Sie sind auf Seite 1von 8

Revue d'histoire et de philosophie

religieuses

In Principio. Interprétation des premiers versets de la Genèse


In Principio. Interprétation des premiers versets de la Genèse. Études
Augustiniennes, Paris 1973
Pierre Prigent

Citer ce document / Cite this document :

Prigent Pierre. In Principio. Interprétation des premiers versets de la Genèse. In: Revue d'histoire et de philosophie religieuses,
54e année n°3,1974. pp. 391-397;

doi : https://doi.org/10.3406/rhpr.1974.4213

https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1974_num_54_3_4213

Fichier pdf généré le 23/11/2019


ETUDES CRITIQUES

IN PRINCIPIO

A propos d'un livre récent

Dix-sept spécialistes enseignant à la Ve section de l'Ecole Pratique des


Hautes Etudes ont uni leurs compétences pour réaliser cette importante
contribution à l'histoire de l'interprétation des premiers versets de la Ge¬
nèse \ Comme toujours en pareil cas, le résultat dépasse infiniment le do¬
maine de l'histoire de l'exégèse pour atteindre celui, beaucoup plus large,
de l'histoire de la pensée. Il s'agit ici de la doctrine de la création.

L'unité des différents articles est évidente, la compétence des auteurs


incontestable, et l'on ne peut que féliciter cette équipe de s'être ainsi pliée
aux disciplines d'un travail collectif.

Après quelques remarques exégétiques qui permettent à A. Caquot


de signaler les pistes de recherche les plus intéressantes, deux lignes se des¬
sinent : celle de l'interprétation juive que suivent G. Vajda (le judaïsme
post-biblique jusqu'à la kabbale) et Ch. Touati (Gersonide) ; et puis la fi¬
lière qui, du Judaïsme passe en terrain chrétien où, plus tard, elle connaî¬
tra une totale émancipation. P. Geoltrain nous conduit de Qoumran au
N.T. ; P. Nautin prend le relai et décèle de précises influences juives sur
les Pères de Justin à Origène. Enfin la même piste est suivie pour une
époque bien plus tardive, par F. Secret qui, étudiant les kabbalistes chré¬
tiens, montre à l'évidence combien ces hommes se nourrissaient des spécu¬
lations ésotériques du judaïsme kabbalistique.
392 REVUE d'histoire et de philosophie religieuses

Sinaïte (J. Gouillard). Les auteurs syriaques polémiquent contre Barde


et Mani (A. Guillaumont). C'est aussi la doctrine manichéenne qui do
à St Augustin l'occasion de sa réflexion herméneutique sur la Genèse
Solignac). Jean Scot Erigène montre que la cosmologie biblique cor
pond bien à ce que la raison peut découvrir du monde (R. Roques). Bo
ventura et Thomas d'Aquin tentent, avec un optimisme réel chez le
mier, plus réservé chez le second, d'utiliser la philosophie d'Aristote c
me instrument privilégié pour rendre compte de la création et de la n
éternité du monde (J. Jolivet).
Les Réformateurs pratiquent une exégèse érudite, théologique,
cieuse des interprétations avancées par les Pères ou par des contempor
comme Servet (R. Stauffer). L'étoufïoir scolastique se soulève aux 16-
siècles et les réflexions sur Gen. 1 fusent un peu dans toutes les direct
au sein du catholicisme : exubérance baroque, sérieux des jansénistes, m
tique allégorique de Mme Guyon, réaction de R. Simon (J. Orcibal).
vieilles traditions gnostiques émergent à nouveau chez les théosophes
la fin du 18e siècle (A. Faivre).
Après les filières juive, puis chrétienne, la dernière étude abord
domaine musulman : H. Corbin suit l'interprétation d'un verset du Qo
relatif à la création dans la théosophie spéculative de la tradition shî'it
Enfin Ch. Touati tente, en trois pages finales, de dégager les gra
courants qui apparaissent dans cette histoire de l'interprétation.

