Perspectives chinoises

Le bonze sans foi ni loi se rapproche de Hong Kong

Xavier Gange

Citer ce document / Cite this document :

Gange Xavier. Le bonze sans foi ni loi se rapproche de Hong Kong. In: Perspectives chinoises, n°30, 1995. pp. 41-45;

doi : https://doi.org/10.3406/perch.1995.1907

https://www.persee.fr/doc/perch_1021-9013_1995_num_30_1_1907

Fichier pdf généré le 24/04/2018

 HONG KONG /CHINE

Le bonze sans foi ni loi

se rapproche de Hong Kong

un sujet d'inquiétude quant à la près de la frontière entre la

façon dont la Chine risque Malaisie et la Thaïlande. Le cargo,
d'évoluer à leur égard après 1997 : qui transportait une cargaison de
1 - des ressortissants étrangers cigarettes au Cambodge, a été
d'origine chinoise sont détenus contraint de jeter l'ancre dans le
arbitrairement sans possibilité de port de Shanwei (province du
contacter leur ambassade avant Guangdong) et l'équipage serait
d'être jugés sommairement ou détenu sous l'accusation de
envoyés en camps de laogai ou de contrebande. Un autre cargo de la même
laojiao ; compagnie avait subi un sort
2 - des Chinois travaillant pour semblable quelques mois auparavant.
une société étrangère en Chine sont
détenus arbitrairement. 26 juin - Les pêcheurs de Hong
Kong ont lancé un appel au
Voici la chronique de ces gouvernement pour qu'il organise des
événements tels qu'on les trouvait relatés patrouilles et coordonne ses actions
par l'ensemble de la presse avec celles du gouvernement
quotidienne de Hong Kong au cours de chinois, afin d'être protégé des
ces trois derniers mois. Comme il attaques de pirates du continent.
s'agit de faits divers importants Cet appel fait suite à l'attaque d'un
ayant fait les gros titres de toute la remorqueur près de l'île de Cheung
presse, anglaise ou chinoise, aucun Chau (butin des pirates : 3.000
journal n'est cité en particulier. dollars HK en cash).
Le
PAR
populaire
mots
le
ni
signifie
dessus
merapprocherait-il
qui
tenté
multiplier
relation
Kong
d'affaires
enlever
rançon
piraterie
Chinois
territoriales,
de
leur
l'complicité
en
chinoise
territoriales
arbiou
une
avocat
administrative
laogai
cas
directement
Hong
saurermée
trai42A
31cheveux
rbonze
que
Hong
ement
plus
dequi,
-XAVIER
la
des
-territoire
parodie
quoi
ou
pour
de
des
sont
en
ouvert
une
des
Macao
dans
ou
des
Kong
sépare
de
(1)
sede
par
(active
ou"la
en
flagrantes
bonze
le
cas
continentaux
bien
Chine
etde
Kong,
actes
incursions
ainsi
ilde
se
sa
transfert
signifier
rétrécit
le
opérées
résidents
sont
simple
ou
croire
-des
la
Chine
GANGE
ressortissants
loi"
la
notamment
faut
suivants:
fa,
Hong
de
expression
fondant
tête.
plus
ou
Macao
police
sont
que
(heshang
ou
de
les
de
presse
tenant
déambulant
gangsters
de
ou
dont
Hong
parfois
justice
-Macao,
ajouter
commis
de
laojiao
en
ni
décision
ne
Ce
1997
souvent
avec
ressortissants
le
banditisme
arrêtés
passive)
de
dans
condamnés
Kong.
dans
"sans
leurs
chinoise.
de
voyant
un
Ciel
-laps
concernant
sur
locale
la
son
bonze
Kong
en
des
avec
demande
(procès
homophone
plus
les
Hong
?da
marine
dans
un
deux
).eaux
constituent
foi
locaux.
un
visible
dehors
On
parapluie
de
-chinoise
par
hommes
eaux
san)
camp
àde
n'ayant
se
la
nijeu
se
en temps
autres
serait
Hong
ou
celles
Kong
après
loi",
sans
font
plus
des
pas
est
de
au
de
2 juillet - Les corps affreusement
Chronique mutilés d'un homme d'affaires de
13 juin - L'un des hydroglisseurs Hong Kong et de sa secrétaire ont
qui assurent quotidiennement la été découverts le 29 juin dans des
liaison Macao-Hong Kong, avec sacs en plastique dans la banlieue
130 personnes à bord, est détourné de Canton. Sham Ka-yan possédait
sur une petite île située dans les une usine de chaussures près de
eaux territoriales chinoises par des Canton.
bandits continentaux armés
jusqu'aux dents ayant embarqué à 8 juillet - Une Hongkongaise de
Macao. Après avoir menacé de trente ans, Mme Ng Oi-yung, est
faire sauter le navire avec une détenue à Shenzhen depuis le mois
bombe et raflé un butin de dix de décembre dans un camp de
millions de dollars de Hong Kong dans laojiao pour "atteinte à l'ordre
le coffre et sur les passagers public". Ancienne résidente de
terrorisés, ils regagnent la Chine sur un Shenzhen, elle avait participé à une
hors-bord. manifestation contre la police
locale organisée par les habitants du
24 juin - On apprend le village de Henglong'an pour
détournement par la marine chinoise d'un protester contre leur expropriation.
cargo singapourien, le Hye Mieko, Depuis sa condamnation à une

