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Dossier spécial
Femmes et maladies hémorragiques : quelles spécificités ?
La maladie de Willebrand touche aussi bien les femmes que les hommes. L’hémophilie peut également affecter les femmes :
on compte un certain nombre de conductrices qui présentent des symptômes, et quelques cas exceptionnels d’hémophilie.
Pour chacune de ces maladies, la prise en charge des femmes n’est pas en tout point identique à celle des hommes : elle
pose au contraire des questions bien spécifiques. C’est pourquoi il nous a semblé important de leur consacrer ce dossier.
Conductrices de l’hémophilie :
ce qu’il faut savoir
Par le Dr Valérie Gay, médecin spécialiste de l’hémophilie au centre de traitement
de l’hémophilie (CTH) de Chambéry, avec la collaboration du Dr Sandra Fert Ferrer,
généticienne au centre hospitalier de Chambéry.
un de son père et un de sa
mère. Si un des deux X porte le gène anormal, le deuxième X normal compense en partie le déficit et
l’expression clinique chez la femme est rare. Mais elle porte l’anomalie et peut la transmettre : elle est
dite « conductrice ».
De ce fait, peuvent être conductrices :
© toutes les filles d’un homme hémophile ; on parle alors de « conductrices obligatoires » ;
© la sœur d’un garçon hémophile ou la fille d’une femme conductrice ont un risque sur deux d’être
elles-mêmes conductrices ;
© la mère d’un hémophile est très probablement conductrice, a fortiori si elle a deux garçons
hémophiles ;
© les collatéraux d’un hémophile (toutes les femmes du côté maternel, même de parenté éloignée).
En théorie, s’il n’y a pas de bénéfice direct pour Elles sont dites symptomatiques. Au quoti-
la petite fille, il est préférable d’attendre qu’elle dien, il peut y avoir des risques, surtout lors
ait atteint la majorité pour faire cette recherche des sports de contact et lors de la prise d’anti-
de mutation du gène, laquelle nécessite d’ailleurs inflammatoires.
un consentement écrit du patient. Il est préconisé de faire un bilan de coagulation
en cas de chirurgie, notamment avant une
I
Quelles incidences le statut extraction dentaire ou une intervention ORL.
de conductrice peut-il avoir Les premières règles de la patiente peuvent être
sur la vie quotidienne? abondantes, nécessitant une exploration de la
Dans la plupart des cas, les patientes conductri- coagulation. Mais, le plus souvent, comme pour
ces de l’hémophilie ont des taux de facteur VIII les maladies de Willebrand, le facteur VIII et le
ou IX supérieurs à 30 %, ce qui n’engendre pas de facteur IX ont tendance à augmenter dans la
saignement. Elles n’ont donc aucun signe clini- deuxième partie du cycle, juste avant les règles.
que et sont dites asymptomatiques.
Si le taux est inférieur à 30 %, elles peuvent avoir Quel traitement ?
des signes cliniques : ecchymoses, saignements En cas de règles abondantes ou d’hémorragie lors
au moment des règles ou lors d’une chirurgie. des premières règles, le diagnostic sera fait par le
I Grossesse et accouchement :
comment cela se passe-t-il ?
La nature est bien faite : il y a, en général, une
ou cinq jours.
© En cas de saignements pendant l’accouche-
ment, la desmopressine pourra être utilisée
augmentation notable des taux de facteurs de juste avant la césarienne ou après clampage
coagulation pendant la grossesse. Cette augmen- du cordon. Elle n’est pas contre-indiquée lors
tation est maximale entre la 29e et la 35e semaine de l’allaitement.
pour le facteur VIII. L’augmentation est moindre © Quant au nouveau-né, potentiellement hémo-
pour les déficits en facteur IX et en facteur XI. phile, il faudra lui prélever un bilan sanguin
Il est, de ce fait, préconisé de faire un dosage du à la naissance, en évitant les injections intra-
facteur VIII ou du facteur IX chez les femmes musculaires.
conductrices de l’hémophilie au troisième trimes- Un enfant d’une patiente conductrice d’hémo-
tre de la grossesse, soit vers 32-34 semaines4. philie sera mieux pris en charge, qu’il soit ou
4• Greer I.A. et al., 50 % de facteur suffisent pour une coagulation non hémophile, dans un centre hospitalier
British Journal of normale et permettent de mener à bien une gros- spécialiste de cette problématique.
Obstetrics and
Gynaecology, 1991; 98: sesse et un accouchement.