***

J'ai assez dit les qualités de cet ouvrage pour pouvoir mainten
sans risque d'être mal compris, signaler une piste de recherche qui, du
qu'elle intéresse plusieurs spécialités, n'a été vraiment suivie par person
Dans sa très fine et sagace contribution, P. Nautin étudie la curi
forme que prend Gen. 1, 1 dans la translittération de l'hébreu qu'en do
Irénée (Démonstration 43), forme substantiellement confirmée par une
tation de XAdversus Praxean (5, 1) de Tertullien : « Au commencem
Dieu a créé un fils, puis le ciel et la terre ».
Quelle que soit l'origine de ce texte (P. Nautin la fait remonter,
vant en cela Jérôme, à l'œuvre d'un juif converti au christianisme : la c
troverse de Jason et de Papiscos, écrite vers 140), il est clair qu'elle
être cherchée en terrain juif ou judéo-chrétien : Irénée a connu ce t
en hébreu ; sa forme l'apparente au genre targumique ; la phrase cont
même sans doute l'une des doxologies qui suivent traditionnellement
nom de Dieu dans le Judaïsme 2. Tout ceci est assez incontestable. M
doit-on s'arrêter là ? Ne peut-on poser la question des origines premi
ÉTUDES CRITIQUES 393

de cette interprétation ? Au delà de l'écrit chrétien dans lequel Irénée l'a


trouvée, le Judaïsme n'ofïrait-il rien qui y invitât ? On lit en effet dans le
Targum
Gen. 1, 1Palestinien,
: tel que le manuscrit Neofiti le contient, ce texte de

'ar'a. MUeqadmm behokma bera déYahwé shiklel y at shemayya weyat

Ce qui se traduit : « Dès le commencement, le fils de Yahwé, avec sa¬


en
gesse,
conviendra.
acheva les
Son
deux
éditeur
et laaterre
d'ailleurs
» 3. Ce
consacré
texte mérite
trois courtes
quelquenotices
attention,
succes¬
on

sives à tenter d'en élucider les problèmes. Dans une communication don¬
née au Congrès d'A.T. tenu à Oxford en 1959 4, il estime le texte corrom¬
pu : on peut en effet déceler, devant le verbe shiklel la trace d'un wmv.
Il faut donc traduire : « et acheva », ce qui suppose un premier verbe,
évidemment «créa». C'est ce verbe qui, dans notre texte actuel, est lu
« fils » sans qu'il soit besoin de changer pour autant la moindre lettre. A ce
moment c'est le sujet des deux verbes qui manque. Il faut le suppléer d'a¬
près la fréquente habitude du Targum : Memera, la parole (de Yahwé).
Voici la traduction du texte restitué : « Dès le commencement, avec sages¬
se, la parole de Yahwé créa et acheva les deux et la terre ».
Ce texte aurait semblé trop chrétien (cf. Jn 1, 1-3) à un copiste juif
qui aurait rayé Memera. Ce qui aurait entraîné la suppression (par un
chrétien ?) du wmv devant le deuxième verbe. Du coup le premier verbe
est lu comme
blement chrétienne.
un substantif et le verset prend une signification indénia¬

Une deuxième explication est proposée quelques années plus tard5.


Après avoir repris les termes de la restitution précédente, l'auteur poursuit
dans une direction assez différente en rappelant que le premier mot du
texte de la Genèse « bereshît » a plusieurs fois été traduit « dans le fils »
au sein du Judéo-christianisme anden. Or, ajoute-t-il, cette interprétation
n'est pas sans rappeler certaines spéculations, conservées dans la haggada
juive, selon lesquelles le monde fut créé en Bet (la première lettre de la
Genèse) et non en Aleph, parce que Dieu créa dans le fils.
En 1968, dans l'édition du Neofiti, A. Diez Macho revient à l'expli¬

cation première. * **

Voici donc deux pistes de recherche qu'il conviendrait d'essayer de


suivre plus avant. Je me contenterai de poser quelques jalons sans préten¬
dre parvenir à des solutions définitives.
394 REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES

1 — L'état du texte dans le Neofiti.

Si la cascade de corrections contradictoires supposées par A. Diez Ma¬


cho ne paraît pas très vraisemblable, il n'en demeure pas moins que le
savant éditeur a indubitablement décelé un type de texte qui a toutes chan¬
ces d'avoir été le texte primitif. En effet nous lisons dans le Targum Frag¬
mentaire (autre témoin connu du Targum palestinien) : « Avec sagesse Hé
(cette seule lettre hébraïque doit être comprise comme l'abréviation de
Hashem le Nom, c'est-à-dire Dieu) créa et acheva le ciel et la terre » e.

