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INTRODUCTION.............................................................................................................................................................6
DEUXIEME PARTIE - REFORME TERRITORIALE, ETAT DES LIEUX ET POINTS DE VUE ............76
Jérôme DUPUIS
Docteur en Sciences de gestion
Maître de conférences associé à l’IAE de Lille
Président de l’Association pour la Recherche et
l’Expertise en Management Public Territorial
- En continuité avec les 7èmes UE où nous avons posé les très nombreuses controverses
issues des objectifs, du calendrier, de la démarche, du contenu… de la présente
réforme [voir Actes ci-après].
Notre questionnement est ainsi d’examiner dans quelle mesure les projets en partie délibérés
et votés apportent ou non cohérence, simplification, optimisation…
L’organisation territoriale doit s’adosser à une conception claire du rôle des acteurs publics.
La réforme propose une autre répartition des rôles entre les niveaux, alors que les élus
revendiquent le maintien de leurs prérogatives locales.
C’est donc une nouvelle gouvernance entre l’Etat et les différentes strates territoriales qui
est en jeu. Cette gouvernance requiert un référentiel commun et partagé qui pourraît être le
Dans ce cadre, les ateliers ont pour objet d’analyser et de confronter la mise en œuvre de
certains aspects de la réforme toujours avec le regard comparatif au niveau européen, en
ayant toujours à l’esprit les questions à mettre en débat de façon transversale autant que
possible dans chacun d’eux :
- Le périmètre de l’action publique (pourquoi ?)
- La vocation des institutions concernées (pour quoi faire ?)
- Les modalités d’intervention et de gouvernance territoriale (comment en externe ?)
- Les modalités d’organisation / management et la gouvernance interne (comment en
interne ?).
Jérôme DUPUIS
Docteur en Sciences de Gestion
Président de l’Association pour la Recherche et l’Expertise en Management Public
Territorial
En conséquence, il nous faut prendre la mesure des « constats » souvent contestables voire
contestés qui induisent parfois à des conclusions hâtives ou simplistes :
- Un trop grand nombre de niveaux de collectivités Réduire ?
- Des enchevêtrements de compétences confus et coûteux Spécialiser ?
- Des régions trop petites Agrandir ?
- Une légitimité politique des intercommunalités peu assise Elire
directement ?
- Une égalité de par la Loi et le rôle de l’Etat Instaurer un modèle unique ?
Dès lors, on n’est pas en présence d’une administration décentralisée mais en face d’une
administration du territoire partagé à tous les niveaux. Ce n’est pas le nombre de niveaux qui
pose problème mais la faiblesse de leur coordination. On est passé du « moment des
compétences » pour s’affirmer, à celui de la « subsidiarité » pour concevoir les compétences
de façon dynamique, en passant par celui « des actions communes » pour partager les
responsabilités. L’autonomie locale empêche d’avoir une action forte de l’Etat sur la dépense ;
mais les ressources des collectivités sont contrôlées par des décisions d’Etat tant en termes
de définition de la fiscalité qu’en termes de dotations
Jean-René MOREAU
Directeur Général du SAN Ouest Provence et Professeur Associé Université Paris XIII
L’avant projet de loi connu à ce jour est un vent de réforme qui devrait changer en
profondeur les niveaux du Territoire de la France, notamment par une nouvelle loi sur
l’organisation territoriale et sur les compétences de ces collectivités territoriales, ainsi
qu’une loi de finances qui devrait changer assez radicalement le financement des collectivités
territoriales.
Ce qui est connu à ce jour pose des vraies questions fondamentales sur :
- Statut de l’élu
- Conseillers territoriaux
- Élection au suffrage universel direct des délégués Communautaires
a) La Métropole
- son périmètre
- son rôle de substitution
- son financement des compétences
- son impact sur le Département
Comment agir sur la mise en place de compétence et d’organisation sans tenir compte de la
dimension humaine ?
COMMENTAIRES ET REFLEXIONS :
- Quid du rôle de l’élu
. potiche
. exécutant des décisions de l’ETAT
. acteurs de projets
- Quid du lien social de proximité
- Quid du pouvoir de l’élu de proximité
- Quid de l’autonomie des collectivités locales déni de démocratie ou évolution
COMMENTAIRES ET REFLEXIONS :
- Nouvelle superstructure ajoutée au mille feuille territorial ?
- Nouveau périmètre pertinent
- Espace d’aménagement ?
- Espace économique ?
- Superstructure hégémonique ?
- Limitation de cofinancement
Tout maître d’ouvrage devra assurer un minimum de 50% du financement d’un projet.
Bien que régis par le principe de compétences exclusives, Région et Département
pourraient néanmoins subventionner des investissements dont la maîtrise d’ouvrage
serait assurée par les communes, EPCI ou Métropoles.
COMMENTAIRES ET REFLEXIONS :
- Comment gérer dans la réalité des projets de certains territoires par l’absence de
compétences générales ?
- Dans le cadre d’une raréfaction des ressources financières, comment répartir les
cofinancements ?
Le Préfet dispose des mêmes prérogatives pour modifier le périmètre d’EPCI existants ou de
fusions d’EPCI existants.
COMMENTAIRES ET REFLEXIONS :
- Quelle Fonction Publique ou autre type d’organisation pour la mise en place de nouvelles
structures ?
- Quid des personnels ? Il est juste indiqué mise à disposition !
- Quelle gouvernance et quel mode managérial pourrait s’appliquer ?
La réforme de la T.P dont nous avons déjà évoqué succinctement la mise en œuvre, s’avère
comme une perte de recettes espérées sous la législation actuelle.
COMMENTAIRES ET REFLEXIONS :
En effet, Claude Raynal estime que l'intercommunalité est sans doute le sujet le plus simple
et le plus consensuel de la réforme, même s'il exprime son inquiétude quant à l'atteinte d'un
objectif qu'on recherche depuis plus de deux siècles sans résultat.
Pour Philippe Laurent, des questions doivent néanmoins être soulevées. En effet, il estime que
la loi a deux objectifs : la réalisation d'économies et une reprise du pouvoir par
l'administration d'État dans un souci d'un intérêt général (qui ne pourrait donc être porté que
par l'État et non par les collectivités !).
Philippe Laurent précise, à cette occasion que l'organisation territoriale peut être différente
en fonction des territoires en France. Mais cette différenciation suppose que les élus
négocient entre eux afin d'élaborer un schéma cohérent. Il cite ainsi l'exemple de la
Communauté Urbaine de Strasbourg qui exerce d'ores et déjà certaines compétences sociales
qui sont habituellement exercées par les Départements.
Mais, il ajoute que, sauf dans le cas du choix d'un véritable fédéralisme, la France doit
conserver une administration territoriale forte avec le maintien des départements.
Il fait ensuite le lien entre la réforme territoriale et le projet du Grand Paris qui est en
réflexion depuis 2001 par la création de la conférence métropolitaine avec les maires, alors
que la capitale tente de combler un retard sur les autres communautés urbaines françaises
estimé à 35 ans environ. P. Laurent exprime un regret néanmoins, la faiblesse de l'implication
du Maire de Paris, alors qu'il est le seul qui peut devenir leader territorial.
Alain Bartoli, DGS du Conseil Général du Vaucluse et Président de l'association des DGS des
Conseils Généraux et des Conseils Régionaux apporte quelques éléments complémentaires :
la réforme peut poser la question du mode de scrutin des élus régionaux et des élus
départementaux, mais il précise que l'implantation locale des élus départementaux
n'est pas la même que celle des élus régionaux
l'objectif de la réforme est, rappelle-t-il, « l'amélioration globale du fonctionnement
du dispositif de l'administration territoriale » selon le discours du Président de la
République en date du 5 mars 2009
l'efficacité ne réside pas, pour lui, dans le niveau de collectivité exerçant la
compétence, mais dans les possibilités de coopération et de mise en réseau des
collectivités sur un territoire.
Philippe Laurent ajoute que la capacité des collectivités territoriales à mener des politiques
nouvelles est maintenant considérablement réduite, notamment pour une question de
ressources. Leur capacité financière s'érode depuis 2005, avec une augmentation progressive
de l'endettement. Les collectivités vont ainsi peut-être être amenées à ralentir également
leurs investissements en infrastructures.
Il s'interroge ainsi sur le manque d'association des collectivités à la RGPP, alors que peu de
politiques sont menées sans le concours des collectivités.
Max Roustan demande du cadre dirigeant territorial des compétences techniques permettant
de juger de la pertinence et de l'efficacité d'un mode de gestion d'un service public.
Enfin, Alain Bensakoun, DGS de la Ville d'Alès, ajoute que le cadre supérieur territorial doit
accompagner les élus dans une co-construction des politiques publiques.
Animé par :
- Association des Directeurs Généraux des Communautés de France et Association des
Dirigeants Territoriaux et Anciens de l’INET
Assistés de :
- Delphine LERAY, Elève administrateur Inet Promotion Aimé Césaire
- Jean-François BUCCO, Elève administrateur Inet Promotion Aimé Césaire
Problématique de l’atelier
Le débat de l’atelier n°1 aura essentiellement porté sur les stratégies à mettre en œuvre par
les collectivités territoriales et les manageurs territoriaux face à l'avant-projet de loi relatif
à la réforme des collectivités locales.
Les différentes alternatives possibles ont été abordées tant sous l'angle institutionnel que
sous l'angle de l'efficacité et de l'efficience de l'action publique.
Un grand nombre de constats et questionnements ont présidé aux échanges. Ils constituent
autant d’éléments à prendre en considération dans le cadre d’une réforme de la gouvernance
des collectivités territoriales que de défis à relever pour les élus et les dirigeants
territoriaux.
La question centrale qu’ont débattue les participants à l’atelier est celle de l’articulation des
différents niveaux d’administrations locales. Deux visions ont émergé.
Pour un premier ensemble, la compétence générale entraine les collectivités sur des champs
d’intervention publique qui ne sont pas au cœur de leur action, souvent au détriment de leurs
compétences obligatoires, notamment en matière d’arbitrages budgétaires et d’affectation
des ressources.
Pour un second groupe, la clause générale de compétence est un outil précieux qui permet
d’agir à l’échelon le plus adapté, quelle que soit la politique mise en œuvre.
Face à cette question de la répartition des compétences, le dirigeant territorial a une double
responsabilité.
Il doit faire preuve de force de conviction (et d’altruisme !) en direction des élus pour les
inciter à choisir le niveau d’administration et le territoire pertinents pour la mise en œuvre
d’une politique publique donnée.
Face aux nouveaux défis actuels, il semble aujourd'hui nécessaire que chaque collectivité
recentre son action publique sur son cœur de métier, même si cette dernière notion est
parfois difficile à définir : s'agit-il ainsi des seules compétences obligatoires ou des domaines
dans lesquels il s'avère pertinent que la collectivité intervienne.
Par ailleurs, même si une clarification et une priorisation du projet politique est effectuée, il
paraît difficile qu'une collectivité construise seule des projets : des cofinancements sont
ainsi demandés aux partenaires dans le cadre de synergies à construire ensemble.
Enfin, et non des moindres dans un contexte de raréfaction des ressources, de partenariats
et de cofinancements, il devient nécessaire d'utiliser des outils d'évaluation et de post-
évaluation, permettant de déterminer l'efficience et l'efficacité des projets et des actions
au regard des multiples attentes des habitants, qu'ils soient citoyens, usagers ou
contribuables.
Dans cette perspective, en terme de management, la cadre dirigeant territorial doit utiliser
de façon plus systématique encore qu'auparavant, les concepts et les méthodes du
Néanmoins, il apparaît également que le management d'équipe s'avère de plus en plus difficile
dans un contexte de raréfaction des ressources et de recherche constante d'optimisation
des moyens. Même s'il semble possible de mobiliser les services au service d'une démarche
d'économies, cela semble plus difficile sur une longue période ou de façon répétée.
Enfin, le cadre dirigeant doit également montrer son sens de l'adaptation et sa créativité afin
d'aboutir à une coopération accrue dans le cadre de projets de territoire partagés.
Le choix premier d'une collectivité aujourd'hui se situe entre la recherche d'une plus grande
compétitivité de son territoire y compris au niveau européen et international et la solidarité
au sein d'un territoire pertinent, la priorité étant la recherche de l'intérêt général au service
des habitants.
Dans cette perspective, et au-delà des questions de clause générale de compétence, il semble
nécessaire de différencier l'organisation territoriale en fonction des enjeux et des
particularités locaux, en permettant notamment le regroupement ou la fusion de collectivités
qui le souhaitent entre elles, mais sur des périmètres qui peuvent varier d'un territoire à
l'autre.
Dans ce cadre d'action complexe, les dirigeants territoriaux doivent développer leurs
compétences pédagogiques afin de faciliter l'acceptation de ces changements tant aux élus
qu'aux agents de leurs collectivités.
Par ailleurs, il serait également intéressant de créer des lieux d'échanges dédiés afin que ces
derniers puissent partager les compétences, les méthodes et les constats de ces
changements entre eux.
Ainsi, au-delà des préconisations du projet de loi tel qu'il est rédigé et connu à ce jour, trois
idées forces se dégagent des discussions de l'atelier, qui apparaissent comme les solutions les
mieux adaptées à la situation actuelle des collectivités dans une perspective de simplification
et de cohérence :
- le chef de filat
- la synergie entre collectivités
- la co-production.
Le contexte territorial connaît des évolutions constantes, qui devraient encore s'accélérer
dans un avenir proche par la mise en œuvre de la réforme des collectivités territoriales. Les
élus locaux, et, parallèlement, les managers territoriaux, doivent faire face ensemble à cet
environnement mouvant.
Néanmoins, il faut appréhender le fait que les compétences nécessaires à cette adaptation,
notamment pédagogiques et stratégiques, existent d'ores et déjà dans la culture commune
des cadres dirigeants territoriaux, notamment du fait des multiples réformes qu'ont déjà
connu les collectivités territoriales depuis leur naissance et de la recherche constante
d'économies dans un contexte financier contraint.
Les cadres territoriaux doivent seulement exploiter leurs compétences de façon partagée
tant avec les élus qu'avec leurs équipes.
Animé par :
Assistés de :
Problématique de l’atelier
Conçue comme une réponse à la ça crise des finances publiques, la révision générale des
politiques publiques (R.G.P.P.), qui se traduit, au plan local, par un regroupement des services
déconcentrés et le renforcement de l'échelon régional, devrait, logiquement, s'accompagner
d'un nouveau pas en avant de la décentralisation ; l'Etat se concentrant sur ses fonctions
prioritaires et laissant aux collectivités, dans une logique de subsidiarité, la pleine
responsabilité des compétences de proximité.
Dans le même temps, la réforme de fiscalité locale engagée avec la suppression de la taxe
professionnelle s'oriente vers une nouvelle diminution de l'autonomie fiscale des collectivités
locales. L'objectif clairement affiché de l'une et de l'autre de ces démarches est, d'ailleurs,
d'obliger les collectivités à maîtriser leurs dépenses.
Au lieu d'un « acte III » de la décentralisation, n'est-ce donc pas le retour d'un Etat
« tutélaire» ? Telle sera la problématique majeure de l'atelier.
En cours des échanges qui ont suivi l’intervention, les faiblesses des acteurs locaux et
nationaux ont été décrites. La région, elle, s’est vue interrogée sur sa capacité à suivre les
projets de contractualisation. L’Etat, pour sa part, s’est à la fois vu reprochées son incapacité
à suivre la dynamique des projets et sa volonté de centralisation des projets, via la DIACT.
Le positionnement de l’ingénierie publique, de l’Etat et des collectivités territoriales, a
suscité de nombreux échanges. Le démantèlement des structures d’ingénierie publique de
l’Etat pose la question de la sélection des projets, plus précisément sa pertinence et sa
validité. Comment l’Etat peut-il juger de la qualité d’un projet s’il n’a plus de compétence
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Assistés de :
Problématique de l’atelier
La première question qui se pose est celle du lien entre mode d’organisation et efficacité.
Existe-t-il réellement ? Alain Bartoli, en ouverture de cette discussion, mettait en garde ceux
qui ne verraient que cet aspect là de la question : « certains pensent qu’ils vont trouver la
pierre philosophale à travers une bonne organisation » ; or il faut être conscient qu’il existe
des phénomènes de mode, en matière d’organisation, dans le public comme dans le privé, et
que d’autres variables conditionnent la recherche et l’atteinte d’une plus grande efficacité,
Synthèse de l’atelier
Pour plusieurs collectivités, la proximité est facteur d’efficacité. Cet objectif politique
s’illustre par la création de pôles de proximité au sein des agglomérations, la déconcentration
des politiques ou des services pour les Départements (les exemples de l’Ille-et-Vilaine ou de
la Meurthe-et-Moselle ont notamment été cités).
On peut s’interroger sur la pertinence de la réforme des collectivités alors que les élus
expriment le souhait de davantage de proximité. Les projets de Métropoles (notamment celui
de la capitale) ont pu faire craindre à certains une perte de cette proximité nécessaire.
Comment la réforme va-t-elle impacter les organisations qui ont mis en place une
territorialisation, dont certaines sont très récentes ? Comment les organisations vont-elles
s’adapter à la réforme (les antennes territorialisées de la Région et du Département
pourraient fusionner ?) ?
L’invention d’un nouveau mode de gouvernance en interne pour les agglomérations pourrait
préfigurer des relations entre Région et Département en cas de fusion des deux institutions,
même si la Région ne sera pas une « interdépartementalité » et que les relations risquent
d’être encore plus complexes : il est toujours plus simple de créer un nouvel échelon que de
toucher à l’existant.
Par ailleurs, il a été souligné que sur un territoire « compliqué », la gouvernance partagée ne
pouvait se faire que sur des objectifs très limités : cela risque d’être la même chose dans les
nouvelles coopérations prévues par la réforme.
A travers les différents exemples étudiés, il apparaît que les modèles d’organisation sont
beaucoup plus un outil de l’efficacité qu’une condition capable à elle seule de créer de
l’efficacité. Autrement dit, une condition sans doute nécessaire mais pas suffisante.
Au-delà, et au cœur, des organisations, il y a les hommes, et les relations complexes qu’ils
tissent entre eux. C’est de la capacité à mettre ces acteurs en mouvement et en cohérence
dont dépend très souvent la réussite d’un projet. De bons acteurs peuvent réussir malgré un
mauvais système. L’inverse est bien plus rarement le cas.
S’interroger sur l’efficacité de l’action publique, sur la gouvernance et donc sur l’organisation
du pouvoir, amène à s’interroger sur le management. Dans le système complexe du monde
territorial, ce management concerne l’interne, mais également les « satellites », les
partenaires et les citoyens.
Management interne
Le management interne dans une collectivité est complexe car il comprend en réalité plusieurs
sous-systèmes, avec des stratégies d’acteurs différentes. Les deux les plus évidents sont les
sous-systèmes politique et administratif, qui ont chacun leur propre gouvernance et doivent
en imaginer une entre eux.
Le sous-système politique compte des acteurs différents : chef de l’exécutif, adjoint, élu de
base, élu d’opposition… avec une originalité des collectivités dans ce domaine : il n’y a pas de
séparation entre l’exécutif et le délibératif.
Le sous-système administratif pose également la question du rôle de chacun : le directeur
général, les DGA, les directeurs, les cadres A, B, C… avec là aussi des jeux d’acteurs
complexes qui dépendent de la « culture maison » et de stratégies individuelles ou collectives.
La gouvernance des collectivités n’était déjà pas simple avec ces deux sous systèmes qui
interagissent à plusieurs niveaux (lien du DGS avec le chef de l’exécutif, mais également avec
les adjoints, relations directes entre les adjoints et les directeurs et chefs de service, rôle
du cabinet (du chef de l’exécutif ou de l’exécutif dans son ensemble, avec des chargés de
mission thématiques amenés à avoir des liens directs avec les directeurs…)). Ce lien entre
politique et administratif est dans chaque cas subtil et en renégociation régulière. Il se
complexifie encore avec l’entrée en scène d’un troisième acteur : le citoyen, qui là également
n’est pas « unique » et constitue un autre sous-système (le citoyen est lui-même « situé » :
parent d’élève, membre d’une association, habitant d’un quartier…).
Les modes d’organisation naissent de l’évolution des équilibres entre ces acteurs. Alain
Bensakoun a pu comparer au mythe de Sisyphe le mouvement perpétuel pour tenter de
trouver un équilibre, avec, selon lui, une seule certitude « les hommes sont assoiffés de
pouvoir et de puissance ».
Cet équilibre à construire tous les jours interpelle un projet de réforme qui entend imposer
un modèle unique.
Par ailleurs, l’organisation de ce management intervient dans un environnement lui-même
complexe. La collectivité ne fonctionne pas en vase clos.
8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 45
Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Le management inter institutionnel
Le cas de l’intercommunalité
L’intercommunalité est l’invention d’une nouvelle gouvernance locale, une nouvelle répartition
et une nouvelle organisation de la concertation et de la décision. S’organise alors de nouvelles
relations entre communes et EPCI : une relation entre élus communaux et élus de l’EPCI (avec
le changement de casquette permanent et parfois acrobatique de l’élu local (« je suis pour en
tant que conseiller communautaire mais contre en tant que maire ») et une relation entre
dirigeants territoriaux, pour tacher de travailler dans une logique de complémentarité et donc
d’efficacité.
Dans les expériences qui ont pu être évoquées, quelques facteurs clés de succès ont été
avancés dont la nécessité de mettre en œuvre une nouvelle façon de travailler ensemble
basée sur un contrat large (valeurs, priorités et pas uniquement finances), l’invention d’une
nouvelle gouvernance, basée sur l’échange et la confiance; plutôt que sur la défiance entre
collectivités. La logique de subsidiarité et de pragmatisme étant privilégiée : « qu’est-ce que
je fais mieux à mon niveau, qu’est-ce qui serait mieux fait à un autre ? ».
Conclusion
Les échanges de ces universités d’été ont eu lieu dans un climat parfois pessimiste eu égard
au contexte politique et financier. Cependant, malgré les réserves émises sur la réforme, qui
semble ignorer la réalité et la diversité des modes d’organisation des collectivités, deux
points positifs peuvent être soulignés :
- Quand on rebat les cartes, on se pose à nouveau la question de qui fait quoi, comment
et pourquoi… et il est toujours utile de ce (re)poser la question pour ne pas être
cantonné à la gestion de dispositifs mis en œuvre dans un autre contexte et jamais
réinterrogés depuis ;
- En même temps qu’elle entend réorganiser le « millefeuille » dans une logique plus
« rationnelle », la réforme en préparation met en avant la négociation entre collectivités.
Peut-être est-ce là l’opportunité de placer la créativité au cœur de la gouvernance des
collectivités (interne et externe), rendant aux élus comme aux territoriaux de la liberté
pour inventer de nouvelles manières de mener l’action publique.
