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Revue germanique

internationale
17  (2013)
L’herméneutique littéraire et son histoire. Peter Szondi

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Pedro Süssekind
L’Historicité de l’œuvre d’art. Essai sur
l’affinité entre Peter Szondi et Antonio
Candido
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Pedro Süssekind, « L’Historicité de l’œuvre d’art. Essai sur l’affinité entre Peter Szondi et Antonio Candido », Revue
germanique internationale [En ligne], 17 | 2013, mis en ligne le 01 juin 2016, consulté le 02 juin 2016. URL : http://
rgi.revues.org/1380 ; DOI : 10.4000/rgi.1380

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L’Historicité de l’œuvre d’art.
Essai sur l’affinité entre Peter Szondi
et Antonio Candido

Pedro Süssekind
(Département de Philosophie, Université Fédérale Fluminense)

1. Considérations sur la réception brésilienne


Au Brésil, avec la traduction récente de quelques livres, l’œuvre de Peter
Szondi devient peu à peu une référence dans les domaines de l’esthétique philo-
sophique, de la critique littéraire et de la théorie du théâtre. Les trois ouvrages
traduits – Teoria do drama moderno (Cosacnaify, 2001), Ensaio sobre o trágico
(Zahar, 2004), et Teoria do drama burguês (Cosacnaify, 2004) – sont devenus des
contributions fondamentales pour les discussions autour de la philosophie du
tragique, de l’évolution du théâtre moderne et de la poétique philosophique.
Cependant, eu égard à l’importance de l’œuvre et à son orientation herméneutique,
il paraît clair que cette réception est encore assez partielle.
En fonction peut-être de l’influence du premier livre traduit, elle a privilégié
surtout ses réflexions sur le théâtre. Le recours à l’apport de Szondi dans Teatro
pós-dramático de Hans-Thies Lehmann, ouvrage traduit récemment (Cosacnaify,
2008) et qui est rapidement devenu une citation obligée dans les études sur la
production théâtrale contemporaine dans les universités brésiliennes, ne vient que
confirmer cette tendance. Pourtant, une lecture orientée vers l’esthétique philoso-
phique est présente dans la thèse Modernidade e tragédia, soutenue en 2009 par
Raquel Imanishi Rodrigues à l’Université de São Paulo (USP), un des rares travaux
universitaires consacrés à Szondi au Brésil. Dans le domaine de la philosophie
encore, il est important de souligner aussi l’ouvrage de Roberto Machado1, O

1. Ancien élève de Deleuze et spécialiste de la pensée de Nietzsche, Roberto Machado, professeur


à la UFRJ (Université fédérale de Rio de Janeiro), est l’auteur d’une œuvre considérable qui se réfère
beaucoup à la philosophie française contemporaine et porte notamment sur des questions d’esthétique
(N.d.T).
104 L’Herméneutique littéraire et son histoire : Peter Szondi

Nascimento do trágico (2006), qui s’intéresse à la thèse centrale de Szondi sur les
débuts de la philosophie du tragique dans le contexte de la pensée allemande du
e
XIX siècle. Cependant, comme l’intérêt de l’auteur porte surtout sur Nietzsche,
cette reprise de la thèse de Szondi a un but très différent de celui qui oriente
l’Essai sur le tragique, à savoir une reconstruction des développements de la philo-
sophie du tragique selon un parcours historique qui aboutit à La Naissance de la
tragédie.
Ainsi, malgré l’intérêt de certains chercheurs, les contributions plus générales
de Peter Szondi à la philosophie de l’art, l’herméneutique et la critique de la
littérature sont encore très peu connues au Brésil. Il est possible que cette partialité
de la réception brésilienne soit progressivement corrigée, notamment avec la publi-
cation de nouvelles traductions, en particulier ses études sur Hölderlin et Celan,
Introduction à l’herméneutique littéraire et Poétique et philosophie de l’histoire.
En ce qui concerne la pratique et les propositions méthodologiques de Szondi
dans le champ de la théorie littéraire, la réception brésilienne croissante pourrait
toutefois rencontrer une affinité entre sa pensée et les présupposés de la production
critique de Antonio Candido, considéré comme l’un des plus importants théori-
ciens de la littérature du Brésil. Comme Szondi, qui a dirigé l’Institut de Littérature
Comparée à l’Université Libre de Berlin à partir de 1965, Candido a fait une
carrière universitaire très rapide, en ayant installé et consolidé, dans les années
1970, les recherches en théorie littéraire et en littérature comparée à l’Université
de São Paulo. Néanmoins, il me semble que l’affinité entre les deux auteurs va
bien au-delà de la ressemblance entre leurs trajectoires académiques : elle porte
sur les évaluations postérieures de leurs travaux et sur les débats auxquels ils ont
participé, ce qui inclut notamment des critiques adressées à leur approche histo-
rique ou sociologique de la littérature.
La critique de Gadamer visant un essai de Szondi sur un poème de Paul Celan,
publiée en 1972 dans un journal de Zurich, est un exemple de ces débats. Gadamer,
qui considérait que pour interpréter un poème il n’est pas nécessaire de connaître
sur lui des données particulières et contingentes, y critique l’attitude interprétative
de Szondi, qui se réfère à une série de détails biographiques. Dans un article sur
ce débat, Alfred Zimmerlin affirme que, si Szondi était en vie et pouvait répondre
à cette critique, il aurait sans doute soutenu que la référence aux éléments biogra-
phiques était une nécessité définie par l’analyse même du poème de Celan. En
effet, la méthode de Szondi a toujours privilégié une lecture proche de l’objet de
l’interprétation, où chaque œuvre, dans son autonomie, fournit les prémisses de
son interprétation. Il ne renvoie à des données extérieures, contextuelles ou biogra-
phiques que quand ces éléments sont mentionnés ou élaborés en quelque manière
dans le texte même.
Depuis le premier cours donné par Szondi en 1955 qui portait sur Rilke2, la
méthode adoptée implique ce minutieux travail d’interprétation. La richesse des
détails fournis par Szondi sur les poèmes de Rilke, qui incluent des informations
biographiques et des références contextuelles, servent à chaque moment, et sans

