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MUR PASSÉ, LEUR PRÉSENT, LEUR AVENIR
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rationnel technique et pratique, moral, économique et social, financier et administratif,


légal, législatif et contractuel
EN FRANCE ET A L'ÉTRANGER

ETUDES THÉORIQUES 8 PRATIQUES


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| ssu ANcE coNTRE LEs AccIDENTs - L'AssURANCE CONTRE L'INCENDIE
| AssuRANcE coN nE LEs RIsQUEs DEs TRANsPoRTs MARITIMEs ET TERREsTREs
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ALBERT CHAUFTON
DOCTEUR EN DR01T
AvocAT U coNsEiL D' ÉTAT ET A LA COUR DE CASSATION

0UVRAGE C0UR0NNE PAR L'INSTITUT


(PRIx LÉoN FAUCHER)

TOME PR EMIER.

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LIBRAIRIE A. MARESCQ AINÉ
A. CHEVALIER-MARESCQ, SUCCESSEUR
20, RUE soUFFLoT, 20
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Châteauroux. — Imprimerie et Stéréotypie A. MAJESTÉ.
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LEUR PASSÉ, LEUR PRÉSENT, LEUR AVENIR
AU POINT DE VUE

rationnel, technique et pratique, moral, économique et s0cial, financier et administratif,


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ÉTUDES THÉORIQUES 8 PRATIQUES


L'ASSURANCE SUR LA vIE
L'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTs– L'AssURANCE CoNTRE L'INCENDIE
L'AsSURANCE CONTRE LES RISQUEs DES TRANSPORTS MARITIMES ET TERRESTR bs
L'AssURANCE CoNTRE LA GRÊLE
L'AssURANCE CoNTRE LA MoRTALITÉ DU BÉTAIL

PAR

ALBERT CHAUFTON
DOCTEUR EN DROIT
AvoCAT AU CONSEIL D'ÉTAT ET A LA COUR DE CASSATION

OUVRAGE COURONNÉ PAR L'INSTITUT


(PRIx LÉoN FAUCHER)
TOME PREMIER

LIBRAIRIE A. MARESCQ AINÉ


A. CHEVALIER-MARESCQ, SUCCESSEUR
20, RUE soU FF LoT, 20

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( ENERAL
AVANT-PROPOS .

I. Concours pour le prix Léon Faucher de 1883.


II. Extrait du discours prononcé par M. le Président Paul Pont, Prési
dent de l'Académie des sciences morales et politiques, à la séance pu
blique annuelle de cette Académie le 10 novembre 1883.
III. Extrait du rapport présenté par M. Léon Say, au nom de la section
d'Économie politique de l'Académie des sciences morales et politi
ques, sur le concours ouvert pour le prix Léon Faucher de 1883.
IV. Quelques réflexions sur l'objet du présent ouvrage.

I. Sur le rapport fait au nom de sa Section d'Économie


politique, l'Académie des Sciences morales et politiques
dans sa séance du 14 novembre 1880, avait adopté pour le
prix Léon Faucher de 1883 le sujet de concours suivant :
Les Assurances. Étudier leurs origines, les développements
qu'elles ont reçus et qu'elles peuvent recevoir, les principes
sur lesquels elles reposent et les avantages qu'elles peuvent
présenter à la société.

Dans sa séance du 7 juillet 1883 l'Académie a statué


sur ce concours. Adoptant les conclusions du rapport pré
senté par M. Léon Say au nom de la Section d'Économie
politique, elle a décerné le prix Léon Faucher à l'auteur
du mémoire inscrit sous le n° 2.
II. Dans le discours qu'il a prononcé à la séance publi
VI | AvANT-PRoros

que annuelle de l'Académie des Sciences morales et poli


tiques du 10 novembre 1883, le Président de l'Aca
démie, M. le Président Paul Pont, s'exprime ainsi sur le
résultat du concours :
L'Académie a eu cette année à juger deux concours ou
verts pour le prix Léon Faucher. . . ,
- - - - - - - 2 - - -

Plus heureuse dans le second concours, l'Académie dé


cerne le prix, et accorde en outre deux mentions- honora
bles. . · · · · · · · · · · · · · · · · .
« Il a été soumis au jugement de l'Académie cinq mémoi
res, tous estimables, et dont l'un, inscrit sous le n° 2, est un
ouvrage considérable et du plus haut mérite. Si l'auteur a de
commun avec ses concurrents l'enthousiasme qui, selon l'ex
pression de l'éminent rapporteur de la section d'Économie
politique, est le lien qui unit les cinq mémoires, on peut dire,
quant à lui, que son enthousiasme ne l'aveugle en aucune
manière, et que, toujours maître de sa pensée, il a su la
conduire dans tous les détails du sujet avec une suite et
une rigueur qui indiquent une réelle compétence. L'assu
rance, à ses yeux, est un mécanisme qui met en jeu une
force. Elle est le mécanisme à l'aide duquel s'opère le partage
des pertes de diverse nature que peut subir le patrimoine de
l'homme. La force qu'elle met en jeu est la solidarité hu
maine sous la forme de la mutualité. Ce mécanisme obéit à
des lois précises que la statistique détermine. La loi fonda
mentale, c'est que la prime doit être exactement propor
tlonnée au risque.
Au point de vue économique, l'assurance est la compensa
tion des effets du hasard sur le patrimoine de l'homme par la
mutualité organisée suivant les lois numériques qui régissent
le cours des choses. L'organisation scientifique de la mutua
lité est une idée essentiellement moderne. Notre siècle a cher
ché la loi de la mutualité, et il essaye de l'organiser : tel est
le sens de la réforme opérée dans l'assurance au XlX° siè
cle.
Cette force doit être résolument appliquée à tous les objets
AVANT-PROPOS VII

qui en comportent l'emploi. Appliquée au patrimoine du


pauvre, c'est-à-dire à sa capacité de travail, elle peut atté
nuer dans une large mesure le fléau du paupérisme. L'insti
tution des Sociétés de secours mutuels, en France, n'est, se
lon l'auteur, qu'un moyen très imparfait tenté en ce sens,
parce que ces Sociétés ne sont pas constituées conformément
aux principes rationnels de l'assurance. Selon l'auteur encore,
l'assurance doit agir librement sous l'impulsion des intérêts
privés. L'État ne doit pas la confisquer ni s'en réserver l'ex
ploitation exclusive.
Et ici, prenant corps à corps la doctrine contraire du pro
fesseur Wagner de Berlin, l'auteur, dans une longue et lu
mineuse discusion, montre qu'en fait, l'État n'a jamais été
qu'un très médiocre entrepreneur d'assurances. En elle
même, d'ailleurs, la théorie de l'assurance par l'État est con
traire à la notion de l'assurance, en ce qu'elle n'admet pas le
principe de la classification et de la sélection des risques, qui
est la base essentielle de l'assurance. Le véritable rôle de
l'État consiste à faire de l'assurance préventive, c'est-à-dire
d'aviser par des lois ou par des mesures réglementaires, à
prévenir les sinistres ou le mal que l'assurance proprement
dite est appelée à réparer. Seulement par rapport à cette
assurance proprement dite, à l'assurance réparatrice, un de
voir s'impose à l'État : il doit contrôler les entreprises pri
vées, notamment les entreprises d'assurances sur la vie, parce
qu'elles reposent sur des contrats à longue échéance, et don
ner à ce contrôle une complète publicité : c'est le système du
contrôle de l'État contrôlé lui-même par l'opinion publique.
Tel est, dans son économie et très sommairement résumé, le
travail de l'auteur. On y peut relever certains points fort su
jets à contestations. Mais quelle que soit l'opinion exprimée
par l'auteur sur ces points, tous livrés à la controverse, il
reste que son œuvre remplit avec abondance et talent le
programme du concours. L'Académie décerne donc le prix au
mémoire inscrit sous le n°2 et portant pour devise cette pen
sée de Pascal : L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de
la nature, mais c'est un roseau pensant.
L'ouvrage que nous offrons aujourd'hui au public n'est
VIIl AVANT-PROPOS

autre que le mémoire n° 2. Nous ne saurions l'introduire


auprès du lecteur sous de meilleurs auspices, et avec un
plus légitime espoir de le voir favorablement accueilli,
qu'en ajoutant à la lumineuse analyse et à l'appréciation
si flatteuse pour nous de M. le Président Paul Pont
l'extrait suivant du beau rapport de l'éminent rapporteur
de la Section d'Économie politique.

« Le mémoire auquel votre Section propose de décerner le


prix, dit M. Léon Say, est un ouvrage considérable. Il
compte près de 1,900 pages in-folio et se divise en cinq livres,
subdivisés eux-mêmes en un grand nombre de chapitres.
Le livre I" traite en 397 pages de la théorie de l'assurance :
le livre II, en 181 pages, de son côté social et économique ; le
livre III donne en 156 pages un aperçu de l'histoire des assu
rances dans le passé et de leur situation dans le présent ; le
livre IV traite en 416 pages de la grave question de l'assu
rance par l'État, et le livre V enfin consacre 685 pages au
droit et à la législation. Le programme de l'Académie est
rempli avec abondance ; les documents sont extrêmement
nombreux et bien choisis ; ce qu'on peut leur reprocher, c'est
d'encombrer le mémoire. L'œuvre aurait gagné en clarté si
l'auteur avait rejeté dans un appendice un grand nombre de
documents à consulter, après en avoir indiqué sommairement
l'esprit dans le texte et en avoir discuté la valeur.
Nous ne ferons pas devant l'Académie un compte rendu
suivi de ce mémoire. Ilsuffira d'en faire connaître les grands
côtés et de montrer comment il pose, discute et résout quel
ques-unes des questions qu'il avait à examiner.
L'assurance est une institution sociale : elle doit donner
naissance à des opérations individuelles, et le rôle de l'Etat
doit se borner à prévenir les sinistres, par une organisation
de plus en plus perfectionnée des services publics de sûreté, de
police et de surveillance.
Telles sont les idées dominantes que l'auteur a exposées
avec des développements extrêmement intéressants dans les
deux principaux livres de son mémoire, les livres II et IV.
AVANT-PROPOS IX

Dans ses développements, il est amené à produire une série


de conclusions qui peuvent se résumer comme il suit :
L'assurance est une science qui se suffit à elle-même : elle
a su établir une équation mathématique entre les efforts de
chaque jour et les malheurs du lendemain. Les sociétés de
secours mutuels, les pensions de retraite servies par le Gou
vernement à ses anciens fonctionnaires, sont des assurances
imparfaites et antiscientifiques, qui doivent disparaître pour
être fondues un jour dans des associations professionnelles
embrassant toute la surface du pays, et constituées librement
sur des bases scientifiques. L'État doit se borner à contrôler ;
son action n'a pas d'autre but que la sécurité et son objet doit
être de garantir contre les fraudes les populations auxquelles
des sociétés particulières offrent les moyens de passer des
contrats d'assurance ou de s'organiser en mutualités.
L'assurance est, suivant la définition de l'auteur, la com
pensation mutuelle des effets du hasard sur le patrimoine de
l'homme. Elle a pour objet de répartir les fonds destinés à
couvrir les pertes dues au hasard. Pour réunir les fonds à ré
partir, elle se sert de l'épargne d'abord et de la capitalisation
ensuite. L'épargne et la capitalisation sont le premier et le
dernier mot de l'assurance. Mais il ne faut pas plus con
fondre avec elles les caisses de capitalisation que les caisses
d'épargne. L'assurance s'appuie sur une série d'opérations de
banque, sans se confondre avec elles. Le grand problème
qu'elle cherche à résoudre, c'est de mesurer les risques afin
de déterminer la prestation de chaque assuré conformément
à la justice, c'est-à-dire à la vérité. La mutualité ne peut
d'ailleurs compenser les effets du hasard qu'en observant les
lois de la statistique, c'est-à-dire les lois numériques qui ré
gissent le cours des choses.
La statistique est la base nécessaire sans laquelle la mu
tualité ne serait qu'un leurre. L'égalité des primes doit, en
conséquence, être considérée comme destructive de l'assu
rance, puisque l'assurance a justement pour objet l'apprécia
tion scientifique de l'inégalité des risques auxquels il y a lieu
de proportionner les primes. L'auteur reconnaît qu'on a re
proché à cette définition de ne pas s'appliquer à l'assurance
X AVANT-PROPOS

des pauvres. En effet, si l'assurance est une compensation des


pertes, il faut, pour pouvoir s'assurer, avoir quelque chose
à perdre, et de plus être en état d'apporter une mise à la
caisse commune, ce qui, pour l'une et l'autre raison, paraît
exclure des bienfaits de l'assurance ceux qui n'ont rien.
Proud'hon avait relevé cette contradiction :
« La caisse d'épargne, dit-il, la mutualité, l'assurance sur
» la vie, choses excellentes pour qui, jouissant déjà d'une cer
» taine aisance, désire y ajouter des garanties, demeurent
» tout à fait infructueuses, sinon même inaccessibles à la
» classe pauvre. La sécurité est une marchandise qui se paie
» comme toute autre ; et comme le tarif de cette marchandise
» baisse, non pas selon la misère de l'acheteur, mais selon
» l'importance de la somme qu'il assure, l'assurance se résout
» en un nouveau privilège pour le riche et une ironie cruelle
» pour le pauvre ».
Notre mémoire répond à Proudhon que l'homme lui-même
est un capital, sujet à une destruction prématurée par la
mort, et qui renferme, par conséquent, en lui-même un in
térêt assurable. L'assurance contre la destruction du capital
humain et contre le chômage de ce capital est la véritable
assurance populaire.
L'auteur du mémoire n° 2 s'attachera plus tard à chercher
les conditions de l'établissement de cette assurance. Il com
mence par constater que ce capital, qui est le seul patrimoine
du pauvre, existe même chez celui qui n'a que ses deux bras
pour travailler, mais que c'est un capital qui, étant fait de
travail, s'évanouit avec le travail lui-même ; ce qui l'amène
à dire qu'il y a dans le paupérisme une fraction irréductible
due à la paresse, au vice, ou d'une façon plus générale, à
l'absence de travail. « Sans travail, l'homme, ajoute-t-il,
n'est qu'une non-valeur que l'assurance rejette, avec le tra
vail, il est une valeur et, par conséquent, une force que l'as
surance recueille ». Poursuivant son analyse, notre auteur
trouve que le salaire est incomplet et tombe au-dessous du
minimum nécessaire à moins qu'il ne comprenne ce qu'on
peut appeler la prime d'assurance du capital humain.
M. Brentano a établi que l'ouvrier, pour être garanti, doit
| AvANT-PRoPos XI

