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Epistémologie comme discipline philosophique
On peut considérer que l’épistémologie est une discipline philosophique. Cela signifie
qu’elle fait partie de la philosophie au même titre que la philosophie morale, l’histoire de la
philosophie, la philosophie politique. De quelle partie de la philosophie s’occupe-t-elle ? La
réponse paraît évidente : elle travaille sur notre rapport aux sciences, elle s’intéresse à
l’évaluation du travail scientifique, son appartenance à la philosophie n’est pas sans
contrepartie. On peut la soulever en deux points :
Premier point : faire valoir que l’Epistémologie comme la philosophie en général
semble être engagée dans ce champ de bataille dont parlait Kant. Un champ de bataille dont
personne ne sort jamais ni vaincu, ni vainqueur. On observera qu’en épistémologie comme en
philosophie, prolifèrent les courants, écoles, tendances. Il ne va pas de soi que ces différentes
tendances communiquent entre elles et on peut croire que les engagements de la discipline
varient au gré des contextes, des modes, des fonds alloués à la recherche, des programmes de
recherche ouverts et que l’on doive constater que certains développements sombres alors que
d’autres s’imposent. Parmi ceux qui se sont imposés récemment on peut citer la question de
l’optimisation, son application à l’économie, le problème de la rationalité, la bataille entre le
réalisme qui tient que la science explique le monde et l’instrumentalisme qui tient que les
théories scientifiques sont des instruments très limités, incapables de rendre compte des
questions en déroute, on peut citer : l’analyse du langage, les questions liées au vocabulaire
observationnel, la lecture statistique de la connaissance, l’abandon de la recherche de la
certitude.
Deuxième point : l’épistémologie est encore philosophie au sens où sa défense est son
premier problème. Ce problème se complique infiniment lorsqu’on y adjoint les questions
linguistiques qui sont déjà celles de la traduction du nom épistémologie. La variation est
importante d’une langue à une autre et on ne semble s’entendre ni sur le nom ni sur l’objet, ni
sur la nature de l’épistémologie. Les mots employés ne recouvrent jamais la même réalité et
chaque fois, l’épistémologie semble s’ouvrir à des territoires différents.
Le mot et la chose
Le mot épistémologie peut être analysé de manière élémentaire en recourant à
l’étymologie. On pourrait alors le décomposer en épistème et en logos. L’épistème peut
signifier science, savoir ; quant au logos, il renvoie à discours, théorie, étude critique sur...
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Tentons de joindre les deux composantes étymologiques : on obtient que l’épistémologie sera
discourue de la science, théorie de la science ou sur la science, étude critique de la science ou
sur la science.
En fait, dès ce niveau étymologique, les problèmes surviennent. Une étude critique de
la science devrait couvrir quelque chose de différent de ce que serait une étude critique sur la
science. On peut dire la même chose du discours ou de la théorie de la science ou sur la
science. Le problème général qui est posé revient à la question de savoir si l’épistémologie,
comme la philosophie précisément, n’est bien que cet oiseau de Minerve qui n’arrive qu’à la
tombée de la nuit. Si d’aventure ce devait être le cas, il apparaîtrait alors qu’elle n’est que
discours sur un savoir qui serait déjà constitué. Dans le cas contraire, elle est étude critique
participant à la conception et à l’élaboration du savoir lui-même. Selon que l’on réponde
de l’une ou de l’autre manière, la discipline parait être plus ou moins intéressante. On
comprend fort bien que si l’épistémologie devait participer à l’élaboration du savoir alors
qu’il est en cours de constitution, son importance serait fondamentale. Mais si, par impossible,
elle ne devait se contenter que de gloser sur un savoir toujours déjà constitué, on pourrait
douter de son efficacité à faire avancer ce savoir, de la possibilité que les critiques
épistémologiques participent à l’amélioration effective de celui-ci.