2. Cf. Peter Szondi, Das lyrische Drama des Fin de siècle, Francfort-sur-M., Suhrkamp, 1975, p. 379.
L’Historicité de l’œuvre d’art 105

concessions, la compréhension des poèmes. Le recours à des commentaires tirés


de lettres ou à des explications sur l’auteur et sur l’époque ne devient nécessaire
qu’à partir de la lecture minutieuse, comme si le critique voulait examiner les
poèmes au microscope. Or, cette manière de procéder est semblable à celle du
critique littéraire brésilien, Antonio Candido, qui était son contemporain.
Dans l’introduction de son ouvrage intitulé Formation de la littérature brésilienne
de 1959, Candido affirme concentrer tout son travail dans la lecture du texte, « en
utilisant les autres données comme auxiliaires de l’interprétation »3. Il y soutient
un type d’approche marquée par la « conviction que le point de vue historique
est une des manières légitimes d’étudier la littérature, en présupposant que les
œuvres s’articulent dans le temps »4. Il cherchait un équilibre entre le formalisme,
qu’il critiquait en raison de sa limitation aux éléments textuels, et les interprétations
non littéraires, qui expliquent les œuvres par les données sociales, biographiques
ou psychologiques. Son intention déclarée était « d’étudier chaque auteur dans son
intégrité esthétique », mais aussi de chercher à « saisir le phénomène littéraire de
la manière la plus significative et complète possible », ce qui impliquerait de
comprendre chaque œuvre d’art comme « une réalité autonome ». Ainsi, son
importance n’est pas due « au fait d’exprimer un aspect de la réalité, sociale ou
individuelle, mais à la manière dont elle l’exprime »5.

2. Formation de la critique brésilienne


Antonio Candido a été l’un des principaux représentants, au Brésil, d’un
changement dans la configuration des champs de la théorie et de la critique de la
littérature à partir de la fin des années 1950. D’une manière générale, les discussions
de l’époque font apparaître le processus par lequel la critique journalistique, ou
« critique de feuilleton », qui prédominait encore dans les années 1940 et 1950,
cède la place aux travaux universitaires d’une génération formée dans les facultés
de philosophie de Rio de Janeiro et de São Paulo (les deux créées dans les années
1930). Un exemple particulièrement illustratif de cette transformation est la
querelle qui a opposé Candido à Oswald de Andrade, un des principaux tenants
de ce mouvement littéraire. En réponse à la critique que Candido avait adressée,
dans une série d’articles de 1943, au caractère personnaliste de ses évaluations de
la littérature et à l’allure esthétisante d’un de ses livres, Oswald s’est contenté
d’ironiser sur le langage académique. Avec l’expression « chato-boys » [« garçons-
rasoirs »], qui désignait le groupe de son adversaire, Oswald a condamné ce qu’il
considérait comme une confusion entre le sérieux et l’ennuyeux. Son article montre
bien le type d’accueil réservé alors aux critiques « spécialisés » en s’appuyant sur

