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L'Homme

A. J. Greimas, Sémantique structurale. Recherche de méthode


Oswald Ducrot

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Ducrot Oswald. A. J. Greimas, Sémantique structurale. Recherche de méthode. In: L'Homme, 1966, tome 6 n°4. pp. 121-123;

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COMPTES RENDUS 121

Chacun des articles, même si l'on peut faire des réserves sur son contenu, laisse
l'impression, recherchée par Todorov, que l'approche linguistique des problèmes de la signification
peut sans conteste prétendre au caractère scientifique : elle est en mesure de définir des
critères de vérité, et de fournir des cadres pour des discussions précises. Mais il faut noter
en même temps que cette possibilité de rigueur est liée à l'importance accordée, dans chacun
de ces articles, à la notion de signe. Le distributionalisme détermine les lois de combinaison
des signes. L'analyse componentielle cherche à faire, pour chaque terme de parenté,
l'inventaire des traits distinctifs qu'il contient. Quant à la théorie de Katz et Fodor, dans le
prolongement de laquelle se situe le travail de Todorov sur les anomalies, elle prend pour point
de départ un dictionnaire dont chaque rubrique est consacrée à un signifiant du discours :
toutes ces recherches adoptent donc une perspective très différente de celle qui commande
l'ouvrage de Greimas analysé dans ce même numéro, et dont le thème central est une critique
de l'idée de signe. On ne peut nier que l'étude des signes donne une base expérimentale
solide à la sémantique puisque le signe est repérable de façon précise : il comporte un
signifiant qui permet de le localiser dans la chaîne parlée. Cet avantage n'a-t-il pas pour
contrepartie une simplification excessive de la réalité linguistique ? Est-il bien sûr que la langue
soit avant tout la jonction de certaines unités de sens et de certaines unités de son ? Telle est
sans doute la question qui domine la sémantique linguistique actuelle.

O. Ducrot

A. J. Greimas, Sémantique structurale. Recherche de méthode, Larousse, Paris,


1966, 262 p., 21 x 15 cm.

La linguistique peut-elle proposer ses méthodes en modèle aux autres sciences humaines ?
Il devient de plus en plus banal aujourd'hui de donner à cette question une réponse positive.
La sociologie, l'ethnographie, la psychanalyse se sont habituées à considérer une institution,
un mythe ou un rêve comme étant, dans une large mesure, des ensembles signifiants dont il
faut, avant tout, établir la signification ; la linguistique, étude des langues naturelles, c'est-
à-dire de purs systèmes de signification, peut donc sans paradoxe prétendre être le paradigme
de la science humaine. Aussi n'est-ce pas cette prétention qui suffirait à faire l'originalité du
livre de A. J. Greimas. Ce qui est original, c'est la façon dont elle y est justifiée. D'abord
parce que l'auteur met la main à la pâte : il ne se contente pas de considérations
méthodologiques générales, mais il applique les méthodes linguistiques à des exemples précis. Elles
lui permettent notamment de remanier, et de rendre beaucoup plus claires et plus cohérentes,
d'une part la célèbre analyse du conte populaire russe de Propp, d'autre part l'étude — faite
par M. Safouan — d'une série de psychodrames, et enfin la description de l'univers
imaginaire de Bernanos proposée par Thasin Yiïcel.
Une deuxième originalité de l'ouvrage de A. J. Greimas concerne le point d'insertion
de la linguistique dans les sciences humaines. Une fois admis qu'un mythe, par exemple, est
un système de signification, il faut lui reconnaître deux aspects complémentaires, un
signifiant et un signifié. Or l'application la plus naturelle de la linguistique semblerait devoir
porter sur le signifiant. On peut facilement envisager, par exemple, qu'un procédé analogue
à la commutation phonologique permette de distinguer, parmi les événements qui composent
le récit mythique, ce qui est pertinent (ce qui contribue à véhiculer le sens) et ce qui n'est
qu'une variante dépourvue de valeur significative. Mais les méthodes proposées dans
Sémantique structurale visent tout autre chose. C'est d'une analyse du signifié, du contenu, qu'il
s'agit. Le problème n'est pas de déterminer l'organisation la plus cohérente du signifiant,
mais de décrire la signification. L'auteur cherche avant tout à construire un certain nombre
de concepts permettant d'exprimer, avec autant de cohérence et de netteté que possible,
ce que le récit mythique dit d'une façon enveloppée, allusive, et qui souvent même apparaît
contradictoire. La tâche dernière qu'il se fixe, c'est de créer un langage où l'on puisse,
objectivement, parler du sens.
122 COMPTES RENDUS