L’extraordinaire richesse en termes d’organisation de structures a été démontrée : il y a
presqu’autant de modèles de gouvernance que de collectivités. Patrick Rémy l’a souligné : « on
vit depuis 20 ans, deux réalités très différentes ; d’un côté, un Etat qui produit des textes,
voudrait organiser un cadre strict pour des collectivités « à son service », de l’autre des
En conclusion, trois problématiques transversales ont été abordées dans ces ateliers.
La première question concerne la logique d’émergence de l’innovation, qui peut être soit
ascendante, soit descendante. Dans une stratégie ascendante (bottom-up), l’initiative émerge
des citoyens ou des agents publics avant d’être reprise et défendue par la direction. A
contrario, dans une logique descendante (top-down), l’innovation est impulsée par les instances
dirigeantes ou la loi et en quelque sorte imposée aux acteurs opérationnels.
La deuxième interrogation porte sur les causes de l’innovation. Les organisations publiques
innovent-elles par choix ou par contrainte ? Face au contexte budgétaire plus tendu, aux
enjeux environnementaux, c’est bien la notion de contrainte qui semble l’emporter. Pourtant, il
serait réducteur de considérer que l’innovation n’émergerait que dans l’adversité. Bien au
contraire, de multiples initiatives montrent que l’innovation permet parfois d’anticiper les
évolutions futures, de manière précisément à éviter une situation contrainte.
Enfin, le caractère même du processus d’innovation questionne les acteurs locaux. L’innovation
apporte-t-elle une nouveauté fondamentale ou s’intègre-t-elle à un cycle d’évolution continue ?
En d’autres termes, l’innovation s’inscrit-elle dans la rupture ou dans une logique
incrémentale ?
Pour répondre à ces problématiques et favoriser l’innovation, trois leviers d’action communs
ont été identifiés. Que l’innovation nécessite un contexte favorable semble assez consensuel ;
l’enjeu est donc de cibler les éléments propices à l’innovation.
Premièrement, que ce soit au niveau des politiques publiques, des modes d’organisation et du
management, la créativité apparaît comme le moteur essentiel de l’innovation. Par conséquent,
il convient de favoriser cette créativité, alors même qu’elle peut remettre en cause les modes
traditionnels d’organisation dans les administrations publiques. En effet, la créativité
bouleverse hiérarchies, protocoles et habitudes.
C’est pourquoi la souplesse apparaît également comme un élément propice à l’innovation. Une
organisation souple donne non seulement aux acteurs la liberté de prendre des initiatives mais
permet également d’intégrer un « droit à l’échec ». Ainsi, historiquement, seules les
innovations réussies ont été considérées comme des innovations, alors que l’échec est en
général pénalisé et dévalorisé. Or, les innovations, même inabouties, peuvent constituer un
terreau fertile pour le changement des organisations.
Enfin, la coopération entre les acteurs est indispensable, en particulier dans le contexte
actuel d’interdépendance accrue et face à des enjeux de plus en plus complexes. Cette
coopération implique notamment de mettre en place des mécanismes formels comme informels
de diffusion et de partage des innovations, afin de mutualiser les expériences et d’en retirer
une plus forte valeur ajoutée.
David ALCAUD
Professeur de Sciences Politiques - Chercheur
Institut d’Etudes Politiques de Paris
Nombreuses sont les inquiétudes suscitées par le contexte territorial actuel : face à la
multiplication des rapports de « modernisation », des avant-projets de lois sur les
collectivités locales et le « grand Paris » ou encore les perspectives de refonte de la taxe
professionnelle, les questions politiques, institutionnelles et économiques sont de fait sur
l’agenda des décideurs publics. L’ensemble du système territorial est sans aucun doute
destiné à connaître une reconfiguration majeure, soulevant autant des questions
fonctionnelles que des interrogations plus stratégiques, qui font plus que jamais de la
« gouvernance » un mot-valise qui permet de désigner, même par défaut, le besoin de
réinventer un management à la mesure des enjeux renouvelés et des dynamiques de
négociations qui s’instaurent.
Pour autant, si l’on retrouve ici les controverses et les clivages alimentés continûment
par un processus de décentralisation posant paradoxalement la question d’une recentralisation
qui ne dit pas son nom, la focalisation croissante autour de l’institution nécessaire de
« métropoles » mérite sans doute une attention particulière. D’une manière générale, à l’instar
des questions de fond posées par le « Grand Paris », la métropolisation bouleverse les
conceptions mêmes du territoire, et partant, sont un défi à la fois cognitif, managérial et
politique pour tous les acteurs des territoires.
La métropole représente ainsi un défi pour tous les acteurs sociaux : pour les gens qui
y vivent ou qui en dépendent et qui sont contraints de modifier leurs comportements et leurs
calculs d’intérêt sans parvenir à faire leur une logique d’ensemble ; pour tous les
professionnels agissant sur les territoires dont les missions et les modalités d’intervention
sont héritées de cadres théoriques et de pratiques conçues pour des territoires d’une toute
autre nature ; pour les décideurs publics qui doivent orienter et arbitrer des projets d’une
complexité inédite combinant des variables et des échelles jusqu’alors considérées le plus
souvent indépendamment.
La métropole correspond somme toute à une révolution territoriale en soi : dans cet
espace, l’existence d’un système spatial corrélé à l’espace physique réel, ne s’impose plus
d’évidence. Le territoire n’est plus nécessairement le paramètre premier déterminant
l’organisation et l’économie de l’espace, et le principe de hiérarchie des priorités est libéré
8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 52
Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
des contraintes locales.
François Ascher, Grand Prix de l’Urbanisme 2009, a appelé « metapolis » cette vaste
conurbation métropolitaine polycentrique et discontinue, constituée par « l'ensemble des
espaces dont tout ou partie des habitants, des activités économiques ou des territoires sont
intégrés dans le fonctionnement quotidien (ordinaire) d'une métropole. » (Ascher, 1995)
La métropole est ainsi avant tout un espace urbain hétérogène, réunissant en un même
système cinq sous-systèmes urbains très différents : la ville centre, très dense, riche en
transports publics et en équipements, où vivent les populations les plus privilégiées ; la
banlieue périurbaine, où l'on trouve essentiellement des petits bâtiments collectifs et des
classes moyennes attachées au lien avec la centralité principale ; l'aire suburbaine, où se
trouvent les zones pavillonnaires, qui a très peu de liens avec la ville centre et repose sur les
déplacements automobiles ; la ville des exclus et des assignés à résidence, celle des grands
ensembles, enclavés et mal desservis ; enfin, les zones de campagne, refuge des « rurbains ».
Dès lors que la métropole n’est pas seulement un espace mais aussi un système
fonctionnel composé de différents sous-systèmes, force est d’admettre que les systèmes ne
s’emboîtent pas nécessairement de manière harmonieuse.
Il existe ainsi un écart très signifiant entre ce qui est appelé la « région métropolitaine » et
la réalité fonctionnelle de la métropole : elle peut inclure des territoires ruraux secondaires
(parce que régionaux) et écarte des territoires agglomérés (parce qu’ils sont hors du
périmètre régional), pourtant en étroite dépendance économique et morphologique avec
l’agglomération. C’est pourquoi coexistent les notions de région urbaine ou d’aire
métropolisée1, et se développent des besoins d’outils statistiques spécifiques. Les travaux
menés par l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Ile-de-France (IAU-IDF) et le
laboratoire Géographie-cités, à propos du « Bassin parisien » (2009) l’illustrent parfaitement.
Les régions périphériques de l’Ile-de-France, comme la Picardie, sont aujourd’hui dans une
logique de captation des ressources de la métropole francilienne. Les périmètres
administratifs ne correspondent pas aux dynamiques de flux (l’échelle du Bassin parisien est
bien plus pertinente) et les réponses politiques s’inventent selon d’autres modalités (Cf. le
« Cadre de référence stratégique », IAU 2009), préparées donc par des acteurs
scientifiques aux côtés des acteurs politiques légitimes traditionnels. En réponse à la
compétition interrégionale, les coopérations sont donc à construire, selon de nouveaux calculs
d’intérêts qui obligent à reposer en termes renouvelés la question de savoir quel territoire est
une ressource pour l’autre, et quels sous-systèmes métropolitains se développent dans la
métropolisation. Dans la même veine, le projet d’Antoine Grumbach de la métropole Paris-
Rouen-Le Havre a obligé l’agglomération de Caen à repenser toute sa stratégie métropolitaine
développée au cours de ces dernières années et suscite des mobilisations et des
recompositions stratégiques par delà les cadres politiques et administratifs territoriaux
habituels.
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Attention d’ailleurs aux faux-amis : « urban region » désigne la région métropolitaine…
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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
La métropole ne se décrète pas
Ces points soulignent qu’on ne décrète pas fonctionnellement une métropole, ce qui ne
va pas sans poser questions au regard de la configuration politico-administrative actuelle et
de la méthode suivie pour réaliser la « métropolisation à la française ». Certes, la question
métropolitaine s’est imposée sur l’agenda des décideurs publics – nationaux mais aussi
infra/inter/transnationaux –, dans la mesure où tous les territoires ont été soumis à une
véritable révolution dans la manière dont le temps et l’espace ont « impacté » leurs équilibres
économiques et sociaux. Ainsi, les caractéristiques et les ressources des territoires, garantes
d’un certain ordre local, apparaissent aujourd’hui fondamentalement volatiles, fragiles,
indéterminées. Il suffit d’évoquer la désindustrialisation, les délocalisations et la nécessité
d’être compétitif et attractif pour mesurer les défis auxquels sont confrontés tous les
territoires, dans une nouvelle économie de la « mondialisation », qui les rend interdépendants,
selon une nouvelle division internationale du travail. Les espaces métropolitains sont avant
tout « la traduction spatiale et infranationale de l’avènement d’une économie globale »
(Ghorra-Gobin, 2008) et, partant, la reconnaissance de l’urgence stratégique d’organiser des
systèmes métropolitains s’est imposée à tous.
Si les registres des stratégies élaborées en réponse se sont progressivement étoffés
en cherchant à combiner des projets de court-terme (revitalisation des bassins d’emploi) avec
des enjeux de long terme (création d’un environnement favorable pour favoriser des
implantations durables), la logique économique demeure donc première.
Et si la notion de métropole fait florès dans ce contexte, notamment en France dans
les rapports « politiques » nationaux (parmi lesquels les récents rapports Attali, Perben,
Balladur et Saint-Etienne), et régionaux (Rapport Planchou pour la région Ile-de-France), ainsi
que dans les textes de loi récents relatifs aux Collectivités locales, la métropole semble
surtout demeurer un objet particulièrement labile et très commode pour désigner, même par
défaut, les questions posées par les changements d’échelle des territoires considérés comme
pertinents pour élaborer une action publique efficiente. La métropole rejoint ainsi la liste
déjà longue des nouveaux territoires politiques à construire et à rendre cohérents et
légitimes, à côté des intercommunalités et des régions ; mais aussi a contrario par opposition
dans certains projets à la dispersion communale et aux « vieux » départements.
La prise de conscience des risques communs (dérèglement climatique, épuisement des
ressources naturelles disponibles, pollutions, crises sanitaires, mais aussi « évènements »
dans les banlieues) a mobilisé les pouvoirs publics et a contribué à modifier la manière dont
les périmètres et les déséquilibres territoriaux étaient considérés. Mais pour ne prendre que
quelques exemples récents, les polémiques relatives à la réforme de la taxe professionnelle, à
la taxe carbone ou aux avant-projets de loi sur les collectivités territoriales et sur le « grand
Paris » ont rappelé l’importance de construire collectivement un débat pluraliste, objectivé,
pédagogique et constructif, qui puisse permettre d’aboutir à une solution politique – par
opposition à politicienne – utile et globalement satisfaisante.
Tout cela concourt à donner à tous les acteurs de l’aménagement des territoires et de
l’urbanisme une responsabilité accrue en termes de contribution aux débats sur l’organisation
de la vie en société, notamment pour mieux faire partager les singularités engendrées par
l’émergence des échelles et des sociétés métropolitaines.
D’une part, la « gestion métropolitaine » des enjeux économiques, sociaux et
environnementaux suppose donc, à la fois plus intensément et plus fondamentalement que par
le passé, un management multi-scalaire (qui combine les différentes échelles territoriales, du
global aux périmètres du local), et intégré (pour pouvoir combiner simultanément les
différentes variables pertinentes et ainsi pouvoir traiter de manière transversale les
questions effectivement corrélées par delà les catégories existantes), alors que tous les
espaces sont à la fois concurrents et solidaires dans la mesure où les phénomènes se
manifestent désormais à l’échelle des « grands territoires ». Le diagnostic est désormais
partagé sur le fait que les espaces urbanisés (qui regroupe une majorité continûment
croissante des habitants et des emplois, en France comme dans le monde) d’autres formes de
gouvernance pour faire face aux défis cumulés et anticiper les crises : en termes d’économie
mondialisée et d’attractivité, car le développement dépend pour une bonne part des conditions
qualitatives offertes par les territoires ; en matière sociale, tant les différenciations
spatiales impactent les inégalités sociales et les solidarités territoriales ; en matière
environnementale puisque l’organisation des espaces urbains constitue et détermine l’avenir
des écosystèmes.
Mais, d’autre part, les projets les plus ambitieux, tels ceux développés lors de la
consultation internationale sur le « grand Pari » de la métropole parisienne, montrent bien
qu’il n’existe pas de pensée stabilisée, complète et convergente de la métropole, permettant
de penser ensemble tous les enjeux de systèmes caractéristiques du phénomène. Il est vrai
que la complexité du sujet est réelle : il ne s’agit plus seulement d’être interdisciplinaire et
international pour saisir le sujet dans une plus juste perspective, mais aussi d’être en capacité
de saisir des phénomènes corrélés simultanés. Le nouvel impératif catégorique est de «
penser l’inter », qu’il s’agisse de l’ « interspatialité » (Lussault, 2007) ou de l’
« interterritorialité » (Vanier, 2008, 2009).
En d’autres termes, agir sur le fait métropolitain exige de décaler le regard, d’élargir
le champ des expertises et des principes d’action. Se doter d’une nouvelle grille d’analyse
globale qui s’affinerait continûment en fonction des dynamiques locales apparaît dès lors un
ingrédient clé du management stratégique d’une telle ambition. Cette nouvelle posture
concerne tout le monde, citoyens, experts et décideurs, à l’instar du processus qui a abouti à
l’élaboration collective du Schéma régional d’Aménagement de la Région Ile-de-France
(SDRIF) par exemple, qui fait figure d’expérience singulière à capitaliser pour l’avenir.
L’attraction des métropoles, c’est entendu, provient de leur concentration des richesses, de
leur pouvoir d’influence économique et politique en fonction de leur statut institutionnel
(capitale régionale ou nationale, implantation de sièges d’institutions publiques
internationales). Le PIB par habitant et les taux d’emploi sont souvent plus importants que la
moyenne nationale. Les activités de services représentant un quart du PIB à Paris, un tiers à
Londres et Tokyo, elles constituent à l’échelle mondiale ce que l’on appelle une « société
d’archipel. » Saskia Sassen a défini la grande métropole mondiale par le développement de
fonctions de commandement économique et de centre de décision de rang mondial. La
présence de sièges sociaux de compagnies multinationales, la concentration des activités
financières ou la fonction de pôle majeur de communication et d’information à l’échelle
mondiale débouche ainsi sur une hiérarchisation entre métropoles. Dans son classement, elle
distingue par ordre décroissant : Londres, Paris- Ile de France, New-York, Tokyo-Yokohama,
et Francfort ; mais les « métropoles internationales » leur sont de plus en plus proches et
reliées par leur rôle dans les réseaux d’échanges et de décision, grâce notamment aux TIC. Le
fait est que ce type de palmarès et ce paradigme ont suscité un vaste mouvement de
réflexion sur les stratégies de métropolisation.
Pour autant, il semble indispensable d’interroger la pertinence des paradigmes
économiques dominants, comme les thèses dominantes en géographie économique et en
développement local par exemple, qui encouragent la diffusion de « modèles » de
développement urbain aboutissant surtout à des « villes franchisées » (Mangin, 2005) aux
rendements décroissants et la création d’espaces urbains standardisés (Zukin, 1993). Des
projets comme les Waterfronts de Baltimore par exemple ont été exportés dans le monde
entier, des Docks de Londres jusqu’à Tokyo, devenant des modèles ; la ville de Vancouver fait
ainsi office de modèle de « ville stratégique » (Buchoud, 2008). L’urbanisme en vient donc à
se mettre avant tout au service de la stratégie d’attractivité des villes et la responsabilité
des urbanistes est engagée en la matière : comme l’a montré François Ascher (2001), il leur
est le plus souvent demandé d’élaborer un projet consensuel susceptible de tranquilliser les
investisseurs sur la pérennité de certains choix. La nécessaire mise en valeur des choix
détermine souvent les projets urbains qui sont adoptés, comme l’a souligné Patrizia Ingallina
(2001): « la lutte des villes pour s’affirmer (notamment sur le plan de l’implantation des
entreprises) conduit à devoir afficher de manière “éclatante” que l’on a une claire stratégie
de développement dont le projet est garant.»
De plus, les théories de l’attractivité, les recettes visant à développer l’innovation sur les
territoires, présentent des résultats mitigés et apparaissent incomplètes, fragmentées,
On mesure par contraste combien dans ces stratégies sont sous-évalués les déséquilibres
et les disparités qui caractérisent les processus de métropolisation. Les travaux de l’IAU-IDF
montrent par exemple combien la métropole francilienne est parcourue de clivages, avec des
écarts croissants entre, d’une part, les « élites mondialisées » et les personnes hautement
qualifiées des secteurs tertiaires supérieures, et, d’autre part, les personnels peu qualifiés
nécessaires au bon fonctionnement de l’économie métropolitaine. Les débats alimentés par
exemple par les travaux de Laurent Davezies (2008) contribuent à mettre à mal les
certitudes sur cette question.
On mesure ainsi à quel point le champ de l’innovation sociale fait sens pour compléter le
paradigme économique dominant : il recouvre la revalorisation des formes de la vie sociale, la
redécouverte des enjeux de la qualité de vie dans les espaces métropolitains, les enjeux de
cultures et d’identités, le développement des services sur le territoire, y compris donc des
services publics, il interroge les rythmes et les temps des villes et de l’espace métropolitain.
Il pose frontalement les questions de pédagogie et de capacité d’appropriation, la diversité
Le quatrième chantier qui découle logiquement de ce qui précède est d’ordre politique :
il s’agit d’approfondir les nouvelles formes de coopération et de coproduction de la métropole,
de prise en compte des aspirations et des limites des modes traditionnels de socialisation
politique et de participation. Il s’agit aussi de prendre au sérieux les réponses apportées à la
question posée par Foucault de la « gouvernabilité », non seulement d’un point de vue
théorique mais aussi en capitalisant les réponses apportées par les travaux de recherche et
les évaluations des formes politiques existantes.
Plus encore que l’espace de la ville, l’espace métropolitain est un défi à la citoyenneté,
rendant plus que jamais nécessaire de reconnaître les « formes intermittentes de la
démocratie » (Carrel et al., 2009), qui posent la question de la citoyenneté moins comme un
statut que « comme une fabrique sociale et politique des individus et des collectifs ». Carrel,
p 9). La politique est de fait souvent aux marges, voire éloignée des pouvoirs publics (Neveu,
2004,2005). La relation des citoyens avec le politique s’est incontestablement fortement
transformée. Quatre raisons principales peuvent être avancées, comme l’ont bien montré les
travaux de Jacques Ion :
1) les individus sont davantage désaffiliés, au double sens du terme : ils agissent moins
en termes de « fils/fille de ») et ne se reconnaissent pas forcément dans les clivages qui ont
longtemps structuré l’espace militant, conformément au processus d’individuation bien connu ;
2) la socialisation politique, favorisée par exemple par les activités associatives et
militantes inscrivant l’individu à la fois dans une pratique collective et dans une appropriation
de la démocratie représentative, ici mimétisée, a disparu ;
3) la politisation actuelle se situe « aux frontières du politique » : sans nécessairement
passer par des structures associatives classiques, il existe d’autres modes plus discrets de
participation et d’implication dans la politique, notamment dans les territoires. De nouvelles
formes de « collectif » émergent jouent des rôles de médiation très efficaces notamment là
où « l’ordre social est dégradé » (Borzeix et al.). Pierre Bouvier (Bouvier, 2005) y voit des
formes de lien social « alternatives, fragiles mais volontaires », qui sont peut-être davantage
des formes de contre-pouvoir que de contestation, mais aussi des palliatifs à l’absence de
réponse adaptée des pouvoirs publics sur les questions délicates de troubles de voisinage, de
squats, de délinquance, de défaut d’entretien du bâti, « vigilance » des habitants, etc. On
mesure combien on touche ici à des formes collectives qui suscitent une méfiance instinctive
dans la culture politique française. La question posée est de fait de savoir si cela nourrit du
sens commun, des aspirations voire des propositions plus collectives, susceptibles de
déboucher sur une forme d’expression citoyenne, considérée donc ici comme suffisamment
stables et devant être fabriquées ;
La circulation des idées et la mise en débat apparaissent donc à plus d’un titre
essentielles pour approfondir des questions à la fois corrélées et de nature diverses.
Paradoxalement, peut-être, la « simplification » administrative inhérente aux projets de
réforme dans la continuité de la «modernisation générale » a abouti à une complexification à
plusieurs niveaux, politique, administrative, mais aussi sociologique : force est d’observer que
la question métropolitaine est abordée avec forte suspicion et pâtit d’un déficit très
important de légitimité, comme si la métropole cristallisait les difficultés à penser l’action
publique selon un nouveau paradigme systémique et à adopter de nouvelles postures d’acteurs,
hors des catégories battues. Il est vrai que la question métropolitaine est un défi cognitif à
nos représentations culturelles des territoires, à nos manières d’en user, aux modes d’action
des institutions françaises, aux clivages bien établis dans notre culture politique (rural /
urbain ; communes / intercommunalités ; départements / régions ; collectivités territoriales /
Etat ; jacobins / girondins ; public / privé ; société civile / acteurs publics). Les débats
entourant les projets de métropole concourent pour autant à mettre en lumière l’importance
de se saisir aujourd’hui sérieusement de la question pour élaborer à bon droit et
collectivement des projets qualitativement utiles pour l’avenir.
L’un des enjeux majeurs à cet égard est sans doute d’accompagner la
« territorialisation de la région urbaine » (Ghorra-Gobin, 2008), c’est-à-dire la capacité à
inventer un raisonnement global autonome, légitime et crédible pour garantir un véritable
Jérôme DUPUIS
Docteur en Sciences de Gestion
Président de l’Association pour la Recherche et l’Expertise en Management Public
Territorial
Pour clarifier les rôles des collectivités locales, la suppression de la clause de compétence
générale est envisageable même si elle permet souvent une vraie solidarité entre les
territoires.
