisissons un exemple dans un des arts
« On lit dans les annales de l'art un fait digne de re- les plus familiers au plus grand nombre des lecteurs,
marque et dont le récit nous paraît propre à figurer en l'art si connu de l'écriture : tin plein, un délié, une ligne
tête de cet ouvrage. droite, une ligne courbe, voilii les élémens dont se
«Un de ces illustres professeurs qui firent autrefois composent les prodoctions de cet art, qui causent' aux
la gloire de l'école italienne , un de ces grands artistes connaisseurs le plus de plaisir et d'admiration : un son
qui, au goût le plus pur, au génie le plus sublime, unis- bienWosé, des sons bien liés entre eux, ou, pour parler
saient un profond savoir et une expérience consommée; le laiWage reçu, une belle pose et un beau port Je voix,
un de ces maîtres enfin, rares dans tous les temps, mais exécutés avec plus ou moins de rapidité, voilà, du moins
tels que l'on n'en rencontre plus aujourd'hui, est solli- quantlau mécanisme , à quoi se réduisent tous les élé-
cité par un jeune élève de lui enseigner l'art du chant. mens [lu chant.
Le maître qui le connaissait ù l'avance, et qui déjà avait a 11 suit de ces propositions fondamentales, que nul
288 REVUE MUSICALE.
ne peut parvenir à bien exécuter les hautes opérations même dans l'exécution de ces exercices, lors même qu'il
des arts, s'il ne s'est rendu habile à en accomplir les parviendrait à satisfaire et i charmer les autres ,
par la
opérations élémentaires, et qu'au contraire il obtiendra raison qu'il possède en lui le sentiment d'une perfec-
d'autant plus de succès dans l'exécution des premières, tion inarrivable, caractère distinctifdu talent supérieur.
dans l'exécution des autres. On a donc droit de s'éton- diqués. Un plus grand développement devenait inutile,
ner de la négligence et de la superficialité avec laquelle puisqu'à raison de la diversité des voix, il est impos-
est généralement traité l'enseignement des parties élé- sible de rien écrire en ce genre qui puisse s'appliquer
mentaires , et l'on peut assurer que c'est à ce vice radi- généralement, soit sous le rapport du diapason, soit
cal qu'il faut attribuer, au moins en grande partie, la celui de l'étendue des voix. C'est au maître à faire les
faiblesse, l'imperfection , la nullité de résultat que l'on modifications qu'exigent les circonstances: quant i la
remarque aujourd'hui dans les études de l'art. méthode, elle doit par elle-même se réduire i un cata-
« C'est ce qu'avaient parfaitement senti les grands logue thématique qui indique l'objet des études et l'or-
maîtres de l'ancienne école italienne, et particulière- dre que l'on y doit observer.
ment l'homme célèbre dont nous venons d'invoquer Ils sont sans accompagnement, parce que toutes
l'autorilé. Ils réduisaient presque toute l'étude de l'art les études de chant doivent se faire de cette manière :
à celle des élémcns, persuadés qu'il est impossible d'éle- l'usage de l'accompagnement dans l'étude du chant a
ver un édifice solide, si Ton ne commence par en bien des inconvéniens on ne peut plus graves; nous allons
choisir et bien élaborer les premiers matériaux, et cer- essayer de le faire sentir.
tains que cette première précaution prise, on parvien- « Les plus beaux effets que possède la musique sont
dra sans peine i en faire l'emploi exigé, si d'ailleurs la ceux qui s'obtiennent par les voix pures; c'est par
nature a donné le génie nécessaire. l'étude de lamusique vocale pure que l'on peut seule-
« Les élémens du chant peuvent en effet , aussi bien ment espérer de les obtenir: l'étude du chant, faite sous
que ceux de l'art que nous avons cité précédemment, le couvert de l'accompagnement, place d'abord l'élève
se renfermer dans un très court espace. La première hors de celte direction. Le premier mérite du chanteur
page de ces exercices (pag. 5) en offre un tableau déjà est la pureté d'intonation ;cette pureté est le résultat du
vraisemblablement plus étendu que celui qu'en avait sentiment inné de cette propriété que la nature a placée
tracé Porpora. La pose du son dans tout le diapason de en divers degrés chez les divers individus: c'est en in-
la voix , le port de voix sur tous les intervalles naturels : terrogeant sans cesse ce sentiment, soit en nous-mêmes,
seconde, tierce, quarte, etc., et leurs progressions, dans soit chez les individus qui sont reconnus pour jouir de
les divers degrés de vitesse, ce qui cofnprend la rou- l'organisation la plus parfaite, que chacun parvient à le
lade ou y mène nalurellement ; les intervalles altérés, porter au plus haut degré qu'il puisse lui faire atteindre.
praticables, objet oublié dans toutes les méthodes; les Au lieu de consulter ce sentiment, l'étudiant, asservi à
chant, tels que brisés, trilles, etc., tels sont les élémens même de leur accord, sont essentiellement tous plus ou
ou matériaux dont toutes les compositions, si variées moins faux'. Par-là il devient évident qu'au lieu de per-
qu'elles soient, offrent la reproduction exclusitc et le fectionner en lui le sentiment de l'intonation, il l'altère
retour perpétuel. Il est évident que la parfaite exécution et le dénature, et se rend incapable, comme le prouve
de ces compositions suppose la parfaite exécution de l'expérience de tous les jours, d'exécuteriles composi-
ces élémens. C'est donc vers cet objet essentiel que doit tions qui exigent la plus parfaite justesse, celles qui sont
être dirigée toute l'étude de l'art du chant; et certes, je écrites pour les voix seules, en style sévère, et de ren-
ne crains pas de l'assurer ici, et l'expérience l'appren- dre les effets des voix, nous le proclamons encore une
dra à tout professeur et à tout élève qui voudront s'en- fois , les plus sublimes et les plus ravissans que l'art ait
dernier, et quelque borné que paraisse cet objet, cette instrumens polyplectres, l'accord tempéré
néraiemenl sur tous les
étude est nécessairement l'affaire de plusieurs arinées; rend inexécutable l'enharmonique réel, et que le chromatique ne
je dis plus, c'est celle de toute la vie; car jamais artiste peut s'y pratiquer qu'approximativement.
d'un vrai talent ne viendra à bout de se satisfaiie lui- Les exercices élémentaires en ce genre étant fort rares, et les
(-2)
REVUE MUSICALE. 289
<i Indépendamment de ce défaut capital, l'accompa- sellement reconnus pour chefs-d'œuvre dans le style
gnement- a encore un inconvénient général, c'est de idéal aussi bien que dans le style sévère (Voy. le Manuel
couvrir et de déguiser toutes les imperfections du Manuel de Musique, liv. VI). On
de Chant classique et le
chant, dont il semble offrir la compensation par l'espèce conviendra qu'un pareil choix leur tiendra facilement
d'éclat qu'il jette sur l'exécution. Dans l'enseignement, lieu de ces volumineuses méthodes, qui n'offrent dans
il distrait l'attention du maître, il le rend moins sévère leur partie scolastique qu'un long et inutile développe-
sur les fautes de l'élève, et plus négligent à l'en avertir ment des exercices dont nous leur présentons ici l'indi-
et à y porter remède. L'élève qui s'accompagne lui- cation, et quant au surplus, que des compositions, fort
même perd la plus grande partie de ses avantages par estimables sans doute, mais auxquelles on voudra bien
l'attention qu'il doit donner à l'accompagnement, par nous pardonner de toujours préférer les leçons des
l'effort qu'il fait pour l'exécuter, et par la position qu'il grands maîtres.
doit prendre à cet effet. Le chanteur qui veut user de «L'élève qui, sous la conduite d'un habile profes-
tous les moyens qu'il possède, et il n'en réunit jamais seur, aura eu le courage de se soumettre à la marche
trop, quelque libérale qu'ait été envers lui la nature, le que nous venons de lui prescrire, verra son talent se
chanteur, dis-je, doit se tenir debout dans une attitude développer successivement et atteindre sans effort la
aisée et modeste. Il doit diriger toute son attention sur hauteur à laquelle la nature lui aura permis de s'élever;
les moindres actes de ses opérations, afin d'en avoir la car il ne faut jamais oublier, dans l'étude et dans l'en-
conscience et la perception la plus nette, et par-là s'ac- seignement, que chacun de nous, dans l'ordre intellec-
coutumer à s'en rendre entièrement le maître, et acqué- tuel et moral, aussi bien que dans l'ordre physique, a
rir en même temps la première de toutes les qualités, la une portée qu'il ne peut jamais dépasser, quelque effort
clarté, sans laquelle il ne peut espérer de produire au- qu'il fasse et quelque procédé qu'il emploie. Les mé-
cun effet. Il doit, quant au caractère de son chant, s'at- thodes n'ont pour objet que de lui indiquer les moyens
tacher à conserver une noble et gracieuse simplicité les plus propres à la lui Jaire atteindre : c'est le seul
susceptible de se prêter à toutes les nuances que com- but que nous nous soyions proposé, et c'est aussi celui
mande le sentiment, et surtout se garantir de cette af- que nous désirons nous-mêmes avoir atteint dans cet
féterie, de cette recherche exagérée d'expression si com- essai, »
« Toutes les bases de l'art et de l'enseignement du été annoncé pour ces jours derniers , n'a point eu lieu ;
chant, inconnues à la plupart des maîtres et des élèves, une indisposition du débutant l'a fait ajourner.
sont renferméçs dans ces préceptes qui paraîtront sufïî- Les admirateurs du beau talent de Mme Pasta n'en
sans à ceux qui sont en état de les comprendre. jouiront plus long-temps; déjà l'on annonce ses der-
Lorsque les élèves auront fait quelque progrès, on nières représentations. Ce soir elle doit jouer pour la
pourra choisir dans les recueils de solfèges des maîtres dernière fois le rôle de Desdemona. Vendredi, 21 de ce
italiens quelques leçons des auteurs les plus estimés, mois, l'administration du Théâtre Italien donnera à son
particulièrement de Léo, de Porpora, Caffaro, etc., etc. bénéfice ta Sonnambula, opéra de Bellini , dans lequel
On pourra ensuite leur faire chanter quelques airs, elle chantera un des rôles principaux.
duos, trios, etc., des plus grands compositeurs, univer- — Depuis l'ouverture du théâtre de l'Opéra-Comi-
que, le public a paru rendre à ce théâtre la faveur dont
placer quelques-uns à la suite de celte méthode. Ces exercices ne sont été jouée, les recettes ont été passablement productives.
autre chose que des trails d'harmonie des plus ordinaires, à trois voix, Ce soir on donnera la première représentation du Roi
sur les intervalles harmoniques et les formules mélodiques les plus de Sicile, opéra-comique en un acte; l'aflîche annonce
usitées. Ils peuvent s'exécuter à une , deux ou trois voix , à volonté
aussi là prochaine mise en scène de la Marquise de Brin-
savoir à une voix pour la partie supérieure , à deux pour cette même
vilUers^
voix et la partie grave. Ils conviennent à des voix égales ou inégales
et dans ce dernier cas > la partie moyenne peut à volonté être rendue
ticle suivant sur le concert qui a été donné récemment son staccato est merveilleux de précision : dans les
à Douai par Mme Malibran et M. de Bériot : gammes pointées, ses notes s'y succèdent comme un
long collier de unes perles en double corde
CONCERT. — M. DE BÉRIOT. — Mme Malibras. sont d'une justesse inimaginable
: ses chants
plusieurs artistes du même genre, assigné à chacun son c'est ainsi qu'il fait admirablement le pizzicato de la
mérite particulier. main gauche; c'est ainsi qu'il fait, en se jouant dans les
« Qui ne devinerait ù la mise négligée de Paganini, répétitions, ces légers harmoniques que sa modestie l'em-
à son attitude disloquée, ù son regard d'aigle, i son pêche encore de produire en public, ou que son grand
teint livide, à son air profondément absorbé que, pour goût, trop juslement sévère, l'engage àrepoussercomme
lui, le corps n'est rien ,
que ses membres sont les sou-
charlatanisme.
ples esclaves de sa volonté, qu'un génie diabolique l'a- « C'est aussi à sa belle figure, à ses yeux expressifs,
nime, qu'un feu trop vif le dévore, qu'il cherche ail- i, ses traits nobles et biens tracés, que l'on devine la
leurs que sur terre ces inspirations surnaturelles qui piofondeur de sentiment de Desdemone, qui, par ces
semblent nous broyer le cœur par mille sensations in- seuls mots : Mon père m,' abandonne 1 arrache des larmes
connues; ce jeu sylplùquc qui tout à coup nous trouble à tout un auditoire.
l'esprit par un jet subit de sons aériens. «Au milieu de sa gaîté habituelle, vous remarquez
« Un visage réfléchi, pensif, fort d'expression, des dans Mme Malibran une fermeté de caractère, une vi-
habitudes austères, annoncent dans Baillot cet artiste
vacité d'imagination , une mobilité de physionomie qui
distingué, ami du simple , du vrai, du beau, du grand; la rend propre à peindre les passions les plus violentes,
ce n'est pas comme Paganini un talent de fantasmago- et en même temps les plus variées. Qu'elle était grave
rie, de rêveries, c'est l'homme inspiré qui électrise un dans son air de Mercadante! que les sons moelleux et
auditoire; une ame brûlante qui communique son feu,
suaves du soprano contrastaient admirablement avec sa
non ce feu dévorant qui tourmente, mais ce feu bien- voix pleine et mordante de contralto I que sa ballade an-
faisant dont la douce chaleur anime sans cesse; ce n'est
glaise offre d'originalilé|par le genre d'expression qu'elle
point l'éclair qui brille, c'est le soleil; ce n'est point donne C'est surtout dans les variations de la Cene-
lui !
une cascade impétueuse, c'est un fleuve majestueux. rcntok qu'elle déploie toutes les richesses de ses moyens :
«Une physionomie douce, expressive, mélancolique, des octaves d'une justesse étonnante, des traits de voca-
des manières aisées , modestes ne font-elles point devi- lisation les plus difliciles, des phrases du meilleur goût,
ner le talent de Bériot? Quel charme est répandu dans des sons attaqués hardiment, éteints avec charme, du
son jeu, quelle suavité, quelle expression touchante! feu, de l'ame, toutes les qualités de la cantatrice supé-
Paganini nous éblouit, nous rend stupéfaits, bêtes d'ad- rieure se montrent à découvert; enfin, dans ses petits
miration; Baillot nous émeut profondément, nous do- airs: Bonlieur de se revoir, etRaiaplan, Mme Malibran
mine par son énergique expression ; Bériot nous en- prouve qu'elle peut progressivement descendre à la
chante, nous caresse mollement, nous fait naître mille chanson naïve et s'abandonner à la plus aimable folie.
douces pensées, nous ravit et semble tenir un mezio o Un voile léger semblait vouloir nous dérober quel-
termine entre le jeu sévère du maître français , et la fan- ques sons de la voix de l'illustre cantatrice ; mais qu'elle
tastique exécution du maestro italien. ne s'y trompe point, le voile est nécessaire à la beauté,
(1 Bériot est aussi remarquable comme compositeur mais jamais à la voix dont l'extrême pureté fait toujours
le fruit d'une imagination vive, fraîche, expressive; « Mme Malibran a été souvent mise en parallèle avec
son concerto, surtout, renferme des beautés d'un genre Mlle Sontag: ce sont deux prodiges, c'est en quoi seu-
neuf où tout en suivant les routes larges et savantes lement elles se ressemblent; l'une est la Minerve du
qu'a tracées le classique , il ne craint point de se lancer chant, l'autre en est la Vénus. Mlle Sontag est plus fé-
REVUE MUSICALE. 291
minine, elle ne possède point les moyens énergiques Bavièee, mm. Lœhle, chanteur de la cour, et Fis-
de Mme Malibran; sa vois est éolienne, aussi pure que cher, inspecteur des écoles publiques, ont établi à
le cristal, aussi nette que le piano dans les gammes Munich, il y a environ deux ans, une école de musique
chromatiques ascendantes et descendantes, elle est dé" et de chant d'après la méthode de Pestalozzi. Les succès
licieuse, remplie de grâce, de coquellerie; Mme Mali- obtenus par les professeurs dans cette école ont été assez
bran est plus mâle, plus sévère, plus grande dans son remarquables pour fixer l'attention du gouvernement.
genre, une salle de concert la lient trop à l'étroit : c'est Le roi a accordé à cet établissement le titre d^Ecole cen-
un conquérant dans un polygone. Les pupitres immobiles trale de musique ( Centralschule )
, avec un local et une
ne lui disent rien, la tranquillité de sa pose ne laisse subvention. Le magistrat de la ville de Munich y a joint
jaillir que quelques étincelles du feu dont brûle son une contribution annuelle qui est proportionnée en rai-
ame ; elle ne voit autour d'elle qu'admirateurs tandis son du nombre des élèves.
qu'elle cherche la malédiction d'un père , les fureurs La méthode d'enseignement de Pestalozzi, dont les
d'un amant, le| glaive terrible de la justice pour y pui- avantages appliqués à la musique ont été démontrés par
ser ces émotions subites qui l'inspirent et qu'elle com- des hommes d'un mérite considérable, tels queNaegeli,
munique si vivement aux autres. Natorp, Rrebs et Rùbler, est peu connue en France :
« Douai se souviendra long-temps des célébrités mu- cependant elle mérite peut-être plus de faveur que beau-
sicales qu'il vient de posséder, et en saura sans doute coup d'autres à cause du rapport direct qu'elle a surtout
quelque gré à M. Luce qui entretient le feu sacré dans avec l'amélioration de la condition des classes pauvres.
nos murs et peut présenter aux virtuoses qui nous vien- Pestalozzi ne considérait point l'étude du calcul, du
nent visiter un orchestre digne de les accompagner, dessin, du chant, comme le but qu'il proposait
etc.,
capable de leur faire entendre les chefs-d'œuvre alle- i ses élèves, mais comme un moyeu d'amélioration in-
mands. tellectuelle et morale des enfans pauvres ; il sentait que
«M. Méland', en portant trop haut, pour cette ville, pour produire des résultats immenses, il fallait donner
le prix des places, a privé une foule de ses habitans du à la science, quelle qu'elle fût, la forme la plus simple,
bonheur de contribuer au tonnerre d'applaudissemens on pourrait presque dire la plus vulgaire ; c'est ce qu'il
qui a accueilli les deux artistes que nous venons d'ad- a réalisé de la manière la plus heureuse et avec tonte la
professeurs étrangers. Ce sont MM. Hummel, Spohr, chaque livraison est de 24 kreutzer (1 fr. 20 c). Douze
Reicha et Fétis. Les prix sont fixés en raison de l'im- livraisonscomposent un volume.
portance des ouvrages. Pour une symphonie à grand Ce Journal est composé de pièces des organistes les
orchestre, le prix est de 5oo florins de Hollande (65o plus célèbres de l'Allemagne, tels que Rink, Vanhal,
morceaux qu'on y admet est fait avec goût, aussi ob- N. 1 . Ballade : La reine Iseiilt aux blanches mains chantée pav ,
courts et faciles dans tous les tons pour les organistes N. 4. Air; yoiis me connaissez tous ^ messieurs j je le suppose,
commcnçans, parCh.-H. Rink. OEuvre gS). A Bonn, chanté par M. Levasseur. —4 fr. SO c.
5° ZwœtfOrgelstâcke lam gottcsdienstUchen Gebruuche N. B. Aïs: Philtre divin., liqueur enchanteresse, chanté par
l'usage des cérémonies funèbres, etc.), par Adolphe N. 8. Couplets; Habiians des bords de tAdour, chantés par
Hesse, organiste de l'église cathédrale de Ste-Elisabcth Mlle Jawnreek. —2 fr.
à Breslau. Breslau , chez C.-G. Forster. N. 9. Barcarolle : Je sui' ricluî et vous êtes belle , chantée par
AGENCE GÉNÉRALE DE LA MUSIQUE. Per questa fiamma cavatine chantée par , Mme Tadolini , arrangée
A VENDRE,
sans les chœurs. —4 fr. KO c.
Coppia iniqua , scène et air chantés par Mme Pasta, arrangés sans
1" quadrille. —3
^
fr. 7S c.
niens publics. Se il mil nome saper bramate , canzonetta de Rossini, ajoutée par
S'adresser au bureau de l'Agence générale de la Rubini dans le Barbier. — 1 fr. SO c,
Tamburrini. —5 fr.'
n° H.
Bulletin d'Annonces.
M. Auber.
Ouverture. — 6 fr. IMPEIMEBIE DE E. DC VERGEE, Bl'E DE TEKHEÇll, R° 4-
REVUE MUSICALE,
V"« ANIVEE. PUBLIÉE PAR M. FÉTIS. N" 37.
CORRESPONDANCE.
'
jours si instructive et si intéressante, vous avez placé la musique, entre les peuples anciens et les peuples mo-
des considérations neuves sur l'une des principales dif- dernes, ainsi qu'entre les peuples de l'Europe moderne
férences qui distinguent la musique de toutes les sciences et ceux des autres continens.
et de tous les autres beaux-arts; vous avez fait observer La musique est l'art de mettre en œuvre les sons pro-
que le domaine de chaque science, ainsi que le domaine duits par les corps sonores, de manière à en former,
de la poésie, celui de la peinture, de la sculpture, de soitune combinaison, soit une succession, agréables
l'architecture, se forment d'un cuchaîneiiient de pro- pour l'homme qui les écoute.
grès, de découvertes, de théories, d'applications qui se Mais l'homme qui les écoute est lui-même un corps
modifient successivement les unes par les autres, mais sonore dont toutes les parties sont harmoniques entre
jamais ne s'évanouissent; en sorte que, dans les termes elles ; en sorte que tout homme, quelle que soit son or-
les plusavancés d'une science ou d'un art quelconque, ganisation, pourvu d'ailleurs qu'il ne soit point malade,
on retrouve les rudimens, les idées initiales qui en ont est toujours excellent musicien pour lui-même ; car, à
signalé la naissance, et que, dans l'intervalle plus ou l'instant où il exprime un son par son organe musical,
moins prolongé qui a séparé cette origine du point où par son organe de la voix, il produit, dans l'intimité de
l'on est parvenu , rien de marquant n'a été perdu tout ,
son être, des fluides qui, au sein de son organe de l'ouïe
s'est placé et a demeuré comme pièce nécessaire à l'en- ou d'autres organes plus intérieurs, se combinent subi-
semble de l'édiOce. tement , harmoniquement avec les sons émanés de son
Il n'en est pas de même en musique. Cet art ne se organe de la voix. C'est là le point fondamental de la
plus aux auditeurs qui avaient si Tirement goûté les arts, que la poésie, la peinture, la sculpture, l'architec-
premiers. ture ne sauraient être affectés aussi
profondément que
Faites la supposition contraire : que, pendant le plus lamusique par les modifications que le tempérament
beau finale à'Othetlo ou du Barbier de Sévitte, tous les humain reçoit des diversités du climat ou des change-
auditeurs changent subitement, radicalement d'organi- raens de mœurs et de régime. La musique est le seul
sation, prennent subitement l'organisation des contem- art qui puisse s'isoler de toute union ù d'autres emplois
porains de Louis XIY, ils feront plus que cesser d'être de la pensée ou de la sensibilité humaines. Ni la poésie,
ravis par les chanteurs et l'orchestre du Théâtre Italien, ni les arts du dessin n'ont cette faculté. Quelle poésie
ils seront choqués, irrités. Si vous voulez les apaiser, les se trouverait dans un assortiment de mots ne peignant
ravir de nouveau , il faudra que vous complétiez le mi- il l'imagination aucun être défiisi , aucune scène forte
racle, il faudra que les compositions de LuUi, de Cam- ou touchante, aucune de ces combinaisons, soit réelles,
pra soient subitement substituées ù celles de Rossini, soit possibles, d'objets naturels, d'objets connus, à peu
et que ces compositions ressuscitées soient exécutées près sous les mêmes formes, dans tous les lieux, dans
comme elles l'étaient par les contemporains de Campra tous les temps? Quel art se trouverait dans un rappro-
et de Lulli. chement de lignes et de couleurs, ou dans un entasse-
Des suppositions analogues indiqueraient ce qui au- ment de matériaux qui ne présenteraient au spectateur
rait lieu si les auditeurs devenaient subitemant organi- que du fortuit, de l'arbitraire, sans modèle dans la na-
sés comme le sont aujourd'hui les Chinois, les Persans, ture ?
les Arabes, ou comme l'était le peuple grec au siècle de La poésie, la peinture, la sculpture, l'architecture
Périclès. Il faudrait toujours, pour que la satisfaction sont donc essentiellement des arts d'imitation ; la mu-
de l'auditoire ne cess3t point d'être obtenue, que tous sique seule est un art de création et d'expression. Avec
les musiciens, chanteurs et accompagnateurs prissent à des sons, exclusivement des sons, l'homme peut pro-
une organisation semblable.
l'instant duire des combinaisons que la nature, réduite à elle-
La musique est donc un art essentiellement variable, même, ne lui a jamais fait entendre, ne fera entendre
non en elle-même, car ses lois de perfection sont fixes chez aucun peuple, en aucun lieu, qui par conséquent
et précises, mais dans ses rapports avec l'humanité. réalité la représentation d'aucun être, d'au-
ne sont en
L'organisation de l'homme qui l'écoute est une condi- cun mouvement d'êtres, mais sont l'expression actuelle,
tion préliminaire qui, d'avance, règle le caractère et l'expression improvisée de l'action vitale , de l'action
l'assortiment des sons qu'elle doit employer. Or, l'orga- organique, éprouvée en ce moment par le musicien
nisation de l'homme change sans cesse, au gré du cli- producteur. C'est ce qui fait, pendant toute la durée de
mat, de l'éducation, du régime, des bienfaits de la ci- cette création, son état d'activité brûlante, de jouissance
vilisation. Aux mêmes époques, la diversité des climats féconde.
produit une disparité d'organisation musicale signalée Sans doute chaque composition musicale a un carac-
par la disparité des diverses langues parlées en même tère particulier, un caractère analogue ù la disposition
temps dans les diverses régions. Aux époques succes- organique dans laquelle le compositeur se trouve ; c'est
sives, lechangement continu d'idées, d'éducation, de ce qui fait que chacune peut être associée au tableau
régime, modifie sans cesse le tempérament humain, et, poétique de sentimens analogues à cette même disposi-
tant qu'il y rend plus sensible, plus harmo-
a progrès, le tion. Mais cette association n'est pas nécessaire à la
nique, plus disposé à entrer en concordance avec la fé- musique pour émouvoir l'auditeur qui, par son organi-
condité musicale de la nature. A toutes les époques, sation, est en concordance avec elle. Pour les élèves du •
dans toutes les régions, chez tons les peuples, la mu- Conservatoire, les symphonies d'Haydn, de Mozart, de
sique extérieurement produite, qui se trouve en concor- Beethoven sont aussi dramatiques que les opéras de Pio*-
dance avec le tempérament actuel de l'auditeur, est la sini et de Weber.
seule qui l'émeuve, qui l'épanouisse, parce qu'elle fait Telle est donc la cause immédiate de la mobilité du
réellement concert avec les sons qu'il produit ou qu'il goût de l'homme civilisé pour les productions musi-
peut produire. Toute autre musique, moins avancée en A mesure que la civilisation avance, l« tempéra-
cales.
perfection ou plus fertile en combinaisons, plus avancée ment de l'homme s'enrichit; et c'est surtout à l'apti-
en richesse, est pour lui une langue étrangère; il se tude musicale qu'aboutit ce progrès de richesse orga-
fatigue de l'entendre, parce qu'il ne la comprend pas. nique, parce que l'aptitu.de musicale esl, sans figure, le
Il est aisé de voir maintenant que les autres beaux- timbre de l'organisation. Plus l'organisation est féconde
REVUE MUSICALE. 295
et harmonique, plus ce timbre est d'un jeu facile et d'un D'après ce que nous venons de dire, on peut consi-
Mais des compensations veut que dérerle genre musical créé par Rossini et goûté aujour-
éclat pénétrant. la loi
mance était universellement chantée pendant dix ans. des considérations politiques; mais ce serait sortir de
dix jours? Mais elles viennent en si grand nombre! il J'y rentrerai. Monsieur, si vous me le permettez, en
emplois de l'industrie mécanique, dans les sciences sur- produire sur l'organe de l'ouïe une suite d'impressions
tout, il beaucoup plus de substance grave, suscep-
y a qui pussent, à l'occasion de chaque impulsion, durer
tible de permanence. La mode cependant intervient plus long-temps qu'un seizième de seconde, il n'é-
aussi dans leur destinée, mais elle ne la règle point im- taitpas douteux qu'on pourrait percevoir des sons plus
périeusement, rapidement et sans retour. En musique, graves que ceux qui sont produits par trente-deux os-
nous voyons que Sacchini ,
qui en était le Racine, qui cillations simples par seconde, et que par conséquent
en avait le goût, la correction, l'élégance, le sentiment, il n'y aurait pas la perception des
non plus de limite à
la sagesse, Sacchini est délaissé, tandis que Racine n'est sons graves. J'ai cherché à réaliser celte hypothèse par
négligé que sur nos théâtres; dans nos bibliothèques il
un moyen de production du son qui, jusqu'ici, était,
est en honneur. je crois, resté entièrement inconnu, et dont je vais
Snr nos théâtres, une production récente et en réa- d'abord essayer de donner une idée.
lité très remarquable, Marion Delorme, attire la foule. Lorsqu'une roue composée d'un plus ou moins grand
L'école de Victor Hugo en littérature, émule de celle nombre derqis est animée d'un mouvement de rotation,
de Rossini en musique, est, comme elle, brillante, spi- elle imprime à l'air qui l'environne un mouvement dans
rituelle, inégale, passionnée, téméraire, pétillante le même sens que le sien ; or, tandis que ce mouvement
d'idées ,
qu'elle jette à l'aventure , sans s'inquiéter de est imprimé à l'air, si l'on approche de la roue, dans la
les lier par un plan, par l'unité de style et de composi- direction d'un de ses rayons, le bord d'une planche
tion. Mais, remarquons-le de nouveau, il est encore mince ou d'une feuille de carton dont le plan soit per-
beaucoup de littérateurs qui repoussent Victor Hugo, pendiculaire à celui de la roue, il est clair que le cou-
qui exposent avec réflexion, avec méthode leurs raisons rant d'air sera momentanément interrompu , lorsque
de condamner ses innovations saillantes; il n'est plus
un musicien qui n'aille avec empressement entendre (1) Tirée des Aunales de cliimic et de plijsiqiie, publiées p.n
U Barbier de Sévitle, Cendrillon, la Pie voleuse, Othello, MM. Gay-Lussac el Aiago, Inm. 47, p. 69 elsuiv.
partie de celle note a élé insérée dans le 10' volume de
la
Tancrède, et qui en les écoutant ne soit détourné de toute (2) Une
réflexion, de (outecritique par l'entraînement du plaisir. Revue musicale.
296 REVUE MUSICALE.
l'un des rais viendra à passer devant cette espèce d'ob- également montée la grande roue motrice. De chaque
turateur, et que pendant tout le temps que le rais em- côté du plan circulaire décrit par la barre, et suivant
ploiera pour le franchir, le fluide se comprimera en- une de ses diamétrales, sont disposées deux planches
dessus de l'obstacle en même temps qu'il se dilatera minces qui reposent sur les faces supérieures du banc et
en-dessous, de manière qu'au moment où le rais échap- qui peuvent à volonté être plus ou moins rapprochées
pera, l'air comprimé se précipitera dans le vide impar- des faces de la barre qui doit circuler entre elles. Au
fait qui aura été produit. On conçoit que si la vitesse de moyen d'un compteur adapté à l'axe même de la barre
rotation est suffisamment grande, il devra résulter de on peut facilement déterminer le nombre de tours qu'elle
ce mouvement subit de l'air un bruit analogue à celui exécute par seconde. Il est évident que, dans cette dis-
qui a lieu lorsque ce fluide se prccipile dans un vase position, le nombre de coups est double du nombre des
qui contient de l'air plus ou moins dilaté ; c'est aussi ce tours, puisqu'ù chaque révolution de la barre il y a un
qui a lieu , et comme cet effet est le même pour chaque choc produit.
rais, il se produit une suite de petites explosions dont Lorsque la barre commence à décrire ses révolutions,
le nombre est proportionnel au nombre de rais et ù la la vitesse étant peu considérable, on entend d'abord
vitesse de rotation de la roue; et qui, lorsqu'elles sont des coups séparés les uns des autres et qui ressemblent
assez multipliées dans une seconde de temps, donnent à des explosions extrêmement faibles ; mais lorsque la
naissance à un son soutenu qui peut acquérir beau- vitesse de vient plus gronde, les coups deviennent de plus
coup d'intensité, si, au lieu d'im seul obturateur, on en plus intenses, au point qu'on serait tenté de croire que
en dispose quatre dans un même plan diamétral de la la barre frappe contre un corps solide, eten même temps
roue. on entend un son soutenu extrêmement gravequi paraît
Tel est, en général, le principe sur lequel repose la d'abord très faible, mais qui en suite acquiert uneinten
construction de l'appareil dont j'ai fait usage. Il faudrait site extraordinaire lorsque les chocs sont assez voisins les
maintenant étudier dans ses particularités ce nouveau uns des au 1res pour que les impressions produites par cha-
moyen de production du son , et lâcher de déterminer cun d'eux sur l'organe de l'ouïe durent assez long-temps
exactement l'influence de la longueur, de l'épaisseur pour se superposer d'une manière convenable. Néan-
et de la largeur des rais , ainsi que celle de l'épaisseur moins, avec l'appareil dont il s'agit, le nombre de tours
des obturateurs; mais comme j'ai seulement en vue, ne pouvant guère être plus grand que de vingt-cinq ou
dans cette note, de m'occuper de la limite de la per- trente par seconde, on perçoit toujours chaque choc
ception des sons graves, je laisserai pour le moment indépendamment du son soutenu, de sorte que le son
toutes ces questions de côté, et je me bornerai i dire est toujours de la nature de ceux qu'on appelle -sons
que l'expérience montre, i° que l'intensité du son croît ronllans '
; il a d'ailleurs une telle intensité que toutes
très rapidement avec la longueur des rais ;
2° que, pour les personnes qui ont assisté à ces expériences en ont
obtenir des coups très secs et très intenses, il faut que toujours été étonnées ; et en effet, celte intensité est
l'arête des rais soit parallèle à celle de l'obturateur à telle que, dans une pièce fort grande, il est impossible
l'instant où il la dépasse, et que le bord de l'obturateur d'entendre le moins du monde le son d'un orgue ou
ne soit pas éloigné de plus d'un millimètre du plan dans d'une basse , non plus que les sons delà voix humaine,
lequel circule la barre; j" enfin, que le nombre des lundis que l'appareil est en jeu.
coups dans un temps donné étant déterminé, ils sont Le point important était ici de déterminer exacte-
d'autant plus intenses que le nombre des rais est moins ment pour quel nombre de coups on commencerait à
grand, ou en d'autres termes, qu'ils sont animés d'une percevoir le son soutenu; or, l'expérience ayant été
plus grande vitesse. faite à diverses reprises devant un grand nombre de
La construction de l'appareil dont j'ai fait usage est personnes, toutes se sont accordées pour fixer cette li-
basée sur ces observations : il est composé d'une roue mite autour de sept ou huit chocs par seconde, ce qui
de quatre pieds et demi de diamètre destinée à impri- correspond à quatorze ou seize vibrations simples par
mer un mouvement de rotation à une barre de fer d'en- seconde. Mais cette limite ne peut pas être considérée
viron deux pieds et demi de longueur,, de deux pouceg
(I) Avec une. roue de deux iiieds et demi de lougueur formée par
de largeur et de six lignes d'épaisseur, qui est traversée
huit rais, et auimée d'une vilesse de rotation convenable pour obtenir
au milieu de sa longueur et perpendiculairement à ses d'une ron-
cinquante à cent coups par seconde environ, les sons sont
plates faces par un axe qui tourne dans des coussinets deur, d'une force et d'une puretéadmirables, et l'on ne distingue plus
fixés à nn banc très solide et très lourd sur lequel est du tout le son soutenu des coups périodiques qui le produisent.
REVUE MUSICALE. 297
comme absolue, car avec un appareil d'un rayon plus j'entendis résonner des noms tels que ceux de Potain,
petit, le son soutenu ne paraît qu'à l'occasion d'un b ie de Bon nez ou de Friqaet. J'appris alors que j'étais rue
plus grand nombre de coups, de sorte qu'il est naturel Mouffetard; ce fut un trait de lumière, j'écoutai de
de conclure de là que si la barre mobile était plus lon- nouveau , et je compris, ou à peu près, ce qu'on va lire.
gue, les coups étant beaucoup plus forts, le son sou- M. Potain est un brave homme qui lient une maison
tenu se ferait sentir pour un nombre de coups beaucoup garnie où il loge, à pied et à cheval sans doute, mais
moindre. plus probablement à pied, car ce sont des étudians du
Ainsi, jusqu'ici rien n'établit qu'il y ait des limites pays latin qu'il héberge. M. Potain donc a pour loca-
tant à la perception des sons graves qu'à celle des sons taire un jeune musicien du nom de SainvilU qui compte
aigus, et au contraire, les faits semblent établir que si la sur le succès d'un opéra pour payer des lettres-de-change
durée de la sensation produite par chaque choc pou- qu'il a souscrites et pour lesquelles il est poursuivi à
vait être dimiuuée proportionnellement à l'augmenta- outrance. 11 n'est pas en bonne odeur chez M. Potain,
tion du nombre des chocs, dans un temps donné, les car M. Bon nez prétend avoir flairé de loin ses principes
sons les plus aigus seraient perçus avec autant de faci- suspects. Mlle Potain pense tout autrement, aussi le
lité que ceux qui le sont beaucoup moins; tandis que, défend-elle contre les attaques de M. Bon nez, qui af-
au contraire, si l'on pouvait augmenter la durée de la firme que le jeune musicien ne peut être qu'un révolu-
sensation produite par chaque coup proportionnelle- tionnaire, puisqu'il fait des airs et des duos à la manière
ment à la diminution de leur nombre, toujours dans un de Rossini. Il s'y connaît lui, M. Bon nez, car il est ser-
temps donné, les sons les plus graves seraient aussi fa- pent de sa paroisse et ne veut entendre parler que de sa
cilement perceptibles et aussi soutenus que ceux qui musique à lui, musique essentiellement monarchique
sont moins graves et qui semblent plus en relation avec et religieuse.
d'épargné pour mes jambes et pour ma tête , car la lec- sorte que la pièce fut terminée au milieu des sifflets.
ture d'une affiche exige souvent une tension d'esprit M. Soulié est un jeune auteur de talent qui compte
que ma paresse naturelle me fait éviter avec soin : je ne déjà plusieurs succès honorables. La Famille deLusigny,
veux pas employer mon intelligence pour si peu. Je qu'il vient de faire représenter au Théâtre Français, a
n'aime pas plus une affiche qu'une charade. complètement réussi. Il s'est trompé cette fois, et je
Je n'avais donc pas vu qu'il s'agissait d'une bouffon- n'hésite pas à le lui dire, car il est homme à prendre
nerie. Le Roi de Sicile... Rien n'csl irioins bouffon qu'un une brillante revanche.
pareil titre. Ce n'est pas que bien des rois n'aient été M. Casimir Gide, auteur de la musique de cet ou-
des pantins, mais non pas à la manière de ceux de Sé- vrage, est un jeune compositeur dont les essais, dans
raphin ; les bouffonneries de roi sont rarement plai- quelques drames représentés au théûlre des Variétés,
santes , et les farces monarchiques toujours peu risi- ont fait concevoir des espérances pour son avenir. Il
bles. J'avais donc tout honnêtement pris la chose au est fâcheux que son début à l'Opéra-Comique n'ait pas
sérieux, et je m'étais préparé à écouter avec recueille- eu lieu par un ouvrage plus favorable ù la musique. En
ment. . Italie, les plus grands musiciens ont souvent déployé
J'avoue que je fus désappointé tout d'abord quand toutes les ressources de leur talent dans des farces ridi-
298 REVUE MUSICALE.
cules qui leur ont fourni d'heureuses inspirations; mais aux hommes d'Etat, qui vont chercher daùS les prestiges
en France on ne sait point rire en musique. Des cou- de l'Académie royale de musique des délassetnens après
plets, de légers rondeaux, sont à peu près tout ce que leurs travaux.
ce genre peut supporter parmi nous. On peut opposer, Les répétitions de liobert le Diable se Suivent avec
il est vrai, à cette opinion le succès de i'Irato; mais activité paraît vraisemblable que
; il la première repré-
cet exemple ne serait pas concluant. Vlrato a été pré- sentation de celte pièce aura lieu du 5 au lo novembre
senté iiu public comme un cadre de musique , et même prochain.
comme la traduction d'un opéra bouffe italien; en se- — Mme Pasta se montre toujours admirable dans la
cond y avait été disposé pour servir le compo-
lieu tout plupart de ses rôles ; malheureusement nous serons
siteur, et celui-ci a fait dans un quatuor de son opéra bientôt privés du plaisir de l'entendre. Pour la dernière
un chef-d'œuvre qui, seul , vaut un opéra; enfin, on y fois elle a chanté les rôles de Tancrede, de Desdemonaei
avait réuni tout ce qui savait chanter à l'Opéra-Comi- d'Anna Botena. Lundi prochain, a4 octobre, aura lieu
que, c'esl-i-dire Elleviou, Martin. Solié, Mlles Ro- la représentation ù son bénéfice, composée de la Son-
landeau et Phillis. Néanmoins, malgré tant d'avantages, nambuta, opéra en deux actes, de Bellini. On dit beau-
Vlraio, estimé comme une des meilleures productions coup de bien de cette partition, le premier ouvrage de
de l'école française, a toujours paru froid et sérieux à Bellini qui aura été entendu à Paris.
la représentation. M. Gide, auquel on n'a donné à met- — Les nouveautés musicales vont se succéder par-
tre en musique qu'une bouffonnerie sans gaîté, et, pour tout. A l'Opéra-Comique , la première représentation
exécuter ce qu'il a écrit, que des chanteurs pour rire, de Marquise de Brinvilliers sera donnée vers
la le 3o de
n'avait aucune chance de succès. Plusieurs morceaux de ce mois; au théâtre des Nouveautés, ou annonce pour
sa partition annoncent de la facilité à trouver des chants même époque
la les Sybarites de Florence, opéra tiré des
gracieux et des effets bien combinés mais leur alliance
; compositions de Weber et de M. Meyerbeer, et arrangé
à des situations fausses, que leur développement pro- par M. Castil-Blaze.
longeait encore, leur a nui et les a frappés de froid.
Malgré les défauts d'une exécution déplorable de la
les thérurcs d'Italie : la plupart Tirent toujours aux dé- mes fort honorables, et le représente comme un habile
pens du répertoire de Rossini , de Bellini et de Doni- improvisateur sur le violon.
majeur, un offertoire j et un Domine salvum fac impera- Lorsque des besoins intellectuels se créent, les mé-
torem , tous composés par M. de Seyfried , ont été en- thodes par lesquelles on peut y satisfaire se multiplient
tendus. L'exécution a été très satisfaisante. L'orchestre et se perfectionnent rapidement; aussi a-t-on remarqué
etle chœur, composés d'un grand nombre de musiciens que depuis trente ans le nombre des traités élémentaires
des divers théâtres, des diverses églises et des élèves d'harmonie, d'accompagnement et même de contre-
du conservatoire impérial, étaient au grand complet. point s'est considérablement augmenté. Tous ne rem-
— Les vrais amateurs de musique n'apprendront pas plissent pas le but que les auteurs s'étaient proposés,
sans intérêt que M. Haslinger, éditeur de musique à mais ils signalent du moins une certaine activité exis-
Vienne, vient d'entreprendre la publication des œuvres tante dans la société pour s'instruire des procédés de
complètes de Jean Sébastien Bach. Il commencera cette l'art d'écrire et d'analyser la musique. Les cours se sont
belle collection par les œuvres pour le piano et pour aussi multipliés : peut-être les résultais ne réalisent-ils
l'orgue. Ces derniers ouvrages seront aussi arrangés à pas toutes les promesses des professeurs qui les diri-
quatre mains par Charles Czerny, pour remplacer la gent, mais ils ont du moins pour effet de développer
pédale de l'orgue et le mélange des claviers. le goût d'une science destinée à perfectionner l'organi-
— La Gazette du gouvernement de Madras ( the sation naturelle des individus, et sous ce rapport ils
un anglais italianisé, n'a pas trouvé de meilleur moyen « Ce n'est pas exclusivement
la science des accords
se trouvera expliqué et résolu. Uue nouvelle tuéthode, classiques des grands maîtres; mais ces longues études
onze heures du matin. nigne et qui ne fatigue pas leur patience ; les vocalises
» Le prix du cours, qui commencera le i" novembre nous paraissent destinées ù leur aplanir une partie des
drochain, sera de 12 francs par mois, payables d'a- en caressant leur oreille; sous ce rapport elles
difficultés
vance.
sont utiles, et nous croyons pouvoir en recommander
M. Elwart, professeur l'usage.
« On souscrit à Paris, chez
Bulletin d'Annonces.
PnBLICATIONS ÉLÉMENTAIRES. AGENCE GÉNÉRALE DE LA MUSIQUE,
KUE DD HELDEB, K° 1 S.
Trente-six Vocalises pour la voix de soprano ou de
PIASOS A VEIVDBE.
ténor, composées selon le goût moderne, par Mahco
Deux pianos à queue d^occasioD à six octaves et demie. Ces deux
BoHDOGRi, premier ténor du ïhérare Royal Italien et , ,
professeurs de vocalisation qu'il y oit à Paris, et sa ré- Six cliansons de Bérenger, mises en musique, et dédiées aux membres
putation en ce genre n'est point ursiirpée. Au théûtre, de la société du Gymnase lyrique par ,
L. de Joannis ; 1 <"' cahier.
M. Bordogni est recherché comme professeur de chant Les classes seront de deux heures ; il n'y sera admis que six élèves
et si ses éludes ont de la vogue. Le i" cahier des exer- Le prix est de 2tt francs par mois, payable d'avance.
compte dans Revue mu- Les cours ouvriront le jeudi 3 novembre 1831.
cices dont nous avons rendu la
S'adresser, pour se faire inscrire, chez M. Panseron boulevard des
obtenu beaucoup de succès; celui-ci nous paraît
,
sicale a
Italiens , n. 11, tous les malins avant midi.
destiné à n'être pas moins bien accueilli par les ama-
— M. DE Garacdé, professeur au Conservatoire , a r'ouvert son
teurs du chant. La mélodie en est généralement gra- Cours de chant italien et français les lundi et vendredi de chaque se-
cieuse, bien phrasée pour la respiration, les ornemens maine, de 2 à 4 heures. — Prix: 2 S francs par mois.
sont de bon goût, le style des vocalises est bien varié, Ce cours a lieu chez lui, rue Vivienne, rotonde Colhert, escalier E;
enCn l'accompagnement ne manque pas d'élégance, et c'est à cette adresse qu'on trouvera dorénavant tous ses ouvrages,
avoir vaincu toutes les difficultés de la mise de voix et Londres , chez Chappel ,
et à Leipsig , chez Probst. .
t
du mécanisme de la vocalisation , on passait à l'appli-
cation avec l'articulation des paroles dans des morceaux IMPRIMERIE DE E. DCVERGER, Rl'E DE VERNEOIL, N° 4-
REVUE MUSICALE,
V". ANïVÉE. PUBLIÉE PAR M. FÉTIS. N» 38.
SUR LES BICTIONKTAIRES DE MUSIQUE. l'habitude que l'on a d'y recourir comme contraire à la
véritable instruction, et comme une des causes de l'igno-
Les dictionnaires d'arls et de sciences ont un double rance profonde où la société est en général plongée sur
but: d'une part, ils sont destinés adonner aux gens du les choses qui l'intéressent le plus.On ne peut nier que
inonde des notions qu'ils n'ont pas le loisir ou la vo- leur dégoût pour les dictionnaires ne fût fondé, consi-
lonté d'acquérir ,par des études sérieuses et suivies; de déré sous ce point de vue. Pourtant il est certain que
l'autre , ces mêmes; livres ont quelquefois pour objet de l'abus qu'on fait de quelque chose n'en démontre pas
faciliter les recherches des savans et des artistes, en les l'inutilité ni le danger : de quoi n'abuse-t-on pas ! Le
mettant sur la voie des sources où ils peuvent puiser désir de s'instruire est une qualité qu'on possède ou
des renseignemens plus étendus ou plus spéciaux. 11 est q.i'on n'a pas; ceux qui en sont dépourvus n'auront ja-
facile de comprendre d'après cela que les dictionnaires mais un savoir réel, quoi qu'on fasse; à tout prendre, il
d'arts ou de sciences doivent être de deux sortes ; car si vaut donc mieux encore qu'ils aient à leur portée des
la concision et la précision des définitions senties qua- moyens faciles d'acquérir des notions fugitives selon
lités nécessaires de ceux qui sont destinés au commun leurs besoins du moment, que de ne pouvoir les satis-
des lecteurs, les faits ne sauraient être trop nombreux, faire. Quant aux artistes, si les dictionnaires auxquels
leur classement ne pourrait être trop méthodique, les ils ont quelquefois recours ne leur donnent que des no-
indications de sources historiques, théoriques, critiques tions incomplètes, c'est moins à cause de la forme du
et philologiques trop étendues , dans ceux qui ont pour livre qu'à cause de la manière dont il est exécuté. Il y a
objet de seconder les artistes ou les savans dans leurs de bons dictionnaires de médecine, d'histoire naturelle
travaux. Beaucoup de lexicographes ont essayé de con- et de botanique ; aucun médecin, naturaliste ou bota-
cilier ces choses, qui sont incompatibles, et leurs efforts niste ne formé avec eux, que je sache, car il faut
s'est
ont toujours eu pour résultat de produire des livres qui des études Ipngues et sérieuses pour faire des savans
ne satisfont à aucune des conditions. Ça dictionnaire dans ces trois branches des connaissances humaines.
de musique, par exemple, ne pourra jamais satisfaire à Mais que l'on consulte les médecins et les botanistes les
la fois de simples amateurs et des musiciens instruits. plus distingués sur les avantages que l'homme le plus
Ilen faut qui soient rédigés d'une manière différente instruit peut tirer de l'usage de ces dictionnaires, et tous
pour les uns et pour les autres: c'est ce qu'on n'a pas avoueront qu'ils leur doivent d'avoir évité quelquefois
encore compris ; aussi , bien qu'il ait paru plus de vingt de perdre beaucoup de temps. Or, ce qui a été fait pour
dictionnaires de ce genre en différentes langues, on la médecine et la botanique, pourquoi ne le ferait-on pas
peut affirmer qu'il n'en existe pas un qui soit réellement 'pou* la musique ? Pourquoi n'y aurait-il pas aussi d
satisfaisant. L'analyse que je donnerai des principaux dictionnaires de cet art établis sur la grande écha^re q
d'entre eux démontrera cette vérité. a été adoptée pour d'autres sciences ? Science_Jjhm^^c 'i\
Beaucoup de bons esprits se sont élevés contre l'usage par la multitude d'objets qu'elle embrasse, l<*v|^iSfq;^,^.^J;^^^'
des dictionnaires. Le défaut d'ordre logique, inséparable plus qu'aucune autre partie des connaissances K3!ftar^ii^.>^^i'#]
d'un livre de cette espèce, n'était pas la î^eule cause du a peut-être besoin d'un de ces recueils de traiMss^Wlï^
peu d'estime qu'ils avaient pour eux; ils considéraient bétiques dont les avantages se font sentir dansN^fc-trîH^ 1II <C
302 REVUE MUSICALE.
vaux de tout musicien, quelle que soit la partie de l'art de reconnaître le mérite de son auteur. Le Dictionnaire
qu'il cultive de préférence. Examinons d'abord ce que de musique de Brossard peut être encore consulté au-
nous avons en ce genre, nous verrons ensuite ce qu'il jourd'hui avec fruit par les musiciens érudits, pour ce
faudrait faire pour que les artistes et les savans n'eus- qui est relatif li l'ancienne musique.
sent plus rien à désirer sous ce rapport. Le Dictionnaire latin de Janowka est maintenant
Les premiers dictionnaires de musique qui ont été pu- d'une rareté excessive. Je ne le connais pas et ne puis
bliés sont ceux de Sébastien de Brossard et du Bohême en parler, mais il est vraisemblable qu'on y trouve des
Janowka (je laisse ù part le Glossaire latin de Tinctoris qualités et des défauts analogues à ceux que j'ai signalés
qui fut imprimé vers la fin du quinzième siècle). Ils pa- dans le Dictionnaire de Brossard.
rurent presque dans le même moment ; le premier, sous Vingt-cinq ans s'étaient écoulés sans qu'il parût de
le titre de Dictionnaire de Musique, contenant une expli- nouveau dictionnaire de musique, lorsqu'en 1728 Go-
cation des termes grecs, latins, italiens et français les plus defroi Wallher publia l'essai d'un livre de ce genre, sous
usités dans la musique, etc. (Paris, 1701, in-fol.); l'autre, le .titre de Àtte und neue musikalische Bibliothek, oder
sous celui de Clavis ad Thesaurum magnœ ariis mu- musikalisches Lexicon, etc. (Bibliothèque de la Musique
sicœ, etc. (Prague, 1701, in-8°). Le but que s'était pro- ancienne et moderne, ou Lexique de la Musique, etc.),
posé Brossard, musicien instruit et fort érudit pour son 64 pages in -4". Quatre ans plus tard, il exécuta
Erfurt,
temps, était de donner une explication claire et précise complètement cet ouvrage, qui parut à Leipsick en un
de la multitude de mots tirés de langues étrangères dont volume in-8% sous le même titre. Par une disposition
le pédantisme de quelques musiciens surchargeait assez singulière , Walther, savant musicien et organiste
alors les compositions. Lui-même nous apprend, dans àWeimar, mêla dans ce livre des notices biographiques
sa préface, que son premier plan fut changé pendant sur les musiciens et les écrivains sur la musique, des
l'exécution de son livre, parce qu'il s'aperçut de l'insuf- recherches d'érudition sur leurs ouvrages, et l'explica-
fisance de la plupart de ses articles. En effet, on aper- tion des termes de l'art. Le titre qu'il avait adopté sem-
çoit dans les dernières lettres de son dictionnaire plus blait l'autoriser ù donner dans le même livre tout ce
de développemens que dans les premières et quoiqu'il ; qui intéresse l'art musical; mais le défaut inévitable
aitdonné trois éditions de son livre et qu'il en ait refait d'une telle disposition est une sorte de confusion gê-
quelques parties, il n'a pu faire disparaître entièrement nante pour l'uSiige habituel du commun des lecteurs. Il
cette disproportion. Le Dictionnaire de musique de était d'ailleurs difficile que l'une des parties de l'art ne
Brossard n'est pas un dictionnaire des termes français, fût pas sacrifiée à l'autre : c'est en effet ce qui est arrivé
mais un dictionnaire polyglotte. Il y a plus, on n'y dans le travaiiJe Wallher. L'explication des termes tech-
trouve même pas de termes de la langue française dans niques n'y occupe point assez de place, et la bibliogra-
la nomenclature ; il a formé de ceux-ci une table sépa- phie y domine. On y trouve beaucoup d'érudition, et,
rée, pour l'explication desquels ii renvoie au diction- malgré le nombre assez considérable de biographies et
naire. C'est assurément un défaut assez considérable de bibliographies musicales qui ont été publiées posté-
dans un ouvrage destiné à des lecteurs français ; mais rieurement à la publication du Dictionnaire de Walther,
ce défaut doit être moins attribué à Brossard qu'à l'état il peut être encore consulté avec fruit. Gerber, qui en a
d'imperfection où se trouvait la musique en France à tirébeaucoup de matériaux pour ses deux lexiques, y a
l'époque où il écrivit. La langue de cet art n'était point négligé des détails qui auraient ajouté du prix à son
alors formée; elle ne se composait guère que de péri- travail.
phrases. L'auteur anonyme d'un dictionnaire de musique pu-
Un défaut plus réel du Dictionnaire de Brossard , et blié à Chemnitz en 1737, in-8°, sous le titre de Kurzgt-
l'ou verra par la suite que ce défaut est celui de la plu- fasztes musikalisches Lexikon , etc. ( Dictionnaire abrégé
part des livres du même genre, est d'être trop étendu, de Musique, etc.), paraît avoir adopté en partie le plan
dans une partie de ses articles, pour l'usage des per- de Walther, mais en donnant à l'explication des termes
sonnes qui ne savent pas la musiquu, et de ne l'être pas techniques un développement proportionnellement plus
assez ponr les musiciens. Toutefois, Ton songe aux si grand qu'à la partie bibliographique et biographique.
difficultés que Brossard eut à vaincre dans un temps où Ce volume était principalement destiné aux musiciens
il n'existait aucun autre dictionnaire de musique
qui pût de profession qui sont répandus en grand nombre dans
l'aider dans la rédaction du sien, on sera forcé de rendre les petites villes et dans les campagnes de l'Allemagne ;
justice à l'esprit de recherche qui s'y fait remarquer, et sa forme portative remplissait bien ce but. Il est connui
REVUE MUSICALE. 303
généralement en Allemagne sous le nom de Lexique de vail de cette espèce, n'eut pas les moyens d'améliorer
ChemniU ou de Stœlzel (l'éditeur). Son succès fut assez convenablement. Rameau avait attaqué quelques-uns
brillant pour qu'il en lût publié une deuxième édition de ces articles dans une brochure qui avait pour titre :
JusqueMà la France ne possédait que le Dictionnaire in-8°) ; mais sa critique, entachée de l'esprit de système,
de musique de Brossard; l'Allemagne, comme on vient ne tomba point sur les objets qui méritaient d'être cen-
de le voir, en comptait trois; mais l'Angleterre, l'Italie surés.Rousseau sentit l'avantage que l'auteur du sys-
et l'Espagne n'en avaient pas. Le premier dictionnaire tème delà basse fondamentale lui avait donné, et fit une
de musique anglais fut publié à Londres en 1740 (un réponse intitulée : Examen de deux princifies avancés par
vol, in-8"), par Grassineau, sous le titre de A Musical M, Rameau dans sa brochure intitulée : Erreurs sur la
Dictionnary ; being a Collection of termes and characters, musique dans l'Encyclopédie. Ce petit écrit ne fut point
<is JVell antient as modem, etc. (Dictionnaire musi-- publié dans le temps, et n'a paru que dans les œuvres
cal, Collection de mots et de signes anciens et moder- complètes du philosophe de Genève.
nes , etc.). Ce livre n'est, pour la plus grande partie, Rousseau , homme de goût et qui avait le sentiment
qu'une traduction du Dictionnaire de Brossard, avec des de la bonne musique, n'avait reçu malheureusement
additions d'articles assez intcressans par les docteurs qu'une instruction fort incomplète sur la théorie et sur
Pepusch etOreen. Son défaut le plus considérable est la pratique de la musique. Il était médiocre lecteur, et
de n'être pas en rapport avec l'état avancé de la musi- ne connaissait de l'art d'écrire l'harmonie et le contre-
que moderne en Italie, en France et en Allemagne. point que par ce qu'il en avait trouvé dans les livres;
Grassineau, traducteur de la plus grande partie de l'ou- d'ailleurs, le succès qu'obtenait en France la fausse
vrage, n'était pas assez instruit en musique pour faire théorie imaginée par Rameau l'obligeait à ne traiter
un bon dictionnaire de cet art. dans son livre tout ce qui se rattachait à cette partie de
L'ouvrage de ce genre qui fit le plus de sensation l'art, que d'après les principes de cette théorie. Il arriva
quand il parut, est le Dictionnaire de musique de Jean- de là qu'il négligea dans les choses qui se rapportent à
Jacques Rousseau. Le premier jet du travail de cet écri- l'accompagnement, à l'harmonie, à la composition les
« cette entreprise, dit-il (Préface du Dictionnaire de Mu- d'après.les vrais principes des anciennes écoles. De là
(I sique page 1 , elle me fut proposée. On ajouta que l'imperfection dont ses articles accords, accompagnement,
, )
« le manuscrit entier de l'Encyclopédie devait être contrepoint, fugue, canon, etc. sont empreints: imperT
« complet avant qu'ilimprimé une seule ligne
en fût ;
fection telle, qu'elle a fait vieillir avant le temps un
« on ne me donna que trois mois pour remplir ma livre qui se recommande d'ailleurs par les qualités du
tSche, et trois ans pouvaient me suffire à peine pour style et d'une clarté méthodique. J'ajouterai que Rous-
(r lire, extraire, comparer et compiler les auteurs dont seau eut le tort de traiter, sans les connaîlre, les ques-
« j'avais besoin ; mais le zèle et l'amitié m'aveugla sur tions d'acoustique pt du système des proportions, de
« l'impossibilité du succès. Fidèle à ma parole, aux dé- telle sorte qu'il les a rendues presque inintelligibles.
« pens de ma réputation, je fis vite et mal, ne pouvant J.-J. Rousseau montre peu d'estime dans sa préface
a bien faire en si peu de temps; au bout de trois mois pour le Dictionnaire de Brossard. On peut d'autant
« mon manuscrit entier fut écrit, mis au net et livré; mieux lui reprocher son injustice à cet égard, qu'il a
« je ne l'ai pas revu depuis. Si j'avais travaillé volume beaucoup profilé du travail de ce savant musicien, sans
à volume comme les autres, cet essai , mieux digéré, le secours duquel il ne serait jamais parvenu à entendre
« eût pu rester dans l'état oii je l'aurais mis. Je ne me tout ce qui a quelque rapport à la musique du moyen-
(I repens pas d'avoir été exact, mais je me repens d'avoir <ige et à la notation des quinzième et seizième siècles.