La première alternative est développée par Paul Feyerabend sous un aspect
essentiellement critique. Il regrette alors en toute conséquence que l’épistémologie soit sortie
de ce temps où elle participait au savoir, celui en particulier de l’auteur de La mécanique, un
temps où la philosophie et la science marchaient main dans la main et où les philosophes
impulsaient l’élaboration du savoir. Par opposition à cette période heureuse, il lui semble que
l’épistémologie contemporaine, celle qui suit le rationalisme critique de Karl Popper, se soit
spécialisée dans le discours d’après, d’explication, dans la glose, et n’ait jamais traité que de
questions annexes. Cela condamne les épistémologues à l’aparté, à l’éloignement des
problématiques scientifiques réelles et à l’analphabétisme. Deux textes de Paul Feyerabend
développent cette double idée. Le premier, repris par John Preston dans Knowledge Science
and Relativism, s’intitule “Epistemology A subject with a Great Past”. On comprend à demi-
mot qu’il s’agit de rappeler la période heureuse de l’épistémologie, celle d’un passé glorieux
de la philosophie scientifique ou le philosophe se faisait aussi scientifique compétent. Le
deuxième texte est intitulé “From Incompetent Professionalism to Professionalized
Incompétence”, avec un sous-titre à la connotation tout à fait explicite : “The Rise of a New
Breed of Intellectuals”. Ce titre indique clairement les regrets de Feyerabend de ne pas voir
les philosophes des sciences s’impliquer davantage dans la science réelle, ce qui les cantonne
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aux questions marginales et à ce qu’il nomme les ratiocinations logiques, qui ne sont pas très
intéressantes pour le développement de la science et qui ne disent rien de la vie des
laboratoires.
La deuxième alternative est développée par le philosophe belge Michel Meyer dans
son livre Découverte et justification en science. Selon Meyer, considérer que l’épistémologie
serait un discours sur la science, c’est en quelque sorte en consacrer le renoncement. Dans
cette posture, le philosophe reçoit son texte tout fait et travaille sur une science déjà
constituée. Il ne lui reste qu’à s’occuper des détails qu’il considérera comme éventuellement
intéressants. Il n’est pas non plus dans l’initiative, dans la fabrication de la science mais plutôt
dans les procédures d’explications de la science, ce qui aura occupé une large part de la
philosophie contemporaine.
Cette opposition entre discours de et discours sur la science nous introduit au caractère
éclaté du domaine épistémologique, et la difficulté se trouve dans le mot épistémologie lui-
même. Que devient-il quand nous passons aux traductions allemandes, anglaise, italienne ?
La naissance de l’épistémologie
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Vers 1900, on observe une montée de la critique des principes de la science classique.
Cette critique des théories scientifiques portera sur les lois. Elle s’intéresse particulièrement
aux sciences physiques avec des auteurs comme Henri Poincaré (deux grands livres pour cet
auteur : La science et l’hypothèse ; La valeur de la science) ou Pierre Duhem (La théorie
physique : son objet et sa structure) ou Leroy. Chez les Anglo-saxons, s’intéressent à cette
question, Charles Sanders Pierce, Karl Pearson. En Allemagne, on aura Ernst Mach et
Ostwald.
Quelques temps plus tard, suivra la crise des fondements des mathématiques. Il s’agit
du défi lancé aux mathématiques de trouver le fondement de leur science. On comprend qu’à
l’époque, les mathématiques paraissaient être le modèle de la science, selon Kant et d’autres,
et on comprenait qu’elles étaient bâties sur des fondements solides et inébranlables. On sait
aussi qu’elles ont pour arrière base l’arithmétique élémentaire dont il se trouve
malheureusement qu’elle ne peut trouver en elle-même ses propres fondements. C’est le sens
de ce qu’on a appelé le théorème d’indécidabilité chez Kurt Gödel (On Formally
Undecidable Propositions of Principia Mathematica and Related Systems). Deux hommes
illustreront cette critique des fondements des mathématiques dont Frege dans Les Fondements
de l’arithmétique (Grundlagen der Arithmetik) et Russell qui, avec Whitehead, écriront les
Principia Mathematica.