contracter six assurances différentes : 1° une assurance ayant


pour objet une rente destinée à nourrir et à élever ses enfants,
dans le cas où il mourrait prématurément : c'est la garantie
du renouvellement de la classe ouvrière : 2° une assurance
de rente pour ses vieux jours ; 3° une assurance ayant pour
objet de lui faire des funérailles décentes ; 4° une assurance
pour le cas d'infirmités ; 5° une assurance pour le cas de
maladie ; 6° une assurance pour le cas de chômage par
suite de manque de travail.
Notre auteur accepte la classification de M. Brentano et
y applique des données statistiques calculées par M. Engel, qui
évalue à 0, 70 c. par jour de travail le prélèvement nécessaire
pour réaliser la sextuple assurance. Il considère comme n'é
tant pas trop éloigné de nous un avenir où, dans toutes les
industries, ce prélèvement de 0, 70 c. sur le salaire journalier
ne rencontrera d'autre obstacle que des habitudes d'impré
voyance et de dissipation.
On voit tout de suite à quelle difficulté se heurte le mé
moire : c'est à la question de l'assurance contre le chômage ;
car il ne servirait de rien à l'ouvrier d'avoir contracté les
autres assurances si, le travail venant à lui manquer, il était
obligé de suspendre le paiement de ses primes, encourant
ainsi la déchéance de tous ses droits à ces diverses assurances.
Cette difficulté, notre auteur l'aborde de front et croit qu'elle
peut être résolue par l'institution d'une caisse spéciale qui
acquitterait les différentes primes de l'assurance ouvrière,
lorsque l'ouvrier ne pourrait pas les payer. Cela veut dire
qu'en cas de chômage, et il ajoute au chômage involontaire
le chômage même volontaire, on ferait intervenir, pour con
server les droits de l'ouvrier une sorte d'institution organisée
sous forme d'association mutuelle entre les ouvriers des
divers états, société libre, bien entendu, et établie en dehors
du concours de l'État. L'auteur conclut à la nécessité de mu
tualités professionnelles très étendues. ll trouve des modèles
à suivre, pour l'organisation de ces mutualités dans les
FriendlySocieties et les Trade's Unions d'Angleterre. La partie
du mémoire qui résume, d'après MM. Brentano et Ludlow,
l'histoire et la situation des institutions allemandes et des
grandes sociétés anglaises, est du plus haut intérêt, mais il
XlI AVANT-PROPOS

faut reconnaître que cet intérêt est dû pour une grande part
à la reproduction des morceaux principaux du remarquable
mémoire sur la Prévoyance ouvrière lu au Congrès scientifique
international des institutions de prévoyance par M. Ludlow
dans la session tenue à Paris en 1878. M. Ludlow, est comme
on le sait, greffier en chef des Friendly Societjes anglaises.
La comparaison des grandes sociétés de Trade's Unions,
avec les sociétés françaises de secours mutuels amène l'auteur
du mémoire n° 2 à prononcer contre les sociétés françaises
de secours mutuels un arrêt que nous ne saurions ratifier. Ap
préciant avec sévérité l'intervention nécessaire des membres
honoraires, qui seule, il faut le reconnaître, permet aux so
ciétés françaises de secours mutuels de subsister, il ajoute :
« De deux choses l'une, en effet : ou il faut organiser les so
» ciétés de secours mutuels suivant les principes de l'assu
» rance, ou il faut les soutenir par la charité. » Et plus loin
examinant une opinion de M. Victor Duquaire, président du
syndicat de 78 sociétés de secours mutuels, qui voudrait voir
élargir l'action des membres honoraires non participants, il
rejette les conclusions de ce philanthrope en disant : « La
vérité est qu'on perpétuerait ainsi une institution bâtarde et
artificielle, sans racines dans la classe ouvrière. »
Pour lui, les sociétés françaises de secours mutuels tiennent
trop à leurs anciens errements, à leur cadre étroit et artifi
ciel. On ne trouvera jamais dans cette institution, qu'il con
sidère comme vieillie, dans son organisation qu'il trouve vi
cieuse, ce large courant de sentiment qui pousserait à la
réalisation d'une idée comme celle de l'assurance ouvrière,
unique espoir, suivant lui, d'une solution approchée de la
question sociale, ou plutôt d'une amélioration des conditions
d'existence de la classe ouvrière.
L'avenir appartiendrait donc à de vastes associations syn
dicales qui contracteraient des assurances au profit de leurs
participants. Mais encore faut-il qu'il se constitue des caisses
d'assurances pour entrer en relation avec les syndicats pro
fessionnels ou pour fonctionner au sein même des associations
qui se formeraient sur le modèle des Trade's Unions de l'An
gleterre. Ce point de vue nous ramène encore à l'assurance
AVANT-PROPOS XIII

populaire, pour laquelle une certaine école réclame l'inter


vention de l'État.
Mais votre section ne saurait laisser passer, sans s'y arrêter
pour le combattre, avant d'aborder l'examen des livres sui
vants, le jugement, injuste parce qu'il est absolu, que l'auteur
du mémoire fait peser sur les sociétés de secours mutuels
telles qu'elles sont organisées en France.
Il n'est que trop vrai que les sociétés françaises de secours
mutuels ont été fondées empiriquement, et qu'elles ont eu sou
vent pour objet la simple distribution de secours fournis par
des membres non participants. Elles ont pu quelquefois dégé
nérer en établissements de charité et se sont trouvées, dans
bien des cas, insuffisamment constituées pour durer et pour
accomplir leur œuvre avec indépendance. Elles gagneraient,
sans doute, à être fondées sur des bases scientifiques, mais
ce serait faire injure à la science que de supposer qu'elle est
incompatible avec les sentiments de dévouement fraternel
que les hommes peuvent ressentir les uns pour les autres.
La science ne peut-elle pas faire entrer dans ses formules et
dans ses équations la dotation fournie par des tiers ? La
coopération désintéressée de ceux qui servent les sociétés de
secours mutuels, sans s'en servir, ne pourrait pas disparaître
sans qu'il en résultât une diminution fâcheuse du sentiment
de la solidarité humaine.
L'auteur du mémoire, qui a cité M. Luzzatti et qui paraît
approuver les belles paroles que l'éminent économiste italien
a prononcées au Congrès de 1878, les a-t-il bien comprises ?
« Les Sociétés de secours mutuels en Italie, comme dans les
» autres pays, a dit M. Luzzatti, ont été enfantées par l'en
» thousiasme... Je crois à la force de l'enthousiasme et je
» suis de l'avis du grand écrivain français Vauvenargues,
» qui a dit : « les grandes pensées viennent du cœur. »
Il est vrai que notre auteur a corrigé la citation de Vauve
nargues en mettant que les grandes pensées jaillissent du
cœur !, comme si le cœur ne pouvait procéder que par efforts
1. Nous avons reproduit fidèlement les paroles de M. Luzzati telles
que nous les avons recueillies nous-même de sa bouche au congrès de
1878, et telles d'ailleurs qu'elles sont reproduites dans le Compte rendu
XIV AVANT-PROPOS

successifs et par jets.Ce qu'avoulu dire le penseur, c'est qu'elles


en sortaient naturellement et continuellement. Elles n'en jail
lissent pas, elles en viennent tout simplement, comme par un
effet naturel et permanent. C'est cet enthousiasme, cette
grande pensée incessamment nourrie dans les cœurs, qui ex
plique, qui justifie et qui soutient les sociétés françaises de
secours mutuels. La législation qui les régit est évidemment
incomplète et peut même être considérée comme fausse en
beaucoup de points, mais les lacunes et les erreurs de la loi
peuvent être comblées et réparées, sinon tout de suite et faci
lement, du moins progressivement et par un travail prolongé
de ceux qui se consacrent à ce genre d'études. On y mettra
la science qu'il faut, mais on n'oubliera pas aussi d'y mettre
un peu de ce sentiment moral, de cet enthousiasme même
qui, dans tant de passages de l'ouvrage que nous jugeons,
éclate avec une chaleur communicative et une véritable élo
quence.
Quant aux Trade's Unions, qu'il s'agirait de transplanter
en France, il ne faut ni les envisager avec trop de complai
sance, ni les considérer avec trop de froideur. On n'y trouvera
pas plus de solution contre l'infirmité humaine, que dans les
autres combinaisons préconisées et essayées depuis tant de
siècles dans tant de pays divers. Elles auront le grand dé
faut d'être des œuvres humaines et d'avoir les faiblesses et
les passions de l'humanité. Si leur organisation permet à des
agitateurs politiques de s'en emparer, elles produiront plus
de maux qu'elles n'auraient pu faire de bien et elles consti
tueront une forme de la démocratie aussi dangereuse que
le serait le gouvernement direct. Elles amèneraient, dans
cette hypothèse, la destruction du gouvernement parlemen
taire en l'opprimant.
Mais ce n'est pas une raison pour se défier de l'action bien
faisante qu'elles pourraient avoir, si une loi, qui ne serait pas
dénuée de sanction, pouvait définir avec précision leur sphère
d'action et en fixer sagement les limites.
sténographique (Voy. p 116). Nous ne savons si l'éminent économiste a
eu quelque intention en modifiant le texte si connu de Vauvenargues.
Voy. in/ra, no 153.
AVANT-PROPOS XV

De grandes associations qui auraient pour objet d'assurer


la liberté du travail et qui n'auraient pas pour conséquence
de l'entraver, seraient d'une utilité incontestable. La liberté
n'est pas toujours à la mode dans les démocraties ; autant il
faut s'empresser d'accueillir les institutions qui la garantis
sent, autant il faut se garder de donner asile à celles qui la
menacent.
Nous passons sur le livre III qui renferme une histoire très
bien faite des assurances dans tous les temps et dans tous les
pays, pour arriver au livre IV, que l'auteur consacre au rôle
de l'État.
L'auteur du mémoire adopte, pour pouvoir embrasser com
plètement l'ensemble des faits et des doctrines, une division
excellente qui lui permet tout de suite de déterminer la sphère
d'action de l'État en matière d'assurance.
Il faut, suivant lui, distinguer l'assurance préventive et
l'assurance réparatrice. La première formerait le domaine
de l'État, et la seconde le domaine de l'initiative indivi
duelle.
On peut prévoir les maux dont le patrimoine de l'homme
est menacé, pour empêcher qu'ils ne se produisent ou les
arrêter dans leur développement, quand ils ont commencé
de se produire ; c'est ce que l'auteur appelle l'assurance pré
ventive.
Quand on n'a pas pu prévenir les maux, ni en circonscrire
les effets, on peut en réparer les conséquences, c'est ce que
l'auteur appelle l'assurance réparatrice. Cette distinction a été
faite, d'ailleurs, il y a longtemps et elle est très juste. Quand
on perfectionne la méthode de construction des maisons,
quand on organise les secours contre l'incendie, on fait de
l'assurance préventive. C'est le rôle de l'État de donner de la
sécurité par une administration vigilante et par une bonne
organisation de ce que nous appelons les services municipaux
et de police.
Peut-être l'expression d'assurance, en cas de mesures de
cette espèce, n'est-elle pas l'expression propre. Quand l'État
rend moins dangereuses toutes les conditions de l'activité
humaine, quand il intervient en faveur du bon ordre, il ras
XVl AVANT -PP0P0S

sure, mais il n'assure pas. Les impôts qu'il prélève pour cet
objet sont le prix d'un service rendu et ne peuvent pas être
assimilés à une prime d'assurance.
Quoi qu'il en soit de l'expression, la distinction est heu
reuse, et l'auteur s'y attache avec succès, en passant en revue
tout ce que l'État peut faire sans sortir de son domaine, pour
diminuer les risques que court l'humanité dans la vie en
COIIlIIlllIl.

Il consacre cinq chapitres à l'examen de cette action pré


ventive et étudie successivement à ce point de vue les risques
de mortalité, d'accidents, de maladies, d'incendies, de trans
ports maritimes ou autres, de destruction des récoltes. C'est
un tableau très complet de l'action dévolue à l'administration
sous toutes ses formes, commune, province ou État.
Il passe ensuite, dans une seconde partie, à l'examen du
rôle de l'État en matière d'assurance réparatrice, soit que
l'État exerce lui-même les fonctions d'assureur, soit qu'il or
ganise une surveillance et un contrôle des entreprises d'assu
I'aIlC6.

L'étude des faits qui ont rapport à l'intervention de l'État


est très complète, et on peut y trouver une sorte d'histoire
du plus haut intérêt des déviations ou de l'application des
principes de l'économie politique dans les temps modernes.
Le fait le plus saillant de ces dernières années a été certai
nement la législation introduite en 1864, en Angleterre, par
M. Gladstone, sur les assurances populaires.
M. Gladstone a organisé, par l'intermédiaire de l'adminis
tration des postes, une véritable compagnie d'assurances par
l'État pour offrir des contrats d'assurances sur la vie aux
classes ouvrières.
Le ministre anglais n'est pourtant pas porté à l'interven
tion. Il pourrait dire, comme M. Luzzatti l'a dit un jour au
Congrès de 1878, qu'il est un interventionniste à l'eau de
rose ; mais les abus, les vols et les escroqueries auxquels ont
donné lieu, en Angleterre, certaines sociétés d'assurances
sur la vie qui pratiquent ce qu'on appelle les assurances in
dustrielles, avaient été poussées si loin que M. Gladstone n'a
vu de remède qu'en organisant une concurrence par l'État.
AVANT-PROPOS XV1I