« été téméraire et d'avoir plus promis que je ne pou- Une des singularités les plus remarquables du Dic-
vais exécuter. » tionnaire de musique de J.-J. Rousseau, est qu'il ait
Après ces explications, on aurait mauvaise grâce à absolument négligé l'explication de ce qui est relatif
critiquer sévèrement les articles de l'Encyclopédie qui aux inslruniens, et que les noms mêmes de ces instru-
ont servi de base au Dictionnaire de musique, et que mens ne s'y trouvent pas. Il n'avait point été chargé
J.-J. Rousseau, éloigné de Paris et privé des ressources de cette partie dans l'Encyclopédie, et lorsqu'il voulut
<3es grandes bibliothèques, indispensables pour uo tra- achever son dictionnaire, dans sa retraite en Suisse, il
304 REVUE MUSICALE.
était privé de tous les ouvrages où il aurait pu puiser les et si l'on fait le vide, le son cesse de se faire entendre
(locumens nécessaires ; il y eut pour lui obligation de aussitôt que l'air a été retiré du récipieat.
laisser cette lacune dans son travail. Mais c'est ici qu'il faut imiter Galilée, donnant plus
Malgré les défauts que je viens de signaler, le Diction- de confiance ù sa raison qui lui aflîrmait le mou-veuient
naire de J,-J. Rousseau a joui d'une popularité que de la terre sur elle-même, qu'au témoignage de sesy^ux
n'ont point eu des ouvrages beaucoup meilleurs qU'oh qui lui affirmaient le mouvement du soleil.
a faits depuis, et probablement dont ne jouiront aucun La raison nous dit, en premier lien, que si le corps
de ceux qui seront faits à l'avenir. C'est moins ù l'utilité frappé se bornait ù imprimer sa vibration ù l'air envi*
qu'on en a tiré qu'il est redevable de ce succès qu'au ronnant, comme notre organe de l'ouïe n'est en com-
nom justement célèbre de son auteur, à la magie de son munication immédiate qu'avec cet air environhaut,
style, et à d'autres circonstances que tout le monde con- comme, par conséquent, ce serait uniquement de la tï-
naît et qu'il est inutile de rappeler. bralion de l'air, et non de la vibration du corps sonore
{La suite au numéro prochain, ) que nous pourrions avoir la sensa'tion , tous les coiips
FÉTIS. élastiques, frappés dans le même lieu, dans la même
atmosphère, devraientavoirpour nous le même timtbire;
un violon, une clarinette, un basson, tousies corps delà
ACOUSTIQUE FONDAMENTALE
nature auraient pour nous le même son; dans l'obscurité,
00 BASES PHYSIQUES DB LA MUSIQUE. nous ne pourrions les distinguer les uns des autres.
£n second lieu, le son se propage très distinctemeot
Seconde lettre à M. FÉtis.
ù travers les liquides, et jl devrait expirer sur leur sur-
Monsieur, face, car les liquides ne sont point susceptibles de vi-
Dans ma première lettre, j'ai défini la musique : l'art bration. Leur surface, sains doute, se prête à un mou-
de mettre en œuvre les sons produits par les corps so- vement d'ondulation ; mais pour cela il faut qu'elile soit
nores de manière à en former, soit une combinaison, libre de s'abaisser et se soulever alternalivcqieDt. Une
soit une succession, agréables pour l'homme qui les masse d'eau , remplissant toute la capacité d'un vase
écoute. !
dans lequel hermétiquement enfermée, ne
elle serait
Mais comme lorsque le musicien fait ainsi As? har- pourrait pas plus y devenir ondulante que vibrante;
monie ou de la mélodie, c'est en réalité la nature qui agit tous les mouvemens imprimés au vase la laisseraient
par l'entremise du musicien, mon objet maintenant est pleinement immobile ; cependant elle n'arrêterait point,
de chercher ce que fait la nature lorsqu'elle produit des à travers sa substance, la propagation d'un son exté-
sons, lorsqu'elle les combine, les enchaîne, en un mot, rieur.
lorsqu'elle fait de la musique. Et c'est ainsi que le liquide séreux, au sein: duquel
En premier lieu , tout corps élastique que l'on a frappe nage et se termine notre nerf auditif, est enfermé dans
se met en vibration , et , pendant toute la durée de cette la cavité osseuse de notre organe de l'ouïe ; c'est vaine-
vibration, projette un son dont l'intensité est propor- ment pour nous que le son serait produit hors de nous,
tionnelle à la force de la percussion. si, au lieu de traverser les corps qu'il rencontre, il ne
Voilà, en acoustique, le fait initial. pouvait se propager qu'en les mettant en vibration.
Nous savons de plus que le son forme autour du Troisièmement, le son se réfléchit comme tout corps
corps frappe, une sphère rayonnante; car, lorsqu'il est élastique, comme la bille de billard sur la baude vers
libre de toute réflexion, ils'affaiblit graduellement, laquelle le joueur la dirige. Ainsi que cette bille, le son
et,
comme le carré de la distance, augmente, ce qui est fait, avec l'obstacle qu'il rencontre, un angle de ré-
également la loi de l'affaiblissement de la lumière. Mais flexion égal à l'angle d'incidence; ce qui atteste qu'il est,
dans cotte sphère sonore, le son se propage-t-il, en comme en mouvement de translation , de pro-
la bille,
réalité, par rayonnement, comme la lumière; ou bien jection. Or nul mouvement de translation n'est impri-
par la vibration isochrone que le corps frappé imprime mé par le corps sonore à l'air qui l'environne. Dans
à l'air dont il est environné ? une salle où se donne le concert le plus bruyant, l'at-
C'est ce que l'on a pensé jusqu'ici, et l'on motsphère reste dans calme plus parfait.
y a été le le
autorisé par une expérience très simple : Quatrièmement, ces concerts, doux ou bfuyans, té-
Si un corps sonore, qu'une horloge à timbre, est
tel moignent que des corps sonores en nombre plus ou
enfermé sous le récipient d'une machine pneumatique, moins considérable peuvent, dans le même lieu, vi-
RJSVUE mUSICALE. 305
raient^ se sépareraient, donneraient naissance à des vi- ses enveloppes à l'expansion convergente des corps en-
brations nouvelles ? vironnans; c'est ainsi qu'il conserve l'existence; mais
Il est de toute éyidence que le son est lancé en rayon- il recueille son expansion propre dans ses parties inté-
nant par le corps sonore, comme la lumière est lancée rieures, et c'est là qu'il exerce sa vie ; c'est là qu'il agite
en rayonnant par le corps lumineux. L'Acoustique et sans cesse sa propre substance, qu'il la divise, l'atténue,
l'Optique sont deux sciences exactement parallèles. Ce et enfinla projette, sous forme de transpiration sub-
qui complète la similitude et résout toutes les questions tile, à travers les pores de sa surface. Celle transpira-
des 4eux genres ,, c'est que les rayons lumineux , ainsi tion subtile est rayonnante parce que l'Expansion qui
que les rayons sonores, sont formés chacun d'une suite la provoque est une Force égale, uniforme. C'est ainsi,
continue de globules constamment en vibration. Cette en rayonnant, que les globes de très grandes dimen-
condition ; la vibration constante du globe lumineux et sions, que le soleil, les étoiles, transpirent leur lumière,
du globe sonore, est rigoureuse et essentielle. que les globes de petites dimensions, tels que la Terre,
Ce qui distingue ces deux genres de rayons, c'est que ayant des enveloppes beaucoup plus condensées, trans-
l'émission lumineuse «st beaucoup plus rapide et beaur pirent un fluide beaucoup plus subtil, le calorique. Enfin
coup plus abondante que l'émission sonore; ce qui fait chaque corps terrestre, chaque homme, chaque animal,
qu'elle peut traverser le vide pneumatique sans y éprou- chaque plante, chaque fragment de rocher, de métal,
verde changement; tandis que les rayons sonores, dans jouit essentiellement, constamment, de la faculté trans-
le vide pneumatique, s'y comportent exactement comme piralrice. Chacun projette sphériquement hors de son
les rayons électriques qui émanent de la pointe d'un seinun fluide subtil qui, selon les circonstances, de-
conducteur. Tant que le récipient est plein d'air, ces meure calorique homogène, ou se dédouble en deux
rayons électriques s'y montrent en aigrette soutenue fluides de subtilité différente qui se font équilibre et qui
formée de faisceaux divergens à mesure que l'air se
; le consliluent dans l'état magnétique ou électrique.
retire, les faisceaux électriques, ainsi que les faisceaux Qu'est-ce maintenant que le fluide sonore ? Le voici.
sonores, entrent en divagation, se dispersent, s'alter- Lorsqu'un corps est élastique , c'est-à-dire lorsqu'il est
nent, et enOn, lorsque le vide est complet, s'évanouis- constitué de manière à pouvoir, sans se hriseï', réagir
sent; nous cessons de voir les rayons électriques et contre une percussion accidentelle, il se presse d'abord
d'entendre les rayons sonores. sur lui-même, il se condense au gré de celle percus-
Telle est la nécessité de l'air, non pour la production sion dès le second instant; il se dilate au degré même
du son et de l'électricité, mais pour contraindre le sou où il vient d'être condensé ;
par celte dilatation expan-
et les fluides électriques à prendre une densité qui rende sive, il agit sur les corps environnans qui , par leur ex-
leurs effets sensibles à nos organes. Il est vraisembla- pansion coalisée, lui ont donné sa densilé habituelle,
blement des animaux qui entendent des sons perdus il tend à les écarter; mais ceux-ci, qui sont élastiques
pour nous, comme il en est qui, au sein de ce que nous comme lui, réagissent à leur tour contre sa réaction, le
appelons obscurité profonde, se conduisent et saisissent condensent, provoquent de sa part une dilatation nou-
leur proie avec facilité. velle qui suit une nouvelle condensation En un mot,
Quant à la projection rayonnante, soit de lumière, ce corps élastique est soumis, par le seul acte d'une
soit d'électricité, soit de son, hors des corps qui les pro- percussion instantanée, à une vibration continue, c'est-
duisent, elle a pour cause immédiate la Cause unique à-dire à une alternative de condensation et de dilatation ;
gressivement affaiblie par la résistance de l'air et des italien, quatre choses principales se font remarquer,
corps en contact. Tant qu'elle dure, chaque accès de savoir: coupe mélodique des morceaux et les dé*
i" la
condensation retient, accumule, au sein du corps élas- veloppemens de ceux-ci ; 2° la régularité des rhythmps';
tique, la matière de sa transpiration ; mais l'accès de di- 3° la naturalisation d'une harmonie jusqu'alors étran-
latation succède, la matière accumulée jaillit avec une gère à l'Italie et certaines hardiesses qu'il y introduisit;
force, une abondance proportionnelles à la condensation 4° la richesse de l'instrumentation. Il
y joignit quelques
qu'elle vient d'éprouver, ou, ce qui est la même chose, formules de modulation recherchée qui lui parurent
à la force de la percussion. propres à produire plus d'effet que les modulations ré-
C'est ce jaillissement intermittent, et rendu plus ou gulières de ses prédécesseurs, la puissance physique de
moins énergique par la cause même de son intermit- certains effets, tels que le crescendo, le retour symé-
tence 5 qui confère en ce moment ù la transpiration trique et progressif de certaines formules, la réforme
rayonnante du corps élastique la propriété sonore; jaillis- du récitatif dans le drame sérieux, et plusieurs autres
sement, intermittence, énergie, propriété, qui s'affai- accessoires dont il avait reconnu la puissance sur le pu-
blissent graduellement à mesure que la vibration du blic. Tous ces moyens, propres à seconder la nature de
l'orps élastique diminue d'amplitude, et que ce corps ses idées, contribuèrent par leur réunion à donner à sa
rareté et de mollesse pour nous procurer une sensation. Or, il arriva que tandis que le public s'abandonnait au
Il est représente par une éponge imbibée d'un liquide plaisir que lui faisait éprouver les mélodies originales
qui s'évapore tacitement. Que l'éponge soit pressée, le et les pensées dramatiques du compositeur célèbre,
liquide s'exprime en jets plus ou moins apercevables. réunie? aux moyens d'effet qui viennent d'être énumé-
C'est ainsi que le son s'exprime hors du corps élasti- rées, sans en discerner le mécanisme, les artistes, au
que. Celui-ci, frappé, jette un cri; doucement caressé, contraire , s'attachèrent à ceux-ci et .se persuadèrent
exhale un soupir; ce que nous entendons est toujours le qu'en eux résidait tout le secret des succès prodigieux
fruit d'une expression expansive. obtenus par le maître de Pesaro ; et comme des moyens
Cette déûnition, qui semble Cgurée et qui est réelle, matériels ont cela d'avantageux en apparence qu'ils peu-
nous éclairera sur les divers caractères des effets sono- vent devenir la propriété de tout le monde, quelques
res; elle nous conduira à comprendre pourquoi les ac- compositeurs du second ordre crurent qu'il ne s'agissait
cens de la passion nous émeuvent, nous déchirent, que de s'en emparer, et de faire dans la manière de
pourquoi les chants d'amour et de bonheur nous ravis- l'homme de génie pour participer à sa gloire et à safor-
sent de plaisir. lune. Qu'arriva-t-il ? On sait que les artistes qui inveD-
Mais, en ce moment, qu'il nous suffise d'avoir posé tent unissent toujours par se formuler et par prendre
la base exactement première de tous les genres d'effets l'habitude d'user des moyens qui leur ont réussi : c'est
sonores. Sur cette base, il nous sera maintenant facile aussi ce que fît Rossini. Il se servit de ceux qu'il avait
de fonder l'explication claire, précise de toute l'action, trouvés, jusqu'à ce qu'il crût les avoir usés, et alors il
soit harmonique, soit mélodique, qui compose le do- les abandonna pour changer de manière dans l'opéra
maine de la musique. français, ainsi que nous le lui avons vu faire dans Guil-
Ce sera l'objet de ma troisième lettre. laume-Tell; mais ses imitateurs n'avaient pas comme
AZAÏS. lui les moyens de se transformer tout à coup en des
hommes nouveaux, et ils continuèrent par habitude
d'user de moyens qui avaient perdu le charme de la
Nouvelles de Paris. nouveauté , et dont l'usage excessif qu'on en avait fait
KEPRÉSENTAÏIOÎî AU BÉNÉFICE DE M" PASTA. Ce fut dans ces circonstances que Bellini entra dans
H SoNKAMBDiA, opéia en deux aclcs, musique de Bellini. L* — la carrière. Il comprit qu'il n'y avait plus de succès à
Prova d'us OPERA SERI4 , réduit en un acte, musique de Guecco. espérer dans une manière de faire dont le monde entier
— —
Mme Pasta. Rubiui. -^ lahiache. Sautini. — était saturé depuis plus de quinze ans; et il chercha la nou-
Parmi les moyens matériels employés par Rossini velle route dans laquelle il devait s'engager pour satisfaire
pour la révolution qu'il a faite dans la musique du drame son ambition d'artiste. La naturalisation de certaines
REVUE MUSICALE. 307
qualités de la musique allemande et de la française dans d'enthousiasme pour cette musique si piquante, si neuve
l'opéra italien avait réussi à Rossini : Bellini chercha ce et si spirituelle, la reçurent alors avec froideur, et ce ne
qu'il pouvait encore leur emprunter, et son choix se fut qu'après plusieurs représentations qu'ils commen-
fixa sur les formes dramatiques de l'école française. cèrent ù la comprendre. Le Turc en Italie, qui vint
Rossini avait développé dans un système très large après, était ù peu près du même genre ; on lui fit fort bon
l'étendue de ses morceaux; la plupart de ses airs et de accueil; mais laGazza Ladra, qui succéda ù cet opéra,
ses duos avaient été conçus et écrits à trois mouve- avait sous beaucoup de rapports des formes différentes:
mens; de là la longueur excessive de quelques-uns de il fallut que le public recommençât son éducation, tt son
ses opéras ; Bellini, au contraire, jeta dans ses ouvrages jugement ne fut pas d'abord favorable à cet ouvrage
unemultilude de petits morceaux, de romances, deron- qu'il applaudit ensuite avec transport. Le même effet
deauXjde scènesiiiélodïamatiques coupées d'une manière s'est reproduit à Tancrède, à Oiello, à Semiramide, Ne
irrégulière et d'une marche rapide. Rossini avait multi- nous étonnons donc pas de la froideur que le public
plié les morceaux d'ensemble dans ses ouvrages; à l'imi- vient de montrer en écoutant le premier opéra de Bel-
tation des musiciens français, Bellini les rendit beaucoup lini qu'on lui a fait entendre. Il n'en pouvait être autre-
plus rares dans les siens. La phrase de Rossini est en ment à l'audition d'une musique si différente de celle
général longue et périodique; Bellini n'avait pas le gé- de Rossini, et abstraction faite d'ailleurs de la distance
nie qui fait trouver des choses neuves de si longue ha- immense qu'il y a entre le génie de ce grand artiste et
leine, mais plein d'intelligence et de tact, il comprit celui de son jeune successeur.
qu'une phrase courte et symétrique est saisie avec La mélodie de Bellini est gracieuse , souvent expres-
plus de rapidité par le public, et cette théorie conve- sive, mais, comme je viens de le dire, sa phrase est
nant à la nature de ses idées, il s'attacha it en tirer tous courte, symétrique, et, dans les situatioQS qui exigent
lesavantagesdontelleestsusceplible. D'ailleurs, homme du mouvement, elle manque de force. Je citerai, par
de goût et d'esprit, il sut éviter l'uniformité des moyens exemple, la scène où la somnambule est trouvée endor-
qu'il avait adoptés, et en cela il fut encore redevable mie par son fiancé dans la chambre du jeune seigneui'.
de ses idées à musique française , dont les formes
la Celte scène est le motif du
acte. Il y finale du premier
sont, comme on sait^ moins symétriques et plus géné- a làune situation dramatique que Rossini aurait rendue
ralement adaptées aux exigences de la scène que celles avec beaucoup d'énergie mais Bellini s'est laissé domi- ;
de la musique italienne. ner par elle et ne l'a pas vaincue. La musique qu'il y a
Après quinze années d'usage d'une musique conçue placée n'a point de ces grands élans qui seuls peuvent
dans un système de développement très étendu , tout ce remuer l'ame d'un auditoire, et malgré les talens admi-
que fit Bellini dans son Pirate, dans sa Slraniera, dans rables que Rubini et Mme Pasta y ont déployé, l'efiet
/ Capuleti et dans la Sonnambula , était nouveau pour est resté froid et faible.
l'Italie; son succès fut décidé. Il est vrai que jusqu'ici Pour prononcer sur la portée du talent de Bellini dans
il n'a essayé sa manière que sur des habitans du nord de les choses de ce genre, il faudrait avoir entendu plu-
cette partie de l'Europe, et qu'il lui reste encore à écrire sieurs ouvrages de ce jeune compositeur, et particuliè-
à Rome et à Naples pour mettre le sceau à sa réputa- rement le Pirate et U Stramera. Le premier de ces deux
tion; mais tout fait présumer que le besoin de sensa- opéras doit être joué au Théâtre Italien dans le courant
tions nouvelles qui tourmente sans cesse les populations du mois de novembre ; je pourrai alors me faire une
oisives des bords du Tibre et de Parlhenope, leur fera opinion plus certaine des qualités de son auteur; mais,
adopter une musique de formes inconnues à leur oreille. si je ne me trompe, il n'est pas né pour les grandes
Il y avait à craindre que ces mêmes formes n'obtins- choses. Son habileté se décèle plutôt dans les détails
sent pas le même succès au Théâtre Italien de Paris. sccniques; il y a de l'ordre et de l'adresse dans ses arrange-
On sait que ceux qui le fréquentent d'habitude formu- mens; enfin, on y trouve du talent, mais non du génie.
lent leurs sensations de telle sorte qu'elles sont aussi Dans les airs, il afiectionne la forme du rondeau;
pour eux des habitudes, et qu'accoutumés ù jouir d'une mais il sait y jeter des choses en apparence irrégulières,
certaine façon, ils n'aiment point à se trouver tout à et dont l'effet ne manque pas de charme, parce qu'elles
coup jetés dans un ordre d'idées nouvelles sur lesquelles sont inattendues. La cavaline chantée par Rubini, son
ils sont appelés à se former une opinion. Considérons air du deuxième acte, un duo au premier, et deux ou
ce qui s'est passé lorsque le Barbier de Séville a été re- trois choeurs, sont les morceaux les plus satisfaisans de
présenté à Paris. Ceux qui depuis ont montré le plus sa parlilion. Us ont été généralement applaudis.
308 REVUE MUSICALE.
Il y a quelque chose de singulier, d'inaccoutumé, à ministration ; antipathie qui, pour le dire en passant,
voir Mme Pasta vêtue en paysanne et dépouillée de ce n'était pas trop raisonnable, puisque c'est aux soins de
grandiose qui semble inhérent avec elle. Mais son talent cet entrepreneur que les habitans de Londres sont rede-
de grande actrice ne se montre pas moins sous le bavo- vables des plaisirs que leur ont procuré Mlle Sontag,
let que sous le casque et le diadème. La prodigieuse Mme Malibran, Rubini, Lablache, et que c'est lui qui
variété de ses sensations, son intelligence parfaite, la a réuni dans le même temps les troupes les plus com-
mobilité de ses traits , l'harmonie de ses 'gestes se prê- plètes et dans lesquelles étaient réunis le plus grand
tent à tous les tons, à toutes les situations. Sa simplicité nombre de talens remarquables qu'il y ait jamais eu au
de mouveraens et d'accent dans le rôle de la somnam- Théfitre du roi. Quoiqu'il en soit, voici venir M.Mason,
bule m'a paru non moins remarquable que la force fort protégé, dit-on, par les notabilités sociales, qui vient
qu'elle déploie dans celui d'Anna Bolena ou le pathéti- prendre les rênes d'une administration où bien des en-
que qu'elle met dans Desdemona. Comme cantatrice, trepreneurs ont fait naufrage, après avoir perdu dessom»
elle a eu aussi des intentions d'une grande beauté; mais mes immenses; puisse son étoile être plus heureuse!
lin défaut de justesse plus sensible que dans la plupart M. Mason vient de jeter dans le public un aperçu des
de ses autres rôles a nui à l'effet de ses inspirations. Ce améliorations qu'il compte introduire dans le régime du
n'est que dans l'air final qu'elle a retrouvé, comme par Théâtre du roi, sous le titre de Prospectas of the plan iii-
enchantement, toute la pureté de son organe, la préci- tended parsued in the direction of the Italian Opéra
to be
sion de l'intonation, et qu'elle s'est élevée au plus haut house. Les promesses y sont prodiguées ; la plupart ne
degré du talent. sont relatives qu'au confortable que les Anglais aiment à
Jamais, à mon sens, Rubini ne s'est montre si grand trouver partout. Un sfeul article (le iS") nous a paru
chanteur que dans la Sonnambula. Déjà, dans sa cava- assez remarquable sous le rapport de la musique. Il est
tine et dans un duo du premier acte, il avait fait admi- relatif au choix des auteurs dont les ouvrages seront
rer la beauté et la puissance de sa vois , son goût et la exécutés: ce sont Mozart, Haydn, "Winter, G'uck
facilité de sa vocalisation, lorsque dans un air du Beethoven, Webcr, Spohr, Rossini, Handel, Paisiello»
deuxième acte il s'éleva au plus haut degré dans l'ex- Sacchini, Méhul, Martini, Paer, Cimarosa, Cherubini,
pression passionnée. Son succès a été immense, et ja- Piccini, Zingarelli, Salieri. Si M. Mason parvient à
mais il n'en fut de plus niérité. faire écouter avec plaisir par son auditoire des opéras
Santini m'a paru avoir fait des progris comme chan- entiers de maîtres dont le style est si différent, nous
teur ; il n'a point cherché i faire étalage de la puissance aurons une idée très favorable du goût des h.ibitués de
de son organe, et a chanté le rôle du jeune seigneur King's Théâtre, mais nous en doutons beaucoup. M.
avec sagesse et avec gofit. Comme acteur, il a laissé Mason ne parle point de sa troupe, parce qu'elle n'est
désirer plus de dignité dans son maintien, un air de point formée; peut-être, pour être fidèle à son mélange
meilleure compagnie ; le bouffe grimacier s'est trop des genres, en chcrchera-t-il les élémens en Angleterre,
souvent fait apercevoir dan? ses gestes et dans le jeu de en France, en Italie, en Allemagne et en Russie.
sa physionomie. Les journaux anglais, et particulièrement the Harmo-
On sait que Lablache est d'une verve, d'une perfec- nicon, sont remplis de détails sur les voyages de Paga-
tion de comique inimitable dans la Prova d'un Opéra niui en Angleterre, et sur les concerts qu'il donne par-
scria. Les autres rôles, chantés par Rubini et Mme Pasta, tout, sans distinction de grande ou de petite ville. Après
ont ajouté beaucoup de prix à la représentation de cet avoir joué pour la dernière fois à Londres le 20 juillet,
ouvrage. Mme Pasta y a été fort amusante. le célèbre violoniste souscrivit un engagement à Nor-
FÉTIS. Tvich, pour s'y faire entendre pendant la semaine des
assises. Il paraît que l'entrepreneur qui avait spéculé
sur son talent a fait une perte considérable, mais que
Nouvelles étrangères.
le virtuose a eu pour sa part huit cent livres sterling.
Londres. La direction de l'Opéra italien (King's M. Bacon, éditeur de la Qaarterly musical Reviea et du
Théâtre vient de passer des mains de M. Laporte dans Norwich Mercury, compare, dans un numéro de ce der-
J
celles de M. Thomas Monck Mason, inconnu jusqu'ici nier journal, les talens de Paganini et de Bériot, et sous
parmi les entrepreneurs de théâtres anglais. Depuis quelques rapports se prononce en faveur de celui-ci.
long-temps la haute société anglaise montrait de l'anti-
pathie pour la personne de M. Laporte ou pour son ad- IMPRIMERIE DE E. DUVERGER, RUE DE VERNEUH , N" 4-
REVUS MUSICALE,
V" ANNEE. PUBLIEE PAR M. FETÎS. N" 39.
SDR LES DICTIONNAIRES DE IHDSIQDE. spécialement de la matière dont il y était question c'est :
J.-J. Rousseau, près de vingt-cinq ans se passèrent sans partie est tirée de celui de Sulzer. Le succès décidé
qu'il fût rien écrit sur cet art sous la forme d'un lexique. qu'avait obtenu celui-ci en fit multiplier les éditions, et
Ainsi que je l'ai fait remarquer, le nom de cet écrivain la forme du livre se perfectionna et s'agrandit dans cha-
célèbre, ses querelles littéraires, ses malheurs, et sur- cune. Après la mort de l'auleur, il en parut une en
tout son Emile, sa Lettre à M. de Beaamont, et son traité quatre volumes (Leipsick, 1786) par les soins de Blan-
du Contrat Social, qui parurent presque dans le même kenburg ; six ans plus tard , le même éditeur en donna
temps, avaient fixé sur l'auteur du Dictionnaire de mu- une autre améliorée (Leipsick, 1792, 4 vol. grand
fort
sique un intérêt qui devait rejaillir sur ce livre dont lii-8°) , et lui-même y ajouta un supplément en trois
l'objet était d'ailleurs de populariser les notions d'un art volumes, quelques années après (Leipsick, 1796). Tous
pour lequel les gens du monde montraient alors un goût ceux qui ont écrit depuis ce temps des dictionnaires de
passionné. Le Dictionnaire de J.-J. Rousseau fut tra- musique destinés aux artistes, auraient dû adopter le
duit en anglais, mais avec une telle multitude de fautes, plan que leur avait tracé Sulzer en le perfectionnant;
qu'il est presque illisible. Par une singularité assez re- mais c'est à quoi personne ne paraît avoir songé jus-
marquable, il ne reçut point en Allemagne les honneurs qu'ici.
trine dans son pays. pour ceux-ci un prétendu Dictionnaire de Musique (Paris,
En 1773, un livre qui par la suite reçut des amélio- 1787, in-8°), où il voulait donner des définitions pré-
rations considérables, parut en Allemagne, et fit une cises, sans entrer dans les détails de la science. Son
sensation assez vive, même en France et en Angleterre, livre était peu volumineux, mais ce n'était pas son dé-
«JE fut le Dictionnaire des beaux-arts de Sulzer, qui fut faut le plus choquant: un dictionnaire de musique ù
publié sous le titre de Théorie générale des Beaux-Arts l'usage de ceux qui ne sont point initiés dans cet art,
(Allgemeine Théorie der Schcenen Kiinste). La mu- pourrait être fortbon quoiqu'il fût renfermé dans un
sique y tenait une place importante ;nomenclature y
la petitnombre de pages; mais le chevalier de Meude-
était incomplète; mais on y vit pour la première fois Monpas était fort ignorant en musique, avait l'esprit
comment devaient être traités les articles de quelque rempli de préjugés, et son style n'était guère plus élevé
importance, et quelle est lamesure de développement que ses idées. Son livre n'est pas sorti de l'obscurité
qui leur est nécessaire. Par une heureuse idée, Sulzer pour laquelle il était fait.
indiquait à la fin de chaque article les livres qui traitent La vaste entreprise de {'Encyclopédie méthodique , qu;
310 REVUE MUSICALE.
date du commencement de la première révolution fran- le dessein d'abréger leur travail, ou pour toute autre
çaise , fit refondre toutes les parties de la première En- cause restée inconnue ,
prenaient souvent des article»
cyclopédie, quoiqu'il entrSt dans le plan des éditeurs de dans le Dictionnaire de Sulzer, ou même dans les pa-
conserver le plus qu'on pourrait de celle-ci. Ginguené piers d'un académicien de Berlin nommé Castilhon, qui
et Framery furent chargés de In musique et on leur , avait beaucoup écrit sur la musique, à quoi il n'enten-
adjoignit un abbé Feyton rêveur systématique de la , dait pas grand'chose. Tout cela se contredit et ne peut
même espèce que l'abbé Roussier, et ;\ peu près aussi avoir pour résultat que de jeter de l'incertitude dans
ignorant que lui de la véritable science musicale. Gin- l'esprit des lecteurs.
guené n'était pas un grand musicien, et il avait le mal- La révolulion avait interrompu le travail dès coopé-
heur d'être homme de coterie et d'avoir des préférences rateurs du Dictionnaire de musique de l'Encyclopédie,
d'écoles, défauts très considérables dans un écrivain et deux tiers seulement du premier volume avaient été
destiné à traiter de l'urt en général ; mais il avait de publiés : ce fut bien pis quand on voulut l'achever après
l'érudition musicale, et tous les articles qu'il fit pour vingt-cinq ans d'interruption. Ginguené, Framery et
l'ouvrage auquel il coopérait se recommandent par l'abbé Feyton étaient morts; l'éditeur de l'Encyclopé-
l'exactitude des faits. Framery, plus instruit des procé- die confia ce qui restait de leurs papiers ù M. de Mo-
dés de l'art d'écrire en musique, quoique cet art fût en- migny, auteur d'un traité d'harmonie et de composition
core peu avancé en France li celte époque, fut chargé d'après un nouveau système, le chargeant J'en coor-
du tout ce qui concernait la partie technique de l'har- donner les matériaux et d'achever leur tâche. Les opi-
monie et du contrepoint, à l'exception du système de la nions de M. de Momigny sont, comme on sait, fort
basse fondamentale qu'on s'obstinait toujours ù conser; tranchées; il n'était pas homme i s'accommoder davan-
ver, et dont la révision fut livrée A l'abbé Feyton. Les tage des articles de Framery et de l'abbé Feyton que de
idées de cet abbé n'étaient point goûtées de ses collabo- ceux de J.-J. Rousseau , aussi se nait-il à déclarer dans
rateurs; mais cette divergence d'opinions n'était qu'une tous ses articles que ses prédécesseurs ne savaient ce
des causes de l'incohérence qui se fait remarquer dans qu'ils disaient, et tout le second volume fut employé à
le Dictionnaire de musique de l'Encyclopédie par ordre développer son système. De là le livre le plus bizarre,
Je matières ; le plan même de l'ouvrage était si défec- le moins util«, disons mieux, le plus nuisible qui existe
tueux, qu'il n'en pouvait résulter qu'une sorte de peut-être dans toute la littérature musicale.
monstre, curieuxà observer, mais funeste pour les pro- C'est ici le lieu de faire remarquer que les diction-
grès de l'art, si ceux-ci pouvaient dépendre uniquement naires d'un art ou d'une science quelconque ne sont
de la forme d'un livre. Ceci mérite quelques éclaircis- point destinés à être les dépôts d'idées nouvelles et sys-
seniens. tématiques, vraies ou fausses, de leur auteur, mais ù
J'ai dit que la direction de V Encyclopédie méthodique donner des icnseignemens sur tout ce qui concerne
avait imposé aux rédacteurs l'obligation de conserver l'histoire de l'ait, et particulièrement sur son état ac-
pour base de leur travail les articles du grand ouvrage tuel. L'idée qu'on se forme généralement d'un diction-
publié autrefois par Diderot et par d'Alembert ; mais les naire est celle d'une autorité qui mérite une entière,
sciences avaient fait de si grands progrès depuis vingt- confiance ; et c'est dans la persuasion qu'ils sont dignes
cinq ans, que beaucoup de collaborateurs de cette de cette confiance qu'on les consulte. C'est donc en
grande entreprise sentirent la nécessité de s'affranchir abuser que de présenter ses propres vues comme la
des entraves que celte condition aurait mise à la per- théorie réelle de l'art ou de la science dont il s'agit, dans
fection relative de leur ouvrage. Framery et Ginguené un livre de cette espèce. Les Italiens ne disent pas
seuls y furent fidèles ; maisne tardèrent point à se
ils Vauieur d'un dictionnaire , mais le compilateur, et l'ex-
convaincre qu'ils s'étaient soumis à des conditions qui pression est plus juste, car on compile les faits qui y
frappaient de mort leur travail. En effet, si l'on ouvre sont rassemblés, et le talent de celui qui écrit un' tel
lepremier volume du Dictionnaire de musique de l'En- livre consiste à les présenter avec clarté , à rendre sa
cyclopédie méthodique, on y voit à chaque mot, d'abord nomenclature aussi complète qu'il est possible ;
enfin, à
l'article primitif du Dictionnaire de J -J. Rousseau, puis proportioner l'étendue des articles à leur importance.
un autre de Framery ou de Suard, dans lequel se trouve Puisque je viens de parler de la partie musicale d'une
la critique du premier, et, enfin, souvent un troisième Eiicyclopédie, je crois devoir dire aussi quelques mots
lie l'abbé Feyton
dans un sens tout opposé aux
, écrit de la manière dont la musique est traitée dans la plu-
Jeux premiers, Ce n'est pas tout: les rédacteurs, dans part de ces grands répertoires des connaissances hu-
REVUE MUSICALE. 311
maines. Il en existe plusieurs en Angleterre absolument vorkommende, etc. Les définitions des mots y ont le mé-
différens les uns des autres. On est généralement per- rite de la clarté et de la brièveté ; les artistes ne peuvent
suadé dans ce pays que l'étal des sciences et des arts en tirer aucune utilit« , mais sa forme est commode
est assez variable pour que de nouvelles Encyclopédies pour des amateurs qui ne cherchent dans un diction-
y soient nécessaires trois ou quatre fois dans un siècle, naire que de simples notions. C'est sans doute à cet avan-
à des distances de vingt-cinq ou trente ans. Depuis la tage que ce dictionnaire est redevable des diverses édi-
fin du dix-huitième siècle, il en a paru deux à Londres tions qui en ont été faites dans la suite.
et une à Edimbourg. La forme qu'on leur a donnée n'est Exécuté ù peu près sur le môme plan, le Dictionnaire
point celle de l'Encyclopédie de Diderot et de d'Alem- de musique de G. -F. "VfoK (Kurzgefaszte Musikalisches
bert, ni même de l'Encyclopédie par ordre de matière; Lexikon, Halle, 1787, in-S") n'a pas obtenu moins de
les mots n'y sont point rangés dans l'ordre alphabé- succès, car il en a été publié quatre éditions. Cepen-
tique ; ce ne sont que des collections de traités sur cha- dant sa nomenclature est fort incomplète, et les défi^
que art, chaque science, chaque partie historique. Cette nitions des mots manquent souvent d'exactitude et de
forme est très défectueuse; elle ne correspond point précision.
aux besoins de ceux qui veulent obtenir des éclaircisse- L'Allemagne, si féconde dans toutes les branchés de
mens sur tel ou tel fait qui les intéresse , car il faut lire la littérature musicale, produisait, comme on le voit,
quelquefois toute une partie pour y découvrir l'objet en un assez grand nombre de dictionnaires de musique,
question : trop heureux si celui-ci se rencontre dans ces sans parvenir à donner enfin naissance à un livre où les
longs articles, qui forment seuls un volume. C'est ainsi artistes pussent puiser des renseignemcns satisfaisans
que la musique a été traitée dans les deux Encyclopé- sur les objets les plus importans de leur art. Enfin ,
en
dies de Londres et d'Edimbourg. 1803 parut le grand Dictionnaire de Koch [Masikalis-
Mieux conçu, sous le rapport du plan, le Bwtiônnaire cties lexikon), le meilleur ouvrage qui eût été fait sur
de la conversation, de Leipsick (Allgemeine deutsche cette matière. Ce dictionnaire, bien qu'il ne soit pas à
Real-Encyclopsedie, Conversations-Lexikon), dont la l'abri de tout reproche sous le rapport de l'érudition,
septième édition est maintenant publiée, a obtenu un était le premier où les questions de l'art et de la science
succès décidé et mérité. Cependant je ne dois point ac- fussent traitées avec les développeœens nécessaires et
corder à la partie musicale des éloges qui seraient peu le langage technique convenable. Les exemples de mu-
fondés; la plupart des articles qui concernent la mu- sique qui accompagnent les explications en donnent
sique sont însuffisans, même pour des gens du monde, d'ailleurs rintelligence , et ces exemples, généralement
et, malgré les nombreux supplémens qui ont été faits, bien écrits, sont d'un musicien habile qui joint une par-
la nomenclature est incomplète. Moins utile encore, en faite connaissance de la pratique. Le dictionnaire de
ce qui concerne cet art, l'Encyclopédie du dix-neuvième Rock pourrait être considéré comme suffisant pour
siècle, publiée par M. Courtin, est sans valeur, parce l'usage des artistes et des savans, si, comme je viens
que l'étendue des articles est trop bornée. Il
y a lieu de de le dire, la partie historique de la musique y était
croire que le Dictionnaire encyclopédique annoncé par traitée avec assez d'érudition, et si le défaut de propor-
MM. Treuttel et Wiirtz ne sera point entaché de ces dé- tion entre les articles ne s'y faisait remarquer en plus
fauts. d'un endroit. Ce sont ces mêmes défauts qui avaient fait
Mont de Lescer, auteur d'un livre sur l'art du chant, comprendre ;\ M. Godefroi "Weber, l'un des plus savans
publié à Liège en 1768, annonça, par un prospectus musiciens qu'ait produits l'Allemagne, la nécessité de
daté de Charleville , 1777, un Dictionnaire raisonné, ou mettre à profit tout ce qui a été écrit jusqu'à ce jour
Histoire générale de la Musique et de la Lutherie, en treize pour donner enfin un dictionnaire de musique aussi
volumes in-8°. Cet ouvrage n'a point paru; mais on complet qu'il est permis de faire un ouvrage de ce
doit peu le regretter, car un tel livre, exécuté en pro- genre. Il avait rassemblé d'immenses matériaux, et avait
vince et loin des ressources des grandes villes, n'aurait publié dans le recueil musical intitulé Cœcilia, quelques
pu être que fort incomplet, quelle qu'eût été d'ailleurs articles comme des spécimen de son travail; mais j'ap-
son étendue. prends que cet écrivain distingué a renoncé à l'exécu-
Un dictionnaire de musique portatif et d'un petit tion de son dessein, etqu'ils'estlivré à d'autres travaux.
volume, le premier qui eût été fait, parut à Weimar, Koch a fait un abrégé de son grand dictionnaire, qui
en 1786, sous le titre de Musikalisches Handwa^terbucli a été bien accueilli du public, et dont on a donné plur
oder kurzgefaszte anleitung, smmmiliche im M usik-wescn sieurs éditions.
312 REVOE MUSICALE.
Pendant que la littérature allemande s'enrichissait de sabeth, François I", Henri VIII, et je vous jure que
plusieurs dictionnaires de musique qui, s'ils ne satisfai- sans mon programme qui me disait ceci est François l",
saient pas tout-ù-fait aux conditions de ces sortes de ceci est Elisabeth, mon intelligence n'eût pas suffi pom-
livres , étaient du moins un acheminement vers de meil- me les faire deviner, tant les auteurs prenaient de soin
leurs ouvrages, les Anglais ne se bornaient pas à l'usage de les bien cacher. Aussi me suis-je souvent rappelé
du Dictionnaire de Grassineau et à la traduction de ce- l'adresse d'un spéculateur de place publique, qui ,
lui de J.-J. Rousseau. Un musicien de Londres, nommé ayant annoncé qu'il allait montrer un tableau représen-
John Hoyle , donna en 1 790 un petit volume in-8° sous tant quarante mille Français cachés derrière un buisson pour
le titre de A compkle dictionnary ofmusic. Ce prétendu surprendre l'ennemi , ne faisait voir qu'un méchant tas
dictionnaire complet de la musique n'était qu'un recueil de broussailles, disant que les Français étaient derrière.
fort inexact de quelques termes dont la signification MM. ks directeurs de l'Opéra-Comique ont souvent
n'était pas trop bien expliquée; aussi n'obtint-il aucun eu aussi peu de bonne foi, car leurs figures historiques
succès. Dix ans plus tard, le docteur Busby, auteur de ne sont, pour la plupart, guère plus apparentes que
deux grammaires de musique, très diflerentes l'une de les armées de mon adroit fripon.
l'autre, d'une histoire médiocre de la musique, tirée de Du reste, pourquoi en faire un crime aux poètes de
celles de ilawkins et de Burney, d'un recueil d'anecdotes libreltis ? de plus habiles qu'eux n'ont pas été plus fidè-
surla musique et de plusieurs autres écrits, donna aussi les à leur engagement. Combien de fois u'ai-je pas lancé
un dictionnaire complet de cet art [A complète diction- l'anathème contre les gros bonnets de la littérature, lors-
nary ofmusic, Londres, 1800, i vol. in-ia). Celui-là que j'allais voir leurs pièces, comptant bien qu'ils al-
du moins, bien qu'il ne fût pas irréprochable, méritait laient me montrer Orestc, César, Antoine, ainsi qu'ils
mieux son titre II a été adopté par la plupart des ar- me l'avaient promis, et ne trouvant qu'un marquis de***
tistes. Toutefois les musiciens instruits de l'Angleterre ou un vicomte de***, tout frisé, tout pominadé.
sentaient depuis long-temps la nécessité d'un grand Quoi qu'il en soit, ce système du faux et de l'invrai-
dictionnaire de musique lorsque le célèbre pianiste dé- semblable tombe en ruines aujourd'hui, et si nous le
menti, M. Bacon de Norwich, M. Bischop et quelques retrouvons encore, ce n'est plus que tout vermoulu et
autres savans et artistes recommandabies se réunirent prêt à s'écrouler au premier souflle. Ou veut voir Néron
etannoncèrent par un prospectus très détaillé , un ou- avec du sang sur les mains ; on veut le voir tout plein de
vrage de ce genre, sous le litre de Encyclopcdia ofmusic. débauche, jouant de la flûte dans un cirque, et puis tra-
Ce dictionnaire devait former deux volumes grand in-4°. qué comme une bête fauve par le peuple, jfeuple avec
Quelques dispositions avaient été faites, et des maté- des fureurs de sang et des jurons dans la bouche. Voilà
riaux étaient déjà rassemblés quand M. Clementi se comme on veut de l'histoire au théâtre: on la veut là
décida à quitter Londres pour se retirer à la campagne. comme dans les livres.
Dès ce moment, l'association fut rompue, et l'on re- La Marquise de BrinvilUers est beaucoup moins enta-
nonça à la publication tîe l'ouvrage. II est regrettable chée de ce vice que la plupart des poèmes qu'on voit
que plan de l'Encyclopédie musicale n'ait pas été exé-
le habituellement à l'Opéra-Comique. Au moins c'est
cuté, car le prospectus fuit connaître que les rédacteurs d'une empoisonneuse qu'il s'agit. Ce ne sont plus les
.avaient bien compris l'importance de la tâche qu'ils mêmes motifs qui président à ses crimes ; mais enfin
s'étaient imposée. elle a des victimes, ou les voit, on assiste à leur chute ;
(La fin au numéro prochain. c'est toujours la marquise de Brinvilliers. En vérité c'é-
)
FÉT13. tait une vilaine créature que celte jeune et jolie mar^
quise, et cependant ce n'était pas sa faute à elle si elle
Nouvelles de Paris. avait une ame de fiel: nature de femme vicieuse, mons-
trueuse, jeu terrible de la nature qu'il u'est donné à per-
PREMIÈRE REPRÉSENTATlOiV sonne de deviner.
DE LA MARQmSE DE BBÏNVILLISRS Voici comment nous l'ont montrée MM. Scribe et
,
que sa jeune amie avait inspiré une violente passion au faites que je n'aie pas de pitié pour elle, que je la mé-
comte de Saint-Biis. Or ce M. de Saint-Bi-is la marquise prise, que je la charge d'imprécations.
l'aime, au point d'avoir empoisonné M. de Brinviliiers Quoi qu'il en soit, il y a du talent dans la Marquise
pour l'aimer plus librement. On conçoit qu'une telle de Brinviliiers : c'était un sujet difficile à traiter, et les
découverte que fait-elle ? Elle obtient un régi-
l'efl'raie : auteurs se sont habilement tirés des obstacles que leur
ment pour comte, et pendant que celui-ci tient gar-
le présentait le terrain sur lequel ils s'étaient placés. La
nison à Nancy, elle intercepte sa correspondance avec vie de cette femme offre peu d'intérêt: ayant épousé en
la jeune orpheline. Ne comptant pas assez sur d'aussi i65i le marquis de Brinviliiers, mestre-de-camp, pour
sages précautions, elle inspire de la jalousie à Hor- lequel elle avait peu d'attachement, elle ne tarda pas à
tense, et profite d'un moment de dépit pour lui faire s'en dégoûterpour un jeune intrigant du nom de Sainte-
épouser un pauvre fermier-général; je dis pauvre, non Croix, que son mari retenait près de lui. Le marquis
pas qu'il n'ait beaucoup d'or; mais patience, on saura ayant découvert le secret de leurs amours, fit enfermer
pourquoi. Saïnte-Croix à la Bastille. Celui-ci en sortit au bout
d'iman, ayant appris d'un certain Exili, empoisonneur
Sur ces entrefaites, et au moment où le mariage vient
Italien, les secrets de ses compositions diaboliques. Ces
de se conclure, arrive le comte de Saint-Bris qui ac-
secrets il les communique à la marquise qui s'en sert
court chercher la marquise chez celuî-là même qui vient
pour empoisonner son père, ses frères et M. de Brin-
d'épouser sa maîtresse, loin de renoncer à Hortense,
viliiers qui est sauvé plusieurs fois par Sainte-Croix lui-
le jeune officier l'adore plus que jamais, et lui écrit
position où se trouvent placés les personnages de la détails doivent être bien saisis par le public : \\ a donné
pièce. Je pense aussi qu'il aurait été nécessaire de don- des exemples remarquables de ce genre de mérite dans
ner moins dé développement à des morceaux qui ralen- un trio de ta Neige et dans un duo du premier acte de
tissent l'action dramatique. Leicester; le morceau dont il s'agit ici est du même
L'Introduction est de M. Chérubin!; on y a reconnu genre, et il est charmant.
la facture élégante et pure de l'auteur de Médée , de Lo- M. Hérold a fourni son contingent au nouv^ opéra
doiska et des Deua; Journées, Une exécution malheureu- dans le finale du troisième acte. Ce morceau est bien
sement très faible et très incorrecte n'a pas permis de écrit, mais il offraitpeu de ressource au compositeur,
.*entir le mérite très remarquable de ce morceau. Espé- et ce n'est pas pour une scène semblable qu'on doit ci-
rons que le nouvel opéra auquel travaille ce grand ar- ter un artiste tel que M. Hérold.
tiste sera mieux rendu. Outre l'inconvénient du mélange des manières, fort
De jolis couplets instrumentés d'une manière fort nuisible i l'effet de chaque partie de la partition, la mu-
originale viennent après l'introduction; ils sont de M. sique de la Marquiie de BnnviUiers a eu à lutter contre
Boieldieu, qui voyage en ce moment pour rétablir sa une exécution très négligée et confiée en général à des
hanté chancelante. chanteurs fort médiocres, pour ne rien dire de plus. Le
On a reconnu la facture et les idées i la fois gra- directeur du théâtre de l'Opéra-Comique a cru que le
cieuses et expressives de M. Paer dans un air du pre- succès de sa pièce nouvelle était dans le poème, et que
mier acte chanté par Mlle Prévost d'une manière satis- la musique n'y serait qu'un accessoire; je ne lui con-
faisante. La facilité de la partie vocale de cet air est une seille pas toutefois de renouveler souvent son épreuve
qualité dominante chez M. Paer comme chez tous les sur les oreilles des habitués de sou théâtre.
bons compositeurs italiens; qualité trop négligée par
bien disposéspour la scène celui d'une mélodie gracieuse des circonstances favorables où il est placé pour l'ex-
accompagnée d'une harmonie recherchée. Il est désl- poser aux hasards d'une nouvelle position. C'est cette
lable que ce compositeur rentre dans la carrière qu'il imprudence que Mme Schrœder-Devrieut vient de faire
semblait avoir abandonnée, et qu'il développe ses ta- en quittant le genre qui lui est propre pour en adopter
leus dans quelque grand ouvrage. un qui lui est étranger; en abandonnant le public qui
Un accompagné de danses qu'on entend dans le
air la comprend pour aller se jeter à l'étourdie devant un
lointain, et le duo qui le suit, ont été écrits par M. Blan- autre qui ne vient l'entendre qu'avec des préventions
gini. Le premier de ces morceaux aurait pu être plus contraires; en allant se placer, elle cantatrice médio-
heureusement conçu soit sous le rapport des idées,
, cre, au milieu de chanteurs habiles; enfin, en renon-
soit'sous celui de la coupe; le second est d'une mélo- çant à sa propre languepour en parler une qu'elle ignore.
die fort agréable. Peut-être lui reprochcra-t-on de tom- Je l'avoue, convaincu de tous ces désavantages, je n'es-
ber un peu trop dans le st3'le du nocturne ; mais à cette pérais pas même pour Mme Schrœder le succès mo-
petite part de critique près, tout le monde avouera que deste qu'elle a obtenu jeudi dernier dans le rôle de donna
le morceau est fort joli. Anna. Douée d'une ame ardente et d'un organe expres-
Au troisième acte, on trouve des couplets chantés sif, elle s'y est montrée actrice distinguée, sans pour-
parFerréol dont la musique est de M. Berton; saasavoir tant atteindre le degré de sublime auquel elle est quel-
rien de remarquable, ils ont de la franchise. Mais l'un quefois parvenue au théâtre allemand quand elle avait
des morceaux les plus importans de la pièce, disons confiance en elle-même. Il y avait de la timidité dans
mieux, le morceau le plus saillant de l'ouvrage est sans sa manière de donner sa voix; sa prononciation, si belle
contredit le duo de scène composé par M. Auber pour en allemand, était faible, mal articulée, et ne battait
ce troisième acte. On sait que la manière spirituelle de pas la note ; enfin elle était dans la situation d'un artiste
ce maître s'applique parfaitement aux situations dont les de talent qui ne connaît pas encore l'effet de ses forces
IlEVUE MUSICALE. 315
et qui les essaie. Toutefois elle a eu des moiuens assez — Un ancien artiste de la Chapelle donnera le i3 de
agréables pour être applaudie par un public peu disposé ce mois, dans les salons de M. Dietz, rue Neuve-Saint-
en sa faveur. Augustin, n° 33, une soirée musicale dans laquelle on
Le talent peut vaincre bien des difficultés; pourtant il entendra MM. Stephen, Brod, Rhein et d'autres artistes
en est d'insurmontables contre lesquelles il faut se gar- très distingués. Nul doute que les salons de M. Dietz ne
der de Tenir se heurter. Certes Lablachc est un grand soient, ce jour-là, le rendez-vous d'une brillante so-
acteur; mais son physique est un obstacle invincible i ciété.
Entièrement dépourvu de texte explicatif, l'École de imitations et aux canons; mais de pareilles recherches
la modalation ne consiste qu'en exercices ou exemples ne sont cependant pas essentiellement liées ù un ou-
qui sont divisés en huit chapitres. Tous ceux qui sont vrage élémentaire.
contenus dans les sept premiers chapitres ont pour ob- La partie de l'ouvrage de M. Rinck qui paraît être la
jet les circulations de ton, c'est-à-dire la succession ré- moins complète, et sur laquelle il nous paraît qu'il se-
gulière des tons, en partant à'ut , et parcourant régu- rait nécessaire qu'il revînt, est celle de la modulation
lièrement tous les autres tons de quinte en quinte , soit d'un ton donné à un ton quelconque ,
par la route la
dans le mode majeur soit dans le mineur. Le huitième plus courte, la plus naturelle et la plus satisfaisante. Il
chapitre est relatif au passage d'un ton donné d'ut, par donne, à la vérité, plusieurs moyens pour chaque ton ,
temps qu'il habitue les élèves au mécanisme de la mo- deux parties, eu contrepoint simple et double, en style
dulation simple, leur donne aussi la pratique manuelle lié et par imitation. Son livre élémentaire ne laisserait
d'une harmonie pure et naturelle. On peut en dire au- alors rien à désirer, et il serait d'autant plus remarqua-
tant du second chapitre, où les mêmes modulations ble qu'il est le seul de ce genre qui ait été publié.
s'opèrent par le mélange des accords consonnans et Au reste, on peut espérer que l'habile professeur au-
dissonans. Partout, les exemples contenus dans ces quel on doit l'Ecole pratique de la modalation ne lais-
chapitres présentent l'harmonie constamment complète, sera pas son ouvrage imparfait : lui-même semble avoir
et à quatre parties, disposition qui doit en effet précé- prévu nos objections , car il termine par ces mots : Peut-
der celle de l'harmonie à trois, à cause de la difficulté être me déciderai-je à donner suite à ce premier essai.
que celle-ci présente sous le rapport de la pureté et de Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons que féliciter
l'élégance du mouvement des parties. M. Rinck de l'idée heureuse qu'il a eue de faciliter aux
Le troisième chapitre renlcrme les modulations à trois jeunes harmonistes l'étude de la modulation, qui est
parties, d'abord de quinte en quinte pour les tons par comme on sait, la partie la plus difficile de leur art, et
dièses, du mode majeur, puis de quarte en quarte par d'avoir si bien rempli les conditions de l'objet qu'il s'est
bémols du même mode, et enfin les modulations ana- proposé. M. Rinck, organiste à Darmstadt, est un des
logues pour les tons du mode mineur. Ces exemples professeurs les plus distingués de l'Allemagne ; il a formé
sont bien écrits et d'une harmonie élégante quoique beaucoup de bons élèves, et il possède une expérience
simple. consommée des moyens les plus propres à faciliter l'ins-
Le quatrième chapitre contient les mêmes circula- truction des jeunes artistes.
tions de tons à deux parties en contrepoint double ù
l'octave, c'est-à-dire, en contrepoint susceptible de
renversement, ce qui offre un moyen excellent de va- AGENCE GENERALE DE LA IHUSIQUE.
riété auxorganist es.
Les exemples du cinquième chapitre, composés dans A VENDRE.
le même système que ceux du quatrième, sont d'un Deux pianos à (7«euc,d'occasion,à six octaves et demie.
style orné et figuré; ils sont aussi susceptibles de ren- Ces deux instrumens peuvent convenir par leur solidité
versement, étant écrits en contrepoint double. Les cir- à des pensions ou autres établissemens publics.
culations s'y font par tous les tons majeurs et mineurs Une basse d'Amati très bien conservée céder à bon
, à
et les exemples sont très nombreux. marché pour cause de départ.
Le sixième chapitre est consacré aux modulations en Une autre basse sans nom d'auteur, très bonne pour
stj'ie lié et figuré à trois parties, et le septième aux l'orchestre.
mêmes modulations dans un système analoe;ue, à qua- Harpolyre de Salomon , avec son piédestal.
tre parties. Les exemples de ces deux chapitres complè- S'adresser à l'Agence générale de la musique, rue du
tent le système de la modulation par circulations de Helder, n° i5.
tons, et laissent peu de chose à désirer. Il est vrai que
M. Rinck aurait pu y ajouter, en faveur des organistes,
l'application de ce même système de modulation aux Ij ISIPEIJIERIE DE E. DDVEKGER, Rl'E DE VEBNEDIL, K° 4'
REVUE MUSICALE,
V"« AIVIVEE. PUBLIÉE PAR M. FÉTIS. M" 40.