PERSPECTIVES CHINOISES N°30 JUILLET / AOUT 1995 41

HONG KONG /CHINE
peine de deux ans et demi de lao-
jiao, Ng, qui a interjeté appel, n'a
toujours pas trouvé d'avocat, ceux
de Shenzhen ayant proclamé
ouvertement leur "répugnance à offenser
les autorités".
La représentante chinoise d'une
société étrangère en Chine - la
filiale hongroise de Duke Group USA à
Tangshan, dans le nord de la Chine
- Mme Lu Guizhi, est détenue sans
jugement ni procédure depuis 20
jours. A l'origine de cette
détention, un litige commercial : Duke
Hungary avait commandé aux
usines Xingle des vêtements qui
sont arrivés en Hongrie avec un
mois de retard et en mauvais état,
ce qui a entraîné de lourdes pertes
pour la firme. A la suite de quoi
Duke Hungary a refusé de verser à
Xingle sa part de bénéfices sur les
ventes. Xingle s'est alors adressé à
la Sécurité publique, qui a arrêté Lu
Guizhi. Duke Hungary demande la
libération de sa représentante en
Chine ainsi que des dommages-
intérêts. Une requête a été faite
dans ce sens auprès du ministère
chinois des Affaires étrangères,
mais sans aucun effet. (La revue
chinoise Liaowang écrivait dans
son. numéro de juillet : "La
croissance économique de la Chine a
encouragé des comportements
égoïstes qui ont conduit beaucoup
de Chinois à mettre leurs intérêts
personnels au-dessus de ceux du
pays. Certains employés chinois de
société étrangères osent aider ces
dernières à se livrer à la fraude et
leur livrent même des secrets
d'Etat").
9 juillet - Un porte-parole de la
Sécurité publique de la province du
Guangdong annonce que ses
60.000 policiers sont incapables
d'assurer la sécurité des hommes
d'affaires de Hong Kong, après le
meurtre, la semaine dernière, de
l'homme d'affaires kidnappé Sham
Ka-yan et de sa secrétaire, cette
dernière ayant été tuée (après avoir
été violée, selon certains journaux)
42
alors qu'elle apportait la rançon. "Il
faut que les hommes d'affaires de
Hong Kong se protègent eux-
mêmes", déclare notamment le
porte-parole de la Sécurité, ce qui
semble être une invitation à avoir
recours aux services de gardes du
corps privés. On apprend d'autre
part que le principal suspect a été
arrêté dans le nord-ouest de la
Chine, à Lanzhou (province du
Gansu) : il s'agit d'un certain Qiao
Lifu, qui n'est autre que...
l'instructeur d'arts martiaux de la police de
Shenzhen. Qiao était, apprend-on,
le principal proxénète de
Dongguan, où il contrôlait
pratiquement tous les saunas, bars et
karaokés du district.
11 juillet - Le PDG de la société
Kin Son Electronic, So Kin-keung,
qui avait disparu au début du mois
de juillet, est détenu par la police
de Shenzhen depuis le 7 juillet, a
annoncé la Sécurité de Shenzhen.
A Hong Kong, la cotation des
actions Kin Son est suspendue, le
Conseil d'administration attendant
des éclaircissements.
14 juillet - Bilan du kidnapping
d'un hommes d'affaires cantonais
et de son amie, après une fusillade
la veille entre les ravisseurs et la
police : cinq morts (trois bandits,
Arrestation de Qiao Lifu et de ses deux complices
un policier, l'un des deux otages).
La scène s'est déroulée à Nanhai, à
une quarantaine de kilomètres de
Canton. La police avait voulu
tendre un piège aux ravisseurs lors
de la remise de la rançon (800.000
HK dollars). Bien que les victimes
du kidnapping ne soient pas des
ressortissants de Hong Kong, toute
la presse du territoire fait la "une"
sur cette affaire, qui a mobilisé la
police et l'armée. Au total,
apprend-on, 3.500 coups de feu ont
été échangés. La presse s'interroge
sur les risques qu'encourent les
hommes d'affaires de Hong Kong
lorsqu'ils
dangereuse" du abordent
Guangdong
la "zone
- le district
de Dongguan étant cité comme le
plus dangereux de tous. L'ensemble
de la presse cite abondamment des
témoignages et des conseils
d'hommes d'affaires de Hong
Kong pour éviter de se faire
enlever. Il en ressort, 1 ) que le recours à
des gardes du corps est loin de
constituer une protection absolue,
ceux-ci ayant de fortes chances
d'être affiliés à un gang et de se
retourner un jour contre leur client;
2) qu'à défaut de précautions plus
efficaces, il faut se faire le plus
discret possible : ne pas se promener
en costume occidental, éviter de
porter une montre de grande
marque, etc.
PERSPECTIVES CHINOISES N°30 JUILLET/ AOUT 1995