Pour justifier son intervention dans ce genre d'affaires, il


a fait observer que les assurances sur la vie reposaient sur un
principe contraire à celui des entreprises ordinaires du com
merce ou de l'industrie. « Les affaires commerciales ordi
» naires, a-t-il dit, si elles étaient sainement conçues, com
» mencent par mettre dehors un gros capital et les bénéfices
» n'arrivent la plupart du temps que longtemps après : c'est
» le contraire dans les assurances sur la vie, car l'assureur
» commence par recevoir de larges sommes, et ce n'est qu'à
» une date très éloignée que ses remboursements viennent à
» échéance. » Aussi dans les petites assurances où l'ouvrier
fait des versements successifs, par petites sommes, a-t-on pu
voir se produire les combinaisons les plus fàcheuses.
M. Gladstone considère que beaucoup de ces combinaisons
sont de pures voleries. « J'irai plus loin, ajoute-t-il, et je
» dirai qu'il y a de ces actes qui sont pires qu'une pure vo
» lerie, et qu'il y a, dans ces affaires, des hommes qui n'ont
» jamais vu l'intérieur d'une prison et qui y auraient leur
» place marquée plus justement que les gredins qui ont été
» condamnés dix fois. » M. Gladstone, en terminant, a fait
remarquer que l'intervention de l'État était nécessaire pour
donner des garanties aux Sociétés de secours mutuels, aux
Friendly Societies, « Il est trop tard, a-t-il ajouté, pour ne
» pas intervenir ; l'État est intervenu sous beaucoup de
» formes dans la constitution et la direction des Friendly
Societies ; ces sociétés, il faut aujourd'hui les sauver, en
» leur offrant la possibilité de trouver des moyens sûrs et
- » honnêtes d'assurer la vie de leurs affiliés. » M. Gladstone
estime qu'il faut les mettre en état de tenir les promesses de
leur organisation, promesses faites sous la sanction de l'État.
L'auteur du mémoire constate avec raison que les espé
rances de M. Gladstone ont été déçues en un point. La Caisse
d'assurances de l'État ne fait pas d'affaires, et il s'est établi,
par contre, des Compagnies honnêtes qui prospèrent et font
beaucoup de bien. Malgré les incessantes modifications ap
portées depuis 1864 à la législation anglaise, la Caisse d'as
surances de l'État ne fait toujours que végéter. La dernière
enquête, publiée en mars 1882 et que n'avait, sans doute,
b
XVIII AVANT-PROPOS

pas encore sous les yeux l'auteur du mémoire, confirme son


opinion. Les commissaires et les témoins ne mettent pas en
doute l'échec de l'institution. On se borne à demander quelles
ont été les causes de cet échec, et comment on pourrait y re.
médier. La réponse est bien simple et elle est la même dans
toutes les bouches : l'État ne conduit pas ses affaires com
mercialement, il ne se met pas en rapport avec la clientèle,
il l'attend. S'il veut faire le commerce, il faut qu'il se fasse
commerçant.
L'auteur du mémoire remarque que la France n'a pas été
plus heureuse que l'Angleterre : car la loi française de 1868,
qui a créé, pour etre administrée par la Caisse des Dépôts et
Consignations, une caisse d'assurances sur la vie, et une
caisse contre les accidents, a eu encore moins de succès et
d'application que la loi anglaise de 1864.
En France comme en Angleterre, c'est par les Sociétés de
secours mutuels que l'État est obligé d'aborder les questions
d'assurances, et c'est la législation sur les sociétés de secours
mutuels qui le conduit forcément, on ne saurait le nier, à cette
intervention à l'eau de rose dont a parlé M. Luzzatti.
Une autre forme d'intervention de l'État que notre auteur
trouve, avec moins de raison, malheureuse, c'est celle qui
résulte du service des pensions de retraites aux anciens
fonctionnaires.
Il considère que c'est une assurance sur la vie imparfaite,
fondée sur un mauvais système, puis [ue fes sommes versées
dans la vieillesse aux ayants droit, ne sont pas en rapport
avec le montant des retenues faites auparavant, ni avec le
temps pendant lequel les retenues ont été faites.
Non seulement il condamne la loi française de 1853 sur les
pensions civiles, mais tout en les considérant comme des
progrès, il condamne également certains essais qu'on a tentés
depuis et qui d'ailleurs paraissent aujourd'hui abandonnés.
Ils avaient pourtant pour but de transformer le service des
pensions en une sorte d'assurance fournie par une caisse de
prévoyance. Mais il y voit une assurance obligatoire pour
une certaine c ,tégorie de citoyens, assurance d'ailleurs qui,
dans les projets étudiés par le Conseil d'État, avait en outre
AVANT-PROPOS XlX

le défaut de n'être pas fondée sur des principes scientifiques


assez absolus.
Peut-être a-t-il raison de penser qu'il vaudrait mieux lais
ser aux fonctionnaires publics le soin et le mérite de réaliser
sur leurs traitements des économies avec lesquelles ils ac
quitteraient des versements de prime dans des compagnies
pour recevoir plus tard une rente ou des capitaux ; mais les
mœurs ne sont point favorables à une transformation aussi
radicale du système de nos pensions civiles ; il serait peu
pratique d'y songer.
On considère généralement en France qu'il y a, entre l'État
et ses fonctionnaires, une sorte de contrat paternel. Après
avoir usé les forces d'hommes dévoués, en les faisant travail
ler pendant leur jeunesse et leur âge mûr, l'État ne peut les
laisser mourir de faim dans leur vieillesse, alors même que -
ce serait de leur faute et parce qu'ils n'auraient pas fait,
pendant leur carrière, d'économies suffisantes. Il est peut
· être vrai de dire qu'il y a une pensée d'assistance dans les
idées actuelles, mais cette pensée d'assistance ne saurait être
arrachée des cœurs.
Ce qui blesse notre auteur, c'est que la pension civile n'est
pas scientifique. Une somme payée à l'assuré par une Com
pagnie d'assurance est la représentation exacte des primes
versées, car la prime vaut le risque quand elle est justement
et scientifiquement établie. Une pension, au contraire, ne
représente qu'un bienfait et ne peut se mesurer à rien ; il n'y
a pas d'équation possible entre les services rendus et les re
tenues subies d'une part, et la rente viagère obtenue d'autre
part après un certain àge.
Ce dédain scientifique rappelle un peu la discussion d'A
rago en 1835, sur les chances d'erreurs des verdicts des jurys
selon que les résolutions sont prises à plus ou moins de voix
de majorité et son affirmation que la question était résolue
par un calcul de probabilité. Interrompu par Madier de
Montjau, Arago lui envoie cette riposte véhémente :
« M. Madier de Montjau doit bien concevoir qu'en pareille
» matière, une dénégation pure et simple de sa part ne fait
XX AVANT-PROPOS

» absolument rien sur moi. C'est comme s'il me disait que


» la parallaxe du soleil n'est pas de 8" /6. »
Notre auteur traite un peu trop les pensions civiles. qui
sont, il faut bien le reconnaître, le produit de nécessités his
toriques, morales et politiques, comme si c'était une paral
laxe mal calculée.
Mais nous sommes obligés de nous hâter et de passer sur
les faits intéressants relevés par le mémoire en Allemagne et
dans les autres pays, car il nous faut arriver aux discussions
de fond.
L'auteur du mémoire s'attache d'abord à exposer avec une
grande impartialité et beaucoup d'ampleur la théorie de l'as
surance par l'État. Celle qu'il a prise pour type est celle qui
a été produite par le professeur Wagner de Berlin.
Suivant M. Wagner, interprété par l'auteur du mémoire,
l'assurance est un de ces grands int rêts publics à propos des
quels se pose en principe la question de savoir si l'adminis
tration publique doit intervenir ou s'abstenir.
Il en est ainsi également en matière de monnaies, de
banques, de moyens de communication de toute espèce
(postes, télégraphes, transports, routes, canaux, chemins de
fer). Tout ce qui a rapport à la monnaie et à la voirie est au
jourd'hui, en général, considéré comme l'objet nécessaire des
services publics. Sur d'autres points, le problème n'est pas
aussi nettement résolu : par exemple, en ce qui concerne le
régime des banques, l'organisation du service des communi
cations, des eaux et de l'éclairage dans les villes. Mais la so
lution dans le sens de l'exploitation par l'administration pu
blique ne paraît pas douteuse à M. Wagner. Ces arguments
d'analogie ne lui suffisent pourtant pas pour attribuer les
assurances à l'État, et il se fait fort d'en produire de plus dé
cisifs. Il n'y a pas plus de raison, croit-il, d'exclure l'État que
les grandes sociétés privées de l'exploitation des assurances,
et cependant les grandes sociétés s'imposent sans conteste.
N'est-il pas certain que l'assurance a ce caractère de ne pou
voir être entreprise par un individu ? elle ne peut l'être que
par ces êtres moraux, création artificielle du droit, qu'on ap
pelle des sociétés. C'est une mode d'exploitation qui a ses dé
AVANT-PROPOS XXI

fauts et ses avantages, comparé au mode d'exploitation indi


viduelle ; mais il faut en passer par là en reconnaissant que
les avantages et les défauts sont identiques, qu'il s'agisse de
sociétés ou de l'État. L'assurance n'étant qu'une mutualité,
l'assureur, sous quelque forme qu'il se présente, État ou so
ciété privée, ne doit être qu'un intermédiaire entre les as
surés. La seule raison de choisir est dans l'excellence de
l'administration et dans son bon marché. Il est nécessaire, on
ne saurait le nier, de centraliser l'assurance et de lui donner
une forte unité de direction et d'organisation, pour lui per
mettre de produire un maximum d'effet avec un minimum
d'effort; or c'est l'État qui donne évidemment le plus de sa
tisfaction à ce point de vue, ou qui seul même peut y donner
satisfaction.
Les devoirs que l'assurance ferait peser sur la bureaucratie
sont d'ailleurs analogues à ceux qu'elle remplit déjà. Que
d'analogie entre la police des constructions et l'assurance
immobilière, entre une caisse de retraites pour les fonction
naires, les veuves et les orphelins et un établissement général
d'assurance de rente. L'encaissement des primes ressemble
fort à la perception des contributions directes. Enfin l'admi
nistration et le placement des capitaux constituent une
affaire de banque à laquelle on reconnaît généralement que
l'État est parfaitement apte. Pour les classes inférieures, c'est
là une des conclusions de M. Wagner, l'assurance ne peut
s'étendre et devenir à la fois efficace et à bon marché qu'au
moyen de l'exploitation publique par de grands établisse
ments placés au centre d'un réseau de succursales. L'Alle
magne est mûre pour la réforme des assurances, et si la
situation n'est pas aussi favorable en Angleteere et en France,
elle le devient dans les États de l'Autriche.
La réforme doit avoir pour résultat l'abolition de la diffé
rence des primes, et c'est justice, suivant M. Wagner. Les
différences de risques qui ont pour conséquence les différences
de primes doivent disparaître aussitôt que l'on considère les
risques comme la résultante de faits historiques et de rap
ports économiques indépendants de la situation et de l'action
des propriétaires. Il n'y a que l'État qui puisse envisager les
YXlI AVANT-PROPOS

risques à un point de vue aussi général. Le degré du risque


de chaque propriété n'est en effet que le produit du dévelop
pement de la nation. Les paysans ont des chaumières, à
cause de la longue oppression sous laquelle ils ont vécu, à
cause des guerres qui les ont ruinés, à cause des privilèges
accordés aux villes au détriment des campagnes. C'est là ce
qui a créé les différences de risques entre les immeubles des
villes et ceux des campagnes. Ces considérations s'appliquent
à l'assurance contre l'incendie, mais il y en a d'autres qui
s'appliquent avec non moins de force aux autres assurances.
L'auteur du mémoire suit M. Wagner dans l'analyse des
risques qui doivent être couverts par les autres opérations
d'assurance, et il entreprend avec beaucoup de talent la ré
futation de tous les arguments qu'il a exposés.
Le système de M. Wagner et de son école part, suivant lui,
de ce principe fondamental, qu'il faut mettre fin à l'anarchie
économique et que la société doit être refaite sur un plan
nouveau. C'est, selon lui, méconnaître le caractère indivi
duel de l'assurance. C'est commettre une grave erreur de
croire qu'on peut y trouver l'instrument qui nivellera toutes
les inégalités sociales. Il considère que l'assurance est une
des formes de l'assistance par soi-même ; c'est un effort de
l'individualisme, effort multiplié par l'association. Quand
l'école socialiste s'adresse à l'État pour faire disparaître l'iné
galité des risques, elle nie en réalité le principe de l'assu
rance. Ce qui fait la justice de l'assurance, c'est qu'elle cal
cule exactement les inégalités de risques pour faire payer
à chacun ce qu'il doit, rien de plus, rien de moins. En dehors
de ce principe et de ce calcul, elle n'a aucune raison d'exis
ter. -

L'auteur du mémoire termine sa longue et lumineuse dis


cussion sur l'assurance par l'État et les tendances de l'école
socialiste par la comparaison suivante :
« L'assureur, patient analyste, met dans les plateaux de sa
» fine balance, d'un côté le risque, de l'autre la prime, et
» s'efforce de les mettre en équilibre..... Le socialiste, par
» une conception synthétique, jette dans les plateaux de sa
» vaste balance, d'un côté tout le poids des misères humaines,
AVANT-PHOPOS XXllI

» de l'autre toutes les valeurs accumulées par la civilisation,


» ou du moins la portion de ces valeurs nécessaire pour éta
» blir l'équilibre..... C'est là une opération d'assistance pu
» blique, ce n'est pas une opération d'assurance. »
Nous en avons dit assez pour faire voir à l'Académie com
ment l'auteur du mémoire n° 2 s'attache à étudier jusqu'au
fond, non seulement les plus grands, mais encore les plus
petits côtés de la question des assurances par l'État. Il pour
suit son étude dans chacune des différentes branches de l'as
· surance, et il excelle à démontrer combien il serait dange
reux et contraire au développement naturel de la société,
d'attribuer à l'État un rôle qui ne lui appartient pas.
La partie du livre IV qui traite du contrôle est également
très complète. L'auteur fait connaître les méthodes de con
trôle usitées dans les divers pays, il se prononce contre ce
qu'il appelle le contrôle préventif, mais il demande qu'on or
ganise un contrôle répressif. Il donne les bases essentielles
de l'organisation qui lui paraît la meilleure et qu'il qualifie
en disant que c'est un système de contrôle par l'Etat con
trôlé à son tour par l'opinion publique. L'auteur donne des
renseignements très étendus sur la surintendance des assu
rances aux États-Unis. Cette partie du mémoire touche à la
législation et aux réformes que la législation des assurances
comporte. L'auteur n'a pas non plus failli à la tâche qu'il
s'était imposée à cet égard : mais le travail qu'il avait entre
pris avait déjà atteint de telles proportions qu'il a dû remplir
de nombreux chapitres de son travail sur la législation com
parée en y insérant simplement le texte traduit des lois de
tous les pays. Si l'ouvrage est publié, et il faut espérer qu'il
le sera, les documents in extenso devront être, dans certains
cas, remplacés dans les chapitres du livre V par des analyses
et des jugements. Il ne faudra pas cependant priver le public
du magnifique dossier préparé dans le dernier livre de l'ou
vrage. Il est très instructif, très complet et très bien classé,
et il contient les éléments indispensables de l'étude si diffi
cile du droit et de la législation comparée en matière d'assu
I'aIlCºS .
XXIV AVANT-PROPOS

IV. Il serait présomptueux de notre part de prendre la


parole après ces maîtres éminents, dont le lecteur vou
dra bien, nous l'espérons, ratifier les bienveillantes ap
préciations. Qu'on nous permette seulement d'ajouter ici
un mot sur la manière dont nous avons compris le pro
gramme de l'Académie et divisé l'ouvrage que nous offrons
au public.
Le programme donné par l'Académie nous imposait une
tâche très complexe.
· Dégager le principe rationnel des assurances, mettre ces
institutions à leur place dans l'ordre des forces écono
miques, montrer leurs applications pratiques, fixer leurs
limites d'action, déterminer par une analyse rigoureuse
les éléments qu'elles mettent en jeu, démontrer que le
mécanisme de l'assurance, manié avec prudence et appli
qué avec résolution à tous les objets qui en comportent
l'emploi, peut procurer à la société de grands avantages
moraux, économiques et sociaux ; en un mot ôter à l'uto
pie son bandeau et lui indiquer la véritable voie à suivre ;
d'un autre côté faire la part de l'État et celle de la liberté
dans cette œuvre de civilisation et de progrès ; montrer
enfin ce qu'ont fait successivement de l'assurance, cette
création purement rationnelle de l'esprit humain qui n'a
rien à emprunter aux traditions ni aux habitudes locales,
l'activité et le génie des différents peuples s'exprimant
dans leurs lois, dans leurs projets de lois, dans les con
ditions générales imprimées de leurs polices ; rassembler,
dans la mesure utile, tous ces monuments de l'expérience
générale des nations et les mettre à la disposition du lec
teur français, tel était, suivant nous, le programme à
remplir, tel est le but que nous nous sommes efforcé d'at
teindre en écrivant cet ouvrage.
Nous l'avons divisé en deux volumes. Le premier con
tient les quatre premiers livres qui portent sur l'idée gé
nérale et la théorie de l'assurance (livre I"), sur son
AvANT-PRoPos - XXV

importance économique et sociale (livre II), sur ses déve


loppements et sur sa situation actuelle (livre III), sur le
rôle de l'État en matière d'assurance (livre IV). Le
deuxième contient le livre V consacré à l'étude du droit
et de la législation comparés en matière d'assurances, et
qui est lui-même divisé en deux parties. Dans la première,
nous présentons le tableau aussi complet que possible des
principales législations qui contiennent des dispositions
sur les assurances, et nous reproduisons le texte traduit
en français des monuments les plus importants de ces lé
gislations. Dans la deuxième, nous rapprochons, en don
nant leur texte in extenso, les conditions générales impri
mées d'un certain nombre de polices-types que nous
empruntons aux quatre pays où l'assurance a pris les
plus grands développements, c'est-à-dire à la France, à
la Grande-Bretagne, aux États-Unis et à l'Allemagne.
Nous donnerons ultérieurement le commentaire de ces
textes dans un ouvrage que nous préparons en ce moment.
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LIVRE PREMIER

IDEE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'ASSURANCE


CHAPITRE PREMIER

IDÉE GÉNÉRALE DE L'AssURANCE, SES RAPPORTs AvEC


LA STATISTIQUE

1. ldée générale de l'assurance.