3. Antonio Candido, Formação da Literatura Brasileira, Rio de Janeiro, Ouro sobre azul, 2006,
p. 35.
4. Ibid., p. 30.
5. Ibid.
106 L’Herméneutique littéraire et son histoire : Peter Szondi

la pratique d’un journalisme littéraire orienté plutôt vers les tournures rhétoriques
et les polémiques que vers l’interprétation et l’analyse des œuvres6.
Candido a publié sa longue étude sur la formation de la littérature brésilienne
en 1959, après avoir soutenu sa thèse de doctorat en sociologie (Parceiros do Rio
Bonito, 1954), quand il était déjà considéré comme l’un des principaux critiques
littéraires du pays. Ce n’est pas un hasard si, dans l’introduction de ce livre qui
analyse le processus historique de formation de la littérature nationale, l’auteur
cherche à discuter la légitimité du point de vue historique ou, autrement dit, les
correspondances entre les structures littéraires et les éléments non littéraires qui
constituent la réalité sociale. Il s’agissait en effet d’une part très importante de sa
réflexion qui a marqué, du point de vue méthodologique, ses essais des années
1960.
Deux affirmations de Candido, extraites de travaux de cette époque, peuvent
illustrer la position qu’il soutient. La première est exposée dans le texte intitulé
« Entre campagne et ville », où les explications sur le changement de perspective
par rapport aux thèmes ruraux et urbains dans les romans de Eça de Queirós
renvoient à des circonstances propres à la société portugaise du XIXe siècle et à
certains aspects de la biographie de l’auteur : « Même si les données sociologiques
et psychologiques peuvent nous aider à reconstruire les racines et le sens de l’œuvre,
seule l’interprétation littéraire permet de construire un jugement plus ou moins
valide, parce que c’est seulement grâce à des critères spécifiquement littéraires,
quoique nourris d’un terreau non littéraire, que nous pourrions arriver à un juge-
ment de valeur7. »
La deuxième affirmation se trouve dans un essai dont le titre, « Structure litté-
raire et fonction historique », donne l’impression que le travail porte spécifique-
ment sur le problème ici en question, mais qui en réalité correspond à
l’interprétation d’un poème épique du XVIIIe siècle intitulé Caramuru, de Santa
Rita Durão. C’est à partir des connexions entre la vie sociale de l’époque et les
questions structurelles dévoilées dans la lecture critique du poème que, à la fin
de l’essai, dans une conclusion qui justifie son titre et l’exemplarité de l’analyse,
Candido affirme : « Du point de vue méthodologique, nous pouvons conclure que
l’étude de la fonction historico-littéraire d’une œuvre n’acquerra sa pleine signi-
fication que quand on se réfère intimement à la structure de l’œuvre, ainsi nous
surmontons le hiatus souvent ouvert entre l’investigation historique et les orien-
tations esthétiques8. »
Commentant l’œuvre de son prédécesseur dans un ouvrage intitulé Sequências
brasileiras [Séquences brésiliennes], un autre critique brésilien très influent, Roberto
Schwartz, explicite cet effort d’articulation entre deux champs. Il considère en
effet que Candido « voulait démontrer par l’exemple la légitimité et même la
nécessité du passage entre l’analyse esthétique et la réflexion historico-sociale »9.

6. Cf. Flora Süssekind, « Rodapés, tratados e ensaios. A formação da critica brasileira», in : Papéis
colados, Rio de Janeiro, Editora da UFRJ, 1993, p. 13-33.
7. Antonio Candido, Tese e Antitese, Rio de Janeiro : Ouro sobre azul, 2006, p. 57.
8. Antonio Candido, Literatura e sociedade, Rio de Janeiro, Ouro sobre azul, 2006, p. 199.
9. Roberto Schwartz, Sequências brasileiras, São Paulo, Companhia das Letras, 1999, p. 24.
L’Historicité de l’œuvre d’art 107

Le commentaire de Schwartz prend comme exemple une troisième étude de


Candido, qui s’intéresse au roman naturaliste O cortiço, de Aluízio Azevedo. Cet
essai, « A passagem do dois ao três » [« Le passage du deux au trois »], rédigé
déjà dans les années 1970, adopte la démarche inusitée qui consiste à discuter un
dicton populaire contemporain de l’époque du livre, compris comme l’expression
d’une certaine mentalité des élites brésiliennes, pour ensuite faire des questions
soulevées par l’analyse sociologique du proverbe une clé de lecture identifiée dans
la structure même du roman. Schwartz ne souligne pas seulement que « le soin
dans l’appréhension et dans la description de la forme littéraire s’accompagne de
la description non moins structurée ni moins originale de réalités historiques perti-
nentes »10, mais aussi que les questions de la vie sociale sont considérées par
l’auteur, dans chaque cas, comme résultant de ses trouvailles critiques, et non
comme un cadre pour l’évaluation de la littérature.
Les trois essais de critique littéraire mentionnés reprennent les problèmes déjà
thématisés dans l’introduction citée au livre Formação da literatura brasileira. Inti-
tulées « Literatura como sistema », ces considérations méthodologiques présen-
taient clairement les deux positions antagonistes avec lesquelles l’auteur cherchait
à débattre. D’un côté, il s’agissait de contrer les anciennes lectures sociologiques,
historiques et psychologiques, qui soumettaient la littérature à des données exté-
rieures et entendaient les œuvres soit comme de simples illustrations des déter-
minations de leur milieu et de leur époque, soit comme les expressions de la
personnalité des écrivains. De l’autre côté, il s’agissait de s’opposer au formalisme
critique, alors en vogue, qui refusait, dans l’analyse de la littérature, n’importe quel
type de référent.
Dans la section intitulée « Présupposés », Candido affirme : « De nos jours, le
danger de se soumettre à l’analyse des données basiques, sociales et psychiques,
semble dépassé. Il y a eu une époque, en effet, où le critique cédait la place au
sociologue, au politicien, au médecin, au psychanalyste. Aujourd’hui, le danger
vient du côté opposé ; il vient des prétentions excessives du formalisme qui cherche,
dans les cas extrêmes, à réduire l’œuvre à des problèmes de langage, soit au sens
large de la communication symbolique, soit dans le sens strict de telle langue11. »