ACOUSTIQUE FONDAMENTALE. fait entendre, mais faiblement. Si, dans cet état, on ap-
puie le pied de l'instrument sur un corps solide très
'
Troisième Lettre à . FÉiis élastique, par exemple sur la table d'un violon, à l'ins-
Page 305, première colonne l'air atmosphérique, et plus le son acquiert d'éclat, plus
. ligne 20 gloèe ,\isez gloitJe ;
:
même
correction à la ligne suivante. il s'abrège. Cela démontre que la percussion qui a mis
Ligne 53, s'alternent, Usez s'atténuent. branches du diapason en oscillation visibles'estalors
les
tant la somme de ses effets, n'a pu qu'amener plus tôt montre que la percussion n'a pas mis en émission di-
le terme deson action. recte tous les points de la barre transversale; le son
En second lieu, le son du diapason, lorsqu'il est mis lancé par cette percussion n'a réellementjailli que de -
en contact avec un corps solide élastique, n'augmente l'extrémité immédiatement frappée; mais toute la subs-
pas seulement d'intensité; sa nature se modifle ; le bois tance de la barre s'est mise en trémoussement élasti-
d'un violon donne un timbre doux et ligneux, une
lui que, et l'organe de l'auditeur, collé sur l'extrémité op-
plaque de verre lui donne un timbre sec et vitreux, une posée à l'extrémité frappée, n'a plus été qu'un nouveau
plaque de métal lui donne un timbre pénétrant et mé- corps élastique associé au trémoussement de la barre
tallique. Cela démontre que chacun des corps qui en- entière. Ce que l'auditeur a entendu, c'est le son des
trent en partage d'agitation avec le diapason lui four- cartilages et autres pièces élastiques dont son organe est
nit une contribution sonore aux dépens de sa propre formé; son nerf auditif a saisi au passage une partie de
substance , car généralement toute percussion assez son propre fluide sonore provoqué ù l'émission par la
puissante pour rendre sonore un corps élastique ou un percussion de la barre , et travaillant à s'écouler, avec
appareil de corps élastiques, est toujours une action tout le fluide de la barre même, vers son extrémité.
forcée qui ne se borne pas à faire jaillir, dans leur état Voici donc la base de toute théorie dans l'ordre des
naturel, les produits ordinaires de l'expansion intime; phénomènes qui nous occupent.
elle précipite la formation de ces produits; pour cette Ce que nous entendons lorsqu'un corps élastique
raison, elle cause dans l'intérieur des corps élastiques résonne à quelque dislance de nous, ce n'est point la vi-
un mouvement d'érosion qui ajoute aux globules sub- bration de l'air interposé entre ce corps et notre organe,
tils habituellement transpires des molécules encore dans c'est la vibration des globules sonore que ce corps lance
l'état particulier aux corps élastiques que l'on a frappés. vers nous en ligne droite, et qu'il prcni à la fois, en lui-
C'est ainsi que se trouve variée la qualité de son des même, dans l'air qui l'environne et dans les corps élas-
divers corps élastiques. tiques sur lesquels il repose. Ces globules pénètrent
Semblable cause varie la nature des émanations qui dans notre organe ; ils
y portent la vibration isochrone
échappent aux corps odorans. Un froid intense suspend que tous exécutent, vibration correspondante à celle du
toute odeur; au contraire, les corps odorans exhalent corps frappé; et c'est ainsi que, malgré la distance qui
leur odeur avec d'autant plus de force qu'ils sont plus nous sépare de ce corps, ils nous donnent la connais-
vivement pénétrés de chaleur; leur expansion intime sance précise du ton auquel son ressort est monté.
cesse alors d'être calme ; elle se précipilc ; elle agit par Un tel mode de communication , le seul qui réponde
érosion sur la substance intérieure; elle l'entraîne au aux conditions physiques de la production des sons, est,
dehors dans un état encore analogue ù la constitution comme je le démontre dans mon livre et dans mes
du corps qui en est composé. cours publics, le seul qui réponde aux conditions phy-
Comme le son est lancé avec intermittence par le siologiques de notre organisation intellectuelle.
corps sonore, comme, pendant la contraction de ce Restons ici dans l'acoustique, et confirmons par de
corps, le son se recueille au lieu de jaillir, sa propaga- nouveaux faits de notoriété générale la théorie que je
tion dans l'air atmosphérique se trouve ralentie, parce propose.
que la puissance d'équilibre, profitant de la ductilité de La faculté sonore, dans les divers corps élastiques,
ce gaz, l'interpose entre chaque jet de fluide sonore et soit solides, soit gazeux, est l'indice irrécusable de leur
le jet suivant. On sait que le son met une seconde de propriété élastique , et sert de mesure précise au degré
temps à parcourir un espace d'environ 170 toises. où s'élèveen eux cette propriété. Ainsi, l'élasticité est
Un tel ralentissement ne saurait avoir lieu lorsque le nulle dans les corps auxquels la faculté sonore est étran-
corps élastique interposé n'est point ductile; le son gère. Or, si l'on pose le pied d'un diapason sur la sur-
alors est instantané, mais aux conditions indiquées par face d'une eau liquide, si même on l'y fait entrer d'une
l'expérience. Une longue suite de barreaux de fer, telle quantité sensible, ce contact ne donne pas la plus légère
que la barre transversale qui assujétit la grille du Car- augmenlation au son de l'instrument: ce qui démontre
rousel, est frappée ù l'une de ses extrémités; le coup que celui-ci ne communique point au liquide la vibra-
est entendu subitement par une personne qui tient son tion dont il est agité, et que par conséquent le liquide
oreille appliquée sur l'autre extrémité ; mais, pour peu lui-même est sans moyens de réaction contre l'action
que cette personne s'en sépare, elle n'entend que le son extérieure qui vient le provoquer; or, c'est en cela pré-
ralenti qui lui arrive à travers l'atmosphère. Cela dé- cisément que consiste la négation d'élasticité. Mais que
REVUE MUSICALE. 319
ce liquide se congèle, sa surface du moins sera formée Oii s'arrête, entre les corps élastiques contigus, la
d'une couche solide et élastique, le son du diapason en transmission de l'expansion sonore? C'est ce qui varie
contact avec elle augmentera fortement d'intensité. au gré des circonstances locales. Lorsque la contiguïté
Les divers instrumens de musique mettent en œuvre des corps élastiques est continue et uniforme, lorsque,
avec plus ou moins d'avantage la propriété, inhérente par exemple, un oiseau, traversant les airs à une grande
aux corps élastiques, de se transmettre mutuellement, hauteur, jette un cri, il se place au centre d'une sphère
lorsqu'ils [se touchent , les effets de toute percussion. de rayons sonores qui divergent avec régularité ; le son
C'est ainsi que, dans un violon, les cordes, agitées par qu'il produit doit s'affaiblir par la distance, comme
le frottement d'un archet revêtu d'une poussière mor- l'intensité de tout rayonnement, c'est-à-dire comme le
dante, communiquent, par l'intermédiaire du chevalet, carré de celle distance augmente. Mais, à la surface de
leur expansion sonore à une première table de bois la terre la progression d'affaiblissement ne saurait avoir
mince, élastique, qui elle-même est liée ù une seconde une telle régularité ; les corps élastiques qu'une per-
table par des planchettes latérales, et encore plus peut- cussion rend sonores peuvent être en contact avec des
être par l'ame, tige de sapin très-légère, redressée dans corps diversement élastiques, et sur une étendue plus
l'intérieur du violon entre les deux tables, et ne tenant ou moins considérable. Ainsi le musicien qui joue du
entre elles que par frottement. violon peut reposer lui-même sur un sol dur, très peu
Le chevalet étant le canal immédiat de communica- élastique, ou sur un plancher mince, d'une vibration
tion expansive entre les cordes et le violon, il est né- facile. Dans cette seconde situation, l'appareil sonore
cessaire que sa propre expansion ne soit pas gênée, est plus large, plus développé, la masse de son projeté
coercée, qu'il ne soit soumis à aucune force extérieure est plus considéraèle.
de condensation. Si on le serre par une sourdine, la Les sons rendus à la surface de la terre sont de plus
communication est interrompue, ou du moins très af- soumis à des réflexions plus ou moins multipliées ; et
faiblie; le son que l'on entend n'est presque plus que ces réflexions, semblables à celles auxquelles la lumière
celui des cordes, et plus la sourdine serre le bois du est exposée, augmentent le son, non-seulement en rai-
chevalet, plus le son diminue, plus en même temps il son de leur nombre , mais en raison de leur conver-
est facile à produire, parce que, à l'aide de cette sour- gence.
dine, véritable corps slrangulateur, la percussion don- Plus la percussion donnée à un corps élastique est
née par l'archet ne met en exercice sonore qu'un appa- j
forte, soutenue, plus le son a d'intensité; mais c'est
reil peu étendu. toujours le même timbre; de plus, c'est toujours le
L'archet tenu par le musicien est formé de corps même ion ; le son ne s'élève pas, ne s'abaisse pas selon
élastiques ; il prend sa part de l'expansion sonore dont, que la percussion est violente ou légère. Cela prouve
par son action même, les cordes sont le foyer. Le son que la constitution et la vibration des globules sonores
de l'instrument augmente sensiblement d'éclat lorsque étaient déjà fixées pendant qu'ils étaient encore enfer-
l'archet qui le met en jeu est d'une élasticité parfaite. més dans le sein du corps élastique ; la percussion n'a
Enfin, le musicien lui-même fait partie active de l'ap- fait que presser leur évasion, ou, comme nous l'avons
pareil sonore; son corps est formé d'uu système d'or- dit, elle les a exprimés.
ganes qui tous sont plus ou moins élastiques ; tous sont L'élévation du son ou le ton du corps élastique est
excités à diriger vers les cordes de l'instrument une déterminé par l'état de son ressort. Si le ressort est
quantité plus ou moins considérable des fluides subtils serré par une force de tension très énergique, ses glo-
dont ils disposent. C'est, d'une part, ce qui fait l'état de bules intérieurs sont soumis à une force de pression
jouissance de l'artiste, car toute jouissance salutaire, très intense; leur réaction expansive, leur dilatation
dans l'homme, a pour condition physiologique l'aug- travaille à prendre le même degré d'énergie; mais
mentation bien ordonnée de son expansion subtile ;
comme l'espace qui lui est accordé est devenu très ré-
c'est ce qui fait, d'un autre côté, que le même instru- tréci, elle est obligée de compenser ce qui manque à
ment semble acquérir un nouveau timbre, une nouvelle l'étendue de ses raouvemens par leur fréquence. C'est
puissance, lorsque , des mains d'un homme âgé ou fai- ainsi que les globules intestins passent à un état de vi-
ble et indolent. Il passe dans celles d'un jeune homme bration très court et très rapide; ceux qui échappent
sensible, ardent, d'une santé pleine et vigoureuse. C'est au corps sonore continuent, en jaillissant, de vibrer
en partie ce jeune homine lui-même que l'auditeur avec la même vitesse; repus dans notre organe, ils
y
entend. I
produisentla sensation aiguë et pénétrante de ce ra-)u-
320 REVUE MDSICALE.
vement précipité. Si au contraire le coi'p9 élastique ros 13, i4, i6, et même davantage, en ajoutant à cha-
n'est soumis qu'à une force extérieure molle et lâche, que, numéro un gros d'alun, selon les indications, c'est-
sa réaction expansive est également indolente; chacun à-dire en sursaturant la décoction d'orge d'un gros de
de ses globules intimes ne vibre que lentement; ceux ce sel pour chaque numéro.
qu'il adresse à notre organe y produisent la sensation La dose, élevée seulement jusqu'aux numéros 3, 4 ou
grave de leur mouvement paisible. 5, suffit dans beaucoup de cas.
Entre l'extrême aigu et l'extrême grave, appréciables 2° Pendant les trois premiers jours du traitement, des
par notre organe , sont placés des degrés intermédiaires frictions renouvelées aussi deux ou trois fois par jour
en nombre indéfini; les sons qui y correspondent sont sur la région cervicale antérieure principalement, d'a-
ce que l'on peut appeler la matière première de l'har- près la formule suivante :
doit être soumise leur succession pour former de la Dans les affections rhumatismales l'extrait de jus-
mélodie. Dans cette recherche, comme dans toutes celles quiame remplace à la même dose celui de belladone.
qui ont pour objet de nous conduire à des connaissances Dès que l'atonie est diminuée par ce premier traite-
précises, nous nous ferons guider par le principe uni- ment, U. Bennati cherche à exercer la voix, de même
versel, l'expansion, et par l'expérience. que dans la phutophobie, après la cessation des symp-
tômes dominans, il conseille la lumière du jour. Ainsi
il engage le malade, s'il est chanteur, à faire graduelle-
ment plusieuis gammes de suite, et lui indique en même
MALADIES CE L ORGANE DE LA VOIX.
temps le moyen de régler son haleine.
Sui' un iiicmoiic de M. lé docleiii- BtNSATi, lu à l'AcaJùmieroyali! Si au contraire le malade n'est pas musicien, M. Ben-
dis Sciences, le 31 octobre 1831.
nati lui recommande de déclamer à haute voix, ou bien
M. Bcnnali, dont nous avons déjà parlé plusieurs fois d'émettre différcns sons analogues, autant que possible,
à l'occasionde ses intéressans travaux sur le mécanisme à ceux de la gamme chantante.
de la voix humaine pendant le chant, et sur les diffé- C'est par suite d'un pareil exercice pendant la conva-
rentes maladies qui affectent cet organe, u lu sur le lescence, que M. Bennati est parvenu à faire chanter
même sujet, à l'une des dernières séances de l'Acadé- des personnes qui, sous le rapport de la voix et de
mie royale des Sciences, un nouveau mémoire dont l'oreille , ne se croyaient aucune disposition pour le
gemens qu'éprouvent les organes prodiicleuis et tnodi- i L'auteur du mémoire compare ensuite l'effet des as-
Gcateurs de la voix dans leur forme et leur consistance, tringens sur les différentes membranes muqueuses, et,
et vous trouverez les raisons d'après lesquelles M. Ben- pénétré de l'idée qu'il y a identité de conformation
nati s'est déterminé. De là résulte l'inipoitarice, pour entre elles, il a pensé qu'il serait rationnel d'appliquer
un chanteur, d'avoir le plus grand développement pos- à certaines affections de la voix des remèdes employés
sible dans l'ensemble de ses organes respiratoiics, et avec succès pour combattre des affections identiques
surtout dans ses poumons; et, pour en citer un exemple dans d'autres organes pourvus également de membranes
puisé dans les contraires, ne sait-on pas que si la plupart muqueuses. Après avoir essayé les différens sels astrin-
des sourds-muets succombent à la phtisie pulmonaire, gens les plus généralement employés dans d'autres ma-
c'est que leurs poumons s'affaiblissant , éprouvent un ladies, il a adopté de préférence le sulfate d'alumine,
arrêt de développement, et tendent même à s'atrophier dont il a obtenu des effets plus prompts et plus sûrs.
par le seul fait de leur inaction à parler? L'anatomie Nous ne suivrons pas M. Bennati dans les discussions
comparée offre aussi un grand nombre de faits à l'appui scientifiques où il s'engage sur le mode d'action des as-
de ce que l'auteur avance. tringens sur les membranes muqueuses. Cette partie de
Après avoir indiqué le traitement qu'il emploie gé- son mémoire nous a paru avoir un rapport plus direct
néralement, M. Bennati entre dans quelques détails au avec la science de la médecine proprement dite ,
sujet des modifications qu'il doit subir, selon les varié-
qu'avec le régime de la voix, la seule partie de son tra-
tés et les complications de la maladie. vail qui ait à trouver place ici.
De toutes les causes qui nécessitent des modifications
A l'égard de l'opportunité du traitement indiqué pour
thérapeutiques, la plus commune et la plus essentielle
les maladies de la voix, parmi lesquelles M. Bennati
en même temps, selon lui, est l'influence sympathique
ne comprend point les maladies aiguës ou chroniques
de quelques autres organes sur celui de la voix.
des poumons, du larynx et des bronches, il éuumère
Tous les praticiens savent quelle sympathie remar-
les altérations des organes producteurs ou modificateurs
quable existe chez les femmes entre la matrice et l'or-
de la voix, pris dans leur ensemble, et les rattache à
gane de la voix, tant dans l'état de santé que dans celui
quatre espèces différentes, savoir :
cause de la saveur qu'il laisse et des nausées qu'il provoque; pour ob- connu l'efficacité j bien que sou action soit un peu plus lente.
322 REVUE MUSICALE.
Le système adopté par l'administration du théâtre Rubini ne s'est pas seulement montré grand chanteur
Italien porte ses fruits; ce système est fondé sur la va- dans ce morceau ; il a été excellent dans tout le reste de
riélé, et la variété est le meilleur moyen de succès pour l'ouvrage et a donné à la plupart des scènes une vie
les entreprises de spectacle. C'est une heureuse idée nouvelle.
que celle de renouveler une partie de la troupe chan- J'ai déjà eu occasion de parler de la manière parfaite
tante pendant la durée d'une saison. De cette façon, dont Lablache joue et chante le rôle du Podesta. Ce
l'intérêt des représentations ne s'affaiblit point. Après rôle, l'un des meilleurs de son répertoire, lui est aussi
avoir fait entendre aux habitués de son théâtre Mme favorable pour développer son talent de comédien que
Pasta,qui avait laissé de si beaux souvenirs à Paris et pour faire valoir sa belle voix de basse. Il y fait enten-
qui les a ranimés par son admirable talent dramatique, dre une vocalisation plus légère et plus facile que dans
après nous avoir donné une idée des talens de Mme Ca- quelques autres ouvrages.
radori, cantatrice qui jouit à juste litre d'une hono- Je ne sais si Santini a perdu quelque chose de sa voix
rable réputation, M. Robert nous donne maintenant puissante, ou si la crainte a paralysé une partie de ses
Mme Schrœder-Devrient et nous rend Mme Malibran. moyens, mais ceux-ci m'ont paru insuflisans pour le rôle
Un nouveau ténor va se faire entendre et le Pirate, de Fernando. Peut-être l'Opéra gagnerait-il à ce que La-
triomphe de Rubini et chef-d'œuvre dé Bellini , nous blache fût chargé de ce rôle difficile sous le rapport dra-
sera'bientôt donné. Certes, il y aurait de l'ingratitude matique; Santini ne serait pas mal placé dans celui du
ù ne pas rendre justice ù l'étendne des sacrifices faits Podesta.
par une administration si soigneuse, si active et en L'ensemble de la représentation a été fort satisfaisant.
même temps si intelligente. Les chœurs ont été chantés en général avec ensemble,
Est-il besoin de dire que la salle Favart a été envahie et l'orchestre a bien accompagné, particulièrement dans
mardi dernier par une multitude d'amateurs empressés le premier acte.
telle réunion d'artistes du premier ordre était une bonne PBEMiÈaE KEPaÉSENTATION
fortune dont chacun voulait être des premiers à jouir. DES SYBARITES DE FLORENCE,
L'attente des amateurs n'a point été trompée, et quel- Paroles de M. Laflile, musique de Weber, Beethoven, Bossiui
ques parties de cette soirée ont offert des exemples d'une Meyerbeer et MM. Aimon el Barbereau, arrangée par M. Castil-
Blaze.
perfection qu'il ne serait peut-être pas possible d'en-
tendre ailleurs. L'assassinat de Julien et de Laurent de Médicis a servi
Accueillie avec transport, Mme Malibran fut d'abord de teste aux auteurs du petit drame représenté au théâ-
dominée par son émotion et chanta sa cavaline d'une tre des Nouveautés, sous le titre des Sybarites de Flo-
voix altérée et couverte d'un voile, mais insensible- rence. Ce crime, tenté sous les auspices du souverain
ment elle se remit et dans le finale du premier acte pontife et dont l'exécution fut confiée d'abord ù un car-
ainsi que dans le duo du second, elle déploya à la fois dinal, n'a pas été rapporté par les auteurs de la pièce
toute la richesse de son imagination, toutes les res- nouvelle dans toute son exactitude historique. Les mo-
sources de son ame aidenle et toute sou habileté de tifs politiques de ce meurtre ont été omis ou dénaturés
cantatrice. Admirablement bien secondée par Rubini par eux. Il importe de rétablir les faits.
dans le duo dont je viens de parler, elle y a excité le Lorsqu'après la mort de Paul II, on élut pour lui suc-
plus vif enthousiasme parmi les spectateurs ; enthou- céder François de Savone, qui prit le nom de Sixte IV,
siasme qui, pour le dire en passant, a pu importuner Laurent de Médicis vint à la tête d'une brillante dépu-
par ses clameurs les amateurs plus consciencieux dont lation complimenter le nouveau pape sur son avènement
le plaisir a été troublé pendant les dernières quarante au saint-siège. Sixte lui fit un merveilleux accueil^ le
mesures-'du morceau, qu'ils n'ont pu entendre au mi- combla d'honneurs et lui donna ou lui vendit à vil prix
REVUE MUSICALE. 323
les pierreries amassées par son prédécesseur. Cepen- gnardait Julien, fût blessé lui-même, ou par ceux qui
dant cette bonne intelligence ne fut pas de longue du- étaient avec lui, ou, comme il est plus croyable, par
rée, et Foici ce qui donna lieu à une rupture. Il avait sa propre main, en sorte que le poignard lui échappa,
été convenu entre Sixte IV et Laurent de Médicis, que et qu'il n'eut plus assez de force lui-même pour se sou-
la ville d'Imola passerait au pouvoir des Florentins, tenir. Le prêtre Etienne frappa néanmoins Laurent par
moyennant une somme d'argent qui fut stipulée. Mais, derrière, à l'endroit du col, près de l'ancienne sacristie
au mépris des traités, Sixte IV traversa, à ce que dit une de l'église. Mais sans perdre rien de sa présence d'esprit,
chronique, l'effet de cette conventioti, et fit en sorte que la- Laurent se tira des mains de l'assassin ,
prit la fuite
dite ville fat donnée pour la même somme au comte Jérôme. évita les autres coups que les conjurés lui préparaient,
François Pazzi, qui se trouvait à Rome, se rendit ga- traversa, environné de plusieurs personnes, le chœur
rant de cette somme, ce qui le brouilla avec les Mé- de l'église, se retira avec elles dans la nouvelle sacris-
dicis. tie, en ferma les portes qui étaient de fer, et échappa
Cependant Laurent jura de se venger, et parvint ù se par-là à la fureur de Bandini qui le poursuivait. «
rendre maître de Tipherno, qu'il déclara vouloir garder Les choses arrivèrent ainsi : voici comment elles se
jusqu'à ce qu'on la lui rachetât moyennant une très forte passent dans le drame de M. Lafitte :
somme d'argent. Sixte IV en fut fort irrité, car ce n'était Plusieurs familles puissantes ont juré la perte de Lau-
pas moins dommageable pour le saint -siège que pour sa rent de Médicis; elles forment une vaste association , et
propre personne. La vengeance est le plaisir des dieux, cachent IciJrs projets sous les dehors des plaisirs et de la
a-t-on dit depuis long-temps ; Sixte crut que puisque volupté. Sixte IV a promis son appui aux conjurés, et
Dieu se donnait celte jouissance , ses ministres pou- il tint parole en leur envoyant un de ses cardinaux pour
vaient bien se la permettre : aussi fut-il décidé que s'entendre avec eux. Laurent doit présenter au cardinal
l'audace des Médicis ne resterait pas impunie. On con- les insignes de son ordre qui sont renfermés dans une
vint de se débarrasser d'eux par un assassinat, moyen boîte que lui présentera l'un des conjurés. Au lieu de
fort commode et apprécié à sa juste valeur par messieurs trouver les diamans dans ce coffret, c'est la mort qu'il
de la robe rouge. y rencontrera. Deux tubes chargés d'artifice sont diri-
Le Cardinal Riario fut d'abord chargé de conduire gés contre la poitrine de celui qui introduira la clé dans
cette affaire; mais comme une action si criminelle pa- la serrure. C'est Laurent de Médicis qui doit ouvrir la
raissaitindigned'un pontife chrétien, on en confia l'exé- boîte, lui, le premier de l'Etat.
cution au comte Jérôme, qui passait pour neveu de Mais la conspiration est découverte par un loyal che-
Sixte. Jérôme prit toutes ses mesures, compromit valier qui s'élance sur le coffret, l'arrache des mains de
plusieurs grandes familles dans la conjuration, et s'allia Laurent au moment où celui-ci introduit la clé dans la
les Pazzi, qu'il savait fort indisposés contre les Médicis. serrure, et la présentant au cardinal, s'écrie qu'en pré-
Les conjurés décidèrent qu'il fallait tuer Julien et Lau- sence de S. S. Laurent de Médicis n'est que le second
rent ensemble , et pour cela ils attendirent une occasion de l'État. Le cardinal furieux ouvre la boîte et meurt
favorable. Elle faillit se présenter un jour que Laurent par ses propres armes ; les conjurés sont saisis , et la
premières représentations, mais qui s'améliorera s.ms ner la première représentation de l'Opéra de Pacini, /
doute dans les suivantes. Crociati in Tolemaide , et l'on attendait avec impatience
— Baillot a fait dernièrement ses adieux au public l'arrivée de Mme Lalande, qui devait être prochaine.
de l'Opéra en jouant pour la dernière fois un solo de Elle doit débuter dans la Semiramide , où Mme Ecker-
violon dans lequel son beau talent a déployé toutes ses lin est chargée du rôle A'Arsace et Inchindi de celui
richesses. Espérons que ce grand artiste dcdomniagera A'Assur.
le public du silence qu'il va garder à l'Académie royale Palerme. Aucun ouvrage de quelque importance n'a
de musique , en mallipliant cet hiver les délicieuses été représenté sur le théâtre de cette ville depuis le
soirées de quatuors où son génie d'exécution se modifie commencement du mois de septembre. Après avoir
avec tant de flexibilité et procure de si vives émotions donné la Zingara, de Donizetti qui fut bien accueillie ,
senteront le plus de chances de succès. On peut se faire qui y ont été représentés n'ont réussi. Le 24 septembre,
mscrire chez MM. Pleyel et Conip. , n" 9, rue Cadet. on y a donné / Pazzi per progetti, farce dans laquelle il
y a deux rôles de femmes et cinq basses sans ténor. Ce
pauvre opéra a été si mal repu qu'il n'a eu qu'une seule
représentation. Il ne paraît pas toutefois que la musique
Nouvelles étrangères.
ni les chanteurs aient été cause de cette chute ; le
pagnie du Théâtre Italien, et sur son répertoire. Suivant lecte du pays, la mise en scène et les lazzi des acteurs
le correspondant, la Tosi , assez remarquable dans de Naples. Il a fallu substituer immédiatement la Semi-
VUttimo Giorno di Pompei , est inférieure à ce que fut ramide à ce malencontreux opéra, bien que la Semira-
Mme Lalande dans la Straniera. Cette cantatrice , dont mide ait été représentée jusqu'à satiété à Rome. Le ré-
la qualité de voix dans les sons aigus est agréable, mais sultat de cet état de choses est que le théâtre est peu
SDR 1.ES DICTIONNAIRES DE MUSIQUE. un des meilleurs dictionnaires qu'on ait écrit. Une éru-
dition solide règne dans la plupart des articles , et les
SUITE ET FIW.
définitions sont aussi précises que le permettait le génie
Parmi les dictionnaires de musique dont je n'ai point de la langue hollandaise. Il me semble pourtant que le
encore parlé, l'un des plus remarquables est celui que vocabulaire polyglotte, adopté par M. Verschuere-Reyn-
M. Jean Verschuere-Reynvaan , ayocat à Flessingue, a vaan , est un défaut à l'égard :des lecteurs auxquels il
meuré incomplet. Ce dictionnaire parut à Middelbourg, M. Charles Envalson, notaire public à Stockolm, a
en 178g, sous ce titre de Musykaal Konst Woorden- suivi un plan analogue dans le dictionnaire de musique
boeck, etc. (Vocabulaire de l'art musical). Il n'en fut en langue suéioise, d'après le grec, le latin, l'italien
publié d'abord que la première partie, A-E ; ensuite et le français qu'il a donné i ses compatriotes, sous le
(au commencement de 1790) parut un cahier de la litre de Swenskt musikaliski Lexicon efter Grekiska, La-
deuxième partie ; mais l'auteur, qui avait été frappé des tinska, ItaUenska och Franska sprtcchen (Stockolm, Mar-
défauts de son ouvrage, en arrêta la publication. Ainsi guard, 1802, in-8° de 346 pages); mais les articles ont
qu'il le dit lui-même dans sa préface, M. Verschuere- beaucoup moins d'étendue que ceux de M. Verschuere-
Reynvaan pour base de son dictionnaire ceux
avait pris Reynvaan.
de Brossard et de J.-J. Rousseau; mais il avait abrégé Je n'ai point parlé d'un petit vocabulaire musical pu-
l'étendue des principaux articles de ce dernier. Son livre blié à Ulm, en 1795, par Justin Henri Knecht (8 feuilles
n'est point, comme on pourrait le croire, un diction- in-8°) , bien qu'il en ait été fait plusieurs éditions; de
naire de termes hollandais de musique, mais une expli- pareils ouvrages sont trop incomplets et trop concis pour
cation hollandaise de mots grecs, latins et italiens quj donner un examen sérieux. Il en est de même
lieu à
sont relatifs à cet art. L'objet que l'auteur s'était proposé d'un vocabulaire portatif de musique [Musikalisches
était d'être utile aux organistes et aux autres musiciens Hand-Wœrterbuch), donné en i83o par M. Gustave
de profession : mais outre que la nomenclature était Schilling (Stuttgard, in- 1 2, de quatre-vingt-deux pages).
incomplète, les explications étaient trop concises pour On peut mettre dans la même classe un ouvrage de peu
atteindre ce but. M. Verschuere-Reynvaan le comprit, et de valeur publié à Venise, en 1810, sous le titre de
recommença son ouvrage sur un plan plus étendu, Dizionario délia Musicà sacra e profana, etc. par l'abbé
il et ,
le fruit de son travail parut i Amsterdam (chez Wouter Gianelli, en trois petits volumes in-12. Ce livre, dans
Brave) en 1796, un volume in-8° de 618 pages, avec lequel on a réuni aux définitions techniques un certain
beaucoup de planches. Ce volume ne contient que la nombre de notices biographiques, ne peut être utile aux
première partie, c'est-à-dire les lettres A-M. Par une artistes ni sous le rapport scientifique, ni sous celui de
sorte de fatalité, qui ne permettait pas à M. Verschuere- l'histoire. Il a cependant joui de quelque faveur, car
Reynvaan de voir la fin de son travail , la seconde partie une deuxième édition a été publiée en 1820, et une troi-
n'a point vu le jour. Le titre de la première est le même sième en i83o, toutes deux à Venise.
que celui de la première édition. Telle qu'elle est exé- Au nombre des dictionnaires portatifs, il faut aussi
cutée, cette première partie peut être considérée comme placer celui que M. Danneley a fait paraître à Londres
326 REVUE MUSICALE.
l'usage des gens du monde, et ne contient rien qui ne les plus célèbres de la Belgique.
mais il ne peut offrir qu'une utilité manuelle et ne peut port de l'érudition musicale. Supérieur au dictionnaire
servir (lans des recherches sérieuses. de Koch en ce qui concerne l'histoire de la musique, il
blié en 1820 sous le titre de Dictionnaire de musique duire, et à corriger les inexactitudes qui peuvent s'y
moderne, en 2 volumes in-8°, et celui que le docteur rencontrer, ferait un bon livre dont l'utilité serait in-
deux parties distinctes de deux volumes chacune, est in- La Bibliographie musicale est l'objet traité par M. Lich-
titulé : Dizionario et Bibtiograpliia delta masica. tenthal dans les troisième et quatrième volumes de son
Le titre que M. Castil-Blaze a donné ù son livre indi- livre : cet objet n'ayant point de rapport avec celui dont
que quel en est l'objet. Il n'a point voulu entrer dans il est ici question, je n'en parlerai pas.
les détails de l'histoire de l'art, et s'est borné à ce qui La revue que j'ai faite dans mes articles précédens et
concerne son étal actuel. C'est un cadre moins vnste dans celui-ci de tous les dictionnaires de musique qui
que celui de la plupart des Dictionnaires, mais enfin c'est ont été publiés jusqu'à ce jour, a démontré, je crois,
une donnée admissible pour les amateurs. C'est sou» ce l'insuflisance desuns et des autres pour atteindr« le but
point de vue qu'il doit être considéré, et l'on doit avouer que leurs auteurs se sont proposé. Tous pèchent par
que M. Castil-Blaze a bien rempli son objet. Si je lui quelque endroit, et c'est un triste spectacle que celui de
adressais un reproche, ce ne serait pas d'avoir renfermé tant d'efforts inutiles faits par des hommes de mérite
son livre dans les bornes qu'il s'est prescrites; mais, ce pour nous donner un bon livre de cette espèce. Serait-
plan une fois adopté, d'avoir peut-être donné à ses ar- ce donc que la perfection (relative) est impossible dans
ticles trop d'étendue pourleslecleursauxquels ils étaient un travail semblable? Je ne le pense pas; mais je crois
destinés. Ne contenant rien qui ne soit su des musiciens que d'une part les lexicographes de la musique n'ont
instruits, le Dictionnaire de musique moderne renferme point assez examiné les conditions du plan qu'ils avaient
des développemens un peu trop considérables pour les adopté, et que de l'autre les moyens d'exécution leur
autres: à ce léger défaut près (qui n'en est un que re- ont manqué. Ainsi que je l'ai fait observer, il y avoir
doit
lativement au volume de l'ouvrage), le livre de M. Castil- deux sortes de dictionnaires d'un art aussi généralement
Blaze mérite des éloges par la clarté des définitions et la cultivé que la musique : les uns sont destinés aux indi-
rectitude de jugement qui se font distinguer dans la plu- vidus qui, ayant le goût de l'art sans en connaître les
plart des artistes. Quelques journaux de musique publiés élémens, désirent en acquérir des notions partielles se-
en Allemagne lui ont adressé le reproche de ne renfer- lon leurs besoins du moment; ou à ceux qui, plus ins-
mer qu'une nomenclature incomplète; ils s'en seraient truits, ont besoin de retrouver quelquefois des souvenirs
al)stenus s'ils avaient eu égard au titre de l'ouvrage. qui leuréchappent. Cette première espèce de dictionnaire
Quelques erreurs de faits se trouvaient dans les pre- est la plus facile ù faire. Il y aurait, par exemple, peu de
miers exemplaires de ce Dictionnaire qui furent mis en chose à faire pour donner à celui de M. Castil-Blaze
vente; ces erreurs se faisaient surtout remarquer dans toutes les qualités nécessaires. Il ne faudrait pour cela
un certain nombre d'articles sur le contrepoint et la que joindre à lanomenclature des termes de la musique
fugue; M. Castil-Blaze les a corrigés dans des cartons moderne celle de la musique ancienne, coordonner l'é-
qui ont été intercalés dans les autres exemplaires; ceux- tendue des articles en raison de leur importance, et faire
ci portent au frontispice le titre de Deuxième édition, et disparaître de quelques-uns des détails inutiles ou de peu
le millésime de iSaS. M. Mées a publié à Bruxelles, en d'intérêt. Lorsque M. Castil-Blaze a écrit son diction-
REVUE MUSICALE. 327
Daire, il a considéré la musique moderne comme la seule sources de grandes bibliothèques spéciales; mais il est
qui pouvait intéresser les amateurs ; mais depuis lors le douteux qu'un seul musicien littérateur, quelles que
goût des études historiques s'est développé dans toutes fussent d'ailleurs ses lumières, pût suffire à un travail
les classes de la société, et l'on veut savoir aujourd'hui si étendu. Sans doute la collaboration est toujours désa-
quels oui été les commencemens de toute chose. Un dic- vantageuse en ce sens que le plan d'un livre n'est bien
tionnaire de musique de tous les temps est donc devenu compris que par celui qui l'a conçu. Un auteur unique
nécessaire, même pour les gens du monde. Donner à peut apercevoirla nécessité de sacrifier certaines parties
ceux-ci des notions précises sur toutes choses, dans le d'un ouvrage i d'autres plus importantes. S'il a des col-
moindre volume possible, est ce que doit faire l'auteur laborateurs, il sera quelquefois retenu par la crainte de
d'un dictionnaire portatif de musique. Avec les maté- blesser ceux-ci en faisant porter les corrections et les
riaux qui existent aujourd'hui, cette tâche est facile; il réductions sur leur travail, et ces considérations tour-
ne faut pour les mettre en œuvre qu'un certain esprit neront au détriment de la bonté du livre. Mais d'un
d'analyse et l'art d'exprimer les idées en peu de mots. autre côté, la musique embrasse une telle multitude
Les difficultés sont beaucoup plus grandes pour la d'objets absolument indépendans, qu'il est à peu près
composition d'un dictionnaire scientifique et historique impossible que le même homme ysoitégalement habile.
de la musique. Les qualités principales d'un livre de Qui ne sait que l'art d'écrire en musique , c'est-à-dire
cette espèce doivent être: i° une nomenclature com- la théorie et la pratique de l'harmonie et du contrepoint
plète ef^polyglolte. Depuis que les relations se sont éten- est si difficile , si compliqué qu'il a occupé toute la vie
,
dues entre les nations policées, la musique italienne, de professeurs célèbres, et que ceux-ci ont avoué avoir
l'allemande, l'anglaise, la française, circulent dans toute toujours trouvé quelque chose à y apprendre ? L'acous-
l'Europe. Dans chacune, les termes techniques se trou- tique n'est pas une science moins difficile; elle exige
vent exprimés dans la langue du pays ; il est donc néces- une étude longue, suivie et toute d'expérimentation.
saire que leur signification soit connue. 2° La définition L'histoire des systèmes de musique, celle des notations,
précise des diverses acceptions de chaque mot. 3° Des de la mesure, du rhythme, des instrumens, des styles,
développemens historiques très étendus de tout ce qui et la bibliographie sont des branches de cet art dont
concerne les divers systèmes de notation, la mesure, le chacune demande des recherches immenses au-dessus
rhythme, les échelles musicales, les instrumens, l'har- des forces d'un seul individu.
monie, le contrepoint, les styles, etc. 4° Des exemples De ces considérations résulte là nécessité d'une asso-
bien choisis et suffisans pour donner des notions précises ciation d'hommes spéciaux pour la rédaction d'un dic-
de chaque chose. 5° L'indication exacte de tous les ou- tionnaire technique de la musique. Il ne faudrait cepen-
vrages où l'on peut puiser des renseignemens complets dant pas que leur nombre fût trop considérable, afin
sur chaque objet. que chaque partie eût ce mérite d'unité sans lequel un
L'écueil contre lequel l'auteur d'un dictionnaire exé- livre ne peut être que d'une utilité médiocre. Un acous-
cuté sur ce plan aurait ù lutter avec le plus de persévérance ticien,un haïuionisle, un historien de la musique an_
serait l'étendue. Nul doute qu'il ne vît les volumes se cienne et du moyen-age , un autre pour la musique
multiplier sous sa plume dans une première rédaction moderne depuis le quatorzième siècle jusqu'à]ce jour, et
où il aurait cherché d'abord à rendre les notions com- qui fût aussi chargé de ce qui concerne les instrumens
plètes; mais après avoir terminé son travail, il faudrait en tout quatre personnes, qui rigoureusementpourraient
qu'il le revît avec soin pour donner à ses articles une être réduites à trois , seraient su^sans. L'un de» colla-
étendue proportionnée à leur importance, pour ôter de borateurs serait chargé de la révision et de la coordon-
tous les détails inutiles, et pour donner à son style un nance de tout le travail, et demanderait aux autres les
tour concis et lucide. Toutefois, quels que fussent ses réductions et les augmentations qu'il jugerait néces-
soins, il ne pourrait éviter de faire un livre fort volu- saires dans chaque article, en raison de l'importance
mineux, ce qui serait sans doute un obstacle à la popu- de leur objet. Il faudrait que celui-là eût conçu le plan
larité de son succès; mais ce qui est préférable aux po- de l'ouvrage , car on n'est propre à bien diriger une en-
tions incomplètes subordonnées A une étendue moins treprise de cette nature qu'autant qu'on a la tête douée
fODsidérable. d'un certain ordre encyclopédique.
Jusqu'ici j'ai raisonné dans l'hypothèse qu'un seul Je n'ai point parlé de la bibliographie, bien que je la
homme pourrait exécuter un tel ouvrage, en le suppo- considère comme une partie importante dans un pareil.
sant placé convenablement et entouré de toutes les res- ouvrage. S'il s'agissait d'un système général de biblio-
328 REVUE MUSICALE.
graphie musicale, nul doute qu'un bibliographe spécial la première fois; je ne faisais qu'en donner la solution
ne fût aussi nécessaire à la rédaction d'un dictionnaire par les règles de l'analyse musicale.
technique de la musique; mais on doit se souvenir qu'il '
M. Perne crut devoir me répondre, et m'objecta des
ne faut donner <\ la 6n de chaque article que l'indication affinités de tonalité qui semblent excuser le passage de
des ouvrages où est traitée la matière dont il est ques- Mozart. J'insérai sa réponse dans la Revue musicale,
tion; or, il est présumable que tout musicien instruit et je l'accompagnai d'une note.
particulièrement d'une partie de son art connaît bien Quelque temps après parut dans la Gazette musicale de
les livres qui en ont traité ; il appartiendrait donc à cha- Leipsick un article signé Leduc, où j'étais traité fortdu-
cun des collaborateurs du dictionnaire de musique de rement pour avoir osé attaquer un ouvrage que le temps
faire la partie bibliographique des articles dont il serait a consacré. L'auteur de cet article ne me parut pas en-
tendre la question, et je crus devoir encore la traiter de
Quelques musiciens instruits ont exprimé l'opinion nouveau, croyant n'avoir plus .i y revenir ensuite : les
qu'un dictionnaire de musique doit être à la fois techni- artistes d'ailleurs m'engageaient à ne plus fatiguer mes
que biographique
, et bibliographique. Je ne puis être de lecteurs de ces discussions sur une question qu'ils con-
leur avis. La biographie des musiciens et des écrivains sidéraient comme éclaircie et comme jugée en ma fa-
qui ont traité de quelque partie de la musique est si veur.
étendue qu'elle exige un travail spécial, et qu'elle forme Il s'en faut bien cependant que tout soit dit là-dessus
seule un livre volumineux. Il ne faut donc point réunir pour les musiciens de l'Allemagne ; car les numéros G
deux choses qui , séparées, ont déjà l'inconvénient de et 7 de la Gazette musicale de Leipsick de cette année
multiplier les volumes, à moins qu'on ne veuille faire contiennent de longues diatribes contre ma théorie du
une véritable Encyclopédie musicale, dont il serait ;\ contrepoint et contre moi, toujours à l'occasion du
craindre que le débit ne couvrît pas les frais d'impres- même passage. Un autre champion, M. C. M. Baltha-
sion. Il ne faut pas oublier que je ne parle ici que de ser, de Prague, est entré en lice pour m'accabler du
livres complets et tels que les désirent les artistes ins- poids d'un article en huit colonnes in-4° imprimées en
truits et les hommes consciencieux; quant aux à-peu- petits caractères. Enfin voici venir M. Godefroi Weber,
près de science et de biographie, il me semble qu'il est dont j'honore les lumières, qui, dans le numéro 53 du
inutile d'en augmenter le nombre, cl qu'il n'y a que recueil périodique intitulé Cœcilia, rentre dans la même
trop de livres futiles entrepris par des écrivains peu ca- question, et y consacre 49 pages in-8°. Cette question
pables et dans des vues de spéculation; n'est plus aujourd'hui dans sa première simplicité; car
FÉns. elle s'est compliquée de je ne sais quel amour-propre
d'école et de discussions sur la théorie du contrepoint.
Il me serait impossible de répondre à mes adversaires
Variétés. sans fatiguer les lecteurs de la Revue Musicale àe discus-
musique en robe de chambre et en pantouffles. On la promis d'éclairer mes lecteurs sur la nature de son ta-
fait là les mains dans les poches demandez plutôt à : lent, et je ne sais comment m'y prendre. Si M. Traullé
M, Traullé? permis à vous de l'écouter de même, si était un chanteur, je dirais M. Traullé chante de telle
:
toutefois vous voulez l'écouter. Liberté pleine et en- manière ou de telle autre, il chante bien, ou il chante
tière :1a contrainte est bannie de ces sortes de réunions, mal; mais M. Traullé ne chante pas, car on ne peut
et c'est quelque chose, vous pouvez m'en croire. pas prendre pour un résultat de l'art du chant ce que
Avez-vous un voisin fâcheux, un de ces hommes qui nous a fait entendre ce monsieur; tout ceci sans porter
ont la manie de vous demander le nom des artistes, de atteinte au caractère privé de M. Traullé, qui peut être
l'accompagnateur, de l'accordeur et jusqu'à celui de orné de tontes les qualités domestiques.
l'allumeur ? tournez-lui le dos , et il n'aura pas le droit La réputation de M. Gallay nous dispense de parler
de se plaindre, puisque tout est sans étiquette. C'est longuement de son talent sur le cor il a fait plaisir :
assurément ce que j'aurais fait si quelqu'un se fût avisé comme M. Gallay est de tous les cornistes ce-
toujours.
de me demander ce que c'est que M. Traullé; et en cela lui qui sait le mieux joindre une qualité de son des plus
je n'aurais rien àme reprocher, car mon silence avait agréables à un talent d'exécution extraordinaire.
une excuse bien légitime. Maintenant je suis plus M. Urhan a déployé son talent peu ordinaire dans la
avancé, je que M. Traullé, et je vous
sais ce que c'est Polonaise de Mayseder, pour piano et violon; cet ar-
rendrai, lecteur, le service de vous l'apprendre. tiste a une manière qui lui est propre, un cachet d'indi-
Et puis j'aime cet atmosphère embaumé comme celui vidualité qui le met au rang des artistes dignes d'être
d'un bal : ces fleurs, ces plumes, ces gazes, tout cela remarqués.
n'est-il pas délicieux 1 Yojez-vous avec moi cette jeune Un duo de harpe et piano , exécuté par Mlles Pujet et
femme avec ses blonds cheveux ? regardez comme aux Desargus, a été fort applaudi.
sons de cette harpe , sa jolie tête se balance amoureuse- Mlle Mazel possède un très beau talent sur le piano ;
ment, un sourire voluptueux contracte ses lèvres, de dans la fantaisie qu'elle a exécutée , elle a déployé une
longs soupirs soulèvent une dentelle jalouse, ses yeux énergie et une précision qu'on ne rencontre que chez les
brillent d'un éclat inaccoutumé, elle effeuille une rose artistes doués de facultés peu communes. Cette demoi-
entre ses doigts distraits. Essayez de lui parler, elle ne selle a touché un piano à queue de M. Dietz, qui fait le
vous entendra pas ! une pensée d'amour l'agite violem- plus grand honneur à ce facteur. La force et le moelleux
ment. Mais le morceau a flni , elle vient de passer près de du son, la perfection d'un mécanisme léger et facile,
moi : le froissement de sa robe de soie m'a fait frisson- enfin l'exiguité de la forme, telles sont les qualités qu'on
ner, une boucle de ses cheveux a caressé ma joue. Ah! a remarquées dans ce bel instrument. M. Dietz, inven-
par pitié , sortons ; j'ai besoin d'air, je n'y tiens plus, teur du Polyplectron et du joli petit instrument qu'il a
nier dans plusieurs concerts, a fait des progrès notables beaux instrumens de ce genre.
depuis lors. Sa voix sonore
et bien timbrée fait un très
morceaux d'ensemble. Un trio d'Adèle
bel effet dans les
ATHÉNÉE MUSICAL DE PARIS^
de Lusignan, de M. Carafa, la cavatine chantée par
CONCERT DU 27 OCTOBRE.
Mme Pasta dans Anna Bolena, et le duo de l'Ultimo
giorno dl Pompeia, lui ont valu des applaudissemens mé- Les concerts de l'Athénée sont décidément en faveur :
330 REVUE MUSICALE.
la mode, celte divinité légère et capricieuse qui échappe l'éclat et à la poser avec soin, cette jeune personne,
au moment où l'on croit la fixer, paraît décidée à les douée d'ailleurs d'une bonne organisation musicale,
protéger. L'empressement du public joint au but hono- pourra devenir une excellente cantatrice. L'artiste le
rable de l'institution de l'àthénée , doivent stimuler le plus fêté de la soirée a été, sans contredit, M. Huerta,
zèle de MM. les musiciens de l'orcheslre et les disposer guitariste espagnol, qui tire d'un instrument ingrat des
nos jeunes compositeurs. Il est important qu'ils se pé- donne asile à l'infortune! honneur à l'institution qui
nètrent de cette vérité, que les auditeurs sympathisent recherche et accueille le talent!
étonné que les défauts dont nous venons de parler aient malgré la pression de l'eau : par exemple, lorsqu'on
été remarqués dans l'exécution des morceaux d'ensem- fixe le corps du tube de manière à diminuer le plus
ble, et notamment de l'ouverture du lauréat M. Thoma.», possible les frémissemens ou mouvemens secondaires
et de la scène lyrique de M. Yarney , si l'on ne savait qui lui étaient communiqués par les vibrations de
pas que les répétitions fréquentes du nouvel opéra Ro- l'auche.
bert-ie-Diabte ont beaucoup nui à celles du concert. — Le succès de ta Marquise de Brinvilliers a été crois-
Ces taches, dureste, ontétéeffacéesparplusieurssolos sant depuis la première représentation , et l'adminis-
quiontfaitplaisir: le cor est un des instrumens qui plai- trationdu ihéûtre de \'Opéra~Comique vient de prendre
sent le plus généralement, parce qu'il est un de ceux une mesure qui doit piquer vivement la curiosité publi-
qui agissent le plus puissamment sur le système ner- que. Elle a fait imprimer un programme des morceaux
veux. Joué par M. Rousselot, ses sons voilés mais vi- de musique avec le nom des compositeurs en regard,
brans ont un charme irrésistible qui a excité de vifs etiefalt distribuerdans l'inlérieurde la salle. Au moyen
applaudissemens. M. Ernest, premier violon de la cham- de cette indication, les personnes qui jusqu'ici n'étaient
bre du prince électoral de Hesse, n'a pas eu un égal suc- pas dans le secret pourront comparer le style des dif-
cès. C'est un imitateur de Paganini ; mais qu'il ya loin férens compositeurs, ce qui doit contribuer puissam-
Plus heureuse quoique non moins téméraire , Mlle tion des prix de cette école célèbre, rappelle un peu
\lberlini a chanté avec facilité des variations de Vaccaî l'écbit qu'eurent ces snrtes de cérémonies sous le direc-
fort difficiles et dont certains sont gauches, de mauvais toire et le consulat. Elles se faisaient alors sur le théâtre
goût et peu favorables à la voix. Celle de Mlle Albertini de l'Opéra, par le ministre de l'intérieur; la plus bril-
a du timbre et du volume; en travaillant à en modérer lante société de Paris y était admise par invitation , et
REVUE MUSICALE. 331
la salle offrait le spectacle élégant et riche qu'on a re- de son opéra de la Neige, au théStre de la Canobbiana
trouvé quelquefois depuis lors aux représentations d'ap- dans la saison dernière. Le libretto de son nouvel ou-
parat de nos principaux théâtres. vrage, mieux choisi sous le rapport des situations mu-
— La première représentation de Robert-le-Diable ,
sicales, et les soins qu'il a donnés à la composition de
à l'Académie royale de Musique est fixée à lundi pro- sa partition ont assuré son succès,
chain, 21 novembre. Tout fait espérer un grand succès La musique de Chiara di Rosemberg est d'un genre
pour cet ouvrage, où connu des auteurs du
le talent brillant. On cite avec éloges les introductions du pre-
poème (MM. Scribe et Germain-Delavigne) , celui du mier et du deuxième acte. Le finale, d'un style large,
compositeur (M. Meyerbeer) et les dépenses énormes et bien concerté, décèle dans son auteur de l'acquit et
faites par l'entrepreneur (M. Véron) pour l'éclat de la de l'avenir. Deux duos, l'un pour soprano et basse,
mise en scène , la richesse des costumes et la beauté des l'autre pour soprano et ténor, sont d'un bel effet; mais
décorations, offriront aux spectateurs un beau et noble les morceaux qui se distinguent le plus par leur origi-
«pectacle. un trio pour trois basses,
nalité et leur brio sont et un
— Une représentation d'un genre extraordinaire aura duo bouffe pour deux basses. La caratine et l'air finale
lieu demain soir au théâtre Italien, au bénéfice de du soprano (chantés par la Grisi) rappellent des mo-
MmeMalibran. Elle se composera d'OW/o. MmeSchroe- tifs connus, et l'air du ténor est très faible , mais , à ces
der-Devrient jouera le rôle de Desdemona, Mme Mali- taches près, il paraît que cet opéra range Ricci parmi
bran celui d'Otelto et Rubini Rodrigo. L'afficheannonce les compositeurs italiens les plus distingués de l'époque
que cette distribution de rôles n'aura lieu que pour actuelle. Les acteurs et le compositeur, vivement ap-
cette fois seulement. plaudis pendant la représentation, ont été rappelés sur
Mme Pasta a chanté aussi le rôle à'Oiello i Londres, la scène, signe ordinaire d'un succès décidé.
et le monde fashionable se porta en foule au théStre du Les principaux miorceaux de la partition de Chiara
roi pour l'entendre ; mais comme on peut le croire , la di Rosemberg Tont être publiés chez Ricordi, à Milan.
curiosité des spectateurs fut plus satisfaite que leur — L'opéra de M. Auber, le Dieu et la Bayadère, a été
goût. jo'ué sans succès sur plusieurs théâtres de l'Allemagne,
— Lamusique vient de perdre encore une de ses et notamment à Berlin. Quelques journaux allemands
notabilités M. Ignace Pleyel a cessé de vivre le 14 de
: sont remplis de diatribes contre cet ouvrage , auquel ils
ce mois. Ses obsèques ont eu lieu le lendemain à l'église refusent même la qualité d'opéra. Nous avons particu-
Saint-Laurent (faubourg-Saint-Martin), sa paroisse. lièrement remarqué 1^ long article à ce sujet dans le
la musique, après avoir fondé un des plus beaux éta- goût du public français, qui n'est pas aussi mauvais que
blissemens de musique qu'il y ait au monde et y avoir le rédacteur de cet article parait le croire.
consacré plusieurs années d'un travail assidu, il s'était — La deuxième grande fêle musicale de la Thuringe
retiré à la campagne et s'y livrait à son goût pour les saxonne, quia eu lieu à Erfurt les a, 3,4 et 5 août,
travaux agricoles, travaux analogues à la simplicité de sous la direction de Hummel, de Spohr, de Wolfram
ses goûts etde ses mœurs. Une maladie de poitrine, et de Chelard, avait réuni des artistes et des amateurs
compliquée de quelques autres affections fâcheuses, a de beaucoup de villes et villages de l'Allemagne, parmi
mis fin ii sa vie. lesquels on cite Altenburg, Altstaedt, Arnstadt, Berlin,
Nous nous proposons de consacrer dans notre pro- Cassel, Cobourg,Darmstadt, Dresde, Eisenach, Erfurt,
chain numéro de la Reçue musicale, un article nécrolo- Fraukenhausen , Géra , Gotha, Greiz, Halle, Heiligen-
gique à la mémoire de cet artiste célèbre. stadt, Hildburghausen, lena, Laugensalza, Leipsick ,
MiLAH. Le 11 octobre, un nouvel opéra de Ricci a hausen, Tœplitz, AVeimar, Weissenfels, Weissansee,
été représenté à la Scala, sous le titre de Chiara di Ro- AVittenberg et Zeitz.
Le jeune Le premier et le troisième jours, la fête eut lieu dans
semherg, qui a obtenu un brillant succès.
compositeur y a pris une éclatante revanche de la chute l'église ; le second , jour de la naissance du roi de Prusse^
332 REVUE Ml'SICALE-
on exécuta une grande scène de Wolfram et une sym- Ce Catalogue est du plus grand intérêt pour l'histoire
phonie de Spohr, et le quatrième fut consacré à l'exé- des compositions de Mozart.
cution de quatuors et dequintettis de divers auteurs. 3° Vater Urser von A . Mahlmann , in Musik gesetzt von
Un Domine salvum fac regem, de Naue , le Vater Un- Louis Spohr (Notre Père, etc., poésie de Mahlmann, mis
ser, de Spohr, un hymne de Hummel, et la symphonie en musique par Louis Spohr.). Partition. Prix, 20 fr.
siciens de notre temps, lesquelles sont imprimées.) L'autre ouvrage de Jean-Sébastien Bach consiste en
Leipsick, chez Fréd. Hofmeister, i83i, gr. in-8°. une suite de pièces pour le clavecin ou l'orgue qu'il dé-
Ce catalogue, dont l'utilité sera appréciée par les di- dia au roi de Prusse, sous le titre de Musikalische Opfer.
recteurs de concert, les bibliothécaires, et les amateurs On peut le considérer comme une des plus étonnantes
qui possèdent de grandes collections , indique les œu- productions de la musique et comme un des chef-d'œu-
vres, leséditeurs, les prix, e( les thèmes de chaque mor- vres de l'auteur.
ceau. Les symphonies et ouvertures de Beethoven rem- •
Ces deux ouvrages paraîtront en i832.
plissent les pages i-3 ; viennent ensuite celles de Fesca, L'Agence générale de la musique, rue du Helder,
60 symphonies de Haydn , et les œuvres pour l'orches- n° i3, se charge dé faire venir franc de port toutes les
Krommer, J. Kuffner, AV. A. Mozart, F. Ries,
tre de F. productions musicales annoncées ci-dessus.
André et Bernard Romberg, Spohr, et Charles-Marie
deWeber.
2° W. A. Mozart's ihematischer Catalog, sowie er sol- FÊTE DE SAINTE-CÉCILE,
chen vom gten Febr. 1784 bis zum ï5ten Novbr. 1791 ei-
Le 22 novembre 1831, à onze heures 1res précises.
genhândig gesclirieben bat. nebst einem erlaûternden Vorbe-
richte, von A. André (Catalogue Thématique des œuvres MM. Tilmant frères, Manera, Lutgen et Urhan exé-
depuis cuterootpendant une messe basse, dans l'église de Saint-
de Mozart, tels qu'il les a écrites le 9 février 1784
Vincent-de-Paule rue Montholon, les premier et se-
jusqu'au i5 novembre 1791, avec des notes et des éclair- ,
Toutes les sciences sont solidaires entre elles, parce séquentes, très judicieuses qu'ils en ont tirées les ont
qu'il n'y a en réalité qu'une science, la science de la conduits à délaisser, à repousser l'œuvre du génie, de
générale j porte daaa toutes Ica autres le trouble, le pa- par la méthode la plus ferme, par le calcul le plus ri-
radoxe et l'erreur. goureux; il n'avait laissé en arrière que certains phéno-
Parmi les sections fondamentales on doit distinguer mènes (la diffraction et les interférences ,
que je défini-
l'Optique etl'Acouslique, spécialement unies entre elles rai tout à l'heure), phénomènes peu observas à cette
par les liens les plus nombreux et les plus étroits. Une époque, et qui peut-être ne lui avaient paru que d'une
fausse idée, appliquée à l'une d'elles, les: a boulever- légère importance auprès de l'action du prisme, de la
sées l'une et l'autre; le bouleversement s'est étendu à réflexion, de la réfraction, de la coloration, en un mot
toute la physique, à toute la physiologie, qui semblent de tous les phénomènes majeurs, qu'il expliquait très
condamnées à ne jamais êtie que d'inextricables dé- correctement par l'émission rayonnante de la lumière.
dales. De nos jours, les phénomènes de la diffraction et des
C'est, je le déclare. Monsieur, avec l'intention et interférences, observés avec un soin extrême par des
l'espoir de mettre l'ordre, l'unité dans la physique, physiciens pleins de sagacité, en Angleterre par le doc-
dans la physiologie, et de porter dans la science géné- teur Young, en France par MM.Fresncl, Arago, Pouil-
rale le flambeau d'une parfaite clarté, qu'ici, dans vo- let, leur ont paru échapper entièrement à l'hypothèse
tre journal, en présence d'un ordre de lecteurs sensi- de l'émission de la lumière, et au contraire confiiiner
bles par instinct aux conceptions harmoniques, je com- ridée de V ondulation , idée déjà émise par liuler, Huy-
mence par insister sur le renversement d'une erreur gens, Grimaldi, et autres physiciens des temps anté-
qui a fait de l'Acoustique la science la plus fausse, la rieurs. Ils ont dit avec ces hommes célèbres : L'Acous-
plus discordante; erreur, je me hâte de le dire, qu'il tique est une science positive, car elle a pour base une
faut être bien loin de reprocher aux hommes qui l'ont expérience invariable et incontestable; or, l'action lu-
adoptée. Pendant les trente premières années de ma mineuse est semblable à l'action sonore : seulement elle
vie, j'ai vécu avec elle comme avec un dogme religieux. est plus riche ,
plus féconde, et le théâtre de son exer-
Fondée sur une expérience siBiple, partout répétée, cice est incomparablement plus étendu; il embrasse
partout la même, cette erreur avait reçu, d'un consen- l'univers. Qu'il nous suffise donc d'appliquer en grand
tement soutenu et unanime, une sorte de consécration. à l'action lumineuse le principe qui sert de base à l'Acous-
334 REVUE MUSICALE.
tique, et nous aurons fait de l'Optique une science éga- comment celte propagation n'est pas instantanée
lement positive. pourquoi elle exige une seconde de temps par intervalle
Ainsi, de même que sur la tcne tous les phénomè- de 170 toises; et s'ils sont fixés et contigus, cotnment
nes sonores se réduisent à une vibration imprimée par les déplacemens d'air, les vents sont possibles? et enfin,
le corps sonore au fluide gazeux el élastique dont il est les vents ayant lieu malgré leur impossibilité, comment
environné, dans l'univers tous les phénomènes lumi- ils ne portent jamais atteinte ù la régularité de l'action
neux se réduisent i une vibration semblalile imprimée sonore?
i un fluide subtil et 'élastique , à un étiier répandu dans Reconnaissons-le; dans la pensée d'un homme natu-
tous les points de l'espace. rellement réfléchi, à qui une autorité doginatique com-
Pour juger mainlenant cette hypothèse, observons mande d'adopter une telle explication du son et de la
que l'action lumineuse s'exerce non-seulement dans lumière, toutes les notions les plus positives se heur-
chaque point des immenses intervalles qui séparent tent, se décomposent ; dans la science il ne voit plus
entre elles les étoiles et les planètes, mais dans chaque que nuages et fantômes, dans la raison qu'un pilote Stins
point des corps diaphanes, tels que l'eau, le verre, le boussole, dans l'univers qu'un chaos : ne soyons pas
diamant, et même dans chaque point des corps opa- surpris que l'étude en soit abandonnée.
ques, car tous ces corps sont composés de lames qui,
Il est pressant de la relever. L'esprit humain a besoin
divisées, séparées les unes des autres, se montrent
d'un emploi digne de sa puissance; c'est la vérité qu'il
transparentes. Ce n'est point sans doute l'acte de leur appelle, prêt à la reconnaître aux caractères qui la dis-
division qui lésa remplies d'éther; y existait d'avance
il
,
tinguent : uniiè, simplicité, clarté. La base du système qui
en sorte que le sujet universel de l'action lumineuse, le
la dévoile doit donc être un principe unique, clair et
fluide élastique universel, l'éther, est sans cesse présent
simple. L'expansion est ce principe. Par l'action de cette
à tous les points de tous les genres d'êlrcs. force tous les corps, tous les êtres vivans et animés,
Mais alors quelle substance, quelle matière reste à
solides ou gazeux, de dimensions immenses ou de sub-
ces êtres même? Si cependant ces êtres ont une matière tilité extiême ne cessent de rayonner, de vibrer, de
,
elle pas universellement instantanée ? comment l'action faisceau, on place une feuille de métal très mince, que
lumineuse du soleil met-elle le long intervalle de huit l'on a percée d'une fente rectangulaire très étroite. La
minutes pour arriver jusqu'à nous? portion de lumière qui passe à travers cette fente se
Redescendons sur la terre, et demandons-nous éga- projette sur un carton blanc qui lui est opposé. Là on
lement comment l'air atmosphérique , si tous ses glo- observe, en premier lieu, qu'elle occupe un espace
bules ne sont pas fixés et contigus, propage avec régu- beaucoup plus large quecelui qui serait indiqué géo-
arité l'action sonore? et s'ils sont fixés et conligus,- métriquement par la progression naturelle du faisceau
REVUE MUSICALE. 335
lumineux: ainsi la lumière a été épanouie, brisée en C'est ainsi que la lumière, rendue accidentellement
large ; elle a éprouvé une diffraction. beaucoup plus expansive, se trouve eicitée à s'épa-
En second lieu, celte lumière rouge répandue sur le nouir, à se diffracter, à se porter sur un espace beau-
carton ne s'y montre pas égale et continue ; elle y est coup plus étendu que celui qui lui était naturellement
in/erm((^e>i<e; c'est-à-dire qu'elle forme d'obord au mi- destiné.
lieu une frange brillante; cette frange centrale est bor- Mais c'était la réaction environnante qui avait fixé la
dée de chaque côté d'une frange obscure qui a moins divergence naturelle du faisceau lumineux. Cette même
de largeur ; chacune de ces franges obscures est bordée réaction s'exerce contre l'expansion accidentelle du
à son tour d'une frange brillante de même largeur que faisceau ; elle le contraint à se replier sur lui-même ,• à
la frange obscure , mais ayant moins d'éclat que la frange se condenser, à prendre une vive augmentation d'éclat :
centrale; viennent ensuite deux nouvelles franges ob- c'est ainsi que la frange centrale est constituée.
scures de même largeur que les deux premières, mais Dès le second instant , cette frange centrale, ce fais-
d'une obscurité moins marquée; à la suite encore deux ceau condensé réagit expansivement contre la répres-
franges lumineuses d'une lumière plus faible que celle sion environnante ; il se dilate en tout sens, sa lumière
des précédentes, puis encore de chaque côté une nou- s'affaiblit ; sur la surface du plan s'établissent, à droite
velle frange obscurd dont l'obscurité s'affaiblit; en un et ù gauche de la frange brillante , une frange obscure ;
mot, alternative de lumière et d'ombre qui se dégradent ces deux franges obscures font ensemble la compensa-
mencer par reconnaître généralement que tout mouve- ceau lumineux; de même que l'oscillation de la lige
ment de fluides élastiques, dans un point quelconque élastique trouve progressivement son terme dans l'épui-
de l'espace provoque de ,
la part des fluides environnans sement de la percussion accidentelle.
une réaction égale. Cette réaction ;\ l'égard de la lu- Si maintenant, à l'aide de deux miroirs, on fait co-
mière est démontrée par un fait très simple. L^image ïncider deux faisceaux de lumière de manière à ce qu'ils
qu'elle forme sur un carton blanc placé à dislance dans se pénètrent obliquement, on produit le phénomène de
une chambre obscure est toujours ronde, quelle que V interférence, c'est-à-dire que l'on jette accidentelle-
soit la forme, ronde, carrée, triangulaire, de l'ouver- ment dans un certain point de l'espace une quantité
ture par laquelle elle s'introduit. la forme ronde est la surabondante de rayons lumineux en collision récipro-
première exigence de l'équilibre. que, s'excitant ainsi à une expansion très vive , provo-
Dans l'expérience que nous venons de citer, une pla- quant au même degré la réaction environnante qui se met
que de métal intercepte en partie plus ou moins consi- à osciller avec l'expansion exaltée du double faisceau.
dérable le passage de la lumière; à travers une fente Voici en acoustique le phénomène exactement ana-
étroite, elle en laisse passer unepartie, et elle s'échauffe logue : lorsque l'on fait résonner ensemble deux tuyaux
par l'incidence de celle qu'elle arrête. Tout métal est d'orgue discordans entre eux, on entend un battement
un corps abondamment transpirateur; et la transpira- plus ou moins prononcé, qui n'est autre chose qu'une
tion de tout corps solide est un fluide subtil analogue alternative d'augmentation et d'affaiblissement dans
à la partie la plus subtile du fluide lumineux. C'est sur- l'intensité des deux sons inierférens. Ce battement est
tout par les deux bords de la fente que le métal trans- loin d'être isochrone à la vibration des tuyaux; il est
pire ,
parce que ces deux bords sont aigus, et parce que incomparablement moins rapide: c'est la collision dés-
le frottement rapide de la lumière leur donne un se- ordonnée des deux projections sonores qui rend cette
cours expansif. La transpiration subtile du métal se mêle pulsation si marquée; car aussitôt que l'on a mis d'ac-
donc à la lumière, augmente fortement son état de di- cord les deux tuyaux, les battemens cessent d'être sen-
vision et sa diverffence. sibles; ils sont réduits à de simples ondulations.