Le capitaine du cargo singapou-
rien H'ye Mieko, détourné par la
marine chinoise le 23 juin, et qui
vient de regagner Hong Kong,
parle.
L'arraisonnement du cargo par un
patrouilleur de la marine chinoise a
bel et bien eu lieu près de la
frontière entre la Malaisie et la
Thaïlande. Une douzaine de marins
chinois armés de fusils-mitrailleurs
montent à bord et ordonnent à
l'équipage de mettre le cap sur la
Chine. Le 27 juin, à 70 miles
environ des eaux territoriales de Hong
Kong, ils lui ordonnent de s'arrêter.
Une partie de la cargaison de
cigarettes est alors débarquée sur le
patrouilleur chinois, qui disparaît
pendant deux heures. Le
lendemain, le cargo accoste à Shanwei,
port du Guangdong situé à l'est de
Hong Kong. L'équipage est
emmené dans un hôtel, où il est maintenu
sous bonne garde par des policiers
locaux. Le capitaine : "Ils ont voulu
me faire signer une déclaration
selon laquelle les cigarettes
confisquées en mer avaient été
déchargées sur deux bateaux de pêche
chinois. Il fallait que je spécifie que
tout cela s'était passé dans les eaux
territoriales chinoises et que
l'équipage s'était livré à des activités de
contrebande". Toujours selon le
capitaine, le restant de la cargaison
a été confisqué trois jours avant la
libération de l'équipage et
l'autorisation enfin donnée au Hye Mieko
de quitter Shanwei. Le cargo a
alors mis le cap sur Hong Kong,
selon les instructions de sa
compagnie.
19 juillet - Selon la police de Hong
Kong, le taux de criminalité dans le
territoire a augmenté de 9,2% au
cours du premier semestre 1995 par
rapport à la même période de l'an
dernier. Une des causes de cette
augmentation est, selon l'Assistant
Police Commissionner David
Hodson, l'immigration illégale
venant de Chine ainsi que les
"vacances criminelles" (crime
holidays) que s'offrent des gangs
PERSPECTIVES CHINOISES N°30 JUILLET / AOÛT 1995
nois du continent grâce à des visas
leur permettant de passer deux
jours dans la colonie. La police
relève une augmentation sensible
de la criminalité dans le nord des
Nouveaux Territoires, tout près de
la frontière chinoise. Le rapport
relève d'autre part une baisse
sensible des vols de voitures de luxe
destinées à être revendues en
Chine, mais une augmentation des
vols de motos et de camions.
26 juillet - Un cargo vietnamien, le
Mien Trong, a été arraisonné la
veille par la marine chinoise dans
les eaux internationales alors qu'il
avait quitté le port chinois de
Shantou (province du Guangdong)
pour gagner Haïphong, et a été
contraint de jeter l'ancre dans le
port de Yantian (province du
Guangdong), non sans avoir
traversé les eaux territoriales de Hong
Kong. La Royal Navy, informée,
n'est pas intervenue. Selon la
marine chinoise, le cargo vietnamien,
qui transporte notamment des
voitures chinoises d'occasion, est
suspecté de faire de la contrebande.
Déclaration de Lee Wing-tat,
membre du Parti démocratique à
Hong Kong : "Si la Chine ne
respecte pas les eaux territoriales,
comment les gens peuvent-ils être
sûrs que la marine de la Zone
économique spéciale de Shenzhen, par
exemple, les respectera après 1997
30 juillet - La police de Shenzhen a
libéré il y a une semaine un
ressortissant de Hong Kong, un certain
Liang, qui avait été kidnappé, et a
arrêté les huit ravisseurs présumés.
La famille de la victime avait reçu
un appel des kidnappeurs le 19
juillet, exigeant une rançon de
500.000 HK dollars.
31 juillet - Le quotidien
communiste Da Gong Bao annonce que
les autorités chinoises ont
ar aison é trois bateaux au sud de l'île de
Lantau, dans les eaux territoriales
chinoises, et arrêté 30 pêcheurs
HONG KONG /CHINE
nois suspectés d'avoir commis une
centaine d'actes de piraterie dans la
Rivière des Perles ainsi que dans
les eaux territoriales de Hong
Kong. Mais cette nouvelle suscite
le scepticisme du reste de la presse,
qui relève que de telles opérations
sont, dans le passé, demeurées sans