Il était important de comprendre le danger de faire du formalisme une


« méthode explicative », car les orientations de ce type d’études ne seraient que
des « techniques partielles d’investigation », à partir desquelles la recherche de la
forme et des structures analysées devrait être articulée à d’autres éléments qui font
aussi partie de la création littéraire. Ainsi, selon le commentaire de Schwartz, « dans
un moment où la tendance la plus prestigieuse de la critique internationale aban-
donnait le thème de la référence externe, comprise sous la forme banale du miroir
photographique, Antonio Candido faisait un effort réfléchi dans le sens opposé,
cherchant à préciser et à approfondir les termes de cette relation »12.

10. Ibid., p. 29.


11. Antonio Candido, Formação da literatura brasileira, p. 34.
12. Roberto Schwartz, Sequências brasileiras, p. 29.
108 L’Herméneutique littéraire et son histoire : Peter Szondi

3. Le matérialisme de Candido et de Szondi


L’affinité entre la théorie littéraire de Szondi et les idées de Candido apparaît
notamment dans les textes où les deux auteurs soutiennent une perspective histo-
rique pour la théorie littéraire. Il y a toutefois des différences importantes entre
les deux critiques, aussi bien du point de vue des procédés méthodologiques que
du point de vue des fondements de leurs théories. Szondi n’est pas, comme
Candido, un sociologue. Candido ne s’est jamais intéressé, comme Szondi, à l’étude
des théories herméneutiques et des présupposés historiques et philosophiques de
la littérature. En outre, il convient de mentionner la distance énorme entre les
contextes intellectuels de l’Allemagne de Szondi et du Brésil de Candido.
Sur cette distance, nous pouvons citer l’observation de Schwartz sur l’indigence
de la « réflexion critique sur la société » au Brésil du début du XXe siècle, en
comparaison avec la production théorique de gauche en Europe, dont la situation
a été déterminée de manière décisive par la présence d’une théorie sociale avan-
cée »13. C’est à partir de cette observation qu’il loue « le caractère discret mais
pionnier des essais de Antonio Candido, obligé de fournir lui-même l’histoire, la
sociologie et la psychologie sociale nécessaires au plein déploiement de ses obser-
vations sur le plan formel »14.
Cette « indigence » dont parle Schwartz doit toutefois être relativisée, car les
années 1930 et 1940 ont vu paraître les textes classiques de la production socio-
logique brésilienne, des ouvrages qui cherchaient à penser historiquement la société
brésilienne et ses contradictions, comme Casa Grande e Senzala (1933), de Gilberto
Freyre, Raízes do Brasil (1936) de Sérgio Buarque de Holanda, et Formação do
Brasil Contemporâneo (1942) de Caio Prado Júnior. La contribution de Candido
s’inscrit dans cette tradition naissante de réflexion sur l’identité culturelle du Brésil
qui dialogue avec les théorisations esthétiques et la production artistique des avant-
gardes de l’époque, comme l’indique d’ailleurs Schwartz. Cette position construc-
tive par rapport à une tradition que Candido cherche à réinventer à partir des
œuvres du passé, en dialogue et parfois en conflit avec son invention littéraire
récente par les avant-gardes modernistes, est sans doute bien différente de celle
qui caractérise le contexte intellectuel de l’après-guerre en Allemagne, où il s’agis-
sait plutôt de faire le procès d’une tradition antérieure mais bien trop grevée de
résonances politiques désastreuses. Sur la position de Szondi à cet égard, il serait
intéressant d’examiner sa correspondance avec Scholem, et surtout son lien avec
Celan, dont le geste poétique ne cesse de s’insurger contre sa langue et sa tradition
poétique, mais une analyse plus approfondie de ce problème dépasserait le but
que nous nous sommes fixé pour cette étude.
Malgré les différences et la distance, Candido et Szondi adoptent des procédés
propres à la critique matérialiste et cherchent un équilibre entre l’analyse des
formes littéraires et la pensée sur la réalité historique, sociale et individuelle. En
commentant le matérialisme de Candido, Schwartz va jusqu’à indiquer des relations