La jonction de la perspective de Bolzano et celle de Whewell circonscrit le territoire
de l’épistémologie, qui couvrira la réflexion critique concernant à la fois les sciences
formelles (logique, mathématiques) et les sciences empiriques (physique, biologie,
astronomie).
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3/ La raison (faculté des principes). C’est le lieu des lois ; on dira alors que
l’entendement est structurateur, organisateur et la raison est législatrice.
Connaître chez Kant, c’est mettre en forme la matière. Comme il le dit lui-même, les
intuitions sensibles sans l’entendement sont aveugles, l’entendement sans les intuitions est
vide. On voit que Kant espère une merveilleuse jonction entre d’une part, la demande
empiriste d’une connaissance bien fondée sur les faits, et d’autre part l’intuition rationaliste
que, les idées, théories, principes qui organisent notre connaissance ne peuvent venir de
l’expérience mais de la raison. La principale faiblesse de la philosophie kantienne en ce sujet
est que le rationalisme pense que notre esprit est tellement bien fait qu’il ne peut trouver ce
qui correspond forcément à la nature. On pourrait comprendre les motivations kantiennes. Le
philosophe de Königsberg voulait justifier la réussite de Newton, pourquoi ce dernier avait
toujours eu raison ; il voulait dire la supériorité de la théorie newtonienne et aurait voulu en
rendre compte en recourant à des principes universels. La faiblesse de sa démarche est qu’elle
oublie sa part d’erreur, nos ratés, que l’esprit ne commande pas la nature. C’est sur ce point
que le rationalisme kantien sera repensé par le falsificationisme poppérien qui part de l’idée
que nous avons de temps en temps, et bien plus souvent que nous ne l’aurions souhaité, tort,
et que connaître consiste à rectifier ses erreurs.
Parmi les oppositions larvées dans le domaine de l’épistémologie, on peut relever celle
qui opposa, en son temps, les membres du Cercle de Vienne entre eux. Elle oppose deux
groupes de pensées : d’un côté les sensationnalistes, de l’autre les phénoménalistes.
Le Cercle de Vienne est une école de pensée qui naît dans les années 1920. Parmi ses
tenants, on peut citer Rudolf Carnap, Otto Neurath, Philip Franck, Moritz Schlick… Cette
école s’engage dans la recherche d’une nouvelle voie pour la philosophie des sciences ; une
philosophie qu’elle veut rigoureuse, loin des absurdités de la métaphysique. On peut dire que
le cri d’unité ou de ralliement de l’école de Vienne, c’est la critique de la métaphysique. C’est
en quelque sorte le sol commun sur lequel se rejoindront les uns et les autres. Deux écoles
doivent être distinguées au sein l’école de Vienne.
D’un côté, les sensationnalistes qui considèrent que l’origine des sciences est à trouver
dans nos sensations primaires et que le matériau de base s’y trouve entièrement. Cette
doctrine, dont le grand défenseur est Von Juhos, conduira à un empirisme radical qui tient que
tout ce qui ne correspond pas à nos propres sensations ne peut être considéré comme base
pour l’élaboration de la connaissance scientifique. Il s’agit d’une radicalisation fort nette de
l’empirisme d’un Protagoras qui déclarait en son temps que « l’homme est la mesure de toutes
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choses, de celles qui sont mesure de leur être, de celles qui ne sont point mesure de leur non-
être ».
De l’autre côté, les phénoménalistes qui ont pour chef de file Carnap. Ces auteurs
préconisent la vérification des phénomènes, une vérification qui ne peut être faite qu’à partir
des sensations. Cette école est donc vérificationniste, c’est-à-dire qu’elle tient que les énoncés
scientifiques sont des énoncés vérifiés, que ce qui distingue la science, c’est la vérifiabilité.