*. Le calcul des probabilités et la statistique. Mesure des probabilités
a priori et a posteriori.
3. Rôle de la statistique.
4, Sens de l'expression Lois du hasard.
*. Comment la statistique détermine ces lois.
º. Quelle portée il faut donner à ces lois.

Lhomme est environné de maux qui menacent sa vie,


sa Santé ou ses biens. Contre certains de ces maux, la
prévoyance humaine, sous la forme de l'assurance, peut
lutter de deux manières, soit en les empêchant de naître
ou de se développer quand il sont nés, soit en les répa
rant. L'assurance est dite préventive dans le premier cas ;
réparatrice dans lesecond.
Nous ne parlerons dans ce chapitre que de cette dernière
espºce d'assurance. Quand nous disons qu'elle est répa
ratrice, il ne faut pas se méprendre sur le sens de cette
ºApression. L'assurance n'élimine pas le hasard, comme
ºnl'a dit à tort, mais elle lui assigne sa part, elle ne fait
Pºs disparaître la perte, mais elle fait que la perte n'est pas
sºntie parce qu'elle est partagée. L'assurance est le mé
ºnisme à l'aide duquel s'opère ce partage ". Elle modifie

1 The machinery for its distribution dit M. Mac Candlish, directeur


de la Scottish National, dans une communication faite en novembre 1872
4 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉoRIE DE L'AssURANCE

l'incidence de la perte qui de l'individu passe à la com


munauté. Elle substitue le rapport d'étendue au rapport
d'intensité.
Considérée dans ses effets immédiats, l'assurance est
la compensation pécuniaire de certains effets du hasard
qui détruisent ou diminuent le patrimoine de l'homme.
Ces effets prévus, mais non encore réalisés, s'appellent
risques. Réalisés, ils s'appellent sinistres.
La compensation des sinistres s'opère par le paiement
d'une indemnité qui est le produit de contributions mini
mes versées par un grand nombre de patrimoines suivant
certaines règles et dans des proportions que la science et
l'expérience déterminent. Il existe ainsi entre les patri
moines une sorte de communication grâce à laquelle
l'équilibre rompu dans l'un deux se rétablit.
La contribution frappée sur chaque patrimoine s'appelle
prime ou cotisation. La prime ou cotisation représente la
part assignable, dans l'ensemble des risques, à chaque
patrimoine considéré comme élément de contribution.
Les risques sont infiniment variables et multiples
comme les éléments qui les constituent. Pour asseoir l'as
surance sur des bases solides, il a fallu dégager chaque
risque des faits complexes qui l'environnent, en préciser
l'éventualité, en mesurer la réalité présente, poursuivre
en un mot l'étude des lois du hasard dans le détail de
leurs manifestations.
2. Les causes multiples qui diminuent ou anéantissent
le patrimoine de l'homme, agissent avec une incontestable
régularité. Nous avons tous le sentiment confus qu'elles
sont régies par des lois latentes dont l'expression nous
échappe. On a essayé de dégager ces lois. On sait que
Pascal, le premier, fit, à propos d'un problème de jeu, des
recherches relatives à la théorie des probabilités, à ce
à l'Institut des actuaires Écossais. Voy. Cornelius Walford, Insurance
cyclopœdia, London 1871-1880, V° Fire insurance history of, anno 1872.
IDÉE GÉNÉRALE DE L'AssURANCE - 5

qu'il a appelé lui-même la géométrie du hasard Aleae


geometria. La science a créé d'abord la théorie mathé
matique du hasard qu'elle a appliquée à de pures abstrac
tions ; puis, elle a songé à l'appliquer à l'économie des
faits naturels. On trouvera dans l'Exposition de la théorie
des chances et des probabilités de M. Cournot une étude
approfondie de cette matière. Nous ne le suivrons pas dans
ses analyses qui paraîtraient déplacées ici. Il nous suffira
de reproduire un passage de l'Essai sur les lois du hasard
de M. de Courcy où sont résumés, d'une manière élémen
taire, les principes du calcul des probabilités.
« La certitude d'un événement est toujours représentée
par l'unité. Si l'événement futur que l'on considère est in
certain, la vraisemblance ou la probabilité de sa réalisa
tion sera exprimée par une fraction, laquelle se rappro
chera d'autant plus de l'unité que l'événement sera plus
probable. Il s'agit de calculer rigoureusement cette frac
tion de certitude. On y parvient aisément lorsque l'on
connaît d'avance le nombre total des combinaisons ou des
chances également possibles, et, sur ce nombre total, le
nombre de celles qui doivent réaliser l'événement at
tendu. Le rapport du second chiffre au premier donne
exactement la fraction qui exprime la probabilité de l'é
vénement. Si, par exemple, on va tirer au hasard une
seule carte d'un jeu de piquet qui en contient trente-deux,
et si l'on recherche la mesure exacte de la probabilité
qu'on a d'amener une figure, on fera sans effort le calcul
suivant. Le jeu de trente-deux cartes contient douze figu
res. Il est clair que, sur les trente-deux chances possibles,
il y en a douze d'amener une figure et vingt d'amener une
autre carte. La probabilité de l'événement attendu est
donc le rapport de douze à trente-deux, ou # fraction3

égale à +. La probabilité contraire est de 20 à 32, ou


#-, fraction égale à #. La somme de ces deux fractions
3 5 8 » • • • -

+ + # = # = 1 est l'unité ou la certitude.


6 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'ASSURANCE

On eût obtenu plus facilement encore le même résultat


en réfléchissant que, dans chaque couleur, il y a trois
figures sur huit cartes. ll est sensible qu'en multipliant
les chances on n'en change pas les rapports, et que, si
si l'on mêlait ensemble un nombre quelconque de jeux de
piquet, la probabilité d'amener du premier coup une figure
serait toujours le rapport de trois à huit ou la fraction
trois huitièmes.
La probabilité d'un événement est donc le rapport du
nombre des chances favorables à cet événement au nombre
total des chances possibles, et elle a pour expression ma
thématique une fraction dont le numérateur est le nombre
des chances favorables et le dénominateur le nombre total
des chances possibles. Par la même raison, la probabilité
inverse est le rapport du nombre des chances contraires
à l'événement au nombre total des chances possibles.
La somme des deux probabilités, l'une de l'arrivée de
l'événement, l'autre de sa non-réalisation, doit toujours
être l'unité ou la certitude, en sorte qu'il suffit de con
naître l'une pour obtenir l'autre par une simple soustrac
tion.
Si, dans le cas où un événement incertain aurait lieu,
j'ai droit à toucher une somme d'argent, l'attente ou l'es
pérance que j'ai de la recevoir a dès à présent une valeur
déterminée, et l'on obtient cette valeur en multipliant la
somme attendue par la fraction qui représente la probabi
lité de l'obtenir. Ainsi, si l'on m'a promis de me payer
800 francs dans le cas où la première carte tirée d un jeu
de piquet serait une figure, la valeur actuelle de cette pro
messe sera les trois huitièmes de 800 francs, ou 300 francs.
S'il me convient de parier sur les chances de ce tirage, je
pourrai donc, sans être déraisonnable, du moins au point de
vue arithmétique, risquer 300 francs comme enjeu contre
un adversaire qui en risquera 500, ou, ce qui revient encore
au même, parier trois contre cinq, les enjeux de deux
IDÉE GÉNÉRALE DE L'ASSURANCE 7

parieurs adverses devant toujours être exactement propor


tionnels à leurs probabilités de gain respectives *. » .
Dans l'exemple cité par M. de Courcy, les conditions du
problème de probabilité sont toutes déterminées et connues
d'avance, et on peut dès lors le résoudre à l'aide de la
seule théorie mathématique des chances. Mais, ainsi que
le fait observer M. Cournot, « pour les événements for
tuits dont l'homme n'a pas déterminé les conditions, les
causes qui donnent telles chances à tel événement, ou
qui déterminent la loi de probabilité des diverses valeurs
d'une grandeur variable sont presque toujours inconnues
dans leur nature et dans leur mode d'action, ou tellement
compliquées que nous ne pouvons en faire rigoureusement
l'analyse, ni en soumettre les effets au calcul. Dans les
jeux même où tout est de convention et d'invention
humaine, la construction des instruments aléatoires est su
jette à des irrégularités qui impriment aux chances des mo
difications dont on ne saurait a priori évaluer l'influence.Si
l'on joue avec un dé homogène, mais dont les arêtes rec
tangulaires ne soient pas rigoureusement égales, et qu'on
demande les chances d'apparition de chaque face, le pro
blème quoique dépendant d'une question de mécanique,
très simple en apparence, et dont toutes les données sont
rigoureusement définies, ne pourra être résolu dans l'état
actuel de l'analyse mathématique. Enfin dans les jeux où
les probabilités ne dépendent que d'une énumération pure
ment arithmétique des combinaisons, sans mélange de con
ditions tirées de la mécanique ou de la physique, la solu
tion du problème arithmétique peut encore surpasser les
forces de l'analyse. Si l'on demandait quel est l'avantage
de la main au jeu de piquet, du dé au trictrac, et quelle
est la probabilité, pour le joueur qui a la main ou le dé,
de gagner la partie, les deux joueurs étant supposés assez

l P. 42 et suivantes.
8 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'AssURANCE

habiles pour jouer chaque coup d'après toutes les règles,


on serait entraîné dans une énumération de chances tout
à fait inextricable, et à laquelle aucun procédé connu de
calcul ne peut suppléer.
Il est donc bien nécessaire, pour les applications de la
théorie des chances que l'on puisse déterminer par l'ex
périence, ou a posteriori, ces chances dont la mesure di
recte, d'après les données de la question, surpasse actuel
lement et vraisemblablement surpassera toujours les for
ces du calcul * ».
3. C'est la statistique qui détermine ces chances.
Nous demanderons aux statisticiens ce qu'est cette
science nouvelle, si féconde déjà en résultats.
« La statistique, dit M. Maurice Block *, a pour instru
ment les chiffres et pour méthode l'emploi d'observations
multipliées, ou de grands nombres réduits en moyennes
ou en rapports (en nombres proportionnels) pour recher
cher ce qui dans les faits ou phénomènes a un caractère
de constance. C'est ce qu'on appelle improprement déga
ger des lois. Ces lois, en effet, ne sont pas « des rapports
nécessaires », mais des rapports empiriques, c'est-à-dire
des faits. »
« Une loi statistique, dit ailleurs M. Maurice Block,
n'est ni une loi physique, ni une loi morale, ni une loi po
litique, elle n'ordonne ni n'oblige ; elle ne peut pas con
traindre à l'obéissance : elle constate. Une loi statistique
est simplement l'énoncé d'un fait, surtout d'un rapport
qui se produit avec régularité, avec une certaine constance
car il est rare qu'on rencontre une constance absolue *. »
4. Ces explications permettent de préciser le sens de
ces expressions les lois du hasard si souvent em
ployés et qui à première vue paraissent étranges. « Les
1. Cournot, op. cit., p. 153.
2. Traité théorique et pratique de statistique, Paris, 1878, p. 151.
3. Eod. op., p. 146.
IDÉE GÉNÉRALE DE L'AssURANCE 9

événements amenés par la combinaison ou la rencontre de


phénomènes qui appartiennent à des séries indépendantes,
dans l'ordre de la causalité, sont, dit, M. Cournot, ce
qu'on nomme des événements fortuits, ou des résultats
du hasard. " » Le mot de hasard, dit-il, ailleurs *, n'indi
que pas une cause substantielle, mais une idée ; cette idée
est celle de la combinaison entre plusieurs systèmes de
causes ou de faits qui se développent, chacun dans leur
série propre, indépendamment les uns des autres. »
Les lois du hasard, ou plutôt les lois statistiques du ha
sard ne sont autre chose que des formules énonçant des
faits qui se reproduisent avec une certaine régularité.
5. Pour déterminer ces lois, il faut réunir un grand
nombre de faits, ou de cas individuels, d'unités, et en faire
la synthèse. « Par la synthèse on compense les différen
ces, les écarts, on recherche le point relativement fixe,
le centre autour duquel ces différences oscillent : c'est la -
moyenne, chiffre abstrait, mais non fictif, car il représente
des choses réelles, mais en ne s'attachant qu'aux qualités
essentielles, et en omettant les qualités accidentelles; on
pourrait l'appeler le chiffre typique » *. On nomme am
plitude l'écart en plus ou en moins, c'est-à-dire la dis
tance du maximum au minimum. Lorsque cette ampli
tude est grande, on met le maximum et le minimum en
regard de la moyenne afin de donner à cette dernière sa
véritable valeur. On indique ainsi le nombre des cas for
mant le maximum et ceux du minimum et l'on établit des
séries par périodes de temps déterminées.
Quelle que soit l'amplitude des oscillations, que les
écarts soient grands ou petits, on est d'autant plus près
de la réalité que le nombre des observations est plus con
1. Op. cit. p. 73.
2. Op. cit. p. 82.
3. M. Block, op. cit. p. 117. On trouve dans l'ouvrage de M. Maurice
Block, le développement des idées que nous ne faisons qu'indiquer ici.
10 IDÉE GÉNÉRALE ET TIIÉoRIE DE L'AssURANCE

sidérable : c'est ce qu'on a nommé, d'après Poisson, la


loi du grand nombre. Mais il y a une limite au grand
nombre, car une moyenne n'est bonne qu'à raison de
l'homogénéité de ses éléments. Dans une moyenne trop
compréhensive les éléments ne peuvent être homogènes.
Il faut donc faire des moyennes par groupes.
6. Il convient de ne pas exagérer la portée des formules
données par la statistique. Ce sont des vérités approxima
tives exprimées en chiffres. Mais les éléments du passé
sont seuls compris dans ces formules, l'avenir avec ses
complications imprévues leur échappe. ll est donc vrai de
dire qu'en matière d'assurance comme en matière de
pratique administrative ou d'économie politique appliquée,
ces formules ne sont que des indications qu'il faut savoir
suivre sans s'y asservir. On doit les consulter, mais en
leur faisant dire ce qu'il est utile qu'elles disent. On
combine cette expérience chiffrée avec son expérience
personnelle et surtout avec l'observation judicieuse des
faits nouveaux qui peuvent modifier en certains points la
loi statistique. Les données de la statistique sont des
éléments bruts qui ont besoin du coup de pouce de l'ar
tiste.
Ces réserves faites, nous indiquerons dans un bref ré
sumé, quel est l'état de la statistique afférente à chacune
des principales branches d'assurance.
CHAPITRE II

LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'ASSURANCE SUR LA VIE

7. Des tables de mortalité.


s. Différences qu'on remarque entre ces tables.
9. Hypothèses qui leur servent de base.
1O. Des différentes méthodes suivies pour les dresser.
1 1. Tables de mortalité françaises.
12. Tables de mortalité anglaises.
13. Tables de mortalité américaines.
14. Tables de morialité allemandes.
15. Comparaison entre les principales de ces tables en ce qui concerne
la Vie moyenne de l'homme.
16 Valeur purement relative de ces tables.
17. Nécessité de leur amélioration.