13. Ibid., p. 44.


14. Ibid., p. 45.
L’Historicité de l’œuvre d’art 109

entre les fondements de sa méthode et les réflexions de Walter Benjamin et de


Theodor Adorno, qui constituent deux références fondamentales pour la théorie
de Szondi.
Dans le texte où il commente l’essai de Candido sur le roman naturaliste O
cortiço, Schwartz affirme : « La capacité de voir la parenté historique entre des
structures éloignées est peut-être la faculté maîtresse de la critique matérialiste,
pour laquelle la littérature travaille avec des matériaux et des configurations qui
lui donnent sa substance et qui définissent son dynamisme. Nous soulignons que
l’objectif de ce type d’imagination n’est pas la réduction d’une structure à l’autre,
mais la réflexion historique sur la constellation qu’elles forment. Cela nous place
dans la perspective de Walter Benjamin avec l’acuité, dont il fait preuve, par
exemple, pour évaluer l’importance du mécanisme du marché dans la forme prise
par la poésie de Baudelaire15. »

Dans un débat de 1990 avec Paulo Arantes sur Formação da literatura brasileira,
Schwartz dit aussi que « Antonio Candido a une conception matérialiste et non
pas traditionaliste de la tradition » et, pour expliquer cette idée, il propose une
comparaison avec la pensée d’Adorno. Plus spécifiquement, il renvoie aux consi-
dérations du philosophe sur Schönberg, où l’on pourrait percevoir le même type
de « complémentarité entre traditionalisme sévère et capacité de révolutionner une
forme » que nous pouvons identifier dans la conception soutenue par Candido.
« C’est comme si les changements sociaux devenaient impensables en l’absence
d’une tradition rigoureuse »16, conclut Schwartz, faisant référence à la fois à la
philosophie de la musique d’Adorno et à la théorie littéraire du critique brésilien.
Szondi se réfère également à Adorno pour soutenir une sociologie de l’art au
sens authentique contre le procédé historiciste qui voit les œuvres comme de
simples illustrations des conditions sociales, et imagine qu’elles pourraient donc
être expliquées à partir d’éléments extralittéraires. Contre ce type d’approche, dans
l’introduction de ses cours de 1965 sur le drame lyrique, il affirmait : « Qu’une
sociologie de l’art soit possible qui pénètre dans l’œuvre d’art et dans ses problèmes
techniques (problèmes de la composition, de la dramaturgie) en tant que problèmes
sociaux ou socialement transmis, c’est quelque chose que nous savons au moins
depuis Adorno, dont les écrits musicaux et socio-musicaux […] ont beaucoup à
apprendre à la théorie littéraire.17 »

4. Considérations méthodologiques de Szondi


Szondi ne se propose pas seulement de penser les caractéristiques et les limites
des genres poétiques modernes, à partir de l’analyse concrète des œuvres, mais
aussi d’examiner comment les œuvres singulières échappent aux paramètres formels

15. Ibid., p. 28.


16. Ibid., p. 20.
17. Peter Szondi, Das lyrische Drama des Fin de siècle, op. cit., p. 25
110 L’Herméneutique littéraire et son histoire : Peter Szondi