Réciproquement, cela signifie que ce qui n’est pas vérifiable ne peut relever de la science.
Les deux groupes (sensationnalistes et phénoménalistes) sont intéressés par la
possibilité de revenir à l’ordinaire. Ils sont tentés de revenir aux énoncés qui disent vraiment
ce qui se passe dans les choses au cours de l’expérience, qui racontent ce qui est observé ici et
maintenant. De tels énoncés sont dits protocolaires (protokollsätze) parce qu’ils racontent les
protocoles de l’expérience ; c’est-à-dire qu’ils disent, sans ajout, de ce qui a été effectivement
observé, qu’ils décrivent exactement ce qui se produit dans l’observation. Pour les viennois,
les énoncés protocolaires sont la base de la science. Ils constituent ce à partir de quoi on peut
juger de la validité de la science.
Si sensationnalistes et phénoménalistes adhèrent à ce fameux critère de vérifiabilité,
un autre courant, fort important, est en retrait par rapport à cette position : il s’agit du courant
des cohérentistes dont le chef de file est Neurath. Selon ces derniers, ce qu’on recherche dans
le système de la science, c’est tout simplement la cohérence des énoncés scientifiques, car
c’est dans cette cohérence que se loge la capacité de bâtir un édifice scientifique valable et
stable.
Les discussions qui s’engageront au sein du cercle de Vienne aboutiront à l’explosion
de cette organisation. On peut dégager malgré tout trois exemplifications de la réponse à la
question générale de l’épistémologie (à savoir qu’est-ce-que la science ?) :
1/ La première, conjointement défendue par les sensationnalistes et les
phénoménalistes, est la science comme vérifiabilité. Il n’y a de science que du vérifiable et
l’invérifiable est réputé, par avance, non ou antiscientifique. Cette thèse, séduisante en soi, est
malgré tout malheureuse. Son malheur vient de ce que les théories scientifiques sont des
énoncés universels, Popper les qualifie comme énoncés à propos de tous. De tels énoncés ont
pour caractéristique d’avoir des conséquences infinies. C’est ce que Popper nomme le
contenu logique d’une théorie. En effet, quelle que soit la théorie que l’on puisse prendre, on
peut toujours en tirer logiquement un nombre infini de conséquences qu’il nous faudra
vérifier. Or quel que soit le nombre de vérifications faites, il nous restera toujours quelque
chose à vérifier additionnellement ; c’est-à-dire que nous ne serons jamais dans la position de
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pouvoir dire que la théorie est vérifiée, ni même qu’elle est vérifiable, puisque nous ne
saurons jamais rien des conséquences que nous n’avons pas encore examinées. Cette critique
poppérienne sur les conséquences de l’infinité du contenu logique des théories annonce que le
critère de vérifiabilité n’est pas tenable. Cela signifie que si on devait suivre un tel critère, on
devrait rejeter la science tout entière puisqu’elle ne serait pas vérifiable.
2/ La seconde exemplification de la réponse est la science comme confirmabilité ou
probabilité. Les membres du Cercle de Vienne prennent conscience de l’échec de la
vérifiabilité. Ils s’engagent dans un rattrapage qui consiste à dire, qu’à défaut d’être vérifiable,
une théorie appartenant à la science empirique est à tout le moins confirmable. Dans cette
lecture, une théorie générale étant donnée, on en tire un certain nombre de conséquences
qu’on soumet à l’expérience. Chaque réponse favorable de l’expérience compte comme
confirmation de la théorie et comme ajoutant à la valeur de la théorie. Ces philosophes,
comme Carnap dans Logical Foundations of Probability (The University of Chicago Press) en
1950, diront que de telles théories sont hautement probables, c’est-à-dire qu’elles ont une très
haute probabilité d’être vraies. Cette doctrine sera appuyée par les systèmes de logique
inductive que l’on doit à des philosophes comme Carnap, Sir Harold Jeffreys (Theory of
Probability), De Finetti (Probability, Induction and Statistics (Probability & Mathematical
Statistics, John Wiley & Sons, 1972).