Certes, les collectivités locales assurent 75% des investissements publics, mais est-ce une
raison pour exclure toute interrogation sur leur pertinence quand la subvention espérée suffit
parfois à déclencher l'investissement même s'il n'est pas nécessaire, ou que l'investissement
déclenche la subvention même si elle n'est pas justifiée ?
Alors pour limiter l'enchevêtrement des financements croisés, il faut à l'évidence réactiver
les deux notions complémentaires de blocs de compétences et de chef de file. Faut-il aller
jusqu'à limiter le financement d'un même projet à deux collectivités, plafonner les taux de
subvention ou encore réserver la possibilité de subventionner un projet aux seules
collectivités de niveau supérieur? Attention à ne pas entraver à l'excès des collectivités
locales déjà contraintes par un étranglement financier qui s'aggrave.
Prenons garde à ce que la réforme indispensable des collectivités territoriales ne conduise
pas à brider leur créativité : n'oublions pas en effet que c'est du dialogue et de la
coopération entre partenaires locaux que naît le développement de nos territoires. Ce que l'on
appelle le « millefeuille » a sans doute des inconvénients, mais il oblige les élus d'un même
territoire à un exercice d'intelligence collective.
A trop vouloir spécialiser les collectivités, on risque d'oublier que les problèmes traiter
s'inscrivent souvent dans une réalité plus vaste que leur territoire. Une approche trop
cloisonnée de leurs compétences pourrait aboutir au mieux à ce que le rôle des élus soit
redondant avec celui des agents territoriaux, et au pire à leur impuissance face aux
problématiques complexes qu'ils ont à résoudre. D'autant que 90 % des actions engagées par
les régions et les départements relèvent déjà de leurs compétences propres.
La réforme nous invite à passer d’une approche fondée sur les institutions et les procédures à
une approche fondée sur les acteurs et stratégies.
Pour l'action sociale en milieu rural, il n'y a pas mieux que le département. Pour l'action
économique, cela n'a pas de sens de faire autrement qu'au niveau de la région, sauf pour
quelques départements. A ce titre les conseils généraux pour les départements ruraux
Alors qu'il aurait pu être fondamental pour la réaffirmation de la démocratie locale, le projet
de réforme des collectivités territoriales s'apparente désormais à un piège politique
redoutable dont l’aspect emblématique est, à ce jour l'élection des conseillers territoriaux. La
création du conseiller territorial était déjà une idée contestable puisqu'elle réduit
considérablement le nombre des élus locaux qui sont pourtant les interlocuteurs quotidiens de
nos concitoyens et constituent le maillage apprécié d'une véritable démocratie de proximité,
mais au risque d’assister aussi à un charcutage annoncé des cantons et un tripatouillage du
mode de scrutin. Pour le mode de scrutin, la suppression du deuxième tour, distinctif de la
démocratie française depuis des décennies constitue une perspective bien particulière. Ainsi,
un candidat pourrait être élu conseiller territorial avec moins de 20% des suffrages dès lors
qu'il serait placé en tête au tour unique. Or la France n'a jamais été une démocratie
bipartisane comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne et le scrutin majoritaire uninominal à
un tour n'y est donc absolument pas transposable.
Pour justifier le dessein de la reprise en main des collectivités par l’Etat, tous les moyens
sont bons, y compris ceux qui relèvent d'une démagogie éculée, voulant faire croire à une
gestion des territoires dispendieuse, alors même que l'Etat n'a cessé de leur transférer des
compétences.
Ce dernier aspect a été particulièrement éclairé par le récent rapport de la Cour des Comptes
«relatif à la conduite par l'État de la décentralisation ». A sa lecture, on se prend à douter de
l’efficacité de la nouvelle réforme. En 1982 et en 2004 aussi, l'État affichait deux objectifs:
une clarification des compétences conduisant naturellement à une meilleure gestion des
deniers publics. Or, ce rapport conclut que les réformes passées n'ont pas clarifié
l'enchevêtrement des compétences, mais ont même réussi l'exploit de l'aggraver.
Exemple parmi d'autres, les transports publics éclatés entre la région pour les trains
régionaux, les départements pour les transports sur routes en zones rurales, les communes et
les intercommunalités pour les transports urbains.
Ensuite, les avis des élus concordent, quel que soit le sujet abordé. Hôpital, gestion des
ressources humaines, fiscalité locale, réforme territoriale..., l'Etat serait dans une phase de
recentralisation. Du discours aux actes, certaine faits leur donnent raison. Ainsi, au moment
où l'on célèbre le 25e anniversaire de la création du statut de la fonction publique
territoriale, le président de la République et son Premier ministre tancent les collectivités en
jugeant leur politique de recrutement excessive et dispendieuse. L'Etat, lui, montrerait
l'exemple en comprimant l'embauche de fonctionnaires. Une attitude pour le moins directive à
l'endroit des employeurs publics, au regard du principe de libre administration des
collectivités.
L'inquiétude prévaut aussi chez les élus concernant leurs ressources. La suppression de la
taxe professionnelle, en 2010 pour les entreprises, se traduira l'an prochain par une mise sous
tutelle des recettes fiscales des collectivités: l'Etat leur versera une compensation, certes à
l'euro près, mais sous la forme d'une dotation dont il maîtrisera seul le montant et qu’il pourra
quant il le jugera nécessaire intégrer dans l’enveloppe normée des dotations aux collectivités.
Ce qui n'est pas le moindre paradoxe, au regard cette fois du principe constitutionnel
d'autonomie financière des collectivités.
Nous sommes tous soumis à l'exigence d'une bonne gestion. Or le projet gouvernemental
entend brider les collectivités en supprimant la clause générale de compétence,
consubstantielle pourtant à toute idée de décentralisation parce qu'elle marque la différence
entre une collectivité libre de gérer ses propres affaires et un établissement public contraint
dans des compétences spécialisées.
En l'état, cette réforme marquerait une régression considérable : elle met à bas les
fondements de notre République décentralisée et pervertit l'essence de notre démocratie
locale.
Ainsi, un grand nombre d’élus locaux, à l'instar de l'Association des petites villes de France,
évoquent «une régression de la décentralisation».
L’Assemblée nationale a adopté en première lecture le 8 juin dernier, par 276 voix contre
240, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, les députés UMP votant seuls
en faveur du texte. Profondément modifié par la commission des lois de l'Assemblée
nationale, le texte a de nouveau évolué lors des débats, les députés préférant revenir à
certaines dispositions votées par le Sénat, notamment sur les communes nouvelles ou le
maintien des règles actuelles de majorité pour les transferts de compétence et la définition
de l'intérêt communautaire. Une victoire pour l'UMP et son président, Jacques Pélissard,
député du Jura, venu défendre une vingtaine d'amendements.
Néanmoins, le scénario de la réforme territoriale est modifié. Si les députés ont acte, à leur
tour, la création des conseillers territoriaux, conseillers communs aux conseils généraux et
régionaux, ils ont aussi fixé leur mode d'élection : un scrutin uninominal majoritaire à deux
tours. Et fixé également à 3 471 le total de ces futurs conseillers territoriaux, les députés
adoptant le tableau préparé par le gouvernement répartissant le nombre de ces nouveaux élus
par région et par département. Un choix remis en question quelques jours plus tard par la
commission des lois du Sénat.
Les députés ont aussi amputé l'article 35 de toute référence à une loi ultérieure sur les
compétences. Suivant le souhait du gouvernement et du rapporteur du texte. Dominique
Perben, de donner immédiatement « un caractère normatif » au partage de compétences
Le vote du Sénat
La plupart des changements apportés, à son initiative, par l'Assemblée nationale, sont
expurgés. Le texte, amaigri, finit, dans la nuit du 7 au 8 juillet, par être adopté à une courte
majorité (165 voix pour, 159 voix contre).
En séance, le Sénat suit finalement les premières préconisations de sa commission des lois en
date du 16 juin : il décide de ne pas choisir de mode de scrutin pour les conseillers
territoriaux appelés à siéger en 2014 dans les assemblées départementales et régionales. Les
membres du groupe Union centriste, partisans d'une dose de proportionnelle, rejettent, dans
leur majorité, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, arrêté en première lecture par
les députés. Dans la nuit du 6 au 7 juillet; ils font basculer les suffrages au détriment de
l'exécutif.
A l’origine, le mode de scrutin du conseiller territorial devait faire l’objet d'un projet de loi
séparé. L'exécutif, désireux d'en finir avant la fin de la session extraordinaire, le 13 juillet,
avait intégré ce volet au texte-cadre, lors de son passage à l'Assemblée nationale. Il avait
aussi fixé le nombre de conseillers territoriaux dans chaque département et chaque région.
Ce tableau, supprimé par la commission des lois retrouve in extremis sa place.
C'est par un Score « soviétique » — 335 voix contre, 5 voix pour —que, le 6 juillet, le Sénat
repousse l'article 35 sur la répartition des compétences établie par l'Assemblée nationale.
Enterrés, les principes normatifs qui restreignaient la liberté d'intervention des
départements et des régions; retour à la version sénatoriale du projet présenté en première
lecture. Une loi sur les compétences doit, de nouveau, intervenir dans les douze mois après la
promulgation du texte-cadre.
Seul motif de consolation pour le noyau dur de l’UMP : à l'occasion de la dernière séance de
débat, l'amendement communiste voté le 30 juin érigeant «la compétence générale» au rang
de «principe fondateur de la libre administration des collectivités» disparait du projet de loi.
Rapport d’information n° 471 sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, par Claude Belot,
2
Jugements hâtifs, positions partisanes, splendide isolement hexagonal abondent. Certes, les
solutions ne sont pas évidentes. Mais leur élaboration implique au minimum de ne pas les
ancrer dans des analyses erronées conduisant à des propositions de réforme inadéquates ou
inefficaces
Pour élever le débat, levons 7 erreurs majeures trop souvent assénées et martelées.
Cette formule rend gourmands les journalistes peu compétents et les politiques trop jacobins.
Faisons la monnaie de cette expression afin de distinguer les vraies difficultés des fausses
réalités.
Certes, il eut été préférable de créer les 47 grands départements conçus par Michel Debré
en 1949 ou de retenir l'idée des 10 régions, avancée par François Perroux, de fusionner les
communes en 1971 par application de la loi Marcellin, de choisir entre le département et la
région ainsi que le préconisait Valéry Giscard d'Estaing en 1975, puis de concrétiser les
propositions du rapport « Vivre ensemble » de 1976-1977. Mais, évacuées ou avortées, ces
réformes n'ont pas eu lieu et le nouveau dessein politique impulsé par la décentralisation en
1982 a dû s'inscrire dans le dessin institutionnel et géographique d'une France locale conçue
et structurée pour servir au mieux l'omniprésence de l'État. De ce passé, faire table rase est
impossible.
Des régions trop petites ? Peut-être parfois, mais ce n'est pas essentiel : le territoire des
régions belges n'est pas immense, certains Länder allemands sont moins vastes et moins
riches que nombre de nos régions, toutes les régions d'Autriche sont plus petites. L'État du
Maine aux États-Unis a moins d'habitants que le Val-de-Marne et 40 États américains ont
moins d'habitants que l'Ile-de-France. Enfin, l'Écosse n'a que 5,4 millions d'habitants. Et le
même raisonnement vaut pour les départements, des plus riches comme celui des Hauts-de-
Seine aux plus dépeuplés, comme l'est la Creuse...
Alors que faire ? Succinctement, en s'en tenant aux grandes lignes directrices :
- restructurer le tissu communal, non en multipliant les structures fonctionnelles et
techniques, mais en réorganisant l'échelon démocratique qu'est le conseil municipal
élu au suffrage universel direct (cf. le point sur l'intercommunalité) ;
- caler les cartes départementale et régionale sur les réalités économiques et
sociales en abandonnant la solution typiquement française d'un découpage
territorial uniformément et faussement égalitaire. Les petites régions pourraient
ne pas comporter de départements, les grandes agglomérations pourraient
absorber les responsabilités actuellement dévolues aux départements ;
- créer de véritables blocs de compétences confiant de véritables responsabilités de
définition et de réalisation de politiques publiques à chaque niveau, en appliquant
enfin le principe de subsidiarité ;
- mettre fin aux doublons et aux doubles emplois qui existent principalement entre
l'État et les collectivités locales et non entre celles-ci ;
- conférer aux régions une capacité normative de niveau réglementaire permettant
une application adaptée aux réalités des textes législatifs.
Fausse solution adoptée depuis janvier 1959 pour résoudre les problèmes posés par
l'émiettement de la carte communale française, le développement de l’intercommunalité
présente de gros inconvénients, aggravés depuis l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet
1999, dite « loi Chevènement » :
Il aurait mieux valu refondre la carte communale en transposant la loi PLM à l'échelle de la
France : un conseil municipal, des conseils d'arrondissements pour les petites communes
agrégées en une nouvelle entité unique. Au lieu de cela, le projet de réforme des collectivités
locales prévoit de généraliser à l'ensemble des communes la formule des EPCI, d'une part, et,
d'autre part, de créer deux nouveaux niveaux intercommunaux, les métropoles et les pôles
métropolitains.
In fine, la palme de la mauvaise gestion revient à l'État, dont les effectifs ont globalement
été fort peu sensibles à la décentralisation, distinction qu'il partage avec l'ensemble « EPCI »
dont la structure en personnel a été bien souvent désordonnée et coûteuse.
Certes, les budgets des collectivités locales ont singulièrement augmenté depuis le lancement
de la décentralisation en 1982. À cela, quatre raisons, fondamentalement différentes, qu'il ne
faut surtout pas amalgamer au risque de déboucher sur une critique sans fondement :
- les transferts de compétences de l'État vers les collectivités, soit n'ont pas été
intégralement compensés financièrement (effectifs des personnels ATOS
transférés par l'État insuffisants pour permettre un bon fonctionnement des
collèges et des lycées), soit ont connu une croissance automatique de leur coût,
compte tenu de la nature de la politique publique ou des modifications législatives
décidées par l'État (RMI puis RSA, accueil des handicapés, personnes âgées,
nouvelles normes...) ;
- la volonté des élus de rendre un meilleur service aux citoyens ou aux usagers,
volonté légitime rencontrant les souhaits de la population (TER, réseau routier,
formation professionnelle, investissements universitaires...) ;
- le développement de nouvelles politiques correspond à la mutation des données
économiques, sociales et psychologiques ayant affecté la société au cours du
précédent quart de siècle : environnement, innovation, recherche, nouvelles
technologies, aides aux chômeurs, orientation des jeunes en difficultés... ;
- la prise en charge du financement de près des trois quarts des investissements
publics civils annuels en lieu et place de l'État (35 Md d'euros en 2008 contre
seulement 13 Md d'euros pour l'État – le rapport était inverse en 1980) dont la
réalisation, malgré certaines dérives coûteuses mais peu nombreuses, permet
conjointement de développer ou d'améliorer les équipements publics et de soutenir
l'activité des entreprises.
Qui peut imaginer se passer des services et des équipements de toute nature à la charge des
collectivités locales et au profit des citoyens ?
Cette affirmation laisse rêveur car nul n'ignore les motivations politiques et techniques ayant
entraîné, depuis le milieu des années 1980 une importante augmentation des dotations de
l'État aux collectivités locales, près de 70 Md d'euros en 2009.
Elles sont toutes mécaniquement le produit de décisions dont aucune ne relève d'une
démarche caritative puisque toutes répondent à la nécessité de dédommager les collectivités
des conséquences financières ou fiscales des décisions prises par l'État à son profit politique
ou budgétaire :
- la dotation globale de fonctionnement est le résultat de la suppression de la taxe
locale (encaissée par les communes) du fait de la généralisation de la TVA
(encaissée par l'État), après diverses péripéties et en tenant compte de nombreux
ajustements ;
- les différentes dotations générales de décentralisation sont censées compenser les
charges supplémentaires des collectivités entraînées par les transferts de
compétences intervenus depuis 1983 ;
- le Fonds de compensation de la TVA rembourse logiquement aux collectivités
l'impôt illogiquement réglé à l'État sur les investissements qu'elles ont financés, et
encore ce dispositif ne s'applique-t-il qu'aux investissements et qu'aux sous-
investissements dont elles ont la maîtrise d'ouvrage ; les compensations
d'exonération fiscales ou de dégrèvements sont la stricte résultante des décisions
législatives de l'État dans le domaine fiscal lorsqu'elles affectent négativement les
ressources des collectivités locales sans modifier leurs obligations et leurs
charges.
Nous n'en sommes plus, en effet, aux temps heureux des années Pompidou ou Chaban-Delmas,
où les collectivités bénéficiaient des largesses d'un État riche, sous forme de subventions
d'équipement et de prêts bonifiés.
Pour l'avenir, plutôt que de développer des arguties où l'État serait tout à la fois vertueux et
généreux, à son détriment et au profit des collectivités, il serait préférable de refondre
l'ensemble de la fiscalité française, nationale comme locale. Il s'agit de permettre à chacun
des niveaux de responsabilités dirigés par des élus du suffrage universel direct (État,
régions, départements, communes) de disposer des ressources d'origine fiscale nécessaires à
l'exercice de ses missions. Telle n'est pas la situation actuellement : à l'État, les ressources
des grands impôts nationaux productifs ; aux collectivités locales, le produit peu dynamique
des « quatre vieilles » dont ce même État s'est progressivement dessaisi au fur et à mesure
de la création de modalités fiscales plus productives (impôt sur le revenu, impôt sur les
sociétés, TVA).
Si ce texte est adopté, les citoyens supporteront à l'avenir, par l'intermédiaire des
compensations aux collectivités locales versées par l'État, 57 % de l'impôt local dû par... les
entreprises ! Soit 81 % des impôts locaux directs. Belle traduction du principe d'égalité
républicaine devant l'impôt ! Impôt logique et démocratique, dans son principe, la TP ne
devrait pas être supprimée, même si sa réforme (égalisation géographique des taux comme
des produits, modification des bases et des assiettes pour répartir son poids de manière plus
uniforme sur l'ensemble des secteurs économiques) s'impose depuis longtemps, ce dont tout
un chacun convient.
Taxer l'activité économique n'est pas imbécile, pas plus qu'assujettir à l'impôt les ménages.
Est imbécile en revanche la suppression de cette taxation dont il est possible de corriger, par
une réforme adéquate, les. Défauts ou les excès.
L'une des critiques majeures du projet de loi est l'absence de toute référence à la société
civile et à la participation des citoyens. Quelles que soient les insuffisances et les dérives
dans le fonctionnement des conseils de développement, nous pensons qu'ils constituent le
meilleur interlocuteur institutionnalisé des élus communautaires pour mener une concertation
relative aux projets locaux de développement. Ils symbolisent « la nouvelle gouvernante »
dont on parle tant c'est-a-dire l'idée que l'on ne peut plus construire, gérer et évaluer
aujourd'hui des politiques publiques sans la participation organisée des citoyens au processus
de la décision publique.
Indispensable péréquation
Nous refusons aussi la compétitivité ultra-libérale qui enrichit les personnes et les territoires
riches et qui laisse tomber les hommes et les territoires pauvres ou en cours de
paupérisation. Une politique nationale du « tout urbain », transformant de plus en plus le rural
en espace résiduel ne saurait constituer une politique d'aménagement du territoire. Une fois
de plus, le problème majeur de la péréquation se pose aussi bien à l'intérieur des métropoles
qu'entre les métropoles et le reste du territoire. Il faut poser fortement la question des
structures et des moyens qui permettraient, à tous les territoires, et pas seulement aux
métropoles, de maîtriser le problème foncier, de répondre aux prescriptions impératives du
développement durable, en particulier à celles du développement des transports en commun et
des circulations douces et à celles des politiques de rapprochement du domicile et du travail.
De nouveaux rapports interactifs entre l'urbain et le rural doivent être repenses, dans une
nouvelle perspective d'aménagement du territoire.
Encourager les conventions de collaboration entre collectivités, pouvant aller jusqu'à leur
fusion
Nous sommes partisans de toutes les formes ascendantes de collaborations négociées entre
les acteurs locaux. Nous sommes, par contre, opposés à toutes les formes descendantes qui
seraient imposées par l'État central. Nous avons toujours défendu les fusions de communes,
voire de départements ou de régions, à condition qu'elles soient volontaires, initiées par les
élus et acceptées majoritairement par les populations.
Sur ces questions, le projet de loi est ambigu. Il contient des aspects positifs, comme le
nécessité de laisser l'initiative aux élus et celle d'organiser un référendum auprès de la
population. Mais il contient aussi des aspects négatifs, essentiellement dans les pouvoirs
d'initiative ou de blocage laissés aux préfets. Comme nous l'avons dit, le préfet ne doit
pouvoir intervenir que si, à une date butoir prévue par la loi, les élus locaux n'ont pas réussi à
s'auto-organiser.
Les communes nouvelles ne sont pas scandaleuses en soi si elles permettent aux acteurs
locaux de réfléchir à. l'optimalisation de la gouvernance locale. Mais il est absolument
nécessaire de clarifier les relations de pouvoir, de compétences et de moyens entre les
communes nouvelles et les communes déléguées Ce qui se passe, avec la loi PML3, entre les
mairies centrales et les mairies d'arrondissement ou de secteurs ne peut pas servir de
modèle et nous satisfaire à l'heure où les élus d'arrondissements et de secteurs revendiquent
d'être autre chose que des figurants donneurs d'avis ou des gestionnaires de domaines très
mineurs. De nombreuses propositions de réforme de la loi PML montrent qu'on ne peut pas la
considérer comme un modèle satisfaisant et qu'elle-même doit être réformée.
Tirer les départements vers les territoires plutôt que les en éloigner en direction de
la région
Le projet de loi est fondé sur le rapprochement du département et de la région, par le biais
des conseillers territoriaux. Nous pensons que cette voie est erronée dans son principe et
dans ses modalités électorales. Il faut plutôt chercher dans la direction du rapprochement
3
Loi n° 82-1159 du 31 décembre 1982, dite loi Paris Marseille Lyon, relative à l'organisation administrative de
Paris, Marseille, Lyon, et des établissements publics de coopération intercommunale, qui transforme les anciennes
mairies d'arrondissement en structures élues à l'échelon local qui n'en deviennent pas pour autant des mairies de
plein exercice.
8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 91
Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
des départements et des grandes intercommunalités redécoupées, c'est-à-dire tirer les
départements vers les territoires plutôt que les en éloigner en direction de la région. Cette
dernière doit être centrée sur ses taches stratégiques de prospective, en liaison avec l'État
et l'Europe, et non sur des taches gestionnaires quotidiennes. C'est dans cette perspective
que l'on peut imaginer des rapprochements négociés et contractualisés entre les
départements et les intercommunalités, principalement dans le domaine de l'aide sociale qui a
intérêt à être gérée au plus près du terrain.