conséquences - les autorités
chinoises n'ayant jamais fait état de
procédures judiciaires suivant les
arrestations annoncés. En fait il
semble que l'opération ait été
montée en réponse à un communiqué de
l'Organisation Maritime
internationale (dépendant des Nations-
Unies) publié la semaine
précédente et relevant l'aggravation de la
piraterie en Mer de Chine du Sud
durant les douze derniers mois.
2 août - Les administrateurs de la
société Kin Son Electronic, dont le
PDG, So Kin-keung, est toujours
porté disparu, ont mis la société en
liquidation judiciaire. La
disparition de So serait due
principalement à un litige concernant un
emprunt de 2 millions de dollars
US contracté auprès de la Banque
de Construction populaire de Chine
pour financer une joint venture en
Chine. La Kin Son s'était engagée
depuis plus d'un an dans des joint
ventures avec la Chine, notamment
dans les secteurs des
télécommunications et de l'immobilier.
3 août - Chong Sin-wai, homme
d'affaires de Hong Kong, vient
d'être relâché par le gang de
Shenzhen qui l'avait kidnappé il y a
un mois, après avoir versé une
rançon de 2,7 millions de HK dollars.
La femme de Chong avait prévenu
la Sécurité publique de Shenzhen,
mais celle-ci a refusé d'intervenir,
estimant qu'il s'agissait d'une
"affaire civile".
20 août - La police maritime du
Guangdong a annoncé qu'elle avait
arrêté 39 personnes s'étant livrées à
la piraterie dans le delta de la
Rivière des Perles et qu'elle avait
saisi pour deux millions de yuans
43
HONG KONG /CHINE
de contrebande. Selon la police,
des "douzaines d'actes de
piraterie" ont été commis dans cette
région depuis le mois de mars.
Neuf "pirates" ont été arrêtés le 5
juillet et 30 autres le 27 juillet.
28 août - Un conducteur de camion
de Hong Kong dont le véhicule
avait été volé à Shenzhen accuse la
Sécurité publique chinoise de lui
avoir extorqué 75.000 yuans de
"frais d'enquête" pour sa
restitution. La somme exigée était à
l'origine de 140.000 yuans, soit 15% de
la valeur du camion, mais son
propriétaire, contacté, a réussi, après
négociations, à faire baisser la
somme. Le conducteur, Cheng Chi-
kin, avait été violemment agressé à
Shenzhen, puis jeté hors de son
camion après avoir été volé, le 12
août. L'affaire vient d'être révélée à
Hong Kong au cours d'une
conférence de presse.
44
Selon une enquête du South
China Morning Post, des
chauffeurs de poids lourds de Hong
Kong paient des millions de HK
dollars à la police chinoise pour
pouvoir échapper aux
embouteillages à la frontière. Il en coûte
de 1.200 à 3.000 dollars mensuels
pour éviter des files d'attente de
deux heures à six heures.
L'acquittement de cette somme
donne l'accès à un "club", dont les
membres ont le privilège
d'échapper aux amendes et aux
confiscations de véhicules en territoire
chinois. Ce trafic est en place depuis
deux ans.
Commentaire
De ces événements, malgré leur
disparité, se dégage une impression
générale : la Chine se rapproche, et
ses problèmes sont, désormais,
aussi ceux de Hong Kong, à
mencer par sa criminalité
incontrôlée (voir ci-dessus l'étonnant aveu
d'impuissance de la Sécurité
publique du Guangdong), dont les
hommes d'affaires de Hong Kong
sont devenus une cible privilégiée.
Quant aux cas de piraterie commis
en dehors du territoire ou des eaux
territoriales chinois, ils relèvent,
eux, d'un banditisme d'Etat. Peut-
on raisonnablement espérer le
respect des limites territoriales de la
"Zone administrative spéciale" de
Hong Kong après 1997, quand des
militaires chinois arraisonnent un
bâtiment à des centaines de
kilomètres de leurs eaux territoriales
pour piller sa cargaison? A
supposer que de telles pratiques soient
désavouées et combattues par
Pékin et les commandements
militaires régionaux, ne démontrent-
elles malgré tout que la Chine est
devenue ce bonze "sans foi ni loi"
du dicton populaire ?
PERSPECTIVES CHINOISES N°30 JUILLET/ AOÛT 1995