7. Nous commencerons par l'assurance sur la vie. Le


premier rang lui appartient autant par la dignité de son
objet que par la perfection de sa méthode.
Les relevés statistiques dont se sert l'assurance sur la
vie, se présentent sous la forme de tables dites de morta
lité, mais qui seraient plus exactement appelées tables de
survie. Il semble, en effet, que les statisticiens, pour les
dresser, se soient inspirés de la fameuse définition de
Bichat : « La vie est l'ensemble des fonctions qui résistent
à la mort. » Leur méthode consiste à suivre, année par
année, l'ensemble d'une génération fictive en défalquant
successivement du nombre total des naissances le nombre
des décédés.
La première ligne de la table représente le nombre
total sur lequel on opère ; la deuxième, ce nombre, moins
12 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉoRIE DE L'AssURANCE
la mortalité d'une année ; la troisième, ce même nombre,
diminué de la mortalité de deux années, et ainsi de suite.
Pour la facilité et la clarté du calcul, on choisit ordinai
rement pour point de départ un nombre rond : 10,000 ou
1,000. Voici un exemple emprunté à la table de Duvillard :

AGE NOMBRE DES VIVANTS ! NOMBRE DES MORTS

0 10,000 2,325
1 7,675 957
2 6,718 471
3 6,247

50 2,97 ! 77
5! 2,894

70 1,177 96
71 1,081

8. Si nous comparons les résultats de plusieurs tables,


nous voyons qu'ils ne concordent pas entre eux, et que les
1. Les nombres de la 2e colonne 7,675, 6,718, etc. représentent les
vivants qui ont accompli l'année précédente ; les nombres de la 3e colon
ne représentent les morts de l'année en face de laquelle ils sont placés.
Ainsi de 1 à 2 ans les morts sont représentés par le chiffre 957. On re
tranche ce chiffre du nombre des vivants : 7,675 ; puis on porte le reste,
soit 6718, à la colonne des vivants en face du chiffre 2 de la 1re colonne,
et ainsi de suite.
On grouppe les principales conséquences à tirer de ces éléments fon
damentaux de la table de mortalité dans un tableau complété de la façon
suivante :

P1 oport - - . - -- - - -

Nombre | Nombre VIe Vie § Probabilité| Probabilit


Age des des les vivants | de décès de
vivants morts | moyenne | probable | u nomb e dans l'année | survie
(les Inorts
1 s u l'

0 10.000 | 2,300 | 33,20 | 30,80 4,35 0,2300 0,7700


1 7,700 500 42,45 46,76 15,40 00,649 0.9351
2 7,200 337 43,83 48,70 21,36 0,0468 0,9532

et ainsi de suite.
Ce tableau se lit ainsi : sur 10,000 nouveau-nés, il en meurt 2,300
dans la première année. Donc, pendant cette période, la vie moyenne
de chaque nouveau-né est de 33 années 20 dixièmes, sa vie probable, de
LA sTATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 13

différents degrés de la mortalité, sont représentés par des


quantités variables.
Ainsi, sur 1,000 individus nés vivants, il en reste :

- D'après la table l)'après la table D'apres la tabl


A l'âge de de Deparcieux. de Kerseboom. §"

1 an . 745 . 804 981


2 709 768 965
3 682 7.36 952
4 662 709 941
5 647 688 931
10 600 639 900
20 556 584 843
30 500 507 755
40 449 432 672
50 396 362 592
60 319 273 490
70 211 175 350
80 81 72 168
90 8 S 37 1 .

Ces différences tiennent à ce que les observations qui


30 années 80 dixièmes. Il il en meurt 1 sur 4,35. Pour chacun la pro
2,300 - -- -

babilité de décès est de 0,2300


7.700
(ººT y
, ), la probabilité de survie est
-

de 0.7700 (ouT T) — Voy. Karup, Theoretisches Handbuch der Le


1

bensversicherung, Leipsig, 1874. II, p. 97. '


1. En comparant la mortalité dans les différents pays de l'Europe, on
trouve les résultats suivants, empruntés à Quételet :
États. Années observées. Proportion des habitants pour un décès
par {l 1l .

Norwège . ..... . 1851-1860 58,42


Angleterre . ... .. 1841-1850 53,23
Suède. ...... . . 1856-1860 47,67
Danemark ... ... . 18,5-1859 46,64
Belgique.... . .. 1851-1860 44,27
France ......... 1851-1860 41,02
Pays-Bas......... 1850-1859 40,46
Autriche ........ 1849-1857 36,3 4
Prusse........... 1851-1860 34,48
Farr a trouvé les résultats suivants :
Angleterre.. .............. ... 45
France....... ........... .... 4?
Prusse ..... ...... ........... 38
Autriche...... 33
Russie.. ..... 28
14 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'AssURANCE

servent de base aux tables de mortalité n'ont pas porté


sur des nombres assez grands, et aussi à l'influence des
causes sociales et morales qui modifient sans cesse le
cours des causes naturelles ". On a pu dire que la loi de la
mortalité agissait avec autant de régularité que la loi de la
pesanteur, mais il faut ajouter que, s'il est vrai que cette
loi, dans sa généralité, soit immuable et éternelle comme
toutes les lois de la nature, on n'est pas encore parvenu à
en déterminer la formule rigoureusement exacte et défi
nitive. On considère justement les tables de mortalité,
comme les formules variées de lois positives, particulières
à tel pays, ou à telle classe de la population, formules
essentiellement relatives et perfectibles. D'un autre côté,
les compagnies d'assurances sur la vie, même les plus
importantes, n'opèrent elles-mêmes que sur des nombres
relativement petits ; elles ne peuvent donc pas s'atten
dre à ce que l'action de la mortalité sur ces nombres reste
en conformité absolue avec les données des tables de mor
talité. "
9. Cette vérité apparaît avec plus d'évidence encore
lorsqu'on examine comment sont conçues ces tables. Elles
reposent sur une série d'hypothèses. La mortalité de l'es
pèce humaine dépend de causes multiples. Les unes sont
naturelles, par exemple l'âge, le sexe *, le point géogra
phique où le sort fixe chacun de nous sur cette terre, les

Dans le même pays, des observations, faites à des périodes différentes


accusent des résultats différents. Ainsi en France :
de 1836 à 1840, il meurt 1 habitant sur 41,35
de 1841 à 1845, - 44,19
de 1846 à 1850, - 41,97
de 1851 à 1855, - 39,67
de 1856 à 1860, - 41,36

1. Il n'est pas question ici des causes de mortalité exceptionnelle, telles


que la guerre, la peste, le choléra.
2. V. Moniteur des Assurances, 1875, p. 294, 339 et 365, le Risque
Femme. Cf. Corn. Walford, Op. cit., Vo Female Life.
LA sTATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 15

bonnes ou les mauvaises années, les saisons ; les autres


sont artificielles, et résultent des nécessités sociales, par
exemple le mode d'existence, le rang dans le monde, la
profession !, le plus ou moins d'occupation ou de mouve
ment, le plus ou moins de fortune. Ajoutons à cela l'effet
infiniment varié des nombreuses maladies qui mettent la
vie en péril *. Enfin, si l'on considère l'homme dans son
individualité, on se trouve en face des phénomènes psycho
logiques de tout ordre dont l'influence sur la durée de la
vie est incontestable. Pour chacune de ces causes, dont
nous ne faisons qu'indiquer l'infinie diversité, il faudrait à
la rigueur dresser une table de mortalité particulière *. Ce
serait un travail immense, presque impossible. On a donc
supposé tout d'abord, — et nous arrivons ainsi aux hypo
thèses qui servent de base aux tables de mortalité, — que
toutes les différences de mortalité, lorsqu'on examine un
grand nombre d'hommes, se compensent entre elles ; on
a supposé en second lieu, que la probabilité de vie dépen
dait de l'âge seul, en d'autres termes, que tous les hom

1. Voy. Moniteur des Assurances, 1879, p. 329, Influence des Profes


sions sur la durée de la vie. Eod. op., 1876, p. 214, Mortalité des ecclé
siastiques. Cf. cod. loc, p. 401, Les causes des décès, par le docteur Ber
tillon. Corn. Walford, op. cit., Vo Death, Causes of.
2. Des tables de mortalité spéciales ont été dressées pour les vies mau
vaises ou douteuses. Nous citerons particulièrement celle de M. Meickle
(1870) reproduite par M. Corn. Walford, avec le tarif auquel elle sert de
base, op. cit, Vo Diseased and impaired lives. Cf. Moniteur des Assuran
ces, 1879, p. 155, Assurance des vies mauvaises. -

3. Nous verrons plus loin qu'il existe en plusieurs pays des tables de
mortalité particulières, par sexe, par profession par nature de maladie,
par mois. — En Amérique, le docteur Carney, a dressé cinq cartes indi
quant, par des teintes plus ou moins foncées, les différents degrés de la
mortalité résultant, sur chaque point du territoire des États-Unis, des cinq
maladies suivantes : Fièvre Paludéenne, Phtisie, Pneumonie, Fièvre
Typhoide, Rhumatisme. Il serait à souhaiter que ce travail si intéressant
de géographie et de statistique médicales fût également fait pour la
France.
16 IDÉE GÉNÉRALE ET TnÉoRIE DE L'AssURANCE

mes du même âge, au point de vue de la mortalité, pou


vaient être considérés comme des valeurs égales ; enfin,
que la population était stationnaire, c'est-à-dire, que le
nombre des naissances y était toujours le même chaque
année et égal au nombre de décès, et qu'il ne s'y pro
duisait aucun mouvement d'émigration ou d'immigra
tion. .
10. Après avoir délimité le domaine de l'hypothèse
dans les tables de mortalité, nous indiquerons comment
on a recueilli et coordonné les éléments qu'elles ont em
pruntés à la réalité.
Trois méthodes ont été suivies pour construire ces
tables : -
S

1° La méthode de Halley. Cette méthode consiste à


faire, à l'aide des registres mortuaires, le relevé des décé
dés en les classant par âge et en établissant cette classifi
cation depuis la naissance jusqu'à la vieillesse la plus
reculée. Supposons que le nombre total des décédés de tout
âge soit de mille, et que les registres mortuaires men S

tionnent 145 individus décédés du jour de leur naissance


à l'âge de un an, 57, de l'âge de un an à l'âge de deux ans,
38, de deux ans à trois ans...... Avec ces éléments on
construirait la table suivante :

| NOMBRE A L'AGE | NoMBRE DANS LA


ſ, 1 i, , , l, » rl,»
†#
VlVants de
des vivants de
-

des morts | période de ra§ §tel


, 1.000 0 dont il faut 145 0 à 1 an | 855 à 1 an
855 1 défalquer 57 1 à 2 ans "798 à 2 ans
728 2 | 38 2 à 3 ans | 760 à 3 ans

Le défaut évident de cette table est d'exagérer la mor


talité. La population étant supposée stationnaire, le nom
bre des vivants, proportionnellement à celui des décédés,
est trop faible, et l'erreur est d'autant plus grande que
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 17

l'on s'occupe d'un âge plus avancé à cause de l'excès an


nuel des naissances sur les décès ".
2° La deuxième méthode consiste à faire dans les états
de recensement de la population, le relevé des vivants
en les classant d'après leur âge depuis la naissance jusqu'à
la vieillesse la plus reculée. On obtient ainsi une série de
nombres qui sont ceux des survivants de chaque âge. On
dresse alors la table suivante. (Supposons que le recen
sement donne les nombres suivants : 998,613 pour la
première année, 863,981 pour la deuxième, 824,168 pour
la troisième... etc.) :
VIVANTS
- - . | NOMBRE DES DANS LA
VIVANTS de l'année qui - •

- morts période de
suit

998.613 dont il faut 863.981 reste


-

#§ .632 0 à 1 an
863.981 défalquer 824.168 - 1 à 2 ans
824. 16S |

Aucune des tabies dont se servent les assurances sur la


Vie n'a été construite d'après cette méthode qui a le même
défaut que la précédente *.
3" La méthode de Deparcieux. Deparcieux est considéré
comme l'inventeur de la méthode directe, qui consiste à
observer un groupe humain et à le suivre de la naissance
à la mort 3. Ses éléments d'observations sont pris dans
les registres de trois tontines fondées en 1689, 1696 et
1734. Il procéda de la façon suivante : il commença par

1. Voy. M. Block, op. cit., p. 185-186. Dormoy, Théorie mathéma


tique des assurances sur la vie, Paris, 1878, I, p. 90 et suiv. Karup,
ºp. cit. p. 103 et suiv.
2. Voy. Karup. op. cit., p. 107 et suiv. et Dormoy, op. cit., I. p. 95 et
suivantes.
3. La table hollandaise de Kerseboom publiée en 1742 est construite
º'après la même méthode que celle de Deparcieux. Mais ses éléments
2
18 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'AssURANCE

déterminer le nombre des tontiniers qui, à un certain âge,


étaient vivants ; puis, partant de cet âge, il compta de
cinq ans en cinq ans le nombre des survivants.
Une simple soustraction lui donna le nombre des décé
dès pendant les périodes correspondantes. Supposons
par exemple que le nombre des survivants à 32 ans fût
de 2,009, et à 37 ans, de 1,916. La différence 93 indique
la mortalité pendant cette période de cinq ans. Après cette
première opération, Deparcieux réduisit à 1000 le nombre
des vivants au début de la 3° année qui était le point de
départ de sa table ; puis il fit subir une réduction propor
tionnelle à toute la série des nombres successifs de survi
vants. Dans chaque période de cinq ans, pour les différents
âges intermédiaires, il fixa le nombre des vivants au
moyen d'interpolations.
Cette méthode, sans être parfaite, repose du moins sur
ce principe, seul vrai et seul fécond, que, pour dresser
une table de mortalité, il faut connaître en fait et directe
ment le nombre des vivants dont on défalque successive
ment les décédés, et que la base fondamentale d'une
pareille table est la probabilité de mort ".
Nous passerons rapidement en revue les tables de
mortalité qui en France et à l'étranger servent aux assu
rances sur la vie.