Les quatre éléments ci-dessous de l'argumentaire pour « sauver » les Pays sont issus des
travaux des États généraux des Pays et du Manifeste des Pays qui s'en est suivi, en décembre
2008 (Unadel - ADCF - APFP), ainsi que des analyses de Ronan Le Délézir, maître de
conférence en aménagement du territoire, à l'Université de Bretagne-Sud.
. Les Pays sont des territoires de projets, c'est-à-dire des espaces de réflexion qui rendent
des services aux communautés de communes et aux acteurs d'un territoire, afin de
déterminer et de traiter les priorités du développement et de l'aménagement qua dépassent
l'échelle d'une seule communauté ;
. Les Pays correspondent pour la plupart aux bassins de vie ; ils facilitent l'articulation urbain
/ rural, c'est-à-dire de la ville et de son arrière-pays ; ils répondent à de nombreux enjeux
d'aménagement du territoire et du développement durable comme la péri-urbanisation,
l'urbanisation ou la solidarité entre des territoires différents, mais complémentaires : c'est
la raison pour laquelle on constate que de nombreux Pays portent avec succès des schémas de
cohérence territoriale (Scot) ;
. Les Pays constituent de bons cadres pour la contractualisation des politiques territoriales,
comme les volets territoriaux des régions, les pôles d'excellence, ou des programmes
européens comme Leader+ ; ils ont aussi prouvé leurs capacités d'innovation et
d'Expérimentation en développant des partenariats public / privé ;
. Les Pays, par le biais de leur conseil de développement ; favorisent le dialogue territorial,
c'est-à-dire l'émergence d'une nouvelle forme de gouvernance locale, dans l'esprit du
développement durable.
Mauvaise cote
Les Pays n'ont pas toujours bonne cote auprès des élus, qui les ont assez souvent acceptés
par opportunisme, sous la pression de certains préfets ou pour la carotte des financements
des contrats de Pays. Dans un nombre important de territoires, les Pays se sont aussi imposés
avec l'appui de la mobilisation de mouvements de développement local. Il existe, certes, de
nombreux élus persuadés de la pertinence de cette structure et convaincus des valeurs de la
démarche de développement local, mais il existe au moins autant d'adversaires déclarés,
feutrés ou d'indifférents. Ne nous faisons pas d'illusions, beaucoup d'élus verront les pays
disparaître sans verser une larme : trop de place donnée à la société civile et aux agents de
développement, trop de contestation des politiques des notables, trop de bouillonnement
d'idées novatrices et dérangeantes, trop d'indiscipline par rapport à leur autorité... Nous
combattons l'idée selon laquelle l'effacement des pays serait liée à la « simplification du
mille-feuille ». Le gouvernement avance une contre-vérité, dans l'argumentaire qui
accompagne le projet de loi, lorsqu'il dit que les Pays ont tendance à devenir un échelon
administratif supplémentaire. Nous n'avons jamais constaté cette tendance sur le terrain. Les
Pays ne sont que des territoires de projet au service des intercommunalités.
Avec un agenda chargé sur les questions politiques, institutionnelles et économiques, c'est
l'ensemble du système territorial qui paraît subir - plutôt que conduire -, une reconfiguration
majeure. Cela soulève autant des questions fonctionnelles que plus stratégiques : une fois la
vague de réformes passée, dans un processus perçu par beaucoup comme une recentralisation
qui ne dit pas son nom, quelle sera la place de la gouvernance des territoires ? Que restera-t-
il de l'autonomie des collectivités ?
Mais la crise met les collectivités dans une situation inédite, caractérisée par une instabilité
accrue par les réformes en cours ou annoncées et leurs processus politiques ambigus. Sans
polémiquer, on peut en effet souligner les incertitudes qui grèvent les capacités d'action des
collectivités : l'équilibre de la décentralisation est affaibli et la légitimité des acteurs
territoriaux à préparer l'avenir est mise en question. Cette crise-là n'est peut-être ni
cyclique, ni spéculative, et mérite une réponse circonstanciée.
Certes, l'avenir incertain du financement de l'action publique est une question majeure. La
RGPP prévoit des économies de l'ordre de 7,7 milliards d'euros pour des dépenses publiques
représentant environ 1 000 milliards d'euros par an. Ces économies, sans doute
indispensables, ne sont pourtant pas à la hauteur d'un déficit récurrent: 140 milliards en
2009, en période de crise économique, mais déjà 50 milliards de déficit moyen des années
précédentes. Tous les acteurs publics, les administrations publiques centrales locales, de la
sécurité sociale sont donc sollicités.
Mais trois enjeux, pourtant étroitement liés, ne sont pas nettement corrélés dans les
réformes en cours4 :
la définition de modalités pérennes de financement de l'action publique ;
l'organisation d'une gouvernance du territoire plus efficace économiquement et plus juste;
l'émergence de réseaux de collectivités territoriales autonomes responsables
solidairement de projets dans un environnement multiscalaire.
Cette affirmation s'inscrit notamment dans la continuité de travaux menés avec Vincent Trémolet.
4
Les acteurs qui peuvent intervenir légitimement ont changé de profil sociologique : le discours
sur les « bonnes pratiques » débouche sur des marchés de « consultants » professionnels qui
transfèrent des solutions déjà expérimentées ailleurs. Dans la même veine, les partenariats
avec les acteurs privés et la contractualisation avec d'autres acteurs publics, ont modifié la
manière de « faire » de l'action publique. Pendant ce temps, les fonctionnaires ont été
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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
directement concernés par un grand nombre de réformes : réduction du nombre des
fonctionnaires, statut, formes d'évaluation et de rétribution du travail. Enfin, les réformes
de structure (privatisations ; création de sociétés commerciales où le capital est
majoritairement détenu par l'État ou des investisseurs publics ; libertés de manoeuvre
accrues pour les dirigeants des entreprises publiques, qui rompent avec les politiques
nationales de contrôle public sur des secteurs clés) remettent en cause la conception
traditionnelle du « secteur public » au régime juridique et financier dérogatoire aux règles du
marché.
Il en ressort un brouillage encore accru du modèle d'État recherché par les stratégies de
modernisation : faute d'évaluation et d'évolution tangibles, la réforme de l'État est devenue
un leitmotiv. En France, la modernisation n'a pas abouti à des transformations en profondeur
des carrières, et la transformation des fonctionnaires en « managers » n'a été que partielle
et, surtout, ne les a pas tous concernés. Si cela démotive certaines catégories d'acteurs, cela
en rassure d'autres qui ne se sentent pas prêts à cette évolution. En somme, les réformes
alimentent le sentiment qu'il existe des différences croissantes entre les acteurs publics qui
mesurent de plus en plus les différences entre eux (de statuts, d'opportunités à court et
moyen terme), dans leurs capacités à s'adapter aux évolutions qui concernent aussi leurs
relations avec le secteur privé.
Comme l'a montré P. Bezes, la réforme de l'État devient progressivement une politique à part
entière, disposant d'un véritable cadre doctrinal et de capacités de contraintes et de
financement. La réorganisation de l'État territorial s'inscrit dans ce cadre. Quant à la RGPP,
si le volume des réformes est conséquent, elle ne comporte pas de nouveautés radicales,
notamment en raison de l'absence de participation du Parlement et des collectivités
territoriales. Une nouvelle phase s'est ouverte en juillet 2009, avec la réforme de
l'organisation du territoire pour rationaliser l'action des collectivités.
On mesure mieux comment s'inscrivent les cinq chantiers de questionnement souvent désignés
par les cadres territoriaux5 comme prioritaires pour restaurer, face aux offensives de l'État,
une intelligence territoriale et des marges de manoeuvre idéelles et stratégiques : la
rationalité de l'action publique ; la métropolisation ; la proximité; la gestion de la complexité;
la gouvernance.
5
Pour capitaliser le travail de préparation de l'Atelier des ETS réalisé avec Pascal Fourtoul, Jacques Marsaud et
Bruno Romoli.
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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Pascal Fortoul
Directeur Général des Services de la Communauté d’Agglomération du Pays Voironnais et
Président de l’Association des Directeurs Généraux des Communautés de France (ADGCF)
Proximité, vous avez dit proximité ?
Personne ne peut nier que la « crise » a fait entrer l'État et les collectivités dans une logique
de raréfaction de la ressource disponible. Moindre croissance, mutation du tissu économique,
endettement record...
Cette situation nous oblige collectivement. Elle nous oblige à réinterroger nos politiques
publiques et à hiérarchiser nos priorités, donnant ainsi du sens au choix politique. Mais elle
nous oblige aussi à revisiter notre organisation territoriale et ses missions, qui peinent à
s'adapter face au renforcement de l'urbanité et aux nouveaux comportements de nos
concitoyens dans l'utilisation, au quotidien, du territoire.
Cette réalité qu'est le bassin de vie interroge le sens même du terme proximité. Proximité
est le terme le plus couramment utilisé par les tenants de l'immobilisme institutionnel.
Pourquoi ? Le plus souvent le terme proximité est compris comme une proximité physique.
Pourtant, on peut être sourd ou mal comprendre les attentes de nos concitoyens en étant à
leurs côtés.
La proximité doit désormais prendre une dimension supplémentaire, celle de la convénience.
Dans cette dimension, il est possible de s'affranchir de la dimension physique et de
construire ainsi une relation permanente avec nos concitoyens dans la perspective d'une
action publique coconstruite et répondant à la fois aux attentes profondes des habitants et
aux choix politiques validés démocratiquement.
Oui, la crise peut être un facteur d'une nouvelle gouvernance territoriale pour peu que l'on
accepte et comprenne la réalité actuelle et que l'on dépasse certains positionnements
idéologiques par ailleurs fort compréhensibles et respectables.
Jacques Marsaud
Directeur Général des Services de la Communauté d’Agglomération de Plaine Commune
Face à la mondialisation, « l'agir local » est encore une valeur sûre. Il y a là le moyen de
construire des territoires où le vivre ensemble et la performance feront bon ménage.
Clarification, simplification, spécialisation, fusion, intégration : tel est donc le credo du projet
de loi de réforme des collectivités territoriales. Le monde des collectivités territoriales
s'apprête ainsi à en finir— croit-il — avec ce qui le caractérise de plus en plus : la complexité.
Huit rapports officiels6 ont montré, depuis février 2006, à quel point les élus et les grands
commis d'Etat n'aiment pas la complexité contemporaine de l'architecture territoriale
française, réputée illisible, coûteuse et antidémocratique. L'ironie éditoriale veut que tout
récemment, un grand spécialiste des neurosciences et des sciences du vivant, Alain Berthoz,
professeur au collège de France, nous invite, avec son livre «La simplexité »7, à nous dégager
de la frénésie de la simplification qui produit une complexité accrue, à ne plus confondre
modernité et simplicité, et consacrer nos efforts à la complexité déchiffrable.
La bataille parlementaire a pris une autre voie. Il reste à savoir qui du département (simple
agence technique ?) ou de la région (syndicat interdépartemental ?) en fera les frais, mais
pour le reste on connaît la recette : retour au graal de la fusion communale par les «communes
nouvelles » ; réaffirmation de la spécialisation des compétences par niveau ; intégration plus
poussée pour les communautés urbaines pourtant toujours coincées dans leur périmètre
obsolète ; chasse aux syndicats, porteurs d'une honteuse flexibilité territoriale. Certes, la loi
qui se prépare apportera aussi des avancées (sur le mandat fléché du bloc commune /
communauté, sur le syndicat mixte métropolitain, sur les rapprochements intercommunaux),
mais on est très loin d'un quelconque «big bang» en la matière, et un goût amer d'occasion
manquée en sera sans doute la trace essentielle.
Pourquoi l'acte III de la décentralisation n'aura finalement pas eu lieu ? Parce que les
acteurs du système territorial français tardent à se rendre à l'évidence : il s'agit bien d'un
système, dont toute l'efficacité tient désormais dans les efforts, les règles et les politiques
de coordination et de coopération, et non plus dans une énième répartition exclusive des
positions de pouvoir entre ses différentes composantes, au nom bien sûr de la clarification,
de la simplification et de l'efficience de l'action territoriale. L'avenir des territoires est
dans leur capacité à construire cette coordination systématique, cette politique des
articulations qu'on pourrait appeler l'interterritorialité. Quelques voix se sont fait entendre
en ce sens dans le grand débat de la réforme, au sein de l'ADCF, de l'ADF, et parmi les
parlementaires (confère le conseil trimestriel régional et départemental des exécutifs des
propositions « Belot»). Mais c'est peu dire qu'une politique de l'inter-territorialité reste à
inventer.
En 2009, un collectif d'une vingtaine d'acteurs de cinq territoires (région urbaine de Lyon,
métropole de Nantes-Saint-Nazaire, Paris métropole, Paca et Dunkerque métropole Côte
d'Opale) en ont exploré les chemins, à l'occasion d'un atelier itinérant impulsé par la région
6
« Piron », « Richard », « Lambert », « Attali », « Perben », « Warsman », « Balladur », « Belot-Krattinger »
7
« La simplexité », A. Berthoz, Edition Odile Jacob, 2009
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Nord-Pas-de-Calais et sa direction du développement durable, de la prospective et de
l'évaluation. Parmi les douze recommandations finales de cet atelier, on en retiendra quatre.
- Transférer «la compétence de la compétence», de l'Etat vers les groupements de territoires
qui, dans le cadre d'un protocole de coordination, affichent leur volonté et leur capacité
d'assumer collectivement leur organisation propre du«gui fait quoi ».
- Passer du principe de spécialisation et d'exclusivité des compétences, cher à l'acte I de la
décentralisation, au principe de partage et de coordination des compétences croisées,
condition de son acte III.
- Constituer des administrations interterritoriales de mission, rattachées aux conférences des
exécutifs locaux, et agissant prioritairement dans le cadre de projets interterritoriaux.
- Construire les nouvelles politiques publiques de la durabilité en tant que politiques
interterritoriales par excellence, et rendre explicite l'économie des compensations entre
territoires qui en est la condition.
La république des territoires ne devrait pas s'effrayer de la complexité contemporaine : elle est
à la fois son horizon et son énergie pour les solutions « simplexes » des nouvelles régulations
territoriales. Laissons, dès lors, le dernier mot à Alain Berthoz: « La simplexité est une façon de
vivre avec son monde. Elle est élégance plutôt que sobriété, intelligence plutôt que logique
froide, subtilité plutôt que rigueur, diplomatie plutôt qu'autorité.» [op. cit., p. 224) Les
sciences du vivant ont décidément encore beaucoup à apprendre à celles du territoire !
La réforme territoriale et la fin de l'âge d'or financier pour les collectivités nous obligent à
inventer. Certaines mesures, comme la création d'un observatoire national unique des Régions
et des Départements, ou la création des
« groupes-collectivité » seraient simples à mettre en œuvre, mais permettraient d'avancer à
grands pas dans l'amélioration de notre gouvernance.
Ceci devra se faire en sauvegardant la subsidiarité. Ce principe de bon sens se trouve déjà
chez Montesquieu, Tocqueville, Proudhon ou Stuart Mill. Il est accepté par l'ensemble de ceux
qui votèrent à l'unanimité les lois de décentralisation, gauche et droite réunies. Il doit être
réaffirmé car il constitue forcément une pierre angulaire d'un mode moderne
d'administration. On ne doit pas faire de plus loin si l'on peut faire de près, car la décision
sera mieux adaptée à la diversité des réalités des territoires et plus capable de cerner
exactement le degré et la modalité pertinente de l'action.
Chaque fois que des comparaisons sont possibles – les onze ratios financiers par exemple –
elles sont un élément de prise de décision, dans le sens d'une économie des deniers publics.
De tels ratios homogènes sont peu nombreux et ne couvrent pas toutes les politiques
publiques, ni toutes les politiques fonctionnelles.
On gagnerait plusieurs années – cinq ans ? dix ans ? – si l'on créait un véritable « observatoire
national unique de la gestion locale », alimenté par une obligation faite aux grandes
collectivités, au départ toutes les régions et tous les départements, de fournir les
informations pour alimenter tableaux de bord, indicateurs et ratios. Ces informations, une
fois traitées de façon à assurer à chaque collectivité la confidentialité sur les données qu'elle
met en commun, seraient en libre accès pour tous les contributeurs. Chaque collectivité
territoriale cotiserait à proportion de son budget pour le fonctionnement de cet
observatoire, créé par exemple sous le statut d'un établissement public national.
Si les associations nationales des régions et des départements ne le créaient pas, ou pas
assez rapidement, ou de façon partielle, l'État serait légitime à initier les textes créant un
tel observatoire, moyen concret de réunir les conditions d'une gestion plus transparente et
plus affinée des collectivités. Même dans cette dernière hypothèse, qui n'est pas la plus
souhaitable, celles-ci toutefois devraient rester les gestionnaires de cet observatoire
qu'elles financeraient.
Ce qui importe dans la période actuelle est d'améliorer l'efficacité globale du dispositif,
force sera de penser global pour agir mieux local, et il faudra renouveler largement les façons
de poser et de résoudre les problèmes de la période.
Les hauts fonctionnaires territoriaux, pour ce qui les concerne, seraient sûrement nombreux
à vouloir y apporter leurs compétences dans les limites du rôle qui leur serait attribué.
Si ce qui importe dans la période actuelle est d'améliorer l'efficacité globale du dispositif,
force sera de penser global pour agir mieux local et il faudra bien renouveler largement les
façons de poser et de résoudre les problèmes de la période.
En choisissant de regrouper les départements et les régions dans un même pôle, géré par
des conseillers territoriaux siégeant dans les deux assemblées, tout en renonçant à
doter chacune de ces entités de compétences exclusives, le gouvernement a-t-il
emprunté la bonne voie?
Non, cela complexifie l'architecture territoriale au lieu de la simplifier. Le courage aurait été
de dire : les régions font ceci et les départements font cela. Ou alors de supprimer un
échelon. Finalement, on va vers quelque chose d'hybride et vers plus de complexité.
La création de pôles métropolitains n'obéit-elle pas à des besoins réels des métropoles?
On est encore en train d'ajouter un échelon administratif. Qui plus est, la création de ce
nouvel échelon repose sur une erreur intellectuelle. La métropole, ce n'est pas un phénomène
administratif, c'est un phénomène économique. On ne crée pas des métropoles par le haut. Ce
n'est pas parce que l'Etat le décide qu'elles vont se mettre en place. C'est un processus long
d'agrégation d'entreprises, de centres de recherche, d'universités, d'activités résidentielles.
Quelles sont les conditions pour que les régions puissent jouer ce rôle?
Il y en a deux. La première, je l'ai dit, c'est qu'elles disposent d'une compétence exclusive en
matière de développement des entreprises. Deuxièmement, il faut qu'elles aient des budgets
plus importants. Le problème des régions n'est pas une question de taille, c'est celle des
budgets et de l'autonomie fiscale, de la capacité à gérer leurs ressources.
La réflexion qui s'est engagée autour du rapport « Balladur » et l'avant-projet de loi élaboré
par le gouvernement embrasse la totalité des échelons d'administration locale, communes et
intercommunalités comprises. Mais il évite la question centrale de la répartition des rôles
entre l'Etat et le niveau local, à un moment où l'administration de l'Etat a entrepris une
réforme profonde et où l'évolution des pratiques locales pourrait autoriser des avancées.
On comprend bien qu'il est difficile de proposer au Parlement de traiter dans une seule loi
l'ensemble de l'administration publique en France. Pour autant, ne peut-on imaginer que les
débats relatifs au projet de loi de réforme territoriale soient l'occasion pour les
parlementaires d'afficher une direction qui permette de donner des indications à quelques
questions : Quelles doivent être les grandes missions de l'Etat et du monde local ? N'était-il
pas opportun de donner des pouvoirs et des moyens nouveaux au secteur local allant dans le
sens d'une plus grande liberté ? Quelle ambition réelle affiche-t-on pour le couple région-
département ? Quel avenir pour le bloc communal : perfectionnement de la coopération
intercommunale ou promotion de la supracommunalité ? N'était-il pas nécessaire aujourd'hui
de privilégier la définition des projets de territoire et la coordination des politiques locales ?
Mais les projets nombreux et intéressants élaborés par les intercommunalités, n'ont pas
toujours pu trouver les articulations avec les autres acteurs publics en raison principalement
de la faiblesse des procédures d'élaboration des coproductions de l'action publique locale. Or,
l'important pour un territoire, n'est-ce pas le « projet », résultat de la conjugaison des
politiques publiques des différentes collectivités concernées ? Il faut donc trouver de
véritables modalités de coproduction de l'action publique au plan local. Les réflexions
récentes du Sénat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales semblent
aller dans ce sens lorsqu'il constate la faiblesse et le morcellement des instances de
concertation et propose une meilleure coordination des politiques territoriales, avec la mise
en place d'un conseil régional des exécutifs et d'une conférence départementale des
exécutifs.
Il est certes normal de garantir à chaque collectivité locale les modalités de l'exercice de sa
libre administration, mais il est aujourd'hui indispensable d'unir les efforts de chaque acteur
La question est importante à un moment où l'on s'apprête, si la loi est votée, à créer un nouvel
outil avec les métropoles. Dans certains cas, une énergie phénoménale sera consacrée à la
construction d'une institution ou pour l'empêcher, alors qu'il serait plus efficace d'organiser
plus finement les coopérations avec les acteurs en place, dans le cadre de procédures
déterminées par la loi et inspirées, par exemple, des réseaux de villes. Sachons trouver le bon
dosage entre construction institutionnelle et mise en œuvre concertée des politiques
publiques.
Tous les éléments pour une bonne réforme sont disponibles : le rapport « Balladur » a réalisé
une excellente synthèse des informations et a risqué des propositions qui ont généré un
débat; le Parlement, les associations d'élus, les universitaires, les professionnels du monde
local ont produit une réflexion d'une extraordinaire richesse. L'expérience de plus de 25 ans
de décentralisation autorise notre pays à se positionner clairement sur le mode
d'administration qu'il souhaite.
Quelles conclusions
- L’acte 1 marque la réelle reconnaissance d’une politique de décentralisation
- Mais
∙ L’Etat ne s’est pas organisé pour répondre à cette nouvelle organisation
∙ La 2° vague n’a pu prendre en copte les effets de la première car ils n’ont pas
été évalués
∙ La carte des compétences n’a pas été clairement hiérarchisée
∙ L’autonomie financière apparait comme un arrangement
∙ Ou une illusion
RECOMMANDATIONS
- Rechercher un système de financement simplifié et stabilisé
∙ Partage de l’impôt national
∙ Améliorer la gestion des dispositifs existants
∙ Résoudre les contestations et purger les contentieux
∙ Intégrer les modalités d’une réelle péréquation
- Une vision prospective
∙ Faire réellement fonctionner une gouvernance Etat / Collectivités territoriales
∙ Mettre en adéquation les missions et les moyens
∙ Encourager les innovations et les expérimentations
∙ Evaluer de façon commune et partagée
La distinction traditionnelle entre États fédéraux et États unitaires doit être complétée du
fait de la diversification institutionnelle croissante comme le montre l'émergence d'États
régionalisés, comme l'Italie ou l'Espagne.