De fait, la Chine tend déjà à
imposer sa "loi", c'est-à-dire les
pratiques claniques et quasi-
mafieuses qui en tiennent lieu, aux
ressortissants de Hong Kong et
Macao ou aux Chinois d'outre-mer
qui se trouvent sur son territoire, et
même quelquefois en dehors de son
territoire . Il faut rappeler à ce sujet
l'enlèvement il y a deux ans, dans
un hôtel de Macao, de l'homme
d'affaires australien d'origine
chinoise James Peng et son "transfert"
dans la zone économique spéciale
de Shenzhen, voisine de Hong
Kong. Jugé sommairement en
novembre 1993 et condamné pour
malversations, Peng croupit
toujours dans une cellule où
s'entassent trente personnes, en attendant
d'être jugé en appel. Ni son
passeport australien ni les nombreuses
interventions de Canberra en sa
faveur ne lui ont été de quelque
secours. En effet Peng est ethnique-
ment chinois ; à ce titre il est
victime d'une conception extrémiste du
jus sanguinis qui était jadis celle
du pouvoir impérial et qui, bien
qu'ayant été rejetée expressément
par la République populaire dans la
loi sur la nationalité de 1955,
continue d'être appliquée dans les faits :
peu importe la nationalité acquise
par la naissance ou la résidence sur
un sol étranger, seule compte
l'appartenance ethnique, attestée par
les caractéristiques raciales (type
mongol) assorties d'un patronyme
chinois. En vertu de cette
conception de la nationalité, tout
"Chinois" relève exclusivement de
la juridiction chinoise. Inutile de
dire que les ressortissants de Hong
Kong, sont particulièrement
vulnérables à de telles pratiques. Tout le
monde n'a pas, comme Harry Wu,
la chance d'avoir un passeport
américain et le Congrès derrière
soi.
En matière de légalité, ce qui se
passe à Shenzhen, à quelques
dizaines de kilomètres de Hong
Kong, n'incite guère à l'optimisme,
et notamment l'affaire Wang Bing,
révélée par la presse à la fin du
PERSPECTIVES CHINOISES N°30 JUILLET / AOUT 1995
mois de juin. Wang Bing est l'un
des trois fils du général Wang Zhen
(l'un des vétérans du Parti
communiste chinois, aujourd'hui décédé),
tous reconvertis dans les affaires et
à la tête d'importantes sociétés au
début des années 90. Dirigeant à
Shenzhen la China Ocean
Helicopter Corp., le colonel Wang
Bing (il a en effet gardé son grade
militaire) réclame à l'un de ses
anciens associés, Chen Xianxuan,
quelque dix millions de yuans en
remboursement de sommes prêtées.
Il décide de faire enlever Chen le
24 juin, alors qu'il dispute une
partie de golf, et celui-ci, emmené
dans l'hélicoptère personnel de
Wang, disparaît de la circulation
pendant 48 heures. Le Da gong
bao, journal communiste de Hong
Kong, affirme d'abord qu'il a signé
pendant sa "détention" une
confession de ses malversations, avec ses
empreintes digitales. Finalement,
sur intervention directe de Pékin,