909-18. Lors du suivi de la grossesse, au vu des résultats En conclusion
5• Demers C., Journal of
Obstetrics and des taux de facteurs entre la 32 e et la 34 e La symptomatologie des conductrices d’hémo-
Gynaecology Canada, semaine, les recommandations finales pour philie est peu connue. Nous conseillons aux
2005 Jul. ; 163 : 719-
732. Kadir R.A., l’accouchement seront données5. patientes de se renseigner pour savoir si elles sont
Haemophilia, 1997; 3: © Il est préconisé de faire accoucher la femme symptomatiques ou pas, et de connaître leur taux
81-86.
conductrice dans une maternité de niveau 3 de facteur de coagulation dans la vie courante et
avec présence, dans l’hôpital, d’un hématolo- au cours de leurs grossesses, afin d’éviter toute
gue, d’un service de pédiatrie et d’un centre de complication.
Pour plus d’informations : contactez Murielle Pradines, responsable de la commission « Femmes et hémophilie » (coordonnées
au dos de la revue). De nombreux projets sont en cours !
« Chacun sait que l’hémophilie est une maladie transmise par la mère
à l’enfant mâle. » Mais qu’en est-il des quelques cas, certes rares, de
filles hémophiles ? Le risque est indéniablement très limité. Mais contrai-
rement à ce que disent encore certains médecins à de futures mères
Emma,
9 ans, fille conductrices, le risque zéro chez les filles n’existe pas. La preuve : notre fille
hémophile A est hémophile A sévère.
sévère.
Lorsque mon mari et moi expliquons le statut pathologique de notre famille, nous
suscitons au mieux surprise et étonnement, au pire, incrédulité et dédain de la part de certains praticiens.
Que faire en cas d’urgence, lorsque l’hématologue de garde qui vous voit arriver avec votre fille conteste
le diagnostic posé de longue date par l’équipe extrêmement compétente qui la suit ? « Vous plaisantez,
une fille hémophile, vous devez confondre… » Ce genre de réflexion n’est certes pas monnaie courante,
mais nous l’avons déjà entendu.
L’objectif de notre témoignage est de susciter la curiosité des médecins, de remettre en question les
connaissances que l’on pense maîtriser, d’inviter chacun d’entre nous à conserver une âme d’enfant, c’est-
à-dire à ne pas considérer que tout est acquis.
A notre connaissance, le nombre d’hémophiles de sexe féminin se compte sur les doigts d’une main en
France. Quelle que soit la raison génétique qui explique la naissance d’une petite fille hémophile (père
hémophile et mère conductrice, inactivation du chromosome X...), il convient de savoir qu’elles existent,
qu’elles sont fort rares mais bien présentes dans le paysage de l’hémophilie.
Certes, pour les filles comme pour les garçons, la prophylaxie est mise en place selon des critères simi-
laires et les accidents hémorragiques sont de même nature. Néanmoins, les questions soulevées par
l’existence de ces quelques cas sont nouvelles. Elles portent avant tout sur le passage à la puberté.
Comment gérer cette étape cruciale dans la vie d’une jeune femme ? Quels sont les protocoles envisagés
par les médecins ? Quelles sont les précautions à prendre en cas de grossesse et durant l’accouchement ?
Notre famille n’en est pas encore là. Mais n’oublions pas les autres.
C’est là que l’Association française des hémophiles joue un rôle important. La mission de l’association se
veut complémentaire de celle des médecins. Au-delà d’une information médicale, elle permet aux famil-
les, aux patients atteints d’hémophilie ou de la maladie de Willebrand d’échanger expériences et points
de vue, tout en fournissant soutien et réconfort aux personnes concernées. Sa mission est également
d’informer le corps médical des aspirations des adhérents, d’être un interlocuteur privilégié auprès des
pouvoirs publics. Pour que chacun soit représenté, écouté et entendu.
Olivia Romero-Lux
© Type 1 : maladie de Willebrand la plus fréquente (environ 80 % des cas). Il s’agit d’un déficit quantitatif –
rarement grave – en VWF. Les symptômes : des bleus (ecchymoses), des saignements des gencives (gingi-
vorragies) ou du nez (épistaxis)… Cela dit, la maladie est souvent asymptomatique et peut rester longtemps
méconnue ; il est courant que le diagnostic soit fait à l'occasion d'une chirurgie lors du bilan préopératoire,
de soins dentaires, ou, pour une jeune fille, lors des premières règles qui peuvent être particulièrement
abondantes.
© Type 2 : le VWF est affecté d’une anomalie fonctionnelle et/ou structurale. Il existe de nombreux sous-types :
2A, 2B, 2M, 2N… L’expression hémorragique de ces différents sous-types est variable et dépend essentiel-
lement de la gravité de l’anomalie du VWF. A noter : le type 2B est parfois compliqué d’une thrombopénie
(déficit en plaquettes) et le type 2N est caractérisé par un déficit en FVIII plus sévère que le déficit en VWF.
© Type 3 : déficit quantitatif sévère ou total en VWF. 1 personne sur 500 000 est concernée. Les accidents
hémorragiques sont fréquents (hématomes, hémarthroses) et éventuellement graves.
* Lire aussi la revue n° 167, juin 2004, pages 21 à 24. Voir aussi la fiche d’information disponible sur le site www.orpha.net