11 . I. Tables françaises.

1° Table de Deparcieux, 1746. La table que l'on désigne

d'observation présentent moins de certitude que ceux mis en œuvre par


ce dernier. -

1. Deparcieux a publié sa table en 1146 dans l'Essai sur les probabilités


de la durée de la vie humaine. Ce n'est que dans notre siècle que sa
méthode a été appréciée et suivie. Milne, Finlaison et Morgan en Angle
terre, Brune en Allemagne, Demontferrand en France, se sont inspirés
de ses idées.
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 19

généralement sous ce nom " a été dressée à l'aide d'obser


1. Table de Deparcieux, complétée dans les premières années :
·r ,º N43Xl HItE n I RÉF DE LA vIE , | viv»Nrs | sou Rr DURÉE DE LA vIE

# à chaque des -- # à chaque des --

• àge | vivants | Moyenne | Probable •: àge |.vivants | Moyenne | Probable


- -
-

A ns Mois | A ns Mois A ns Mois | A ns Mois


0 | 1286 | 51 467 | 39 8 | 42 U , 49 | 590 | 12725 | 21 1 | 21 9
1 | 1071 | 50181 | 46 4 | 53 2 - 50 | 581 | 12135| 20 5 | 21 0
2 | 1006 | 491 t 0| 48 4 | 54 1 1 | 51 | 571 | 11554 | 19 9 | 20 3
3 | 970 | 48104 | 49 1 | 55 4 | 52 | 560 | 10983| 19 1 | 19 7
4 | 947 | 47134 | 49 4 | 55 2 | 53 | 549 | 10423| 18 6 | 18 10
5 | 930 | 46187| 49 2 | 54 10 | 54 | 538 | 9874 | 17 10 | 18 1
6 | 917 | 45257 | 48 10 | 54 4 | 55 | 526 | 9336| 17 3 | 17 5
7 | 906 | 44340 | 48 5 | 53 9 | 56 | 51 4 | 8810 | 16 8 | 16 8
8 | 896 | 43434| 48 () | 53 2 | 57 | 502 | 8296| 16 0 | 16 0
9 | 887 | 4253N | 47 5 | 52 6 | | 58 | 489 | 779 , | 15 5 | 15 4
10 | 879 | 41651 | 46 1 1 | 51 10 | 59 | 476 | 7305| 14 10 | 1 4 8
11 | 872 | 40772| 46 3 | 51 1 | 60 | 463 | 6829| 1 1 3 | 14 0
12 | 866 | 39900| 45 7 | 50 3 | | 61 | 450 | 6366| 13 4 | 13 4
| # | 8t0 | 39034 | 4 , 11 | 48 6 | 62 | 437 | 591b | 13 7 | 12 7
| 14 | 854 | 38174 | 44 2 | 49 9 | 63 | 423 | 5479| 12 0 | 12 0
| 15 | 848 | 37320 | 43 6 | 47 14 | 64 | 409 | 5056| 11 4 | 11 4
16 | 842 | 36472| 42 10 | 47 2 | 65 | 395 | 4647 | 11 3 | 10 8
17 | 835 | 35630 | 42 2 | 46 5 | | 66 | 380 | 4252| 10 8 | 10 !
18 | 828 | 34725| 41 6 | 45 8 | 67 | 364 | 3872 | 10 2 | 9 6
19 | 821 | 33967 | 40 10 | 44 1 1 | 68 | 347 | 3508 | 9 7 | 9 0 |
20 | 814 | 33146| 40 3 | 44 2 | 69 | 329 | 3161| 9 1 | 8 5
| 21 | 806 | 32332| 39 7 | 43 5 | | 70 | 310 | 28:12| 8 8 | 7 11
22 | 798 | 31:26 | 3) 0 | 42 9 | 71 | 291 2522| 8 2 | 7 6
23 | 790 | 30728 | 38 5 | 42 0 | 72 | 271 22:31 | 7 9 | 7 0
24 | 782 | 29938 | 37 9 | 41 3 | | 73 | 251 1960| 7 4 | 6 7
25 | 774 | 29 156| 37 2 | 40 6 | | 74 | 231 1709| 6 11 | 6 2
26 | 766 | 28382| 36 7 | 39 10 | 75 | 211 | 1478| 6 6 | 5 9
27 | 758 | 27616| 35 11 | 39 1 | 76 | 192 | 1267 | 6 1 | 5 4
28 | 750 | 2685 N | 35 4 | 3 8 4 | | 77 | 163 1075| 5 9 | 4 11
29 | 742 | 26108| 34 8 | 37 7 | | 78 | 154 902| 5 4 | 4 7
30 | 734 | 25366 | 3 4 1 | 36 10 | | 79 | 136 748| 5 0 | 4 3
31 | 726 | 21632| 33 5 | 36 1 | | 80 | 118 612| 4 8 | 4 0
32 | 718 | 23906| 32 9 | 35 5 | | 81 | 101 494 | 4 5 | 3 9
33 | 710 | 23188| 32 2 | 34 6 | | 82 85 393| 4 1 | 3 7
34 | 702 | 22478| 31 6 | 33 9 | 83 71 308 | 3 10 | 3 3
35 | 694 | 21775| 30 1 1 | 33 0 | 84 59 237 | 3 6 | 2 11
36 | 686 | 21082| 30 3 | 32 3 | | 85 48 178| 3 2 | 2 9
37 | 678 | 20396 | 29 7 | 31 5 | | 86 38 139| 2 11 | 2 6
38 | 671 | 19718| 28 11 | 30 8 | 87 29 92| 2 8 | 2 4
39 | 664 | 19047| 28 2 | 29 10 | | 88 22 63| 2 4 | 2 0
º | 37 | 1838 | 2: 6 | 2º 0 | # 16 41| 2 ! ( 9
41 | 650 | 17726| 26 9 | 28 3 | 90 11 25| 1 9 | 1 6
42 | 643 | 17076| 26 1 | 27 5 | | 91 7 14 | 1 6 | 1 3
43 | 636 | 16433| 25 4 | 26 7 | 92 4 7| 1 3 | 1 0
44 | 629 | 15597| 24 7 | 25 9 | 93 2 3| 1 0 | 1 0
| 45 | 622 | 15168| 23 11 | 24 11 | | 94 1 1| 8 6 | 0 6
46 | 615 | 14546| 23 2 | 24 2 | 95 0 ()
7 | 607 | 13931 | 22 5 | 23 4
·s 599 | 13324| 21 9 | 22 7
20 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉoRIE DE L'AssURANCE

vations se rapportant à 10,000 têtes environ (9,320 faisant


partie des tontines de 1689 et 1696, plus un certain
nombre de la tontine de 1734). Sans revenir sur les dé
tails que nous avons donnés plus haut sur la construction
de cette table !, nous nous contenterons de dire qu'elle a
une grande valeur historique et pratique *.
2° Table de Duvillard, 1806. Cette table a été publiée
dans l'ouvrage de Duvillard intitulé Analyse de l'influence
de la petite vérole sur la mortalité, l'auteur n'indique pas
précisément sur quels éléments il l'a calculée. Elle a, et
surtout elle a eu une grande valeur pratique, mais il est
certain aujourd'hui qu'elle accuse une mortalité beaucoup
trop rapide dans la jeunesse et dans l'âge mûr, et beau
coup trop lente dans la vieillesse.
3° Table de Demontferrand, 1838. Nous ne faisons que
mentionner cette table qui est sans grande valeur prati
que *.
4° Table des Sociétés de secours mutuels, 1852. Nous
parlerons plus loin de cette table ".
5° Table de Beauvisage, 1867. Cette table se rapproche

1. Deparcieux a construit une autre table de mortalité à l'aide des


registres mortuaires d'un certain nombre d'établissements religieux. Cette
table, qui n'est pas sans intérêt, n'est pas celle que l'on désigne ordinai
rement sous le nom de table de Deparcieux.
2. L'idée généralement admise que cette table convient mieux à l'assu
rance de rentes qu'à l'assurance de capitaux en cas de décès est inexacte.
D'après les plus nouvelles et les meilleures observations, elle indique
une mortalité trop rapide surtout à partir de 60 ans. Voy. E. de Kertan
guy, La table de mortalité de Deparcieux et les tarifs de rentes viagères
de la caisse de la vieillesse, Journ. des Actuaires Français, 1876. Cf. le
tableau dressé p. 21.
3. La table de Demontferrand porte sur l'ensemble de la population
de la France. Elle a été construite avec les matériaux suivants : date de la
naissance et de la mort de 5,952,352 hommes et de 5,840,937 femmes pen
dant 15 ans (de 1817 à 1832), résultats des recensements de 1820, 1831 et
1836 ; listes de conscription de 1815 et de 1831. Elle indique la mortalité
separément pour les deux sexes. Voy. Karup, op. cit., II, p. 127.
4. Voy. p. 55.
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'ASSURANCE 21

de celle de Deparcieux. Elle a été construite à l'aide de


données empruntées aux registres de la tontine Lafarge
fondée en 1792. « Si l'on avait pu recueillir, dit M. Beau
visage ", la date des décès de tous les tontiniers disparus,
on aurait eu les éléments d'une des tables spéciales les
plus intéressantes qui aient été dressées. Malheureuse
ment sur environ 116,000 individus, et sur plus de 110,000
extinctions probables, il n'a pu être constaté, jusqu'à la
fin de 1864, d'une manière certaine, que 38,951 décès,
soit un peu plus d'un tiers. » Cette lacune considérable
dans les constatations ôte à la table de Beauvisage une
grande partie de son autorité.
6° Table des trois Compagnies d'assurances françaises
(Compagnie d'assurances générales, Nationale, Union),
1860. Ces trois Compagnies ont réuni pour construire cette
table les résultats de leur expérience relativement aux
rentiers depuis l'âge de cinquante ans jusqu'à l'âge de
quatre-vingt-cinq ans. C'est la meilleure table que nous
possédions en France pour les rentiers *.

1. Voy. Beauvisage, Des tables de mortalité et de leur application aux


assurances sur la vie avec une nouvelle table de mortalité, etc... p. 19.
Cf. Dormoy, op. cit., p. 72 et suivantes.
2. Comparaison entre cette table et d'autres tables de mortalité, établie
sur le nombre de 1,000 vivants à l'âge de 50 ans et pour les âges de 50
à 85 ans :
-m- E

TR01S " | couv§ §c,As


#T. § § ,N1 }.
D EPARCIEUX § —§oN-
(tonti * ---

l †" * -:

1St,() 1746 1 S67 Hommes | Femmes | n°º - 1872

50 | 1000 1000 1 000 1000 1000 1000


51 986.28 982.79 986.28 | 982.58 | 986.35 984 .23
52 972 56 963.86 972 26 | 964.34 | 972.43 967.99
# 958.84 944 .93 957 38 | 945 .32 | 958.22 | 95 l .23
# | 945.12 925.99 942.25 | 925.60 | 943.70 933 .82
22 931 .40 905.34 926 76 | 905.27 | 928 84 915.67
56 917 .68 884.69 910 77 884.45 | 9 l 3. 62 896.77
57 902.2 , 864. ( 3 893.85 | 863.22 898.03 877 . 09
58 886 80 84 1 . 65 876.33 | 841 66 | 882.02 856.61
59 869.65 819.28 858.03 | 819.78 | 865.50 835.29
22 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'AssURANCE

7° Table de la Compagnie d'Assurances générales, 1874 .


Cette table a pour base les données recueillies par la
compagnie pendant une période de trente-six ans, du
1" janvier 1837 au 31 décembre 1872; elle a été dressée
par M. de Kertanguy, actuaire de la Compagnie. Le
nombre des têtes de tous âges sur lesquelles ont porté les
observations est de 20,800 homme s et 3,899 femmes, soit
en tout 24,699 têtes. Le nombre de polices souscrites par
ces divers assurés est de 28,427, se décomposant en 23,478

- Tnº1s Hf7A UVISAGE RENTIERs DU TABLE


T.
- GOUVERNEMENT ANGLAIS de
- COM-GNIEs (tontine FINLA-ON - -

D r PARCIEUX - l'expérienee
2 FRANçAIsEs
-
Lafarge)
-
1829
----
† -

1860 1746 1867 Hommes ! Femmes no 2 — 1872


-

60 852.50 796.91 838.47 | 797.55 | 848.47 S13.00


61 835. 35 77 4 54 816.92 | 774.85 | 830.74 7N9.66
62 816. 48 752 17 794. 42 | 751.51 | 812 14 765.15
63 797 61 728.68 770.81 727 .34 | 792.51 739.41
| 64 777.02 703.99 746.55 | 702.18 | 77 1 . 67 712.46
65 756.44 679.90 720.43 | 675.90 | 749.51 684.42
66 735.86 654.09 692.92 | 648.43 | 725.99 655.45
67 7 13.5s 6 26.55 663.65 | 619.74 | 101.12 625 .68
68 689.55 597.30 633.28 | 589.88 | 674.95 595.24
69 662.11 566.32 602.75 | 558.97 | 647.55 564.27
70 632.95 533.62 571.51 527. 17 | 619.00 532.69
71 t502.07 500.92 538.64 | 494.78 | 589.41 500.23
72 57 1 .20 466.50 504 .58 | 462.12 | 558.89 466.79
73 538 61 432.08 469.21 | 429.49 | 527.54 432.40
74 506.02 397 66 433.52 | 397.1 4 | 495.47 397.15
75 47S. 43 363.24 397.25 | 365.26 | 462.79 36 1 .40
I 439. : 3 330 54 361. l 1 333.85 | 429.56 326.00
77 4 04.83 297.83 325.73 | 302.87 | 395.86 291 .51
78 370.52 265.12 290.55 | 272.34 | 361.84 258.51
79 336.21 234.14 257.16 | 242.41 | 327.73 227.21
80 301 .90 203.16 225 .00 | 213 31 | : 93.86 197.82
81 267 59 173 90 194.90 185. 47 | : 60.65 170.39
82 235.00 146.36 166.76 159.29 | 228.55 144.99
83 204.12 1|22.26 140.37 135.11 | 198 00 119.7.2
84 174.96 101.60 116.27 | 113.18 | 169.38 97.14
85 1 47 . , | 82.66 94.28 93.62 | 1 42 98 77 . 45

Voy. E. de Kertanguy, op. cit., p. 24.


Voy. dans le Journal des Actuaires français, t. III, (1874) un article
de M. E. de Kertanguy intitulé : Table de la mortalité parmi les assurés
en cas de décès déduite de l'expérience de la Compagnie d'assurances gé
nérales sur la vie. M. de Kertanguy nous apprend quel a été le système
de classement suivi par la Compagnie pour construire cette table.
-

LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'ASSURANCE 23

polices pour la vie entière, 2,021 mixtes, 540 de survie et


388 à terme fixe. . A

« Les documents relatifs à chaque police ont été inscrits sur des cartes
présentant la disposition suivante : -

1816 H
16 novembre.

N. . . . . . . . . (CHARLES-FRANçoIs).

3852o. — 2o janvier 1859.