Chen sera libéré, et le litige entre
les deux hommes devra se régler
devant les instances judiciaires,
dans le cadre d'un différend entre
deux sociétés. Le Da gong bao
peut dès lors écrire que dans cette
affaire, qui décidément fait très
mauvais effet, "personne n'est
poursuivi pour enlèvement". Il faut
dire que Chen Xianxuan n'est pas
non plus n'importe qui : époux de
la petite fille de Ulanfu (2), il est
également un familier de Wu
Xiaolan, la femme de Ye Xuanping
- l'ex-gouverneur du Guangdong,
surnommé "l'empereur du sud"),
Wu étant présidente d'honneur de
la société créée par Chen. Cela
explique vraisemblablement sa
libération rapide. Ce qui frappe
dans toute cette affaire, c'est le
comportement de "prince" de
Wang Bing, se considérant comme
au-dessus des lois, et ne se
distinguant d'un vulgaire mafioso que
par le fait d'avoir fait enlever son
ennemi... par des membres de la
Sécurité publique de Shenzhen au
lieu de sbires à sa solde. C'est ainsi
que l'on conçoit la "loi" au-delà de
HONG KONG /CHINE
la rivière Shenzhen : des
règlements de compte de clan à clan, de
puissance à puissance, la "force
publique" se mettant, dans ces cas-
là, au service du plus fort.
De telles moeurs vont-elle gagner
Hong Kong après 1997 ? L'osmose
entre le territoire et le continent
chinois est désormais telle que la
réponse dépend surtout de Pékin et
de sa capacité à imposer dans la vie
économique du pays une "règle du
jeu". Ce qui est sûr, c'est que la
corruption a déjà gagné du terrain à
Hong Kong: 1' Independent
Commission against Corruption
(ICAC) a relevé une augmentation
de 56% des cas de corruption dans
le secteur privé entre 1992 et 1994,
leur nombre passant de 1.167 à
1.827. Pour le seul premier
trimestre de 1995, 380 cas similaires
ont été recensés. L'ICAC estime
que cette aggravation s'explique en
grande partie par l'intensification
des rapports avec la Chine, les
hommes d'affaires de Hong Kong
ayant tendance
"contaminer" par les moeurs
à se laisser
du continent
et les sociétés chinoises implantées
à Hong Kong se faisant de plus en
plus nombreuses (un millier
environ). Selon un sondage effectué par
l'ICAC l'an dernier auprès des
grandes sociétés de Hong Kong, les
trois quarts d'entre elles craignent
une aggravation de la corruption
après 1997. n
1. Le laogai ("réforme par le travail") et le lao-
jiao ("rééducation par le travail") diffèrent en
ceci qu'il faut, pour être condamné au premier,
passer devant un tribunal, alors que pour le
second - limité en principe à trois ans - une
décision administrative suffit. Condamnés au
laogai et au laojiao se côtoient dans les mêmes
camps.
2. Ulanfu, ancien secrétaire du Parti de la
Mongolie intérieure, ancien vice-président de la
République populaire de Chine, mort en 1988.
45