prédéterminés. Ainsi, dans les introductions de ses livres et dans certains de


ses cours, il thématise la relation entre l’histoire et l’interprétation des œuvres
littéraires.
Aussi bien dans Théorie du drame moderne que dans l’Essai sur le tragique, ses
considérations méthodologiques s’intéressent à la conception du processus d’his-
toricisation de la poétique, où nous pouvons identifier la rupture de l’esthétique
allemande de la fin du XVIIIe siècle par rapport à la tradition classique et aristo-
télicienne. D’après lui, à partir de cette période, les genres artistiques sont conçus
comme des manifestations propres à chaque époque et non pas comme des formes
pré-établies, extérieures à l’histoire, c’est-à-dire comme des règles prescrites pour
l’obtention de l’effet visé. Ainsi, la réflexion sur l’art n’est plus liée à la détermi-
nation des genres et à l’enseignement de sa production, comme c’était le cas dans
les poétiques traditionnelles. Et ce changement de perspective constitue un point
de départ pour le développement de l’esthétique philosophique moderne.
La compréhension historique de la relation entre la poétique des genres et
l’esthétique philosophique de l’art amène à l’élucidation des étapes qui ont été
nécessaires pour l’élaboration d’une théorie qui, au lieu de déterminer des para-
mètres pour juger les œuvres, permet leur analyse critique, indépendante de règles
préétablies. Ainsi, Szondi soutient une conception de la critique comme interpré-
tation qu’il met en œuvre, par exemple, quand il identifie la crise du drame à
partir de l’analyse des pièces d’Ibsen, Tchékhov et Strinberg dans sa Théorie du
drame moderne.
Dans une introduction à la deuxième partie de cet ouvrage, Szondi discute du
changement dans les arts, évaluant le processus où la crise d’un genre permet ou
impose l’altération de sa forme traditionnelle, souvent à partir d’un nouveau champ
thématique. Mais les œuvres qui manifestent cette crise n’ont pas un caractère
éphémère en raison de leur appartenance à une période de transition d’un style à
l’autre. Au contraire, elles peuvent être des chefs-d’œuvre d’un genre déterminé,
même si elles en révèlent la crise.
Pour thématiser, au sein d’autres champs artistiques, le processus qu’il avait
analysé dans la dramaturgie, Szondi donne trois exemples : Stendhal, Cézanne et
Wagner, dont les œuvres ont rompu avec la forme traditionnelle de leur genre
et influencé décisivement de nouveaux styles apparus au XXe siècle. Si, dans la
forme traditionnelle du roman, fondée sur celle de l’épopée, un narrateur se
place devant son objet et le décrit, en revanche, le « monologue intérieur » des
romans psychologiques de Stendhal pénètre l’intériorité des personnages sans
présupposer la distance épique. Bien qu’il se développe à l’intérieur de la forme
traditionnelle, car ici la psychologie des personnages dévient l’objet analysé par le
narrateur, le monologue intérieur prépare une rupture qui arriverait, selon Szondi,
avec l’œuvre de James Joyce. Car, dans le stream of consciousness de Joyce, on ne
reconnaît pas un narrateur épique et « le monologue intérieur devient le principe
formel lui-même »18.

18. Peter Szondi, Theorie des modernen Dramas, in Schriften I, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1978,
p. 73.
L’Historicité de l’œuvre d’art 111

Dans le cas de Cézanne, une peinture encore fondée sur le cadre représentatif
traditionnel, c’est-à-dire sur le principe de l’observation immédiate de la nature,
contient déjà « l’origine de l’absence de perspective et du caractère synthétique
des styles postérieurs (comme celui des cubistes) »19. C’est pourquoi elle influencera
tout le développement de la peinture abstraite. De la même manière, la musique
de Wagner, qui demeure à l’intérieur du système tonal, ouvre la voie à l’atonalisme
de Schönberg.
Les périodes de crise montrent qu’une œuvre d’art n’est pas la simple réalisation
de quelque chose qui serait donné préalablement, et elle ne doit pas être évaluée
d’après la perfection formelle atteinte d’après les normes établies. Nous ne pouvons
pas non plus la prendre comme exemple pour illustrer la classification historique
ou pour caractériser les conflits culturels d’une époque. C’est l’approfondissement
d’une analyse interprétative qui permet de saisir l’histoire : elle se trouve précisé-
ment dans les œuvres d’art. À partir de cette évaluation de la tradition artistique,
on pourrait peut-être appliquer à Szondi les mots de Schwartz sur Candido : il
s’agit d’une « conception matérialiste et non pas traditionaliste de la tradition »20.
Dans un contexte qui renvoie également à la discussion sur un genre de la
littérature dramatique, l’Essai sur le tragique explicite les fondements philosophi-
ques de la théorie littéraire de Szondi. L’apport de la philosophie apparaît et dans
le contenu du livre, où Szondi commente le concept philosophique de tragique
dans les œuvres de douze auteurs, et dans les considérations théoriques exposées
dans l’« Introduction » comme dans la « Transition ». La première de ces consi-
dérations introductives, « Poétique de la tragédie et philosophie du tragique »,
s’ouvre par une phrase où s’énonce déjà une thèse ensuite adoptée ou discutée
par plusieurs théoriciens de la tragédie et du tragique : « Depuis Aristote il y a
une poétique de la tragédie, depuis Schelling seulement, une philosophie du tragi-
que »21. Et les commentaires de la première partie du livre reconstruisent l’histoire
de cette philosophie du tragique dans l’Allemagne du XXe siècle. La deuxième
considération, « Philosophie de l’histoire de la tragédie et analyse du tragique »
indique la crise de la philosophie du tragique au tournant entre le XIXe et le
e
XX siècle et propose une réponse à cette crise, à partir notamment de la théorie
esthétique développée par Walter Benjamin.
Ainsi, les commentaires de la première partie serviraient pour exposer un « tragi-
que » inhérent à la recherche de son concept universel dans la philosophie alle-
mande. Dans cette perspective, les analyses des tragédies, dans la deuxième partie
de l’essai, sont basées sur la thèse selon laquelle la théorie des œuvres d’art ne
doit pas chercher un concept général ni utiliser les œuvres pour illustrer des
contenus préétablis. Chaque œuvre singulière révèle une configuration, ou une
« idée », qui ne peut être exposée que dans la considération de l’œuvre elle-même.
Selon Szondi, la méthode adoptée par Benjamin dans l’Origine du drame baroque
allemand « est bien philosophique car elle veut connaître l’idée et non la loi formelle

