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2012/3 n° 55 | pages 27 à 42
ISSN 1293-6146
ISBN 9782352400691
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2012-3-page-27.htm
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d’après-crise ?
p. 27
Repenser la dette
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L
a crainte nationale et la mécompréhension que nous [1] Ce texte est une
traduction de l’article
avons de la dette, des déficits et des emprunts ne sont « Rethinking debt », publié
pas illogiques, étant donné leur rôle dans la Grande par la revue Democracy
(www.democracyjournal.
Récession qui continue d’étouffer notre économie [1]. org), n° 23, hiver 2012,
Mais une telle confusion est aussi terriblement destructrice. Elle a que nous remercions de
nous avoir autorisés à le
contribué à nous mener dans la récession, et elle nous empêche reprendre [toutes les notes
sont de la rédaction].
de nous en sortir.
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intérieur brut (PIB). D’autre part, si vous ne pouvez pas taxer p. 29
efficacement et sérieusement vos citoyens, comme en Grèce, tout
niveau de dette est une menace fondamentale. (Notez que je fais
ici une distinction entre les niveaux et les tendances. La projec-
tion qu’avec les politiques actuelles le gouvernement fédéral va,
année après année, dépenser beaucoup plus qu’il ne récoltera est
évidemment insoutenable.)
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Durant des siècles, les gens ont emprunté pour acheter des
maisons, mais dans les années 2000 ils ont dépassé les limites.
La combinaison de trois facteurs clés a permis aux gens de
s’installer dans des maisons qu’ils ne pouvaient pas payer. En
termes économiques, le risque a été sous-évalué, et un risque
sous-évalué est toujours ce qui met le feu aux poudres, gonflant la
bulle de la dette. Le premier de ces facteurs était l’ingénierie finan-
cière grâce à laquelle les prêts hypothécaires ont été regroupés
et vendus à des investisseurs, ce qui a conduit les prêteurs à être
moins préoccupés par la capacité des emprunteurs à rembourser
leurs prêts. Le deuxième était les faibles garanties demandées,
les prêteurs étant réticents à évaluer de façon réaliste le montant
de la dette que les gens pouvaient assumer en toute sécurité. Et
le troisième était une toile de fond souvent négligée mais indis-
pensable à tout cela : le manque de croissance des revenus des
classes moyennes. Le revenu réel médian des ménages en âge
de travailler a diminué de 10 % entre 2000 et 2010, passant de
61 600 dollars environ à 55 300 dollars en 2010. Et ce n’est pas
juste une question de récession : il a aussi chuté de 2001 à 2007,
lorsque l’économie était en expansion. Or, quand les revenus
stagnent ou baissent, le seul recours des classes moyennes en
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âge de travailler est d’exploiter le marché du crédit, en particulier p. 31
lorsque le crédit n’est pas cher et facile à obtenir.
Ce qui est différent – et qui est pour une bonne part derrière
les déficits structurels des dernières années (en tenant compte du
ralentissement cyclique) –, c’est la baisse des recettes, consé-
quence des réductions fiscales de Bush et de leurs extensions,
sans oublier les guerres en Irak et en Afghanistan. Depuis leur
introduction au début des années 2000, les réductions d’impôt ont
amputé les recettes fiscales de la nation de centaines de milliards
de dollars chaque année. Au cours des dix prochaines années,
on s’attend à ajouter 3 600 milliards de dollars à la dette. Sans
ces coupes, notre budget à moyen terme (disons, au cours de la
prochaine décennie) serait viable.
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comme ceux du Congressional Budget Office, jugent la durabilité p. 33
des projets de budget selon que le ratio dette/PIB est en hausse
ou en baisse. Shiller souligne cependant que cela consiste à
rassembler une mesure annuelle (le PIB) et une mesure de la
dette qui est résolument non annuelle. Nous n’avons pas à refi-
nancer la dette publique tout entière chaque année. Par exemple,
il pourrait sembler intuitif de dire que, si la dette publique est
de 100 % du PIB, nous sommes en faillite, ce qui bien sûr n’est
pas le cas. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, ce ratio a
dépassé 100 %, et ce pour une bonne raison. Une décennie plus
tard, il était de 52 %.