336 REVUE MUSICALE.
musique de M. Meyerbeer.
roulement de la foudre n'est autre chose qu'un batte-
ment brusque amplifié par l'écho.
Le son d'une voix humaine ondule naturellement; C'était un événement attendu depuis long-temps avec
dans la passion , il palpite ; les chanteurs les plus ha- une vive impatience par les artistes et les amateurs pas-
biles ont de la difficulté à bien poser leur voix, lors- sionnés de musique que l'apparition de l'opéra de M.
qu'ils ont à faire entendre des sons énergiques ; ils
y Meyerbeer. On ne doutait pas qu'il n'eût donné tous ses
parviennent plus aisément, lorsqu'ils n'ont à produire soins à cet ouvrage, car un succès à Paris, sur la première
que des sons doux exprimant des sentimens paisibles. scène lyrique de France et peut-ê^re de l'Europe, est
L'art de diminuer progressivement le son de la voix d'une haute importance pour la renommée d'un artiste
coûte moins au chanteur que l'art d'en déguiser les on- étranger : les plus grands compositeurs de l'Allemagne
dulations ,
parce que c'est naturellement morkndo que et de l'Italie ont toujours considéré ce genre de triom-
tout son se termine. phe comme le plus remarquable de leur carrière. De
Je pourrais. Monsieur, élargir et affermir par plus de beaux succès ont couronné les premiers travaux de M.
détails la base commune de l'Optique et de l'Acoustique; Meyerbeer; mais ceux qu'il devait chercher en France
mais j'excéderais l'espace que vous pouvez m'accorder. étaient d'autre nature. Le sujet qu'il a choisi, les con-
Je crois d'ailleurs en avoir assez dit pour montrer à tout ditions du drame lyrique français, la nécessité d'uoe
homme judicieux et libre de préjugés scientifiques que manière plus large et surtout plus individuelle que celle
le son et lalumière sont deux fluides en expansion vi- qu'il avait adoptée jusqu'ici, tout une loi de
lui faisait
brante et rayonnante, balancée par l'expansion égale- s'ouvrir de nouvelles routes Ht de produire une compo-
ment vibrante et rayonnante de tous les êtres environ- sition d'un ordre élevé. Il n'a point trompé l'attente de
nans. Ce fait initial, Yexpansion, se faisant par elle- ses amis; disons mieux, il l'a surpassée. La portillon de
même compensation et équilibre, rend raison de tous Robert-le-Diable n'est pas seulement le chef-d'œuvre de
les phénomènes, parce que c'est elle qui les produit, M. Meyerbeer, c'est une production remarquable dans
parce que c'est elle qui constitue à jamais l'univers en l'histoire de l'art. Remplie d'effets nouveaux et trouvés,
sique, comme tout ce qui est réellement beau, ne peut achève de le perdre: le prince dcGrenadeestvainqueur;
que gagner à être entendue souvent, enfin l'exécution la main d'Isabelle lui appartient.
offre une perfection d'ensemble et de détails qui com- Bertram profite du désespoir de Robert: « Tout vous
plète le plaisir de l'oreille et des yeux. trahit sur la terre, lui dit-il, mais il est des êtres sur-
S'il s'agissait d'analyser le livret de Robert-U-Dlable naturels qui ne vous trahiront pas , si vous avez le cou-
d'après les règles d'Aristote , peut-être trouverait-on rage de leur conflsr voire sort. — Connaissez-vous des
qu'il y manque quelque chose sous le rapport de la ré- moyens de correspondre avec eux? — Je leo connais.
gularité; mais personne ne songe guère aujourd'hui au Dans une antique abbaye, bâtie jadis par sainte Rosalie,
précepteur d'Alexandre ni à ses règles, et ce n'est pas sont les tombeaux des religieuses de l'ordre qu'elle a
un opéra qui est destiné à les conserver. Celui-ci, comme institué. Celles-ci, après sa mort, s'abandonnèrent aux
je viens de le dire, a de l'intérêt: il offre des situations désordres d'une vie voluptueuse. Dieu voulut qu'elles
variées à l'imagination du musicien et des occasions pour en fussent punies en tombant au pouvoir de l'enfer. Des
traiter à peu près tous les genres de musique : c'est tout choses étranges se passent chaque nuit dans les ruines
ce qu'on peut raisonnablement demander à un poète de leur cloître. C'est là qu'est un rameau toujours vert,
d'opéra. Donnons une idée de la contexture du livret talisman dont la puissance doit livrer à Robert sa mai-
de celui-ci. tresse, s'il a le courage de pénétrer dans ces ruines mal-
Tout le monde connaît roman de Robert dilU
le naïf gré les dangers qui l'attendent. » Le courage ! ce doute
Diable, qui perdit son duché de Normandie pour avoir suffit pour décider Robert.
trop aimé les filles de ses vassaux et pour n'avoir point Il parvient en effet jusqu'au rameau, et séduit par
assez ménagé les moines, dans un temps où les moines des danses voluptueuses des ombres de nonnes sacrilèges,
étaient tout-puissans. Suivant la légende et le livret de il s'en empare malgré les avertissemens intérieurs qui
l'opéra, Robert-le-Diable avait eu pour père une sorte l'en détournent. Devenu maître de ce talisman, il pénè-
de démon honoraire , qui , courant le pays pour peupler tre près d'Isabelle et veut triompher de sa résistance;
le domaine de Satan, avait trouvé le moyen de plaire à mais vaincu par ses larmes, il brise le rameau, et n'é-
la sage Berlhe, fille du duc de Normandie, et en avait chappe qu'avec peine à ceux qui le poursuivent dans le
eu ce fils, digne fruit d'une telle UDion. Berthe n'avait palais du roi de Sicile. Le vestibule de la cathédrale de
pas tardé à se repentir de sa faute; Robert, bien qu'il Palerme lui offre un asile. Bertram, qui n'a plus qu'un
eut pour elle Jes sentimens d'un tendre fils, ajoutait à instant pour échapper à l'enfer, ose l'y suivre, et n'ayant
ses chagrins par sa violence et le désordre de ses pas- rien aménager, lui découvre le secret de sa naissance,
sions. Chassé de ses états, errant, portant partout ce et le danger qui menace son père. Robert, pénétré de
caractère indomptable qui déjà lui a causé tant de maux, douleur, mais touché du sort de celui qui lui donna le
il aborde en Sicile, voit Isabelle, fille du roi de cepaj^s, jour, va céder; les sons de l'orgue et les chants sacrés
en devient épris et s'en fait aimer; mais jaloux, furieux, se font entendre dans l'église et réveillent dans son cœur
il menace tous les chevaliers qui osent approcher de sa des sentimens de piété. Bertram redouble d'efforts; une
maîtresse, et brave le monarque lui-même; tous se jeune fille, Alice, sœur de lait de Robert, vient le sau-
réunissent contre lui, et malgré son courage il est près ver en lui présentant le testament de sa mère. Agité
de tomber sous les coups de tant d'ennemis, quand un d'une affreuse incertitude, il hésite entre le soin de son
chevalier, sous le nom de Bertram, lui sauve la vie et salut et les supplications de son père; mais l'heure fa-
devient son ami. tale sonne, Bertram est précipité dans les enfers, et
Quel ami! ce Bertram, ce chevalier, n'est autre que Robert, introduit dans le temple, y retrouve la paix et
l'homme qui séduisit sa mère et lui donna le jour. Un le bonheur.
pacte horrible le livre à la puissance de Satan : quelques Ace rapide exposé, il est facile de comprendre que
heures encore, et il sera la proie de l'enfer, si son fils le livret de Robert- le- Diable renfeime tous les éléraens
ne se donne à lui en signant le fatal écrit : ses perfides d'un drame musical plein de passion, et que lei occa-
conseils ne trouvent que trop de facilité à pénétrer dans sions n'y ont pas manqué au compositeur pour des op-
le cœur de Robert. Livré à la fougue de ses passions, positions de couleur. Ces oppositions sont en effet mul-
celui-ci perd en un jour son or, ses bijoux, et jusqu'à tipliées dans la partition de M. Meyerbecr, et ce n'est
ses chevaux et ses armes. Ses armes! et c'est au mo- pas un des moindres mérites de cette partition que la va-
ment où il pourrait conquérir dans un tournoi la main riété su y jeter. Dans le pre-
de style et d'effets qu'il a
de celle qu'il aime, qu'il en est dépouillé I Ce tournoi mier acte, où sont mis en scène des chevaliers du on-
338 REVUE MUSICALE.
zième siècle, qui se livrent au plaisir attendant l'heure la plus grande jouissance que puisse éprouver un ar-
des combats, avec la gailé tant soit peu iirutale des tiste est sans doute de l'entendre exécuter aussi parfai-
mœurs du moyen-Oge, il a exprimé de la manière la tement cette satisfaction n'a pas man-~
qu'il est possible :
plus heureuse et avec une mélodie franche et nette la que M. Meyerbeer. Tout ce que l'Académie royale de
à
verve de cette joie de soldats. Le second acte se passe musique renferme de chanteurs habiles et de bons ac-
dans l'intérieur d'un palais : le ton en est tout dill'érent teurs se trouve réuni dans Robert-te-Diable. Cantatrice
du premier. La grâce et l'élégance des formes y domine. élégante et suave, Mme Cinti-Damoreau rend avec ce
Au troisième, l'action est engagée, et le spectateur est fini délicieux qu'on lui connaît tout le second acte, et
introduit dans un monde fantastique : là, des effets d'un dans la belle scène du quatrième, elle s'élève jusqu'à
genre mystérieux, produits par des moyens nou- l'expression la plus dramatique, particulièrement dans
plus dramatique et de l'effet le plus extraordinaire. La aurait pu croire au-dessus de ses forces, a bien justifié
seconde partie se passe dans l'intérieur de l'abbaye. Elle le choix que les auteurs ont fait d'elle par la manière
est entièrement consacrée à des scènes bizarres qui exi- dont elle l'a joué et chanté. Irréprochable dans ses in-
geaient un coloris tout particulier. M. Meyerbeer, CD écri- tonations, soigneuse dans sa mianière de phraser et de
vant cette partie de son ouvrage, a joui d'un rare bon- vocaliser, expressive dans les situations dramatiques,
heur d'inspiration. Sans avoir rien de commun avec le elle s'est élevée au-dessus d'elle-mêine , et a su se con-
deuxième acte de Freyschiilz , il n'a pas moins bien cilier tous les suffrages.
exprimé que Weber le caractère des êtres de l'enfer Plein de cette chaleur d'arac et de cette intelligence
qu'il avait A mettre eh scène. qu'on lui connaît, Adolphe Nourrit ne laisse rien dési-
Le quatrième acte est fort court; il est passionné et rer dans son jeu ni dans son chant. Son énergie, sa sen-
contient une situation vive dont il ne fallait pas man- sibilité n'ont pas faibli un instant dans cet ouvrage si
merveille dans un duo et dans un air de l'expression la auteurs par son dévouement aux rôles qu'on lui con-
plus vive. Mais c'est surtout dans le ton solennel et re- Oe : presque toujours il va au-delà de leurs espérances.
ligieux qui domine au cinquième acte que le composi- J'ai souvent eu occasion de louer Levasseur comme
teur s'est surpassé. Un beau chœur d'ermites, d'un ca- chanteur; cette fois il faut que je le signale comme ac-
ractère sévère, lui sert d'introduction. Les scènes sui- teur très distingué, car il a saisi à merveille le caractère de
vantes sont d'un effet irrésistible. Le combat livré au Bertram. Sa figure, ses gestes, l'accent de sa voix, tout
cœur de Robert par Bertram cl par les senlimcns rcli- exprime en lui la fatalité imprimée à ce personnage. Il
«ieux que réveillent en lui les sons de l'orgue , les chants n'y a pas long-temps que Levasseur s'est affranchi de
de l'église et le souvenir de sa mère, sont rendus avec la timidité qui nuisait au développementdc ses facultés ;
une forcé pathétique au-dessus de tout éloge. Le trio mais une fois délivré de cette timidité , il peut se placer
qui met le comble aux émotions du spectateur, ce trio par son intelligence à un rang aussi distingué comme
admirable : acleur que comme chanteur. Son talent musical se pro-
duit avec une variété remarquable dans le troisième
A tes lois je souscris d'avance.
acte, où il ne quitte presque pas la scène, et où il
sera classé dans l'histoire de l'art comme une des plus chante des morceaux d'un caractère très différent. Il dit
belles créations de lamusique dramatique. encore avec une expression et une force peu commune
Dans un prochain numéro, au moyen de quelques cet air du cinquième acte :
temps dans le souvenir des amis sincères et dévoués de Enfin, dans tout cet opéra, Levasseur me paraît
chante d'une manière convenable. Cet acteur a de la tiliser les bonnes leçons qu'elle a repues de son maître
voix: il pourrait être employé très utilement pour les sur le mécanisme de son instrument, et de donner à ses
auteurs et pour lui-mêine, s'il se livrait avec ardeur à doigts plus de souplesse et de fermeté par de fréquens
l'étude de son art. exercices. M. Potier a des doigts fort brilians, beau-
Dire que Perrot, Mlle Taglioni, Mme Montessu, coup de facilité à jouer les difficultés les plus grandes,
Mlles Julia et Noblet dansent dans Robert-le-Diable, de l'aplomb et même du goût, bien qu'il soit fort jeune
c'est donner une idée juste delà perfection qu'on trouve encore. Il y a en lui l'étoffe d'un très habile pianiste:
dans les ballets de cet ouvrage. Qu'on joigne au charme des études constantes de compositions classiques et sé-
de ces danses le prestige de décorations magnifiques et vères le conduiront sûrement un jour à un talent de pre-
de costumes d'une richesse éblouissante et d'une vérité mier ordre, s'il ne veut cueillir. trop tôt les fruits de ses
historique, et l'on aura une idée de l'ensemble et du succès hâtifs.
fini qui régnent dans toutes les parties de cet opéra. Deux solos de violon ont été aussi exécutés dans cette
C'est cet ensemble, ce fini d'exécution, ce sujet heu- solennité musicale, l'un par M. Remis, élève de M. Bail-
reux, et surtout cette belle musique qui feront long- lot, l'autre par M. Lagarin, élève de M. Aug. Kreutzer.
temps le succès de Robert-le-Diable, et qui lui procure- On reconnaît dans M. Remis l'excellente école à laquelle
ront une longue suite de représentations. il appartient. Sa manière est pure, sage, et son style
Dans un prochain article, je donnerai une analyse simple comme celui du concerto de Viotti qu'il a joué;
suivie de la musique. Fétis.^ mais je lui voudrais plus de chaleur, plus de sensibilité,
plus de cet abandon d'arliste sans lequel il est difficile
Dislribulion des prix. — Concert. maître n'est pour lui qu'un moyen; c'est dans son ame
(30 KOVEMBRE. )
ardente qu'il puise le principe de ces vives impressions
Les spectacles gratis, de quelque genre qu'ils soient, qu'il sait communiquer à ceux qui l'écoutent; c'est ce
ne manquent jamais de curieux : je serai donc cru sur que M. Remis ne doit point oublier. M. Lagarin est un
parole quand je dirai que l'assemblée était brillante et artiste heureusement né qui doit beaucoup à la nature
nombreuse à la distribution des prix du Conservatoire. et qui fait honneur à son maître. Son intonation est gé-
Depuis quelques années, ces solennités ont acquis de néralement juste, son adresse remarquable dans les dif-
l'intérêt parce que le concert d'élèves qui les termine ficultés de l'exécution; il a du goût, de la verve, enfin
s'est amélioré sensiblement. Celte fois plus d'un motif il est destiné à parcourir une brillante carrière, s'il a le
devait exciter la curiosité du public : une sorte d'éclat courage de développer dans des études sérieuses et sui-
inaccoutumé était accordé au triomphe des lauréats; vies les qualités de son heureuse organisation.
un ministre présidait lui-même i la distribution des cou- 11 faut une disposition particulière pour devenir un
ronnes, et faisait retentir les paisibles voûtes de l'école bon premiercor: cette disposition, je crois que M. Ber-
du bruit harmonieux de son éloquence parlementaire! nard en est doué. Déjà il a surmonté de grandes diffi-
Après que la distribution des prix eût été terminée, cultés; mais il lui en reste beaucoup à vaincre. Il tient de
le concert a commencé par une ouverture composée la nature et des leçons de M. Dauprat une qualité de son
par M. Millault. Il y a de l'effet dans ce morceau; le agréable, et il monte avec facilité; mais il manque de
plan en est bien suivi, le style est pur, et l'ensemble sûreté, et il n'a point encore appris à égaliser les sons
de la composition indique une connaissance assez éten- bouchés de manière à les unir aux sons ouverts. Qu'il
due des effets de l'instrumenlation, bien que le jeune prenne à cet égard M. Gallay pour modèle. Cet artiste a
compositeur ait peut-être un peu trop usé des instru- aussi de la hardiesse dans ce qu'il entreprend; mais il
sans doute attribuer à l'émotion le défaut de précision Je ne sais qui a dit qu'il ne connaissait rien de pire
et de netteté dont le jeu de Mme Hattute a offert plus qu'une flûte, si ce n'est deux flûtes; ce faiseur d'épi-
d'un exemple; je conseille toutefois à cette dame d'u- grammes aurait trouvé au concert de la distribution des
340 REVUE MUSICALE.
prix ce qu'il redoulait le plus, car on y a entendu un C'est quelque chose d'assez rare en France qu'un vé-
air varié pour deux flûtes , arrangé par M. Tulou et exé- ritable contralto ! Mlle Dabedeilhe possède ce genre de
cuté par ses élèves MM. Franchonne jeune et Coche; voix. Il y a du timbre et de l'accent dans les cordes
mais il aurait eu tort de se plaindre, car ces jeunes gens graves de son organe , si je ne me trompe, il; ya mais
sont bons à entendre. Leur exécution est nette dans les un défaut d'organisation dans son oreille, car elle a
difficultés , et leur son assez pur. Le temps finira ce que chanté presque continuellement trop haut la partie A'Ar-
l'étude a commencé. sace dans le duo de Sémiramis. Chanter trop haut, c'est
Le chant fut long-temps la partie faible des concerts chanter faux ; je ne puis le cacher à Mlle Dabedeilhe.
du Conservatoire; peut-être n'est-il pas encore ce qu'on M.' Dérivis a bien dit la partie d'Jssur. Ce jeune
voudrait qu'il fût; mais il ne faut pas oublier qu'il n'y homme a de l'intelligence et ne manque pas de facilité;
apas, qu'il ne peut y avoir de talens achevés en ce genre mais sa voix n'a point encore acquis toute sa force. Il
dans une école. Le maître pose les principes, les ap- faut qu'il se garde de chercher à la forcer pour lui don-
plique suivant la nature des voix qu'on lui confie, et ner ce qui lui manque ; il nuirait à son avenir.
emploie souvent beaucoup de temps ù corriger des dé- Mlle Caraoin a été fort applaudie dans un air avec
fauts avant de développer des qualités; mais quoi qu'il chœurs; je suis fâché de troubler les jouissances que
fasse, il ne peut donner que du mécanisme: quant S tout son amour-propre a dû goûter à ces applaudissemens;
ce qui constitue réellement un chanteur habile, la libre mais ils n'étaient pas mérités. Elle a beaucoup hasardé,
articulation, l'expression, la distinction des styles, l'a- mais elle a peu réussi, car ce n'est pas réussir que de
plomb sous l'accompagnement de l'orchestre , la richesse faire à peu près. Il faut que cette jeune personne y
d'imagination pour les ornemens, le discernement des prenne garde : elle veut chanter trop tôt. Elle a d'heu-
convenances, et mille autres choses qui concourent A reuses dispositions, de la voix, de la hardiesse; mais
l'effet du chant, cncofe une fois, ce n'est point sur les ses traits ne sont souvent qu'ébauchés, l'articulation est
bancs de l'école qu'on les rencontre, et ce n'est guère presque toujours défectueuse; enfin, l'intonation n'est
qu'i la moitié de sa carrière qu'un artiste bien organisé pas irréprochable. Pour jouir de quelques succès éphé-
peut espérer de les posséder. Mme
Branchu, Roland, mères, Mlle Caraoin peut compromettre un avenir qui
Nourrit, Ponchard, Mme Durct, Mme Rigaud, tous serait peut-être brillant si ses études étaient faites avec
les chanteurs enfin qui ont fait la gloire du Conserva- soin, et y consacrait le temps nécessaire.
si elle
toire, ceux qui brillent aujourd'hui sur la scène et qui Quelques scènes du dernier acte du Siège de Corinihe
y ont en partie leur éducation, Levasseur, Mme
fait ont terminé le concert ; elles ont été rendues en général
Damoreau, Mlle Dorus ne sont devenus ce qu'ils sont de manière à satisfaire l'auditoire. Mlle Falcon est une
qu'après bien des années de travaux au ihéjlre. Il en a belle et jeune personne qui paraît destinée à obtenir des
été de même dans tous les temps et dans tous les pays. succès au tliéStre. Sa prononciation est bonne et son
N'exigeons donc pas que les jeunes artistes que nous action dramatique chaleureuse. J'ignore si le peu d'ha-
entendons maintenant aux exercices du Conservatoire bitude d'entendre l'orchestre ne lui a pas permis de bien
possèdent des talens finis, et n'y cherchons que des dis- saisir le ton, mais elle a chanté généralement trop haut.
positions plus ou moins favorables, et des éducations Il faut attendre pour la juger sous le rapport de l'into-
plus ou moins avancées. nation.
La voix de M. Révial est un ténor médiocrement tim- Yartel a de la vois, de la verve et de l'intelligence;
bré. Sa vocalisation nous a paru avoir besoin d'être long- il a chanté d'une manière satisfaisante et a bien dit le
temps exercée; mais il ne manque pas de goût. On ne récitatif. Ce jeune artiste .sera vraisemblablement un
peut pas dire qu'il ait bien chanté l'air de Zampa; mais jour une des ressources du théâtre lyrique, s'il ne se
il a fait voir qu'avec des moyens bornés il pourra chan- lasse point de perfectionner par l'étude ses heureuses
ter un jour d'une manière agréable. disposilions. Dérivis a bien dit la scène de l'inspiration ;
ni de force ni d'étendue ; mais dominée par une émo- Le piano sur lequel les solos ont été exécutés est le
tion très vive, elle n'a pas fait autant d'effet qu'on pou- modèle de ceux que M. Erard s'est engagé à fournir au
vait en attendre d'elle. Cette jeune personne a de la Con.'^ervatoire il est aussi remarquable parla qualité de
:
facilité, mais elle en abuse un peu, et prodigue à l'excès son que par le fini de son mécanisme. .
Fétis.
Gondit
342 REVUE MUSICALE.
contraire de ce qui est arrivé pour la poésie , la pein- dans son Libellas musicatis de ritu canendi, dont le troi-
ture et les autres arts libéraux, et même pour la mu- sième livre de la seconde partie est consacré à l'expo-
sique dans des temps postérieurs. Que voyons-nous en sition des règles du contrepoint. Burney nous a fait
effçt, à l'époque où Francon de Cologne écrivit son connaître en abrégé les principes de cet écrivain d'après
Ars Cantus mensurabilis et son Compendiam de DiscanlU) deux manuscrits, dont l'un se trouve à la bibliothèque
qui soit à la hauteur des principes exposés par ce théo- Harlaienne du musée britannique {n° ôSaS), et l'autre
ricien ? Rien , il faut le dire , et même le génie des com- dans celle du Vatican (n° 5904). Ces principes sont con-
positeurs paraît avoir reculé long-temps encore apiès formes à la pratique de quelques compositeurs italiens
lui devant la hardiesse de ses successions harmoniques. du quatorzième siècle dont les ouviages se trouvent
On peut en dire autant d'un commentateur de Fran- dans un manuscrit de la bibliothèque royale de Paris
con, nommé Marcltetto, an Padoue, qui écrivait en (n" 535 du supplément).
i;724, et qui paraît avoir été beaucoup plus loin, daiîs Parmi les compositeurs, qui sont au nombre de
ses écrits didactiques,que les compositeurs de son temps treize, on remarque les noms de Francesco Landino,
dans leurs ouvrages. Rien en effet n'eit venu jusqu'ici surnommé' (VEgli Organi à cause de sou habileté sur
a notre connaissance, parmi les compositions du trei- l'orgue, ou Francesco Cieco, parce qu'il était aveugle.
zième siècle, qui égale en hardiesse quelques exemples Le témoignage des écrivains contemporains autorise à
d'harmonie cités par Marchetto dans son LucUlariiim penser que cet artiste fut le plus habile musicien de
masicœ. Adam de Le Haie, dont les chansons et les son temps. Il était de Florence. Les noms et les coni-
motets à trois voix sont parvenus jusqu'à nous, a bien posilions de quatre autres musiciens de la même ville se
plus de circonspection dans la manière d'employer les font remarquer dans le même manuscrit : ce sont ceux
successions harmoniques. Au reste, il est nécessaire de de Maestro Giovanni de Firenze, de Lorenzo de Firenze,
l'aire remarquer que ces successions de Marchetto sont de Don Paolo Tenorista di Firenze , et de Gian Toscane.
plutôt une singularité jetée au hasard dans l'histoire de Tous vécurent de i53o àiS^o. Il y aurait donc lieu de
la musique qu'une indication précise de l'état de cet art croire qu'à celte époque il y eut une école Florentine
à l'époque où écrivait ce théoricien, car elles ne sont de musique, si les ouvrages des compositeurs qui vien-
évidemment point en rapport avec la tonalité alors en nent d'être nommés se distinguaient par quelque qua-
usage. Elles n'ont pu recevoir leur application qu'après lité particulière qui leur donnSt un aspect différent de»
que l'échelle musicale eût été réformée, et lorsque la ouvrages des autres maîtres du même temps;mais c'est ce
moderne eût succédé i celle du plain-chant,
tonalité qui n'a point lieu; car si le génie individuel de Fran-
Nul moyen, en effet, d'employer dans celle-ci les suites çois Landino se montre dans un goût, plus parfait et
chromatiques et les relations de triton que cet auteur dans un sentiment d'harmonie plus perfectionné que
présente dans ses exemples; on remarque que les com- chez ses contemporains, il ne faut attribuer ces avan-
positeurs les plus hardis s'en sont abstenus long-temps tages qu'à une organisation particulière à cet artiste, et
même après lui: il ne pouvait en être autrement. non à l'influence d'une doctrine ou d'une tradition sco-
Dans le quatorzième siècle, la théorie d^'harmonic laslique. Il suffit Vie parcourir attentivement les pro-
et du contrepoint est plus en rapport avec la pratique ductions des autres musiciens du môme temps, conte-
des maîtres italiens. Un écrivain didactique, cité par nues dans le même manuscrit, pour se convaincre que
Gafforio (^Apolog. adtersiis lo. S/mtarium), sous le nom tous ont travaillé d'après les mêmes principes, qu'ils
de Joannes Carthusinus, comme un adversaire de Mar- ont participé aux mêmes erreurs , et qu'ils représentent
chetto de Padoue, nous a transmis la doctrine reçue en collectivement une époque de l'histoire de l'art, en ce
Italie dans le quatorzième siècle, à l'époque où il écri- qui concernait la pratique, comme Jean le Chartreux
vait, c'est-à-dire vers i58o. Cette doctrine embrasse la représente pour la théorie. Nulle différence notable
toutes les parties de la musique; elle est contenue dans ne se fait en effet remarquer entre la facture harmoni-
le livre de ce Jean, surnommé Carihusianus, ou Car- que de ces maîtres florentins et celle de Maître Jacopo
thusinus Mantuœ ,
parce qu'il était moine de la Char- da Bologna, de Frate Guiglietmo di Francia ', de Don
treuse de Manloue. Né à Namur, où on lui enseign.i les
où il devint élève de Viciorin de Fe lire dans les sciences de Machaut ou Machau, poète et musicien français, né en Champaguï
et particulièrement dans la musique. Bien qu'il fût vers 1284, qui vivait encore et même qui écrivait en 1370 , et dont
Belge, c'est donc la tradition de l'Italie qu'il a exposée les ouvrages ont été conservés, onNe autres dans un beau manuscrit en
REVUE MUSICALE. 343
Dotiaio da Cuscia, de S. Glierardclla, de S. Niclioto del moins on n'en retrouve point de traces dans l'histoire;
Propos to, de l'abbé Fincenzo da Imota, de Fraie Bartho- mais dès i45o on en voit se fonder dans plusieurs villes
Les troubles qui agitèrent l'Italie depuis la fin du allemand, nommé Godendach ouGœdendach, et en la-
quatorzième siècle jusque vers le milieu du quinzième tin Bonadies, était entré au monastère de Lodi vers
paraissent avoir exercé contre les progrès de la musique celte époque, et était devenu le maître de Gafforio ou
une influence funeste; du moins paraît-il vraisemblable Galorio, né dans cette ville, lequel devint ensuite un
que cet art ne suivit pas la peinture dans son rapide des plus savans théoriciens de l'Italie et même de toute
avancement, et qu'il resta stationnaire au-delà des l'Europe, et qui fonda lui-même des écoles de musique
Alpes, tandis qu'il se perfectionnait rapidement en devenues célèbres, Jean Tinctoris ou ïinctor (le Tein-
France, dans les Pays-Bas, en Allemagne et en Angle- turier), né à Nivelles dans les Pays-Bas, et Bernard
terre. Peut-être faut-il attribuer l'infériorité des musi- Hycart, .autre musicien belge, formèrent-vers le même
ciens italiens. i\ l'égard des artistes des autres nations temps des élèves à Naples, parmi lesquels Guillaume
européennes, à cette époque intéressante de l'histoire Garneri se fait remarquer comme un des plus habiles.
de l'art, à la translation du siège pontifical loin de Lui-même devint un savant professeur, et enseigna la
Rome. Quoi qu'il en soit, il paraît certain que c'est de doctrine de son maître. Jean ïinctoris écrivit vers 1476
ce moment que date la première division des musiciens des traités didactiques si^r toutes les parties de l'art mu-
en écoles distinctes. Un Belge (Guillaume Dufay, de sical tel qu'il était alors. Sa doctrine , il l'avait puisée
Chimay), un Picard (Egide Binchois) , et un Anglais dans l'école de Dufay ou de Binchois; et s'il en avait
(Dunstaple) imprimèrent alors à toutes les parties de perfectionné quelque chose, c'était plutôt sous le rap-
la musique, et particulièrement à l'harmonie, une di- port de la notation que sous celui de l'harmonie. C'est
rection de perfectionnement qui donna naissance aux à peu de chose près la même doctrine que Gaforio a re-
écoles françaises et des Pays-Bas , écoles qui , différant produite dans ses ouvrages, et surtout dans sa PracUca
fort peu dans leur doctrine, ont été désignées sous le Musicœ, qui parut à Milan en 1496, et qui a eu depuis
nom commun de Gallo-Belge. J'essaierai de donner Le troisième livre de cet ou-
lors trois autres éditions.
quelques notions des nuances qui se trouvaient dans vrage est consacré à l'exposition des règles dii contre-
ces deux écoles lorsque je parlerai do celles qui se sont point ces règles sont simples, peu nombreuses, et ne
:
formées alors en France et dans les Pays-Bas; je me diffèrent des élémens de l'art d'écrire enseignés depuis
borne ici à faire remarquer que rien ne démontre mieux par beaucoup d'auteurs que par certains détails sur les-
la supériorité que ces écoles acquirent sur celles d'Ita- quels l'opinion s'est modifiée par la suite. Il est certain
lie depuis le quatorzième siècle ,
que la grande quantité qu'on écrirait encore aujourd'hui avec pureté en se
de musiciens belges, français et allemands qui allèrent conformant aux préceptes exposés dans le troisième
fonder des écoles à Naples, à Rome, à Venise, à Milan chapitre de ce livre sous ce titre : De octo regidis con-
et à Parme depuis i44o jusqu'en 1 55o environ. trapuncti. Toutefois, si la simplicité, si la lucidité con-
Rien ne restait dans le quinzième siècle de l'ombre stituent le mérite principaldu livre de Gaforio, il faut
d'école florentine qu'il y avait eue dans le quatorzième; avouer qu'en certaines choses il est moins profond que
à vrai dire, il n'y avait point d'école de musique^ ou du Tinctoris, et que ses exemples de musique à plusieurs
parties sont moins instructifs et moins intéressans.
1361 au , sacre de Charles V- vraisemblable que cette doctrine était la même que celle
Si celle conjecture se véririail par une comparaison du manuscrit
de Tinctoris, car il avait été élevé dans les mêmes prin-
italien et celui de Machau, que je n'ai point encore eu le temps de
un témoignage de l'estime
cipes, ïinctoris a laissé qu'il
faire, elle prouverait ce qui a été dit plus haut concernant la simili-
avait pour Guillaume Guinand, dans la dédicace qu'il
tude des principesqui dirigeaient les artistes de loules les nations dans
lui a adressée de son Traité des altérations. Il ne paraît
leurs travaux à ces époques reculées, opinion qui, d'ailleurs, se U'ouve
pas que L. Sforce ait établi une école de musique i Mi-
démontrée en partie par le Spéculum musicœ de Jean de Murs ou de
lUuris , où l'on voit le résumé de toutes les connaissances musicales lan en i485 pour Gaforio, comme l'ont écrit quelques
répandues en Europe dans |e quatorzième siècle. biographes de celui-ci, car cette école existait aupara-
344 REVUE MUSICALE.
vaut; c'était celle de Guillaume Guinand. Mais le musi- l'artiste; s'il n'y avait pour lui , dans la culture de son
cien flamand n'avait peut-être enseigné les principes art, quelque chose de plus élevé, déplus pur que cette
de musique qu'aux enfans de chœur qui étaient con-
la satisfaction d'amour-propre qui résulte de la faveur pu-
fiés à au lieu que Gaforio professa publique-
ses soins, blique; enfin si, suivant l'expression d'un ancien, il ne
ment, et mit la musique au rang des sciences. chantait d'abord que pour les muses et pour lui, il
y
Dans le même temps à peu près où des musiciens aurait quelque chose de pénible dans le spectacle du
belges et allemands fondaient des écoles de musique et naufrage de tant de réputations créées par un caprice
enseignaient la doctrine de l'harmonie et du contre- de la mode, et qu'un autre caprice détruit avec la même
point i\ Naples, à Milan et à Lodi, un Espagnol allait facilité. Heureusement la plus vive jouissance du poète,
instruite les Italiens dans une école qu'il établissait à du grand peintre ou du musicien réside dans la pro-
Bologne. Cet Espagnol était Barthélémy Ramis de Pa- duction consciencieuse des œuvres de son talent, et
reia. En 1482, il fit imprimer i\ Bologne, pour l'instruc- cette jouissance l'indemnise avec usure des chagrins
tion de SCS élèves, un traité de musique qui a pour qui peuvent l'assaillir. La renommée ne s'attache guère
litre: De Musica Tractatus , sive Muiica practica. Nico- qu'au mérite réel ; mais l'engouement dévore ceux qu'il
las Burci, de Parme, attaqua avec une violence digne semble caresser. Eh ! qui excita jamais plus d'engoue-
de ces temps grossiers les principes exposés dans cet ment que Pleyel? Quel autre a joui d'une réputation
ouvrage, dans une brochure intitulée : Musices opusctt- plus universelle, d'une domination plus absolue dans
lum cum defensione Guidonis Arelini contra qiiendam His- l'art musical? Pendant plus de vingt ans, point de mu-
jiaiium veritàtis prœvaricatorem. Bononiœ, 1487, in-8°. sicien ni d'amateur qui ne se soit délecté des inspira-
Jean Spataro, élève de Ramis, prit la défense de son tions de son génie; point de lieu si écarté où ses ou-
inaîlrc, et publia une sorte de libelle qu'il appelait une vrages n'aient été connus; point de marchand de
honnête défense de son professeur. Cet écrit a pour musique dont il n'ait fait la fortune ! Reproduite sous
litre : Musices ac BartlwLomei Rami Pareiœ ejus prœcep- toutes les formes par les spéculations du commerce, sa
ioris Iwncsia defènsio in Nicol. Burtii Parmensis Opuscu- musique occupait les loisirs de l'élève le plus inexpé-
tum. Bologne , 1491. Dans cette défense bonnêie, il ne rimenté comme de l'artiste le plus habile ; elle embrassait
s'était pas borné à réfuter les nrgumens de Burci; il v tout le domaine instrumenlal ; il semblait qu'il n'y en
traitait avec aigreur Gaforio et quelques principes avan- avait point d'autre.
cés par ce professeur. On pense bien que Gaforio ne Mais il n'est rien dont l'usage immodéré n'enfante
garda pas le silence : il répondit en effet par une Jpo- le dégoût : Pleyel en fit la triste expérience. Les ingrats
logia Franchini Gafarii viusici adversus Joannem Spala- qui lui étaient redevables de tant de plaisirs se fatiguè-
liuni et ampliiis vmsicos Bononicnses. (i52o). C'était
une rent d'encenser toujours la même idole, et l'hommage
attaque directenon-seulement contre Spataro, mais exclusif qu'ils lui rendaient finit par faire place au dé-
contre une école entière; c'est en effet à dater de ce laissement le plus absolu. La modestie de l'artiste se
moment qu'on voit se dessiner la séparation des écoles ploya peut- être trop facilement à ce changement de for-
en Italie. Dès lors se manifestèrent des rivalités, des tune; fatigué de succès, il ne fit point usage de ce qui
haines même
qui n'avaient souvent d'autre origine que lui restait de forces pour en obtenir de nouveaux :
des expressions hasardées ou mal comprises. L'irrita- d'aulres travaux occupèrent sa vie, des talens plus
lion entre l'école de
Bologne et celle de Alilan cessa par jeunes se produisirent, et une génération nouvelle
une deinière réplique de Spataro, dont le titre est: s'éleva, qui ne s'informa pas de l'existence d'un homme
Errori di Francluno Gafario da Lodi in sua defènsio, et qui avait fait les délices de la génération précédente.
del sao preceptore Maestro Bart/iolomeo Ramis Hispano Né en 1767, à Rupperstahl, petit village à quelques
subtilmente demonstraii. Bologne, i52i . in-4°. lieues de Vienne, Ignace Pleyel fut le vingt-quatrième
Dans un autre article, je ferai connaître la subdivi- enfant de Martin Pleyel, maître d'école de ce lieu, et
sion qui se fit par la suite de ces premières écoles de d'une jeune dame d'une haute naissance, que cette
musique en Italie, et en quoi elles diffèrent dans leurs union disproportionnée fit déshériter par ses païens. La
principes. Fétis. mère d'Ignace Pleyel perdit la vie en lui donnant le
jour. Martin Pleyel se remaria, eut quatorze autres en-
fans de sa seconde femme, et mourut à l'âge de quatre-
NOTICE SOa IGNACE PLETEL.
vingt-dix-neuf ans.
Si la soif de renommée était le premier besoin de Elevé comme on l'est en Allemagne, Ignace Pleyel
REVUE MUSICALE. 345
apprit les élémens de la musique en môme temps que ceau de celui qu'il appelait son élève favori. Cet essai du
ceux de sa langue. Ses dispositions pour cet art se ma- talent de Pleyel fut loué par Gluck, qui lui dit : Mon
nifestèrent de bonne heure, et parurent assez remar- jeuiie ami, maintenant que vous avez appris à placer
quables pour qu'on l'envoySt à Vienne, où fl étudia le «les notes sur le papier, il ne vous reste plus qu'à ap-
piano sous la Wanhal. Jusqu'à râge--€re
direction de '< prendre à en effacer. »
quinze ans, il n'eut point d'autre maître; mais à cette En 1777, Pleyel sortit de chez Haydn pour se rendre
époque (vers 1772), le comte Erdœdy, grand seigneur auprès de son protecteur, le comte Erdœdy, qui le nom-
hongrois, le prit en affection, et le fit entrer chez Jo- ma son maître de chapelle. Mais bien que cette position
seph Haydn, dont il devint à la fois l'élève et le pen- offrit quelque agrément au jeune musicien, il était pré-
sionnaire. Le Mécène généreux s'était chargé d'acquit- occupé d'un violent désir de visiter l'Italie. Le comte
ter lui-même le prix de la pension, qui était de cent s'opposa d'abord à ce qu'il fît ce voyage, mais cédant
louis par an , somme considérable paur ce temps. Cinq enfin à ses sollicitations, il lui fournit les moyens de l'en-
années se passèrent , pendant lesquelles Pleyel se livra treprendre, et Pleyel partit pour Naples. Déjà son ta-
avec assiduité aux études que lui faisait faire le grand lent pour la musique instrumentale s'était révélé par la
artiste. composition de son premier œuvre de quatuors, où se
Une circonstance singulière , ignorée de tous les bio- fait remarquer une facilité naturelle à produire des
graphes de Haydn, faillit rompre pour toujours la chants heureux, et une manière toute individuelle. Par
bonne intelligence qui régnait entre le maître et l'élève. une singularité assez remarquable,Haydn, dans les leçons
Lorsque Haydn avait terminé un ouvrage nouveau, il qu'il lui avait données pendant cinq ans, ne lui avait
avait l'habitude de le laisser pendant un temps plus ou jamais parlé du rhythme musical, et ne lui avait point
moins long avant de le revoir, pour y faire les correc- laissé apercevoir qu'il y eût des règles concernant la
tions qu'il jugeait nécessaires. Or, il arriva qu'ayant eu similitude des phrases. Ce fut dans cette ignorance que
quelques chagrins de cœur, ce grand musicien se sentit Pleyel écrivit son premier œuvre. Son instinct musical
entraîné à composer un œuvre de six quatuors qui étaient lui avait fait trouver ce rhythme nécessaire; mais une
tous dans le mode mineur. Suivant sa coutume, il en faute lui étant échappée à cet égard dans un menuet, il
manuscrit sur son piano, et oublia complète-
laissa le apprit par les observations critiques d'un de ses amis
ment les idées renfermées dans cet ouvrage, comn^e l'existence des préceptes qu'il avait ignorés jusqu'alors.
cela lui arrivait aussitôt qu'il avait écrit quelque chose. Arrivé en Italie, Pleyel s'y lia avec tous les artistes
dote, c'est que le voleur ne profita point du trésor qu'il cueillit avec bonté, et lui demanda des morceaux pour
avait dérobé ; jamais ces quatuors n'ont vu le jour. une sorte de lyre dont il jouait quelquefois. Pleyel sa-
Pleyel était près d'atteindre sa vingtième année; il tisfit à son désir, et en écrivit plusieurs. Bien que la na-
avait à peu près terminé ses études lorsque Gluck re- ture de son talent le portât vers la musique instrumen-
tourna à Vienne en 1776, après avoir fait représenter tale, il eut aussi la fantaisie d'essayer ses forces sur la
son Alceste à Paris. Peu de jours après son arrivée, il scène, et il composa pour le grand ihéûtre de Naples un
alla voir Haydn qui lui fit entendre son quatuor en fa opéra d'Ifigenia qui eut du succès, et qui fut traduit en-
mineur, récemment achevé. Une si belle composition suite en allemand. La partition manuscrite allemande
ne pouvait être indifférente au restaurateur de la tragé- se trouve à Offenbach, chez André, qui en a publié un
die lyrique ; il lui donna beaucoup d'éloges. Alors Haydn joli rondeau avec récitatif dans sa collection d'airs ar-
lui demanda la permission de lui faire entendre un mor- rangés pour le piano.
346 REVLE MUSICALE.
De retour en Allemagne en 1781, Pleyel y resta peu administraleurs du Professional concert sentirent alors
de temps. Tout occupé du souvenir de l'Italie, il vou- la nécessité d'opposer à leur compétiteur un attrait de
lait encore revoir cette patrie de la douce mélodie ; l'an- curiosité qui pOt leur ramener les amateurs, et ils en-
née suivante, il satisfit ce désir et il se rendit à Rome. l' gagèrent Pleyel ,
qui se rendit à Londres à la fin de 1,791
se trouvait dans cette ville vers le mois de février 1783, et qui écrivit plusieurs symphonies. Le premier concert
au moment où M. Chérubini y donna son opéra inti- eut lieu Iç i3 février 1792; le succès de la musique de
tulé to Sposo di tri Femine. Ce second séjour de Pleyel Pleyel fut prodigieux. Il s'était supassé et s'était mon-r
en Italie fut moins long que le premier. Richter ( Fran- Iré digne de lutter avec son illustre maître. Les sympho-
çois Xavier), qui était maître de chapelle de la cathé- nies étaient aunombre de trois; il s'en trouvait une en
drale de Strasbourg , était alors 3gé de 74 ans ; il sentait viibémol qui a été surtout signalée comme un ouvra,gç
Iç besoin d'être aidé dans ses fonctions; on offrit à Pleyel excellent. Malheureusement le Professional concert fut
la place de maître de chapelle adjoint avec la survivance dissous quelques années après, la bibliothèque disper-
du vieux titulaire ; il l'accepta et vint prendre possession symphonies, dont Pleyel n'avait poiut gapdc
sée, et les
de sou emploi en 1783. ,
de copies, furent perdues pour toujours.
Sa nouvelle position l'obligeait à écrire de la musique Son engagement de Londres avait été fait moyennant
d'église il composa en
: effet plusieurs messes et des une somme de douze cent livres sterling; cette somme et
motets qui furent bien accueillis : malheureusement quelques économies permirent à Pleyel d'acheter une
toutes ces compositions furent consumées avec celles propriété à quelques lieues de Strasbourg. Richter ayant
de Richter dans un incendie qui éclata à Strasbourg cessé de vivre le 12 septembre 1791, Pleyel lui avait
quelques années après. succédé dans le litre et les avantages de premier maître
Les dix années qui s'écoulèrent depuis 1783 jusqu'à de la cathédrale de Strasbourg; mais la révolutiop q^^
1793 furent l'époque de la vie de Pleyel où il produisit venait d'éclater finit par amener la chute du culte ca-
le plus grand nombre de ses ouvrages. Ses quatuors de tholique, Pleyel perdit son emploi et se retira dans la
violon et ses sonates de piano acquirent alors cette cé- propriété qu'il avait acquise. On ne l'y laissa point tran-
lébrité dont il a été parlé précédemjiient. Les éditions quille. La place qu'il avait occupée pendant long-temps
de ces ouvrages se multipliaient i l'infini et l'on en im- le plaçait au nombre de ce qu'on appelait alors arislo-,
primait des exemplaires avec une profusion incroyable, craies. Sept fois il fut dénoncé dans l'année 1793, et il
à Vienne, à Berlin, i Leipsick, à Offenbach, à Paris, ne put se soustraire à la mort que par la fuite. Enfin, i|
à Londres et en Hollande. La réputation de Pleyel fut arrêté chez lui au milieu de la nuit et conduit à
éclipsait celle de tous les autres musiciens et l'on ne Strasbourg devant les officiers municipaux. Interrogé
voulait entendre d'autre musique que la sienne. Il avait sur ses opinions, il protesta de son civisme, mais on
aussi composé des symphonies et bien que les propor- ,
en exigea pour preuve qu'il écrivît la musique d'une
tions de sa musique fussent un peu trop petites pour ce espèce de drame pour l'aniversaire du 10 août, dont
genre , elles avaient eu aussi du succès à cause des mé- un septembriseur avait composé les paroles il fallut :
lodies agréables qu'elles renfermaient, et de la facilité accepter. Pleyel demanda à retourner chez lui pour y
qu'elles offiaient à l'exécution.
travailler plus i l'aise, ce qui lui fut accordé; mais i|
Il existait à Londres depuis plusieurs années un con- resta sous la garde de deux gendarmes et du poète quj
cert hebdomadaire connu sous le nom de Professional lui donnait tous les renseignemeus dont il avait besoin.
concert, plusieurs artistes et amateurs distingués étaient Après un travail non interrompu pendant sept jours
associés pour soutenir cet établissement. En 1791, Sa- et sept nuits, l'ouvrage fut achevé, et l'auteur rcvintà
lomon, violoniste qui jouissait d'une assez grande ré- Strasbourg pour en diriger l'exécution. Il y avait em-
putation, imagina de donner par souscription douze ployé sept cloches sur les tons de la gamme ; ces cloches,
grands concerts à la salle de Hannover-Square, et pour qui avaient été tirées de plusieurs églises, furent sus-:
lutter avec avantage contre le Professional concert, il pendues dans la coupole de la cathédrale. Le premier
engagea Haydn à lui donner une grande symphonie son qu'elles rendirent fut un accord parfait qui produi7
nouvelle pour chaque soirée. Haydn se rendit en effet sit un effet si extraordinaire, que Pleyel s'évanouit. Le*
à Londres , et ses symphonies produisirent un effet ex- habitansde Strasbourg ont conservé le souvenir de l'im-
traordinaire. Ce sont les douze dernières qu'il écrivit^ pression que fit sur eux le bel -ouvrage de Pleyel, dont
Le succès qu'avait obtenu l'entreprise de Salomon, en- la partition existe dans sa famille.
DégoCité par cet événement du séjour de la province^
REVUE MUSICALE. 347
Weyel vendit sa propriété et se rendit 4 Paris au cotn- gue. Ils éprouvent aujourd'hui l'effet d'un changement
inencement de 1790 avec toute sa famille. Le succès total dans le genre de la musique instrumentale.
toujours croissant de sa musique lui fit concevoir le FÉTIS.
laquelle il joignit par la suite une fabrique de pianos. Le succès colossal de Robert- le-Diable va crescendo ;
Ces établissemens prospérèrent; mais les soins qu'ils ime foule immense assiège tous les jours les avenues du
exigeaient détournèrent insensiblement Pleyel de la théâtre de l'Opéra pour se procurer les moyens de voir
composition; et long-temps avant sa mort il cessa d'é- et d'entendre ce bel ouvrage, dont nous préparons l'a-
Inédits, bien supérieurs sous le rapport de la facture à La propriété de la partition a été acquise par M. Mau-
Ce qu'il avait publié, et qui prouvent qu'il était dans rice Schlesinger, qui publiera les morceaux détachés,
toute la force de son talent quand il se condamna au si- avec accompagnement de piano, vers le ao de ce mois.
lence. Ces quatuors ont excité l'admixalion de plu- -^Une indisposition tient Mme Malibran éloignée du
sieurs artistes distingués, notamment de Dussek et de Théâtre-Italien. Les dernières représentations ont offert
aujourd'hui les litres d* toutes les compositions de Pleyel — Le bruit du rétablissement de la chapelle du roi
parmi les nombreux arrangemens qu'on en a faits; on paraît se confirmer, bien que ce projet rencontre de
se contentera d'en indiquer les principaux. On connaît l'opposition parmi quelques hommes influens.
de lui vingt-neuf symphonies gravées, neuf œuvres de Il a été aussi question de l'organisation d'un corps de
quatuors pour le violon, quatre œuvres de quintettis, musique nationale pour les grandes fêtes patriotiques.
plusieurs œuvres de trios pour deux violons et basse ou Le nom de chapelle effraie certains politiques; il» crai-
pour violon, alto et basse; des duos, des sonates et des gnent l'irritation populaire l'i l'idée de rétablir cette ins-
concertos de violon, des concertos et des symphonies titution de l'ancien régime. Nous ignorons si leur ap-
concertantes pour le piano; une multitude de sonates préhension est fondée, mais nous savons que si l'on veut
pour le même instrument. Deux sérénades (en fa et en que la musi que continue de prospérer en France, il faut
ut) à neuf et dix instrumens, un septuor pour deux se hâter de lui rendre la plus belle partie de son do-
violons, alto, violoncelle, contrebasse et deux cors, un maine : l'Eglise. Une institution de musique nationale,
sextuor pour deux violons, deux altos, violoncelle et sur quelque base qu'on voulût l'établir, serait exposée i
contrebasse ; enfin plusieurs symphonies concertantes trop de vicissitudes ; dans les pays catholiques, au con-
pourviolon, alto, violoncelle, et pour instrumens à vent. traire, l'Eglise, quoi qu'on fasse, aura long-temps en-
Tous ces ouvrages ont eu long-temps un succès de vo- core une existence solide. Au reste, le sort de la cha-
348 REVUE MUSICALE.
pelle du roi sera fixé en raison de celui de la liste civile Toutefois ce premier jugement n'est pas définitif: nous
dont les chambres vont s'occuper. reviendrons sur le compte de Mme Martinit.
— La société des concerts parait vouloir commencer N'oublions pas de dire que l'orchestre la accompa-
cette année ses séances musicales plus tôt que les années gnée d'une manière pitoyable.
précédentes ; elle s'est assemblée jeudi dernier pour avi-
seraux moyens de hâter ses préparatifs. Malheureuse-
ment la manie de s'immiscer en toutes choses, qui di-
rige l'administration, la porte à demander à cette so-
Bulletin d'Annonces.
ciété certaines choses qui seront refusées, et qui pour- Tbois houakcks avec piano ou guilare, composées par le comte Àcbllle
raient amener la dissolution de la plus belle institution de Moolendre.
musicale de France. A paru f
— M. Ferdinand Hiller, connu avantageusement par ses N. I. Encore , encore aimer! imilalion de lord Byron, dédiée à
talens de compositeur et de pianiste, donnera, diman- Mme Vicloi'ine du Bigaon. Prix: 3 fr. avec piano, 1 fr. avec
che 4 décembre, un concert dans la grande salle du guilare.
Franchome, Hiller, MmeRaimbaux et M. Stephen.En, N. 2. Il n'est plus là! imitation de Schiller, dédiée à Mme de La-
voici le programme. maze. Prix: 3 fr. avec piano, 1 fr. avec guilare.
Voitures versées. Fort intimidée i son entrée en scène cerne l'art le plus universellement cultivé.
de force et de rondeur; mais les notes élevées m'ont Les bureaux sont ouverts de 9 à S heures.
paru faibles d'une articulation paresseuse; peut-être
et Le directeur est visible de 1 à 4 heures.
était-ce un accident dû à l'émotion qu'éprouvait la Les bureaux de la Revue musicale sont réunis à V Agence.
cantatrice. Après avoir été vivement applaudie dans son On y distribue un prospectus détaillé de l'Agence et de la Revue.
La sixième année d'existence de ce Journal va commencer.
air du premier acte, Mme Martinet a chanté la cavatine
de la Gazza ladra de la manière la plus distinguée. Une
chose nous a paru cependant nuire à l'entier dévelop-
pement de ses facultés; c'est le défaut de respiration. IMPRIMERIE DE E. DUVERGER, El'E DE VERKEDIL, R° 4-
REVUE MUSICALE,
V- AÎVÎVEE. PUBLIÉE PAR M. FÉTIS. N» 44.
DE LA DIVISION DES ECOLES DE COMPOSITION. musiciens renommés des diverses parties de l'Europe,
parmi lesquels on remarquait surtout des Belges, des
ITALIE.
Français et des Espagnols. Au nombre de ces musiciens
SUITE. alors célèbres, se trouvaient Jean Scribano, Christophe
Ce que Tinctoris et Bernard Hycart avaient fait à Na- Morales de Séville, Bartholomé Escobedo du royaume
ples , Guillaume Guinaud à Milan et Raœis à Bologne, de Léon, Léonard Barré de Limoges, Charles d'Ar-
Adrien Willaert autre musicien belge, le fît à Venise, en gentil de la Picardie, Jacques Arcadelt, Ghiselin d'An-
fondant une école de composition qui devint célèbre kerts, et beaucoup d'autres qu'il serait trop long de
par le talent des artistes qui s'y formèrent. Si l'on en nommer. Tous ces artistes furent chanteurs ou compo-
juge par les œuvres théoriques de Zarlino, son élève, siteurs de la chapelle pontificale et des principales égli-
sa doctrine était pure et profonde; non que ses prin- ses de Rome ; ils se fixèrent conséquemment dans cette
cipes diffèrent essentiellement de ceux des autres maî- villependant un temps plus ou moins long; néanmoins
tres dont il a été parlé précédemment; mais l'analyse on ne voit pas qu'aucun d'eux y ait fondé une véritable
de ces principes en développe l'esprit dans une multi- école de composition. Déjà on y disputait sur certains
tude de cas particuliers qu'on chercherait vainement chez points de la théorie, comme on le voit par la discussion
les écrivains qui ontprécédé Zarlino. Un autre élève de qui s'éleva vers le milieu du seizième siècle entre Ni-
Willaert, né comme son maître dans les Pays-Bas, éta- colas Viceutino et le portugais Vincenzo, surnommé Lu-
blit à Parme, en i546, une espèce de succursale de iiiano; mais ces discussions n'étaient pas de celles qu'en-
l'école de Venise; ce musicien fut Cyprien Rore, ap- gendrent des rivalités d'écoles ; ce n'étaient que des
pelé // Divino par les Italiens de son temps. Moins cé- dissentions d'opinions particulières sans importance
lèbre comme théoricien que comme compositeur, cet pour l'art.
habile artiste n'a laissé aucun écrit sur l'harmonie ou le Le premier musicien qui ouvrit à Rome une école
contrepoint; mais on peut considérer comme l'exposé publique de composition fut Goudimel, compositeur
de ses principes le livre que son élève Pierre Pontio a français qui périt ensuite i Lyon à l'époque de la Saint-
publié sous le titre de Ragionomenii di Masica, oxe si Barthélémy, pour avoir embrassé la religion réformée.
traita de passaggi , délie consonanzie e dissonanzie, buone e C'est dans cette école que se forma l'illustre Palestrina
non buone; e del modo di far Motelti , messe, Salmi, ed à l'art d'écrire avec cette pureté de style et cette élé-
altre composizioni , etc., Parme, i588, in-4°. Bien que gance qui distingue les compositeurs romains. La tra-
cet ouvrage soit écrit d'un style pédant et lourd, il est dition établie par Goudimel et propagée par ses succes-
néanmoins remarquable par les observations judicieuses seurs , cette tradition excellente dont on admire les
qu'il renferme sur l'art d'écrire en musique, et il prouve résultats dans les œuvres du grand musicien qui vient
l'excellence de l'école dont l'auteur est sorti. Cette école d'être nommé dans ceux des deux Nanini, d'Ugolini,
ne paraît cependantpasavoirsurvécuù Pontio; du moins d'Agostini et de beaucoup d'autres, paraît avoir été
est-il certain qu'aucun grand musicien ne s'y forma dans long-temps toute pratique , car aucun traité théorique
le siècle suivant. d'harmonie ou de contrepoint n'a été publié par les maî-
La chapelle pontificale attirait ù Rome beaucoup de tres de cette école; Il est vrai que le P. Martini a cité.