Cette remarque fait apparaître une troisième particularité de l'approche de Greimas. Il


peut en effet sembler bien prétentieux pour un linguiste d'enseigner à décrire la signification
d'un objet non proprement linguistique, comme un mythe, alors qu'on est encore loin de
savoir décrire l'univers sémantique recouvert par une langue naturelle. Les tentatives faites
pour décrire la connaissance et la conception du monde sous-j acentes au français par exemple,
n'ont guère donné de résultat bien convaincant, et l'on comprend que beaucoup de linguistes
répugnent à se présenter comme guides dans un domaine où ils ont si peu avancé. L'attitude
de Greimas est très différente. Certes il ne cherche pas à déguiser qu'il est impossible en fait
— et peut-être en droit — de décrire ces vastes univers sémantiques recouverts par les langues
naturelles {cf. p. 141). Il pense même que seuls peuvent être étudiés des systèmes clos, des
« micro-univers sémantiques », c'est-à-dire précisément ceux qui sont l'objet des sciences
humaines non proprement linguistiques, ceux, par exemple, qui ont pour signifiants l'œuvre
d'un écrivain, un groupe de mythes, un genre littéraire bien défini, etc. Mais il maintient
d'autre part que l'étude des langues naturelles est, pour le sémanticien, une école
incomparable. Car c'est là que se révèlent le mieux certains caractères généraux de la signification.
Ainsi est-ce à propos des langues naturelles qu'on voit avec le plus d'évidence que le
sens ne se donne jamais immédiatement, mais qu'il se manifeste à travers une longue série
de transformations, et qu'il ne peut être découvert que si l'on suit, à rebours, ce cheminement
complexe. Si en effet on étudie d'emblée les micro-univers sémantiques, on risque de se laisser
prendre au piège de ce que Greimas appelle « la manifestation figurative ». L'ordre et
l'agencement des images, le déroulement des événements, ont toutes chances de faire impression
sur le descripteur, d'être pris au sérieux, et de cacher les modèles d'organisation qu'ils
manifestent d'une façon seulement « implicite ». Une telle mésaventure est arrivée à ceux-là
mêmes qui ont pris le plus de recul par rapport à l'apparence immédiate ; les efforts freudiens
pour découvrir un contenu latent derrière le contenu manifeste, les interprétations «
symboliques » qu'on a tentées pour les mythes ou pour les œuvres littéraires, la recherche de sens
figurés plus vrais que le sens propre, restent encore trop proches de l'apparence figurative :
ils se contentent de la rectifier, de la compléter, de gloser sur elle, alors qu'il faudrait la
disloquer entièrement pour isoler les éléments sémantiques qu'elle amalgame.
La distance entre le sens et les moyens de sa manifestation est en revanche beaucoup
plus évidente dès qu'on réfléchit sur les langues naturelles. Comment ne pas reconnaître,
par exemple, le fossé qui sépare la description syntaxique et la description sémantique des
énoncés ? Comment se dissimuler qu'ayant découvert l'organisation grammaticale d'une
phrase, on sait fort peu de chose non seulement sur son sens, mais même sur l'organisation
du sens à l'intérieur de cette phrase ? Ce n'est donc pas, on le voit, par ses résultats que la
recherche sémantique en linguistique peut servir de modèle à la recherche sémantique dans
les autres sciences humaines. C'est dans la mesure au contraire où elle rend évidentes des
difficultés, dans la mesure où elle fait apparaître — outre la distinction du signifiant et du
signifié — une multitude de niveaux à l'intérieur du signifié lui-même. Ainsi, et c'est là la
troisième originalité de l'attitude de Greimas, les enseignements qu'apporte la linguistique
sont avant tout négatifs. C'est pour cette raison qu'on ne saurait leur objecter l'inexistence
de descriptions sémantiques complètes des langues naturelles.
Nous ne donnerons qu'un exemple, pris parmi beaucoup d'autres, de cet apport négatif
de la linguistique : la critique à laquelle Greimas soumet la notion de signe. Il est facile de
découper tout message linguistique en une succession de signes : on en reconnaîtra autant
qu'il y a de segments de l'expression auxquels correspond un sens. Le mot peut ainsi être
considéré comme un signe, et l'on définira même des signes plus petits que le mot, appelés
« monèmes » ou « morphèmes » (on trouvera par exemple trois monèmes dans « in- décor-
able»). Greimas insiste sur l'idée que le signifié d'unmonème, ce qu'il appelle le «lexeme», ne
peut pas être considéré comme l'unité sémantique fondamentale. D'abord — cette remarque