Le très grave problème que l’on rencontre avec la confirmabilité peut s’exposer en
deux moments :
(a) Le premier moment concerne ce qu’on nomme les paradoxes de la confirmation
inductive. Il s’agit d’un paradoxe logique que l’on doit à Hempel. Selon celui-ci, si l’on prend
la théorie « tous les corbeaux sont noirs », on s’aperçoit que, du point de vue du calcul
logique, chaque corbeau noir confirme la théorie, mais aussi tout ce qu’il y a de noir même si
ce n’est pas un corbeau. Cela signifie qu’à peu près n’importe quoi peut confirmer la théorie
selon laquelle «tous les corbeaux sont noirs ». Cela a pour conséquence que nous devions
reconnaître qu’en logique, nous ne savons pas traiter convenablement, de manière formelle, ce
qu’est une confirmation inductive.
(b) Le deuxième moment est lié à la probabilité et a été développé par sir Karl Popper
dans le Post Scriptum à La logique de la découverte scientifique (Paris, Payot, 1973) intitulé
Realism and the Aim of Science (trad. franç. A. Boyer & D. Andler : Le réalisme et la science,
Hermann, 1990). Popper explique que, puisque dans la science, on a affaire aux énoncés
universels, nous ne pouvons jamais prétendre que de tels énoncés aient une haute probabilité
d’être vrais. Il faut même dire l’inverse. En effet, la règle des probabilités explique que la
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probabilité d’une hypothèse H est définie par le rapport entre le nombre de cas favorables et le
nombre de cas possibles. Mais puisque le nombre de cas possibles est infini, alors cette
probabilité sera forcément évanescente, infinitésimale, en tout cas proche de la nullité. Selon
Popper, il faut dire que les théories universelles sont tout simplement improbables, ce qui est
une conséquence diamétralement opposée aux thèses de Carnap.
3/ Troisième réponse : le système de la science comme ensemble d’énoncés cohérents,
c’est-à-dire non contradictoires les uns les autres (cohérentisme ou la théorie de l’aire
culturelle). Dans l’idéologème de la vérifiabilité ou de la confirmabilté, le souci empiriste est
premier. Il s’agit en effet de fonder solidement la connaissance sur l’expérience, sur une
expérience élémentaire, celle qui dit ce qui se passe ici et maintenant dans l’observation. On
peut alors être tenté de fonder la science sur ses propres sensations (Von Juhos) ou ses propres
perceptions pour les phénomènes qu’on expérimente soi-même. C’est ce que Carnap appelait
le solipsisme méthodologique. Une fois qu’il est apparu que cette fondation n’a rien de fiable
et de définitif, il y a eu en quelque sorte renoncement à l’empirisme radical pour une thèse
bien plus affaiblie : celle du cohérentisme à la Neurath. En effet, la science ne recherche plus
de base solide et définitive ; il n’y a plus, dit Neurath en latin, de Noli me Tangere, c’est-à-
dire d’énoncés irréfutables, non révisables. A partir de là, la base de la science c’est
l’ensemble des énoncés que nous considérons dans notre aire culturelle comme constituant ce
à partir de quoi nous devons procéder pour construire l’édifice de la connaissance
scientifique. Cette façon de fonctionner, introduit un relativisme quasi absolu dont tireront
ensuite parti des auteurs comme Paul K. Feyerabend, puisque désormais cette base de la
science ne s’impose à personne, si ce n’est à ceux qui participent de mon aire culturelle
particulière.
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(b) Thomas Kuhn, auteur de Black Body and Quantum Discontinuity et de The Structure of
Scientific Revolutions (trad. franç. Laure Meyer : La structure des révolutions scientifiques,
Paris, Flammarion, ????).