19. Ibid.
20. Roberto Schwartz, Sequências brasileiras, op. cit., p. 20.
21. Peter Szondi, “Versuch über das Tragische”, in Schriften I, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1978,
p. 151.
112 L’Herméneutique littéraire et son histoire : Peter Szondi

de la poésie tragique, mais cette philosophie se refuse à voir l’idée de la tragédie


dans un tragique en soi, dans quelque chose qui ne soit lié ni à une situation
historique ni nécessairement à la forme de la tragédie, à l’art en général »22.
Les deux volumes des conférences de Szondi, intitulés Poétique et philosophie
de l’histoire, portent sur le thème du changement dans la réflexion sur l’art à partir
de la fin du XVIIIe siècle. Le premier volume débute avec des considérations qui
cherchent à présenter le passage de la poétique normative des Lumières, fondée
sur la tradition classique, à la philosophie de l’art inaugurée par les penseurs
idéalistes. Pour démontrer cette thèse, Szondi examine en détail les œuvres de
Winckelmann, Herder, Moritz, Schlegel, Schiller, Hölderlin, Jean Paul et Hegel.
Dans le deuxième volume, le thème de la transition est repris dans son contexte
plus restreint, c’est-à-dire le passage d’une poétique des genres normative à une
poétique spéculative qui s’inscrit dans les esthétiques postérieures à l’époque des
Lumières. Dans ce contexte, partant de l’analyse concrète des œuvres, Szondi
commente particulièrement la réflexion sur les genres artistiques chez Schiller et
Goethe et s’intéresse ensuite à l’esthétique des romantiques et de l’idéalisme. Ainsi,
il y souligne la relation de ces théories avec les poétiques existant depuis Aristote.
Dans l’introduction méthodologique d’un autre séminaire, Le drame lyrique de
la fin de siècle, Szondi reprend la question du passage des poétiques classiques à
la philosophie de l’art de caractère historique, mais il réfléchit cette fois-ci aux
développements de ce changement théorique dans l’esthétique contemporaine.
Adorno, Benjamin et Lukács, cités dans le séminaire sur le drame lyrique, ne
pensent pas les œuvres comme des exemples qui illustrent l’histoire de la littérature,
ou l’histoire de l’art en général, mais ils cherchent à interpréter la forme et le
contenu de chaque œuvre particulière, dévoilant ainsi la structure de continuité
ou de rupture avec le genre auquel elles se rattachent. Dans cette introduction
intitulée « Histoire des genres, histoire sociale et interprétation », Szondi présente
le sens d’une nouvelle transition dans la philosophie de l’art : « seule la perspective
qui permet de voir l’histoire dans l’œuvre nous satisfait, et pas celle qui permet
de voir l’œuvre dans l’histoire. Car l’histoire de la littérature n’est pas quelque
chose qui existe en dehors des œuvres littéraires, comme une carte où de petits
drapeaux, les œuvres, marqueraient certaines positions »23.

5. Conclusion comparative
Dans la critique que Szondi adresse à l’historicisme présent dans l’esthétique
du XIXe siècle se montre la proposition fondamentale de sa méthode, proposition
qui pourrait servir comme réponse aux objections de Gadamer, mentionnées au
début de cette étude. Szondi soutient une théorie de la littérature qui, tout en
reconnaissant l’autonomie de l’œuvre d’art, propose une lecture proche du texte,

22. Ibid., p. 201.


23. Peter Szondi, Das lyrische Drama des Fin de siècle, op. cit., p. 16 (toutes les citations de Szondi
ont été traduites par moi de l’original, P.L).
L’Historicité de l’œuvre d’art 113