Les États fédéraux que sont l'Allemagne, l'Autriche et la Belgique, se caractérisent par
l'importance, au niveau local, des États fédérés, qui ont notamment compétence pour
déterminer l'organisation interne, assurer un contrôle administratif et budgétaire et
participer au financement des collectivités territoriales.
Le modèle de l'État unitaire qui fut, pendant longtemps, la France, est basé sur l'absence de
pouvoir législatif et réglementaire propre et autonome dévolu aux collectivités territoriales.
Néanmoins, ces États unitaires, tels que le Danemark, la Finlande, la Grèce, le Luxembourg, les
Pays-Bas, le Portugal ont permis une décentralisation à différents degrés.
Les États régionalisés, quant à eux, tels que l'Espagne et l'Italie, sont allés plus loin en
accordant à leurs régions des compétences étendues, un pouvoir législatif et une autonomie
financière, qui tendent à rapprocher ces régions d'États fédérés.
Les 74.000 collectivités territoriales que compte l'Union Européenne (dont 73.000 communes)
sont structurées sur plusieurs niveaux, la plupart du temps deux ou trois, de façon
harmonisée ou diversifiée sur le territoire national.
Néanmoins, le Royaume-Uni peut être perçue comme une fédération du fait de l'intégration
successive au sein d'une Union de quatre nations différentes : à l'Angleterre, se sont, en
effet, ajoutés le Pays de Galle en 1536, l'Écosse en 1707 et l'Irlande en 1800 (suivie de la
partition de l'Irlande en 1921). Des régimes d'exception régional ont ainsi été institués sans
remettre en cause le principe de souveraineté parlementaire.
Mais cette conception unitaro-fédérale a évolué, ces dernières années, dans le sens d'un
approfondissement de la décentralisation, comme cela a été le cas de nombreux pays
européens.
Cette dévolution s'est imposée de manière graduelle et irrégulière sous la pression des
L'autre processus de dévolution est celui existant en faveur de l'Irlande du Nord qui
bénéficie de la plus longue expérience d'institutions déléguées avec le Parlement de Stormont
de 1921 à 1972. Par ailleurs, l'Irlande du Nord a également toujours disposé de sa propre
fonction publique. Cette dévolution se caractérise par un partage du pouvoir de l'exécutif et
l'existence d'autorités déléguées.
Finalement, la situation de l'Angleterre elle-même est celle qui tranche le plus avec le reste
du Royaume-Uni. Alors qu'au cours de sa campagne en 1997, le parti travailliste avait évoqué
la possibilité de créer des assemblées régionales en Angleterre, seules des agences régionales
de développement ont pu être créées en 1998, le référendum de 2004 sur la création d'une
véritable assemblée régionale dans le Nord Est de l'Angleterre ayant subi un échec.
Cette hétérogénéité est d'autant plus forte qu'en 1998, l'organisation décentralisée a été
profondément modifiée par l'importante autonomie accordée par le gouvernement travailliste,
au travers de la loi sur les dévolutions, à trois des quatre nations du Royaume-Uni : l'Irlande
du Nord, le Pays de Galle et l'Écosse.
1 – L'écosse
2 – Le Pays de Galles
3 – L'Irlande du Nord
- 46 pour l'Angleterre
- 32 pour l'Écosse
- 22 pour le Pays de Galles
Certaines compétences peuvent, par ailleurs, être gérées conjointement par plusieurs niveaux
de collectivités, ainsi que par l'État. Les collectivités territoriales exercent ces compétences
de façon directe ou par délégation à une autre collectivité, à une entreprise privée ou à une
société publique locale.
Le Royaume-Uni fut, jusqu’à une époque récente, l’un des pays les plus centralisés d’Europe.
Jusqu’à un passé récent, les collectivités locales n’avaient pas de compétence générale et ne
pouvaient exercer que les compétences qui leur étaient expressément conférées par la loi ou
la coutume. Le système a évolué dans le sens d’un accroissement de l’autonomie et de la
démocratie locales. En effet, depuis le Local Government Act de 2000, les collectivités
locales britanniques peuvent désormais conduire toutes les actions qu’elles estiment de nature
à améliorer le bien-être de leurs administrés et disposent donc, outre les compétences
définies par la loi, d’une véritable clause générale de compétence en matière d’affaires
locales.
Les compétences locales définies par la loi diffèrent selon les catégories de collectivités
locales.
Les Comtés peuvent déléguer la gestion de certaines de leurs compétences aux Districts
situés sur leur territoire (sauf l’éducation et les services sociaux)
En Irlande du Nord, les compétences dévolues aux Districts sont plus limitées que sur le
reste du territoire britannique : les services locaux les plus importants, comme l’éducation, la
santé, ou le logement, sont du ressort d’organismes non élus.
Les Districts métropolitains anglais et les Autorités Unitaires (Unitary authorities) anglaises,
galloises et écossaises exercent à la fois les compétences des Comtés et celles des Districts.
A Londres, l’exercice des compétences est partagé entre d’une part, l’Autorité du Grand
Londres et le Maire et d’autre part, entre les Boroughs, qui ont conservé leurs compétences
antérieures (état civil, déchets, logement, éducation, eau, culture, voirie…).
S’agissant des régions, les compétences sont différenciées. Les instances galloises ne
disposent que d’un pouvoir réglementaire. En revanche, le Parlement écossais et le Parlement
irlandais ont un pouvoir législatif. Des limites sont cependant assignées à cette compétence
législative : certaines matières sont interdites aux Parlements régionaux, certaines lois du
Royaume-Uni ne peuvent être modifiées, chaque Parlement régional doit respecter le droit
européen et notamment la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que les
décisions de justice.
La législation sur la dévolution distingue, par ailleurs, deux catégories de compétences, ce qui
confère au Royaume-Uni une caractéristique fédérale : celles réservées au parlement de
Westminster et celles exercées par les instances décentralisées. La liste des compétences
réservées regroupe des domaines qui concernent le Royaume-Uni dans sa totalité :
la Constitution
les affaires étrangères (y compris européennes)
la défense et la sécurité intérieure
les politiques économique, fiscale et monétaire nationales
D’autres compétences sont transférées aux instances écossaises et galloises : la santé, l’éducation
et la formation, le gouvernement local, l’assistance sociale, le logement, l’aménagement du
territoire, le tourisme, le développement économique, les aspects régionaux des transports, la
police, le patrimoine, les affaires rurales, mais il existe des différences entre les régions.
Le Parlement écossais est doté d’un pouvoir législatif propre dans le cadre des compétences
qui lui sont dévolues. Le Government of Scotland Act lui a accordé une compétence générale
sur les affaires écossaises dans tous les secteurs qui ne lui sont pas expressément refusées
(reserved powers), tels que la monnaie, les affaires étrangères, la défense, la sécurité
sociale, la politique de l’emploi…
Les compétences du Parlement écossais sont :
la santé
l’éducation de la maternelle ou supérieur
le logement
l’urbanisme
le développement économique et le commerce
les transports (routes, transports en commun, ports)
le tourisme
les tribunaux judiciaires
la police et les services d’incendie et de secours
l’environnement
l’agriculture et la pêche
le sport et la culture.
Le Parlement écossais peut, en outre, modifier l’organisation des collectivités locales situées
sur son territoire, ainsi que le système fiscal local. Un système de régulation a également été
créé afin d'éviter les conflits de compétence législative entre le Parlement national et le
Parlement écossais. Ainsi, à l'initiative du Parlement écossais, les lois écossaises peuvent être
transmises pour avis, avant promulgation, à une commission judiciaire, composée
essentiellement de procureurs, qui peut également se prononcer sur la validité d'une loi
écossaise dans le cadre d'un recours de légalité.
L’Assemblée galloise est compétente pour la législation déléguée par le Parlement national de
Westminster. Elle peut simplement prendre des lois d’application et des règlements dans les
domaines de compétences qui lui ont été dévolues, à savoir :
la santé et les services sociaux
Les moyens financiers des collectivités territoriales au Royaume-Uni sont les suivants :
1. Les impôts : seul le « council tax », équivalent à l'impôt foncier français, est prélevé au
bénéfice des collectivités territoriales qui en décident le taux, même si un plafond est
fixé par l'État. Pendant longtemps, ce plafond était très bas, ce qui laissait peu de
marge de manœuvre aux collectivités britanniques. Néanmoins, depuis 1998, le plafond
n'est pas fixé à l'avance, les collectivités sont libres dans sa fixation, l'État se
réservant le droit d'intervenir en cas d'augmentation qu'il jugerait excessive. La
« business tax » est, quant à elle, collectée par les collectivités, mais pour le compte
de l'État qui fixe son taux national et en redistribue le produit aux collectivités.
L'autonomie financière des collectivités britanniques est jugée insuffisante et le
dynamisme du système peu adapté aux besoins des collectivités.
2. Les dotations : Les dotations globales, ayant vocation à financer les compétences
transférées par l'État, représentent 84 % des dotations, même si les dotations
spécifiques, utilisées par l'État pour orienter les investissements des collectivités
dans des domaines prioritaires, marquent une tendance récente à augmenter. Ce
système de dotation est jugé complexe, mais globalement juste, si ce n'est que les
dotations spécifiques sont le plus souvent perçues comme une source de justification
de l'action des collectivités territoriales devant l'État.
Compte tenu de la taille très importante des collectivités et des regroupements de communes
déjà effectués dans le passé, les structures de coopérations horizontales sont très peu
répandues au Royaume-Uni. Seules des autorités associées (« joint authorities ») assurent la
gestion de certains services pour le compte de plusieurs collectivités, par exemple, dans les
zones urbaines, pour la gestion des transports de voyageurs, des services d'incendie et de
secours ou encore pour la collecte et le traitement des ordures ménagères.
L'article 101 de la loi des collectivités locales de 1972 permet à une ou plusieurs collectivités
locales de se décharger conjointement de certaines fonctions si les arrangements en vigueur
le permettent. Les collectivités ont aussi le pouvoir de coopérer entre elles pour améliorer le
bien-être économique, social et environnemental dans leurs secteurs.
Il existe, par ailleurs, des associations nationales pour améliorer la coopération entre
collectivités territoriales : Local Governments Association, Association of London Councils,
National Association of Local Councils.
Dans le reste du territoire britannique, les comtés et les districts disposent d'un statut
égalitaire, sans relation hiérarchique entre eux. Leurs coopérations se limitent ainsi à la
nécessaire coordination dans l'exercice de leurs compétences partagées. Ainsi, dans le
domaine de la planification, les comtés sont compétents pour définir les orientations
stratégiques de développement, alors que les districts prennent en charge l'élaboration des
plans locaux et le contrôle du développement sur leurs territoires.
Ce contrôle des autorités locales n'est pas assuré par une administration centrale unique. Le
rôle prépondérant revient depuis 2001 à l'Office of the Deputy Prime Minister, placé sous
l'autorité directe du Premier Ministre. Cette agence est chargée de superviser
l'administration locale et de coordonner l'action de la dizaine de ministères qui interviennent
au niveau local.
Le contrôle d'opportunité exercé par l'autorité centrale est exercé en amont et en aval afin
de mesurer l'efficacité, l'efficience et l'économie des mesures prises par les autorités
locales. Cette organisation britannique du contrôle de légalité constitue une exception à la
tendance européenne actuelle où le contrôle d'opportunité reste une exception au profit d'un
contrôle a posteriori de légalité dont le champ se réduit progressivement. Cette forme de
contrôle s'accompagne de nombreux échanges d'information et d'un rôle de conseil de la
tutelle sur les autorités locales.
1 - La gouvernance externe
Dans ce même ordre d'idée, comme la plupart des pays européens, le Royaume-Uni a mis au
point des systèmes de suivi de la qualité et de la performance des services publics,
notamment locaux. Basé sur un principe de compétitivité ou « Compulsory Competitive
Tendering », les collectivités britanniques sont ainsi conduites à mettre systématiquement
leurs services en concurrence avec le secteur privé. Le système de « Best Values » permet,
quant à lui, de noter les performances des collectivités et de les mettre en concurrence les
unes par rapport aux autres.
2 – La gouvernance interne
Les collectivités territoriales sont, en général, administrées par une assemblée délibérante
entourée de commissions, consultatives ou obligatoires, et par un exécutif local qui prend des
formes différentes selon les pays.
Sur ce point, le Royaume-Uni était caractérisé par une forte particularité : les collectivités
n'ont, pendant longtemps, pas disposé d'organe exécutif spécifique. Ainsi, la plupart des
Mais, le local government Act de 2000 a organisé la mise en place progressive de structures
exécutives au sein des collectivités anglaises et galloises selon plusieurs formes possibles :
– un maire élu directement au suffrage universel direct entouré d'un cabinet de 2 à 9
conseillers dont les membres sont désignés par l'assemblée en son sein
– un maire choisi par l'assemblée entouré d'un cabinet de 2 à 9 conseillers dont les
membres sont nommés soit par lui soit par l'assemblée
– un maire élu directement au suffrage universel, assisté par un responsable de
l'administration désigné par l'assemblée.
Par ailleurs, Londres bénéficie, depuis 1999, d'une organisation spécifique, l'Autorité du
Grand Londres, articulée autour de plusieurs entités :
le maire
une assemblée
4 autorités déconcentrées : l'administration londonienne pour les transports et
l'agence pour le développement économique, relevant toutes deux de l'autorité directe
du maire et l'autorité de police métropolitaine et l'autorité responsable des services
d'incendie relevant quant à elles du gouvernement central.
Le maire et l'assemblée sont élus au suffrage universel direct, séparément mais le même jour,
tous les quatre ans. Les 25 membres de l'assemblée sont élus selon un mode de scrutin mixte
: 14 sont élus au scrutin majoritaire à un tour, 11 au scrutin de liste.
S'agissant des agents des collectivités territoriales, ils relèvent du Local Government Service
qui diffère fondamentalement du Civil Service national, seul système correspondant à une
fonction publique statutaire. Ainsi, les agents des collectivités territoriales n'ont pas de
statut d'emploi spécifique. Ils sont recrutés par contrats individuels de droit privé, la
législation nationale du droit du travail leur étant intégralement applicable au même titre que
les salariés du secteur privé.
Les agents publics locaux peuvent être répartis en quatre groupes professionnels dont
l’homogénéité est toute relative :
Les chiefs officers ou directeurs de service (environ 1% des effectifs locaux) parmi
lesquels on compte notamment les chief executive qui coordonnent et dirigent l’action et
les travaux des différents services. Ils sont ainsi amenés à jouer un rôle politique dans la
mesure où ils ont en charge la mise en œuvre du programme politique du Conseil. Le chief
executive est le principal conseiller technique du Conseil. Ce rôle tend à évoluer depuis le
Local Government Act qui impose désormais à chaque collectivité locale infra-régionale,
l’institution d’une autorité exécutive.
Les white collar staff ou cols blancs (environ 39% des effectifs locaux), parfois appelés
officers, sont constitués des cadres administratifs (administrators), des cadres
techniques (professionals), des techniciens (technicians) et des employés de bureau
(clerical workers). Ils assistent les conseillers élus dans leurs tâches de gestion des
services.
Les manuels workers ou cols bleus (environ 30% des effectifs locaux), regroupent les
travailleurs manuels et les personnels de service.
Les autres catégories d’agents territoriaux (environ 30% des effectifs locaux)
appartiennent à des services spécialisés. Au sein de ce quatrième groupe sont réunis
notamment les enseignants de l’enseignement primaire et secondaire, les pompiers et les
travailleurs sociaux.
1 – Les régions
Les régions représentent le premier niveau d'administration territoriale en dessous de l'État.
Les régions disposent d'une autonomie normative (compétences législative et réglementaire)
et d'organisation ainsi qu'une certaine autonomie financière.
a – Les institutions
La Constitution prévoit l'institution de trois organes dans chaque région à statut ordinaire : le
conseil régional (consiglio regionale), l'exécutif (giunta regionale) et le président.
Sous réserve de respecter ces prescriptions, les régions sont libres de fixer leur organisation
institutionnelle. Cette compétence est exercée par le Conseil Régional, sous le contrôle de la
Cour Constitutionnelle Italienne. Ainsi l'organisation des services et le statut du personnel
sont fixés pas des dispositions régionales, dans le cadre fixé par une convention collective
nationale qualifiée « de droit privé ».
Le président
Le président est le représentant de la région. Il est notamment chargé de la direction de la
politique régionale. Il est élu au suffrage universel direct, sauf si les statuts particuliers en
décident autrement. Il nomme et peu révoquer les membres du gouvernement régional, la
« giunta ». Le Président promulgue les lois régionales et les règlements. Il a la charge des
fonctions administratives qui sont déléguées par l'État aux régions. Dans ce domaine, comme
un maire français, il doit se conformer aux directives du Gouvernement.
La « giunta » régionale
C'est l'organe exécutif de la région. Ses membres sont nommés par le Président. Elle dispose
de compétences administratives générales. Elle prépare et exécute le budget régional et met
en œuvre les décisions du Conseil régional. Elle dispose du pouvoir de proposition en matière
législative et réglementaire à vocation purement régionale.
Le Conseil Régional
Il est composé de 30 et 80 conseillers, parmi lesquels est élu le Président de l'assemblée. Le
Conseil régional exerce le pouvoir législatif dont sont investies les régions et assume les
fonctions administratives qui lui sont attribuées par la loi. Le Conseil régional a également la
faculté d'adresser des propositions de loi à la Chambre des députés.
b – Le territoire
Vingt régions sont listées dans la Constitution, dont l'une, le Trentin-Haut-Adige est divisée
en deux provinces autonomes de statut assimilé à celui d'une région. Elles sont définies par
l'agrégation du territoire de plusieurs provinces. La Constitution fixe les règles applicables à
la fusion de régions existantes ou à la création de nouvelles régions.
c – Les compétences
La Constitution confie l'exercice du pouvoir législatif à l'État et à la Région. Il limite
également le pouvoir réglementaire de l'État aux domaines pour lesquels il a compétence
législative exclusive. Les régions disposent donc du pouvoir réglementaire pour l'ensemble des
autres secteurs. Il est également précisé que la loi nationale s'applique lorsque aucune loi
régionale n'est en vigueur.
De fait, les compétences régionales s'exercent surtout dans les domaines des transports, des
travaux publics, de l'organisation hospitalière, de la culture, du tourisme, de l'urbanisme et
de la police locale. Elles sont également chargées d'organiser les fonctions administratives au
niveau territorial.
Les régions peuvent procéder à l'application des accords internationaux et des actes de
l'Union européenne qui empiètent sur leurs domaines de compétence. Elle peuvent également
d – Les finances
À partir de 1999 une réforme fiscale a modifié les modes de financement des collectivités et
simplifié les dispositifs existants. Les régions ont été autorisées à recevoir le produit de
nouveaux impôts, notamment l'impôt régional sur les activités productives et la taxe
additionnelle à l'impôt sur le revenu des personnes physiques
À partir de 2001 les transferts automatiques de l'État ont été supprimés. Ils ont été
compensés par le versement aux régions d'une quote-part des recettes de TVA et de la taxe
sur les carburants. Ces mesures ont été complétées par un nouvel accord-cadre sur la santé
passé pour la période de 2002 à 2012, entre l'État et les régions, chacune des parties
s'engageant à supprimer les déficits accumulés dans ce secteur. Les régions ne peuvent pas
recourir à l'emprunt pour financer le déficit des dépenses de santé.
Par ailleurs les régions perçoivent en outre des financements européens destinés à la
réalisation de projets de cohésion à caractère économique et social. Les régions à statut
spécifique ont la capacité de conserver la plupart des impôts d'État prélevés sur leur
territoire et peuvent imposer leurs propres taxes. Les autres régions peuvent créer des
taxes et participent au partage des impôts nationaux. Elles sont chargées de la collecte des
impôts mais elles peuvent déléguer cette tâche à l'État.
L'accroissement de la part fiscale des ressources des collectivités conduit à une diminution
des capacités d'influence de l'État sur les échelons décentralisés, à la différence des anciens
modes de financement (dotations) dont l'affectation pouvait être contrôlée.
L'autonomie des collectivités est protégée, l'État ne dispos pas d'une compétence générale, il ne
peut légiférer qu'en matière d'élection des organes de gestion et de compétences fondamentales.
Les provinces sont au nombre de 110.
a – Les institutions
Dans la mesure où elles respectent des prescriptions légales nationales en matière d'organes de
gestion (exécutif - giunta - et président) et de modes de désignation (élection directe du
président de province), les provinces disposent de la compétence de fixation de leur propre
statut. Ces collectivités sont également tenues de respecter les lois organisant le statut des
administrateurs locaux.
Les organes de la province sont :
le Conseil provincial (« Consiglio provinciale »), assemblée délibérante ;
le Président (« Presidente »), qui préside la province et le Conseil. Il dirige les services
administratifs de la province ;
la « Giunta », l'exécutif, composée du Président et des assesseurs (« assessori »)
nommés par lui.
Les membres du Conseil provincial et le Président de la province sont élus au suffrage universel
direct.
b – Le territoire
Le territoire des provinces est délimité par une loi nationale, sur l'initiative des communes. Des
dispositions ont toutefois été introduites pour encadrer cette initiative, de façon à limiter le
nombre de provinces (huit ont été cependant créées dès l'entrée en vigueur de la loi de 1990).
c – Les compétences
Les provinces sont compétentes en matière d'aménagement du territoire, de défense de
l'environnement, de transport et de viabilité. Elles exercent notamment les compétences de :
planification locale et de zonage du territoire ;
police locale et d'organisation des services de lutte contre les incendies ;
réglementation des transports (enregistrement des véhicules à moteur) et de
maintenance des routes secondaires ;
police locale (Polizia Provinciale).
d – Les finances
Environ 60 % des recettes courantes des communes sont des recettes fiscales et 30 % sont
des recettes fiscales propres. Les ressources de la Commune sont complétées par l'État, dans
le cadre de fonds de péréquation, et par la Région au titre des compétences déléguées.
3 – Les communes
Les communes sont au nombre de 8 100 environ. Comme les provinces, leur autonomie des
collectivités est protégée, l'État ne peut légiférer qu'en matière d'élection des organes de
gestion et de compétences fondamentales.
a – Les institutions
De même, dans la mesure ou elles respectent des prescriptions légales nationales en matière
d'organes de gestion (conseil (consiglio) et maire) et de modes de désignation (système
majoritaire dans les communes de moins de 15 000 habitants et élection directe du maire dans les
autres), les communes disposent de la compétence de fixation de leur propre statut. Elles sont
également tenues de respecter les lois organisant le statut des administrateurs locaux.