NANTES

DÉcÈs : 15 juin 1866.

Apoplexie.

En tête se trouve l'année de la naissance, au-dessous la date du mois.


L'angle droit de la carte porte la lettre H ou la lettre F, suivant que la
personne assurée est un homme ou une femme ; puis viennent le nom
et les prénoms de la personne assurée, le numéro et la date de la police,
l'agence où la police a été souscrite, et la date de la sortie par suite de
décès, de résiliement ou de rachat. »
Il est intéressant de rapprocher de cette carte celle qui a servi à la so
ciété mutuelle de Gotha pour construire les tables dont nous parlons
plus loin. Voici le modèle de cette carte :
24 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'ASSURANCE

8° La table de mortalité des pensionnaires civils de


l'État, 1879. Cette table a été dressée par MM. Charlon et
-→•=

/ A décé Durée de l'as


ge au deces Surance Oul
Police N 0
- Carte
la No d Ol1 #
la fin nombre des
e l'assurance primes payées

Etat de santé Mod


Nature au moment Cause du • de
de de l'accepta- déces † de
l'assurance - 'assurance
Avec l'indication tion
des renseigne
ments à four- -

nir : Date de la
Sexe de la Age Date de la | ces sation de
personne d'entrée police l'assurance ou
aSSureº du décès

- Domicile de | Domicile au
d # l'assuré au mo-| moment de la Somme
e la personne ment de cessation de assurée
assurée l' - -
acceptation l'assurance

7 4397 29524 56 +- 1 2
(ans) (mois)

Assurance en
cas de décès | En très bonne A -

pour la vie santé poplexie Mort


Avec les ren- entiere

seignements /
donnés à titre
d'exemple :
M| :: . 3 |7 j - Nº, 1 , | > 1$ - •-

(masculin) ( ois) 7 janvier 1856 | 26 mai 1857

Négociant Cologne Cologne 9000

- ---

On voit que cette carte est plus complète que la carte française.
LA sTATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 25

Achard, sur l'invitation du ministre des finances, d'accord


avec la commission sénatoriale, à l'occasion du projet de
loi portant création d'une caisse nationale de prévoyance.
Le nombre des décès de cette table n'est que de 16,259.
Par suite de la destruction des archives du ministère des
finances en 1871, il n'a été possible de réunir des documents
complets que pour la période septennale allant du 1" jan
vier 1871 au 31 décembre 1877. Une table spéciale a été
construite pour les veuves de fonctionnaires pensionnées. Il
y a une différence essentielle entre cette table et celle des
fonctionnaires. Ces derniers pouvant être amenés à prendre
leur retraite pour des motifs de santé, il en résulte chez les
pensionnaires jeunes une mortalité considérable, plus éle
vée même que chez les pensionnaires d'âge moyen. La
statistique des veuves, affranchie de cette cause de trouble,
ne présente aucune anomalie de ce genre ".

12. II. Tables Anglaises

1° Tables de Halley et de Simpson. Nous nous bornons


à mentionner ces deux tables qui n'ont plus aujourd'hui
qu'une valeur historique.
2° Table de Northampton, de Price. Cette table a peu de
valeur scientifique, mais elle a en revanche une très
grande importance pratique. Construite suivant la mé
thode de Halley, sur des données très restreintes (4,689
cas de décès survenus dans la petite ville de Northampton
durant une période de quarante-six ans), elle indique une
mortalité très exagérée. Comme la table de Duvillard, elle
a été affectée presque exclusivement aux assurances en cas
de décès.
3° Table de Carlisle, de Milne, 1816.— Cette table, dont

1.Voy. Bulletin de statistique et de législation comparée, 1879, p. 138


et suiv., 217 et suivantes.
26 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉoRIE DE L'AssURANCE

la valeur scientique est contestable, a une très grande im


portance pratique en Angleterre et en Amérique. Elle a été
construite suivant la méthode de Deparcieux, mais avec
des données trop peu nombreuses (un premier recensement
fait dans deux paroisses de Carlisle, en 1780 et donnant
un chiffre de 7,677 habitants ; un deuxième fait en 1787
et donnant un chiffre de 8,677 habitants, 1,840 décès re
levés dans ces deux paroisses de 1779 à 1787). Entre la
mortalité indiquée par la table de Carlisle et celle indiquée
par la table de Northampton, il y a une différence d'environ
un tiers en plus pour cette dernière. Ce qui explique en
partie les énormes bénéfices réalisés par quelques-unes
des anciennes Compagnies qui se sont servies de cette
table !.
4° Table de Finlaison, 1829. Cette table a été con
struite à l'aide d'observations portant sur 18,798 têtes de
tontiniers, ou de rentiers viagers et 6,679 décès. Le gou
vernement anglais s'en sert pour calculer le taux de ses
rentes viagères*. Elle a été révisée en 1860.
5" Table de la Compagnie d'assurances mutuelles l'Équi
table, par Arthur Morgan *, 1834. Cette table a un intérêt
technique autant que pratique. C'est la première Expé
rience table qui ait été construite. Les observations ont
porté sur 21,398 têtes assurées depuis la fondation de la

1. Voy. C. Walford, op. cit., V° Carlisle.


2. Voy. C. Walford, op. cit. , Vis Finlaison, et annuities on lives, hist.
of, p. 155. Cf. eod. op. Vo Government life annuitunts.
3. Voy. C. Walford, op. cit., V° Equitable so., mortality experience
of. - C'est A. Morgan qui le premier a établi ce fait remarquable, que
la mortalité parmi les assurés croit uniformément en raison du temps
écoulé depuis la conclusion de l'assurance. Dans le journal The Lancet,
(n° du 28 octobre 1837), Edmonds, reprenant et complétant cette dé
monstration, a dégagé des faits observés à l'Equitable la loi suivante :
L'accroissement de mortalité parmi les assurés, pour chaque période de
5 ans écoulée depuis la conclusion de l'assurance, est de 32 t/2 pour cent.
Suivant Karup, op. cit., II, p. 125, en note, Gompertz (1825) aurait
avant Morgan appelé l'attention sur ce fait. Cf. Dormoy, op. cit., n° 117.
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 27

Compagnie (septembre 1762) jusqu'au 1° janvier 1829, et


sur 5,144 décès enregistrés pendant la même période.
6° Table des dix-sept Compagnies, appelée par les An
glais Experience mortality Table n° 1, ou Actuaries
Table, 1843. Cette table est déduite de l'expérience combi
née de dix-sept Compagnies anglaises d'assurances sur la
vie !.
Les observations ont porté sur 83,905 polices sur les
quelles 40,616 (36,414 hommes, 4,202 femmes) indiquent
le sexe des assurés et leur résidence (ville ou campagne).
Cette table, dressée par une commission d'actuaires *
a une très grande valeur pratique et technique. Elle éta
blit deux points très intéressants, à savoir : 1° que la mor
talité est un peu plus grande à la campagne qu'à la ville ;
2° que la mortalité, en prenant la moyenne de tous les
âges, est plus grande chez les femmes * que chez les
hommes *.
7° Table des vingt compagnies, que les Anglais appel
1. Voici les noms de ces Compagnies : Equitable, Amicable, Alliance,
Bristish, Commercial, Crown, Economic, Guardian, Imperial, Law Life,
London Life, Norwich Union, Promotor, Scottish Widows Fund, Sun
Universal et University.
2. Cette commission s'est organisée en 1838. Elle se composait de
MM. Charles Ansell (Atlas), Griffith Davies (Guardian), J.-J. Downes
(Economic), Benjamin Gompertz (Alliance), G. Kirkpatrick (Law Life),
Joshua Milne (Sun), J.-M. Rainbow (Crown), Woolhouse (National
Loan Fund). Elle choisit pour sécrétaire M. Robert Christie, et après la
mort de ce dernier, M. Samuel Ingall.
3. Entre 20 et 50 ans, cette table accuse une mortalité bien plus grande
pour les femmes que pour les hommes. Entre 50 et 70 ans, la propor
tion est renversée.Après 70 ans, le nombre des observations recueillies
n'est pas suffisant pour donner des résultats certains. Voy. sur ces points
C. Walford, op. cit., Vo Experience mortality Table, n° 1 .
4. Quelques auteurs, Finlaison, S. Brown, Lazarus ont relevé dans
cette table, comme un grave défaut, ce fait qu'elle repose, non sur les
existences assurées, mais sur les polices, de sorte que plusieurs polices
sur une seule tête sont comptées pour plusieurs existences. La réponse
que l'on a faite sur ce point, que cette cause d'inexactitude disparaissait
dans la masse des faits observés, ne paraît pas absolument satisfaisante.
28 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'ASSURANCE

lent souvent Institute of Actuaries Experience Table,


ou plus brièvement Experience Table n° 2, 1869.
Cette table a été construite par les soins de l'Institut des
actuaires anglais et de l'Institut des actuaires écossais",
qui, en 1862, formèrent à cet effet une commission où
furent appelés à siéger quelques directeurs de compagnies.
Vingt compagnies d'assurances * sur la vie, anglaises ou
écossaises, apportèrent leur contingent d'observations.
Ces observations, dans leur ensemble, portent sur
160,426 assurés (130,243 hommes, 16,604 femmes —
11,146 assurés malades des deux sexes (diseased lives)—
2,433 assurés exposés à des risques extraordinaires) et
26,721 décès. La table donne des valeurs différentes pour
les deux sexes, pour les assurés malades et non malades*,
et indique dans quelle mesure (très supérieure à la mesure
moyenne) la mortalité augmente parmi les assurés avec
la durée de l'assurance *. Les différentes parties de cette

1. Le comité anglais se composait de MM. Brown, Hodge, Bailey,


Sprague, Day, Woolhouse, avec MM. Reddish et Hill Williams, et plus
tard MM. Jellicoe et Tucker pour secretaires. Le comité écossais se
composait de MM. Mac Candlish, Chisholm et Meickle.
2. Voici les noms de ces Compagnies avec la date de leur fondation : City
of Glascow 1838, Clerical-medical and general 1824, Edinburgh 1823, Equity
and Law 1844, Guardian !821, Life association of Scotland 1838, London
Assurance 1720, London and provincial Law 1845, Metropolitan 1835,
North British 1823, Northern 1836, Palladium 1824, Pelican 1797, Scot
tish Equitable 1831, Scottish national 1841, Scottish Provident 1837,
Scottish Union 1824, Scottish Widows Fund 1815, Standard 1825 et
Union 1814.

3. La mortalité parmi les assurés malades, au-dessous de soixante


cinq ans, est d'environ 30 pour cent plus forte que parmi les assurés non
malades.

4. Pour donner une idée de cette mortalité nous empruntons à la


table l'exemple suivant : d'après la table de mortalité générale sur 10,000
personnes de 30 ans, il en meurt dans l'année 85 ; sur 10,000 personnes
qui viennent de s'assurer, il en meurt 53 ; sur 10,000 personnes assurées
depuis 5 ans, 97, et sur 10,000 assurés depuis 10 ans, 100. Cp. Moniteur
des assurances. 1870-71, p. 18, 136 ct 498, et un article de T. B. Sprague
dans le Journal de l'institut des Actuaires anglais, n° d'avril 1870. On
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 29

table offrent cette particularité qu'elles ne sont pas gra


duées; elles offrent, sans correction, toutes les fluctuations
des résultats observés ; elles n'en ont que plus de valeur
scientifique, et c'est à dessein que la commission des
actuaires les a publiées telles quelles rather than by an
enforced graduation, dit-elle judicieusement, to lose sight
of any deviations for wich some special cause might exist .
Cette table prendra peu à peu dans la pratique de l'assu
rance sur la vie en Angleterre la place de la table des dix
sept compagnies *.
13. III. Tables américaines.

Nous nous bornerons à citer les deux tables de M. Ho


mans, la première publiée en 1859, la deuxième en 1868.
Elles sont fondées l'une et l'autre sur l'expérience de la
Mutual Insurance Company de New-York. La dernière
a été adoptée comme la table type pour les calculs du
surintendant des assurances par l'État de New-York sous
le nom d'American experience Table *.
Le défaut de cette table, qui a une très grande valeur
scientifique et pratique, est de reposer sur l'expérience
d'une seule compagnie, expérience qui n'existait que pour
les âges de vingt à soixante-quatorze ans. De dix à vingt ans
attribue généralement cette recrudescence de mortalité à ce fait que les
assures bien portants, qui constituent les bons risques, sont plus disposés
à abandonner et abandonnent souvent leur contrat. lls font ainsi ce qu'on
appelle l'antisélection naturelle des risques par opposition à la sélection
médicale pratiquée par les compagnies.
1. Plutôt que de perdre de vue, par une graduation artificielle, quel
ques déviations qui pourraient tenir à une cause perturbatrice spéciale.
Ces déviations sont en effet quelquefois très frappantes et ont donné lieu
à de vives discussions à l'Institut des actuaires de Londres.
2.Voy. sur tous ces points C. Walford, op. cit., V° Experience mor
tality Table no 2 et Karup, op. cit., II, p. 136.
3. Voy. Act. du 6 mai 1868, sect. 13. Les États de Missouri et de
Michigan ont suivi cet exemple en 1869.
30 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'ASSURANCE

et de soixante-quatorze à quatre-vingt-quinze, les chiffres


de cette table ne reposent sur aucune donnée réelle *.
Cette table a été complétée et accompagnée de travaux
statistiques de la plus grande valeur, au point de vue
technique de l'assurance sur la vie et au point de vue mé
dical, dans une édition postérieure publiée en 1876.

14. IV. Tables allemandes.

1° Table de Süssmilch rééditée par Baumann en 1775.