(c) Imre Lakatos, successeur de Sir Karl à la London School of Economics et qui s’est
intéressé à suivre les développements scientifiques à travers l’histoire. Il les a théorisés dans
son livre The Methodology of Scientific Research programmes (Cambridge University Press,
19 ??, trad. franç. partielle : Histoire et Méthodologie des sciences, Paris, Puf, 1994) [Preuves
et Réfutations : essai sur la logique de la découverte mathématique , Paris, Hermann, 1984].
A ces auteurs, il faut rajouter un météore dans le ciel de la philosophie des sciences, Norwood
Russell Hanson, qui a, lui aussi, beaucoup travaillé à la physique quantique et à son
interprétation par l’école de Copenhague et qui a écrit Patterns of Discovery dont le sous-titre
parlant est Inquiry into the Conceptual Foundations of Science » (trad. franç. E. Emboussi
Nyano : Les modèles de la découverte. Enquête sur les fondements conceptuels de la science,
Chennevières-sur-Marne, Dianoïa, 2001).
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Le travail de Newton porte sur la mécanique de la gravitation et ses effets. Newton établit
trois lois fondamentales et universelles du mouvement qui sont restées inchangées pendant
plus de trois siècles. Il est parti du terme « poids » pour parvenir aux lois de la gravitation
universelle. Ces trois lois du mouvement (principes des actions réciproques, principe
fondamental de la dynamique et principe d’inertie) ont fait d’Isaac Newton le père de la
mécanique moderne. La mécanique non-newtonienne prend naissance dans la théorie de la
relativité d’Einstein. En effet, la théorie d’Einstein ne peut être considérée comme scientifique
et applicable qui si l’on tient la théorie de Newton pour fausse. Ces deux approches
différentes ont chacune contribué au développement de la physique. L’esprit scientifique
einsteinien ne vient pas récuser ou rejeter celle newtonienne, mais il vient la compléter,
apporter de la lumière aux zones d’ombre. Le nouvel esprit scientifique est conçu selon ce
schéma : la démonstration que le nouvel esprit scientifique est la quête du lien et non de
l’opposition entre les propositions scientifiques marquantes du monde moderne. Bachelard
veut nous montrer la complexité et la nécessité qui caractérise la philosophie scientifique. En
effet, elle n’est pas accessible à tous, mais c’est grâce à elle que le nouvel esprit scientifique
évolue, elle est le socle sur lequel ce nouvel esprit repose.
Cette évolution caractérisée par dualité et dialectique se résume dans l’épistémologie
cartésienne : « Un des chimistes contemporains qui a mis en œuvre les méthodes scientifiques
les plus minutieuses et les plus systématiques, M. Urbain, n'a pas hésité à nier la pérennité des
méthodes les meilleures. Pour lui, il n'y a pas de méthode de recherche qui ne finisse par
perdre sa fécondité première. Il arrive toujours une heure où l'on n'a plus intérêt à chercher le
nouveau sur les traces de l'ancien, où l'esprit scientifique ne peut progresser qu'en créant des
méthodes nouvelles. Les concepts scientifiques eux-mêmes peuvent perdre leur universalité.
Comme le dit M. Jean Perrin " Tout concept finit par perdre son utilité, sa signification même,
quand on s'écarte de plus en plus des conditions expérimentales où il a été formulé." »
(p.104). Dans la philosophie scientifique, rien est sacré ou intouchable, tout est sujet au
changement dès lors que les conditions de l’expérience changent. Selon Bachelard, c’est cette
caractéristique qui explique l’évolution de la science, révolutionnaire et sans cesse en
mouvement.
Au final, l’épistémologie bachelardienne insiste donc sur le fait que la philosophie
scientifique est sans cesse en rupture avec la connaissance établie. Au fur et à mesure que le
temps passe, de nouvelles théories voient le jour dans le sillon des anciennes. L’esprit
scientifique se renouvelle sans cesse.
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