Les organes de la commune sont :
le Conseil communal (Consiglio Comunale) de 12 à 60 membres (suivant le nombre de la
population), est l’organe délibérant de la commune ;
la « Giunta Comunale » est l’organe exécutif de la commune. Elle est présidée et
dirigée par le maire et comprend les adjoints (« Assessori ») que celui-ci s’est choisi au
sein du Conseil municipal ;
le Maire (Sindaco).
b – Le territoire
Le territoire des communes est délimité par une loi régionale, selon des procédures fixées par la
région elle-même. Une disposition nationale limite cependant la fragmentation communale en fixant
à 10 000 habitants le seuil de création de nouvelles communes. Cette procédure est considérée
comme rigide ; de fait la carte communale a peu évolué. Il est généralement estimé que les
communes de moins de 3 500 habitants ne sont pas en mesure d'assurer la prestation des services
publics qui leur sont confiées.
Les communes sont chargées des jardins d’enfants et des écoles primaires, de l’action sociale,
de la propreté des voies publiques et de la collecte des ordures. De nombreuses communes se
sont dotées d’une police municipale (Polizia Municipale) qui est surtout chargée de missions de
proximité (contrôle de la circulation, contrôle des magasins et établissements commerciaux
surtout en ce qui concerne les autorisations d’ouverture et le respect des horaires
d’ouverture et de fermeture).
d – Les finances
Environ 60 % des recettes courantes des communes sont des recettes fiscales et 29 % sont
des recettes fiscales propres. Les ressources de la Commune sont complétées par l'État, dans
le cadre de fonds de péréquation, et par la Région au titre des compétences déléguées.
Outre les compétences de la province peuvent leur être accordées des compétences d’intérêt
Ainsi la répartition des compétences entre les différents niveaux d'administration dépend de
l'importance des enjeux pris en charge par chacun d'entre eux, et de leur capacité à exercer
La dissolution du Conseil régional est possible pour avoir accompli des actes contraires à la
Constitution, de graves violations de la loi ou par suite de démission ou d'impossibilité de
trouver une majorité. La proposition de dissolution est formulée par le Conseil des ministres,
après avis de la commission bicamérale du Parlement pour les questions régionales. La décision
est prise par le Président de la République.
Des conventions et consortiums, accords qui peuvent être passés entre collectivités de même
niveau; permettent de fixer un cadre de coopération. Il existe également des accords de type
vertical, comme les conférences de services et les accords de programme.
Les communes peuvent se réunir au sein d’unions (unioni di comuni) sans limite de périmètre ni
de fonctions.
INTRODUCTION
L'organisation de l’État
L’Espagne est un État unitaire fortement décentralisé. La Constitution espagnole a été
ratifiée en décembre 1978 ; son article 2 reconnaît « le droit à l’autonomie des nationalités et
des régions […] et la solidarité entre elles ». L’article 137 garantit l’autonomie des communes,
des provinces et des communautés autonomes. L’Espagne a ratifié la Charte européenne de
l’autonomie locale le 8 novembre 1988.
Au niveau régional, le Délégué général (Delegado General del Gobierno) nommé par le
gouvernement central est le représentant permanent de celui-ci. C’est l’autorité chargé de
diriger l’administration déconcentrée au sein de chaque communauté autonome. Au niveau des
provinces, les sous-délégués (Subdelegaciones del Gobierno) remplit les mêmes fonctions.
Le pays compte également deux villes autonomes situées en Afrique du Nord : Ceuta et
Melilla.
Les collectivités locales espagnoles sont représentées par la Fédération espagnoles des
communes et provinces (Federación española de Municipios y Provincias). Les communautés
autonomes de disposent pas d’une structure de ce type.
Après la chute du régime de Franco, les premières à faire usage de la possibilité d’acquérir le
statut de communauté autonome furent les nationalités historiques, encore autonomes avant
la guerre civile et dont l’identité était renforcé par l’existence d’une langue propre : le Pays-
Basque, la Catalogne et la Galice. À partir des années 70, le reste du pays a suivi leur exemple.
Aujourd’hui, toutes les communautés autonomes ont obtenu une autonomie et des pouvoirs
législatifs étendus, bien que les communautés autonomes à régime foral (Cf. infra) aient
toujours à l’heure actuelle une autonomie plus large que les autres régions.
Les communautés autonomes comprennent de une à neuf provinces ; les 50 provinces comptent
en moyenne un peu moins de 900 000 habitants. Au cours du processus de décentralisation,
elles ont perdu plusieurs de leurs prérogatives au profit des communautés autonomes et des
communes. La répartition en trois niveaux de collectivités territoriales ne s’applique pas à
l’ensemble du territoire espagnol, sept provinces ayant elles-mêmes acquis le statut de
communauté autonome après 1978.
L’Espagne compte 8 112 communes ; la population moyenne d’une commune est de 5 430
habitants. Barcelone et Madrid jouissent d’un statut spécial, une « charte municipale » leur
confère des compétences et des modalités de financement spécifiques. L’Espagne compte
également 3 700 entités infra-municipales comme les paroisses ou les districts ruraux.
L’organe délibérant des provinces, la diputación provincial, se compose de membres élus par et
parmi les conseillers municipaux de la province, tous les quatre ans et après les élections
municipales. Cet organe élit en son sein un président (presidente de la provincia) qui exerce le
pouvoir exécutif. Le président est assisté d’un conseil de gouvernement.
L’organe délibérant des communes est le conseil municipal (pleno). Il est élu au suffrage
universel direct à la proportionnelle pour une durée de quatre ans. Désigné en son sein, le
maire (alcalde), assisté d’un conseil de gouvernement, composé de conseillés municipaux qu’il
nomme et peut révoquer à tout moment, forment l’exécutif. Le maire préside le conseil.
L’État central et les communautés autonomes peuvent déléguer des compétences aux
communes dans des domaines dont ils ont le contrôle. Ainsi, la plupart des communes ont un
service de l’éducation (Consejalía de Educación) responsable de l’entretien des établissements
scolaires et de la gestion des programmes d’enseignement, alors qu’il s’agit d’une prérogative
habituelle des communautés autonomes.
L’avènement des communautés autonomes à réduit les pouvoirs des provinces, à l’exception de
celles du Pays Basque. Elles exercent des compétences à caractère supra-communal et sont
chargées de l’assistance technique aux communes de moins de 5 000 habitants. Elles
conduisent les projets d’investissement dépassant le simple cadre communal (réseau routier
secondaire, certains hôpitaux, etc.) Elles peuvent également exercer des compétences
déléguées par les communautés autonomes ou par l’État.
Depuis l’introduction des partenariats public-privé (PPP) en 2003, ce mode de gestion est très
courant pour les transports, les infrastructures et les hôpitaux.
d – La coopération intercommunale
Plusieurs grandes communes urbaines peuvent se regrouper pour former une aire
métropolitaine (area metropolitana) afin de gérer en commun des services. Il existe
également des entités supracommunales créées à l’initiative des communautés autonomes
appelées comarcas dans le but de gérer les services que les communautés autonomes leur
délèguent. Les syndicats intercommunaux appelés mancomunidades sont des groupements de
communes chargés de l’exécution de travaux ou de la prestation de services publics. Ils sont
dotés de statuts propres. La coopération concerne le plus souvent l’alimentation en eau, la
gestion des déchets, l’assainissement, les transports, les services sociaux et la protection
civile. Environ 75 % des communes espagnoles font partie d’un syndicat intercommunal.
Les consortiums sont des regroupements de collectivités locales avec d’autres collectivités
publiques ou avec des organismes privés sans but lucratif qui poursuivent des objectifs
d’intérêt public. Ils sont particulièrement actifs dans les domaines de la gestion portuaire,
des transports, des services sociaux et de l’alimentation en eau.
a – Le contrôle de légalité
Les communes et les provinces sont soumises à un contrôle de légalité exercé a posteriori par
l’autorité de contrôle de l’État (le secretario) et par les institutions régionales d’audit mises
en place par la plupart des communautés autonomes. Dans les communautés où ces institutions
n’ont pas été mises en place, le contrôle est directement effectué par la Cour des comptes
(Tribunal de cuentas).
Les autorités de contrôle peuvent demander à une collectivité l’annulation d’un acte qu’elles
estiment illégal. Elles peuvent également exercer un recours pour illégalité devant le tribunal
administratif.
Le contrôle a priori par l’État ou la communauté autonome ne concerne que quelques actes,
tels que la tarification des services publics locaux, les plans locaux d’urbanisme ou le recours
à l’emprunt dans certains cas.
Le contrôle des décisions des communautés autonomes est exercé par le tribunal
constitutionnel (qui contrôle la constitutionnalité des dispositions législatives régionales) et
par le tribunal administratif (qui peut être saisi d’un recours pour illégalité).
Les institutions régionales d’audit exercent le contrôle externe des communautés autonomes
lorsque celles-ci les ont mises en place. L’audit des comptes des autres communautés
autonomes est directement effectué par la Cour des comptes.
Les communautés autonomes lèvent également leurs propres impôts ; ceux-ci leur ont
rapporté 22,9 milliards d’euros en 2005, soit 18 % de leurs recettes totales. Leur principal
impôt propre est l’impôt sur les transmissions patrimoniales et les actes juridiques notariés,
qui représentent 19 % des recettes fiscales des communautés autonomes.
Les communautés autonomes peuvent également lever des taxes complémentaires comme celle
sur les jeux ou sur les successions et donations. Elles disposent d’une certaine marge de
manœuvre pour fixer les taux de ces taxes. Elles peuvent également créer certains impôts,
comme l’a fait l’Aragon en mettant en place, en 2006, une taxe sur les émissions de gaz.
Le régime foral
On distingue deux régimes régionaux de financement : le régime foral, qui repose sur des
privilèges historiques et qui concerne le Pays Basque et la Navarre, et le régime commun
applicable aux 15 autres communautés autonomes. Les régions soumises au régime foral sont
habilitées à lever des impôts au niveau local : elles administrent ainsi de plein droit les
principaux impôts (sur le revenu, sur les successions, sur la fortune, sur les sociétés). Elles
jouissent d’une grande liberté concernant la fixation des assiettes et des taux de chaque
impôt. Les citoyens assujettis au régime foral ne verse aucun impôt à l’État central.
– La fiscalité partagée
Les communes de plus de 75 000 habitants ainsi que les capitales provinciales peuvent
bénéficier de recettes fiscales partagées, qui concernent l’impôt sur le revenu, la taxe sur la
valeur ajoutée (TVA) et les droits d’accise (elles représentent 2 % des recettes municipales).
Les provinces peuvent également bénéficier de recettes fiscales partagées, qui représentent
3 % de leurs recettes).
Les communautés autonomes reçoivent également un part des impôts d’État depuis 1997 ; ils
représentent aujourd’hui 34 % des recettes totales des communautés autonomes. L’impôt sur
le revenu constitue la première source de recettes fiscales partagées, avec 15 % du total des
ressources des communautés autonomes. Les communautés autonomes sont libres de modifier
le taux d’imposition général, elles peuvent également modifier la base d’imposition par des
déductions et des abattements. Les communautés autonomes reçoivent 35 % des recettes de
TVA, elles représentent 15 % de leur revenu total. Enfin, elles perçoivent 40 % des recettes
tirées des droits d’accise, ce qui représente 6 % du total de leurs recettes.
b – Les dotations
En 2005, les collectivités territoriales ont perçu 77,6 milliards d’euros de dotations de l’État,
ce qui représente 42 % de leurs ressources. Ces dotations représentent 36 % des ressources
INTRODUCTION GÉNÉRALE
L’Allemagne est un État fédéral formé par les « Länder » qui, en approuvant la Loi
fondamentale ont constitué en 1949 la République Fédérale d’Allemagne (RFA). Ils constituent
l’échelon infra-national supérieur. Le fédéralisme allemand s’inscrit dans une longue tradition
nationale. Au Moyen-Age déjà, l’empire germanique se constituait de royaumes, de duchés et
de villes impériales libres et unis au sein d’une Confédération relativement souple. L’Empire
allemand de 1871 et la République de Weimar de 1919 étaient des Fédérations. Le statut
indépendant des États fédérés n’a été supprimé par l'État central qu’entre 1933 et 1945.
L’Allemagne a été réunifiée le 3 octobre 1990 par l’adhésion de chacun des nouveaux Länder
de l’Est à la RFA, selon l’article 23 de la Loi fondamentale (déjà utilisé lors de l’adhésion de la
Sarre à la fédération).
Il existe 16 Länder. Les Länder ont statut d'État, disposant d’une constitution et organisent
librement leur administration territoriale. La souveraineté des Länder interdit tout contrôle
du gouvernement fédéral sur leurs actes (sauf mise en œuvre de la législation fédérale).
Cependant, leur constitution doit être conforme aux principes essentiels de la Loi
fondamentale (article 28 de la Loi fondamentale). Les grands Länder sont subdivisés en
régions administratives. Ces Regierungsbezirke sont des bureaux régionaux du ministre de
l’Intérieur de chaque Land. Les Länder sont les autorités de tutelle des collectivités locales
sur leur territoire.
Sous le niveau des Länder se trouve le deuxième échelon infra-national, celui des 439
« Kreise » (districts), dont 116 villes « Kreisfreie Städte » (à la fois ville et district), qui
peuvent être considérés comme la formalisation de coopérations intercommunales dans des
domaines spécifiques. En 2006, l’échelon local le plus petit est constitué de 12312 communes
(dont 75% ont moins de 5000 habitants).
Les États fédérés ont beaucoup de caractéristiques des États souverains. La plupart sont
dotés d’un parlement monocaméral, le Landtag, élu démocratiquement pour quatre ou cinq ans
selon les États. Le Ministre-Président (Ministerpräsident) est ensuite élu à la majorité par
8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 157
Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
les membres du Landtag. Le Ministre-Président nomme un gouvernement pour assumer le
pouvoir exécutif du Land. Les dates d’élection varient selon les États.
Chaque Land est libre de déterminer son système d’administration territoriale y compris la
constitution des communes. Chaque land contrôle ses communes (contrôle de légalité a
posteriori, approbation des budgets, contrôle de la pertinence des compétences déléguées).
Conformément à l’article 28 de la Loi fondamentale qui traite de la libre administration des
communes, les communes ont « le droit de gérer toutes les affaires de la communauté locale
dans le cadre de la législation. »
Elle diffère donc d’un Land à l’autre ; au cours des années 90, la Basse-saxe et la Rhénanie du
Nord-Westphalie (Norddeutsche Ratsverfassung) ont modifié leurs organisations communales
selon le modèle du conseil de l’Allemagne du sud (Süddeutsche Ratsverfassung). Celui-ci a été
également adopté par la majorité des nouveaux Länder et prévaut donc aujourd’hui dans la
plupart des Länder allemands : dans ce système, le maire est élu au suffrage universel direct.
Il préside l’administration ainsi que le conseil municipal. La durée de son mandat est identique
à celle de son conseil. En Hesse, c’est le modèle du « magistrat » (Magistratsverfassung) qui
est appliqué : au-delà du maire, le conseil élit des adjoints qui forment avec lui le magistrat de
la ville ». Les élections communales se font au scrutin proportionnel ; de nombreux länder
prévoient la possibilité de cumuler jusqu’à trois voix de panachage. Les mandats vont de 4 à 6
ans.
Au-delà des élections, les citoyens peuvent influencer le processus de prise de décision au
cours du mandat par :
les référendums locaux organisés sous forme de « Bürgerentscheid » pour les affaires
importantes et sur décision du conseil ou sur demande des citoyens
(« Bürgerbegehren » : 10 à 15% des citoyens de la municipalité). Le
« Bürgerentscheid » a la même valeur qu’une décision du conseil
la requête des citoyens (les citoyens peuvent attirer l’attention du conseil sur une
question particulière)
Avant les réformes de 1989, les citoyens ne pouvaient participer aux prises de décision par le
biais du référendum local (« Bürgerentscheid ») qu’au Bade-Wurtemberg. Aujourd’hui, la
démocratie directe a été introduite au niveau local dans les 15 des 16 Länder. Seule Berlin ne
bénéficie pas encore de la démocratie directe à l’échelle de ses arrondissements. La
Constitution de chaque État fédéré définit ce qui faire l’objet d’un référendum. Aujourd’hui,
une moyenne d’environ 200 référendums locaux sont organisés en Allemagne chaque année,
essentiellement en Bavière. Dans certains cas, des référendums locaux ont désapprouvé les
décisions du Conseil.
Les collectivités locales peuvent s’associer pour gérer leurs services publics. La forme de
coopération la plus courante est le syndicat de communes. L’adhésion est en principe libre,
mais la législation du Land peut rendre l’adhésion obligatoire. Les associations de communes
regroupent des communes rurales qui s’associent pour la gestion de tâches qu’elles ne
pourraient assumer seules. Elles s’appuient sur l’administration de l’une des communes
membres.
Les États fédérés et le gouvernement central n’ont aucune influence formelle sur leur budget
respectif. L'État central n’exerce ni supervision ni audit sur les États fédérés. Les Länder
sont l’autorité réglementaire des collectivités locales dont ils fixent les règles de gestion.
Le ministre de l’Intérieur du Land est également chargé de l’approbation des budgets des
collectivités et s’assure en particulier de l’équilibre budgétaire.
1 - Les dépenses
En 2005, les dépenses du secteur public infra-national allemand ont atteint 453,5 milliards €,
Les États fédérés ont dépensé 259,3 milliards € en 2005. Les dépenses courantes
représentaient 87% de leurs dépenses totales. 18% des dépenses de fonctionnement des
Länder sont destinés à alimenter les budgets des collectivités locales. Les dépenses
d’investissement des Länder ont atteint 34,7 milliards €.
En 2005, les dépenses des communes et des districts ont atteint 149,4 milliards €. Les
communes et les grandes villes assument la plus grande part de ces dépenses (82%). Tant
pour les districts que pour les communes, les dépenses courantes constituent l’essentiel des
dépenses totales.
Plus du tiers du budget des États fédérés est alloué aux services généraux des
administrations publiques, qui comprennent la gestion des services, la législation et la
réglementation. Le deuxième plus gros poste de dépenses est l’enseignement (30%).
Avec 23,6 milliards €, le poste de dépenses des communes ayant le plus augmenté au cours
des dernières années est celui des aides sociales, contracycliques, qui ont crû rapidement
avec la montée du chômage. Près de 15% du budget des communes vont à la construction et à
l’entretien des logements et équipements collectifs.
Les districts consacrent eux aussi près de la moitié de leur budget à la protection sociale. La
construction et l’entretien des écoles secondaires leur représentent 15% de leur budget.
2 – Les recettes
En 2005, les recettes du secteur public infra-national allemand s’élevaient à 429,6 milliards €,
soit près de 19% du PIB et 44% des recettes publiques totales. Les recettes des collectivités
infra-nationales seules s’élevaient à 382,1 milliards €. 62% de ces recettes sont allés aux
Länder, 32% aux communes et 6% aux districts ruraux.
Près de 75% des recettes fiscales échoient conjointement à l'État fédéral, aux États
fédérés et aux collectivités locales selon des clefs de répartition négociées, les plus
importantes étant fixées dans la Loi fondamentales. Ces impôts partagés constituent la plus
importante source de revenus des États fédérés. Ils sont l’expression d’un système complexe
de péréquation entre les Länder mais aussi entre les Länder et les collectivités locales.
Les moyens transférés aux communes (article 106 et 107 de la Loi fondamentale) sont :
la péréquation horizontale entre les communes d’un même Land à travers la
redistribution d’une quote-part (15%) de l’impôt sur le revenu afin de mieux répartir
les moyens financiers et de répondre aux besoins
la péréquation verticale, c’est à dire de la fédération vers les Länder et des Länder
vers les communes. Dans ce dernier cas, les Länder sont obligés de partager un
pourcentage des impôts qu’ils reçoivent de la fédération avec les communes
les subventions d’investissement : financement de la fédération ou des Länder sur
projet
les districts reçoivent une contribution districale de la part des communes
les emprunts : les communes peuvent emprunter après autorisation du Land
La gestion publique en Europe, Revue Européenne de l'Action Publique, n°1, octobre 2009
Les finances locales dans les quinze pays de l'Union Européenne, Dexia – Crédit Local de
France, avril 2002
Les finances locales en Europe : Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni – Institut
d'Aménagement et d'Urbanisme de la Région d'Ile-de-France, septembre 2006
La décentralisation dans les États de l’Union européenne, ouvrage collectif sous la direction
de Delcamp et Loughlin, Notes et études documentaires, n°5162-63, novembre 2002
I – ROYAUME-UNI
Dévolution : processus de transfert d'autorités législatives et/ou de régulation en
direction d'assemblées élues au suffrage direct.
Civil Service : système dont relèvent les fonctionnaires d'Etat correspondant à une
fonction publique statutaire.
Local Government Service : diffère fondamentalement du Civil Service, les agents des
collectivités territoriales ne bénéficiant pas d'un statut d'emploi spécifique. Ils sont
recrutés par contrats individuels de droit privé, la législation nationale du droit du
travail leur étant intégralement applicable au même titre que les salariés du secteur
privé.
Fédéralisme administratif : système administratif mis en place entre 1990 et 2001 par
un ensemble de réformes, législatives et constitutionnelles, inspiré du modèle allemand,
dans lequel la quasi totalité des fonctions administratives de type opérationnel est
confiée aux régions et aux autres collectivités territoriales.
III – ESPAGNE
Loi de réglementation des collectivités locales (Ley Regulatora de las Bases del
Régimen Local) de 1985 : définit le cadre du partage des responsabilités entre les
différents niveaux d’administration, et liste les services que les collectivités locales
doivent servir.
IV – ALLEMAGNE
Loi fondamentale : la loi fondamentale divise les compétences législatives du
gouvernement fédéral en compétences exclusives, concurrentes et d’édiction des lois-
cadres. Le Land, le district et la commune constituent un système commun en ce qui
concerne le domaine de responsabilité, la planification et les finances.
Péréquation horizontale : il existe une péréquation horizontale entre les communes d’un
même Land à travers la redistribution d’une quote-part (15%) de l’impôt sur le revenu
afin de mieux répartir les moyens financiers et de répondre aux besoins.
D’ici à 2014, la majeure partie des investissements des régions s'effectueront dans le
cadre des contrats de projets signés avec l'Etat sur la période 2007-2013. Ces contrats
représentent un montant d'engagement de l'État de 12,7 milliards d'euros.
L'engagement des régions sur ces 26 CPER représente environ 15 milliards d'euros.