350 REVUE MUSICALE.
un traité du contrepoint d'improvisation [da mente) sur Mais l'écrivain le plus remarquable de ce 16' siècle, si
le plain-chant, composé par Jean-Maiie Nanini, con- fécond en grands musiciens, est certainement Zarlino,
temporain de Palestrina et son condisciple dans l'école dont les Institutions harmoniques '
seront toujours con-
de Goudimel; mais il ne paraît pas que les copies de ce sidérées comme un monument de science profonde,
traité se soient fort multipliées, car l'abbé Baini, qui a d'érudition musicale, et de sagacité. Ce n'est pas seule-
t'ait tant de recherches et tant de' découvertes sur les ment la doctrine deWillaertet de l'école de Venise que
compositeurs de l'école romaine, ne l'a connu que par Zarlino a développée dans ce bel ouvrage ; c'est celle
J'ai dit dansmon article précédent qu'il ne restait rien de la première moitié du seizième avaient copié Tinc-
au quinzième siècle de l'école Florentine qui avait existé toris et Gaforio avec plus ou moins d'exactitude; Zar-
dans le quatorzième; on ne trouve en effet point de lino servit ù son tour de modèle à ceux qui vinrent après
compositeurs florentins célèbres depuis iSgo jusqu'en lui ,
jusqu'à ce que les principes ayant repu de notables
i32o; mais ii cette dernière époque, un prftre nommé modifications, donnèrent une nouvelle direction aux
Pierre Aaron , né ù Florence, fit paraître un bon traité études musicales, comme je le dirai tout à l'heure. Zar-
Je coptrepoint sous le titre de Tosnanetlo in musica ( Ve- lino fut pourtant attaqué avec aigreur par Vincent Ga-
nise, i5a3, in-fol. ), dont il a été publié cinq éditions lilée, qui s'était fait en quelque sorte le chef d'une école
dans la suite. Bien que rempli de discussions fastidieuses nouvelle de musiciens florentins ; mais la discussion
sur des objets de peu d'intérêt, ce livre contient de n'avait pour objet que des choses étrangères à l'art d'é-
bonnes observations et les régies sont conformes aux crire la musique, et qui ne touchent à rien aux principes
principes exposés dans les meilleurs ouvrages publiés de cet art. D'ailleurs, dans cette querelle, qui finit par
jusque là, et particulièrement dans ceux de Gaforio. devenir toute personnelle, les torts furent tout entiers
D'après un passage de l'épître dédicaloire du Toscanello du côté de G alliée, et la gloire de l'illustre Vénitien n'en
il y a lieu de croire que Aaron avait appris à Home et fut point altérée.
jOus la direction des maîlies Belges et Français qui s'y J'ai parlé jusqu'ici de la doctrine des écoles fondées
trouvaient, la théorie qu'il a développée dans son ou- en Italie par les musiciens belges, français et espagnols,
vrage, théorie qu'il enseigna ensuite publiquement sans expliquer en quoi ils consistaient. Ble voici arrivé
dans une école fondée par lui. au moment où les principes vont recevoir des altérations
Il y a plus de clarté, plus de méthode dans le livre considérables qui donneront lieu à de nouvelles divi-
d'un musicien Bolonais nommé Artusi. A la vérité, cet sions des écoles, et même à des dissensions fort vives :
écrivain vécut long-temps après Aaron, et lorsque la il est donc nécessaire que je dise quelque chose de ces
pratique de l'école s'était pcrfeclionnce par les travaux principes, et que j'en fasse ressortir la simplicité.
d'une multitude de grands compositeurs. Le livre dont Jusque vers la fin du seizième siècle, ou du moins jus-
il s'agit est intitulé : L'Arte del coniraponto , ridotto in qu'en i58o, le plain-chant de l'église et les grossières
tuvole , dove brevemente si contiene i precelti a quest'Arie mélodies des chansons vulgaires servirent de thèmes aux
necessaria. La première partie de cet ouvrage fut publiée ouvrages des compositeurs, qu'il serait plus juste d'ap-
en i586, la seconde en iSSg, in-fol. Bien qu'élève de peler en général des contra- poniistes. Si quelques hom-
l'école bolonaise, qui n'avait cessé d'être florissante, il mes supérieurs, tels que Palestrina et Roland de Lassus
paraît évidemment par les exemples donnés par Artusi avaient trouvé par la force de leur génie les premières
i\ l'appui de ses préceptes, qu'il avait étudié avec fruit notions de l'expression des paroles et du rhythme mu-
les compositions des maîtres de l'école romaine. Arlusi sical, ils avaient en cela devancé leur siècle, et n'en
avait l'esprit méthodique, peu capable d'invention, mais avaient pas puiié l'idée dans l'école, où rien n'avait
très propre à présenter avec lucidité et sous leurs divers
points de vue les vrais principes de l'art, tels qu'il les
(t) .. lititiilioni harmoniclie divise in qualtro parti, nelle quali ,
été prescrit à cet égard. Aucuns préceptes n'ayaient quences, quelques autres musiciens de Florence don-
donc été donnés jusqu'alors pour la construction ré- naient naissance au drame musical, et faisaient sentir
gulière des phrases musicales, ni sur la partie poé- la nécessité de perfectionner certaines parties de la poé-
tique de l'art: tout le système d'enseignement se bor- tique de l'art; enfin, peu de temps après, d'autres mu-
nait donc à l'harmonie et aux formes conventionnelles siciens encore imaginèrent la basse continue, résu-
de l'imitation et du canon; la fugue véritable n'exis- mèrent les harmonies employées de leur temps en un
tait point encore. En ce qui concerne l'harmonie, on certain nombre de formules d'accords, et donnèrent
n'admettait que l'usage d'accords composés de conson- qu'on a nommé depuis la science
ainsi naissance à ce
nances, tels que ceux de tierce et de quinte ou de tierce de l'accompagnement ou de l'harmonie , science sé-
et sixte. Quant aux dissonances, elles ne s'employaient parée et distincte de celle du contrepoint. De toutes
que par syncope ou liaison, et comme des prolongations ces nouveautés résulta la nécessité de réformeria doc-
de notes qui relardaient les intervalles naturels et çon- trine des écoles; dès lors il s'en forma qui s'obstinè-
sonnans. rent à suivre plus ou moins long-temps les principes
Des principes si simples n'auraient pas exigé beau- purs des anciens; d'autres qui adoptèrent sans restric-
coup de temps pour être enseignés si les règles de la to- tion toutes les nouveautés ; d'autres enfin qui, se trom-
nalité n'en avaient rendu l'application difficile en de cer- -pant sur l'objet de la science, se livrèrent à des re-
tains cas. La modulation, telle qu'on la conçoit aujour- cherches puériles : je ferai voir dans un numéro pro-
d'hui, n'était pas connue alors, parce que la constitution chain quelle fut l'influence générale de toutes ces
des tons n'était pas semblable à la nôtre. Cette cons- choses sur les progrès de la musique en Italie, et com-
titution était celle du plain-chant, qui ne permettait pas ment elles donnèrent lieu aux différences assez sen-
de mêler dans le même morceau comme on le fait dans sibles qu'on remarque dans la suite entre les écoles de
la tonalitémoderne ; de là l'exclusion de certaines har- Naples, de Venise, de Rome et de Bologne.
monies sur telle ou telle note de l'échelle, parce qu'elles FÉTIS.
trahissaient le ton principal. Une harmonie simple , des
conditions sévères de tonalité , et la recherche des formes
scientifiques et conventionnelles des diverses espèces de Nouvelles de Paris.
canons et d'imitations, composaient donc à peu près
toute la doctrine des anciennes écoles, sous le rapport
de l'art d'écrire. A proprement parler, il n'y en avait THÉÂTRE ITALIEN.
qu'une , et les discussions qui s'élevaient quelquefois L'Italiaka ih AiGEKi, musique de Kossini. — Début de
entre les écoles ou les artistes n'avaient pour objets que
MmeRainibaux. — liubini.
des détails d'une importance médiocre ou des considé- Mme Raimbaux est la deuxième cantatrice française
rations pédantesques qui les détournaient du véritable qui , sans avoir été en Italie, se place dans une position
but de l'art. .avantageuse dès son début au Théâtre Italien de Paris;
Tel était l'état des choses, lorsque Claude Monteverde, Mme Damoreau fut la première. Toutefois, if y a cette
compositeur vénitien, qui brillait en iSgo, jeta tout à différence entre ces deux dames , que le talent de Mme
coup dans le monde musical des harmonies nouvelles et Damoreau s'est formé principalement à la scène, au lieu
hardies dans lesquelles des dissonances simples et dou- que celui de Mme Raimbaux est le fruit d'études pri-
bles étaient employées sans préparation, et quelquefois vées, et se présente tout d'abord avec une éducation
résolues d'une manière irrégulière. Homme de génie, musicale achevée.
Monteverde n'avait pas proposé ses idées avec timidité Sa voix est un contralto, la plus rare de toutes les voix
dans un ouvrage théorique ; il les avait employées avec en France, à cause du peu de soin qu'on met à les cher-
autorité dans des pièces de musique destinées aux ama- cher et à les cultiver. Combien de voix r°mblables ou
teurs et connues alors sous le nom de Madrigaux. Ce de mezzo soprani ont été perdues en France parce qu'on
fut dans le cinquième livre de ses compositions de ce a voulu les transformer en soprani aigus! Mme Raim-
genre qu'il hasarda ces nouvelles harmonies: je ferai baux même fut pendant quelque temps victime de ce fu-
voir dans un autre article quel fut l'effet de ces innova- neste système; heureusement on s'aperçut de l'erreur
tions sur la doctrine des écoles. avant qu'il fût trop tard pour y porter remède, et la
Dans le même temps où Monteverde tentait ainsi une France put compter une cantatrice de plus. Ce p'est pas
réforme dont il ne prévoyait pas lui-même les consé- que les sons graves de (a voix de Mme Raimbaux aient
352 REVUE MUSICALE.
l'ampleur, le mordant qu'on remarquait autrefois dans comique par excellence. Je regrette, je l'avoue, que
l'organe de Mme Ferlendis, et qui donnent tant d'éner- l'administration n'ait pas appuyé le début de Mme Raim-
gie à certaines partiesdu chant de Mme Pisaroni mais ; baux parle talent de ce grand acteur.
s'il luimanque quelque chose à cet égard, elle trouve Mlle Amigo, que je n'ai pas l'habitude de gâter par
la compensation dans la facilité qu'elle a démonter aux mes éloges, parce qu'elle chante souvent avec négli-
cordes hautes de la voix de soprano et dans la variété gence, a mis beaucoup plus de soin dans Vltaliana,
d'effets qu'elle en tire. Le désir de briller par cette va- qu'elle n'a coutume de le faire, et a mérité d'être ap-
riété ne doit pas néanmoins l'entraîner à faire un mé- plaudie ,
particulièrement dans le finale du premier
lange continuel de deux genres de voix qui se nuiraient acte.
mutuellement , et qui finiraient par s'altérer toutes deux. A l'exception d'un choeur qui a été dit d'une manière
Ce mélange de deux voix différentes, si séduisant pour assez incorrecte, l'exécution de l'Italiana a été assez.,
Certaine aisance à la scène, elle paraît destinée à jouer rectifie son jugement.
la comédie avec esprit. Fille de Mme Gavaudan, an- Allemand par sa naissance et par son éducation mu-,
cienne actrice de l'Opéra-Comique dont on se souvient sicale, M. Hiller est entraîné comme plusieurs de ses
encore avec plaisir, Mme Raimbaux a dû puiser dans les jeunes compatriotes, vers la recherche da formes nou-
leçons de sa mère des principes qu'elle utilisera par la velles qui auraient pour objet de réaliser dans Ja musi-
suite. Je crois pouvoir prédire à cette dame que, comme que un certain genre philosophique que Schiller et sur-
actrice et comme cantatrice, il y a de l'avenir en elle. tout Gœthe ont introduit dans la littérature et dans la-
Bien que fort nombreux, le public qui assistait à la poésie allemande. Dans ce système, la mélodie, l'har-
représentation de l'Italiana paraissait assez froid : cette monie, le rhythme, les effets des voix et desinstrumens,
froideur n'a pas tenu devant la manière admirable dont l'ensemble de toutes ces choses, ne seraient que les
Rubini a chante le rondo Languir per una hella, et son moyens; une pensée métaphysique serait toujours au-
duo avec Santini; il est vrai que jamais ce chanteur ha- dessus de la pensée musicale, et les effets de celle-ci ne
bile ne s'est montré avec tant d'avantages dans le chant seraient bons qu'autant qu'ils exprimeraient des images.
de demi-caractère que dans ces morceaux. Plein de On conçoit que dans cette manière d'envisager l'apt, il
goût et de hardiesse à la fois, il a entrepris beaucoup s'agit moins de plaire à l'oreille que de satisfaire Tes-
de choses neuves qui ue peuvent être rendues que par prit : or, le plus grand nombre des amateurs et des ar-
une voix telle que la sienne, et les a exécutées avec une tistes même ne pouvant séparer la pensée du plaisir des
rare perfection. sens, il est facile de comprendre que ce n'est pas sans
Santini chante d'une manière convenable le rôle de opposition que prévaudrait le système dont le but serait
Mustapha sa voix y fait bon effet; mais son jeu est
: d'affaiblir la sensation au profit de l'Intelligence.
malheureusement nul, et c'est un grand mal pour la On ne peut douter que Beethoven, dans les dernières
pièce, qui n'est pas exempte de froideur. Pour animer la années de sa vie, n'ait considéré la musique sous le
scène dans ce rôle, il faudrait le talent de Lablache, le même aspect que le font aujourd'hui M. Hiller et quel-
REVUE MUSICALE. 353
ques autres jeunes artistes. C'est sous l'influence de, fort instruit et fort habile, ne manquant point d'idées
cette opinion qu'il a composé ses derniers quatuors, sa et maniant avec intelligence les ressources d'un orches-
symphonie avec chœurs et sa dernière messe. Une idée tre; ce jeune artiste sait dessiner avec force sa pensée;
plus ou moins métaphysique domine chacune de ces il trouve même des chants heureux et de beaux effets;
compositions; et suivant la nature du caractère alle- mais dès qu'il a adopté une phrase, un rhythme, une
mand, cette pensée tourne presque toujours vers la période, il en développe les conséquences avec une per-
contemplation et la rêverie. De là, le défaut de propor- sévérance d'uniformité et en bannit les oppositions. D'a-
tion qu'on remarque dans la plupart des morceaux, la bord l'idée est bonne et produit une impression favora-
longueur démiesurée de ceux-ci, les redites fastidieuses ble ; mais l'effet va s'affaiblissant parce que rien ne vient
des mêmes choses; de là enfin le peu de succès que ces contraster avec lui. Cette impression ,
je l'ai ressentie
ouvrages obtiennent auprès des musiciens qui ne con- dans lé premier et dans le dernier morceau de la sym-
sidèrent point point de vue, et qui y
l'art sous le même phonie de M. Hiller. L'adagio, dont le thème est agréa-
cherchent avant tout des sensations agréables ou des ble et dont la facture est fort bonne, n'est pas exempt
émotions passionnées. Homme de génie avant d'être non plus de ce défaut: enfin lemouvement a deux temps
artiste systématique, Beethoven jetait encore çà et là qui remplace le scherzo ou le menuet à mesure ternaire
dans ses dernières productions des trails de mélodie où a aussi l'inconvénient de n'avoir qu'une couleur , ce que
se trouve le cachet de sa manière primitive; mais c'était M. Hiller aurait pu éviter facilement en donnant un ca-
à son insu et en quelque sorte contre son gré. Entouré ractère tout différent à la seconde partie qui remplace
d'amis qui partageaient ses idées sur le but de la musi- le trio. De cette uniformité de pensée résulte nécessai-
que, ilencouragé à y persévérer; qu'en serait-il
était rement une monotonie fort nuisible à l'effet général de
advenu par la suite pour la direction de l'art musical la musique et qui l'emporte sur les beautés réelles de
s'il eût vécu plus long-temps et eût produit plus d'ou- l'ouvrage C'est une considération sur laquelle je ne
vrages : c'est ce que je ne puis décider; mais j'ai peine crois pas pouvoir insister trop auprès de M. Hiller et
à me persuader que la musique écrite dans ce système des autres jeunes artistes qui ont adopté un système
fût jamais devenue populaire. analogue ; car c'est de là que dépend leur avenir. Quelles
La révolution que Beethoven a voulu consommer dans que soient les idées qu'on adopte à l'égard de la musi-
la musique, MM. Hiller, Berlioz, et un petit nombre que, on ne tarde point à s'apercevoir que les jouissances
de jeunes musiciens allemands entreprennent de la con- données par cet art doivent être faciles, et ne sauraient
tinuer. Leurs goûts, leur conviction les portent vers un être remplacées par un travail d'analyse que peu de
genre vague où le charme mélodique est remplacé par personnes ont la volonté ou le courage de faire.
des images plus ou moins heureusement exprimées; ils ïi'ouverture de M. Hiller pour le Faust de Goethe ,
ont aussi des amis qui les encouragent dans leur entre- ayant son sujet déterminé, doit être plus facilement
prise et qui partagent leurs idées; mala il leur reste comprise; aussi a-t-elle eu du succès parmi l'auditoire
beaucoup d'efforts à tenter pour les faire goûter de ce qui assistait au concert de M. Hiller : je l'avouerai ce-
qu'on nomme le public, c'est-à-dire de ceux qui ne pendant , le succès ne m'a pas absolument convaincu en
considèrent les airts que comme des moyens de multi- faveur du système adopté par M. Hiller. J'y ai bien vu
plier les sensations et de les rendre agréables. La variété qu'il a voulu peindre les trois caractères du drame,
est surtout ce que cherche le public; or la rarlété, fruit c'est-à-dire, Faust, Méphistophelés et Marguerite;'^
d'une fantaisie sans bornes, disparait devant une pensée mais dans ce dessein même pourrait se rencontrer une
dominante. Préoccupé de cette pensée, le compositeur variété d'effets que j'ai cherché en vain. La couleur en est
y rattache toutes se» idée» de mélodie, de rhythme, de généralement sombre et lé rhythme trop uniforme. Je
modulation et d'harmonie. L'objet qu'il reut peindre ne doute pas de l'affection que M. Hiller a pour le mor-
étant sans cesse devant se» yeux , borne le champ de ses ceau, dont plusieurs parties sont d'ailleurs fort remar-
inspirations. De là la similitode de celles-ci, et par suite quables; on n'adopte jamais à demi un système qu'on
la monotonie. Telle est du moins la manière dont je croit bon ,
précisément parce qu'on en a la foi ; mais à
comprends le système musical de la nouvelle école l'âge de M. Hiller, il est facile de se modifier, et je
I avec temps.
d'Allemagne. crois qu'il se modifiera le
Far ce que je viens dire, où comprend déjà sur quoi exemple pour prouver que la
Si j'avais besoin d'nn
portera ma critique des ourrages que M. Hiller a fait sui}vitc estune partie nécessaire de la musique , je le
entendre dans son concert du 4 de ce mois. Musicien trouverais dans l'adagio du concerto de piano de M. Hil-
354 REVUE MUSICALE.
1er, morceau charmant et d'une facture très -distinguée ce n'est pas seulement comme violoniste que M. Franc-
qui a obtenu un succès d'enthousiasme auquel a contri- homme doit être cité, sa musique mérite aussi des
bué encore M. Hiller par la délicatesse de son exécu- éloges. On y trouve du goût, des idées gracieuses, et
M. Hiller est connu depuis plusieurs années comme un A la veille de son début au théâtre Italien, MmeRaim-
pianiste distingué, mais ses progrès ont été considéra- baux devait éprouver quelque émotion i chanter dans
bles depuis un an. Une manière élégante, une netteté un concert, et celte émotion devait nuire au développe-
d'exécution irréprochable et beaucoup d'expression ment de ses moyens. Elle n'a point, en effet, paru réali-
il ne lui reste à acquérir que l'art de tirer un son plu^ rendu la partie à'Assur qu'avec mollesse, et dont la
belle voix paraissait insuffisante par défaut d'énergie.
volumineux de son instrument. En résumé, M. Hiller
mérite d'être classé parmi les artistes qui font le plus Mme Raimbaux a repris tous ses avantages dans la ca-
d'honneur A l'Allemagne et qui ont le plus d'avenir. vatine du Barbier de ScviUe. Les traits et les fioritures
Le concerto ù deux pianos composé par M. Kalkbren- qu'elle a introduits dans ce morceau étaient du meilleur
ner et exécuté par lui et par M. Hiller, est un morceau goût; elle les a rendus avec un fini d'exécution remar-
pour un concert où il l'exécuta avec M. Klengel, élève On remarquait au concert de M. Hiller tout ce que
de démenti. Bien que M. Kalkbrenner ait écrit depuis Paris lenferme d'artistes et d'amateurs distingués; ils
lors des ouvrages plus forts et de plus grandes propor- out applaudi avec chaleur le double talent qui brille en
tions; celui-ci n'est pas indigne de lui. Les deux ins- lui comme pianiste et comme compositeur. Si je viena
trumens sont employés avec une adresse remarquable troubler son triomphe par mes observations, c'est moins
et brillent également tous deux; le motif du rondo est comme une critique que je les lui fais que comme l'ex-
fort joli et toutes ses rentrées sont heureuses. L'orchestre pression d'une opinion sur la direction qu'il donne à son
morceau et se marie
est d'ailleurs bien écrit dans tout le
talent. Le temps prononcera entre cette opinion et le
bien aux deux pianos. Dire que M. Kalkbrenner a joué genre qui tente de s'introduire dans l'art musical depuis
la publication des derniers ouvrages de Beethoven.
avec une rare perfection est à peu près inutile tout le ;
FÉTIS,
monde l'a deviné; mais ajouter que M. Hiller s'est mon-
tré digne de lutter avec un pareil maître, c'est complé-
— . Après une absence assez longue du théâtre, cau-
ter d'un seul mot l'éloge du jeune artiste. sée, dit-on, par un enrouement, Mme Malibran a re-
paru dans la Prova d'un opéra séria, ouvrage qui n'est
Je regrette d'avoir à faire la critique Je la manière
violon des variations de point assfï fort pour la fatiguer; toutefois il m'a semblé
dont M. Urhan a joué sur le
quelquefois eu l'occasion de lui adresser que la cause de l'altération de sa voix n'a pas encore
Mayseder; j'ai
entièrement disparu.
des éloges, surtout lorsqu'il jouait de la viole , et j'étais
des est sans doute un mérite , mais il ne suffit pas. dévouement dans l'étude longue et difficile deRoliert
Le talent de M. Franchomme sur le violoncelle ac- le-diable, ont voulu témoignera M. Meyerbeer l'admi-
quiert chaque jour plus de fini, d'élégance et de per- ration que leur inspire son bel ouvrage. Dans un ban-
fection. Possédant une belle qualité de son, une grande quet qu'ils lui ont offert, et qui a eu lieu jeudi dernier,
sûreté dans l'intonation, un archet souple et varié, et ils lui ont présenté leurs félicitations par des vers et des
de plus de l'accent, de l'ame, ce jeune artiste est des- couplets empreints de ce langage chaleureux et pas-
tiné à se placer au rang des hommes les plus distingués sionné qui appartient aux artistes. Les plus grands com-
dans son art. Parvenu au point où il est, peut-être lui positeurs le savent et l'avouent; un orchestre tel que
appartient-il d'agrandir le domaine de son instrument celui de l'Opéra est composé de juges compétens et sé-
en y découvrant de nouvelles ressources; qu'il n'oublie vères dont le suffrage ou la critique sont définitifs. En
pas que l'art n'a point de bornes, et qu'il ne suffit pas eux réside un vrai sentiment de l'art développé par des
de faire mieux qu'un autre : il faut faire plus. Au reste, études sérieuses; ce n'est point au hasard qu'ils distri-
REVUE MUSICALE. 3^5
buent l'éloge ou le blâme, c'est avec connaissance de cueille maintenant le fruit de ses études, et se fait ap-
cause. Sous ce rapport comme sous beaucoup d'autres, plaudir dans son emploi de première basse chantante.
l'orchestre de l'Opéra n'a point de rival en Europe. Le timbre et l'étendue de sa. voix s'améliorent chaque
jour, il acquiert de la facilité et se forme comme acteur.
Les honneurs de la saison ont été pour lui et pour la
Nouvelles étrangères.
prima donna, Mme Fink-Lohr.
— Il parait que la saison du prochain carnaval sera
MiiAN. Théâtre délia Scala. Première représentation . peu brillante : la composition des troupes chantantes
de Enrico di Montfort, opéra nouiveau de M. Charles de Turin, de Venise, de Naples et de Florence n'offre
Coccia. pas de chances de grand succès.
D épourvu d'imagination et de goût, le maestro Coc- Angleterre. Fête musicale de Derby. Les Anglais sem-
cia n'occupe qu'un rang inférieur parmi les composi- blent avoir pris la résolution de supprimer les dépenses
teurs italiens de l'époque actuelle. Son opéra de Chtilde considérables qu'ils faisaient autrefois pour entendre de
a obtenu quelque succès en Italie; mais à Paris il n'a grands chanteurs italiens et d'habiles instrumentistes
pu être joué qu'une seule fois, et ce n'est qu'à grande étrangers dans leurs fêtes musicales, du moins si l'on
peine que la représentation a pu être achevée. On y en juge par la composition du personnel des artistes, au
trouva un style suranné, une imitation de l'ancienne Musical Festival de Derby. A l'exception de madame
école où manquait ce spirito qui fait le charme des com- Stockhausen et du bouffe de Begnis, on ne trouve que
positions de Cimarosa, de Paisiello et de Guglielmi; des noms anglais parmi les chanteurs qui y ont paru.
enfin, cette faible production n'inspira aux dilettanti du Ces noms sont ceux de Mme
Knyvett, de Cramer W"
théâtre Louvois qu'ennui et dégoût. Depuis lors, aucun etMason, de MM. Vaughan, Knyvett, Phillips, Bra-
autre ouvrage de Coccia n'a été essayé à Paris, et per- ham , et Taylor. Il en est de même des instrumentistes :
sonne n'a manifesté le désir d'entendre son Evellina, sa M. Nicholson sur la flûte, M. Mawkes sur le violon,
donna Sitvaggia, ni son Arrighetto. Tout cela vit cepen- M. Holmes sur le piano , voilà quels ont été les soutiens
dant, tant bien que mal, sur quelques scènes secondaires de cette solennité qui fut composée de trois séances du
italiennes, mais le maestro Coccia n'en est pas moins matin dans l'église, et de trois concerts.
rangé parmi les compositeurs médiocres. Une autre circonstance nous a frappé; c'est la faveur
Son nouvel essai n'a point été heureux. Le libretto dont jouit en ce moment la musique de M. Neukomm
qu'on lui avait confié n'était pas de Romani, et ne va- en Angleterre : on en peut juger par l'énumération des
lait pas grand' chose ; il paraît que la musique qu'il y a ouvrages de sa composition qui ont été exécutés à la fête
adaptée n'est pas meilleure. Un journal italien s'évertue musioaledeM.Derby. Le premier jour, à l'église, laPro-
à trouver des causes étrangères au fiasco de ce pauvre phétiedeBabylone, composition de M. Neukomm; le soir,
opéra , mais le fait est qu'il ne vaut rien com-
, et qu'il a au concert, grande symphonie en u< de M. Neukomm; le
plètement échoué à la représentation. Les morceaux lendemain, à l'église, leMoniSinal, oratorio de M. Neu-
qui ont paru les moins faibles sont les cavatines dutéuor komm ,
Nue-
puis la Revue de Napoléon à minait, par M.
et de la prima donna, ainsi qu'un duo de ténor et basse koram, ensuite une cantate de M. Neukomm et un Ma-
du deuxième acte. gnificat Ae M. Neukomm; enfin, M. Neukomm joua de
L'ouvrage était assez bien monté : Juliette Grisi était l'orgue le matin, à l'église, et tint le piano au concert.
Xsi prima donna; sa sœur Judith, le primo viusico, le ténor, Tel est le triomphe completque la galanterie anglaise lui
Reina, et les deux basses, Badiali et Galii. avait réservé. Dans le compte rendu par un journaliste de
— On écrit d'Alexandrie que le jeune Baroilhet,' élève la fête musicale de Derby, on trouve si souvent M. Neu-
du Conservatoire de Paris, obtient beaucoup de succès komm désigné par sa qualité de chevalier, qu'il ne se-
dans la Straniera de Beîlini. Ce jeune homme, manquant rait pas impossible que ce titre eût fait plus d'impression
d'expérience et d'habitude de la scène, avait débuté sur les habitans de la Grande-Bretagne que le mérite
d'une manière défavorable au théâtre Carcano;il y était réel du compositeur : car tel est l'esprit de ce pays de
environné de talens trop remarquables pour pouvoir se liberté.
faire distinguer par le public de Milan dans ses premiers — Deux traductions de l'opéra de M. Auber viennent
essais. Toutefois cette épreuve lui a été utile : elle lui a d'être faites à Londres , l'une pour le théâtre de Covent-
fait comprendre la nécessité de redoubler d'efforts pour Garden; l'autre, pour celui de Drury-Lane, sous le titre
s'approcher des modèles qu'il avait sous les yeux. Il re- de The Low-C harm.
356 REVUE MUSICALE.
temps dernier une compagnie chantante pour le Mexique, M. de Garaudé, rue Vivienne, rotonde Colbert, esca-,
dans laquelle Philippe Galli s'est engagé. Parti de Gi- lier E, à Paris, les recevront franc de port, à raison de
braltar au mois de juin, le vaisseau qui portait cette 8 fr. pour Paris, g fr. pour les départemens, et 10 fr.
troupe nouvelle arriva à la Vera-Cruz le 20 juillet sui- pour l'étranger. On aura droit à un y' exemplaire gra-
vant, après un voyage heureux. D'après le désir des ha- tis sur une demande de 6 souscriptions, ou 5 exem-
bitons, un concert eut lieu quelques jours après. On y plaires gratis sur une demande de 2. 1
Tlie deep deep sea , chanson chantée par Mme Malihran dans le Bar-
bier. —2 fr.
Publications classiques. Se ilmio nome, chansonoeUc intercalée par Rubini dans te Barbier,
avec accompagnement de guitare. — 7S c.
Soixante Solfèges progressifs, à deux voix égales, avec Arietia, pastorale de Vaccaj. —2 fr.
accompagnement de piano ou harpe, ou nouveau Buona notle amalo hene , canzonetta popolare. — l fr. 80 c.
Cours de Lecture musicale , précédé de principes de Una barchella in mare, canzonetta del Gianni di Calais di Donizetti-,
musique par demandes et réponses, par Alexis de 3fr.
Garaudé, professeur de chant, membre du Conser- Air chanté par Mme Caradori dans le Barbier de Séville , lire de la
CEuvre 41 prix: aS
vatoire. >
fr.
Schiava di Bagdad de Pacini. — 3 fr. 75 c.
cipal qui m'a fait entreprendre la composition de cet Tout fait croire que ce concert attirera un public nom-
ouvrage; et, sous ce rapport, il pourra servir de com- breux. On peut se procurer des billets chez les principaux
plément utile à tous les solfèges connus, dont il de- marchands de musique.
viendra en outre une récapitulation générale de toutes —
On donne aujourd'hui samedi au théâtre Italien
les difficultés de valeurs de notes et d'intonations, qui une représentation qui promet d'être fort intéressante.
sera très avantageuse pour le perfectionnement des Rubini, dans le rôle d'Otello, Mme Malihran, dans ce-
études de lecture musicale. lui de Dcsdemona, et Lablache dans celui du père, for-
Chaque partie de mes nouveaux solfèges pouvant se meront un ensemble très curieux. C'est la première fois
chanter par une ou plusieurs voix (la basse étant même que Mme Malihran reparaît dans le rôle de Desdelnona
souvent susceptible d'être aussi chantée, au moyen de depuis sa rentrée.
quelques légers changemens dans les intonations trop
graves), cet ouvrage peut être employé avec succès
ERRATUM.
dans toutes les diverses classes de musique, où un seul
Dans numéro précédent de la Revue musicale , page 3<4 pre-
professeur doit, dans une même leçon, enseigner le
le ,
soin.
Ces solfèges paraîtront le aS décembre i85i. Les IMPRIMERIE DE E. DUVEBGER, BVE DE VERSEBIL, ^" 4-
REVUE MUSICALE,
V" ANNEE. PUBLIÉE PAR nt. FÉTIS. N» 45
vans dont l'autorité est d'un grand poids en cette ma- lièrement arrondie, de deux ou trois lignes de diamè-
tière : elles nous semblent de nature à jeter un grand tre ; long-temps elle avait donné passage aux alimens et
jour sur des points délicats de la théorie de la voix, car aux boissons; aujourd'hui elle ne donne issue auxbois-
elles offrent des faits inléressans qu'on n'a pu observer fOn.e que lorsque la tête est portée en arrière. ^
que dans une circonstance extraordinaire qui ne se re- la déglutition qui se fait parfaitement lorsque le ma-
présentera peut-être plus. lade a la tête penchée sur la poitrine , car alors l'ouver-
Philibert Hercolot, âgé de aS ans, né en Belgique, ture est fermée , ne peut plus se faire quand il la porte
exerçait la profession de tanneur. Soit chagrin d'amour en arrière, et les boissons jaillissent par la fistule à deux
ou toute autre cause, il devint tout à coup triste et si- ou trois pas de distance.
lencieux , et sa mélancolie augmenta au point de le por- L'ouverture est située à la partie moyenne du cou
ter à se couper la gorge il y a environ sept mois. A. son entre le cartilage thyroïde et l'os hyoïde ; à droite et à
arrivée à l'Hôtel-Dieu, il avait voulu cacher cette cir- gauche se prolonge la cicatrice des parties latérales.
constance, et il attribuait sa blessure à l'ingestion de Pour constater le siège précis de la fistule et les par-
pommes de terre qui s'étaient arrêtées au gosier et pour lies qui ont dû être intéressées, M. Dupuytren a fait ap-
l'enlèvement desquelles un chirurgien avait jugé à pro- porter un cadavre, et avec un couteau à lame droite, a
pos de lui faire au cou une incision de quatre pouces coupé la partie antérieure du col à l'endroit même où le
d'étendue en travers. Ce conte ne trouva pas de croyant, maJade s'était blessé. Il est résulté -de cette expérience
et Hercolot fut obligé bientôt d'avouer la vérité. Lui- la séparation de l'os hyoïde et du cartilage thyroïde ; une
même, avec un rasoir ou un couteau, s'était fait cette portion de la surface du cartilage thyroïde du côté droit
plaie qui occasionna une forte hémorragie. Un chirur- a été entamée par suite de la direction du couteau. M.
gien appelé pour y remédier, comprima le point d'où Dupuytren s'est demandé alors si la blessure a dû avoir
venait le sang qui s'arrêta; aucune ligature ne fut né- le même résultat, rapport difficile à établir:
cessaire et la réunion fut tentée, les lèvres de la plaie 1° Parce qu'ici on agissait sur un cadavre privé des
étant rapprochées transversalement et maintenues par facultés ordinaires d'élasticité et de résistance ;
quatre ou cinq points de suture. 2" Parce qu'il paraît rationnel d'admettre que dans
Au bout de huit jours, la cicatrisation régulièrement toute tentative pareille de suicide, le larynx se porte en
terminée aux deux extrémités de la plaie n'avait pas eu haut par les mouvemens involontaires des mu;c
lieu à la partie moyenne, où resta une ouverture qui l'os hyoïde du pharynx et de la langue, de t
pouvait admettre l'extrémité du petit doigt. que le cartilage thyroïde doit se rapprocher
358 REVUE MUSICALE.
canisme de l'os hyoïde. Cependant l'expulsion conli- Résultat des expériences qui ont été faites à l'Hôtel-Dieu
nuellc du pus par la blessure pendant trois mois, la sur Philibert Hercolot, par M. Bennati.
douleur que ressentait le malade à la région supérieure
.'
Il résulte de ces expériences
du col et précisément au niveau de l'épiglotte, la sortie
l!accident phénomène qui cessa progressivement i me- entre la glotte et la bouche sert ù renforcer les sons
,
sure que la guérison s'est opérée, sont des raisons suf- d'une manière très remarquable.
fisantes pour croire que l'instrument a probablement 2° Que les sons grayes ont plus d'éclat que les sons
fendu une partie «I l'épiglotte au côté droit de sa base. aigus. Que les sons qu'il a appelés surlaryngiens , ainsi
Quoi qu'il en soit, il est positif (au moins le malade que le cri éclatant sont absolument impossibles, surtout
l'affirme) que depuis trois mois l'ouverture de la plaie lorsque la Le malade affirme avoir
tête est renversée.
est restée stationnaire; tandis que pendant les trois pre- pu émettre des sons plus aigus avant son accident.
miers mois elle s'était rétrécie au moins de la moitié du Ces derniers faits constatent l'importance du jeu de
diamètre qu'elle présente maintenant. la partie supérieure du tuyau vocal, notamment dans
M. Dupuytren passe ensuite il l'examen du malade ,
l'émission des notes surlarynginnes.
et voici les phénomènes qu'il observe :
5° Que le silTlementde la bouche, qu'on croyait d'u-
La tête renversée en arrière sur le dos laissait aper- bord impossible lorsque la tête était renversée, a pu être
cevoir une cicatrice telle que nous l'avons indiquée. Le exécuté par le malade après s'être exercé. Il est cepen-
malade, interrogé dans cette position, répondait, mais dant essentiel de remarquer que ce silTlement a donné
avec une voix silllante et un timbre tout particulier. Ce proportionnellement le même résultat qu« l'émissron de
résultat a été encore plus frappant lorsqu'on a engagé la voix brute, c'est-à-dire qu'il a été renforcé d'une ma-
le malade, aussitôt après cette expérience, à fléchir la nière très sensible lorsque le malade sifflant avec la tête
tête sur la poitrine et à prononcer quelques mots, son renversée et le trou ouvert on a bouché le trou avec le
nom par exemple. L'articulation des deux mots Philippe doigt.
Hercolot, lorsque la tête était renversée, comparative- 4° Que le bruissement est une partie constituante du
ment li la prononciation belge, lorsque la tête était por- son vocal, puisque de quelque manière que le son soit
tée vers le sternum, a provoqué le rire de l'auditoire. renforcé par l'application du porte-voix sur l'ouverture,
Il est donc résulté de celte expérience que l'organe de ce bruissement reste toujours plus ou moins sensible et
la voix, ainsi que celui de la parole, ne furent nulle- ne disparaît que lorsque le trou est bouché avec le doigt,
ment altérés dans leurs propriétés après la blessure. Il ou de tout autre manière; ce qui indiquerait que les
n'y avait donc altération que dans le timbre de la voix, parties supérieures à la glotte servent dans la modula-
au moins en ce qui regarde cet organe ; ce sujet devait tion de la voix à faire disparaître le bruissement et à
de la voix kamaine pendant le chant. Il demanda à M. Du- trou, il ne se produit pas de bruit sensible, ce qui auto-
puytren qu'il eût l'obligeance d'ajourner l'opération qui rise à penser que le bruissement dont nous avons parlé
d'ailleurs n'étîrtt pas urgente. Ce professeur y consen- ne résulte pas des chocs de l'air sur les bords de la plaie,
tit volontiers, et Jî. Bennati put procéder à ses expé- mais de la constitution sut generis de l'organe vocal.
riences, se proposant de connaître quel serait le résultat Du reste le bruit du souffle se renforce d'une manière
de' l'émission de la voix, en appliquant sur l'ouverture très marquée par l'application au porte-voix sur le trou,
de un tube de dix à douze pouces de longueur,
la plaie et plus sensiblement encore peut-être que par la modi-
d'une forme cylindrique et un peu recourbée comme (îtation naturelle qui s'opère par la partie supérieure du
une corne; pour remplacer en quelque sorte la
c'était tuyau vocal.
partie supérieure du tuyau vocal qui existe entre la glotte 6° Que l'introduction d'une sonde de gomme élasti-
et la bouche, et renforcer consécutivement les sons ainsi que dans le trou, sous plusieurs directions, a détruit les
que lé timbre de la voix. Maintenant nous laisserons à vibrations des organes vocaux et causé de la toux, ce
ce médecin le soin d'exposer le résultat de ces expé- qui a empêché de pousser plus loin ces dernières re-
riences faites, comme nous l'avons dit, de concert avec cherches.
MM. Savart et Cagniard de Latour. 7° Que le malade a pu avaler de l'eau par l'ouverture.
Il est vrai que d'abord cette expérience, faite peut-être
REVUE MUSICALE. 359
un peu précipitamment, a déterminé de la toux ; c'était et les ténors chorals ; en sorte que jusqu'à nouvel ordre
aussi probablement parce qu'on avait ingéré un peu trop le corps d'exécution n'offrîVa plus, du moins quant aux
de liquide à la fois; mais lorsqu'ensuite on en a dimi- masses, qu'un ensemble de voix blanches, c'est-à-dire
nué la quantité, le même accident ne s'est plus repro- de voix de femmes et d'enfans; le petit nombre de basses
duit, et le malade a pu avaler aisément, sans tousser. et de ténors demeurés ù l'établissement sont réservés
Celte expérience vient à l'appui de l'opinion des phy- pour les solos et les récits en général.
siologistes, qui pensent que l'épiglotte n'a pas pour but D'après ces considérations, le corps de chant de cet
de s'opposer à l'introduction des aliraens et des boissons établissement vient d'être recomposé sur un plan diffé-
dans le larynx et la trachée. En effet, dans le cas qui rent, c'est-à-dire sur le modèle des Conservatoires de
nous occupe, la blessure est au-dessous de l'épiglotte. Venise, qui comme on sait ne renfermaient que des
Le même fait pourrait encore prouver que la déglu- voix de femmes, et les études sont réglées d'après cette
tition est possible sans le secours des muscles de l'isthme organisation.
du gosier. Le directeur s'est procuré une grande quantité de
8° Que le sifflet de la bouche était impossible lorsqu'on musique appropriée à ce mode d'exécution. D.ins cette
interposait une sonde dans le trou ; cela prouvait que le musique se trouve même un grand nombre de mor-
larynx contribue dans son mécanisme au sifflement de ceaux composés pour les Conservatoires dont nous ve-
la bouche. nons de parler; tels sont, outre les psaumes de B. Mar-
g° Que l'application d'une bouteille sur le trou a mo- cello, plusieurs compositions de Hasse, de Sacchini, de
difié le timbre de la même manière que si la bouteille Galappi, etc. Il en attend en outre une grande quan-
avait été appliquée à la bouche pendant l'émission d'un tité dont il a fait la demande à Venise, et dont un pa-
son. trice de cette ville, autrefois administrateur et surveil-
Il est très important de faire remarquer que le résul- lant de ces Conservatoires ^ a bien voulu lui promettre
tat des expériences que nous venons d'énoncer ayant une copie '.
pour objet de prouver les lois du renforcement ou le but On voit par-là que les exercices ultérieurs de l'éta-
de la partie supérieure du tuyau vocal pendant l'émis- blissement dirigé par M. Choron offriront aux amateurs
sion des différens sons, ne peut être concluant qu'en un intérêt non moins puissant, mais d'un genre diffé-
partie , puisque Vétrécissure du trou d'un côté , et du rent de celui qu'ils lui ont offert jusqu'à ce jour. C'est
l'autre le jeu simultané des muscles de l'os hyoïde, des un effet auquel on n'est pas accoutumé, que celui des en-
constricteurs supérieurs du pharynx, des staphylins, de sembles formés exclusivement de voix blanches. Les di-
la langue, etc., qui s'opèrent en même temps que l'é- recteurs desConservatoires de Venise, notamment Hasse
mission de la voix par le trou, doivent essentiellement et Sacchini, s'étaient attachés à en tirer tout le parti ima-
influer sur le résultat des lumières qu'on se proposait ginable. On sait avec quels éloges le docteur Burney
d'obtenir, et que nous avons en partie obtenues. parle dans ses annales des effets merveilleux dont il avai*
Il n'est point de notre objet d'entrer ici dans les dé- été témoin. M.Choron, en accueillant les compositions
tails de l'opération chirurgicate par laquelle M. Dupuy- destinées par ces grands maîtres pour l'usage de ce*
tren est parvenu à opérer la réunion des chairs et à faire Conservatoires, nous fait espérer de voir reproduire les
disparaître le trou qui existait au cou de Philibert Her- mêmes merveilles.
colot, opération dont le succès a été complet; nous Mais ce que l'on verra surtout avec un intérêt tout
nous bornerons à dire que le malade a recouvré l'usage particulier, ce sont les résultats de l'emploi que M. ^Cho-
de la parole depuis que le rapprochement a été opérée, ron a faitlui-même au développement des masses vo-
et que l'articulation des sons est maintenant aussi com- cales de la méthode de chant qu'il a dernièrementj pu-
plète qu'avant la blessure. bliée pour cet objet et dont nous a vous déjà rendu compte-
Les amateurs seront certainement émerveillés de voir
une masse de quatre-vingts chanteurs (et les résultats
CONSERVATOraE DE MUSIQUE CLASSIQUE
seraient les mêmes quand elle serait double, triple, etc.)
Dirigé par M. Choron.
(l) M. Choron se propose de faire graver pour l'usage de son éta-
Les mesures administratives résultant des derniers
blissement un choix de ces productions dont la publication doit inté-
événemens politiques ont amené dans l'organisation de resser les maisons d'éducation ou l'instruction musicale des élèves est
cet établissement des changemens importaiis. La ré- entravée faute d'ouvrages de ce genre. ,
duction de la subvention a obligé de réformer les basses { Voyez ci-après aux Annonces.)
360 REVUE MUSICALE.
d'enlz-ndre, dis-jc, une pareille masse exécuter des traits de ces fermetures réitérées; pour éviter la solidarité de
d'agilité avec autant de fini et' de précision, mais avec cet événement, il est de l'intérêt des artistes de faire
beaucoup plus de puissance et d'énergie qu'on ne pour- connaître les charges qui pèsent sur l'administration. '
rait l'attendre d'un chanteur seul : c'est un effet d'un La salle Ventadour, le duc d'Aumont, et le peu de
genre tout-à-fait neuf, d'autant plus digne de l'attention protection accordée à l'ancienne société, ont été cause
des amateurs et des artistes, que l'on conçoit la possi- de sa dissolution. On a vu la maison du roi refuser à des
bilité de tirer parti pour l'expression et les exigences Français la salle Favart, berceau de l'opéra-comique ,
scéniques, ou de tout autre genre. L'observation de ces pour la donner aux Italiens avec une subvention de
effets a engagé M. Choron à composer des exercices de 70,000 fr., lorsqu'en même temps on imposait la salle
chant d'un genre également neuf: ce sont des vocalises Ventadour aux sociétaires de Feydeau, avec l'unique
à plusieurs voix en style d'imitation, dans lesquels les secours de 24)0O0 fr.
,
puisque sur une subvention de
principaux traits de vocalisation sont appris successive- i5o,ooo fr. il fallait servir 126,000 fr. de pensions. Ils
ment ou simultanéufient par les diverses parties, ce qui préférèrent tout abandonner plutôt que d'accepter ce
est à la fois très instructif et très agréable. On entendra qui les eût ruinés comme les directions qui leur ont suc-
quelques-unes de ces leçons et d'autres du même genre cédé.
recueillies de savans auteurs, dans les concerts dont le Comment en effet supporter un loyer de 160,000 fr.,
début sera désormais consacré aux exercices de vocali- qui comporte on outre 3oo entrées d'actionnaires, sans
sation. compter 20 ou 25 loges gratuites? Comment résister
Nous croyons devoir à cette occasion informer le pu- aux énormes de toute nature occasionnés par la
frais
blic de l'avantage précieux dont jouit l'établissement de grandeur du local, grandeur peu enharmonie d'ailleurs
M.Choron de posséder depuis quelque temps deux jeunes avec le genre de l'opéra-comique?
sujets d'un talent de nature lout-à-fait extraordinaire, Pour que cette administration puisse prospérer, il
et qui donnent les plus belles espérances. Deux jeunes lui faut donc une subvention suffisante et une salle gra-
sœurs, Mlles Sophie et Élisa de Saint-Félix, Agées l'une tis. C'est ce que le gouvernement entendra sans doute :
de onze aus et l'autre de douze, manifestent un talent car il faut un opéra-comique à Paris; il le faut pour la
naturel de chant scénique si extraordinaire que, nous musique française, car bien peu de nos compositeurs
pouvons le dire d'après l'avoir vu et entendu par nous- peuvent arriver au grand opéra; il le faut pour la pro-
mêmes, elles seraient en état de tenir dès à présent un vince, qui ne peut avoir de spectacle sans l'opéra-comi-
rang honorable sur tel que ce soit de nos théâtres. On que; il le faut enfin, parce que ce genre fait vivre des
ne peut douter que l'éducation qu'elles vont recevoir milliers d'employés que chaque fermeture plonge dans
n'assure à notre scène lyrique des sujets du premier la plus affreuse misère. Il en est un grand nombre qui
ordre. depuis trois mois n'ont pas touché un sou; et, si l'au-
Elles seront entendues dans les concerts de l'hiver torité ne prend une prompte mesure pour arrêter le
prochain dont nous annoncerons, quand il sera temps, mal, il ne leur restera que deux partis, la mendicité ou
l'ouverture. le suicide.
Comme le théâtre de l'Opéra-Comique se trouve conserver aux jeunes musiciens français le seul moyen
fermé pour la seconde fois en dix mois, sous la direc- qui leur soit offert pour utiliser leur talent et fonder
tion de M. Luhbert, et que le public ignore les causes leur réputation, comme aussi dans l'intérêt des théâtres
REVUE MUSICALE. 361
des départemens et de l'art musical en général; car s'il — Le succès de Robert-te-D table va crescendo ; on n'en
n'existait plus de spectacle de ce genre à Paris, le vau- cite point un semblable dans l'histoire de l'Opéra, car
deville et le mélodrame occuperaient seuls les scènes le produit des recettes surpasse celui du Triomphe de
des départemens, et le goût de la musique ne tarderait Trajan, de ta Vestale, et de tous les autres ouvrages
point à s'altérer et même à se perdre dans beaucoup de qu'on citait jusqu'ici comme les plus productifs.
villes. Nous revenons encore sur ce sujet, èl nous con- La publication de l'analyse que nous avons faite de
jurons le ministère qui a les théâtres dans ses attribu- ce bel opéra n'est retardée que par les dispositions ty-
tions de ne rien négliger pour éclairer la chambre des pographiques nécessaires.
députés sur la nécessité de voter des fonds pour cet ob- — Un petit opéra a été représenté le 1 6 au Théâtre
jet. L'Opéra un magnifique spectacle, dignement
est des Nouveautés, sous le titre de Le sujet de
le Podesta.
exploité par M. Véron ; les grandes compositions, telles cette bluetle est un gouverneur de la petite ville de Ti~
que Robert-le-Diable , Guillaume Tell et ta Muette de ferno qui a la prétention d'être un excellent comman-
Portici ne peuvent trouver que là une exécution digne dant de poste militaire, bien qu'il laisse tomber en ruines
d'elles; mais dans un cadre moins grand on peut placer les remparts de sa bicoque, et qui croit savoir tout ce qui
de plus petits tableaux. Les ouvrages de genre, l'opéra se passe dans la ville, quoiqu'il ignore que sa fille a pris
du second ordre, et ce qu'on nomme en Allemagne pour amant son maître de musique. C'est le futur époux
des opérettes doivent trouver leur place à l'Opéra-Comi- destiné à la jeune personne qui découvre l'intrigue : le
que; or, c'est précisément ce genre de pièces qui est à prétendu maître de musique est son ami; il favorise sa
la portée des théâtres des départemens et du public qui fuite avec celle qui devait être sa femme, et persuade
les fréquente. C'est par des compositions de cette es- au père de pardonner aux amans, quoiqu'il en coûte
pèce que les jeunes musiciens peuvent essayer leurs à son amour-propre d'avoir été trompé. Rien de tout
forces et s'élever graduellement jusqu'à des productions cela n'est bien neuf, mais le public a écouté la pièce
plus considérables. Ajoutons que beaucoup d'intérêts jusqu'au bout.
matériels sont aussi liés à l'existence et à la prospérité La musique est le premier essai de M. Vogel, jeune
d'un théâtre d'opéra-comique. Entrer dans le détail de musicien sorti du Conservatoire, A ce titre, il mérite de
ces intérêts, serait répéter ce que nous avons déjà dit Cependant nous ne devons point cachera
l'indulgence.
bien des fois, et fatiguer nos lecteurs de redites inutiles; M. Vogel que s'il y a de la mélodie dans sa partition,
mais nous avons cru qu'il était de notre devoir, dans la elle est quelquefois puisée dans ses souvenirs plutôt que '
position critique où se trouvent tant d'artistes esti- dans des inspirations, et que si l'on remarque une cer-
mables, élever encore une fois notre voix en leur fa- taine habitude dans quelques parties de son ouvrage,,
veur. on y voit aussi du désordre et du décousu dans la con-
duite des idées. Celles-ci manquent en général de liai-
son, et les modulations sont mal attachées. Ce sont des
Nouvelles de Paris.
défauts dont l'expérience le corrigera sans doute.
Samedi dernier, Mme Malibran a repris le rôle de L'exécution vocale de ce petit ouvrage est bien faible,
Desdemona dans Otello. On a remarqué avec peine que Duplant, qui a peu de voix, a le malheur de ne savoir
sa voix a perdu de son éclat et de sa fraîcheur dans les pas se servir de celle qu'il a; Camoin a plus d'habitude,
sons élevés ; sa respiration est aussi devenue plus courte ;
mais son organe manque de charme; quant à Mlle Ca-
mais elle a su tirer parti de ses moyens avec un rare ta- moin, elle est fort inégale. Il y a de certaines choses
lent. qu'elle dit assez bien , et d'autres plus faciles qu'elle ne
Rubini a été admirable dans le rôle d'Otello. Beauté peut rendre. Celte jeune personne n'a pas de temps à
de la voix, souplesse de l'organe, expression, énergie, perdre: il faut qu'elle travaille sérieusement sa mise de
il réunit dans ce rôle toutes les qualités qui peuvent voix, sous peine de ne savoir jamais chanter.
faire approcher de la perfection autant qu'il est pos- Mme Clara a débuté avec succès le i5 au même
sible. théâtre dans le Barbier de Séxille. Cette dame a du ta-
— Mme Raimbaux a continué ses débuts dans Vlta- lent ; il ne lui manque qu'un peu plus d'habitude de la
liana In Algeri; son succès s'est confirmé. Elle va jouer scène.
le rôle de Rosine en contralto ; si elle y confirme les es- — La célèbre harpiste Mlle Bertrand vient d'arriver à
pérances que ses débuts ont données, elle n'aura plus Paris, après avoir successivement voyagé en Italie, en
qu'à parcourir une carrière facile. Allemagne et en Russie, et avoir échappé comme par
362 REVUE MUSICALE.
miracle aux atteintes du choiera morbus. Cette artiste talent d'exécution très distingué à un profond senti-
habile su propose de se faire entendre prochainement ment musical. Elle se propose, dit-on, défaire prochai-
dans un concert. nement un voyage à Paris où elle se fera entendre.
LETTERATORE MUSICALE.
Nouvelles étrangères.
PrBLICATIONS ÉTBàNCfeRES.
MiLUK. Théâtre de La S cala. Un nouvel opéra en un
1° Theorelisch-praktisches Lehrbuch der harmonie und des
acte ou plutôt, comme le dit le titre, une farsa giocosa
Generabbasses (Traité théorique et pratique de l'har-
vient d'être représentée à ce théâtre sous le titre de La
monie et de l'accompaguemeot ,
par M. Frédéric-
CoUerica. Le libretto, ouvrage d'un anonyme, est une
Denis Weber, directeur du Conservatoire de musique
détestable mutilation de la jolie comédie de M. Etienne,
de Prague). Première partie. Un vol. in-8°.
intitulée La jeune Femme colère. Quant à la musique,
Prague, chez Marco Berra, i83o.
elle est l'ouvrage d'un jeune compositeur nommé Gia-
como Panizza. On y trouve, dit-on, de jolies idées mé- M. Weber a publié en i8a8 un Traité des élémens de
lodiques, et une certaine facture théâtrale qui est plutôt la musique pour l'usage des élèves du Conservatoire
le fruit de l'instinct que de l'éducation. Le public a ap- qu'il dirige, sous le titre AcAllgemeineTheoretisch-prak-
plaudi cet essai d'une jeune muse inexpérimentée. iisc/ie Vorachule der musik: cet ouvrage contient, dans
La représentation de La CoUerica a été aussi l'occasion un exposé rapide et clair, tout ce qu'il est nécessaire de
d'un autre début heureux , celui de Mlle Célestine Gia- savoir pour être bon lecteur de musique. L'ouvrage que
cosa, en qui l'on a remarqué des dons naturels ek le nous annonçons ici est une suite de celui-ci, et paraît
fruit d'une bonne étude de l'art du chant. Comme le devoir être lui-même suivi par d'autres volumes sur le
maestro Panizza, la jeune prima donna a été favorable- contrepoint et la composition, de telle sorte que le
ment accueillie du public. Conservatoire de musique de Prague aura un cours
Les dispositions faites par l'administration du théâtre complet d'étude ù son usage.
alla Scala pour la saison du carnaval i83i-i85a, don- Le d'harmonie de M. Weber ne nous paraît pas
traité
nent lieu d'espérer qu'elle sera fort brillante. Trois opé- contenir de système nouveau sur la classification des ac-
ras nouveaux seront représentés. Le premier, intitulé cords; ce n'est qu'un exposé méthodique des principes
Norma, est écrit par Bellini. Le libretto de cet ouvrage généralement adoptés en Allemagne.
a été écrit par Romani. Le second , tiré d'un mélodrame Les premiers chapitres sont consacrés à une exposi-
français intitulé LaVendctla, par M. Rossi, est confié à tion analytique de la nature des intervalles et des varié-
M. Pugni pour la composition de la musique. On ne tés de ceux-ci. Les exemples dont M. Weber a accom-
sait point encore le titre du troisième, dont le libretto pagné ses explications sont en général bien choisis.
est de Romani , et dont la musique sera écrite par Do- Le chapitre consacré aux accords consonnans et à la
nizetti. manière de les employer est instructif et bien rédigé;
A. l'égard de la composition de la troupe chantante, mais il nous semble qu'il y a quelques développemens
on y trouve Mmes Pasta, Àmalie Schûtz, Judith Grisi, inutiles dans cette partie de l'ouvrage de M. Weber, car
Corradi Pantanelli, Thérèse Belloli Dall'Orto, Mariette toute la première partie de ce livre, renfermant deux
Sacchi, Félicité Bailou Hilaret, Caroline Macchi, et cent trente-une pages, est consacrée aux accords con-
MM. Donzelli, César Badiali, Vincent Negrini, Jean sonnans et aux diverses modifications dont ils sont sus-
Paganini, Spiaggi et Lombardi. ceptibles. Fait de cette manière, un traité d'harmonie
Bologne. La représentation de VEsule di Roma au complet doit être fort étendu , et c'est peut-être moins
théâtre Communale a été l'occasion d'un triomphe écla- servir les élèves que les effrayer des diiEcultés de ce
tant pour Donzelli. Après avoir été applaudi avec fu- qu'ils apprennent que de leur présenter dans un ouvrage
reur pendant toute la soirée, il a été reconduit chez lui élémentaire une multitude de détails qui pourraient être
dans un carrosse tiré par quatre chevaux, et accompagné réservés aux leçons du professeur.
par la musique militaire et par une foule de dilletlanti Nonobstant cette observation critique , nous consi-
qui portaient des flambeaux. dérons le livre de M. Weber comme l'ouvrage d'un mu-
— Les journaaxallemandsparlentavecéloge d'une de- sicien instruit , et comme un fort bon manuel que les
> moiselle Clara Wieck de Leipsig. Cette artiste joint un harmonistes peuvent consulter avec fruit.
REVUE MOSICALE. 363
and Meister der Tonkunst nebst einer Kurzen VebersicM hautbois et du cor anglais, se modifie an moyen de la
ihrer Leistangen ( Catalogue chronologique des ama- pression plus ou moins forte de la pédale; ce qui lui
teurs et des maîtres les plus distingués de l'art mu- donne une délicatesse d'expression que n'ont pas les
sical, etc., par M. le docteur G.-C. Grosheim). Physharmonicas.
Ajoutez à cela que VAéréphone est d'une forme plus
Mayence, Paris et Anvers, chez les fils de B. Scholt,
élégante et toute mignonne, ce qui en fait un joli meu-
i83i, brochure in-8° de cent trente pages.
ble de salon. M. Dietz a fait construire, pour l'époque
Le plan de ce petit ouvrage est assez bon et pourrait
du 1" janvier, une grande quantité de ces instrumens à
avoir de l'utilité si l'exécution répondait à l'idée pre- quatre octayes. Ce sont assurément de char-
trois et à
mière. Malheureusement plusieurs défauts essentiels, mantes étrennes musicales. Rien de plus délicieux que
qu'il aurait été facile d'éviter, se rencontrent dans la VAéréphone jouant dans les jolis romances de M. Panse-
brochure de M. Grosheim. Le premier et le plus remar-
ron la partie composée pour le hautbois ou servant de
quable est d'offrir dans le choix des artistes et des pro- chant principal à un accompagnement de piano.
tecteurs de la musique des noms obscurs et de peu
On trouve de ces instrumens chez M. Dietz, facteur
d'importance , tandis que d'autres , dont la célébrité
de pianos , rue Neuve-Saint-Augustin , n° 23.
n'est point équivoque, ne s'y trouvent pas. Par exemple, Et à V Agence générale de la Musique, rue du Helder,
dans l'antiquité, M. Grosheim a choisi Jupiter, Cadmus, n° i3.
Musée et d'autres du même genre pour faire partie de
son catalogue, et d'autres, dont les travaux ont exercé
une grande influence sur la musique, tels qu'Aristosène,
Bulletin d'Annonces.