où toutes les questions discutées trouvent leur source, mais qui, à partir de cette
lecture, prend en compte la dimension historique.
Cela entre en consonance avec les idées d’Antonio Candido. Car, dans l’intro-
duction de Formação da literatura brasileira, il est question de souligner l’autonomie
des œuvres d’art dans la mesure où, « au contraire de ce que présupposent les
formalistes, la compréhension de l’œuvre ne peut pas se passer de la considération
d’éléments initialement non littéraires »24. Résultant d’une transfiguration de ces
éléments, le poème, le roman ou la pièce de théâtre ne les annulent pas. C’est
pourquoi la connaissance de la réalité qui était au point de départ de la création
littéraire peut enrichir l’exercice de la critique. Il donne cette définition : « Une
œuvre est une réalité autonome dont la valeur est dans la formule qu’elle a obtenue
pour transposer des éléments non littéraires : impressions, passions, idées, faits,
événements qui sont la matière première de l’acte créateur. »25 S’il avait les mêmes
références philosophiques que Szondi, le critique brésilien aurait pu renvoyer ce
principe méthodologique à l’essai sur Les Affinités électives de Goethe, où Walter
Benjamin considérait que l’interprétation de la « teneur concrète » des œuvres,
l’objet des commentaires, est la condition préalable d’accès à sa « teneur de vérité »,
l’objet authentique de la critique.
C’est ainsi qu’il conclut ses considérations sur l’autonomie de l’œuvre : « Bref,
à l’étude de la littérature importe ce que le texte exprime. La recherche de la vie
et du moment vaut moins pour établir une vérité documentaire, souvent inutile,
que pour observer si dans les déterminations du milieu et dans la biographie il y
a des éléments qui éclairent la réalité supérieure du texte. Selon le cadre habituel,
elle est parfois un glorieux mensonge26. »
Dans son commentaire sur Candido, Schwartz associe cette réflexion à propos
des éléments non littéraires de la littérature avec la notion d’historicité. En repre-
nant les idées du critique brésilien, il constate : « Les formes que nous rencontrons
dans les œuvres sont la répétition ou la transformation, avec des résultats variables,
de formes préexistantes, artistiques ou non artistiques »27. C’est à partit de ce
constat qu’il définit l’objet de la critique littéraire dans des termes qui explicitent
l’affinité avec la méthodologie de Szondi : « Du point de vue des études littéraires,
l’importance de cette notion est dans l’amalgame hétérogène de relations histori-
ques et sociales que la forme articule toujours et qui fait de l’historicité – ce que
la critique doit déchiffrer – la substance même des œuvres »28.
Je souligne cette notion d’« historicité » dans l’observation de Schwartz sur
Candido, car elle est utilisée également par Szondi dans un passage décisif de ses
réflexions méthodologiques, passage qui aborde aussi la question de l’autonomie
des œuvres d’art. Il s’agit ici de comprendre la relation entre littérature et histoire :
« Ce qui constitue l’historicité de l’œuvre d’art est la discussion, dans chaque
œuvre, […] entre ce que l’artiste prétend réaliser et ce qu’il pressent, entre l’inten-

24. Antonio Candido, Formação da literatura brasileira, op. cit., p. 35.


25. Antonio Candido, Formação da literatura brasileira, op. cit., p. 35.
26. Ibid., p. 36.
27. Roberto Schwartz, Sequências brasileiras, op. cit., p. 31.
28. Ibid.
114 L’Herméneutique littéraire et son histoire : Peter Szondi

tion et les conditions de sa réalisation, entre la forme historiquement transmise et


la matière historique actuelle, entre un passé et aussi un présent dont la commu-
nication dans l’œuvre d’art pointe aussi vers l’avenir, contient abstraitement sa
propre utopie.29 »

Ainsi, le point de départ pour la théorie de l’art doit être l’analyse critique des
œuvres, où les informations biographiques et historiques, la définition du genre
et les références intertextuelles sont toujours au service d’une interprétation atten-
tive. En ce sens, la critique ne délaisse pas la réflexion historique, mais elle
comprend l’histoire comme quelque chose d’immanent à chaque œuvre d’art parti-
culière, comme quelque chose qui habite les trois dimensions temporelles « ou,
mieux encore, les trois participent de l’œuvre et constituent cette tension interne
qui est son historicité »30.
Selon Szondi, la critique contemporaine renverse la perspective théorique des
esthétiques traditionnelles car elle ne permet pas l’application de définitions préa-
lablement établies pour juger les œuvres – que ces définitions soient normatives
ou historico-philosophiques. Dans les termes de Candido, nous pourrions dire que
la critique n’a pas recours aux éléments historiques pour cadrer les œuvres et
pouvoir les interpréter, mais que la critique déchiffre, dans la structure des œuvres,
les éléments de la réalité non littéraire qui font partie, quoique transfigurés, de la
réalité supérieure du texte. D’après les propos de Szondi et de Candido, la critique
littéraire doit donc pénétrer la tension interne de chaque œuvre analysée dans le
but de percer à jour son historicité, historicité qui prend en compte la relation
ambiguë et dialectique entre chaque œuvre particulière et la tradition dans laquelle
elle s’inscrit, entre le contenu et la forme, entre la matière première et le texte qui
est la structure résultant de son élaboration poétique.

Traduit du portugais par Patricia Lavelle

29. Peter Szondi. Das lyrische Drama des fin de siècle, op. cit., p. 16.
30. Ibidem, p. 17.

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