D'autres chantiers importants mobiliseront l'investissement régional: la mise en oeuvre
Appelés à remplacer en mars 2014 les conseillers généraux et régionaux, les conseillers
territoriaux, élus dans le cadre de cantons redécoupés, seront détenteurs d'un seul
mandat mais simultanément membres de deux assemblées, le conseil général et le conseil
régional. Titulaires d'un mandat de six ans, ils seront 3 000 au lieu des 5 899 conseillers
généraux et régionaux. Le mode d'élection prévoit que 80% des conseillers seront élus
au scrutin uninominal majoritaire à un tour dans le cadre de cantons et 20% sur la base
d'une représentation proportionnelle. «L'Etat aura face à lui des élus dotés de plus de
pouvoirs», a estimé le ministre de l'Aménagement du territoire, Michel Mercier. Ils y
gagneront en efficacité, selon lui.
« C'est une idée dangereuse sur le plan démocratique », lui répond le président de l'ARE
« Comment chaque assemblée – départemental et régionale – débattrait-elle de ses
projets et de son bilan alors qu'elles n'interviennent pas sur les mêmes champs de
compétences?», s'interrogeait Alain Rousset
De 1945 à 1982, l'État keynésien impulse une politique de répartition des activités
économiques afin de corriger les déséquilibres régionaux. Les lois de décentralisation de
1982-1985 multiplient les centres de décisions et les acteurs impliqués par la création
de nouveaux territoires de l'action publique. Ces lois amorcent un nouveau rôle pour les
élus, avec le passage d'un système d'administration locale à un système de
gouvernement local. Le nouveau rôle de l'Union européenne en matière d'aménagement
du territoire, le renforcement du pouvoir régional et la révolution silencieuse de
l'intercommunalité à fiscalité propre, -communautés de communes, communautés
d'agglomération et communautés urbaines-, modifient profondément les stratégies des
différents acteurs, que ce soient les élus, l'État et ses représentants dans les services
déconcentrés, mais également les habitants - citoyens. Cette nouvelle donne
institutionnelle inquiète certains qui redoutent l'aggravation des inégalités spatiales et
la remise en cause de l'unité nationale, alors que d'autres voient, dans le nouveau rôle
joué par les acteurs territoriaux, la possibilité de renforcer la démocratie en
appréhendant les enjeux de développement, du local au mondial.
8
« Les limites de la contribution des mécanismes fiscaux à la cohésion territoriale », Laurent Oevezies,
dans Informations sociales, n° 104, 2002
9
« Environnement, développement durable et politiques d'aménagement du territoire » Corinne Larrue, dans
La Fronce : aménager les territoires, Yves Jean et Martin Vanier, Armand Colin, 2008.
« Réformer l'Etat, c'est accorder l'autonomie régionale », Jean-Jacques Queyranne, dans le Monde, 29
10
octobre 2002
Plus besoin ainsi, par exemple pour les communautés de communes à fiscalité
additionnelle, de passer par une augmentation de taux pour accroître leurs ressources
et financer leur projet de territoire. Ainsi ces CC pourront recourir à compter de 2011
au « libre » partage de la répartition de la CVAE (contribution sur la valeur ajoutée des
entreprises) entre communes membres et communautés (nouvel article 1609 quinquies
BA applicable au 1er janvier 2011), simplement en modifiant les fractions leurs revenant.
De simples « délibérations concordantes prises à la majorité qualifiée prévue au premier
alinéa de l'article L.5211-5 du CGCT, avant le 15 octobre 2010 pour une application de la
nouvelle répartition à compter 2011 ou avant le 15 octobre 2011 pour une application de
ladite répartition à compter de 2012 ou, dans le délai prévu au I. de l'article 1639A bis à
l'occasion d'un nouveau transfert de charge » suffiront.
Cet outil financier qui, pour ne pas être détourné de sa finalité, devra être cadré au
travers d’un pacte financier et fiscal, est essentiel en ce qu’il permet une nouvelle
répartition des finances du territoire entre communes et EPCI sans recourir pour la
communauté au levier fiscal.
Les articles 34 et 34 quater du projet de réforme adopté par le Sénat le 4 février 2010
en sont l’illustration. D’une part, l’article 34 offre la possibilité d’imputer les effets de
la mise en place de services communs sur l’attribution de compensation ; d’autre part,
l’article 34 ter permet la révision des attributions de compensation pour tenir compte
du déficit de fonctionnement d’équipements réalisés après le transfert de la
compétence à la communauté.
Mais c’est surtout l’article 34 quater du projet de réforme qui est le plus incisif. En
effet, au travers de cet article, le législateur entend permettre à « un établissement
public de coopération intercommunale à fiscalité propre » de pouvoir « percevoir en lieu
et place de ses communes membres les montant dont elles bénéficient au titre de la
dotation globale de fonctionnement ». L’objectif : tendre vers la possibilité d’«une mise
en commune des ressources (DGF), sur délibération concordantes du conseil
communautaire et de chacun des conseils municipaux des communes membres ». Il
appartient alors à l’EPCI de mettre « en place à destination de ses communes membres
une dotation de reversement, selon des critères de ressources et de charges librement
définis par l’organe délibérant statuant à la majorité qualifiée des suffrages exprimés ».
Autant d’outils (celui de l’article 34 quater étant le plus novateur) qui conduiraient, s’ils
étaient utilisés par les intercos et leurs communes membres, à revoir en profondeur les
politiques de solidarité territoriale en place et ajuster les reversements aux communes
pour renforcer les moyens financiers d’une communauté en adéquation avec ses
ambitions.
La rédaction du texte du loi tel qu’il sera proposé à l’Assemblée nationale en première
lecture pousse finalement à se demander si l’enjeu de la réforme des collectivités
territoriales, notamment d’un point de vue financier avec le partage « communautaire »
C’est un fait : sur les grandes métropoles, Nicolas Sarkozy a enclenché la marche
arrière. Au milieu de l'année 2009, à la suite de la commission Balladur, l'affaire
semblait pourtant pliée : en dehors du cas spécifique de Paris, la France disposerait dans
les prochaines années de huit à onze grandes métropoles, vitaminées par la fusion des
structures de coopération intercommunale autour des grandes villes. Pour le président
de la République, l'objectif clairement affiché était de mettre un terme à une
particularité française : le morcellement territorial. Mais les élus, de gauche comme de
droite, notamment en région Paca, ne l'entendent pas de cette oreille. Pour eux, la
proximité communale est une plus-value républicaine à laquelle il ne faut pas toucher. Oui
au renforcement des territoires de projets, non aux grandes « métropoles fusionnelles»,
pour reprendre l'expression de Jean Léonetti, député-maire UMP d'Antibes. Nicolas
Sarkozy a donc cédé : les grandes métropoles se feront... sur la base du volontariat!
Derrière cette prudence se profile la crainte d'une perte d'autonomie fiscale, déjà bien
entamée par la suppression de la taxe professionnelle, mais surtout du dessaisissement
de ce qui constitue aujourd'hui le dernier rempart légitime de l'autorité des maires et
de leur structure intercommunale : la gestion en direct du droit du sol. « Le cauchemar
L'étiquette politique importe finalement assez peu dans l'affaire : Roland Povinelli,
maire PS d'Allauch, déploie actuellement des banderoles dans la ville pour condamner à
l'avance la contrainte d'une fusion. Il est largement soutenu par Jean-Pierre Bertrand,
le maire voisin divers droite de Plan-de-Cuques. Récemment, 80 maires des Bouches-du-
Rhône sont « montés » à Paris pour dire non à la réforme territoriale et surtout à son
processus de métropolisation. Toutes les couleurs de l'arc-en-ciel politique étaient
représentées et celle de l'UMP n'était pas la plus effacée... Face à un tel étalage de
résistances, Eugène Caselli, président PS de la communauté urbaine de Marseille, fait
profil bas, avançant que le périmètre le plus pertinent d'un élargissement irait d'Arles à
Cadarache (site du réacteur Iter) mais prônant la gouvernance largement concertée
avec toutes les parties pour avancer. Avec si peu de désir, la vitesse de l'avancement
aura une allure d'escargot...
Aujourd'hui, sur le bureau du préfet, un découpage prévaut : deux grosses entités
urbaines distinctes autour de Marseille et Aix, une entité plus rurale dont le cœur
serait arlésien...
Ce ralentissement du processus métropolitain réjouit une grande ville qui risquait d'être
coincée au milieu de ces projets : Toulon, dont Hubert Falco craignait la prise en étau
entre les deux mastodontes niçois et marseillais.
À moins que la prédiction du préfet de région, Michel Sappin, qui ne cesse de fustiger la
défaillance de l'organisation métropolitaine de Marseille, prenne du poids : le recours à
la contrainte juridique pour faire plier tous ces élus indociles recroquevillés sur leurs
arpents communaux. Il faut ajouter à la colonne « moins » la récente prise de position de
Michel Vauzelle, président pour la troisième fois de la Région Paca : « J'ai peur que les
fonds publics soient réservés aux grandes métropoles et que les autres territoires en
pâtissent... Je suis pour des métropoles à la française, pas à l'américaine... ». Le dossier
des grandes métropoles est mal engagé en Paca mais le bras de fer promet de belles
empoignades politiques... .
La réforme des collectivités locales, qui vient d'être adoptée en première lecture à
l'Assemblée, ne consacre pas un projet de société partagé, destiné à être mis en oeuvre
par des institutions remplissant la mission qui fonde leur légitimité sociale- En
considérant le processus de réformes par le prisme des métropoles, de facto figures de
la nouveauté, on distingue aisément trois problèmes majeurs qui exigent un
renversement radical: une traduction institutionnelle anachronique; un système
territorial fragilisé; une construction technocratique aggravant dramatiquement le
déficit démocratique. Il est pourtant nécessaire d'agir autrement et de faire de cette
réforme un levier pour développer une nouvelle ingénierie démocratique et faire évoluer
la manière de construire l'action publique.
Qu'on le veuille ou non, les espaces métropolitains existent déjà et déterminent les
conditions de vie des habitants, des travailleurs, des individus de passage, même si ni les
acteurs politiques ni les citoyens n'en ont le .plus souvent conscience. Comme l'acte I de
la décentralisation a consacré l'utilité d'une territorialisation de l'action publique, pour
plus de pertinence et d'efficience, le moment semblait venu d'articuler les territoires
fonctionnels réels de la métropole avec les espaces du gouvernement légal. Mais la loi ne
réalise pas cette ambition. Les articles consacrés aux métropoles dans le projet de loi
de réforme des collectivités ont confirmé le constat dressé lors de l'adoption du texte
relatif au Grand Paris : elles ne favorisent pas la gouvernance cohérente des territoires
urbains. Les métropoles ont reçu des compétences significatives, en matière économique
et en matière d'aménagement. Mais leur place et leur rôle dans le système territorial
restent encore à imposer vis-à-vis des autres collectivités (concurrentes).
Si la métropolisation est un phénomène économique majeur, la métropole soulève avant
tout un enjeu culturel et politique. L'institution métropolitaine, chargée de maîtriser ces
flux et ses corollaires en termes de déficit de sens commun, de lien social et de
solidarités, devrait donc être porteuse d'un projet politique, volontariste, construit et
porté par des acteurs conscients de cette radicale nouveauté. Force est de constater
que la métropole issue de la réforme en est très loin: sans doute parce que la question a
été dès le début mai pensée. L’absence d'une culture politique urbaine est un handicap
majeur pour l'émergence d'institutions territoriales démocratiques efficientes et
légitimes. Si nous ne manquons pas de dirigeants territoriaux, élus et fonctionnaires, de
grande qualité, la construction très classique des «problèmes» et des modes de
résolution qui en découlent entretient, voire accentue, le décalage entre les projets et
les résultats sur le terrain.
Les débats publics prévus à l'automne pour le Grand Paris pourraient être élaborés,
menés, voire complétés, de manière radicalement neuve. Et la révision du Sdrif portée
par Mireille Ferri donne également l'occasion d'inventer une manière de véritablement
«faire métropole », par la revalorisation des innovations sociales et le bon usage de l'«
Le gouvernement l'a dit et répété sur tous les tons : la réforme de la taxe
professionnelle (TP) sera neutre pour le secteur public local. Au niveau national, pour
tous les échelons de collectivités et les intercommunalités, les recettes provenant du
panier d'impôts destiné à remplacer la TP doivent compenser le produit de cette
dernière « à l'euro près », selon l'expression désormais consacrée. Pour y parvenir, les
parlementaires ont adopté un nouveau dispositif, le Fonds national de garantie
individuelle des ressources (FNGIR), dont le principe est simple : les collectivités
encaissant, dès 2011, des recettes supérieures à ce qu'elles ont touché en 2009 au titre
de la TP reverseront ce « trop-perçu » au fonds, qui financera ainsi celles devant faire
face à un « trou ».
D'un point de vue numéraire, les « gagnants », avant intervention du FNGIR, sont plus
nombreux. Selon les calculs de l'Association des maires des grandes villes de France
(AMGVF), 70 % des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en
font partie. En revanche, si les « perdants » représentent une minorité de collectivités,
ils concentrent une majorité de la population.
Ainsi, sur 1 200 EPCI à taxe professionnelle unique (TPU), 838 sortent gagnants, mais il
s'agit, pour 90 % d'entre eux, de communautés de communes. A contrario, 50 % des
agglomérations urbaines disposeront - avant FNGIR - d'un produit fiscal moindre (soit
90 groupements, mais représentant 38 % de la population). Et la proportion atteint 70 %
pour les agglomérations de plus de 200 000 habitants. Dans les échelons supérieurs, 91
départements sont perdants, tout comme 17 régions.
Cette nouvelle situation fiscale s'explique par les deux principales caractéristiques de la
réforme. D'abord, le changement d'assiette de l'impôt économique qui, en passant des
immobilisations à la valeur ajoutée, profite davantage aux territoires sur lesquels les
activités tertiaires sont plus nombreuses, au détriment des régions industrielles.
Ensuite, en raison de la spécialisation des impôts locaux, « une réforme dans la réforme
à laquelle le bloc communal n'a cessé de s'opposer », rappelle Céline Bacharan, chargée
de mission finances et fiscalité à l'AMGVF. En accordant une plus large part de
cotisation économique territoriale (CET) aux régions et aux départements, en échange
du transfert de la taxe d'habitation et des taxes foncières aux communes et à leurs
groupements, cette spécialisation engendre des déséquilibres supplémentaires entre les
territoires économiquement développés et ceux à dominante résidentielle sur lesquels
les collectivités du bloc communal profiteront d'un produit de taxe d'habitation accru.
«Ce qui explique que les agglomérations urbaines comptent plus de perdants que les
zones rurbaines », ajoute Céline Bacharan. Un exemple : en 2011, la communauté
d'agglomération de la vallée de Montmorency (8 communes, 102 655 hab., Val-d'Oise)
affichera un produit fiscal supérieur de 158 % à celui qu'elle percevait en 2009. EPCI à
Cette conséquence du monopole du bloc communal sur la taxe d'habitation peut encore
être amplifiée, « si les valeurs locatives du territoire sont importantes, si les
collectivités récupèrent un taux départemental élevé ou par l'effet cumulé de ces deux
critères », développe Claire Delpech, responsable des finances à l'Assemblée des
communautés de France (ADCF). A l'instar de la communauté de communes du pays de
Gex (26 communes, 68 243 hab., Ain) qui connaît, ces dernières années, « une hausse de
5 % des bases foncières », indique Jacqueline Marchand, directrice générale
adjointe (DGA) chargée des finances. « Nous pouvons bénéficier d'une dynamique
financière, contrairement à d'autres collectivités », reconnaît-elle.
Pour les perdants avant FNGIR, des impôts figés ou des dotations d'Etat, qui n'évoluent
pas, en règle générale, de façon positive, se substituent à la taxe professionnelle,
ressource extrêmement dynamique. A la communauté d'agglomération du pays de
Martigues (CAPM, 3 communes, 70 239 hab., Bouches-du-Rhône), dont le produit fiscal
chute de 75 %, Jean-Claude Guillou, DGA chargé des finances, espère « au mieux une
hausse de 0,8 % par an » dans le nouveau système, alors que le produit de la TP
augmentait de 4,1 % jusqu'à présent. Soit un manque à gagner annuel de 3,34 millions
d'euros.
Sur ce territoire à forte concentration industrielle, on milite pour une autre manière de
localiser la valeur ajoutée des établissements d'un même groupe, permettant une
répartition de la cotisation économique à la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
«Nous voulons qu'à l'occasion de la clause de revoyure, la CVAE soit également attribuée
en fonction des facteurs de production, au prorata des valeurs locatives et des
immobilisations, et pas seulement au regard des effectifs », fait valoir Jean-Claude
Guillou.
Si le système de répartition reste en l'état, la CAPM subira une « double peine ». Par
exemple, un investissement de 270 millions dans la centrale nucléaire sise sur le
territoire conduit à la réduction de deux tiers de ses effectifs. « Il y a une vraie
délocalisation de la valeur ajoutée, récupérée essentiellement par les collectivités des
départements accueillant les sièges sociaux des groupes industriels, comme les Hauts-
de-Seine », s'insurge le directeur général adjoint.
Unanimement, les perdants craignent surtout que la compensation du FNGIR ne
s'amenuise avec le temps, comme cela était prévu dans le projet initial. Si « une guerre
de religion », selon l'expression de Nicolas Portier, délégué général de l'ADCF,
émergeait entre gagnants et perdants, la tentation pourrait être de se servir du fonds
pour revoir le système de péréquation. Or cela reviendrait à « enlever de l'argent à
Maubeuge pour le donner à Arcachon où à Saint-Cloud », pointe Céline Bacharan. Une
vision particulière de l'aménagement du territoire. Une disparition du FNGIR ne
manquerait alors pas de provoquer un tollé parmi les élus locaux.
Au-delà d'une « sanctuarisation » du fonds, les associations d'élus réclament une
indexation du dispositif, afin de tenir compte de l'évolution des recettes dans le temps.
Car une collectivité qui touchait 100 de TP ne percevra plus que 80. Et même si elle
Les simulations sur les conséquences de la suppression de la TP ont été les grandes
absentes de la discussion du projet de loi de finances pour 2010 au Parlement. A tel
point que le législateur a prévu trois clauses de revoyure pour en corriger les effets.
1- De nouveaux (dés)équilibres
Le but de la réforme était affiché : réduire l'imposition qui pesait sur les entreprises.
Dès lors, le jeu de vases communicants s'avérait inévitable et l'équilibre ménages-
entreprises, auparavant fixé à 59-41 %, passe désormais à 64-36 %. De nombreuses voix
se sont élevées lors des discussions du projet de loi de finances pour 2010 pour
dénoncer la volonté du gouvernement de limiter le recours des collectivités au levier
fiscal, les taxes « ménages » étant, d'un point de vue politique, plus délicates à
augmenter. Et ce d'autant plus que le pouvoir fiscal des collectivités se trouve réduit
par la réforme de la TP. En effet, alors que ces dernières disposaient d'un pouvoir de
taux sur 39 % de leurs ressources totales de fonctionnement (en prenant en compte le
ticket modérateur), le pourcentage baisse à 35 %. Et la perte de levier fiscal devient
particulièrement importante pour les départements (de 30 à 18 %), qui ne conservent
que le foncier bâti et, surtout, pour les régions, qui ne disposent réellement de liberté
que sur les cartes grises.
En outre, alors que la TP était un impôt dynamique de stock, donc stable, le nouvel impôt
économique repose majoritairement sur un flux, la valeur ajoutée. Il se révèle donc plus
volatil, sans compter qu'il est aujourd'hui impossible d'en estimer la dynamique.
2- Les dotations et la péréquation en jeu
Dès lors, les associations d'élus, telle celle des grandes villes (AMGVF), vont insister
dans les mois à venir sur une meilleure prise en compte de l'effort fiscal et des charges
de centralité des collectivités.
La réforme de la taxe professionnelle implique de tels transferts de richesses que des
dispositifs de péréquation sont obligatoires. C'est notamment l'objet de la première
clause de revoyure (lire l'encadré ci-dessous). La loi prévoit également la mise en place,
à partir de 2011, de fonds de péréquation pour les départements et les régions. Mais,
surtout, la suppression de la TP impacte le calcul des potentiels fiscaux, et donc,
financiers. Or ceux-ci permettent, entre autres, la définition des dotations de
péréquation et d'intercommunalité. Deux éléments vont, en outre, modifier la dotation
globale de fonctionnement (DGF) des communes et des établissements publics de
coopération intercommunale (EPCI) : la compensation de la déduction du prélèvement
France Télécom et la compensation du transfert de la taxe sur les surfaces
Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) et taxe sur les surfaces
commerciales (Tascom) : deux acronymes viennent enrichir le vocabulaire de la fiscalité
locale. A la différence de la cotisation économique territoriale (CET) ou des mécanismes
de compensation de ressources, ces deux impôts ne concentrent pas les interrogations
des élus locaux et des directeurs des finances des collectivités. Pourtant, pour
certaines d'entre elles, ces ressources constituent une part importante du nouvel
équilibre fiscal (lire le témoignage ci-contre).
Secteurs « captifs ».
La Tascom ne constitue pas un impôt nouveau puisque la taxe, instituée en 1972, était
jusqu'à présent perçue par l'Etat (lire l'encadré p. 29). L'Ifer, en revanche, est une
véritable invention. Son principe : annuler le bénéfice de la réforme de la TP pour les
entreprises de certains secteurs qui y contribuaient fortement et dont l'activité, selon
les mots mêmes de la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, « n'est pas
délocalisable ».
« Il s'agissait de préserver l'essentiel du produit fiscal pour quelques secteurs captifs :
l'énergie, les transports ferroviaires et les télécommunications », explique Claire
Delpech, responsable des finances à l'Assemblée des communautés de France (ADCF).
Concrètement, les principaux contributeurs seront EDF, Areva, France Télécom et la
SNCF.
Produit total espéré : 1,4 milliard d'euros, quand ces groupes versaient près de 1,6
milliard de TP. Toutefois, ce ne sont là que des estimations. Tout d'abord, parce que la
contribution exacte de ces entreprises à la taxe professionnelle n'est pas connue, en
raison du secret fiscal. Ensuite, parce que les simulations se fondent sur des éléments
déclaratifs de l'année 2008.
Tarifs votés.
Pour l'année 2010, l'Etat percevra l'Ifer. Ce n'est qu'en 2011 que les collectivités
bénéficiaires en recevront le produit. Selon les termes de la loi de finances pour 2010,
l'impôt est dû pour les installations exploitées au 1er janvier de l'année d'imposition.
Face à ce nouvel impôt, les associations d'élus restent, pour l'instant, dans
l'expectative. « On peut s'interroger sur la réelle pertinence des tarifs votés, dans la
mesure où certains ont évolué dans des sens différents, au cours des débats
parlementaires », avance-t-on à l'Association des maires de France (AMF). Un exemple :
l'Ifer « éoliennes » devait initialement revenir au seul bloc communal pour 2,20 euros /
kW. Un amendement sénatorial le porte à 8 euros / kW puis, sous l'effet d'un
amendement d'origine gouvernementale cette fois, il repasse à 2,931 euros / kW et son
produit se partage désormais entre établissements publics de coopération
intercommunale (EPCI), communes et départements.