Aristide, Quintilien, Alypius et Pythagore ne s'y trou-
vent point. La même singularité existe aussi à l'égard Cours de piano à l'usage des gens du monde par L. Adam
,
,
chevalier
Le deuxième défaut que nous avons remarqué dans chez Érard , rue du Mail , n° 1 5.
l'ouvrage de M. Grosheim, est de ne pas renfermer Le cours aura lieu trois fois par semaine. Chaque élève aura une
tout ce qui pouvait et devait s'y trouver dans les articles demi-heure de leçon. Les personnes qui voudraient ne prendre qu'une
ou deux leçons par semaine, pourront s'arranger avec M. Adam.
qu'il a donnés. Sans doute la brièveté est une nécessité
Conditions du Cours : KO fr- par mois ,
payables d'avance.
d'un livre semblable; mais des dates, des titres d'ou-
S'adresser chez M. Érard , rue du Mail , n. 1 3 ; ou chez M. Adam
vrages y sont indispensables, car ce n'est que cela qu'on
rue de Chartres du Roule, n. 19.
peut y chercher; pour des détails étendus on a recours
à d'autres livres; ces espèces de manuels ne peuvent
contenir que des indications ; mais celles-ci doivent être Ecole de Musique. M. Desirrier , auteur d'une- nouvelle méthode
Il serait facile à M. Grosheim de corriger ces imper- d'après sa méthode. Prix: 10 fr. par mois. Rue d'Amhoise, n. 7,
Œuvre 21.
au Conservatoire et membie de la Légion-d'Hounenr.
trumens à vent connus sous le nom de Physharmonka Nous analyserons cet ouvrage remarquable dans nn de nos pro-
de s'améliorer incessamment, il se trouve que M. Dietz N. 1. Encore, encore aimer! imitation de lord Byron, dédiée à
a surpassé son modèle. L'Jéréphone est construit d'après Mme Viclorine du Bignon. Pris: 2 fr. avec piano, 1 fr. avec
Sous presse. Tous les ouvrages dont il s'agit seront exécutés d'une manière com-
N. 2. // n'est plus là! imitation de Schiller, dédiée à Mme de La- mode et économique; ils seront gravés en partition vocale, avec basse~
maze. Prix: 2 fr. avec piano, 1 fr. avec guitare. continue ou accompagnement de piano , en format portatif (nom de
N. 3. jâdieu pour toujours ! irailalion de W. Goethe, dédiée à L. Jésus in-8°, format de guitare). Chaque cahier de huit pages sera du
Prix: 2 fr. avec piaao, 1 fr. avec guitare. prix de BO centimes.
Chez Mme Joly, arcade de l'Institut, et à \' Agence générale de la Nous annonçons dès aujourd'hui comme étant sous presse les ma-
rausique, rue du Helder. drigaux de Clari et les psaumes de B. Marcello , ouvrages qui doivent
Hdmmbi.. Souvenirs de Paganini, fantaisie pour piano. —6 fr.
faire la base de l'enseignement vocal dans toute école de musique
Op. 120 n° , 1 , 2 , 3. Trois airs anglais variés pour piano digne de ce nom.
seul. Chaque 4 80. Chacun des duos de Clari tiendra un cahier; chaque trio, un et
3. Galoppade hongroise. — 7 fr. «0. Ces psaumes sont au nombre de ttO ; ils offrent des solos et mor-
112. Trois airs variés pour piano solo. moiceaiix d'ensemble calculés pour tous les alliages possibles de voix,
N. 1 . Cavatine du Pirate. —6 fr. comme on va le voir.
perfection. — Nouveau prix 80 : fr. prano, ps. 3, 4, 27, 37; dfux sopranos, ps. 41.
1" partie séparément. — 24 fr. Trios. Basse, ténor et alto, ps. 9, 17, 23, 28, 28, 80, SI, 32, 34,
2" partie. —m fr. 40, 44, 48, 80; basse, ténor et soprano, ps. 28, 47 ; basse, alto et
«' partie. — l(! fr. soprano, 49.
Chez A. Farenc, éditeur, rue Saint-Marc, n. 31. Quatuors. Deux basses, ténors, et alto ,
ps. 49; basse, deux ténors
et alto, ps. 18; basse, ténor et deux altos, ps. 20 ; basse , ténor
Chants polonais nationaux et populaires , en deux livraisons ornées
alto et soprano, ps. 10, 36, 43.
d'une viguetle nationale, traduits du polonais par G. Fulgence Il faut remarquer que dans les solos la basse et l'alto peuvent se
arrangés à deux ou plusieurs parties par Albert Sowlnski. Prix de
remplacer l'une par l'autre, de même pour le ténor et le soprano. La
deux livraisons: 30 fr. A Paris, chez Albert Sowlnski, rue Pois-
même beaucoup de
substitution peut avoir lieu en cas dans les mor-
sonnière, n. 7, et chez Ph. Petit , éditeur de musique,
ceaux à plusieurs voix , notamment dans tous les duos. Dans les trios
la première livraison des Chants polonais a été annoncée dans la et quatuors, elle peut s'opérer toutes les fois qu'il n'en résulte pas un
Revue musicale avant la révolution de juillet. Le succès qu'obtint renversement total d'harmonie, cl presque sans exceptions quand on
cette publication , succès qui était dii autant aux choix heureux des joint l'accompagnement. On volt donc que l'usage de ces composi-
morceaux qu'au luxe typographique, ne manquera pas d'accueillir la tions est presque universel , et l'on remarque que depuis un siècle
seconde livraison. C'est d'ailleurs presque une œuvre de circonstance; qu'elles ont été publiées , elles n'ont cessé d'être chantées dans toute
tout ce qui parle de l'héroïque Pologne porte avec soi un puissant l'Italie, où elles le sont encore et le seront habituellement à perpé-
intérêt. tuité. On sentira de quelle ressource elles seront pour toutes les réu-
nions musicales, les pensionnais, les cercles de musique ,
que la mo-
Choix de musique à voix égales , avec accompagnement obligé ou ad
dicité du prLx et la facilité d'acquisition doivent encore concourir à
libitum de piano, orgue ou autres instrumens ,
publié pour l'usage
en propager l'usage.
du Conservatoire de musique classique, par M. Choron , fondateur
et directeur de cet établissement.
L'obligation où s'est trouvé le directeur du Conservatoire de mu- CHANGEMENT DE DOMICILE.
sique classique de faire confectionner une grande quantité de copies
pour le service des classes et pour l'usage des concerts de cet établis- M, A. Farrenc, éditeur de musique, ci-devant rue
sement, l'a conduit à préférer la voie de la gravure , comme plus siire, J.-J. Rousseau, n" 12, detneure mainteuant rue Saint-
plus prompte et moins dispendieuse. Il a encore trouvé dans le plan Marc, n° 21. Il prie les personnes avec lesquelles il a
de cette adoption un avantage qui a achevé sa détermination ; c'est l'honneur d'être en relation de rouloir bien prendre
celui de faire participer le public au succès de son entreprise par
note de sa nouvelle adresse, afin d'éviter les retards de
l'acquisition des produits. C'est d'après ce motif qu'il se décide à en
correspondance.
faire aujourd'hui l'annonce, en publiant en même temps le mode
d'exécution et les conditions d'acquisition. IMPBIMEBIE DE E, DIIVEB.GEB, Rt'E DE VEllKEtJII,, N° 4-
REVUE MUSICALE,
V"« AIVÏVEE.
PUBLIÉE PAK M. FÉTIS. IV" 46
Deux tuyaux d'orgue sont montés à deux tons qui for- corde double en longueur. Nous entendons l'accord de
ment entre eux une forte dissonance. Si on les fait ré- quinte, si les longueurs des deux cordes sont entre elles
sonner ensemble, l'auditeur souffre en raison de la déli- dans le rapport de a à 3 ; l'accord de quarte , si le rap-
catesse de son organisation ; de plus, il entend un batte- port des longueurs esl celui de3 4^ l'accord de tierce
à
ment dur et prononcé. En cas semblable, deux cordes majeure , si le rapport est celui de 4 ^ S S l'accord de
de piano se montrent agitées d'un frémissement con- sixte majeure, si le rapport est celui de 3 à 5 ; l'accord
vulsif. de tierce mineure, si le rapport est celui de 5 à 6; l'ac-
Tous ces effets se terminent aussitôt que l'on a porté cord de sixte mineure, si le rapport est celui de 5 à 8.
les deux tuyaux ou les deux cordes, soit à l'unisson, soit Au-delà commencent les dissonances, et d'abord la se-
ù un intervalle concordant, tel que l'octave, la quinte, conde majeure; les longueurs des deuxiîordes qui la font
la tierce, la quarte ; le battement a cessé, et la souffrance entendre sont entre elles comme 8 est à g vient ensuite :
de l'auditeur est remplacée par du plaisir. h- quarte superflue, nommée aussi triton; le rapport des
Ainsi, V interférence réciproque de deux sons que l'on deuxcocdes est celui de i8 à 25. Au-delà de la quarte
fait résonner ensemble peut être sensible à notre organe superflue, le£ dissonances deviennent des discordances
de l'ouïe par un effet qui lui soit pénible ou qui lui soit tant il y a de distance entre les termes des rapports qui
agréable, par une dissonance plus ou moins choquante, les expriment; la seconde diminuée, par exemple, est
ou par un accord plus ou moins satisfaisant. produite par deux cordés dont les longueurs sont entre
Quelles sont les conditions qui déterminent ces deux elles comme 5^5 est à 384.
résultats opposés? Nous ne saurions les saisir dans les Mais sommes-nous certains que les nombres des vi-
sons même; les globules subtils, dont tout se compose, brations exécutées par deux cordes sonores soient tou-
sont d'une ténuité qui les affranchira à jamais de tous jours entre eux dans le même rapport que les longueurs
nos moyens d'observation. de ces cordes ? Les vibrations de la corde qui fait en-
Mais les corps solides élastiques qui projettent le' tendre le son le plus grave ne sont-elles pas encore trop
fluide sonore sont à notre disposition ; ^ous pouvons rapides pour pouvoir être comptées? On peutrépondre,
connaître avec une précision rigoureuse leur longueur, en premier lieu , que Sauveur, et plus récemment
leur diamètre, le degré de tension donnée à leur res- W. Savart, sont parvenus à les compter; en second lieu,
sort; et l'expérience la plus invariable nous a fourni les le raisonnement le plus simple atteste que le nombre
moyens de fixer avec une exactitude inathématique les des vibrations de toute corde frappée est inversement
rapports du ton de chaque corps sonore avec ces trois proportionnel à sa longueur; que si, par exemple, ayant
REVUE MUSICALE.
la longueur d'un pied, elle fait cent viliratlons par se- mité existe déjà; aussi Vunisson n'est pour nous qu'un
conde, elle ne peut plus on faire que cinquante si, con- son fortifié; il ne nous procure point la sensation d'un
servant la même grosseur, et tendue par le même accord opéré entre deux choses d'un caractère différent.
poids, elle acquiert subitement une longueur de deux Si les deux sons projetés ensemble dans le même lieu
pieds; en effet, la force qui monte son ressort se trou- sont fortement hétérogènes de vibration, leur entrela-
vant alors distriljucc sur une masse double, ne conserve cement est d'abord piovoqué par la puissance conver-
plus sur chaque point que la moitié de son intensité gente , car sans inlercalalion réciproque comment par-
priitiiiive. venir à l'uniformité do distribution ?.
Ainsi, nous pouvons établir en fait positif que lors- Mais, aux premières tentatives de cette distribution,
que deux cordes de longueur inégale font entendre deux quel tumulte, quel désordre! Par exemple, des deux
sons à l'octave l'un de l'autre, la plus courte fait dans sons qui forment ensemble la seconde diminuée, l'un fait
le même temps deux fois plus de vibrations que la plus 375 vibrations, tandis que en fait 584; pour que
l'autre
lamesure d'extension permise par l'équilibre. Mais, dans de choquante, de discordante, de déchirante, à la sensa-
ce travail de rapprochement, de combinaison, de retour tion pénible que nous recevons
à l'Équilibre, l'Expansion convergente est plus'ou moins Mais si les deux sons, sans être homogènes de vibra-
favorisée par l'état actuel des globules sur lesquels elle tion , sont très près de l'être ; si ,
par exemple , les glo-
exerce sa puissance ; par exemple, lorsqu'elle est appe- bules de l'un font une vibration, tandis que ceux de
lée à réprimer la divagation ardente à laquelle s'excitent l'autre en font deux, leur eulrelaceraent est à la fois ra-
réciproquement deux sons véhémens jetés ensemble pide, bien ordonné et paisible; ils entrent presque su-
dans le mSme lieu , elle peut trouver ces deux sons en bitement en bonne intelligence; ils se mettent d'aeco/v/;
vibrations isochrones, ou en vibrations disparates, ou et nous, qui les recevons dans cet état de mouvement
l'.n vibrations intermédiaires entre l'identité parfaite et si doux et si facile, nous goûtons avec charme la sensa-
l'absence de tout rapport. S'ils sont déjà homogènes de tion de leur harmonie.
vibration, s'ils sont à Vunisson, la puissance convergente Une sensation analogue serait donnée à nos regards,
n'a d'autre effet à produire que de condenser leur somme si l'on faisait déûler devant nous un régiment composé
réunie, mais elle n'a aucun besoin de les enlrelacerpour d'hommes et d'enfans entremêlés avec uniformité, et
les conduire à une distribution uniforme; cette unifor- marchant de manière à ce que les hommes fissent un
REVUE MUSICALE. 367
pas tandis que les enfans en feraient deux. Celte coïn- tique, la facilité de leur entrelacement harmonique, de
cidence prompte, coupée cependant, au milieu de
si leur accord, diminuera; à un certain terme, elle se chan-
chaque pas d'homme, par un pas isolé de chaque en- gera en difficulté qui augmentera progressivement, et
que le mouve-
fant, nous serait encore plus agréable qui, dès le moment où elle sera bien caractérisée, se
ment pleinement uniforme; nous avons reconnu que montrera insurmontable autrement que par des procé-
Vunisson tombait bientôt dans la monotonie. dés iVeniremise ou des moyens de conciliation.
Mais l'accord de Voclave lui-même n'arrive que trop Ici commence, en musique, l'harmonie multiple ou
promplement lui-même à cette monotonie, fruit im- compliquée; harmonie qui donne à cet art tant de res-
portun du repos prolongé. Notre second besoin, qui est sources, de variété, de richesse. Nous en exposerons le
celui de la variété dans nos plaisirs, et môme im peu de principe dans la lettre suivante. Terminons celle-ci par
la difllculté, nous fait préférer l'accord de quinte à l'ac- quelques vues générales.
cord de l'octave. Lorsque deux sons à la quinte l'un de L'explication que nous venons de donner de l'har-
l'autre sont jetés dans le même lieu, les globules de l'un monie simple ou du premier degré, suffit pour nous
font deux vibrations tandis que les globules de l'autre montrer qu'en dernière an dyse toute harmonie des
. en font trois; leurs mouvemens coïncident au terme de êtres, dans la nature, doit se réduire à celle de leurs
chaque seconde vibration du premier et de cliaque troi- mouvemens. L'ordre ou le désordre de distribution se-
sième vibration du second. Cette coïncidence a moins raient de toute indifférence à des êtres pleinement et
de simplicité , moins de régularité que celle de deux loustamraent en repos; et d'ailleurs des êtres pleine-
sons à l'octave l'un de l'autre; mais elle est encore as- ment, constamment immobiles, quelle serait l'utilité ou
sez facile pour que la puissance d'équilibre entremêle la raison de leur existence ?
très rapidement les deux sons, et les conduise i un en- Ainsi, le mouvement, mais le mouvement réglé par
trelacement uniforme; c'est alors un régiment bien or- des lois, le mouvement harmonique est l'ame de la
donné, qui marche sans confusion, selon un rhylhme nature.
d'une cadence harmonique, cependant singulière; nous Il suit de là que, s'il est dans la nature un ordre d'ef-
prenons du plaisir à le voir marcher; nous écoutons fets par lesquels le mouvement signale, et le mode im-
arec plaisir le bruit légèremient saccadé de ses mouve- posé à son exercice, et les limites qui le retiennent, et
mens. les lois qui font son harirlonie, cet ordre d'effets doit
Les instrumens à vent formés d'un seul tube, le cor, être étudié comme base de toute science; le bien con-
par exemple, et la trompette, prennent la quinte avec naître, c'est posséder la clef de l'univers.
beaucoup de facilité, et l'octave avec plus de facilité La science des effets sonores est cette clef univer-
encore; les tuyaux d'orgue, qui oc/aneîii spontanément selle. Le son se produit par expansion rayonnante : voilà
lorsque le souffle est renforcé , ne passent point d'eux- pour son Inode de mouvement ; autour de chaque corps
mêmes à la quinte ; le musicien qui fait entendre sur le sonore, il est retenu par l'expansion coalisée des êtres
cor l'intervalle de quinte, a donc besoin d'un peu d'art; qui l'cnvironneut :voilà pt)ur ses limites. Dans ses re-
il lui en faut davantage pour faire entendre la quarte, lations de lui à lui-même, dans ses combinaisons, il est
parce que c'est déjà un intervalle moins concordant que réglé par les rapports les plus simples voilà pour son :
celui de la quinte ; la puissance d'équilibre trouve déjà harmonie; et où pourrait être l'harmonie des rapports,
plus de difficulté, ou plutôt moins de facilité à rassem- fi ce n'était dans leur simplicité ?
bler sous une distribution uniforme des globules venus Expansion en harmonie : c'est donc là le mot de l'im-
de deux sources différentes, et qui, les uns, font trois mense énigme, mot pressenti par Plalon et Pylhagore,
vibrations, tandis que les autres en font quatre. La coïn- lorsqu'ils considéraient la musique comme la poésie du
cidence des mouvemens est encore un plus écaitée, et, la nature; mot dont la science générale développe gra-
pour cette raison , r«ccor6/ rendu un peu moins facile duellement les détails, mais dont la musique seule peut
,
lorsque les globules venus d'une source font quatre vi- donner le sens clair et précis, parce que la musique
brations tandis que ceux qui sont venus de l'autre source met eu œuvre, avec une clarté
seule parfaite, des mou-
en font cinq; les deux corps sonores sont alors montés vemens d'une précision rigoureuse.
ù la tierce majeure, accord en effet un peu moins harmo- Expansion Itarmonique : c'est celle d'un concert , et
nique que celui de quarte. Enfui, à mesure que les rap- l'univers est le concert des êtres.
ports des nombres de vibrations exécutées par deux AZAÏS.
Schlesinger, rue de Richelieu, n. 97. ([Mcs le renouvelleraeiit des ouvrages élémentaires sur
Après tant d'ouvrages élémentaires publiés pour faci- les diverses branches de la musique et particulièrement
liter l'étiidi'de la musique, d'un instrument quelconque, sur l'art de jouer du piano , dont il s'agit ici : le plus
de l'harmonie ou de la composition, il est peu de per- important de tous consiste dans les variations de goût
sonnes qui ne soient disposées ù mettre en doute l'utilité qui se produisent d'âge en âge, et qui donnent nais-
d'en faire de nouveaux, et l'on est forcé d'avouer, à l'exa- sance à des difficultés d'espèces nouvelles. Il est des
men de ceux qu'on voit paraître chaque jour, que leur» principes de tous Us temps et qui ne doivent point va-
préventions ne sont que trop justifiées. Peu de vérités rier dès qu'ils sont découverts; mais il est d'autre»
nouvelles jaillissent de tout cela; et l'on peut mettre choses qui, après avoir été considérées comme des
souvent en question si les auteurs de ces ouvrages ont parties accessoires de l'art, en deviennent ensuite les
eu un autre but que de Iravailler pour leur propre in- plus importantes et exigent des études particulières qui
térêt, ou s'ils n'ont été guidés par leurs préjugés et par n'avaient point été faites jusque là.
les illusions de leur amour-propre. Toutefois, ce serait Lorsqu'un grand instrumentiste entreprend d'écrire
une erreur de croire que tout ce qui peut être utile a sur le mécanisme de son instrument, il inspire à juste
clé dit. Une science, un art qucdconquc , sont suscep- titre une confiance qu'on refuse ù uu homme inconnu ,
tibles d'être considérés sous des points de vue différens; quelque soif d'ailleurs le mérite de celui-ci; cependant
or, la plupart des savans et des artistes ne saisissent le résultat ne répond pas toujours à l'attente du public;
qu'un di;3 côtés de l'art ou de la science qu'ils cultivent; on a eu la preuve de cette vérité dans la Méthode de
ils s'y appliquent de préférence, y font quelquefois des piano de M. Huramel, car cet ouvrage n'a pas justifié
découvertes, et contribuent ainsi plus ulilementàl'avaii- ce qu'on espérait d'un artiste si distingué. Il n'en sera
coment de cet art ou de cette science que s'ils l'avaient pas de même de la nouvelle publication de M. Kalk-
étudié d'une manière plus générale. brenner, j'ose l'affirmer. Pour acquérir le mécanisme
Prenons pour exemple le piano. Près de cinq cents parfait qu'on remarque dans le jeu de ce pianiste célè-
méthodes ont été publiées dans toutes les langues pour bre, pour posséder l'art de tirer un si beau son de l'ins-
enseigner le mécanisme de cet instrument, depuis le trciraent, pour avoir tant d'indépendance dans les doigts
milieu du dix-septième siècle jusqu'aujourd'hui; le plus et tant de liberté dans l'habitude du corps, on conçoit
grand nombre est tombé dans un oubli mérité, mais qu'il a fallu étudier par une autj:e méthode ; en un mot
quelques-uns de ces ouvrages ont acquis une rcputa- par d'autres procédés que ne l'ont fait ceux qui ne pos-
lion européenne par des qu.ililés très dilTérentes. Ainsi, sèdent pas ces avantages; or ce sont ces procédés, cette
VEssai sur l'art de jouer du clavecin, de Charles-Phi- méthode que M.Kalkbrenner vient révéler aux pianistes
lippe-Eimnanuel Bach, se remarquer par une ex- fait après y avoir puisé les principes de sa haute réputation-
cellente analyse des qualités du style d'exécution, par II ne s'agit peint dans son ouvrage d'une classification
un exposé fort clair des principes du doigter de l'école plus ou moins méthodique de choses déjà connue sou
des Bach, et par des considérations sur la partie har- d'observations de détail ; c'est l'art refait en entier, repris
monique de l'art di; jouer des instrumens à clavier; par sa base; c'est la théorie d(i mécanisme de l'articu-
VÉiote du clavecin, de Turk, se distingue par des lation des doigts et des règles du doigté rendue sensible.
recherches profondes, mais plus théoriques que. Enfin c'est, après tant de méthodes, une méthode neuve
REVUE MUSICALE. 369
que je crois la meilleure en ce qui concerne le méca- « Le Guide-mains que je fais paraître avec cette mé-
nisme. Ecoutons M.Kalkbrenner dans l'explication qu'il thode, remplacera mon fauteuil; il déterminera positi-
donne des circonstances qui l'ont conduit à l'adoption vement la hauteur dû la chaise du piano , qui doit être
de cette méthode. faitede manière quel'avant-bras del'exéculaDt soit par-
« Ce qui arrête les commençans, dit-il , c'est la rai- faitementhorizontal. Avec ce Guide-mains il est impossible
deur extrême qu'ils mettent à tout ce qu'ils font; elle de contracter de mauvaises habitudes. Je le recommande
seule est cause que leurs doigts se cramponnent sur le surtout aux personnes délicates que l'étude du piano fa-
clavier de manière à donner aux mains la position la plus tigue; elles trouvci ont, leurs bi as étant appuyés et les
disgracieuse. Très souvent la vie entière suffit à peine doigts seuls agissant, la possibilité d'étudier davantage
pour corriger les mauvaises habitudes contractées du- sans craindre de se faire mal à la poitrine. Les person-
rant les trois premiers mois de leçons. nes qui vivent en province, celles qui passent quelque
« Je n'avais point échappé à cet écueil, même après temps à la campagne, peuvent s'en servir avec succès;
raidissait de telle sorte que ma main semblait estropiée. obtenir de nouveaux progrès. Avec le Guide-mains et
Après mille essais infructueux, me vint que l'idée Cette méthode, toute personne enfin, sachant la musi-
tout ce qui tient au mécanisme du piano pouvait être que, peut donner des leçons de piano, et celles même
étudié ù l'aide d'un moyen mécanique qui donnât de qui voudraient l'apprendre sans maître pourraient ar-
prime abord aux mains leur véritable position; je trou- river jusqu'à un certain degré, sans l'appréhension
vai qu'en soutenant avec ma main gauche mon poignet d'avoir à désapprendre un jour, s
droit, la force concentrée entièrement dans les doigts Ce qu'on vient de lire indique en quoidiffere la mé-
devenait d'autant plus grande qu'elle était augmentée thode de M. Kalkbrenner de celles qui ont été publiées
de toute celle qui servait auparavant à raidir les bras et précédemment. Dirigé par l'expérience de ses propres
les mains. Ce premier résultat m'enhardit; il ne s'agis- études, l'auteur de cette méthode a réduit à un petit
sait plus que d'avoir un point d'appui : dans mon impa- nombre d'exercices l'étude de la mécanique des doigts,
tience, ù défaut d'autre expédient, je pris un vieux fau- parce qu'il lui a paru inutile de grossir son livre de traits
teuil dont je sciai l'un des bras, puis tournant l'autre dont l'analogie est évidente ; il en a fait l'analyse, et en
vers les touches du piano , et introduisant mes jambes quelque sorte la dissection , dans les élémens qu'il a
par-dessous , je me trouvai placé de manière à joiiir présentés sous la classification de divers degrés de force.
pleinement du succès que je venais d'obtenir; mes Les quatre premiers degrés de force renferment les types
avant-bras ainsi appuyés sur le bras du fauteuil, me de tous les traits qui n'obligent point à passer le pouce.
mettaient à même de remuer les doigts sans la moindre Au cinquième degré se présentent seulement les gam-
contraction, o mes simples, doubles, en tierces, en sixtes, en octaves,
Plus loin, M. Kalkbrenner ajoute : « Du moment où par mouvement conlraire, diatoniques , chromatiques
j'eus découvert la possibilité d'étudier,les bras appuyés, et les extensions. Là se termine la première partie de
jeconçus une manière nouvelle de travailler. Ayant re- ces exercices, qui contiennent, comme je viens de le
marqué que la plupart des (raits fmissent toujours par dire, les types de tous les traits possibles: cependant
l'emploi de cinq notes, et qu'en faisant des gammes, tout cela est renfermé dans irente-ctnq pages.
après Avo'iT une ou plusieurs fois passé le pouce, il fal- La deuxième partie, formant vingt et une pages,
lait encore finir par-là, je m'appliquai à faire ma prin- conlient douze exercices généraux qui renferment les
cipale étude de ces cinq notes en les diversifiant autant plus grandes difficultés du piano. Ainsi, au lieu de ces
que possible; c'est ce qui m'a donné dans l'exécution immenses recueils de traits qu'on trouve dans beaucoup
des choses même les plus difllciles, celte tranquillité de de méthodes, il ne s'en trouve ici qu'un petit nombie
mains et de corps que l'on remarque surtout dans mon bien choisis qui remplissent mieux l'objet (l'assouplis-
jeu. Je ne conseille point de faire jouer des gammes semenl et l'indépendance des doigts) que ne peuvent
trop tôt aux élèves : on risque de leur faire contracter faire des collections de difficultés mal classées. La mé-
de la raideur dans les bras; il faut être sûr que leurs thode de M. Kalkbrenner est rationnelle; c'est une
doigts ont acquis une certaine indépendance, avant d'es- heureuse application faite à l'étude du piano, du système
sayer de leur apprendre :'i passer le pouce. des principes généraux auxquels se rattachent tous les
370 REVUE MUSICALE.
faits particuliers : système qui a fait faire d'immenses Mme Raimbaux; avant peu elle sera comptée au nom-
progrès aux sciences dans les temps modernes, et par bre des cantatrices les plus distinguées qui brillent
lequel j'ai essayé de résumer tout l'art d'écrire et d'ana- maintenant sur les principaux théâtres de l'Europe.
lyser la musique, dans mes traités d'harmonie et du Ajoutons qu'elle y joindra un talent assez rare de bonne
contrepoint. comédieime, au moins dans le genre bouffe. Tant et si
La méthode de M. Kalkbrenner diffère encore de bien on a chanté la cavatine de Rosine, qu'il paraît bien
celles qui ont été publiées jusqu'ici par la partie théo- difficile de s'y faire remarquer aujourd'hui ; et pourtant
rique de l'art de jouer du piano, dont il a fait précéder il est certain que Mme Raimbaux la chante.... oserais-je
les exercices ; elle se rapproche en cela de rexcelicnt dire? eh! pourquoi pas? elle la chante mieux qu'au-
ouvrage que M. Baillot a rédigé pour les classes de vio- cune des cantatrices par qui nous l'avons entendue.
lon du Conservatoire. J'y remarque d'abord un article Moins prodigue d'ornemens que Mlle Sontag, plus soi-
sur les gammes mineures, où les vrais principes de la gneuse de conserver le caractère original de la compo-
tonalité sont exposés contrairement au mauvais usage sition que Mme Mallbran, elle a cependant profité de ce
de la plupart des pianistes français. Les règles et les ob- qu'elle a entendu faire à ces deux virtuoses, et a su ap-
servations sur l'usage des pédales, sur l'expression, sur proprier avec goût à ses propres moyens ce qu'elle leur
le rhylhme et la manière de phraser, sur la manière a emprunté. dans sa manière de rendre ce mor-
Il y a
d'attaquer la note et les modifications du son, enfin, sur ceau quelque chose de complet, de bien dessiné, qui
le doigter et la manière d'étudier, sont d'un artiste qui laisse après soi une impression déplaisir sans mélange.
a étudié sérieusement son instrument, et dont la saga- Dans le duo avec Figaro, elle fait aussi de jolies cho-
cité en a découvert toutes les ressources. Jilles s ront fes mais A la représentation de jeudi elle n'a pas été
;
aussi utiles aux professeurs qu'aux élèves. irréprochable. Soit qu'elle n'eût pas entendu l'orchestre,
A l'égard de ce que M. Kalkbrenner nomme le guide- dominée par l'émotion, elle a chanté lé-
soit qu'elle fût
mains, j'avoue que j'aurais été tenté de trouver quelque gèrement au-dessus du ton. Sans doute ce défaut dis-
exagération dans les avantages qu'il lui attribue, si je paraîtra A une autre représentation, car l'intonation de
n'en avais fait moi-même l'épreuve, et si je n'avais re- Mme Raimbaux est généralement fort juste.
connu, dès le premier essai, la facilité que cet appareil . Lablache, toujours admirable comme acteur, et chan-
donne ù l'articulation des doigts. Cet avantage est si teur plein de goût, a beaucoup amusé l'auditoire par
grand, qu'on ne peut douter du succès qu'il obtiendra, son jeu fin et spirituel.
ni de son adoption par tous les pianistes, aussitôt qu'il Il y avait beaucoup de monde à cette représentation.
sera connu. Eu faisant cette prédiction, je n'oublie pas
ce cas, que le grand talent de M. Kalkbrenner élant le nombre de spectateurs qui se trouvaient dans la salle,
produit de la méthode qu'il indique, servira de réponse on peut conjecturer que la recette n'a pas suffi pour
péremploire à toutes les objctions. Tins. payer les frais. Il est vrai que la composition du spec-
tacle avait peu d'attrait pour le public. Le Retour du
Croisé, vieille parodie d'un genre de mélodrame qui
Nouvelles de Paris. n'ex.isli; plus, Adolphe et Clara, joli opéra que cinq
cents représentations usent depuis trente-deux nns^ la
THÉÂTRE ITALIEN. farce de iVerlher , empruntée au vieux répertoire du
Le BAEBiEa de Séville. — Conlinuaticu ces dcijuts théâtre des Variétés; rien de tout cela n'offrait beaucoup
de Mme Roiiubaux. d'attraits aux oisifs de la capitale: aussi ne se sont-ils
Jl n'y a maintenant plus de doute sur l'ayenir de pas empressés de venir au rendez-vouj que leur avait
REVUE MUSICALE. 371
donné Mlle Félicie. .le ne veux dire quelques mois de Trois débutans se sont montrés depuis quelques jours
celte représenlalion qu'à cause de ses rapports avec la au ihéritrc des Nouveaulés dans le Barbier de Séville :
musique. Mme Clara, M. Milhès et M. Lartique. Il est facile de
11 est vraiment dommage que la voix de Thénard ne voir que Mme Clara n'en est plus aux rudimens de l'art
soit pas d'un volume plus considérable , car il a du fjoût, du chant : à un oigane puissant et flatteur, elle joint une
delà facilité, et il joue avec beaucoup d'inlelligence. grande habitude dans l'emploi des fioritures, qu'elle
Dans le rôle d'Adolphe, il est fort agréable. Les poliles prodigue peut-être un peu trop. 11 ne manque plus à
dimensions du théûlre de la salle des Nouveautés con- celte dame que ce qu'on appelle en langage de coulisses
viennent à ses moyens ; il y a obtenu des applaudissc- des planches; elle a été vivement applaudie, et pourrait
mens mérités. occuper une place très distinguée sur une scène plus
Mme Sallard n'est point une cantatrice, mais elle ne élevée. M. Milhès possède une voix d'un timbre agréa-
joue pas mal ; dans des rôles de comédies à ariettes telles ble, et il a sur la jilirpart des chanteurs du théStre des
<l\i' Adolphe ei Clara, elle peut obtenir du succès. Nouveautés l'avantage d'être bon musicien et d'avoir
Je ne puis cacher à Mlle Pougaud qu'elle a chanté étudié la méthode de chant italien : il a joué également
son air entre deux pièces i peu près de la mCMne ma- avec intelligence le rôle du Barbier. Quant à M. Larti-
nière que les demoiselles qu'on entend aux dislribulions que , il a fait peu de progrès depuis ses débuts à l'Opéra-
Ce talent, Mme Clara Iç possède, et son succès a été un fragment de symphonie à grand orchestre, composé
complet. Cette jeune dame me paraît destinée à briller par M. Le Carpenlicr. Cette composition se fait remar-
un jour sur la scène de l'Opéra-Comique. Sa voix a du quer par de l'originalilé dans les idées , une facture élé-
timbre et de l'étendue, sa prononciation est bonne, il , et beaucoup d'ordre dans les idées. Elle
gante et pure
y a du charme dans son accent; enfin elle possède déjà donne une opinion avantageuse du talent de M. Le
assez de talent pour qu'on puisse juger de celui qu'elle Carpenlicr, et promet de l'avenir à ce jeune composi-
possédera quand elle aura acquis plus d'habitude. teur.
M. Milhès, dans l'air de ténor de l'Italiana in Algert, Le 'talent brillant de M. Herz a obtenu le succès le
a éprouvé l'influence de celte froideur dont je parlais plus décidé dans une fantaisie avec orchestre, composée'
tout à l'heure à l'égard des airs qui ne tiennent à rien et par te virtuose, et exécutée par lui sur un piano nou-
qui sont simplement accompagnés par le jiiano. J'aurai veau à sept octaves. Cet instrument laisse beaucoup à
à parler de ce jeune artiste à propos du Barbier de Sé- désirer sous le rapport de la qualité et de l'égalité des
ville, où il s'est fait entendre le lendemain. sons.
Il y a du talent dans l'ouverture de M. Barbereau. La M. Cuvillon a aussi mérité desapplaudissemens dans
mélodie y domine, elle est élégante; rhar4nonie est bien un solo de violon ; quant à M. Vinit, qui s'est fait en-
écrite, et il y a de l'habitude dans la disposition des effets tendre dans un solo de cor anglais, son exécution est
de l'instrumentiste. Celte ouverture, bien rendue, a été puie, sa qualité de son bonne, mais on désirerait un
applaudi<i. peu plus de chaleur et d'accent dans sa manière de
—Un directeur de spectacle de province est-il embar- p h raser.
rassé de saliafaire aux exigences de son public faute de — Un conccit fort remarquable par le choix des ar-
nouveautés, il monte te Barbier de Séville. Une société tistes qui s'y feront entendre, aura lieu demain, aS, au
d'amateurs veut-elle se donner le plaisir de se barbouil- Ïhéâlre-Ttalien. Pour la partie instrumentale, MM. de
ler de rouge pour jouer un opéra, c'est /eiîar/n'erqu'ellc lieriot et Herz; pour le chant, i\lM. Rubini , Lablache,
choisira au risque de n'avoir ni Barbier, ni Almaviva, MMmes Malibrau, Raimbaux, Tadolini. Qu'on juge de
ni Rosine convenables. Enfin si un ténor ou une chaii- l'aflluence qui se portera à la salle Favart pour jouir de
Uase à roulades débutent, il vous faudra entendre encore celle soirée délicieuse! Dans une telle réunion d'ar-
U Barbier. tislcs, il ne peut y avoir que plaisir, et plaisir des plus
372 REVUE MUSICALE.
vifs pour quiconque n'est point insensible aux effets du Stuttgabd. Les frères Eikhorn, jeunes violonistes
plup puissant de tous les arts. dont âgé que de neuf ans, et dont le plus
l'aîné n'est
— La musique de Robert-te'Diabte vient d'être mite jeune n'est que dans sa septième année, ont donné dans
en vente chez M. Schlesinger; l'empressement du public cette ville des concerts où ils ont excité l'étonnementdes
à se procurer ce bel ouvrage est tel que l'on est obligé artistes et du public par la fermeté et le Oni de leur exé-
de se faire inscrire d'avance chez l'éditeur, les presses cution. L'aîné s'est fait entendre dans des variations de
de l'imprimeur ne pouvant suffire aux demandes réité- Mayseder et de Rode : il a joué aussi avec son frère un
rées. pot-pourri concertant arrangé par Jacobi, et des varia-
seront parvenues, et par le retour du courrier. qué de grandes beautés. Nous donnerons à nos lecteurs
quelques détails sur cette nouvelle production aussitôt
qu'ils nous seront parvenus.
Nouvelles étrangères.
Vienne. La société impériale des amis de la musique
a fait exécuter un service solennel dans l'église des Âu- Bulletin d'Annonces.
gustins ù la mémoire de l'archiduc Rodolphe, son pro.
les clefs, el
SocscKipTioK. Solfèges contenant des leçons sur toutes
lecteur et celui de tous les artistes distingués de l'Autri- à cliaogeoient de clefs, avec accompagnement de basse chiffrée
che. Le Requiem de Mozart avait été choisi pour cette composés pour l'usage des classes du Conservaloire par L. Chémbini
cérémonie. L'exécution a été parfaite, soit sous le rap- Cet ouvrage, qui paraitia dans le courant du 1"^^ semestre de 1832
port du chant, soit sous celui de l'orchestre. contiendra de 160 à 200 pages de musique, et sera marqué 24 fr.
Un flûtiste aussi extraordinaire , dit-on , dans son genre Les personnes qui souscriront d'avauce ne paieront que 1 fr. nei
Vienne : il se nomme Boucher. On assure que l'imagi- On souscrit à Paris , cheî l'auteur, rue du Faubourg-Poissonnière
plus hardie est étonnée des diflicultés qu'il n. 1 9 o V^gencc générale de La musique^ rue du Helder, n. 1 S €i
nation la fait
; ,
plus habiles virtuoses qu'on a entendus jusqu'ici. — Grande valse, ou culilluu pour le piano-forté, dédiée à son am
L'n autre phénomène, Mlle Meyer, se fait aussi ad- Jean Payer par Isidore Milhès. —4 fr. SO c.
mirer sur la flûte. Après avoir donné des concerts à Ve- L'Habitude, chansonnette, mise en musique et dédiée à Mme Cinli-
L'affreuse maladie dont il est question a causé la mort Rue du Helder, n" i3.
Condit
REVUE MUSICALE.
374
TA
Aiig:ustin Agazzari. Les écrits de ceux-ci sur celte ma blables. C'est celte seconda prattica qui sert de fonde-
tière ne sont point connus aujourd'hui, mais ils sont ment aux ouvrages théoriques de Berardi', de François-
cités par Bancliieri [Modernapraiicn,\mTpr'\méeen 16 1 5). Marie Angeli', et d'un petit nombre d'autres écrivains.
Au reste, ces musiciens ont moins contribué i\ répandre La littérature musicale s'appauvrit à mesure que l'art se "
que Galeazzo Sabhatini, inventeur de lu règle de l'oc- Si nous considérons maintenant la nouvelle division
tave, c'est-à-dire de la classification des accords appar- des écoles, nous la trouvons dan» le dix-septième siècle
tenant à la gamme ascendante et descendante: car c'est beaucoup plus tranchée que dans les siècles précédens.
cette règle qui a servi de fondement i tous les systèmes En effet, l'école romaine conservait une certaine sévé-
d'harmonie inventés depuis le temps où Sabbalini pu- rité, une pureté de style que n'avaient plus les autres,
blia son invention dans l'ouvrage qui a pour titre Re- : lille devait cet avantage à l'existence de la chapelle pon-
gala facile , et brève ,
per suonare sopra H basso continua tificale, où les musiciens entendaient sans cesse les com-
iiell' organo, monocordo , attro simile strumento. Dalla positions de Palestrina, d'Agostini, et des autres grands
quale in quesia prima parie ciascuno da se potrà imparare maîtres du siècle précédent. Il n'en était pas de même
da i primi principii qucllo che sara necessario pcr simil ef- des autres écoles, La tradition ne s'y conservait pas avec
felto. Venise, 1628, in-/|". le même soin; chaque professeur y introduisait sa mé-
A peine eut-on imaginé de considérer l'harmonie dans thode et ses idées particulières. Dans l'école de Naples,
des élémens isolés tels que les accords, au lieu de s'ap- par exemple , h; dernier auteur qui avait écrit selon les
pliquer aux règles de succession , comme on l'avait fait principes des anciens contrapuntistes était Ceretto ';
jusque là, qu'on vit s'établir un préjugé dont l'effet s'est après lui, l'art déclina sensiblement, et l'école finit par
fait sentir long-tomps dans les études musicales, et qui s'anéantir au point que Scarlatli fut obligé d'aller à
en a altéré la pureté. Ce préjugé consistait à considérer Rome étudier sous la direction de Carissimi, à défaut
l'étude des accords comme celle de l'art d'écrire, tandis de maître n.ipolitain. Rien de moins pur que les exem-
qu'elle n'est et ne peut être utile qu'à l'accompagne- ples donnés par Jean-Marie Bononcini , dans son Mu-
ment. Il résultait de celte étude une certaine facilité sico prattico Le livre de ce musicien et ceux de Be-
''.
d'apprendre en peu de temps, à enchaîner des harmo- rardi donnent une idée juste de l'état de la science du
nies peu correctes, mais dont l'effet n'était pas dès- contrepoint dans l'école de Bologne ; les Regole del
agréable à l'oreille. Les Italiens donnèrent à cette nou- conirapunto e délia musicale composizione , de Camille
velle méthode le nom de seconda prattica pour la distin- Angleria % et le Primo scalino délia scala di conirapunto
guer de la première, qui était fondée sur l'étude du de Scalelta ', font apercevoir une décadence progres-
contrepoint. Celle-ci s'altéra sensiblement, et les efforts sive dans celle de Milan et de la Lombardie; mais de«
de quelques musiciens savans ne purent conserver à différences très notables dans l'application des principes
leur école les avantages de Xa. prima prattica, par laquelle de l'époque se font remarquer entre ces divers ouvra-
s'étaient formés tant de grands musiciens. L'école ro- ges, et prouvent qu'il n'y avait plus d'unité de doc--
maine comptait encore d'habiles contrapuntistes, tels trine pour l'art d'écrire le contrepoint. Dans les ou-
que François Soriano , Jean-François Anerio , Abbatini vrages des contrapuntistes napolitains, une tendance à
et quelques autres, et les maîtres conservaient au style la forme des mélodies modernes indique le commence-
de la musique d'église la facture élégante et sévère des ment de ce genre gracieux qui s'est développé par la
anciens compositeurs; mais la décadence se fit bientôt suite dans les productions même scientifiques de Léo,
apercevoir dans les écoles de Naples, de Bologne et de
la Lombardie. Dès qu'on ne fut plus en état d'apprécier (1) C'est surtout dans le livre qui a pour titre : Document! armo-
les avantages de la simplicité de l'ancien contrepoint, nicïy nelU quall con varil d'tscorsl , regole ed\esempil si dimostrano
on se jeta dans des recherches puériles de formes pédan- gli stud'ù artificiosi dclUi musica , oltre il modo di usare le ligature , «
de Feo, de Durante et de Pergolèse, ainsi que la liberté basso coiillnuo per l'organo , et con un allro hasso parlico-
de licence dans la résolution de certaines harmonies, lare per lo maestro di cappella e per sonare sopra esso il vio-
qui est le cachet des maîtres de cette école. L'école de lone accompagnato con altri instrumenii; Venise, 1G16.
Bologne se distingue à cette époque par le goût des re- Après cet ouvrage, qu'on peut considérer comme un
cherches de formes qui contraste avec l'incoiiection monument curieux de la musique d'église accompagnée,
dans la disposition des parties. Plus simple, l'école lom- on trouve les messes concertées à huit voix de Camille
barde' n'affecte point ce pédantisme de compositions Coitellini, surnommé il violiiio, lesquelles furent impri-
conditionnelles; mais un relâchement sensible dans la mées à Venise en 1626. Dans la préface de cette collec-
marche des parties gâte cette simplicité, qui d'ailleurs tion, on lit le passage suivant : « La messe in Domino
rappelle la manière des anciens maîtres. Telles sont les « confido a le gloria concerté. Dans les endroits où les
différences qui, dans le cours du dix-septième siècle, « paroles seront en gros caractères, le chanteur chantera
marquèrent la division des écoles de composition en « seul ; et dans ceux où seront les lignes, les trombones
Italie. B et autres semblables instrumens joueront seuls \ »
Pendant une période de plus de cent cinquante ans, la Ainsi, dès le commencement du dix-septième siècle,
musique d'église avait été le genre que les compositeurs musique d'église accompagnée, non-seule-
voici de la
avaient traité de préférence. Ils ne le concevaient pas ment par des violes, qui étaient les instrumens en usage
comme on l'a fait depuis, c'est-à-dire comme un ta- à cette époque, mais par des trombones et autres instru-
bleau dramatique dessiné d'après le sens des paroles; mens semblables; voici donc les effets de l'instrumen-
car, après avoir été un mélange ridicule et scandaleux tation qui viennent partager l'attention avec les formes
de chansons profanes ou même obscènes et de textes de la musique en elle-même. Le résultat inévitable de
sacrés, la musique d'église avait acquis dans les travaux ce partage devait être de faire négliger l'art d'écrire pour
de Picrlouis de Palestrina et de quelques autres maîtres la recherche des effets, du coloris musical; c'est en effet
de l'école romaine un style grave et religieux qui paraît ce qui eut lieu dans l'école vénitienne, tandis que les
être le plus convenable pour l'usage auquel elle est des- maîtres de la chapelle Sixtine, de Saint-Jean-de-Latran
tinée. A l'époque dont il s'agit, la musique de chambre, et de Sainte-Marie-Majeure conservaient la gravité de
composée de madrigaux et de chansons françaises, vé- l'école romaine.
nitiennes ou napolitaines, participait du style ecclésias- C'est peut-être ici le lieu de faire remarquer l'ana-
tique, c'est-à-dire des formes du contrepoint, du canon logie qui se rencontre entre l'histoire de la peinture et
et de l'imitation fuguée. Tout portait donc uniquement celle de la musique en Italie. C'est aussi à Rome que
les compositeurs vers l'étude des formes sévères et sco- Léonard de Vinci, Michel-Ange, le divin Raphaël et son
lastiques , et l'on ne doit pas s'étonner qu'ils y eussent élève Jules Romain conservaient la pureté du dessin
acquis beaucoup d'habileté. Je viens d'indiquer une des la noblesse de la composition et l'élévation du style, et
causes qui amenèrent la décadence de la partie scienti- c'est à Venise que le Titien, les Véronèse, le Tintoret et
fique de l'art que ces maîtres avaient portée à un haut le Bassan trouvaient la magie du coloris.
point ds perfection ; il m'en reste deux autres à déve- la dernière et peut-être la plus puissante des causes
lopper qui n'exercèrent pas moins d'influence sur cette qui amenèrent la décadence du contrepoint et de l'art:
altération de l'art d'écrire. d'écrire fut l'invention du drame musical. Emilio del
La première est l'introduction des instrumens dans Cavalière, noble romain, partage avec les maîtres des
l'église, dont on aperçoit les premières traces vers le écoles vénitienne et florentine la gloire d'avoir créé ce
niilieu du seizième siècle, mais qui prit surtout de l'im- genre et d'y avoir jeté des traits de génie. Sa pastorale
portance au commencement du dix-septième. Les pre- il Satiro, représentée en iSgo; la Disperazione di Fileno,
miers essais du mélange des voix aux instrumens qui dans la même année; il Giuoco délia cieca , en i5g5, et
méritent d'être remarqués, sont l'ouvrage d'Emitio det l'opéra la Reppreseniazione di anima c di corpo, exécuté au
Cavalière ; mais ceux-là furent faits sur des espèces de mois de février 1600, contiennent des passages pleins
drames ou dans des pièces de musique de chambre. d'originalité et d'invention; mais peut-être il Cavalière
Romano Micheli, maître de chapelle de la cathédrale de n'aurait-il jamais songé à écrire dans ce genre de mu-
Concordia, fit l'application de cette nouveauté à la mu-
sique d'église, dans des compiles à six voix. Le titre de ( 1 ) La niessa in Domino confido ha la giorla concertata ,• et dove
cet œuvre est digne d'attention ; le voici : Compléta a sei saranno le lellere grandi il cantare canterà solo ; et dove saranno le
voci con ire tenori , conceriata ail' uso moderno , wn (7 linea II tromhoni e altri simili stromentî soneranno soli.
376 REVUE MUSICALE.
siquc, s'il n'eût vécu long-temps à Florence, et s'il connaît pas. Ce n'est pas un Tulou sur la flûte, un
n'eût été nourri des idées qu'il avait puisées dans la so- Gallay sur le cor, ni un Berr sur la clarinette; mais il
ciété des Bardi, des Galilée, de Jacques Perti et de Jules embouche tout cela proprement, et son intelligence
Caccini. Quoi qu'il en soit, les compositeurs de l'école supplée au talent qui lui manque. Jeté sur la terre pour
romaine ne suivirent point la route que le Cavalière leur acheter par un travail obstiné une existence chétive, sa
avait ouverte ; il était réservé aux maîtres de l'école condition ne lui a jamais inspiré de regrets et n'a pas
florentine, et surtout à ceux de l'école vénitienne, de diminué sa gaîté naturelle. Long-temps il suivit le
donner au genre qu'ils avaient inventé une popularité mouvement de nos armées, parcourut l'Europe en
qui nuisît de plus en plus à la musique d'église, au soufllant des marches ou des pas redoublés, conser-
genre madrigalesque, et, par suite, i la science du con- vant sa passion pour la musique dans l'exercice d'un
trepoint. Dès qu'on eut remarqué la puissance de l'ex- métier qui aurait dû l'anéantir, et profitant de ce qu'il
pression dramatique inhéreatc ù la musique, toutes les saisissait de bon dans ses courses rapides pour retrem-
idées se tournèrent vers celte nouveauté, et les recher- per son goût et augmenter ses lumières.
ches purement scientifiques perdirent de leur intérêt. Après les temps de gloire, vinrent ceux des revers
Une séparation plus marquée entre l'école romaine, pour les héros de la France les rives de la Loire repu-
;
grave et sévère, l'école bolonaise, pédante et engagée rent les débris de ces bandes long-temps invincibles
dans une direction de fausse science, et les écoles de dont les drapeaux avaient flotté sur celles du Danube
Florence et de Venise, livrées à la recherche d'effets et de la Moskowa ; ces débris inspiraient encore la ter-
indépendans de l'art d'écrire, cette séparation, dis-je, reur; il» furent dispersés, et le pauvre Bernard, habi-
devint de plus en plus sensible à mesure qu'on avança tué dès long-temps ù l'insouciante imprévoyance de la
dans le dix-septième siècle. Un dernier article fera voir vie militaire, se vit tout à coup obligé de songer â l'a-
comment toutes ces écoles sont arrivées de nos jours à venir; lui, qui jamais ne s'était occupé du lendemain.
un état d'anéantissement complet. Que faire? Où aller? Que devenir? Voilà ce qu'il se
FÉTIS. demandait un matin, assis sur le penchant d'une colline
qui dominait une petite ville située dans un riant pay-
sage. Il s'y reposait depuis quelque! heures d'une mar-
LE HUSICIEN DE PROVINCe.
che entreprise sans dessein , sans but , uniquement parce
Dans une petite ville de France existe un homme qu'il fallait aller quelque part pour arriver à quelque
actif, intelligent,modèle des musiciens de son espèce chose. Une clarinette attachée sur le sac qui reposait
et providence des plaisirs de l'endroit. Avant que le ha- sur ses épaules ; une flûte dans sa poche et quelques
sard l'eût conduit dans ce lieu, le violon du ménétrier pièces de mionnaie dans sa bourse de cuir étaient tout
était la seule musique qui eût jamais frappé l'oreille des ce qu'il possédait au monde. Pour la première fois , ses
liabitans. L'église n'avait point d'orgue; le serpent n'ac- idées étaient mélancoliques; son cœur, oppressé du
compagnait même pas la languissante psalmodie du poids de l'incertitude , ne jouissait point du tableau pit-
chantre de la paroisse. On n'aime guère que les choses toresque qui se déroulait à ses pieds, ni de la beauté du
dont on a l'habitude ; aussi l'indifférence des citoyens jour qui l'éclairait. Tout à coup il se décide : « A quoi
de la petite ville dont il s'agit était-elle complète à l'é- « bon aller plus loin, dit-il? il ne se peut que dans le lieu
gard de cet art qui a fait la gloire de Haydn, de iMo- « que je vois d'ici il n'y ait place pour uu homme de
zart et de Beethoven. Une vie tranquille , mais triste, « plus. J'y vois un clocher, donc il s'y trouve une
uniforme, et qui devait laisser peu de regrets lorsqu'on « église : j'en puis être le chantre ou l'organiste ; une
la quittait, était celle qu'on menait en ce lieu. L'aspect « guinguette : j'en deviendrai le ménétrier ;
quelques
pittoresque du pays, sou ciel pur, étaient même sans • jeunes gens désireux de savoir la musique : je serai
harme pour des esprits rétrécis par des usages mono- « leur maître et sans doute leur ami, car je suis l'ami
tones. L'arrivée d'un seul homme, de notre musicien, " de tout le monde. Allons, du courage ! il y aurait
vint uu jour animer cette existence jusque là sans émo- « bien du malheur si l'on me repoussait : d'ailleurs, il
tion , et mettre en verve une population jusqu'alors <• faut bien essayer; autant vaut que ce soit ici qu'ail-
apathique. leurs. » Cela dit, il descend dans la ville, et pressé
Né pour tout apprendre avec facilité, M. Bernard, par la faim, il entre dans l'auberge dont l'apparence lui
( c'est le nom du musicien ) sait jouer de plusieurs ins- paraissait le mieux d'accord avec la légèreté de sa
truniens; au besoin, il essaie même de ceux qu'il ne bourse.
REVUE MUSICALE. 377
Partout les aubergistes sont curieux et bavards; ce- roisse; si bien ils firent que le pasteur eut enfin le plai-
|
lui qui reçut le pauvre musicien ne dérogeait point à la sir d'entendre l'instrument dont son oreille était friande,
règle: il sut bientôt le nom, la profession et les projets et les doigts de Bernard se promenèrent sur le clavier
de son hôte , et celui-ci ne farda point à connaître les d'un positif avec autant d'assurance que s'il eût été
ressources négatives de l'endroit où il se trouvait. Point l'élève de Kittel ou de Rink. Cet homme singulier de-
d'amateurs de musique, point d'emploi de chantre, vinait la musique. Jamais il n'avait appris les premiers
d'organiste, voire même de bedeau qui fût vacant; pas élémeus du mécanisme des doigts sur le clavier; les
même de contredanses à jouer ; rien enGn qui offrit règles de l'harmonie étaient pour lui lettres-closes , il
quelque ressource au musicien de régiment. Que n'était- n'avait jamais lu de plain-chant, et le service militaire
il maître d'école ! il en manquait dans la ville. Maître lui était plus familier que les cérémonies de la messe;
d'école! attendez-donc, dit-il, je le puis être. Je sais toutefois il sut bientôt tout ce qu'il fallait savoir pour ne
lire, écrire, et même je possède quelque notions d'a- point troubler l'office, pour improviser des versets et
rithmétique. Autant vaut être maître d'école que pro- pour ne pas blesser l'oreille des assistans.
fesseur de musique : qui sait même si je ne parviendrai Partout où se trouve un organiste, il y a des jeunes
pas à faire aimer cet art à mes élèves, et si je n'en ferai filles qui apprennent à jouer du piano. Jamais instru-
pas des musiciens ! Préoccupé de cette idée, il prie son ment de cette espèce n'avait paru dans la ville dont no-
ami l'aubergiste de faire quelques démarches en sa fa- tre musicien faisait les délices ; mais la fille du sous-
veur : bref, le voilà devenu le pédagogue des marmots préfet, de retour de Paris , où son éducation avait été
de l'endroit, qui apprennent de lui ce que c'est que la faite dans un pensionnat en vogue, fit entendre cet
gamme en même temps que la croix-de-par-Dieu. Sa instrument à quelques administrés de son père. Ce fut
gaîté, sa bonhomie le rendent cher à ses élèves; dès pendant un mois le sujet de toutes les conversations.
lors l'instruction devient facile, et bientôt les musiciens Point de bourgeoise un peu huppée qui ne désirât un
pullulent là où le nom de musique était à peine connu piano pour sa fille; les pères faisaient la sourde oreille;
naguère. mais l'amour-propre de ceux qui jouissaient de quelque
Des enfans , le goût passa aux parens pour un art qui aisance finit par être de la partie, et Bernard, à toutes
éveillait en eux des sensations inconnues. On ne par- ses fonctions, ajouta celle de maître de piano, celle
laitque du maître d'école qui donnait à ses élèves des d'accordeur et parfois celle de facteur, lorsque quelque
talens sur lesquels on n'avait pas compté et pour les- accident dérangeait le mécanisme de l'instrument. De
quels on ne le Chacun le rechercha, s'en fit
payait pas. plus, comme il n'y a guère de piano quelque part dont
un ami , et Bernard devint l'homme indispensable on ae veuille accompagner des romances, il fallut qu'à
l'ame de toute les fêtes. Après avoir écouté sa flûte, toute force il fût encore le professeur de chant de toutes
son cor et sa clarinette, on voulut l'imiter, et les élève» les demoiselles, qu'elles eussent de la voix ou qu'elles
lui vinrent en foule. La garde nationale de l'endroit n'en eussent pas.
n'avait point de musique, le maire en voulut une pour Avec une musique de garde nationale et des demoi-
mettre à profit le talent des nouveaux virtuoses. Voilà selles qui chtinient, on peut avoir des concerts. Cela
donc l'heureux Bernard devenu le chef de cette musi- vint un jour à l'esprit de monsieur le maire , fort dési-
que, et enseignant à la fois à jouer de la flûte, de la reux de multiplier les plaisirs dans sa commune, et de
clarinette , du cor, du basson , de la trompette , du ser- prouver ainsi sa haute capacité et la profondeur de ses
pent et du trombonne, dirigeant les répétions, donnant combinaisons administratives. Il n'avait point songé aux
des sérénades aux autorités , accompagnant la proces- violons ni aux basses, sans lesquels il ne peut y avoir de
sion, et malgré tant de travaux, ne négligeant point symphonie ; mais Bernard eut bientôt levé ces diflicultés.
son école. Il ne lui paraissait pas plus diflîcile de former des vio-
Ce n'est pas tout. Il était pénible au curé de rentrer lionistes que des chanteurs et des pianistes , ou de jouer
à l'église, après une procession solennelle où la musi- de l'orgue sans l'avoir appris. Le voilà donc raclant
que de la garde nationnale l'avait accompagné, sans tantôt sur un violon, tantôt sur une basse, jouant faux
que les sons de l'orgue répondissent à son intonation du tandis qu'il demandait à ses élèves de jouer juste , et ce-
Te Deutn. Autrefois il n'y songeait pas, mais maintenant pendant leur faisant faire d'assez rapides progrès par la
cette idée l'occupait sans cesse. Or, les désirs du curé confiance qu'il leur inspirait, son enthousiasme et sa
sont des lois pour ses Ouailles; les membres du conseil bonne humeur. Bref, il y eut un concert dans la ville ;
municipal étaient presque tous marguilliers de la pa* concert dont il fut l'ordonnateur, le chef d'orchestre , la
378 REVUE MUSICALE.
contrebasse ; concert où i! jouait au besoin les solos sur à peu près certain de trouverdansdes solennités de cette
tous les instrumens, et même où il chantait la basse nature, rien n'a manqué, pas même l'inévitable discours
Dieu TOUS garde d'entendre les canceits que dirige Nous n'avons ni la folie ni la prétention de faire un
Bernard , son orgue, sa musique de garde nationale, ses examen critique de cette soirée; bien au contraire, en-
pianistes et ses chanteurs; pourtant, vous tous qui dé- chantés que nous sommes de l'établissement d'une ins-
sirez que la musique fasse des progrès dans le goût de la titution qui ne peut qu'avoir d'heureux résultats pour le»
nation, faites des vœux pour qu'il y ait en beaucoup de arts et les artistes, nous prions toutes les personnes qui
lieux des musiciens comme celui-là. Car, il ne faut pas composent l'Athénée dramatique, président et secrétai-
vous le laisser ignorer, les trois quarts de la France ne res, chanteurs et cantatrices, musiciens d'orchestre et
sont pas plus avancés dans la culture de cet art que ne sociétaires fondateurs ou non, de recevoir ici l'expres-
n'y entend point de musique, parce qu'il n'y a point de musicien, grâce à l'Athénée musical, a pu obtenir sans
maître pour l'enseigner, et il n'y a point de maître parce trop grande peine d'habiles artistes pour exécuter ses
qu'on n'y fait point de musique : c'est un cercle vicieux. premiers essais; un public choisi et bienveillant pour les
Dans les petites villes où il y a un musicien, l'histoire entendre et les juger, sont deux choses, comme le savent
de celui-ci est à peu de chose près celle de Bernard. les artistes, bien difficiles à trouver réunies; non moins
Comme Bernard, il faut qu'il soit, sinon le maître d'é- heureux, lesjeunesauteurs dramatiques, soit poètes, soit
musique qu'il fait exécuter en raison de la force des exé- montré plus qu'on n'était en droit d'exiger. Le spectacle
cuteurs, euDn qu'il soit le centre d'activité de tout ce se composait , il est vrai , de deux vieux opéras du vieux
qui a quelque rapport àla musique, et qu'au milieu des répertoire de Feydeau; mais l'exécution faite con anxort
dégoûts qui Tassiégent, il conserve quelque reste d'a-r nous promet une réunion d'amateurs fort remarquables,
mour pour son art. et nwis a mis à même de placer déjà hors ligne Mlle To-
Si du moins tant de travaux procuraient quelque ai- méoni qui ne montrepas moins devocation pour la scène
sance à ces hommes si laborieux! Mais non; douie ou que pour le chant. Celte première épreuve lui a été assez
quinze cents francs sont le produit annuel d'un travail favorable pour l'engager à travailler sérieusement, et
qui ne cesse jamais ; somme à peine suffisante dans des pour lui montrer en perspective une carrière brillante.