est devenue banale depuis Hjelmslev — parce que les lexemes peuvent être divisés en «traits
pertinents » de signification auxquels ne correspond aucun signifiant (dans la terminologie
de Greimas ce sont des « sèmes ») . Mais il faut aller plus loin : le signifié du mot « tête », non
seulement n'est pas une unité sémantique minima, mais ne mérite même pas d'être appelé
« unité sémantique ». En effet, selon le contexte où apparaît ce mot (« tête d'épingle », « tête
COMPTES RENDUS 123
de canal », « tête de classe »), on enregistre des effets de sens, ou «sémèmes », très différents,
où l'apport propre de « tête » est bien difficile à isoler. Inversement certaines combinaisons
de signes d'où le mot « tête » est absent, et certaines où il est présent, peuvent engendrer des
sémèmes identiques (c'est-à-dire ayant tous leurs sèmes en commun) ; on a ainsi « le premier
de sa classe », « le meilleur élève », à côté de « tête de classe ». Dans ces conditions les unités
sémantiques authentiques semblent les sèmes et les sémèmes, sans qu'il soit possible de loger
les lexemes dans l'intervalle qui les sépare. Ce n'est pas dire qu'il soit inutile, pour les besoins
pratiques de la communication, de chercher à trouver un « sens fondamental » des lexemes
(c'est ce que fait la lexicologie), ou de déterminer, comme fait la grammaire, quelles
combinaisons de lexemes constituent des phrases acceptables. Il faut reconnaître seulement que
cette tâche ne se confond pas avec une description sémantique.
L'intérêt de cette critique pour les sciences humaines est illustré par Greimas lui-même
lorsqu'il soumet le conte populaire russe à ce qu'il appelle 1' « analyse actantielle ». Dans
chaque conte on trouve un certain nombre de personnages, d'acteurs, qui correspondent aux
lexemes de la linguistique. Chaque acteur, d'autre part, à chacune de ses interventions
dans le récit, accomplit certaines fonctions, manifeste certaines qualités, qu'on peut mettre
en parallèle avec les sèmes dont il a été question plus haut. On observe enfin que le même
acteur peut, à divers moments du récit, être défini par des comportements et des qualités
tout à fait différents, et qu'inversement des acteurs différents se trouvent souvent chargés
du même rôle. Dans la terminologie de Greimas on dira que deux acteurs peuvent
représenter le même actant, et qu'un acteur peut représenter plusieurs actants. L'analogie avec
les phénomènes linguistiques est alors évidente : l'acteur est à l'actant, dans le récit, ce que
le lexeme est au sémème dans la langue. Un compte rendu événementiel du récit, qui consiste
à résumer les aventures où sont impliqués les acteurs, peut donc être comparé à l'analyse
syntaxique, et l'on montre facilement, dans le cas au moins du conte populaire, que de tels
comptes rendus ne permettent pas de dégager une structure commune à l'ensemble des
récits étudiés. En revanche, si l'on décrit non plus les rapports entre acteurs, mais les rapports
entre actants, on s'aperçoit d'une remarquable convergence de tous les contes, qui laisse
entrevoir la possibilité d'une définition structurelle du genre « conte populaire ».
La sécheresse de ce résumé ne permet pas de montrer dans le détail comment les
précautions dont s'entoure l'analyse linguistique peuvent être transposées dans l'étude des
microunivers sémantiques {cf. le processus d' « homologation », décrit pp. 168-169). Nous avons
seulement voulu dégager l'esprit dans lequel est opérée la transposition. Ce que la linguistique
peut apporter, selon Greimas, c'est avant tout une méfiance : elle rappelle que les unités
et les relations qui servent à la communication du sens (lexemes et rapports syntaxiques)
ne sont pas constitutives du sens lui-même. Reste le problème — que Greimas a seulement
effleuré — de relier ce qui a été si nettement distingué, d'expliquer comment la syntaxe
lexématique peut malgré tout transmettre la signification, comment les événements où
s'affrontent les acteurs peuvent représenter les rapports entre actants.

O. Ducrot

DIVERS

G. Legman, The Horn book. Studies in erotic folklore and bibliography,


University Books, New York, 1964, 565 p., 24 x 16 cm.

The Horn Book de G. Legman est un recueil d'essais sur les traditions populaires erotiques
accompagné d'une bibliographie. Les ethnologues trouveront la troisième partie, relative
aux problèmes erotiques dans le folklore, plus intéressante que les deux premières, dont

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