Aujourd'hui, l'attention des associations d'élus se porte sur l'évolution de l'Ifer. « Dans
le texte actuel, aucune indexation n'est prévue. Le produit de l'imposition n'évolue qu'en
fonction des bases physiques - soit l'installation d'équipements. Il conviendrait, a
minima, d'indexer les tarifs de l'Ifer sur l'inflation prévisionnelle en loi de finances »,
relève Céline Bacharan, chargée de mission finances et fiscalité à l'Association des
maires des grandes villes de France (AMGVF).
Les directeurs financiers des collectivités concernées devront donc se montrer
attentifs lors du vote de chaque loi de finances qui pourrait intégrer une éventuelle
indexation. Mais, dans l'état actuel du droit, seul le dynamisme des bases conduira à une
évolution du produit de l'Ifer. Ce qui soulève la question du bénéfice que pourrait tirer
une collectivité de l'installation, sur son territoire, d'activités engendrant des
nuisances, telles les centrales nucléaires.
Déchets nucléaires.
Par ailleurs, le législateur a également prévu une « taxe additionnelle sur les installations
nucléaires de base » qui sera reversée aux communes et aux EPCI présents dans un
rayon maximal autour de l'accès principal au centre de stockage. Ce rayon est défini par
le conseil général ou par la commission interdépartementale compétente en matière de
fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP). Le montant de
cette taxe est égal « au produit de la capacité de stockage de l'installation valorisée à
À découvrir
Sur www.lettreducadre.fr
Dossier thématique : « Quel avenir pour les finances locales ?»
Préparatoire à la conférence des déficits publics, le rapport remis par Gilles Carrez et
Michel Thénault11 a eu le mérite de proposer un diagnostic objectif et partagé sur
l'évolution des dépenses locales depuis les débuts de la décentralisation. Contrairement
aux analyses de nombreux rapports antérieurs, ce document conclut à une assez grande
stabilité des dépenses locales dans la richesse nationale depuis plus de quinze ans, dès
lors que l'on « neutralise » les transferts de l'Etat aux collectivités. La seule exception
tient au secteur dit « communal » qui, sans avoir été le destinataire direct des
dévolutions de compétences, a enregistré une hausse de ses dépenses d'environ un point
de PIB depuis 1983.
Responsable de la part principale de la dépense locale (56 %), le secteur communal
devient en conséquence celui dont est le plus attendu un « effort de maîtrise ». Mais, à
bien lire le rapport, on s'aperçoit que le poids des dépenses du secteur communal dans la
richesse nationale ne fait que s'approcher, en 2007-2008 (environ 6 % du PIB), de celui
qu'il représentait déjà en 1994 (6,4 % du PIB) ! C'est en fait dans la première décennie
de la décentralisation, de 1983 à 1994, que s'est opéré l'essentiel de la hausse (de 5,3%
du PIB à 6,4 %), et non dans la dernière période.
Le premier mérite du rapport est ainsi d'avoir mis en perspective la croissance du
pouvoir d'achat des collectivités avec la création de richesses au niveau national. Son
autre apport est d'être parvenu à neutraliser les multiples doubles comptes qui
affectent les données de la comptabilité publique relatives au bloc communal en raison
des flux croisés entre communes, syndicats, communautés. Ce faisant, la progression
réelle de la dépense du bloc communal depuis dix ans a été révisée d'un tiers à la baisse
(19 milliards d'euros, et non 29 milliards, selon les données du rapport de l'Observatoire
des finances locales de 2009). Accusée ces dernières années d'avoir exercé un effet
inflationniste, l'intercommunalité se retrouve au contraire réhabilitée. Car la
stabilisation dans le PIB de la dépense du secteur communal correspond exactement au
début du déploiement des communautés, à partir de 1993-1994. S'il serait hasardeux de
leur en attribuer le seul mérite, on pourra a minima reconnaître leur contribution à cet
infléchissement. La mutualisation intercommunale a permis de contenir les tendances
haussières des dépenses locales imputables à de multiples causes combinées : impacts
des normes, cofinancement par les collectivités des missions de l'Etat, complexification
des politiques publiques... Que l'intercommunalité ait suscité des dépenses
supplémentaires, c'est peu contestable. Mais cela doit être mis en balance avec les
économies d'échelle et des effets de mutualisation qu'elle a déjà permis de dégager.
Peut-elle mieux faire ? Assurément oui, comme le suggèrent Gilles Carrez et Michel
Thénault, notamment dans la maîtrise des effectifs du bloc communal. Comme la Cour
des comptes, ils attirent l'attention sur ce sujet, en rappelant que 90 % de la hausse du
nombre d'agents territoriaux entre 1994 et 2005 lui sont imputables. Au moment où
Rapport du groupe de travail sur la maîtrise des dépenses locales, mai 2010.
11
De la notion d’autonomie
Première forme d'autonomie, les collectivités locales françaises disposent d'une assez
grande liberté d'affectation de leurs ressources à des dépenses correspondant à des
priorités locales. Mais celle-ci est loin d'être totale. En certains domaines, la dépense
locale résulte de dispositifs mis en place par le législateur national : aides sociales,
normes, cadre financier de la fonction publique territoriale... Autant de dépenses
obligatoires ou quasi obligatoires qui limitent le spectre des décisions des élus locaux,
contraignant leurs choix et réduisant les ressources mobilisables pour mener des actions
dans d'autres secteurs.
Leur autonomie de gestion est extrêmement élevée en matière de recours à l'emprunt,
mais très faible en termes de trésorerie, compte tenu de l'obligation de principe de
déposer leurs fonds disponibles au Trésor Public.
Mais c'est souvent sur la notion d'autonomie fiscale que se concentrent les débats.
Pour les élus locaux, le concept est clair : leur autonomie consiste en la faculté de voter
un taux d'impôt, comme ils le font depuis le début des années 1980 pour la taxe
d'habitation, les taxes foncières et la taxe professionnelle. Geste politique fondamental
12 Cf. Loi constitionnelle n' 2003-276 du 28 mus 2003 relative à l'organisation décentralisée de la
République.
En vertu de l'article 72-2 de la Constitution, Les collectivités territoriales bénéficient de ressources
13
dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. Elles peuvent recevoir tout ou
partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux
dans les limites qu'elle détermine. Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités
territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de
leurs ressources. […] La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les
collectivités territoriales
Ce qui signifie que la mesure de l’autonomie s’effectue par exemple pour les départements considérés
14
Les limites du ratio d'« autonomie fiscale souvent utilisé par les élus locaux
La faculté de voter un taux d'impôt est d'évidence une bonne illustration d'un pouvoir
économique et politique. Mais il n'est pas si évident de définir un indicateur quantitatif
censé le mesurer. L'intuition selon laquelle l'autonomie peut se mesurer par le poids des
ressources fiscales sur lesquelles la collectivité locale a des marges de manoeuvre est en
fait bien trompeuse.
Tout d'abord, un produit fiscal est une résultante de l'utilisation d'une marge
d'autonomie et non une mesure de celle-ci.
La taxe sur les permis de conduire, bien qu'elle soit marginale dans le panorama des
finances locales, peut servir d'illustration. Cette taxe est un droit de timbre perçu par
les régions, qui en fixent le taux. Actuellement, la majorité des régions a voté un taux
nul ; il s'agit là d'un choix politique visant à faciliter l'accès à un permis souvent
indispensable pour accéder à certains emplois. Le produit fiscal obtenu globalement est
donc faible : 5 millions d'euros en 2007. En utilisant leur « autonomie » pour adopter un
taux bas, les régions font le choix d'un produit fiscal faible ; et donc d'un « ratio17 »
également faible. Leur « autonomie » d'action en matière fiscale en est-elle pour autant
amoindrie ?
Cet exemple prouve que, lorsque les collectivités territoriales font le choix de taux de
fiscalité bas, leur « ratio » d'autonomie apparaît comme faible. À l'inverse, plus elles
augmentent leurs taux, plus elles apparaîtront comme autonomes. Et pourtant, cette
hausse ne peut pas être une arme perpétuelle puisque l'augmentation possible n'est pas
infinie.
Autrement dit encore, pour un niveau donné de bases d'imposition, quelle est la
collectivité locale la plus « autonome » ? Celle qui a un taux de taxe d'habitation de 20 %
ou celle qui a un taux de 10 % La première dispose certes d'un montant de fiscalité plus
élevé, mais la seconde d'une plus grande capacité d'action car elle a plus de faculté à
pouvoir encore augmenter le taux. Le « ratio d'autonomie » ne permet pas d'illustrer
15
Décision n° 2009.599 DC du 29 décembre 2009
16
Même partiellement fictive comme la cotisation sur la valeur ajoutée, qui est payée en fait par l'Etat en
tout ou partie au titre du dégrèvement accordé à certaines entreprises
17
On utilise l'expression « ratio d'autonomie » pour désigner le rapport produit fiscal/recettes courantes.
Les débats sur la péréquation au sein des finances locales s'étendent d'une recherche
fantasmée de l'égalité à la quête de l'indicateur technique miracle qui permettra la
répartition des dotations de l'État de la façon la plus optimale,
Mais précise-ton pour autant ce que l'on entend par « péréquation » ? La réponse n'est,
en cette matière encore, pas aussi simple qu'il n'y paraît. Car la notion de «
péréquation» peut s'entendre de façon plus ou moins restreinte et recouvrir plusieurs
cercles signifiants.
En 2009, les vingt-sept États membres de l'Union européenne (UE) comptent environ
92.000 collectivités locales, soit près de 90.800 communes, 270 réglons (hors États
fédérés) et 980 collectivités de rang « intermédiaire » (dans les pays à trois niveaux de
collectivités, comme la France ou l’Italie)18. Le poids économique des collectivités locales
n'a cessé de croître depuis une trentaine d'années, notamment sous l'effet des
politiques de décentralisation. Ainsi, les dépenses du secteur public local19 européen
représentaient en 2008 près de 13 % du PIB20. Environ 28 % des dépenses publiques
sont réalisées par le niveau local. Mais c'est surtout en matière d'investissement que les
collectivités locales louent un rôle moteur, puisqu'elles financent désormais près des
deux tiers de tous les équipements publics et infrastructures en Europe.
18
L’Europe local et régionale : chiffres clés 2008-2009- Dexia – CCRE, Edition 2009/2010
19
Le secteur public local comprend les collectivités locales et régionales qui leur sont rattachés
(groupements de collectivités, établissements publics, etc…) c'est-à-dire le sous-secteur S.1313 selon les
normes comptables du SEC 95 (Système de comptabilité européen de comptabilité d’Eurostat). Il ne
comprend pas les administrations des États fédérés (S.1312). Pour cette analyse les communautés
autonomes espagnoles, bien que classées parmi les entités fédérées (S.1312) par le SEC 95, ont été
réintegrées au sein du secteur public local espagnol.
20
Sauf mention contraire précisée en note de bas de page, l'ensemble des données statistiques relatives
aux finances publiques locales présentées dans cet article ont été extraites de la base de données Euroscac
en janvier 2010 et retraitées par l’auteur
Au total, en 2008, les recettes du secteur public local, hors emprunt, s'élevaient à
environ 1570 milliards d'euros, dont 38 % (cf infra) provenaient de la fiscalité (recettes
fiscales hors cotisations sociales).
Qu'entend-on exactement par recettes fiscales locales ? Comment ont-elles évolué au
cours des dernières années ? Quelles sont les grandes tendances prévisibles ?
Nous tentons ici d'apporter quelques réponses, sachant qu'en la matière se posent de
nombreux problèmes méthodologiques (définition de la fiscalité différente selon les
pays, classification des recettes, etc.) et qu'il s'agit d'un domaine très mouvant. Outre
les aléas liés à la conjoncture économique que subissent actuellement de plein fouet les
collectivités locales —, la fiscalité locale fait l'objet de façon quasi permanente
d'ajustements et de réformes.
Tracer les frontières entre les différentes ressources locales (recettes fiscales,
d'exploitation de service public, de transferts, etc.) est un exercice malaisé, en raison
de l'ambiguïté de la notion de « prélèvement public ». Les définitions et les usages
varient fortement d'un pays à l'autre.
- Les secondes, payées par le contribuable national dans le cadre d'un impôt national,
plutôt à fort rendement (taxe sur la valeur ajoutée – TVA), impôt sur le revenu des
personnes physiques (IRPP), impôt sur les sociétés (IS), etc. et dont une partie est
attribuée à la collectivité locale selon des mécanismes de partage et de redistribution
variables d'un pays à l'autre (partage de l'assiette et/ou du produit). Il s'agit alors de
fiscalité « partagée ». Les marges de manoeuvre des collectivités locales sont, dans ce
cas, généralement limitées, voire inexistantes.
Au total, en 2008, les recettes fiscales locales représentaient 4,7 % du PIB, et 17,9 %
des recettes fiscales publiques de l'UE. Elles constituaient également 38 % des
recettes locales hors emprunt, le reste provenant des dotations et des subventions
(49%), de la facturation des biens et services et des revenus du patrimoine mobilier et
immobilier (12 %), ainsi que des cotisations sociales (1 %).
La fiscalité propre
La fiscalité propre est significative en Suède, en France, au Danemark, en Belgique et en
Finlande : elle y représentait plus de 43 % des recettes des collectivités locales en
2005. En Italie, au Luxembourg et en Espagne, elle pesait entre 25 % et 35 % des
recettes locales. À l'inverse, elle reste peu développée dans les nouveaux États
membres où la flexibilité fiscale demeure limitée, voire absente (Lettonie).
L'impôt sur le revenu des personnes physiques ou des ménages (IRPP), une
importante ressource pour les collectivités locales
En 2008, a rapporté près de 203 milliards d'euros au secteur public local européen, soit
plus d'un tiers de ses recettes fiscales, L'IRPP est en effet un impôt partagé avec les
collectivités locales dans 14 pays européens. En 2008, il a représenté la quasi-totalité
des recettes fiscales locales des trois États baltes, plus des trois quarts en Slovénie et
en Slovaquie, et la moitié en Pologne. En outre, l'IRPP est également un impôt local
propre dans cinq pays : Danemark, Suède, Finlande, Belgique et Italie, où il prend la
forme d'une taxe additionnelle. Dans les pays scandinaves, i1 constitue la principale
ressource fiscale : en 2008, il a représenté 98 % des recettes fiscales locales en Suède
et 87 % en Finlande et au Danemark. Il est assis sur la même assiette que l'impôt
national sur le revenu et il est recouvré par l'État en même temps que lui (retenue à la
source). Les collectivités locales disposent d'une totale liberté en matière de fixation
des taux. Toutefois, les taux ont été gelés au Danemark en 2002.
On trouve également dans cette catégorie les impôts sur les véhicules automobiles,
particulièrement importants pour les collectivités locales dans certains pays ainsi que
des taxes environnementales (pollution, égouts, etc.).
Figurent dans cette rubrique, en France, principalement le « versement transport », la
taxe sur les cartes grises et la taxe d'apprentissage (7,8 milliards d'euros en 2008, soit
8 % des recettes fiscales locales). La taxe professionnelle n'est pas classée dans cette
catégorie, car elle est considérée comme un impôt sur la propriété, surtout depuis la
suppression en 2003 de la part relative aux salaires dans le calcul de l'assiette.
21
Calculé sur la base des bénéfices des entreprises commerciales, industrielles et artisanales, cet impôt
total sur les entreposes a vu son assiette taxable se rétrécir à plusieurs reprises (suppression de la part
salariale à la fin des années 1980 et de l’actif net en 1998). Il a été de nouveau reformé au 1er janvier 2008
dans le cadre de la réforme plus globale de la fiscalité concernant les entreprises. Les principales
modifications ont porté sur le mode de calcul du taux (avec une baisse du taux de base de 5 % à 3,5 %) et la
suppression de sa déductibilité de l'Impôt sur les sociétés).
22
Basé sur la valeur nette de la production des entreprises et des professionnels indépendants, l'Impôt sur
les activités productives est un impôt régional. En 2006, l’IRAP a été réformé afin de déduire les coûts de
main-d'oeuvre de la base d'imposition. L’objectif étant de stimuler la création d’emplois. En parallèle, un
recours a été formé contre cet impôt devant la Cour de Justice des Communautés européennes pour
incompatibilité avec le régime commun de TVA, recours qui à été rejeté en octobre 2006. Depuis 2009, 10
% de I'IRAP est déductible de l'impôt sur les sociétés. La suppression graduelle de cet impôt a été
annoncée fin 2009 par le gouvernement Italien.
23
L'impôt sur les recettes économiques repose sur tous les types d’activités économiques : entreprises
agricoles, activités minières, communales, industrielles et de services, professionnels, indépendants,
activités artistiques. Il est calculé sur la base de plusieurs critères : le type d'activité économique, la
superficie du local d’activité, le chiffre d'affaires, la localisation géographique (« Indice de situation »).
L'IAE a été réformé en 2003 afin d'exonérer les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1
million d'euros. Cela a conduit à l'exonération de 80 % des redevables et à une baisse de 40 % des recettes.
24
Cette taxe municipale est payée par toutes les entreprises sur la base d'un pourcentage du montant des
salaires fixé par l'Étal sans pouvoir de modulation de la part des communes (3 %)
Soulignons que les taxes sur les résidents, du type « taxe d'habitation » en France ou
council tax au Royaume-Uni, sont classées dans la catégorie des impôts courants sur le
capital. Cet impôt pèse d'un poids très important au Royaume-Uni.
Des réformes ont été récemment menées ou sont en cours dans de nombreux pays
européens, en particulier dans les nouveaux États membres. Leur objectif est
notamment de trouver la meilleure méthode pour déterminer la valeur des bases
d'imposition afin d'améliorer le rendement de cet impôt et surtout de garantir une plus
grande équité : surface utile ou valeur des biens, vénales ou cadastrales. Les
administrations fiscales sont souvent confrontées à la difficulté de disposer d'un
cadastre fiable et actualisé et de déterminer les valeurs de marché, C'est un sujet de
préoccupation dans plusieurs nouveaux États membres, mais également dans les pays où
la révision cadastrale est déjà ancienne (en France par exemple).
Cette dégradation proviendra en grande partie de la diminution des recettes fiscales qui
sont adossées à des flux économiques volatils et qui sont donc les plus sensibles à la
conjoncture les impôts sur les revenus des ménages (impactés par la hausse des taux de
chômage et la baisse des revenus) et des entreprises (baisse des bénéfices et de la
A l'occasion de la conférence sur les déficits publics, le 20 mai dernier, Gilles Carrez et
Michel Thénault ont présenté un rapport, fruit d'échanges entre des élus locaux, des
représentants des services ministériels concernés et des spécialistes des finances
locales.
Une très grande majorité d'élus a souscrit à l'état des lieux de ce rapport, qui montre :
- que, depuis 1994, les dépenses du bloc communal ont diminué en
pourcentage de PIB, de 16,2 % à 5,9 %,
- que l'endettement des collectivités locales reste puisqu'il représentait,
en 2008, 11 % de la dette nationale, alors que celles-ci comptent pour 20
% des dépenses et 73 % de l'investissement public.
Les propositions figurant dans le rapport ont profondément évolué au cours des débats.
Y figurent notamment
- le rejet d'une norme d'évolution des dépenses locales,
- la mise hors périmètre du gel des concours financiers de L'État du Fonds
de compensation de la TVA,
- l'abandon d'un « bonus-malus » sur les dotations, en fonction de critères
de bonne ou mauvaise gestion,
- le renforcement de la péréquation,
- la volonté de mettre fin à l'effet inflationniste des normes édictées par
l'État sur les dépenses locales,
- la nécessité d'un dialogue renouvelé entre l'État et les collectivités
locales.
La perspective d'un gel en euros courants des dotations de l'État aux collectivités
locales, découlant du gel des dépenses de l'État, n'a quant à elle pas recueilli le soutien
de la majorité des élus composant Le groupe de travail.
Le groupe de travail devrait se réunir une dernière fois sur le thème de la péréquation.
Rapport Carrez :
http://www.elysee.fr/president/root/bank_objects/20.05_Rapport_Carrez_Thenault.pdf
Dans votre prochain rapport, vous mettrez en exergue le fait que les dotations de
l'Etat ne peuvent continuer à augmenter.
Nous entrons dans une nouvelle période, après un moment où tant les dotations que la
prise en charge de la fiscalité locale ont bénéficié d'une certaine compréhension de la
part de l'Etat au niveau de son budget. La part de ce dernier consacré aux collectivités
locales a évolué plus vite que les autres volets des dépenses de l'Etat, et notamment
plus vite que le budget de l'Education nationale. Tout le monde perçoit que cette
situation ne peut plus durer. Dès lors, il existe une forte probabilité que les dotations
de l'Etat n'augmentent plus du tout.
Avec le gel des dotations en valeur, les finances locales ne vont-elles pas se
dégrader sous l'effet des dépenses nouvelles ?
L'autre idée forte de notre groupe de travail est justement le renforcement de notre
vigilance sur les transferts « rampants ». Il faut que nous fassions comprendre que les
collectivités ne peuvent plus assumer de nouvelles dépenses imposées. Le rapport du
groupe de travail attirera également l'attention du gouvernement sur l'impact des
normes et insistera sur le fait qu'il n'est plus possible de légiférer sur les compétences
transférées. A ce sujet, les parlementaires doivent également balayer devant leur porte.
L'addition des plans de rigueur peut-elle créer une récession européenne, voire
mondiale ?
Cela fait trente ans que cette question est posée. Certains économistes disent que les
dépenses publiques stimulent la croissance, et que ce surcroît de croissance finance le
supplément de dépenses publiques, tandis que d'autres économistes affirment qu'il faut
baisser les impôts pour libérer la croissance, et que les baisses d'impôts seront
compensées par les plus-values générées par la croissance. Tout cela n'a fait que créer
des déficits. À un certain niveau de dette, il n'y a plus de confiance. Comment pourrait-
on faire repartir la machine en ajoutant de la dette à la dette ? Il faut donc commencer
par rééquilibrer nos comptes.
Quant aux propositions effectuées par l'AMF et les associations du bloc local en vue
d'améliorer le texte de la réforme, la mission n'a donné une suite favorable qu'aux
demandes relatives à l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER)
- indexation sur l'inflation du barème (« soumise à arbitrage »),
- attribution au seul bloc communal de l'intégralité de l'IFER « éoliennes »
et réévaluation du tarif.
Le rapport est en revanche muet sur les autres points soulevés par tes associations, et
notamment sur :
- le remplacement de l'imposition spécifique des titulaires de
- bénéfices non commerciaux par un nouvel impôt (et non par une dotation),
- l'application d'un critère supplémentaire (ex : surface occupée) pour la
répartition de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises)
des entreprises multi-établissements.
La première « clause de revoyure » ne sera pas examinée au mois de juillet.