Remarquons — le double verbe


— la création en, avec ou par la sagesse
— la présence d'une abréviation (toujours susceptible
d'équivocité) pour remplacer le sujet.

Diez Toutes
Macho ces
restituait.
remarques orientent vers un texte proche de celui que A.

Une quatrième remarque va cependant nous inviter à ne pas exclure


trop vite l'autre piste de recherche : dans la marge du Targum Fragmen¬
taire on peut lire, en face des premiers mots de la Genèse, Min leqadmm ,
c'est-à-dire
le commencement».
pratiquement le premier mot du Neofiti : Mtleqadmin, « dès

2 — Les spéculations sur le premier mot de la Genèse.


Cette glose marginale prouve à tout le moins qu'on attachait une
importance particulière au mot Bereshit («au commencement») puisqu'on
allait jusqu'à lui donner deux équivalents. En effet «en, avec, par ou à
cause de
tation de la
Bereshit.
sagesse» doit être considéré comme une traduction-interpré¬

Nous lisons dans Gen. Rabba 1,1, attribuée à R. Oshaya (début du


3e siècle), cette interprétation qu'on retrouve ailleurs sous le nom d'un
maître du 2e siècle 7 : « Bereshit Dieu créa. Res hit désigne la Tora, comme
dans le verset : ' Le Seigneur m'a créée comme Reshit de sa voie ' (Prov. 8,
22) ». L'assimilation de la Loi à la Sagesse, elle-même identifiée derrière
juive.
le mot Reshit se retrouve assez régulièrement tout au long de la tradition

Du coup il faut donc comprendre Reshit comme un nom propre.


C'est le titre porté par un être par le truchement de qui, ou à cause de qui
Dieu a créé le monde 8. C'est donc par Reshit, avec lui où à cause de lui
que Dieu a créé. Or Reshit signifie « commencement », « prémices » voire

tardivement
7 desβf laCette
M.
Blllerbeck
même
Gineburger,
àInterprétation
plusieurs
pageΠ, rappelle
p.Das
357.Fragmenttenthargum,
autres
est
que
spéculations.
signalée
le premier
par G.
mot
Vajda,
Berlin
de laInGenèse
1899.
Principio,
a donné
p. 27.lieu
La note
plus
ÉTUDES CRITIQUES 395

«premier-né». La traduction «c'est par le premier-né que Dieu créa...»


est donc loin d'être exclue, à condition de bien poser que le premier-né
c'est la Sagesse.

Il paraît clair que ce sont de semblables spéculations qui, passant en


terrain judéo-chrétien, finissent par circuler chez les Pères et expliquent la
in
remarque
filio » e.d'un Hilaire : Bresith a trois sens « in principio, et in capite, et

Un jalon plus ancien, plus proche du modèle juif, et donc plus im¬
portant se trouve dans le Kerygma Petrou cité par Clément d'Alexandrie
en Stromates VI, 7, 58 : « Unique est réellement Dieu qui a établi une

archè
se référant
à toutes
évidemment
choses, comme
à : Enl'écrit
archèPierre,
Dieu créa
désignant
le ciel
le et
Fils
la premier-né
terre ». Et le
et

texte se poursuit en précisant que ce Fils est aussi nommé Sagesse par les
prophètes 10.

Justin semble bien connaître la même tradition : dans le chapitre 61


du Dialogue avec Tryphon il parle, se référant à Prov. 8, 22 de cette ar¬
chè dont les autres noms sont Fils, Sagesse... Logos... Origène en est un té¬
moin remarquable : dans ses Homélies sur la Genèse (1, 1) il écrit : In
principio fecit Deus... Quod est omnium principium nisi Dominus noster
et Salvator omnium Iesus Christus primo genitus omnis creaturae (cf. Col.
1, 15)... Puis il rapproche Ja 1, 1-3.