Le coût de l’emprunt
Au moment où j’écris cette phrase, les bons du Trésor américains
à cinq ans sont assortis d’un taux d’intérêt d’environ 1 %, un taux
historiquement faible. Pourquoi si bas ? Parce que l’économie
est fragile, que les pressions inflationnistes sont faibles, que les
actions sont instables, et que l’Europe est dans le pétrin. Toutes
ces raisons font des titres hypersécuritaires comme les bons du
Trésor un investissement hautement souhaitable. C’est effective-
ment une dynamique importante et salutaire dans une économie
avancée avec des marchés financiers matures. Elle signale que le
gouvernement devrait emprunter et autoriser des déficits concer-
nant des mesures temporaires pour stimuler la croissance. ›››
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budget équilibré via des coupes budgétaires agressives. Lorsque p. 35
l’économie est sur la trajectoire d’une solide expansion, nous
avons tendance à vouloir que le ratio déficit/PIB diminue chaque
année, mais il n’a pas besoin d’aller à zéro ou à l’excédent tout
de suite. L’équilibre primaire est un but intermédiaire convenable.
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veau. Sur le long terme, nous devons vivre selon nos moyens. Nous p. 37
ne pouvons pas continuer à dépenser plus que nous n’obtenons en
termes de recettes, au risque, à la fois, de ne plus pouvoir assurer
le remboursement de la dette mais aussi de ne pas pouvoir finan-
cer les biens et services publics que nous voulons et que nous
devons fournir. Mais le problème le plus grave dans l’immédiat,
celui que nous n’essayons même pas de traiter, est le fait que
notre système est tellement irrationnellement nerveux au sujet de
la dette publique que nous ne dépensons pas assez en matière de
politique contracyclique. Ce que nous faisons revient à accepter
implicitement la grande fragilité de l’économie actuelle, le fort
taux de chômage et de sous-emploi dans la population active.
Je mentionne ces trois auteurs parce que chacun d’entre eux [3] John Cassidy, How
Markets Fail. The Logic
a compris dans quelle mesure les défaillances du marché sont of Economic Calamities,
courantes sur les marchés financiers. Bien qu’Alan Greenspan et New York (NY), Farrar,
Straus and Giroux, 2009.
d’autres aient souligné les idées de Smith sur les incitations de
marché, il est fascinant de contempler la leçon que livrerait Smith
au « maestro » en ce qui concerne les théories contemporaines sur
l’autocorrection des marchés financiers. Comme expliqué dans
le livre essentiel de John Cassidy (How Markets Fail) [3], « Smith
et ses successeurs […] croyaient que le gouvernement avait le
devoir de protéger le public contre les escroqueries financières
et les paniques spéculatives, qui étaient communes aux XVIIIe
et XIXe siècles en Grande-Bretagne ». Les hommes politiques
d’aujourd’hui ignorent commodément ce Smith qui a écrit dans
La Richesse des nations : « De tels règlements devraient sans
doute être considérés, à certains égards, comme une violation de
la liberté naturelle. Mais les efforts que ces quelques individus
fournissent pour exercer leur liberté naturelle pourraient bien
mettre en danger la sécurité de la société tout entière. Ils sont et
devraient être contrôlés par tous les gouvernements. L’obligation ›››
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Comme je l’ai souligné au début de cet essai, la dette est non p. 39
seulement saine, mais également essentielle à la croissance.
Emprunter à l’avenir pour investir au présent est l’une des clés
pour améliorer le futur. Ainsi, une partie des profits qui découle-
ront de cet investissement pourra être utilisée pour rembourser
la dette. […] Dans cette perspective, l’incertitude et le risque
doivent être pris en considération, et sur un marché rationnel,
c’est le taux d’intérêt qui fixe le prix du risque. C’est d’ailleurs
souvent ce qui se passe au début d’un processus de reprise
économique. La croissance revient sur le devant de la scène, les
entreprises et les ménages redeviennent progressivement actifs,
et les prêteurs amorcent leur retour vers un degré raisonnable de
prudence dans l’évaluation des possibilités de prêt.
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relance monétaire, l’opération Twist de la Fed [5], qui n’est autre p. 41
qu’un allègement quantitatif, risquent fort de ne pas se révéler
d’une grande efficacité.
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