Comique. La séance d'inauguration a eu lieu, le mardi chasser jusque dans la salle Chantereine, c'est aussi par
ay, dans la salle de la rue Chantereine. Société nom- trop dur. Certes, M. Hugo a eu le tort irréparable de
breuse et choisie, indulgence chez les auditeurs, zèle et faire la ronde du sabbat; mais était-ce bien le moment de
bonne volonté chez les acteurs, enfin tout ce qu'on est rappeler ce méfait? C'est sans doute une distraction de
REVUE MUSICALE. 379
M. Dumarsais, car je suis bien sûr qu'il n'y a pas plus M. Dérivisa fait de notables progrès depuis quelques
de malice dans les intentions que dans les vers. mois. Sa voix a acquis plus de valeur et de facilité. Les
DE LA SOCIÉTÉ DES ARTS LIBIAES. éloges à Mlle Camoin : les progrès de cette cantatrice
sont en sens contraire à ceux de M. Dérivis; elle fait
Concert du 25 décembro. des pas rétrogrades. Son intonation est fausse la plu-
part du temps, et la vocalisation souvent défectueuse.
La Société des Arts libres a décidé qu'elles s'assem-
blerait chaque année en séance solennelle, pour rendre Mlle Camoin pouvait prétendre à d'honorables succès;
mais elle a voulu cueillir trop tôt les fruits de ses études,
compte de ses travaux. A cette époque les peintres ex-
posent leurs tableaux, les sculpteurs leurs statues, et M. Cambon a exécuté assez bien quelques romances.
les musiciens font entendre leur musique. Ces derniers Si son talent avait plus d'originalité, plus de physiono-
pour cela qu'un local est fourni aux peintres et aux sculp- entendre dimanche.
teurs pour l'exposition de leurs ouvrages; c'est pour Maintenant que chacun a eu sa petite part de critique
cela aussi qu'une salle de concert est attribuée aux mu- et d'éloge, il ne me reste qu'à signaler l'effet général du
siciens. Mais que dirait-on à un peintre s'il apportait à concert qui a été fort brillant ; les applaudissemens n'ont
,
présenterait que l'effet de pareils ouvrages est assuré P. S. J'allais oublier la flûte, qui a joué faux à faire
qu'ils n'ont pas besoin de protection pour trouver les plaisir dans l'ouverture de M. Bienaimé.
moyens de se produire, puisque les portes de tous les
— Anna Balana, opéra de Donizelti, dont les repré-
musées leurs sont ouvertes. sentations avaient été interrompues par le départ de
Pourquoi donc admettre au concert des morceaux de Mme Pasta, vient d'être repris pour la continuation des
Rossini, de Mercaclante,e\.c...? Sonl-ce là des productions débuts de Mme Schrœder-Devrient. Ce rôle est uu de
à quoi bon employer actrice dans le répertoire du Théâtre italien : son talent
pupitres , à la répéter une fois
siteurs ont un jour dans l'année? Une musique nouvelle, mais soit défaut de confiance dans ses propres forces,
composée pour cette solennité, doit être seule admise à soit que le souvenir du talent admirable de Mme Pasta
figurer dans le concert annuel de la Société des Arts li- lui ait nui, elle n'a pas produit dans les scènes princi-
bres, ou le but de l'institution est manqué. pales l'effet qu'on espérait. L'articulation de la langue
M . Bienaimé a fait exécuter une ouverture de sa com- italienne, qui est un grand moyen d'expression, lui
mens, qui n'appartiennent pas à un élève inexpérimenté. Rubini'et le talent profond de Lablache.
qui a été fort mauvaise. La pièce a été retirée après une 4. Sicilienne chantée par MM. Nourrit, Levasseur et chœur. —
seule représentation, et l'administration, qui n'avait 4 fr. 60.
point d'autre ouvrage préparé , s'est trouvée dans la né- O fortune ! à lou caprice.
ibis. La même, arrangée à une voi.\.
cessité de lui faire succéder l'ancien Beggar's opéra, dans
lequel Mme Wood (autrefois Miss Paton) a joué le rôle
K. Air ahanlc par Mme Damoreau. — 6 fr.
En vain j'espère.
de Polfy, et son mari celui de Macheatli. On reproche à
—5
6. Duo chanté par M. Nourrit et Mme Damoreau. fr.
Mme Wood d'avoir altéré le caractère de l'ancienne mu- Avec bonté voyez ma , peine.
sique de cet opéra en la chargeant d'ornemens. 7. Quatuor du touruoi , sans accompagnement. —6 fr.
et qui, bien qu'assez gracieuse, manque complètement 9. Duo bouffe, chaulé Par MM. Levasseur et Lafont. —7 f. SO.
Ah! l'honnête homme.
de force et d'invention.
M. RophinoLacy a reproduit l'ouvrage en entier. Le vieux 12. Duo chanté par M. Levasseur et Mlle Dorus. —S fr.
chanteur Bruhamya joué lerôle du marquis de iSaHCar/o. Mais, Alice, qu'as-lu donc?
bibliothèque qui a été dans la possession de Handel. 18. Évocation chaulée par M. Levasseur. —3 fr.
{ 216,725 francs). Dans cette somme considérable, les Qu'elle est belle !
Grand dieu !
—
L'ouverture des théâtres italiens pour la saison du Malheureux, malheureux.
Carnaval a eu lieu le 26 décembre dernier; plusieurs 20. Prière chantée par M. Nourrit et chœur. —7 fr. 50.
opéras nouveaux ont dû être représentés à Milan, à Ve- Ils frappaient mon oreille.
nise, et dans quelques autres villes de primo-cartello. 21 Air chanté par M. Levasseur. —4 fr. 80.
Après l'invention de l'imprimerie , vers le milieu du habiles de ce temps, sous le titre de Canti ctnto cin-
quinzième siècle, la typographie fit de rapides progrès quanta. La difficulté la plus grande que ce typographe
en Allemagne, en France et en Italie, non-seulement avait eu à surmonter était la même qui s'est reproduite
dans le mécanisme des caractères latins et gothiques, jConstamment depuis lors dans tous les essais de perfec-
mais aussi dans celui du grec et de l'hébreu. Avant i48a, tionnement qu'on a tentés, c'est-à-dire l'impression des
les textes originaux de la plupart des poètes, des histo- lignes de la portée, sans solution de continuité, combi-
riens et des philosophes de l'antiquité, ainsi que celui née avec les signes qui doivent être placés sur ces li-
de la Bible, avaient été publiés, et les plus grandes dif- gnes '. Mais, quelles que fussent les recherches d'Octave
ficultés de la gravure et de la fonte des caractères avaient Petrucci pour cet objet, il ne put vaincre les obstacles
été vaincues.
qui s'offraient à lui ; comme la plupart des typographes
chèrent point à les vaincre. De là vient que les compo- ancien monument de cet art me paraît être l'ouvrage de Nicolas Wol-
musiciens qui se rendirent célèbres lick, intitulé Opits aureum musice castigatissimum de Gregoriana et
sitions de tous les
figurativa atqiLe contrapuncto simplici per commodo tractans etc, Co-
jusqu'au commencement du seizième siècle restèrent en ,
/^
382 REVUE MUSICALE.
qui s'occupèrent ensuite du même objet, il fut obligé de ractères mobiles i Paris ne remonte au-delà de 1529.
graver avec le type de chaque signe de notation un frag- Quoiqu'il en soit, il est vraisemblable que les carac-
ment de la portée, laissant aux ouvriers imprimeurs le tères employés par Attaignant furent ceux de Pierre-
soin d'assembler ces fragmens de manière qu'ils présen- le-Hutin.
tassent à l'œil des lignes à peu près continues. A cette Nicolas du Chemin et Adrien Leroy, successeurs de
époque, la simplicité de la musique rendait moins sen- Pierre Attaignant, imprimeurs de musique à Paris, bons
sibles les inconvéniens de ce mode d'impression qu'ils musiciens et éditeurs d'un grand nombre de recueils
ne l'ont été lorsque les combinaisons de l'art ont été de chansons, de motets et de messes, perfectionnèrent
plus compliquées. Plusieurs autres collections publiées les types et donnèrent aux ouvrages qui sortirent de
par Petrucci furent imprimées par les mêmes procédés leurs presses une forme agréable, sans pouvoir toute-
et avec les mêmes types. fois améliorer le principe de leur combinaison typo-
En i5o8, un certain Jean de Montona obtint du pape graphique.
Léon X un privilège pour l'impression de la musique Ces types de Nicolas du Chemin et de Leroy furent
dans les états romains, par des procédés dont il s'attri- généralement adoptés en France , en Allemagne et
buait l'invention, mais qui ne différaient pas de ceux de dans les Pays-Bas. C'est avec eux que Jérôme Graf im-
Petrucci.Le premier emploi de ses types eut lieu dans prima à Nuremberg, en i53y, la collection qui a pour
une collection de messes composées par Brumel, Jos- titre: Novum et insigne opus musicum, etc. ,
que Jean
quin-des-Prez, et quelques maîtres célèbres de cette Petreius, imprimeur de la même ville, donna les diffé-
époque (Rome, i5o8, in-fol.). L'aspect de cette musi- rentes éditions du livre de Sébald Heyden ( de Arte
que diffère peu de ce que Petrucci avait imprimé jusque Canendi etc. ), et que Henri Pétri donna à Bâie le Do-
là. Tel était l'état d'imperfection des lignes de la portée decachordon de Glarean ainsi que plusieurs autres trai-
dans oes premiers essais de l'impression de la musique tés de musique; enQn ce sont ces mêmes caractères
par les caractères mobiles, que Conrad Peutinger, édi- dont se sont servis Rrugstein à Augsbourg, George
teur d'un recueil de motets à cinq voix, publié à Augs- Rhaw à Wittemberg, Tilleman Susato à Anvers, et
bourg en iSao , préféra faire graver tout ce recueil sur Rodolphe AVyssenbach à Zurich.
des planches de bois. La famille des Ballard qui vint ensuite, , se servit
En i523, Jacques Junte imprima i Florence un livre d'abord des mêmes caractères. Cette famille, qui jouit
de Frottole (chansons italiennes) composées par Mar- seule du privilège d'imprimer en France de la musique,
chetto et Sébastien Festa ; mais les caractère? employés se perpétua de génération en génération pendant deux
dans cette impression sont évidemment ceux de Pe- siècles et demi. Le privilège exclusif qui lui avait été
musiciens français immortalisés par Rabelais dans son gravure des poinçons, la forme des caractères pour l'im-
Pantagruel. Dans ces recueils , imprimés en caractères pression de la musique était toujours à peu près sem-
gothiques, les lignes de la portée se composent aussi de blable dans le seizième siècle : un seul typographe lit
fragmens adhérens aux signes de la notation ; mais elles une innovation complète dans le système de la nota-
ont un aspect plus satisfaisant que dans les recueils ita- tion imprimée; et cependant, par une singularité re-
liens dont j'ai parlé précédemment. marquable, il est le seul dont Forkel et M. R. G.
'
Fournier,dans son Traité hisloriqne et critique sur l'ori- Riesewetter " n'ont point parlé. Ce typographe est
gine et les progrés des caractères de fonte pour l'impression Robert Granjon. Non-seulement il fut le premier qui
de la musique (Paris, 1765, io-4'' ), attribue la gravure imagina d'arrondir en partie les notes au lieu de leur
des premiers types employés d'abord à Paris à un ar-
tiste nommé Pierre-le-Huiin ou te-Haulin, et il fixe
(1) J/lgem.Cescli.dermusik,l.lI,f.Sl9etsuv/..
l'époque des travaux de ce graveur à l'année j525;
(2) Die verdiensle derniederlœndcr um die tonkunsl, etc. {Die in-
cependant aucun ouvrage d'.' musique imprimé en ca- cimabeln d<;s Noiendruckes). 91-101.
p.
REVUE MUSICALE. 383
donner la forme du lozange , comme on l'avait fait jus- depuis le douzième siècle; mais cette forme avait fait
qu'à lui, mais il supprima toutes les ligatures et les place aux caractères ronds dans la musique manuscrite;
signes de proportions ,
qui rendaient alors la musique néanmoins les Ballard conservèrent les anciens losanges
fort difficile i lire et à exécuter, de telle sorte qu'il ré- dans leurs nouveaux type», ce qui donna un aspect
duisit toutes les valeurs de temps à la division binaire; suranné aux ouvrages qu'ils imprimèrent, et h5ta l'a-
simplification qui aurait du assurer le succès des livres doption de la gravure pour toute espèce de musique.
publiés par Granjon, et qui paraît au contraire leur Toutefois, pendant qu'on s'obstinait en France à con-
avoir nui; car bien qu'il eût obtenu un privilège pour server ces vieilles formes , on en adoptait de meilleures
plusieurs années, il ne paraît en avoir fait usage qu'en en Allemagne el en Angleterre. Le Whole Book of
iSSg. Les livres qu'il publia dans cette année ont pour Psalins de John Playford ,
publié à Londres par "William
titre : i° Premiertrophéedemusique, composé des plus har- Pearson, au commencement du dix-huitième siècle ,
monieuses et excellentes chansons choisies entre la fleur et estimprimé en notes rondes, dont les types sont aussi
composition des plus fameux et csccellens musiciens tant gravés avec des fragmens de la portée. Dans quelques
anciens que modernes , le tout d quatre parties , en quatre parties de l'Allemagne et de l'Italie, les caractères de
volumes. 2° Second trophée de musique etc. '. 3" Chan- musique à la manière des Ballard furent conservés plus
sons nouvelles composées pan Barthélémy Beaulaique , ex- long-temps : on en voit encore l'emploi dans le livre
cellent musicien, et par lui mises en m,usicque à quatre par- du savant Martini, qui a pour titre : Esemplare sia
ractères de musique faits à l'imitation de ceux de Nico- les premiers essais en furent faits à Rome pour la publi-
las Duchemin furent gravés en Allemagne : on en voit cation d'un recueil de pièces d'orgue de Frescobaldi,
un spécimen dans le livre de Calwitz, intitulé JSa;era<afi(> le plus habile organiste de son temps '. Les planches
musica tertia ( Leipsick, imprimé par Michel Lanlzen- étaient gravées snr cuivre au burin, procédé fort lent ,
berger, i6ii , in-S" ), et un autre, dont les caractères et fort cher, qui nuisait à la vente des ouvrages , mais
sontdifférens, dans\a Synopsis musicœ practioB de Bartho- qui était le seul qu'on pût employer pour la musique
lomé Gesius, imprimé par Jean Eichorn à Francfort, compliquée et chargée de signes. Plus tard, on substi-
en 1616, en 8°. Les types qui ont servi à ces impres- tua les planches d'étain à celles de cuivre , et l'on finit
sions sont moins beaux que ceux de Leroy et de Nicolas par imaginer des poinçons avec lesquels les notes furent
Duchemin. frappées d'un seul coup, ce qui rendit le procédé de la
Un changement considérable s'étant opéré dans le gravure plus prompt, moins coûteux et plus satisfai-
système de la notation musicale vers le milieu du dix- sant que tout autre dans ses résultats. C'est presque le
septième siècle , il fallut songer à graver de nouveaux seul en usage aujourd'hui dans toute l'Europe ; cepen-
types , ce que firent en effet les Ballard ; mais leurs nou- dant, depuis quelques années, la lithographie est em-
veaux caractères furent très inférieurs aux anciens, sous ployée avec succès en Allemagne , à Naples et à Rome.
le rapport de la netteté et de l'élégance des formes. Les
interruptions multipliées des lignes de la portée devin-
(1) La difficulté qu'on trouvait à imprimer de la musique chargée
rent d'ailleurs plus sensibles dans l'impression. La for-
de combinaisons comme on en trouve
d'une mullilude de signes et
me de losange donnée aux notes par les anciens impri- dans la musique d'orgue , avait obligé les musiciens à imaginer une
meurs était conforme à la manière d'écrire la musique notation conventionnelle qu'on appelait la tablature ,
pour ce gem'e
(l) Les compositeurs dont on trouve des chansons dans ce recueil blature allemande et l'italienne. Le mécanisme typographique de l'im-
sont Maillard, Cadeac, Goudeau, Pbilibert-Jambe-de-Fer, Areadelt, pression de celle-ci fut imaginé par le même Octave Petrueci, dont il
Jaquet , Boguin Cerlon Claudin , , , Gomberl el Roussel. ner à Fossombrone sa ville natale. Il obtint un brevet de Léon X pour
(?) L'cpîtredédicatoiie de ce recueil porle pour suscription; ^ Iris cette invention , sous la date du 22 octobre 1 B 1 3. Les pièces d'orgue
illustre, haute et ptiissante princesse, madame Diane de Pçictiers, du- imprimées par Petrueci au moyen de son procédé sont devenues d'une
chesse du yaientinois ,
rareté excessive , mais on en peut voir un exemple imité par Jea»
Barthélémy Beaulaigue , enfant de cueur en l'église Majeure de Scott , imprimeur à Strasbourg, dans la Musurgia de Nachtigall (Olto-
Marseille , son très obéissant serviteur, salut et prospérité. manis Liiscinius , quia paru en 1656 (p. 34).
REVUE MUSICALE.
lèbre de Leipsick , vint au secours des écrivains par en sorte que les noies ne se plaçaient pas toujours sur
l'invention et la gravure de nouveaux caractères de leurs lignes respectives. Un seul œuvre de quatuors de
musique, bien supérieurs à tout ce qu'on avait fait jus- Pleyel fut imprimé par ce procédé qui était fort dispen-
qu'à lui, soit sous le rapport de la forme des notes et dieux, et l'on fut obligé d'y renoncer.
des signes accessoires, soit sous celui de la combinai- Les défauts de l'impression de la musique à deux
son typographique. Le premier essai ds ces nouveaux tirages ont été évités en dernier lieu par un moyen fort
caractères fut fait en 1755 pour l'impression d'un son- ingénieux , inventé par un mécanicien anglais distingué,
net en musique tiré d'un opéra composé par la prin- nommé M. Coivper. Son procédé consiste à introduire
cesse électorale de Snie,etintilulé •.Iltrionfodellafedeltà. dans des planches de bois des caractères de cuivre re-
Depuis lors, ils ont été employés avec avantage dans une présentant les notes et les signes accessoires et séparés
multitude de livres élémentaires et historiques sur la de la portée. Lorsque ces caractères sont unis sur un
musique, et même dans des ouvrages d'une haute im- plan parfaitement horizontal par la lime et par la pierre
portance , tels que les collections des oeuvres com- ponce, on met la planche sous presse. Le châssis (en
plètes de Haydn et de Mozart. Toutefois, si la forme terme d'imprimerie tympan) sur lequel on place la
des types de Breitkopf était fort supérieure à celles des feuille de papier est mobile et tourne sur un axe pour
anciens caractères , cet artiste n'avait pas satisfait à présenter, après la première impression, et sans enle-
toutes les conditions désirables, car il avait aussi gravé ver la feuille, la page de notes imprimées à la forme
les lignes de la portée par fragmens avec les notes, et des portées , en sorte que la coïncidence est toujours
les points de réunion de ces lignes étaient restés visi- parfaite. Toutefois le prix élevé de la main d'œuvre a
bles à l'œil; c'était ce qu'on avait fait de mieux, mais fait renoncer à ce procédé.
ce n'était pas tout ce qu'en pouvait faire. M. Olivier imagina vers 1803, une nouvelle combi-
Peu de temps après la publication des procédés de naison de caractères mobiles propres à imprimer la
Breitkopf, d'autres typographes s'occupèrent du même musique, et s'associa avec M. Godefroi pour l'exploi-
objet; mais les essais faits par Rossart à Bruxelles, par tation du brevet qu'il avait obtenu. Ces caractères
Enschédé et Fleischmann à Harlem, par Fouroier à étaient les plus beaux qu'on eût vus jusque là; mais
Paris, par Antonio de Castro à Venise, et par le Sué- M. Olivier avait conservé l'ancienne méthode de graver
dois Fought à Londres, ne servirent qu'à démontrer la avec les caractères les lignes de la portée; méthode
supériorité des caractères de l'imprimeur de Leipsick. dont le résultat est toujours désagréable à l'œil, et qui
G ando, typographe de Paris, grava dans la seconde a d'ailleurs l'inconvénient de rendre la composition dif-
moitié du dix-huitième siècle des caractères de musi- ficile et fort chère. Quelques œuvres de musique , un
que séparés de la portée qui s'imprimait par un second journal de chant, et des livres élémentaires furent im-
tirage. Il donna un essai de ce caractère dans un motet primés avec les caractères de M. Olivier, mais après
de l'abbé Roussier qu'il joignait à un écrit dans lequel avoir fait beaucoup de sacrifices pour soutenir un éta-
il développait les avantages de ses types. Ceux-ci sont blissement désavantageux, cet artiste et son associé
préférables par leur aspect à ceux de Fournier; mais furent entraînés à leur ruine.
ils offraient dans le mécanisme de leur emploi des diffi- On imprime aujourd'hui à Londres un journal de
cultés qui ont empêché qu'ils fussent accueillis avec musique intitulé : The Harmonicon , avec des caractères
faveur. Il y a environ trente ans qu'un imprimeur de semblables à ceux d'Olivier.
Strasbourg, nommé Reinhardt, renouvela ce mode Les inconvéniens qui viennent d'être énumérés dans
d'impression. Son procédé consistait aussi à imprimer les divers procédés employés jusqu'ici pour l'impression
la musique en deux tirages, l'un pour les notes et tous de la musique n'étaient pas les seuls qui existassent: il
les signes accessoires, l'autre pour les portées. Toutes y en avait d'autres non moins nuisibles au succès des
les dimensions étaient prises pour que chaque note entreprises auxquelles ils avaient donné lieu. Leplus
rencontrfit exactement sa ligne; mais il existait une dif- important était l'obligation de tirer à la fois le nombre
REVUE MUSICALE. 385
d'exemplaires auquel on voulait porter une édition, in- de révéler le secret, bien qu'il me soit connu, M. E. Du-
convénient qui n'a point lieu par le procédé de la gra- verger est parvenu à donner aux lignes de la portée une
vure, car celui-ci permet de ne tirer qu'en pro- continuité non interrompue, sans avoir recours à l'im-
portion des besoins. Il est facile de comprendre que pression en deux tirages. Ces lignes sont parfaitement
cette obligation de tirer toute l'édition d'un ouvrage nettes et n'ont que la grosseur convenable pour que les
était très onéreuse, quand celui-ci n'avait point de suc- notes et les signes accessoires Se détachent facilement à
cès, car les dépenses étaient beaucoup plus considéra- l'œil.
bles que celles d'un livre ordinaire. Une heureuse combinaison de proportions donne aux
M. E. Duverger, par une heureuse idée, qui réunit signes divers la distance nécessaire pour produire le
tous les avantages de la gravure la plus belle à ceux de meilleur effet possible. La forme des notes est exacte-
l'impression en caractères mobiles, vient de faire dis- ment celle de la gravure la plus élégante.
paraître les défauts qui ont nui jusqu'ici à l'emploi de la Dans les procédés de Fournier et même d'Olivier et de
typographie pour la publication de la musique. Telle Godefroi, ce ne sont pas seulement les lignes de la por-
est la supériorité de son procédé sur tous ceux qu'on a tée qui pèchent par l'alignement, ce sont aussi les barres
imaginés auparavant, qu'on peut affirmer hardiment des croches, doubles croches, etc., qui laissent toujours
que ceux-ci ne tarderont pas à disparaître, et que celui- apercevoir des solutions de continuité et des défauts de
là seul laissera des traces durables dans l'histoire de la proportion. On en peut juger par cet exemple' des ca-
typographie. On en pourra juger par l'analyse suivante ractères de Fournier, les seuls qui sont restés en usage
des qualités qui le distinguent des autres. à Paris :
La comparaison du même passage, imprimé par les procédés de M. E. Duverger, fera comprendre sans peine
la supériorité de ceux-ci
^
:
ff >\MA}^j ^ iu
^
^-Vr-^
^-A
^ r: -
^m s^^
^
r^^rr^
i-h-u m
^W^
U-^^
386 REVUE MUSICALE.
Los défauts dont j'ai parlé tout à l'heure sont encore quels on remarque la Grammaire musicale de M. Aubery-
plus sensibles dans les caractères de Fournier, lorsqu'il Duboullay ', V Abécédaire musical de M. Léopold Aimon%
s'agit de barres de croches ou de doubles croches obli- le Chansonnier des gardes nationaux ' , et les Lettres à
ques, comme on peut le voir par cet exemple : Clémence sur la musique, par Mme E. L. ''. Ce demi*
ouvrage, où l'on trouve une exposition claire et suc-
cincte des objets les plus iraportans de la musique, se
recommande autant à l'attention des artistes et des ama-
teurs par les grâces du style que par l'élégance de l'exé-
cution typographique. Il convient surtout aux jeunes
Laplusbelle gravure, dansles mêmes choses, ne l'em- personnes qui veulent acquérir des connaissances géné-
rales sur l'art avant de se livrer à l'étude sérieuse de ses
porte pas sur les caractères de musique de M. Duverger.
diverses parties.
FÉTIS.
A ces avantages se joint celui de pouvoir imprimer
en beaux caractères les paroles adaptées à la musique,
CORRESPONDANCE.
avantage dont la gravure est dépourvue.
Au moyen des procédés du clichage, procédés perfec- A monsieur le rédacteur de la Revue musicale.
tionnés par M. Duverger, on n'est plus obligé de tiier
Monsieur,
tout d'abord une édition entière, ni de limiter le nombre
des exemplaires ; les clichés ne forment pas un volume
Dans l'article extrêmement flatteur sur ma méthode
pour apprendre le du guide-mains, que
piano à l'aide
beaucoup plus considérable que les planches d'étain, el
j'ai lu dans votre journal, vous semblez penser que
offrent les mêmes avantages.
composition et du clichage est à peu
mon intention est que les élèves soient tenus à ne jouer
Le prix de la
pendant un an que des exercices sur les cinq notes. Le
près double de celui de la gravure; mais cette différence
temps à donner aux études premières ne peut se préci-
de prix disparaît devant l'économie considérable du ti-
ser, c'est le degré de facilité et d'aptitude de l'élève qui
rage et du papier. On sait, en effet, que le prix du ti-
le détermine ; en général, quelques mois suffisent pour
rage de la musique gravée est de i4 à i5 francs pour
arriveraux gammes, après lesquelles toute musique bien
mille planches, c'est-ù-dire mille pages; au lieu que le
doigtée peut être entremêlée avec les autres études. Je
tirage typographique offre une économie de 5o pour
conseille cependant de toujours se servir du guide-
cent environ.
mains pour morceaux qu'on jouera; il aidera beau-
les
Ce n'est pas tout 5 car le foulage des planches d'étain
coup à procurer aux doigts de l'indépendance.
à l'impression en taille-douce oblige à faire usage d'un
Agréez, monsieur, l'expression de mes sentimens les
papier très épais, d'un poids considérable, et dont le
plus distingués,
prix est à peu près le double du meilleur papier en
Fréd. Kalckbbennfk.
usage dans l'impression ordinaire. Il est facile de com-
Le 6 janvier 183t.
prendre d'après cela que pour les ouvrages tirés à grand
nombre, comme les solfèges, les méthodes d'instrument
et les livres élémentaires , le procédé typographique de
Nouvelles de Paris.
M. E. Duverger a sur la gravure une supériorité incon-
On assure que les difficultés qui s'étaient élevées en-
testable.
l'emporte également sur tout tre la société des concerts et la commission de l'Opéra
A l'égard des livres, il
ment des signes. Déjà M. Duverger en a fait voir les (3) Un vol. in-18. Paris, Duverger père, rue Rameau, n; 13.
fésultats avantageux dans plusieurs ouvrages, parmi les- (4) Un vol. in-lS. Paris, même adresse. Prix: 4 fr.
REVUE MUSICALE. 387
et du Conseryatoire sont levées, en soi te que le pre- ouvrage de la description de l'Egypte, et de plusieurs
mier concert pourra être donné vers le 20 de ce mois. autres livres intéressans sur le même art, vient de sou-
— Il paraît que l'administration du théûlre Italien et mettre ù l'examen de l'académie des Beaux-Arls de
Mme Schroeder Devrient ont partagé l'opinion que l'Institut un mémoire contenant des vues nouvelles sur
nous avons émise dans notre dernier numéro sur l'eifet diverses parties de la musique, M. Berton a été nommé
de la première représentation d'AnnaBoléna, car cet ou- rapporteur sur le mérite de ce mémoire qui se recom-
vrage n'a plus été joué depuis cet essai. On a donné de- mande par le nom de son auteur. Nous rendrons compte
puis lors une représentation qui avait attiré du monde ; â nos lecteurs et de son objet, et de l'opinion qui sera
elle était composée de la Provad'un Opéra séria, chan- énoncée par la commission chargée de son examen.
tée par Mme Malibran, Rubini et Lablache , et du pre- — Les dépenses de la grande fêle musicale de Dublin
mier acte de l'iialiana in Algeri, dans lequel Mme se sont élevées à la somme de 8,677 livres sterlings
Raimbaus a continué .ses débuts avec succès. (216,725 fr.). Dans cette somme considérable, les chan-
Il parait certain que la première représentation du teurs figurent pour 25,ooo fr. environ, Faganini pour
Pirate sera donnée dans le cours de ce mois; on sait 17,000 fr., l'orchestre pour 6o,5oo fr., les chœurs pour
que le rôle principal de cet ouvrage est le triomphe de 48,000 fr. , et sir Georges Smart , comme conducteur,
Rubini. pour environ 45OO0 fr.
Le concert dans lequel on doit entendre l'élite des — MM. Stephen et Richelmi donneront le i3 courant
chanteurs du théittre Italien, MiM. de Beriot et Herz, un concert dans les salons de M. Petzold. On y entendra
qui avait été ajourné , aura lieu demain dimanche , 8 M. de Bériot et plusieurs artistes renommés. Nul doute
janvier. que cette soirée ne soit fort brillante.
— Après
beaucoup de projets et de négociations in- — Ungrand concert sera donné iSparM. Frederick
le
fructueuses, le sort de l'Opéra-Comique paraît enfin Chopin, de Varsovie, dans de M. Pleyel.
les salons
être fixé. M. Laurent, ancien directeur du théâtre MM. Baillot, Vidal, Norblin, Tilman et Urhan exécute-
Italien , a signé un traité avec les actionnaires-proprié- ront un quintetto de Beethoven. Mais ce qui doit sur-
taires de la salle Ventadour pour l'exploitation du pri- tout piquer la curiosité
, c'est une grande polonaise
vilège attaché à celte salle : par suite de ce traité, il composée par M. Kalkbrenner, et exécutée par l'auteur,
vient d'être agréé comme directeur par l'autorité. Puisse MM. Mendelsohn, Hiller, Osborne, Sowinski et Chc-
cette nouvelle administration être plus heureuse que pin, sur six pianos. On trouve des billets chez les prin-
celles auxquelles elle succède ! cipaux marchands de musique.
Un sort fatal semble poursuivre tous les théâtres où
l'on joue l'opéra-comique : celui des Nouveautés est
mieux, son palais, i Hyères, est d'une niagniflcence rapport de l'étendue des morceaux, soit sous celui de
royale. Il a surtout deux salons où biille un incroyable leur facture, mais il est agréable; partout on y trouve
luxe : des arabesques d'or, des encadremens, des sculp- une mélodie facile,mais on y voudrait plus d'origina-
tures, des ciselures d'or, partout de l'or; un immense lité ou même moins de plagiats trop évidens. En géné-
lustre oriental ù six rangs de bougies parmi d'autres ral, on voit que M. Kûfl'ntr s'est proposé de faire dans
lustres magnitiques, des glaces de Venise; tout ce que sa composition un mélange des styles italien et alle-
l'opulence moderne peut offrir de plus éclatant, de mand : projet qu'il a exécuté par des emprunts un peu
plus riche , de plus beau , se trouve réuni dans ces deux trop faciles A reconnaître. Nous lui reprocherons aussi
pièces avec tant de profusion, qu'elles en sont plutôt d'avoir assez souvent négligé la correction dans sa ma-
chargées que décorées. C'est un excès d'ornemens , un nière d'écrire : par exemple, l'ensemble du premier trio
abus de dorures. Dans le premier salon bleu est un ex- (page 25) présente i la fois de l'harmonie fausse à
cellent et superbe piano du prix de 10,000 fr. de l'embarras dans les parties.
l'oreille et
« M. Boicldieu, qui est venu chercher sous la douce Parmi les morceaux les plus agréables de cette légère
température de ce pays le rélablisseinent de sa santé production, nous citerons l'air n°4) le second trio, et
se présenta chez M. Stulz, il y a quelques jours , pour quelques parties du quintctto.
visiter le maître et la maison. Le concierge l'introduisit Trente grands exercices ou études, dans tous les tons, pour
dansle salon bleu, etlui demanda son nom. «Boieldieu, la flûte , composés et dédiés i\ la direction de l'école
répondit l'artiste. — Je vais tous annoncer à M. Stulz, des théâtres impériaux de Saint-Pétersbourg, par
flûte de sa majesté l'empe-
H. Soussman, première
qui est dans son cabinet. » Boieldieu prit alors un siège
reur de toutes les Russies; livres I et II.
et s'avança vers le piano pour l'ouvrir : le concierge Mayence, Paris et Anvers, chez les fils de B. Schoit;
l'arrête aussitôt en lui disant : « Il est défendu d'ouvrir et i\ Paris, à l'Agence générale de la musique, rue du ,
émerveillé, enthousiasmé au nom de Boieldieu, de- études qu'elle renferme sont propres à donner beaucoup
mande qu'on l'habille promptement.il se revêtit de ses de variété dans les coups de langue, et à former une
plus frais babils et court au salon ; mais Boieldieu , fa- respiration longue et facile ; on y trouve d'ailleurs beau-
tigué de se trouver devant un piano' qu'il ne devait pas coup de variété dans le choix des motifs.
ouvrir parce qu'il aurait pu le déraager, venait de ren-
trer chez lui. M. Stulz , désappointé : « Qu'on attèle Bulletin d'Annonces.
mon landaw! » et, cinq minutes après, l'opulent étran- Album lyrique offert àMme Malibran, avec un liés joli portrait de
celle célèbre arlisle, el composé de romances françaises, italiennes,
ger offrait ù notre Boieldieu ses regrets et son admira-
anglaises, espai^noles, de deux galopes el de dix cliarnianles litho-
tion. 11 a engagé l'auteur de la Dame Blanche à une soi- graphies, le lout très élégamment relié. —
Prix: 8 fr.-
rée où seront réunis tous les personnages distingués Aumagasin de musique de Vaciiii. boulevard des Italiens , n 11,
attirés cet hiver. Plusieurs où trouve aussi rouverture de X Empereur don Pedro exécutée
l'on ,
que notre climat a personnes
au Théâtre Italien; une collection d'opéras chants et pianos de Mo-
,
La variété en effet est évidente; mais sans unité elle grandes avances dans l'organisation de toute personne
ne serait que le chaos. L'unité n'est pas moins évidente ; née avec le sentiment de l'harmonie musicale. Son in-
mais sans variété elle ne serait que l'identité. telligence ne peut être que rapide et harmonique comme
Ces deux mots, unité, variété, en se réunissant, don- sa sensibilité.
nent naissance à un troisième non moins frappant d'évi- Devant vous. Monsieur, et devant les lecteurs de
dence; c'est le mot analogie. Par l'analogie seule, l'unité votre journal, je ne craindrai donc point d'abréger les
et la variété peuvent être à la fois satisfaites. distances et de passer sans intermédiaire d'un fait d'a-
C'est donc l'analogie qui doit être notre guide dans coustique déjà exposé, déjà expliqué dans une de mes
l'explication de l'univers; mais, pour épargner notre lettres précédentes, à l'explication d'un fait analogue et
teoips et nos fatigues, l'analogie elle-même doit être étendant éloigné. Je vais commencer ma lettre ac-
conduite sur un plan de gradation qui nous fasse passer tuelle par un de ces rapprochemens qui étonneraient
progressivement des effets les plus simples, et pour cette tout esprit non harmonique et non réfléchi.
raison le» plus précis, aux effets les plus compliqués et Lloctave, ai-je dit, est l'accord le plus simple, lè plus
pour celte raison les pins vagues en apparence. facil«ment produit, le plus concordant. Il doit cet avan-
Dans ma lettre précédente, je crois avoir démontré tage à ce que les deux sons qui le composent sont for-
que l'Acoustique est la science des effets les plus simples més chacun d'une suite de globules qui tous sont en
et les plus précis. C'est donc par elle que la science gé- vibration constante comme tout globule de fluide so-
nérale commence; et de l'Acoustique à la Chimie, à nore, comme tout globule de fluide subtil, mais qui,
toutes les parties de la Physique, à l'Astronomie, à la ceux du son grave, ne font qu'une vibration pendant
Géologie, à toutes les parties de la Physiologie, à l'Idéo- que ceux du son le plus élevé en font deux. Ce rapport
logie, à la Politique, il ne peut y avoir qu'une succes- de mouvetliens est manifestement le plus simple, et,
sion graduelle d'analogies. pour cette raison, celui qui est le plus favorable à l'exer-
C'est à établir cette succession graduelle que j'ai con- cice de l'expansion convergente ou de la puissance de
sacré tous les travaux de ma vie; j'y suis parvenu peut- combinaison.
être ;
j'ose invoquer à cet égard le témoignage des lec- Voici le fait analogue : les êtres d'une existence très
teurs de mon Explication universelle et des auditeurs de composée, l'homme, la femme, par exemple, sont des
mes conférences publiques. êtres sonores la voix de chacun de ces êtres est le tim-
;
Ici ,
je ne puis présenter que des aperçus ; mais je les bre de son organisation, l'instrument musical de son
.^^-^"^
390 REVUE MUSICALE.
tempérament. La constitution de cet instrument, dans tant; je découvrais que la partie la plus éthérée de ce
chaque homme , dans chaque femme , est nécessaire- concert lointain était formée de plusieurs sons plus éle-
ment le fruit de la constitution générale de son être, ne vés que le son fondamental , mais formant avec lui des
peut qu'en reproduire les propriétés; et puisque dans accords d'une parfaite justesse. C'étaient des sons à la
la nature tout être inerte ou animé, vivant ou insensi- double octave, d'autres à l'octave de la quinte, d'autres
ble, est essentiellement en vibration, la voix de chaque encore à la double octave de la tierce majeure; ceux-ci
homme, ou plutôt les globules qui forment le son de sa faibles, difficiles i\ saisir; fà quinte , au contraire, plus
voix vibrent comme cet homme ; les sons de la voix de marquée que l'octave môme, et paraissant dominer
chaque femme vibrent également comme elle. toute riiarraonie.
Or, dans l'état naturel (séparons les exceptions et les Malgré toute mon attention, je ne parvenais pas à
anomalies), dans l'état naturel tout homme et toute discerner des sons i d'autres intervalles; mais, pour
femm equi chantent ensemble et qui ont l'intention de m'expliquer le charme de mes sensations, je n'avais pas
chanter à l'unisson, chantent A l'octave l'un de l'autre. besoin de davantage.
L'homme et la femme sont par conséquent deux êtres En ce moment, je rédige, je développe, je perfec-
constitués i l'octave l'un de l'autre , c'est-A-dire que , tionne l'explication que j'ébauchais alors : vers moi,
dans tous leurs mouvcmcns analogues, dans l'exercice disais-je, se rendent avec convergence des sons en ac-
de toutes leurs facultés correspondantes, l'un a deux fois cord parfait, car l'octave en est la base, la quinte en est
plus de gravité, l'autre a deux fois plus de vivacité. le point dominant; et la tierce majeure, intervalle déjà
Ainsi s'explique le caractère puissant, énergique, des concordant par lui-même, se place au milieu entre le
Vaccord si simple, si facile ùproduire, siintime,deleurs le même corps élastique ne peut vibrer ù la fois de deux
désirs, de leurs affections. manières différentes. Mais chaque globule de fluide so-
Rentrons maintenant dans l'Acoustique. nore ne se borne pas ù vibrer sans cesse en traversant
Nous avons expliqué le procédé de la nature lors- l'espace; il transpire sans cesse; de son sein jaillissent
qu'elle met en accord , en harmonie , deux sons provenus sans cesse des globules plus atténués que lui-même,
de deux sources différentes, mais dont les vibrations dont, pour cette raison, la vibration est plus rapide, et
respectives ont entre elles des rapports très simples. par conséquent le ton plus élevé.
Cherchons comment trois ou un plus grand nombre Cette divergence expansive de chaque globule pro-
de sons se mettent en accord, en harmonie. voque subitement la réaction de l'expansion conver-
Il est d'abord un fait, constaté depuis long-temps, qui gente qui ramène les uns vers les autres les globules
se place de lui-même au début de cette recherche. Qu'il transpires , et saisissant de préférence ceux dont les vi-
me soit permis de retracer l'impression que je reçus la brations respectives sont en rapports très simples, les
première fois qu'il me frappa de son évidence, je puis met à l'instant même en accord, en harmonie, non-
dire de son éclat. seulement entre elles, mais avec les de*ix sons généra-
J'habitais, très jeune, une petite ville du midi, en- teurs, qui toujours arrivent, toujours transpirent, tou-
tourée de montagnes; les jours de fête, on y mettait jours se donnent, par filiation rapide, une famille de
toute la sonnerie en mouvement, et toute cette sonnerie sons secondaires rendus subitement harmoniques par
consistait en deux cloches assez fortes, d'un timbre écla- l'action convergente de la puissance de combinaison.
tant, et que, par hasard ou avec intention, on avait choi- Lorsque les facteurs d'orgue intercalent entre des
sies à l'octave parfaite l'une de l'autre. tuyaux à l'octave l'un de l'autre plusieurs tuyaux de
Je les écoutais quelquefois dans le lointain; c'était plus petites dimensions, formant, les uns la double
une harmonie délicieuse elle me suivait dans mes pro-
; octave du son fondamental, les autres l'octave de sa
menades solitaires; les échos du vallon la réfléchis- quinte, les .lutres encore la double octave de sa tierce
saient vers le point que j'occupais, et dans l'air qui m'en- majeure, s'ils font résonner ensemble tous ces tuyaux,
vironnait senatlait se répandre une vapeur sonore aussi ils n'entendent qu'un son unique, le son fondamental,
douce à respirer que le parfum des fleurs. très fort, très éclatant.
A l'aide du calme de la nature, j'observais en écou- C'est iri l'expérience par synthèse, complétant Tes-
REVUE MUSICALE. 3Sl
périence par analyse que nous venons de décrire. Les tement de même ; l'un semble faire une demande i la-
deux sons fondamentaux, en donnant eux-mêmes nais- quelle le second fait une réponse complète , car elle lui
sance à des sons secondaires , identiques avec ceux des correspond avec une précision rigoureuse.
tuyaux accessoires, en ont déterminé si vivement, si En troisième lieu, chacun des quatre sons du premier
étroitement la combinaison ,
qu'il n'a plus existé qu'un tétracorde fait une quinte juste avec chacun des quatre
seul faisceau d'une union intime. sons du second tétracorde : ui-sot, ré-la, mi-si, fà-ut;
Analogie encore I car voilà bien l'image d'une fa- et nous savons que la quinte est, après l'octave, l'inter-
mille parfaite! le père, la mère, base et enceinte de valle le plus consonnant.
l'harmonie; le fils aîné, point central et dominant; la Enfin, les huit sons de la gamme, pris trois ù trois et
jeune sœur, faible, douce, délicate, lien d'amour entre selon une disposition alternative , fournissent trois ac-
son frère et ses parens cords parfaits majeurs : ut, mi, sol; fa, la, ut; sol, si, ré;
Hâtons-nous cependant de le dire : harmonie idéale! et trois accords parfaits mineurs : ré, fa, la; mi, sol, si;
ce n'est qu'entre des sons, êtres si simples, qu'elle est la, ut, mi,
facile à produire; entre des hommes, des femmes et des H est évident que plus de liens ne sauraient exister
enfans, êtres si composés, elle est bien rare. entre huit choses successives. Un faisceau , en se dé-
La famille des êtres les plus simples, la famille musi- liant, ne saurait donner à ses parties des rapports plus
cale , n'est pas réduite aux quatre sons de l'accord par- simples ,
plus multipliés et plus intimes : aussi n'est-ce
fait; elle peut s'étendre, sans cesser d'être un faisceau pas seulement le faisceau sonore qui, en s'étendant sur
d'harmonie, seulement moins simple, par conséquent un plus grand espace, conserve l'harmonie de ses élé-
moins parfaite. De son côté, pour soutenir l'analogie, mens; le faisceau lumineux, si semblable au faisceau
il devient d'autant plus difficile à la famille humaine de sonore, le faisceau lumineux, en se déliant par l'action
rester en harmonie qu'elle s'étend davantage. réfringente du prisme triangulaire, étend ses parties,
Voici l'extension, encore harmonique, dont la famille ses couleurs sur une échelle exactement constituée
musicale est susceptible. Si l'on intercale entre deux comme l'échelle musicale; et la réunion des sept cou-
tuyaux d'orgue à l'octave l'un de l'autre six tuyaux de leurs prismatiques rétablit la lumière blanche ou le fais-
petites dimensions, formant, à une grande élévation au- ceau tonique, comme la réunion des sept intervalles
dessus du ton fondamental , l'échelle diatonique, et que dont la gamme est composée rétablit la tonique musi-
l'on fasse résonner ensemble ces huit tuyaux, on n'en- cale. Ici ily a plus qu'analogie, il y a similitude, parce
tend qu'un seul son, ferme, éclatant; et c'est le son fon- que les deux ordres de faits sont très simples et très
damental. rapprochés.
Ainsi , la succession des sons représentés aux musi- Mais où se trouve, dans la nature, l'instrument de ré-
ciens par les monosyllabes ut, ré, mi, fa, toi, la, si, ut, fraction ayant la puissance de résoudre le faisceau so-
forme une masse harmonique lorsque tous les termes nore en ses élémens diatoniques, comme le prisme
sont entendus en concurrence, sauf l'élévation conve- triangulaire résout en sept couleurs diatoniquement
nable des six sons intermédiaires. L'intonation de cha- ringées le faisceau lumineux?
cun de ces six sons est fixe, nullement arbitraire, car, Pour répondre à celte question , observons, en pre-
pour peu qu'il y en un de dérangé, l'harmonie est
ait mier lieu ,
que le prisme triangulaire est le seul corps
troublée, la masse des sons ne forme plus un seul fais- réfringent qui soumette le faisceau lumineux à cette
libre que nous devons chercher la cause de la formation monie l la fois riche et parfaite ; si même le verre n'est
de la gamme, car dans la natuie il n'est pas d'autre puis- pas trèâ pur, ou si l'on emploie pour former le prisme
sance d'harmonie que la puissance d'équilibre. triangulaire d'autres substances diaphanes que le verre,
Or, en premier lieu, l'enceinte absolue de la gamme, la distribution des couleurs ne se fait plus selon un plan
comme celle de l'accord parfait, est l'octave, mathéma- de parfaite harmonie. 11 est dans la nature un très grand
tiquement exprimée par le rapport le plus simple, le nombre de corps réfringens ; tous font subir à la lumière
plus harmonique, le rapport de i i\ 2. une division une recomposition manifestées par des
et
En second lieu, la gamme est formée de deux télra- couleurs plus ou moins éclatantes; aucun ne lenou-
cordes : at, ré, mi, fa; — soi, la, si, ut, qui se balancent velle dans son intégrité l'action du prisme triangulaire.
avec une exactitude parfaite, car ils sont constiiués exac- Car exemple, chacune des petites gouttes d'eau, vapo-
392 REVUE MUSICALE.
reuses et limpides, qui déterminent la formation de l'arc- nous subitement, comme la succession des couleurs sur
en-ciel, résout la lumière en couleurs semblables in le carton qui la reçoit. C'est ensuite de ce carton que la
celles que donne le prisme, mais étalées dans des posi- gamme des couleurs nous revient fidèlement réfléchie ;
tions et selon des proportions toutes différentes; ce qui c'est de nous, même, que, par notre organe de la voix
fait que l'ar-en-ciel est tout autrement constitué que le ou le jeu de nos muscles .sur le violon, sur le piano, la
spectre prismatique. gamme émane, fidèlement reproduite; et,
des sons se-
En second lieu, la distribution diatonique du faisceau lon notre disposition vitale, nous donnons à cette re-
sonore, la gamme, n'existe pas pour tous les hommes. production de la lenteur ou de la rapidité; en nous-
A l'époque actuelle, il est des peuples nombreux, tels mêmes nous pouvons la parcourir mentalement avec
que les Chinois, les Persans, les Arabes, à qui elle est une vitesse extrême; n'est-il pas aussi des musiciens
étrangère. Jamais elle ne se montre ni complète , ni qui la chantent ou l'exécutent aussi rapidement que
même ébauchée dans le plain-chant du moyen âge; et l'éclair sillonne les nuages?
si l'on remonte aux siècles de l'antiquité, on ne trouve donc en nous d'abord, lorsque nous sommes
C'est
entre elle et le tétracorde des Grecs aucune ressem- organisés musicalement, que se fait la musique; dans la
blance. nature, il n'y en aurait pas sans nous.
donc en nous, hommes civilisés des temps mo-
C'est Dans ma prochaine lettre, je développerai celte pen-
dernes, que s'est formé, par le progrès de l'organisation sée. Je crois sentir les moyens de la porter à l'évi-
vitale, un instrument d'Acoustique inconnu aujourd'hui dence.
à nos contemporains d'Asie, inconnu autrefois à nos Azjiîs.
voyaient , ils décrivaient l'arc-en-ciel comme nous le Malgré l'opinion fort respectable sans doute d'un
voyons et le décrivons encore. Dans la nature , rien ne débutant à gilet de salin qui dimanche dernier
le parait
produisait la gamme des sons ; c'est po>u- cela qu'ils iie dans le foyer des Bouffes, je ne puis m'empêcher de
la connaissaient pas. reconnaître que cette soirée a fait mentir le proverbe,
Mais, de nos jours, rien non plus dans la nature ne ennuyeux comme un concert ; et je ne sache guère qu'il
produit la gamme; et cependant nous la connaissons, soit possible de trouver une solennité musicale plus
et elle est à elle seule un immense elle est la subs-
art ; amusante que celle où se trouvaient réunis des instru-
entre dans notre organe de l'ouïe ; là, son expansion na- soirée. Cette fois, au contraire, la bordurevalai t bien
turejle et la transpiration de tous ses globules sont vive- le tableau.
ment favorisées par notre chaleur vitale; mais en même Pour peu que l'on soit amateur de musique , c'est une
temps que ce faisceau diverge et se divise avec impé- chose bien curieuse qu'un bon concert; le drame, les
tuosité, ses élémens, enrichis d'élémens analogues que décors, les costumes, etc., ne viennent pas vous dis-
nous fournissons nous-mêmes, sont ramenés, réfléchis, traire de vos jouissance» purement harmoniques et mé-
concentrés par un appareil convergent; ils trouvent de lodiques. Si je puis m'exprimer ainsi, vous êtes seul
plus sur leur passage des corps exerçant avec autant (in présence de l'art que vous chérissez, et plus heureux
d'ordre que de rapidité l'action réfringente ; ils n'arri- que l'amateur de peinture, vos plaisirs sont doubles,
vent ainsi à notre nerf auditif que comme le faisceau qui vous pouvez admirer à la fois et le talent de l'exécutant
a traversé le prisme arrive à notre nerf optique. La et le génie créateur du maître. A ce vif amour de l'ar
gamme, quoique succession très composée, se fait en joignez quelques connaissances spéciales, celle du chant
REVUE MUSICALE. 393
par exemple ; les premiers chanteurs de l'Italie et du nous connaissons. Dire simplement que M. de Bériot a
inonde viennent passer devant vous, dépouillés du pres- été digne de sa réputation n'est point assez. A notre
tige dont la scène les entoure, abandonnés à leur seule avis, il a perfectionné encore les qualités si belles quile
habilité; poar vous ils sont toujours intéressans dans distinguaient. Il nous semble qu'il y a dans son jeu plus
leurs succès et dans leurs faiblesses ; c'est tantôt un de grâce ,
plus de force, plus de suavité qu'à l'époque
exemple utile, tantôt une perfection trop grande ù ad- de ses derniers concerts. Nous voudrions ajouter qu'il
mirer sans espérance de jamais l'atteindre ; mais alors a acquis de même plus de force et d'élan ; malheureuse-
l'émotion musicale n'est plus pour vous qu'une com- ment c'est un éloge qui ne sérail pas mérité; mais on ne
pensation. Je sais bien que ce n'est guère dans ces dis- peut tout réunir, et le lot de M. de Bériot est déjà assez
positions que la majorité des auditeurs se rend au con- remarquable pour le placer sur la ligne des grands vio-
cert- Les 99 centièmes entrent, prennent place et disent lons. Je pourrais bien ici, comme tant d'autres ont fait
à ce qui se trouve devant eux amusez-moi pour mon : avant moi, esquisser une petite comparaison de Bériot
argent. J'ose parier que l'unanimité des présens à la avec Paganini; je n'en ferai rien pour deux raisons; la
soirée de dimanche n'a pas eu de regrets; il va sans première c'est que tous deux sont incomparables; j'ai
dire que j'en excepte mon débuttant à gilet de satin , déjà dit la seconde, à propos de l'ouverture d'Oberon.
c'est trop juste. Comme les trois morceaux de M. de Bériot, et plus
Puisque j'en trouve ici l'occasion, je me permettrai qu'eux peut-être, varié de M. Herz sur la romance
l'air
une observation sur la disposition des orchestres dans la de Joseph est connu et apprécié depuis long-temps. Le
salle du concert. Habituellementonleurdonne la forme talentbrillant de M. Herz est comme ses airs variés, aussi
d'un point d'orgue. La troupe des musiciens forme le Son grand piano à sept octaves ne sau-
n'eu dirai-je rien.
demi-cercle en arrière du solo. Ou je me trompe fort, rait mes fai-
pourtant être passé sous silence; autant que
ou cet arrangement est vicieux. Le chant, soit vocal, bles yeux m'ont permis de m'enassurer, c'est un très bel
soit instrumental, produit plus d'effet lorsqu'il arrive instrument. Quant au son, les octaves supérieures font
à l'oreille dn spectateur harmonieusement mêlé à l'ac- entendre un petit carillon métallique fort divertissant;
compagnement ; les défauts, les petites inégalités d'esé- c'est sans contredit la tabatière à musique la plus remar-
cution se perdent dans la masse; les beautés, au con- quable qu'on puisse voir.
traire, ressortent davantage. Je ne dis rien de la diffi- C'est un volume que je ferais, et non un article de
culté d'accompagner avec précision des artistes qui vous journal, si je voulais rapporter ici tout ce que m'a sug-
tournent le dos ; il est impossible au chef d'orchestre géré d'observations la portion la plus brillante du con-
d'avoir l'œil à la fois sur tout le monde, etc. Toutes ces cert, ù mon avis, le chant. Il est triste d'avoir à com-
difficultés, ce me semble, sont faciles à résoudre; il mencer par des critiques c'est de Mme Schrœder-De-
;
s'agit tout simplement de renverser ce point d'orgue, vrient que je veux parler. Qui pourrait sans étonnement
de placer les solos sur le théâtre , et de former un se rappeler les brillans succès de celte actrice aux re-
demi-cercle de musiciens placés en amphithéâtre en présentations du Théâtre Allemand, en voyant ce qu'elle
partant du milieu de l'orchestre et en allant à droite et est auprès des chanteurs italiens? qui ne craindrait de
à gauche jusque sur l'avant-scène. Ces idées, toutes se méprendre en afilrmant que cette même femme ,tfi
bizarres qu'elles semblent an premier aspect, sont ce- craintive et si embarrassée à côté de Rubiui qu'elle sem-
pendant fort simples, et s'éloignent à peine des disposi- ble une écolière récemment échappée des bancs de la
tions actuellement usitées dans tous les théâtres. J'arrive classe , est précisément la même artiste qu'il y a deux
stretta finale que Bordogni, Santini et Lablache disaient étrange mélamorphofe. Il ne faut plus dire ,
avec une merveilleuse verve, au moment où j'ai gagné Tel brille au second rang qui s'éclipse au premier ;
du fort au faible, sur l'effet Immense n'exécute pas de grandes difficultés sur son instrument,
habileté à passer
Jusqu'ici je pouvais croire qu'un vice mais son jeu ne manque ni de charme ni d'élégance. Il
qu'il en sait tirer.
a été fort applaudi.
d'organe obligeait cet habile chanteur à laisser sa voix
MM. Stephen et Richelmî ont fort bien chanté le duo
dans les sons soutenus l'aire une sorte de demi-trille, de
tremblottement; dimanche j'ai reconnu mon erreur en d'Elisa e M. Stephen et Mlle Ysambeit ont dit
Claudio,
entendant le son le plus ferme, le plus pur, le mieux également avec succès le duo de Viotenza e Costama.
Reste Mme Malibran, qui n'a chanté que deux mor- M. Dietz un rondeau de M. Herz.
,
ceaux, mais deux morceaux de choix et placés tout M. Lrhan. est aussi un des ces artistes desquels on
ù la lin du concert; l'air de Mercadante, se m' abbandoni,
aime à parler. Un style large et élégant à la fois, l'art
Mme Malibran était fort souf- de tirer de l'alto des effets neufs et hardis, telles sont les
et le duo de la Gazza,
du qualités brillantes par lesquelles il s'est toujours fait re-
frante, horriblement enrhumi'e; les phrases récitatif,
des plus violentes, au point de laisser croire qu'elle ne En vérité, M. Huerta est un homme fort extraordi-
pourrait continuer. C'était dans toute la salle un senti- naire ; les difficultés qu'il exécute tiennent du prodige.
indicible de souffrance et de sympathie; et pour- Uien ne peut donner l'idée de la merveilleuse agilité de
ment
tant, malgré la grave altération de sa voix, Mme Mali- ses doigts; il faut l'entendre.