Mais il y a mieux : la chaîne de Nicéphore nous a conservé, dans une


notice attribuée à Acace de Césarée, le souvenir exprès d'une interpréta¬
tion origénienne selon laquelle en archè est l'équivalent de en sophta et si¬
gnifie par le fils. Enfin on trouve dans la traduction latine commentée du
Timée réalisée par Chalcidius ce précieux renseignement : Origène tenait
de source juive (ab Hebraeis) que le premier mot de la Genèse devait être
compris dans un sens très particulier : il fallait y voir une allusion à la
Sagesse selon Prov. 8, 22-25 1X. Ce dernier texte qui émane d'un pieux uti¬
lisateur des Hexaples, admirateur d'Origène, a toutes chances de correspon¬
dre à la réalité : il s'agit bien d'une tradition juive christianisée.

Les échos plus ou moins directs de la même exégèse se retrouvent


fréquemment chez les Pères latins :

Tertullien, Adv. Hermog. 18 : La Sagesse de Prov. 8, 22-25, c'est le Logos


396 REVUE d'histoire et de philosophie religieuses

de Dieu de Jn 1, c'est-à-dire le Fils de Dieu, sermo unsgenitus et prim


nitus.

Adv. Prax. 7 : la Parole de Dieu fut créatrice, c'est elle dont i


question dans Prov. 8, 22 sous le nom de Sagesse, c'est le Fils primo
tus et migenitw.

Ambroise, Exameron 1, 16 : le principe de Gen. 1, 1 c'est le Ch


le Logos de Jn 1, le premier né de toute créature (Col. 1,15). Maxim
Contra Jwdaeos 12 affirme à trois reprises 13 l'identité du principe de
Sagesse
1, 1 avec
de leProv.
Christ
8, 22
et 14.
précise dans le dernier texte que c'est aussi l

Ces quelques textes, dont la liste pourrait sans nul doute être am
fiée, suffisent à montrer que les spéculations des plus anciens auteurs
tiens sur Gen. 1,1 attestent une réelle dépendance par rapport aux
gèses juives. Est-il dès lors interdit de penser que le titre de Premi
qui est fréquemment allégué par les Pères, mais seulement secondaire
mis en relation avec Col. 1,15, pourrait bien provenir, lui aussi, des
se
ditions
ou lajuives
Loi. ? Bien entendu il y désignait, nous l'avons déjà dît, la S

Le texte hébreu de genre targumique dont Irénée et Tertullien


les précieux témoins contient une double traduction de Β ereshit. C'est
ce que nous constatons dans le Neofiti : Mileqadmm prétend, tout co
behokma rendre bereshit. Rappelons ici la présence de la glose marg
dans le Targum Fragmentaire. Comment cet ajout s'explique-t-il ?
du au scrupule d'un scribe soucieux de ne pas laisser perdre la not
temporelle du mot ? Peut-être ! Mais une autre explication doit être
sagée : Admettons que Reshit soit un titre cryptique. Il peut alors do
lieu à traduction, mais aussi se maintenir comme nom propre ou
C'est ici qu'il faut remarquer que le mot choisi dans les différents Tar
pour rendre Bereshit n'est sans doute pas indifférent. Onkelos dit : B
mm ; Neofiti (cf. le Targum Fragmentaire) : Mileqadmin, Or on l
Prov. 8, 22 : « Yahwé m'a créée comme reshit de sa voie, qedem d
œuvre... » On aura reconnu la racine précédemment rencontrée et q
gnifie «origine», «premier» etc... Le même mot se rencontre da
Targum des prophètes où l'on lit sur Michée 5, 2 : « Le' Messie... do
nom est appelé mileqadmm... » Et l'on peut comprendre que le nom
Messie est arrêté dès les origines, ou bien que ce nom est Mileqadmin

Dans ces conditions ne peut-on pas, à tout le moins, se demand


ÉTUDES CRITIQUES 3

les doublets de traduction du mot Bereshit ne sont pas les traces d'effor
variés, plus ou moins indépendants mais parallèles, pour servir une mêm
interprétation
christianisme ? dont
15. les prolongements se laisseront déceler jusque dans

P. Prigent,
Centre d'analyse et de documentation patristiques,
Université des sciences humaines de Strasbourg.

Das könnte Ihnen auch gefallen