Nous voici arrivés à M. Payer, dont le talent est aussi
bran est parvenue i faire oublier ses souffrances à ceux
qui l'écoutaient. A chaque phrase de chant l'admiration en quelque sorte proverbial dans le mondé artiste.
faisait place l'i la pitié, tandis qu'i chaque temps de re- M. Payer a tiré les effets les plus délicieux du charmant
pos le mal reprenait le dessus et faisait renaître la com- petit instrument de M. Dietz, connu sous le nom latino-
passion. Celte alternative d'angoisse et de plaisir a duré grec i^Aereplione. Nous avons parlé plusieurs fois à nos
tant que Mme Malibran a été en présence du public. lecteurs de cette petite merveille; nous nous bornerons
C'est hV une de ces victoires qu'un grand artiste seul à leur dire aujourd'hui : connaissez-vous VAereplwne ?
peut remporter, mais qui sont funestes à celui qui allez entendre VAerephone.
triomphe. Certes, pour ma part, me voilà convaincu — Dans un concert donné jeudi dernier à la salle
plus que jamais que Mme Malibran est la première can- Saint-Jean, par M. Durier, M. Hiller a joué le concerto
tatrice de notre temps ; mais Mme Malibran devrait ne en mi bémol de Beethoven. Ce jeune artiste a été vive-
pas acheter la gloire en ruinant sa santé, en sacrifiant ment applaudi comme exécutant dans ce morceau, et
j^ut-être son avenir. comme compositeur dans un fragment de symphonie
R. qu'il a fait dire le même soir.
lons de M. Dietz. Cet artiste s'est fait entendre dans un coutait. Des traits de bon goût exécutés avec beaucoup
concerto de Weber et dans des variations de sa compo- de facilité et un timbre de voix agréable ont donné à
sition. Il se distingue par une qualité de son moelleux quelques morceaux de l'ouvrage une physionomie nou-
que n'ont pas en France les personnes qui se livrent à velle et originale. Je dois cependant faire quelques ob-
l'étude de la clarinette. Cette qualité est due, ainsi que servations à Mme Raimbaux. La première a pour objet
nous avons eu occasion de l'indiquer déjà , à ce que les l'abus qu'elle fait des fioritures ; abus qui fait quelque-
Allemands placent l'anche sur la lèvre inl'érieure, tandis fois perdre de vue la mélodie primitive. La seconde est
que chez nous l'usage contraire a prévalu. M. Wagner relative aux sons du médium de sa voix , qui en sont la
REVUE MUSICALE. 395
partie faible et qu'elle force quelquefois de manière à MM. Schlesinger, rue de Richelieu, n° 97, 1. Pleyel et
les rendre désagréables. Dans ses études, elle doit tra- comp., boulevard Montmartre; Pacini, boulevard des
vailler ces sons, afin de leur donner du corps; mais au Italiens; Lemoine, rue de l'Echelle.
théâtre, il faut qu'elle en soit avare jusqu'à ce qu'elle — M. Saint-Victor, directeur du théâtre de Liège,
les ait améliorés. s'estrendu à Paris pour y prendre connaissance de la
— Mme Malibran chantera lundi prochain le rôle de mise en scène de Robert-le-Diabte. Aucun sacrifice n'a
DesdemonuYiour la dernière fois; on croit qu'elle ne se été épargné par lui pour donner à cet ouvrage l'effet
fera plus entendre que dans deux ou trois représenta- convenable sur le théâtre dont il est l'administrateur.
tions, après quoi, elle se retirera du théâtre pendant le Des décorations peintes par Ciceri, des costumes copiés
reste de la saison. avec exactitude sur ceux de l'Opéra, enfin l'acquisition
— L'ouverture du théâtre de l'Opéra-Comique, sous d'un bon orgue, tels sont les accessoires par lesquels
l'administration de M. Laurent, ancien directeur du M. Saint-Victor a voulu seconder l'impression que doit
théâtre Italien, était annoncée pour le la de ce mois; musique de M. Meyerbeer sur les habitans de
faire la
elle n'a point eu lieu. Il parait que divers arrangemens Liège, connus par leur amour de l'art et leur goût
relatifs à cette nouvelle entreprise ont éprouvé des obs- éclairé. Leur ville est la première où Robert-le-Diable
tacles, et que le sort du malheureux théâtre de l'Opéra- sera représenté.
Comique n'est point encore fixé. —Parmi les ouvrages inconnus à' Paris, qui seront
—
Ce n'est pas sans un vif plaisir que les amateurs de exécutés cette année aux concerts du Conservatoire, on
musique apprendront que le premier concert du Con- cite la symphonie en fa de Beethoven, la Bataille de
servatoire est fixé au 29 de ce mois. Les répétitions ont Vittoria du même compositeur, une symphonie de
commencé depuis quelques jours. M. Zimmerman , et des fragmens de la belle messe en
— Le temps est fertile en concerts. Jeudi dernier, il
simineur de Bach et de la Grande Passion de ce musi-
en a été donné un dans la salle Saint-Jean, au bénéfice cien célèbre.Nous disons célèbre, mêmepourla France,
de M. Durier, jeune contrebassiste qui a du talent; le et cependant on peut affirmer que sa renommée y est
lendemain, autre concert donné par MM. Stéphen et acquise de confiance, car ses beaux ouvrages n'y sont
Richelmi; aujourd'hui, dans les salons de M. Pape, pas connus. La plupart des musiciens se persuadent que
concert de Mlle Mazel où se fait entendre l'élite des son principal litre de gloire est son recueil de fugues
artistes de Paris; puis un concert donné par M.M. Bou- connu sous le nom de Clavecin tempéré,- cependant, ce
cher frères (dans la salle Saint-Jean); un autre concert n'est en quelque sorte que la moindre de ses œuvres.
au bénéfice de M. Frion, clarinettiste distingué, dans la Bach est un géant de musique qui ne sera bien apprécié
salle Chantereine; et enfin, demain dimanche (i5), à que dans l'avenir.
huit heures du soir, concert de M. Chopin, de Varso- — M. Gail ,fils vient de publier une brochure sous le
vie, dans les salons de MM. Pleyel et comp., rue Cadet, titre de Considérations sur le goût musical en France. Il
que des hellénistes s'occupent d'arts, et surtout
est rare
Le programe de celui-ci a de quoi piquer la curiosité de musique; mais si M. Gail est le fils et le successeur
des amateurs de bonne musique ; il est composé des d'un professeur de grec, il doit aussi le jour à une dame
morceaux suivans : 1° Quintette de Beethoven, exécuté qui a eu de la célébrité par
composition de plusieurs
la
par MM. Baillot, Vidal, TJrhan, Tilmant et Korblin
;
opéras et de romances charmantes. Il n'a point cru dé-
2° Dno chanté par Toméoni et Isambert; 3° Con-
Mlles roger en quittant un instant Homère ou Xénophon pour
certo pour le piano, composé et exécuté par M. V, s'occuper' de mélodie et d'art dramatique; et ce mé-
Chopin ;
4° Air chanté par Mlle Toméoni. Deuxième lange d'études sérieuses et de fantaisie musicale ne lui
partie: i°Grande Polonaise, précédée d'une introduc- va pas mal. Nous rendrons compte de cette brochure
tion et d'une marche, composée pour six pianos par dans notre prochain numéro.
,
.M. Kalkbrenner, et exécutée par MM. Kalkbrennei-, — Onlit dans VIndicateur du Nord de Douai,
jo
Mendelsohn-Bartholdy, Hiller, Osborne, Sowinski et janvier Samedi dernier, a eu lieu le concert donné
:
Chopin; 2° Air chanté par Mlle Isambert; 3° Solo de par la compagnie de musique de la garde nationale.
hautbois, par M. Brod; 4° Grandes variations brillantes L'assemblée était nombreuse et brillante; nos musiciens
sur un thème de Mozart, composées et exécutées par ont été dignes de leur réputation ; des applaudissemens
M. F. Chopin. répétés ont accueilli chacun des morceaux, mais prin-
On trouve des billets aux magasins de musique de cipalement le concerto de violon, exécuté avec un ta-
396 REVUE MUSICALE.
lent d'artiste par M. Lefranc, le solo de clarinette par qui s'était attendu à un finale de grand caractère, et qui
le concerto de violoncelle de M. Bertrand. sujet. Décidément, Bellini est dépourvu de grandes ins-
L'ouverture de la Muette arrangée pour musique
, pirations et n'est propre qu'à écrire de petites choses
militaire, par M. Bauduin, a produit aussi beaucoup dans le style français.
davantage de leur sort que ne le peut faire un ministre de grande actrice qu'on admire en elle, mais comme
accablé sous une multitude d'autres affaires, et qui cantatrice elle a laissé désirer plus de pureté et des in-
d'ailleurs a peu de goOl pour les aris. La discussion de lonalions plus justes. On a regretté que le compositeur
la liste civile est venue tromper leur attente, : ils seront n'eût pas tiré plus de parti de la chaleur et de l'énergi-
désormais dépendans du ministère des travaux publics que exécution de Donzelli. Mlle Grisi a mérité les ap-
et du commerce, c'est-à-dire d'un ministère qui ne s'in- plaudissemcns du public en plusieurs en;lroits.
téresse guère à eux, cl qui jusqu'à ce jour ne leur a pas En résultat, le succès du nouvel opéra de Bellini est
fait espérer que leur sort s'améliorera. resté au moins douteux; il est vraisemblable que l'ad-
ministration du théâtre sera obligée de lui faire succéder
bientôt un autre ouvrage.
Nouvelles étrangères.
Milan. Tlicâlre alla Scala. tio&Hi., tragédie lyrique de Bulletin d'Annonces.
Romani, musique deBellini. yiit^t-auatre Études composées pour le piano et dédiées à S. A. R,
,
Gaules, a inspiré une passion violente à la druidesse A Palis , chez L»user boulevard Montmartre.
,
ravisseur tombe Le Batelier tyrolien barcaroUe à deux voix dédiée à Mme Zoé Ci-
mais son entreprise ne réussit pas, et le
, ,
complice, elle se nomme elle-même, et tous deux sont Album lyrique offert à 5Ime Maliliran, avec un très joli portrait de
mais ce n'est pas parces qualités que se distingue Bellini. zart, Rossini , Meyerbeer, Donizetti, Mercadante , Bellini et autres ;
Pour la première fois ce compositeur a vu son ouvrage chacune bien reliée, de 12 à J« fr., et un assortiment de quadrilles
accueilli avec froideur par leshabitans de Milan. Le pre-
mier acte a fini sans recevoir d'applaudissemens , malgré
DE LÀ DIVISION^pG S ÉCOLES DE COMPOSITION. compositeurs pour l'église diminue, el plus celui des
'
anciennes doctrines de l'école romaine , l'introductiort senté avec un succès toujours croissant. Le premier
de nouvelle» dissonances dans l'harmonie, les progrès théâtre public d'opéra fut ouvert à Venise en 1637. Ca-
de la musique instrumentale et la création du drame valli, maître de chapelle de la cathédrale de Saint-Marc,
lyrique ont préparé un système plus libre dans l'art écrivit pour ce théâtre trente-huit opéras en concurrence
d'écrire, et des divisions plus marquées entre les écol,eS( avec un cordelier nommé Cesti, et devint le chef de
de composition. Toutes ces nouveauiés s'étaient pro-' l'écoledramatique vénitienne. Jean Rovetta, auquel il
duites vers la fin du seizième siècle : ce fut donc dans succéda en 1668 en qualité de maître de chapelle de
le dix-septième qu'elles acquirent du développement el Saint-Marc, avait plus de science et essayait de lutter
qu'elles portèrent leurs fruits. Plus on prenait d'intérêt contre les innovations du goût moderne. Il avait quel-
aux formes dramatiques , moins on accordait d'impor- ques élèves auxquels il enseignait l'ancienne pratique
tance aux recherches scientifiques et conventionnelles; des écoles de Zarlino et de Palestrina ; mais ses leçons
ainsi, dans l'école de Naples, à Venise, à Florence et avaient moins d'attrait que l'exemple de Cavalli et de
dans d'autres parties de l'Italie, l'on Toyait la plupart ses rivaux. Benoit Ferrari, Dominique Freschi, Charles
des compositeurs s'attacher à imaginer des formes d'airs, Grossi, Legrenzi, Manelli, Marrazzoli, Jean-Marc Mar-
à essayer le duo, à donner du mouvement et de l'ex- tini, Pallavicino, Partenio, leurs élèves, qui étaient en
pression au récitatif, à former des combinaisons plus ou grand nombre, elplustardDominiqueGabrielli, Charles-
moins heureuses d'instrumens pour accompagner leurs François Pollarolo, Orgiani et beaucoup d'autres com-
mélodies. Ils étudiaient les variétés de rhythme et les positeurs vénitiens écrivirent dans le cours du dix-sep-
effets qu'on en pouvait tirer; ils songeaient à perfection- tième siècle près de douze cents opéras pour les seuls
ner l'art du chant, et, préoccupés de tant de choses, il.s théâtres de Venise. II est facile de comprendre qu'avec
négligeaient l'ancien style du contrepoint et les études un goût si décidé pour la musique de théâtre, les mu-
sévères qu'il exigeait. Il ne pouvait en être autrement, sicieus s'attachaient moins à la science scolastique qu'à
car la direction des travaux des artistes est toujours en l'étude des effets de la scène. Les progrès que Pollarolo
rapport avec les goûts du public ; or, depuis que l'opéra fit faire à l'instrumentation, et les succès que lui pro-
avait clé mis en vogue, tout le monde s'occupait i en curèrent ses innovations en ce genre ajoutèrent encore
redir* les chants, elle style madrigalesque avait insen- au penchant des jeunes compositeurs pour le style élé-
siblement disparu de la société. Les études des musi- gant de musique libre, et achevèrent de discréditer
la
ciens eurent dès ce moment pour objet de satisfaire le l'ancienne école. Depuis lors, l'école vénitienne, si l'on
goût général, et la partie poétique de l'art fut cultivée excepte Antoine Lotti, Marcello elFurlanetto, n'a plus eu
avec plus de soin que la science du contrepoint. Plus on decoinpositeurquiaitbien connu le style sévère, et l'on
avance dans le dix-septième siècle, plus le nombre des doit plutôt considérer les dillérens maîtres de chapelle de
398 REVUE MUSICALE.
Saint-Marc, successeurs de Lulti , comme des compo- coni, et aujourd'hui l'abbé Baini. Ainsi que je l'ai dit,
me semble devoir se former du talent d'Antoine Polla- à craindre que ce précieux reste de l'ancienne école ro-
rolo, de Joseph Saratelli, de Balthasar Galuppi, sur- maine ne s'anéantisse bientôt, faute d'encouragement.
nommé Buranello , et de Ferdinand Bertoni. Dans un article où j'ai analysé la publication des le-
Sous le rapport de la théorie de l'art d'écrire et de la çons pratiques d'harmonie et de contrepoint du P. Sta-
didactique, on n'a vu sortir des presses de Venise dans nislas Mattei (Revue musicale, V»' année), j'ai indi-
l'espace de près de deux siècles que deux ouvrages de qué quels ont été les progrès de l'école scientiBque
quelque importance : l'un est VArte Pratica dcl Contra- de Bologne depuis la deuxième partie du dix-huitième
punto dimostrata con Esempi di Vari Autori de Paolucci siècle : je ne reviendrai plus ici sur ce sujet; mais jedois
(Venise, 1^65 et suiv. 3 vol. in-4°) ; l'autre le Trattalo faire connaître comment il s'est formé dans cette école
jo/?ra/c Fu^/icmuiica/j de Sabbatini( Venise, i8oa, in-4°). bolonaise, comme dans toutes les autres écoles d'Italie,
Mais ces deux auteurs sont étrangers à l'école de Venise. un système de musique libre presque constamment en
L'école de Rome se conserva plus long-temps que opposition avec la doctrine scientifi<fip.
toute autre, ainsi que je l'ai dit, dans sa pureté primi- Mes précédens articles ont fait voir l'origine et l'objet
tive ; mais vers le milieu du dix-septième siècle elle se des discussions qui s'élevèrent entre les théoriciens bo-
divisa en deux écoles distinctes; l'une sévère, pure et lonais et les autres écrivains didactiques de l'Italie, ainsi
conservatrice des anciennes doctrines; l'autre, plus que la dégradation successive de la doctrine musicale
libre et propagatrice d'un art plus gracieux. A la tête de vers le milieu du dix-septième siècle; mais je n'ai point
la première, il faut placer Joseph-Hercule Bernabei, parlé des compositeurs qui exerçaient une haute in-
Octave Piltoni, François Foggia et plusieurs autres. fluence sur la direction du goût et des études. Ce goût
Etienne Landi, auteur d'un drame musical d'un haut et ces études avaient d'abord été sévères comme dans
intérêt composé en 1657 sous le titre de Ilsanto Alcssio, l'école romaine. Les maîtres de chapelle de la cathé-
et Carissimi peuvent être considérés comme les chefs drale de Sainte -Pétronne s'étaient fait surtout re-
de l'autre. Landi montra dans la composition de soni marquer par leur profond savoir depuis IMuzio de Fer-
drame une grande force d'imagination , soit sous le rap- rare, qui avait été maître de cette cathédrale de i474 à
port de l'invention des formes , soit sous celui de l'ex- 14S0. Après lui, Antonio de lUilan , savant musicien,
pression dramatique, soit enûu sous celui de la nou- avait également occupé ce poste important depuis 1480
veauté des effets. Carissimi ne fut pas moins remarquable jusqu'en 1487; puis on avait eu Gabriele depuis 1487
comme ayant donné à la musique un caractère de mé- jusqu'en i5i2, Jean Spataro, de i5i2 à i54ï, Michel
lodie moderne qui fut ensuite perfectionné par son élève Cimatoride i54i à i548, Dominique-Marie-Ferrabosco,
Alexandre Scarlatti, mais qui s'est conservé long-temps depuis 1548 jusqu'en i55o, Nicolo de Mantoue de i55o
dans les productions de ses successeurs. On peut consi- ài563, Jean-François Miliolide i563 à i58i, P.Coloo-
dérer ces deux grands musiciens comme les chefs du aa, de i58i à 1594, etc. Tous avaient été de savaas
style concerté qui fut ensuite adopté dans la plupart des contrapuntistes ainsi que les maîtres de chapelle de l'é-
églises de Rome, à l'exception de la chapelle du Vatican, glise de Saint-François Bartholomé de Tricarico, Boni-
de celles de Sainte-Marie-Majeure et de Saint-Jean-de- face de Bologne, Julien Cartari, Bartholomé MoDtalbani,
Lalran. Toutefois on cite peu de compositeurs romains François Passerini, et quelques autres; mais dès le com-
qui aient écrit pour le tbéûtre, et le nombre de leurs mencement du dix-septième siècle ,^ Bologne vit sortir
ouvrages est peu considérable. Parmi ces compositeurs, de ses écoles une multitude de compositeurs de musique
les noms les plus connus sont ceux de Boretti, de Boroni, dramatique ou instrumentale qui opposèrent une doc-
deMicheli, deNavarra, de PignattaetdeRighi. Quant ù trine nouvelle à l'ancienne, sans pouvoir toutefois triom-
l'école sévère du style ecclésiastique , elle s'est conser- j>her des savans musiciens qui défendaient celle-ci : aussi
vée à Rome plus pure qu'en aucune autre ville d'Italie, est-il juste de dire que, semblable à l'école de Rome,celle
par une succession presque non interrompue de compo- /de Bologne conserva plus long-temps que les autres
siteurs savans, tels que François Soriano, Vincent Ugo- écoles d'Italie l'ancienne pratique des grands maîtres
lini, FaulTarditi, Paul Âgostini de Vallerano, Allegri, dans l'art d'écrire.
Âbbatini, Horace Benevoli, Virgile Mazzocchi, Borreta, Les compositeurs de musique dramatique qui rivali-
Thomas Bay, Cannicciari, Bencini, Lorenzini, Jannac- sèrent avec les Vénitiens dans le cours du dix-septième
KUVLti MUMCiAJLIÏi.
siècle ou an commencement du dix-huitième furent tème particulier (celui du P. Valolti, maître de chapelle
Franceschîni (1676), Jacques-Antoine Perti (1679), de cette cathédrale) vint troubler vers le milieu du dix-
Pistocchi (1679), Joseph-Félix Tosi (1679), Sibell; huitième siècle notions traditionnelles de la bonne
les
(1681), l'un des créateurs de la musique bouffe; Righi école qui dirigeaient les maîtres padouans. D'après ce
(1694), Aldovrandini (1696), Albergatl (1699), San- système, toute dissonance, même celle de neuvième par
doni (1709), Orlandini (1710), Predieri (1711), etRis- subslitution,était praticable par renversement; la quarte
tori(i7i3). Mais après celte époque brillante, le nombre pouvait se résoudre sur la quinte, et la septième sur
des compositeurs dramatiques de l'école bolonaise di- l'octave par le mouvement descendant de la basse. Ce
minua sensiblement, le style d'église prévalut dans Cette système, contraire à la pratique de tous les bons maîtres,
école, et la supériorité des lumières du P. Martini vint aux sensations de l'oreille et aux règles du raisonnement,
lui donner un lustre scientifique qui s'était affaibli dans trouva des partisans. Sabbatini, élève de Valotti, le dé-
les autres écoles italiennes. veloppa dans son livre intitulé : la Fera idea dette Ma^
musique numerkhe segnatare, Venise, 1799, in-fol., et dans
Ce que Venise et Bologne avaient fait pour la sicati
dramatique dans le dix-septième siècle, Naples le fit son Trattato sopra te fughe muskati, Venise, 1 802, in-fol.
dans son école de com- Ces publications contribuèrent à altérer les bonnes tra-
le cours du dix-huitième , et
position acquit en ce genre un éclat extraordinaire. ditions et à jeter dans les écoles d'Italie de l'incertitude
Alexandre Soariatti , homme de génie et savant musi- sur les principes de l'art d'écrire. L'Essai sur le contre-
cien dans un style mixle entre l'ancien style romain et point fugué du P, Martini avait été le dernier bon ou-
le style moderne purement concerté, musicien aussi ha- vrage qu'on eût publié sur cette science; depuis lors
bile dans la musique d'église et dans la cantate, inventée rien de remarquable en ce genre n'est venu réveiller
par son maître Carissimi, au plus haUt l'attention des Italiens sur ce qui la concerne. //
Con-
et qu'il porta
poipt de perfection, que dans la musique dramatique', trapuntisia pratico de François Capalti; ta Fera idea
,
Scarlatti, dis-je, peut être considéré comme le fonda- delta Muska et det Contrapanio , de Joseph Pintado
teur de celte nouvelle école napolitaine, qui devint par (Rome, 1794, in-S") ; le Trattato di Contrapunto fugaio,
Milan, 35 pages in-S") le Saggio
la suite si célèbre. opuscule de Morigi ( ;
Les maîtres napolitains qui eurent le plus de part aux teorko-praiico-maskale , ossia Nuovo Metodo di Contra-
la Scuota di
progrès de la musique dramatique pendant le dix-hui- punto, de Vincent Colla (Turin , in-4°) , et
tième siècle, sont Alexandre Scarlatti (1706), Porpora Contrapunto, de Tritto (Milan, 1823), sont des ouvrages
(i7i6j,Ciampi (1719), Léo (1720), Araja (1730), Vinci de peu de valeur et qui ne peuvent former que des mu-
(1730), Pergolèse (i 73o),Ca£faro(i73o), Latilla (1758)^ siciens peu instruits.
Alessandri (1740), Joraelli (1740}, Arena(i74i), David Aujourd'hui la musique d'église est à peu près anéan-
professeurs ins-
Ferez (1750), Piccinni {1750), Sacchini (1750), Fis- tie en Italie; lés écoles manquent de
dans les négligences
chietti (1754), Traetta (1767), Majo (1760), Guglielmi truits ; il n'y a donc rien d'étonnant
compositeurs dra-
(1764), Paisiello (1765), Cimarosa (1770), Cazzaniga qui fourmillent dans les partitions des
partimenti est d
(1771), et Mortellari (1773). matiques. L'étude de l'harmonie et des
Les succès de tous ces compositeurs firent négliger, peu près la seule qui reste aujourd'hui en usage dans les
comme je riens de le dire, l'étude sévère du contre- Conservatoires; en un mot, l'Italie n'a plus de véritable
L'éclat qui entourait les cérémonies religieuses dans ou moins satisfaisant de la musique dra-
L'effet plus
des idées,
la fameuse cathédrale de Padoue appelée ilSanlo, avait matique ne dépend pas seulement de la nature
aussi le résultat
contribué à maintenir dans cette ville la musique ù un de la facture ou de l'expression , il est
réglées par
haut degré de splendeur ; il en résulta que l'art d'écrire de certaines combinaisons de développement
ouvrage. S'il
avec pureté s'y conserva long-temps. Toutefois un sys- le musicien en raison de l'étendue de son
£
400 REVUE MUSICALE.
n'avait égard à cette étendue et à la gradation de l'inté- ment où l'on pouvait en faire un usage avantageux.
rêt, il pourrait arriver que chaque morceau, considéré Loin de blâmer iVl. Meyerbeer d'avoir ménagé les effets
à part, fût très bon , et que l'ensemble de l'ouvrage fût dans les deux premiers actes de son opéra, et d'avoir
languissant et monotone. Celte considération, qu'on ne adopté des thèmes naturels et même familiers, il me
devrait pas perdre de vue dans la critique des opéras, semble qu'on doit l'en louer, car il a montré en cela
me semble expliquer i merveille l'espèce de ménage- une perspicacité qui semblait ne pouvoir être le partage
ment que M. Meyerbeer a gardé dans les deux premiers que d'un compositeur français.
actes de Robert-le-Diabte, ménagement que ne parais- Si quelques-uns des thèmes du premier acte de Ro-
sent pas avoir compris les personnes qui ont cru que le bert-le-Diable sont peu remarquables en eux-mêmes, ils
génie de ce compositeur ne s'est déployé que dans les le deviennent par la manière dont ils sont ramenés, par
trois derniers actes. La force expressive, l'énergie des la modulation du retour qui est souvent inattendue, par
idées ne deviennent en effet très remarquables que dans une certaine progression d'intérêt dans l'instrumenta-
ceux-ci; mais pouvait-il en être autrement sans que tion, et par des détails spirituels et scéniques. Prenons
l'opéra prît une teinte générale trop sombre , et sans pour exemple l'introduction. Le motif principal est un
qu'il y eût absence de variété dans la couleur? Il fallait chœur syllabique qui d'abord ne frappe point l'oreille
fournir cinq actes et faire les deux premiers légers, afin que par un air d'originalité très prononcée, comme on peut
les choses sévères ne fussent point usées avant le mo- le voir par l'extrait suivant :
Jtlegro.
TÉNORS trc.1 doux
CHOEUR.
PIANO.
lui
g#»
con-sa-crons
g à# g=:^
"Ar m ^ vr g^
^
1/'
i» z: ^^ '
' ^-
^ ^/ /^ dt 4^ït
REVUE MUSICALE. 401
Mais, indépendamment de l'instrumentation, qui est parmi lesquels on en remarque un plein de franchise sur
différente ù chaque reprise et 'qui devient chaque fois CCS paroles :
plus intéressante, il y a une élégance très remarquable « Non non , , il faut qu'il soit puni. •<
dans le retour de ce motif, retour qui se répète plusieurs Les chevaliers rappellent à Robert la parole qu'il leur
fois, et toujours par des moyens différens. Je regrette a donnée, et tout à coup du milieu de leurs cris s'é-
que les bornes de ce journal ne me permettent pas de chappe le refrain, ramené avec d'autant plus d'effet que
faire voir ici tous ces détails si spirituels et si habile- la modulation est aussi simple qu'inattendue. Ce re-
ment ménagés, mais je veux du moins faire juger par frain rappelle à l'imagination des personnages une idée
un exemple de l'effet de la reprise du motif dont je viens douce et riante ; en sorte que du forte le plus énergique
de parler. Cette reprise a lieu vers la fin de l'introduc- on passe tout à coup au piano le plus léger au moment
tion, après qu'on a entendu plusieurs autres thèmes, du changement de ton et du retour au premier motif.
ESEMPIE:
^ ^r^r=^i=-7
0~~W » »
EE.1^1 i ^^^
CHOEUR.
^^ BASSES
m
Avez-vous ou-bli
-/h'
A
itr
é
.Mm
\ez-vous.
votre refrain jo
'
-g-
; ]
g-
-
bli- -é
-yeux
J^fc^
*
avez-vous oubU
le re
-
^^ 7t^cj
•
'
PIANO.
i ^W
'fp- 'fp- sfp.-n
^â :^^^ 7 r r fr
^ é
frain
N_
— —
votre re-frain
JO
jo yeux
^ W=^7=^
-yetix
-vez
-vez
-
-
vous
vous
ou
ou
.-bli
^f—h-^f—^—^
bli- —
é
e
V0--
vo-
0-
X^^ -7-^-
t
^ g^^ -4^ ^F=¥=,'-^^^ =^7 b 7 \rr ^
402 REVUE MUSICALE.
1res doux
¥=^ feÊ -7 7-
^nt^
ri r 7 7- r
\rv\) -^
^ f .
p
\^
-^
tt
P
g^^
^ ire re--frain
^ev^
Œ
le jeu
^5^ !//
le vin le
//
jeu
A/
les bel
te
^ï^r
les etc.
Un
^^ ^^
opéra qui ne serait composé que de choses sem- duction sont applicables au finale du premier acte. Le
^^
blables serait plulût l'œuvre d'un homme de goût que thème principal, bien que d'une mélodie agréable, n'a
d'un artiste de génie ; mais dans un tableau d'exposition rivn de très saillant; mais je ne doute pas qu'en l'écri-
tel que le premier acte de iJcfeCT-i-Zf-DioWc, le goût et vant , M. Heyerbeer n'ait songé à la suite de la scène, et
rinti'Iligcncescénique étaient les qualités les plus néces- n'ait compris qu'ayant à peindre par l'orchestre une pas-
saires. Les trouver réunies dans un compositeur étran- sion qui s'irrite par degrés, en rappelant toujours ce mo-
^
ger à notre scène est d'autant plus remarquable fjuc «es lil", il fallait qu'il fût simple et en quelque sorte vulgaire ;
qualités semblent n'appartenir qii';\ la musique françaia, en un mot que ce ne fût qu'une chanson. C'est ce qui l'a
et qu'elles forment le caractère distinctil" du talent de nos déterminé à choisir le thème suivant, dont le mérite
plus habiles musiciens. ' principal consiste dans un rhylhine très marqué :
ROBERT.
^^ m O
^S mon
, fortune à "ton ca-pri-ce viens je 11 - vre destin etc
-,^ [^-== p N-
PIANO.
f F"
P3 i' «- mVV'l/'V Ê
F{H^
^m P
f>
La
disposition de ce finale, avec un thème si simple, rappellent son refrain joyeux est du plus grand effet, et
me semble un chef-dœuvre d'intelligence dramatique. le retour toujours inattendu du motif par des moyens
Poussé par son mauvais génie, Robert joue et perd fljcjws de modulation neufs et d« bon goût ajoute au mérite de
les armes qui doivent lui servir à conquérir celle qu'il ce morceau. La disposition des détails dans la scène du
aia)e. La manière dont l'orchestre exprime le trouble de jeu est d'ailleurs faite à merveille. Les ritournelles, les
son ame dans le même temps où les autres joueurs lui repos même, tout a été prévu pour rendre la scène
REVUE MUSICALE. 403
piquante et vive. Ce n'est, si l'on veut, que de la phi- un exemple de phrase non carrée qui n'a rien de dés-r
losophie musicale; mais cette philosophie est bien placée agréable, parce que le compositeur a affaibli le sentiment
dans cette partie de l'ouvrage. du rhylhme sur la dernière mesure, en ralentissant le
raUerd.
re sa chons sachons
M^g^
sa- -chons nous en ser-vir. etc.
Si les thèmes qui ont été cités jusqu'ici ne se distin- Il est pas de même de la romance chantée par Mlle Dorus
guent pas par un air de nouveauté et d'élégance, il n'en ||
et dont voici le commencement :
Andanlino
Mr^-^-
ALICE.
Va
^ dit - el
sê^és
PIANO.
^ rgj=
r -îrfrT
i tt
=h"==h"=
é '
''^•i^ 1
é
e: :tm é
—
^ moii en --fant
W^
9 ^ JJJJJJ/^ J.Jj^JJJ^J^
r "^1^1 r f rf
Le caractère de ce petit air est d'une suavité ravis- Il dans une ame agitée et qui y fait rentrer l'espérance et
santé : c'est le langage d'une douce religion qui pénètre ||
le calme. C'est un mélange de force et de douceur, de
404 REVUE MUSICALE.
grâce et d'énergie sentimentale. Au mérite de rendre la quoique d'une simplicité digne de Mozart; enfin la pé-
parole dans sa véritable expression et de la bien scander, riode mélodique s'ydéveloppe aveclcrgeuret se termine
se joint celui d'un style musical élégant et pur. Nul dé- par une phrase de dix mesures diins laquelle la graek-
tail n'est négligé dans ce petit morceau; l'Iiarmonie en lion d'intérêt est marquée avec un lare bonheur. Voici
est excellente; le système d'instrumentation plein d'effet, cette phrase :
ALICE. m r-^
^Pf;:^-Pf
pc
PIANO.
Le ré ^ de la'septième mesure , dans la partie vocale notes plus loin dans l'accompagnement, et forpie une
jde celte phrase, pourra cnuscr quelque élonnement aux soile de fausse relation avec le ré ^ du chant. Dans leur
harmonistes. Le ré q leur semblera peul-Gire d'aulant système, il faudrait écrire la phrase comme dans l'exem-
plus nécessaire que ce même ré se Reproduit deux
"^ plp suivant :
.-^il-#l3-f- m
ALICE.
PIANO.
Mais je crois qu'en écrivant \tré^, M. Meyerbeer a 11 nique, et je pense qu'il a bien fait, car le r^is aurait été
ol>éi à la coudilion mélodique au lieu de servir l'harmo- Il d'une inlonation difficile pour la cantatrice. Loin de
SUPPLÉMENT AU N° 50 DE LA REVUE MUSICALE. 405
choquer l'oreille, l'espèce de fausse relation qui existe çaise véritable, et il terminait, aux applaudissemens
ici entre l'accompagnement et le chant me semble pré- de beaucoup de gens, sa brochure par ces mots : « Je
senter une variété d'harmonie assez agréable à l'oreille. « crois avoir fait voir qu'il n'y a ni mesure ni mélodie
Dès qu'on est entré dans le troisième acte, où le sujet « dans la musique française, parce que la langue n'en
ménagemens que M. Meyerbeer a gardés dans les deux «aboiement continuel, insupportable à toute oreille
premiers, et l'on voit que la légèreté qu'il a mise dans non prévenue; que l'harmonie en est brute, sans ex-
« pression et sentant uniquement son remplissage d'é-
ceux-ci était nécessaire à l'effet général de la pièce.
Sans doute le compositeur de la partition de Robert-le- n coller; que les airs français ne sont point des airs;
Diable se montre plus homme de génie dans le duo que le récitatif français n'est point du récitatif. D'où
chanté par Levasseur et Mlle Dorus au troisième acte et « je conclus que les Français n'ont point de musique et
dans tout le cinquième que dans les premiers mor- « n'en peuvent avoir; ou que si jamais ils en ont une,
ceaux; mais c'est ainsi qu'il en devait être pour que « ce sera tant pis pour eux. »
la musique dramatique l'effet dépend de la convenance de ce qu'a fait le philosophe de Genève ; car c'est au
;
sous ce rapport, le premier acte de Robert-le-Diable ne moment où musique étrangère triomphe en France
la
me paraît laisser rien à désirer. Le mérite de facture y qu'il vient dire aux Français qu'en dépit des prédictions
est remarquable, et M. Meyerbeer ne s'y est pas mon- de l'arrêt porté contre eux, ils ont une musique; peu
tré moins homme d'esprit que musicien habile. s'en faut qu'il ne conclue qu'elle est d'or à plus juste
Dans un prochain article, j'analyserai le deuxième titre que la dent de Silésie. Mais voyez les vicissitudes
et le troisième actes; les deux derniers seront l'objet d'ici bas! Au temps de J.-J. Rousseau, une question
d'une troisième partie d'ani^lyse. de musique était une grande affaire où tout le inonde
FÉiis. prenait part : un état de paix solidement établi, le calme
à l'intérieur et la nécessité de s'occuper de quelque
chose; tout cela, dis-je, secondant le talent de l'écri-
BÉFLEXIONS vain, donnait à son opuscule un intérêt tel que toute
la société en fut occupée pendant près de deux ans.
SCB LE GODT MOSICIL EN FRANCE,
Piiis dp cent brochures furent écrites pour prendre la
Par J.-Fr. Gaii (Brochure in-8 de 80 pages). Paris, 1852 , chez défense de la musique nationale; toutes trouvèrent des
Paulin , place de la Bourse. Prix ; 3 fr.
lecteurs.Les partisans des deux opinions, rangés en
Jean-Jacques Rousseau commençait ainsi sa lettre sur deux corps d'armée dans le parterre de l'Opéra, furent
la musique française : «Voussouvenez-vous, Monsieur, plus d'une fois près d'en venir aux mains; et comme
« de l'histoire de cet enfant deSilésie, dont parle M. de rien ne se faisait alors sans chansons, les couplets saty-
« Fontenelle, et qui était né avec une dent d'or? Tous riques ne manquèrent pas dans eette occasion.
• les docteurs de l'Allemagne s'épuisèrent d'abord en Quelle différence avec ce qui se passe aujourd'hui !
« savantes dissertations ,
pour expliquer comment on De si graves intérêts s'agitent ; tant d'existences y sont
« pouvait naître avec une dent d'or; la dernière chose compromises ; de si grands événemens peuvent en naî-
« dont on s'avisa fut de vérifier le fait, et il se trouva tre, qu'il n'y a plus que de l'indifférence et de la dis-
« que la dent n'était pas d'or. Pour éviter un semblable traction pour des questions d'arts, de science ou de
« inconvénient, avant que de parler de l'excellence de littérature. A la vérité, la salle de l'Opéra s'emplit aux
« notre musique, il seraitpeul-être bon dje s'assurer de représentations de Robert-le-Diable, et le peuple dilet-
« son existence , et d'examiner d'abord , non pas si elle tante prend encore son essort vers le théAtre Favart
" est d'or, mais si nous en avons une. n pour entendre Mme Malibran et Rubini ; mais ce sont
Il était dans la tournure d'esprit de ce grand écrivain des distractions qu'ony cherche plutôt que des plaisirs
de choisir des thèses difficiles, et dans la nature de son dont on serait avide. Quel peut être le sort d'un écrit
talent de mettre la raison de son côté, même lorsqu'il en faveur de la musique française en de telles circons-
soutenait des paradoxes. Ainsi, c'était dans un temps tances? et qu'importe à une population si préoccupée
où les Français ne connaissaient que leur musique qu'il que nos compositeurs conservent aux chants du pays
venait leur dire , non-seulement qu'elle n'était pas leurs formes primitives, ou compromettent leur natio-
bonne, mais même qu'il n'y avait pas de musique fran- I
nalité par des emprunts ù la musique étrangère? La
'lOG REVUE MUSICALE.
voir foi dans les formes de l'ancien opéra -comique et originalité qu'une pâle copie de la musique italienne ;
(le la comédie ;\ ariettes; mais les besoins ne sont pas copie toujours inexacte, parce que notre langue manque
les mêmes à toutes les époques; M. Gail l'avoue liii- de flexibilité et ne se prête qu'avec peine aux rhythmes
niêmc : il reste donc ;\ examiner s'il y a quelques chance réguliers et à la vocalisation. Gardons-nous cependant
de succès aujourd'hui pour la musique française à res- de croire que les formes de cette musique ne puissent
ter dans le cercle étroit de ses anciennes combinaisons. être agrandies sans que son caractère soit altéré , ni
A celte demande comment leFrançais aime , la musique, qu'il soit nécessaire chanson y prédomine. Sans que la
M. Gail répond par cette citation, assez burlesque, doute, des spectateurs français éprouveront toujours
comme il le dit : le Français né malin créa le vaudexiile ;
peu de plaisir à voir suspendre le mouvement drama-
ce qui veut dire que les Français sont plus chansonniers tique pour écouter de ces longs morceaux posés qui
((lie musiciens. La conclusion qu'en tire l'auteur des n'ont d'autre but que de délecter l'oreille; mais nous
Réflexions sur le goût musical en France, c'est qu'après sommes déj;\ loin de ces opérettes composés de cou-
(le grands progrès, il nous reste encore quelque chose plets , de romances , de rondeaux et de petits duos
de cette pauvre origine musicale. A cela, je n'ai point dout nos pères faisaient leurs délices. L'art tend à s'éle-
d'objection à faire , car c'est une vérité que j'ai déplorée ver ; le problème à résoudre est de suivre cette impul-
Huelquefois. I\Iaisje ne puis être d'accord avec M. Gail, sion .sans dénaturer le type national.
lorsqu'à cette question : que voulez-toas enfin dans la mu- Je suis tenté d'adresser à M. Gail le reproche de n'a^
sique? il répond : de l'esprit! De l'esprit! Eh! mon voir pas d'opinions biens arrêtées et de ne présenter
Dieu ,
que voulez qu'en
fasse le musicien , à moins que des idées détachées qui ne s'accordent pas toujours
qu'il ne lui-même chansonnier ? La musique est
soit entre elles. Après avoir dit : <- Le Français ira-t-il par
un art d'émotion , et rien n'émeut moins que l'esprit. « penchant aux Bouffes ? Ecoutera-t-il un concert de
Grétry, je le sais , fut un musicien spirituel mais il fut ; «quatre heures, rattaché à une action presque noyée,
surloutmélodiste, passionné dansRichard, dans Aucassin » presque nulle ? Je pense qu'il y trouvera un vide fati-
et Nicolette, naïf dans beaucoup d'autres ouvrages; « guant, car il faut que son esprit soit occupé, inté-
comique lorsque les situations l'exigeaient, exact enfin 11 ressé ; l'oreille seule ne fait pas arriver assez d'émo-
à exprimer les sentimensdont les personnages devaient « tions à son coeur. Il trouvera ridicules des situations
être agités, mais non diseur de bons mots en musique, « prolongées pour dérouler des morceaux intermi-
quoiqu'il en ail eu la prétention dans sa vieillesse. En- II nables. » Il «Après une
ajoute, deux pages plus loin :
fin, il faut bien le dire, si Grétry est tombé tout à u situation vous pouvez hardiment musicailler ving<
,
coup devant le perfectionnement de l'éducation musi- II minutes devant certains spectateurs ; cinq ou dix mi-
cale des Français, c'est pour avoir voulu parfois forcer II nutes d'exploitation seront assez pour nos oreilles et
REVUE MUSICALE. 407
ce notre attention qui raisonne, o Dix minutes eh ! ! mais essais de quelques compositeurs français pour faire
à moins de changemens de mouvement et de situation, tera seulement ce qui peut s'y allier, comme aprèsavoir
et ce sont précisément ces changemens que réclame tenté d'imiter Peigolèse et Léo, Philidor et Monsigny
M. Gail pour qu'un auditoire français puisse entendre sont arrivés à leur style individuel.
chanson.
Pour raviver l'opéra-comique et la musique française Nouvelles de Paris.
dans l'esprit de leur origine , M. Gail voudrait qu'il y
ville , Réziccourt , Juillet; Mmes Dugazon, Saint-Aubin M. Laurent, ancien directeur privilégié de l'opéra
et Gonthier jouaient la comédie à merveille, mais c'é- italien , s'est chargé de l'entreprise de l'Opéra-Comi-
taient de pauvres chanteurs et de tristes musiciens. Au que, et a ouvert son spectacle samedi dernier par une
reste, il nous sera plus facile d'apprendre aujourd'hui à représentation du Concert d la cour et de Zampa. II y a
bien chanter qu'à jouer la comédie passablement. Les du courage à courir les risques d'une affaire qui a causé
modèles du chant existent encore; ceux de la comédie la ruine de plusieurs entrepreneurs; mais sans doute
sont perdus à jamais. A défaut d'autres talens, M. Gail M. Laurent ne sera point abandonné par l'autorité , et
Tondrait appeler Jenny Colon, Léontine Fay et Jenny l'on comprendra enfin la nécessité de protéger un spec-
Vertpré au secours de l'opéra-comique; la plaisanterie tacle qui est la seule ressource des compositeurs fran-
me bonne, mais le public pourrait bien n'être
parait çais. D'un autre côté il est vraisemblable que M. Laurent
pa&'du même avis. Ces dames sont bien placées dans le ne suivra pas les erremcns qui lui ont été tracés par ses
petit cadre où elles sont vues; transportez-les sur une prédécesseurs; qu'il s'occupera du soin de renouveler
scène plus grande, et vous serei étonnés de l'effet né- en partie ses acteurs, et qu'il rajeunira son répertoire
gatif qu'elles produiront. Et puis, ce sont des cantatri- par de bonnes nouveautés ; car ce sont là des conditions
ces pour rire ,
près desquelles Mme Casimir serait comme d'existence pour l'Opéra-Comique.
Mme Malibran auprès de Mlle Amigo. Conservons, à Déjà Mlle Camoin a passé du théâtre des Nouveautés
la bonne heure, la physionomie de la musique française; à celui de M. Laurent, et y a débuté dans le Concert d
mais , par grâce, ne faisons pas de l'opéra à la manière la cour et dans la Dame Blanche. Quoiqu'elle ait laissé
du Gymnase. M. Gail veut bien qu'il y ait dans nos opé- désirer plus de justesse et de fini dans son chant, elle
ras des duos , des trios , des finales çh quels finales , ; ! a fait preuve d'intelligence en apprenant dans un court
quels trios, quels duos veut-il que chantent ces dames, espace de temps deux rôles difficiles. Nous lui conseil-
à moins que ce ne soient des choses de la force du plus lons toutefois de ne point abuser de cette facilité qui
beau jour de la vie ? perd quelquefois l'avenir des artistes, et d'être plus exi-
Jeune encore, M. Gail a déjà des souvenirs de jeu- geante avec elle-même sous le rapport de l'intonation
nesse :ces souvenirs l'ont trompé et lui ont fait prendre et de la mise de voix.
pour les besoins de l'époque ce qui n'est que l'effet Mme Martineta continué ses débuts dans Zampa; cette
d'an désir individuel. C'en est fait à jamais de l'ancien dame est une fort bonne acquisition pour l'Opéra-Co-
opéra français ; il n'y a plus moyen de lui rendre la vie, mique. Sa voix est belle ; elle sait chanter, et tout porte
et le plaidoyer que M. Gail a écrit en sa faveur ne lui à croire qu'elle sera actrice quand elle aura acquis plus
fera pas gagner sa causé. Ce n'est pas à dire que nous d'habitude de la scène. Mme Clara, autre cantatrice dis-
aurons à sa place la musique italienne ou l'allemande : tioguée qui s'est fait avantageusement connaître par la
non ; ce sera autre chose ; quelque chose ou la vérité manière dont elle a chanté le rôle de Rosine au théâtre
dramatique respectée n'empêchera pas que les formes des Nouveautés, doit aussi, dit- on, passera celui de
soient grande» et dignes de l'objet de l'art; quelque rOpéra-Comique. Mais des difficultés se sont élevées
chose qui sera compris par une population dont l'édu- entre elle et M. Langlois , directeur du théâtre des Nou-
cation musicale va sans cesse s'améliorant,et qui réunira veautés , qui croit avoir le droit de maintenir son enga-
les suffrages des artistes et ceux des gens du monde. Des gement , bien que son théâtre soit fermé depuis trois
408 REVUE MUSICALE.
bientôt aux habitués de l'Opéra-Comique. de légèreté. Les difficultés les plus grandes ne sont que
Il est question aussi d'un engagement de M. Stéphen jeux pour cette jeune artiste, pour qui un avenir de suc-
au même théâtre: nous croyons que ce serait une très cès estOùvert. Que Mlle Mazel persévère, que des études
bonne acquisition. M. Siéphen possède une belle voix sérieuses ne la rebutent pas ; il y a toujours à faire même
de basse; il sait chanter, il est bon musicien, et sans pour un talent acquis. Ses succès l'en récompenseront
être grand, est d'un aspect agréable. On sait qu'il n'y a pleinement.
pas de basse chantante ù l'Opéra-Comique : M. Stéphen Il ne me reste qu'un regret, c'est la monotonie de
pourrait combler ce vide. mon article qui est tout louangeur.
— Mlle Mêlas, cantatrice italienne qui arrive de Saint-
Pétersbourg, a paru mardi derni^ au théâtre Favart
SOIRÉE MUSICALE dans Sémiramls. Une émotion si vive l'agitait, et le pu-
Donnée par Mlle Mazel. blic a montré si peu d'indulgence, qu'il nous serait dif-
C'était une charmante soirée où le , soirée d'artistes ficile de porter un jugement sur le talent de cette dame :
talent, le goût et le sans-façon marchent de compagnie. nous n'en parlerons qu'après l'avoir entendue une se-
Le plaisir, là, n'est pas imposé vous vous amusez selon ;
conde fois. Toutefois, puisque nous venons de dire deux
Yotre fantaisie : vos jouissances sont bruyantes ou tran- mots de celte représentation, nous ne devons pas passer
quilles, comme il vous convient. Rien est-il maussade sous silence la manière admirable dont Lablache a joué
comme les réunions dt bon ton où l'amusement est une et chanté le rôle d'Assur. On peut affirmerque la grande
obligation? où bon gré malgré il vous faut faire bonne scène du deuxième acte n'a été réellement jouée que par
contenance, et prendre un plaisir bien grave et tout de lui; son intelligence parfaite ne lui laisse négliger au-
convention! Pour moi, aucun supplice n'est l'égal de cuns détails ; toutes les parties de cette belle scène sont
celui-là. Il me faut de la liberté poussée jusqu'à l'anar- senties par lui avec une vigueur de sentiment extraor-
chie. Suis-je satisfait, j'applaudirai : suis-je d'humeur dinaire et rendues de même.
boudeuse, je me tairai et me tiendrai coi. Bien que toutes les parties du rôle d'Arsace n'aient
Si je n'avais pas été dans une bonne disposition d'es- pas été chantées avec un succès égal par Mme Raim-
prit à la soirée de Mlle Mazel, il m'aurait été bien dif- baux, cette dame a mérité de vifs applaudisspmens dans
ficile de résister à la réunion des talens qui s'y étaient quelques morceaux. Nous ne doutons pas qu'elle ne fi-
donnés rendez-vous. Quand on a à faire à des chan- nisse par bien chanter tout l'ouvrage.
teurs comme MM. Ad. Nourrit, Levasseur et Mme Da- Mme Malibran a joué vendredi, pour la dernière fois,
moreau, ou à des instrumentistes tels que Mlle Mazel le Son absence du Théâtre-Italien y
rôle de Desdemona.
MM. Tulou, Gallay, Labarre, le moyen, je vous prie, laissera un vide que l'administration espère combler par
de rester froid ? Il faut applaudir, votre esprit changera, le succès présumé du Pirate de Bellini, dans lequel le
fût-il noir comme une nuit de janvier. talent de Rubini se montre, dit-on, à son plus haut point
. MM . Levasseur et Nourrit ont lutté de talent.- Il n'est de perfection.
aucun des auditeurs qui put croire que ces deuxartistes — Les amateurs de musique n'apprendront pas sans
étaient fatigués par vingt exécutions de la belle parti- un vif plaisir que les soirées de quatuors et de quintet-
tion de Robcrt-le-Diable. Leur voix n'avait rien perdu tosdeM. Baillotcommencerontmardi prochain, 24 de ce
de sa fraîcheur, de son éclat et de son charme. Mme mois, dans le local ordinaire, hôtel Fescfa, rue Saint-
Damoreau n'a pas été moins remarquable; dans un Lazare, à huit heures du soir. On peut ^souscrire pour
air et dans de jolis nocturnes composés par Mlle Pujet, deux concerts chez lesprincipauxmarchandsde musique.
elle a eu un succès de fureur. — La personne de qui nous avons reçu une lettre re-
M, Gallay, M. Tulou, M. Labarre, voici trois noms lative à une composition dont nous avons parlé dans un
qui donnent l'idée de la perfection de trois instrumens. de nos numéros précédens, lettre dont elle réclame l'in-
Chacun de ces artistes semble être né pour son instru- sertion dans la Revue musicale, comprendra sans doute
ment: je ne conçois pas la harpe sans M. Labarre, le les motifs de convenance qui ne nous permettent pat
cor sans M. Gallay, ou la flûte sans M. Tulou. Il me de faire cette insertion Nous lui aurions fait connaître
suffit de nommer de pareils artistes pour me fairecom- directement ces motifs, si elle s'était nommée.
prendre de mes lecteurs. Mlle Mazel a droit à une men- IMPRIMERIE DE E. DUVERGEE, ttlE DE VERNEtlIL , R° 4'
REVUE MUSICALE,
V»« ANNEE. PUBLIEE PAR M. FETIS. N» 51.
LE DIRECTEUR DE LA REVIE MUSICALE aux annonces un espace qu'aucune autre des divi-
sions du journal ne pourra désormais envahir. Le
A SES ABONNÉS. Bulletin d' annonces contiendra chaque semaine l'an-
La Revue musicale vient de loucher à la sixième nonce de TOUTE LA MUSIQUE à mesure qu'elle paraîtra.
année de sa publication. Les efforts du directeur de
La musique publiée en Allemagne et en Angleterre
sera aussi annoncée mais à des époques moins rap-
ce journal ont porté leurs fruits, car chaque jour a ,
nombre de abonnés de prochées , attendu qu'un choix sera fait pour cela
vu s'accroître le ses et ses
des ouvrages remarquables. L'analyse des œuvres de
correspondans. De constantes améliorations ont été
apportées au plan premier; mais le directeur n'ignore
musique importantes sera donnée avec des passages
pas qu'il a toujours à faire; qu'à des perfection- notés au moyen des beaux caractères de M. E. Du-
Améliorer sans cesse , tel doit être le but de toute Différentes circonstances ont forcé l'éditeur de la
entreprise, et tel a toujours été le sien. Bévue musicale à mettre quelquefois un jour de re-
A dater du prochain numéro de la Bévue musicale, tard dans la publication de cette feuille. Cet acci-
dent ne se renouvellera plus. C'est désormais le sa-
de nouvelles divisions seront créées, d'autres rece-
vront de notables perfectionnemens enfin le soin medi que paraîtra la Bévue. Enfin rien ne sera négligé
;
le plus scrupuleux sera donné à ce que toutes por- pour accroître l'intérêt que les lecteurs de la Revue
tent le même degré d'intérêt. musicale ont remarqué depuis cinq ans dans les co-
l'éditeur de la Bévue musicale a résolu de consacrer la société, et par ce mot j'entends ici toiJtes les personnes
taJL
410 REVUE MUSICALE.'
quiportentquelque intérêt l'i la musique, la société , dis- sont ravissans , et M. Baiilot ne l'est pas moins que la
je, ne se doute pas des jouissances que peuvent procurer musique qu'il joue.
ces petits concerts. Ce mal, très considérable sous le La seconde partie ,
plus courte que la première , sui-
rapport des progrès du goût, est, moins grand en pro- vant l'habitude, était composée d'un quatuor de Boc-
vince qu'à Paris. Li\, il se trouve encore des amateurs cherini, peu connu, mais rempli de choses charmantes,
d'amour pur de l'art qui se réunissent
pleins de zèle et suivi d'une fantaisie remplie de difficultés très origi-
périodiquement pour savourer le plaisir d'exécuter et nales sur des motifs de Guillaume -Tell , composée et
il'entendre les admirables compositions de Haydn , de exécutée par M. Baiilot.
Mozart, de Beethowen, et les^charmantes fantaisies de J'ai déjà fait remarquer que parmi les motifs d'éton-
Boccherini; mais à Paris le violon et la basse ne sont nement et d'admiration qu'on trouve dans ces soirées
plus cultivés que par les artistes : le chant et le piano ont de M. Baiilot, il en est un qui mérite surtout l'attention
tout envahi. C'est à celte cause, sans doute , qu'il faut des artistes, c'est cette puissance nerveuse qui fait que
attribuer la décadence de la musique instrumentale dans son amour de l'art ne languit pas un seul instant pen-
la ville où elle pourrait être rendue avec le plus de per- dant ces longues séances, et qu'il y puise sans cesse do
fection possible. On ne s'inquiète guère des choses qu'on nouvelles forces. L'enthousiasme est nn état de fièvre;
ne fait pas soi-même; on arrive insensiblement à l'in- il est bien rare qu'il se soutienne ainsi sans relâche.
différence, et l'on Onit par les oublier tout-à-l'ait.
FÉTIS.
Si l'on savait ce qu'il y a de plaisir i recevoir dans
une soirée comme celle que M. Baiilot a donnée mardi
dernier; si l'on connaissait la variété d'inspiration de cet
nière vague et sans savoir de quoi il s'agit ; il y a même j'ai, lorsque je parle d'un concert, de ne pas dire un mot
des gens qui se persuadent de bonne foi que cela est en- sur la musique, m'inqniétant des artistes seulement.
nuyeux; ils méprisent ce qu'ils ignorent, et se privent Comment, me disait-il avec humeur, est-ce donc chose
J)ar préjugé d'un plaisir qui les transporterait s'ils appre- de peu de valeur pour vous que l'œuvre du composi-
naient i\ le connaître. Je dis s'ils apprenaient, car tout teur? l'exécution vous paraît-elle seule digne de vot(;e
s'apprend, même à jouir. Pl.iignons ces hommes in- critique? qui donc nous dira les progrès ou la décadence
complets qui resserrent eux-mêmes à plaisir le cercle de de la musique en France , si ce n'est la Revue musicale?
leurs sensations ; qui ne veulent en éprouver que d'une Est-ce ainsi que vous prétendez justifier votre titre?
certaine façon, et qui se formulent d'une manière toute J'attendis, pour répondre à mon ami, que sa mau-
uniforme. Ces pauvres gens ne connaissent qu'une faible vaise humeur se fût écoulée. Eu vérité, il avait raison ,
que ne fait pas l'amour de l'art. Les concerts du Conser- puisque, à la disposition près, vous diriez d'avance le
vatoire ont appris à beaucoup de personnes qui ne s'en programme d'un concert: l'Italiana itiAlgeri, Bianca t
doutaient pas ce que c'est que la symphonie; peut-être Faliero, Semiramide , etc.; vous ne sortez pas de là.
M. Baiilot leur apprendra-t-il enfin àconnaître le qua- Parlons donc des artistes.
tuor. M. Stephen a fort bien chanté avec sa belle voix de
Avec cette élégante simpliciié qu'on lui connaît . ce basse.
grand joué d'abord un quintetlo de Boccherini,
artiste a Mlle Michel fait des progrès ; sa voix acquiert plus de
puis sa prodigieuse variété d'inspirations s'est manifes- timbre et de mordant; mais il lui reste encore à travailler
tée dans un quatuor en mi de Haydn, délicieuse compo- sa vocalisation. Pour Mlle Marinoni c'est toujours même
sition, où l'on ne sait ce qu'il faut le plus admirer du facilité, même légèreté d'organe, mais d'un organe peu
génie de l'auteur ou de celui de son interprète. Ce flatteur.
quatuor a été suivi du quintetto en ut de Mozart. Le M. de Bériot a été à la hauteur de sa réputation.
premier morceau de ce quintelto n'est pas un des meil- M. Osborne a été plus loin que la sienne; on a remar-
leurs ouvrages du grand homme, niai; tous les antres qué de grands progrès chez ce jeune pianiste'. Le duo
REVUE MUSICALE. 411
pour piano et violon, exécuté par ces deux artistes, a Sans vouloir rien préjuger sur l'effet de cette pièce k
fait grand plaisir. l'Opéra-Gomique, nous proposerons à M. Laurent un
M. Gallay, toujours même perfection. doute sur le danger qu'il y aurait à changer le genre de
Résumé : soirée passée fort agréablement. le privilège qu'il exploite. Le
ce spectacle, et à altérer
— On vient de reprendre à l'Opéra-Comique la Mar- mélange des genres, excellent en province, n'est point
quise de BrlmlUiers, dont les représentations avaient été avantageux à Paris c'est lui qui a toujours nui au théâ-
;
interrompues par la fermeture de ce théâtre. Le succès tre des Nouveautés, malgré l'avantage de son emplace-
de cet opéra, qui avait été toujours croissant, lui pro- ment. Le public de Paris aime à trouver dans chaque
met encore une carrière longue et productive. Les mor- théâtre une spécialité quelconque. D'ailleurs n'y a-t-ii
ceaux détachés sont annoncés dans notre numéro de ce point quelque danger vis-à-vis de l'autorité à altérer la
jour; la partition sera bientôt publiée. Ce sera une nature du privilège qu'elle a concédé ? C'est une ques-
chose curieuse que d'avoir réunis, comme dans un al- tion que nous livrons aussi aux réflexions de M. Laurent.
bum, vingt morceaux de différens maîtres, et dont cha- — Unjournal a annoncé que M. Meyerbeer a été
cun a un caractère k lui. chargé de composer la musique de Thcrésa; nous sa-
—
Nous sommes heureux de pouvoir témoigner à vons positivement que une erreur.
c'est
Duprez et sa, femme sont à Trieste, où ils jouissent sera marqué 24 francs. Les personnes qui souscriront
de la faveur du public. Us chantent les rôles principaux d'avance ne paieront que 10 francs net en retirant l'exem-
VJjo neW imbarazzo , de Donizelli, a été représenté On souscrit ù Paris, chez l'auteur, rue du Faubourg-
à Pavie, pour l'ouverlure de la saison, le 26 décembre. Poissonnière , n" n ; au Conservatoire de musique ; à
Les principaux chanteurs sont Angelo Ranfagna , et le l'Agence générale de la musique, rue du Helder, n° i3;
basse cantante Gaelano Anloldi. chez E. ïroupenas, éditeur de musique, rue Sainl-Marc,
— Paganini a donné un concert ù Leeds. Les billets n° 23, et chez tous les marchands de musique de la
d'entrée , fixés ù une guinéc , n'onl pas empêché que la France et de l'étranger.
salle fût pour ainsi dircp/isc d'assaut i raidi, tandis que Ces solfèges, basés sur une division des voix ration-
le concert ne devait avoir lieu qu'à huit heures du nelles et conformes aux principes des écoles d'Italie,
Les petits inslrumens à vent et à clavier connus sous Cil. CnAOLiEu. Nouvelle galopade. — S fr.
M. Dielz, l'un des facteurs de pianos de Paris les plus en — Quadrille —S militaire. fr.
de la pression plus ou moins forte de la pédale , et ac- 9. Couplets de Boieldieu, chantés par Mme Boulanger, a fr.
M. Panseron joue sur Vaérephone la partie destinée au 6. Duo de Blangini, chanté par Mme Pradher et M. Moreau-
hautbois dans ses jolies romances, et l'effet qu'il en tire Sainti. S fr.
tient vraiment du prodige. 7. Duo de Carafa, chanté par Mme Pradher et M. Boiilard.
laves. Le prix des premiers est de 45o francs, et celui 8. Couplets de Berton, chantés par M. Féréol. 2 fr.