Construite d'après la méthode de Halley, cette table, sans
aucune valeur scientifique, a une certaine importance pra
tique et historique *.
2" Table de Brune, 1837 (nouvelle édition en 1847).
Fondée sur les données recueillies par la Caisse prussienne
de rentes pour les veuves de fonctionnaires publics pen
dant soixante-neuf ans, elle a une assez grande valeur
technique. Elle est généralement suivie par les compa
gnies d'assurances allemandes. Elle accuse une mortalité
trop lente *.
3° Table de la Société mutuelle d'assurance sur la vie,
de Gotha ", 1880. Elle est fondée sur l'expérience de cette

1. Voy. C. Walford, op. cit., Vo American tables of mortality. La table


d'Homans a été confirmée dans l'ensemble de ses indications par celle
que la Mutuat Benefit Company a publiée en 1874 et qui est fondée sur
son expérience pendant vingt années (1845-1873). Voy. Moniteur des
assurances, les tables de mortalité aux Etats-Unis, par Xavier Renaud,
1875, p. 94, et Historique des tables Américaines de mortalité, 1878, p. 142.
2. Voy. M. Block, op. cit., p. 13, et p. 189. Karup, op. cit. II,
p. 119.
3. Voy. Karup, op. cit., II, p. 129.
4. Cette table se trouve dans le remarquable ouvrage de statistique que
vient de publier le docteur A. Emminghaus, directeur de la banque de
Gotha, sous le titre suivant : Mittheilungen aus der Geschafts-und
Sterblichkeits-statistik der Lebensversicherungsbank für Deutschland zu
Gotha fur die 50 jahre von 1829 bis 1878, Weimar, 1880. Cet ouvrage
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 31

société pendant cinquante ans (1829-1878). Les observa


tions ont porté sur 85,321 assurés (80,368 hommes,
4,953 femmes) et sur 22,017 décès. Des tables spéciales
indiquent la mortalité par sexe, par âge au moment de
la conclusion de l'assurance, par profession, par mois et
par nature de maladie. C'est une œuvre d'une grande va
leur scientifique et pratique.
4° Table du docteur Semmler, 1875. Cette table est dé
duite de l'expérience de la Caisse prussienne de rentes.
Elle repose sur les observations qui ont été faites jusqu'au
commencement de 1875 sur plus de 14,000 personnes as
surées, de 1839 à 1843, à la Caisse de Rentes, qui, au
moment de la conclusion du contrat, présentaient les âges
les plus différents (de zéro à soixante-neuf ans), et sur la
durée de l'existence desquelles on a eu les renseigne
ments les plus précis*. Cette table a été choisie par le
est divisé en cinq parties et contient 35 tables générales. Voici les
titres des cinq parties : I. Statistique des propositions, refus, accepta
tions et résiliations. II. Statistique des décès. IIl. Situation de l'assurance
au 31 décembre 1878 (ces trois premières parties sont dues à Me Em
minghaus lui-même). IV. Statistique financière (cette quatrième partie
est l'œuvre de M. Carl Kënig). V. Statistique des rapports de mortalité
(cette cinquième partie est l'œuvre de M. Johannes Karup).
1. Dans le tableau ci-dessous, nous rapprochons les résultats de cette
table à différents âges des résultats donnés par la table anglaise des
17 Compagnies :

Sont encore vivants


_ --- ----

| à l'àge d'après la d'après la


d table du Dr | table des
e Semmler . 17 Cies

15 ans 45885 45885


18 45265 44928
21 44432 43963
24 43466 42985
27 42432 41991
30 41416 40973
33 40388 39927
36 39299 38847
32 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'ASSURANCE

gouvernement allemand comme base des tarifs de la


Kaiser Wilhelms-Spende".
15. Pour résumer cette rapide étude * des principales
tables de mortalité employées par les assureurs, nous
croyons intéressant de rapprocher dans le tableau suivant
les chiffres* donnés par les meilleures de ces tables, comme

Sont encore vivants

_- ^ --
d'apres la d'apres la
à
à
l'à cr•
l'àge l " Dr | table des
de Semmler 17 Cies

39 ans 38176 37728


42 37041 36567
45 35909 35343
48 34755 3399S
51 33495 32482
54 3210 3 30761
57 30613 28802
60 28865 2657
63 26679 24055
241 03 21221
20002 17016

1. Voy. infra, chap. IV, no 396.


2. Nous mentionnons ici pour mémoire la table hollandaise de Kerse
boom (1738-1742) fondée sur des observations qui ont porté sur plusieurs
milliers de rentiers viagers hollandais. Cette table n'a plus qu'une valeur
historique. Voy. M. Block, op. cit., p. 187.
3. Nous entendons par vie moyenne le nombre d'années que vivent en
core, les unes portant les autres, les personnes de l'âge correspondant à
cette vie moyenne. C'est la définition donnée par Deparcieux. M. de
Serbonnes, La vie moyenne de la table Hmf, Moniteur des assurances,
1875, p. 346, dit en termes plus clairs : « La vie moyenne à chaque âge
» est le temps que devraient vivre tous les individus de cet âge si la to
» talité du temps qu'ils auront à vivre était également répartie entre eux. »
Cette vie moyenne de l'avenir correspond à ce que les Anglais appellent
Expectation of life, et les Allemands « Lebenserwartung ». Voy. M. Block
op. cit., p. 189.
ll nous paraît utile de rapprocher de cette définition de la vie moyenne
la définition de la vie probable, parce qu'on est assez porté à confondre
les deux idées différentes que représentent ces termes consacrés par
l'usage en statistique « On appelle vie probable, dit M. Dormoy, op.
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 33

la mesure de la vie moyenne de l'homme aux différents


âges
8 --
:

cit. n° 126), à un âge quelconque et d'après une table de mortalité dé


terminée, la différence qui existe entre cet âge et l'âge auquel le nombre
des vivants est réduit à moitié.Ainsi, dans la table de mortalité de Depar
cieux, le nombre des vivants à 30 ans est 134, et ce nombre est réduit à
380 à 66 ans et à 364 à 67 ans ; la vie probable à 30 ans est donc de 36
ans et 10 mois. , ... La vie moyenne ne peut pas être égale à la vie
probable, ni avoir avec elle aucun rapport fixe ; car tous les décès qui
arrivent après l'époque où le nombre initial des vivants que l'on considère
a été réduit à moitié n'ont plus aucune influence sur le chiffre de la vie
probable, tandis qu'ils contribuent pour leur part à former le chiffre qui
représente la vie moyenne. »
VIE
MOYENNE
COMPARÉE
ANDES
ALLEM
BLES
TA
vºus
ANGLAIsEs
TABLES
FRANÇAISES
TABLES "(-
LN


#
--
--^
-
-
--
- ^#
Américaine_|
-
Mutuelle
N
1R
E
B:
-- —"ºs|Gotha
Sociétés
Northamp-| de^..l,|
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Duvillard
Deparcieux17()|| Cie
Equitable
Carlisle
Cº°|
20
Generale
Ci•
Beauvisage
1880
(1838 •..::-
--
-
-
-
Hommes
Femmes |l0n
43.40
*8.25
40.8|
54.01
51.3 ))
))
M)
º)
Y)
»)
Y)
-»)
43.7
48.8
39.8
48.4
50.17
46.83
40.80
)) |
48.72
49.9
10
-
»)
M)
»)
40.4
37.40
43.50
36.5
45.50
45.0
45.0
46.33
45.9
46.51
15 |
)) |
))
34.26
42.83
40.25|
41.87
33
37.1
42.20
41.5
40.3
42.05
42.22|
39.
20
v)
441,|
37.17|
31.34
38.52
39.76
34.3
30.9
39,
19||
38.81
36.5
38.0
37.9
36.5
38.4
25
64|
38
34.08
28.52
31.5
35.69
34.49
28.3
36.4
35.33
34.3
32.74|-1|
34
34.69|
30
33.6
34.8
28.7
30.92|
25.72
32.22|
32.73
30.75|
25.7
3.l|
28.9
78
0
30.9
31
30.80
30
35
2
5
22.89
27.50
28.44
26.95|
28.95
25.7
23.1
40|
28.18|
25.4
27.3
27.2
26.94|
27.6
23.02|
20.05
22.
62|
24.56|
23.18|
25.10
20.5
24,
.9
54|
21
24.0
2.3.7
23.7
24.5
13|
45
!.
20.42|
17.23|
21.29
21.49|
19.75
18.0
19.
20,91|
18.6
20.2
21.1
20
504|
51|
19
5
17.25
14.51|
16.33
17.87
15.6
98|
17
17.40
15
16.9
16.7
17.6
16.0851||
16.
17.
55
14.25
11.95|
13.5
.09
12
14||
12.95
14.30
14.60
13.2
60
14.0
13.6
13.8
14.3
11.10
9.63
11.12|
11.2
11.1
0.31
10.9
11
7
011J1|t.:
1.25
0.15
1.8
65
70 8.07
8,
8.48
7.83
8.7
70
7|
8.59
.58
8.6
8.5
8.67
8,93
9.2
75 6.6
6.5|
5.88|
6.4
75
6.50
5.87
6.28
6.72
6.50|
6.55
.5f|
7.0
80 4.38
4.20|
4.5
4.9
80
4.60
4.69
4.8
5.00
4.67
5.5
85 4.16
2.99|
85
3.17
2.77
3.2
3.4
3.19
3.69
3.21
4.134,
B.6
90 2.2
3.87
75
2.411.,|
2.7
2.70
2.26
1.77
3.3
.83
90
42
§
LA sTATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 35

16. On voit par le tableau ci-contre que les différentes


tables dont se servent les compagnies d'assurance sont
loin de donner des résultats identiques. En présence de
cette diversité de résultats, nous conclurons avec Karup !,
que les tables de mortalité, même les meilleures, ne sont
pas une mesure absolue, mais sont un simple instrument
d'appréciation pour la mortalité future. La valeur de ces
tables dépend du point de vue sous lequel on les consi
dère. Au point de vue scientifique, la meilleure est celle
qui est dressée avec les éléments les plus nombreux et les
plus dignes de confiance, par la méthode la plus correcte,
et qui donne des chiffres distincts pour les deux sexes.Au
point de vue de l'assuré, la meilleure est celle qui se rap
proche le plus de la mortalité réelle pour tous les âges de
telle sorte que ceux qui se sont assurés jeunes n'aient pas
à faire des paiements excessifs et ceux qui se sont assurés
vieux, des paiements trop réduits, ou réciproquement, la
répartition des bénéfices elle-même ne pouvant compenser
ces inégalités *. Au point de vue des compagnies qui as

1. Voy. op. cit., II, p. 114.


2. « Le temps des tables rapides est passé, dit M. E. de Kertanguy (op.
cit., p. 17) ; l'emploi de ces tables dans les calculs est condamné
par le raisonnement et par l'expérience : par le raisonnement, car, le
nombre des décès annuels étant augmenté pour chaque âge, le charge
ment des primes sera inégal et injuste ; le« jeunes têtes auront à suppor
ter le poids des augmentations de mortalité pour toute l'étendue de la
table, tandis que les têtes âgées n'auront à subir le fait de ces augmen
tations que pour un petit nombre d'années ; de plus, si l'on a beaucoup
exagéré la mortalité des premières années, et si l'on n'a pas raccourci la
table, c'est-à-dire si l'on n'a pas fait mourir le dernier survivant plus
tôt que ne l'indiquait la table exacte (Duvillard a poussé ce défaut
à l'extrême, puisqu'il conduit les derniers survivants au delà des
limites ordinaires de la vie), il est certain que l'on sera obligé de
diminuer l'exagération de la mortalité pour les derniers âges de la
Vie, peut-être même de prendre pour ces âges une mortalité plus
lente que la mortalité réelle. Il en résultera que les têtes âgées payeront
des primes presque égales à celles déduites de la table exacte, et que
les tètes très âgées pourront payer une prime inférieure à la prime vraie.
36 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'AssURANCE

surent sur la vie en cas de décès, la meilleure est celle qui


indique une mortalité trop élevée sans faire de distinction
entre les hommes et les femmes. C'est à des tables de ce
genre (particulièrement à la table de Northampton) que
plusieurs vieilles compagnies anglaises doivent leur grande
prospérité et leurs imposants dividendes. Au point de vue
de l'assurance de rentes, la meilleure table est celle qui
indique une mortalité trop faible et plus grande pour les
hommes que pour les femmes. Quant aux compagnies qui
font des assurances de capital et de rentes, aussi bien en
cas de vie qu'en cas de décès et sur un pied égal, il leur
est assez indifférent que la table indique une mortalité
moyenne trop forte ou trop faible, car ce qu'elles reçoi
vent en moins dans une branche, elles le perçoivent en
plus dans une autre ; l'effet des défauts de la table se
trouve ainsi compensé par les combinaisons en sens con
traire des assurances. En résumé, on peut dire qu'en
général les défauts des tables de mortalité préjudicient à
l'assureur ou à l'assuré ; leur amélioration doit donc être,
de la part des compagnies d'assurances, l'objet des plus
vives préoccupations.
17. De grands efforts ont été faits par les statisticiens

L'expérience est venue ensuite confirmer tout ce que le raisonnement


faisait prévoir. Dès l'apparition de la première table exacte, on a pu re
connaître que les chargements étaient fort inégalement répartis, les têtes
jeunes payant une prime excessive et les têtes plus âgées une prime à
peine suffisante. Le désordre apporté dans les tarifs par ce système vi
cieux de construction est tel, qu'il est presque impossible de se rendre
bien compte de la situation financière d'une Compagnie ancienne, ayant
par conséquent un grand nombre de polices reposant sur des têtes âgées,
et qui établirait ses inventaires au moyen de tarifs déduits d'une table
rapide. L'importance des réserves ne peut se mesurer qu'à l'aide de la
table exacte. Ne pas chercher à connaître sa situation dans toute son
étendue serait, de la part d'une Compagnie, un indifférence coupable,
d'autant plus coupable que, avec les ressources actuelles de la science.
elle ne saurait trouver d'excuse dans l'insuffisance des moyens. »
LA sTATIsTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 37

pour dresser des tables de mortalité exactes *. Mais ces


tables ont pour base des observations qui ont porté sur
l'ensemble de la population, où sont mêlés dans une con
fusion infinie les divers degrés de la santé et de la mala
die ; elles ne peuvent donc servir aux assureurs sur la vie,
auxquels il faut une table de mortalité puisée dans leur

1. Nous citerons les tables de Farr pour l'Angleterre, de Quételet pour


la Belgique, de Bertillon pour la France, de Baumhauer pour les Pays
Bas, d'Hermann pour la Bavière, de Heym pour la Saxe, de Becker pour
la Prusse, etc. Voy. M. Block, op. cit., p. 194-231. De toutes ces tables,
celles de Farr sont les seules dont les assurances se servent dans la pra
tique. Le docteur Farr, attaché au département du Registrar general
comme chef de la statistique, a publié, entre autres, en 1843, 1863 et 1864
trois tables connues sous le nom d'English life Tables n°s l, 2, 3. La
table no 3, qui est une œuvre extrêmement remarquable, a été publiée
sous le titre suivant : English Life Table : Table of Lifetimes, annuities
and Premiums, with an Introduction by W. Farr, publied by Authority
of the Registrar general of Births, Deaths, and marriages in England.
Elle est basée sur les résultats des recensements anglais de 1841 et de
1851 embrassant une cinquantaine de millions de personnes vivantes et
sur 6,470,720 décès enregistrés pendant 17 ans (de 1838 à 1854). Elle donne
les chiffres suivants pour la vie moyenne :
Age Hommes Femmes
0 | 39,91 41,85
10 47,05 47,67
20 39,48 40,29
30 32,76 33.81
40 26,06 27,34
50 19,54 20,75
60 13,53 1 4,34
70 8,45 9,02
S0 4,93 5,26
9) 2,84 3,01
100 1,68 1,76

Voy. C. Walford, op. cit., Vis English life Table, et Farr.


Nous devons mentionner également la table de mortalité des fonctionnai
res et employés retraités que le ministre du Trésor italien vient de faire
dresser, et qui permettra aux compagnies d'assurances de l'Italie, jusque
alors obligées de recourir aux tables françaises et anglaises, de baser
leurs combinaisons sur des chiffres correspondant aux conditions d'exis
tence des populations italiennes. Voy. Bulletin de statistique et de légis
lation comparée, 1879, p. 199. -
38 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'ASSURANCE

propre expérience et reposant sur des têtes choisies pour


l'assurance par voie de sélection médicale, c'est-à dire sur
des éléments aussi homogènes que possible.
Nous avons vu que les actuaires anglais avaient con
struit deux tables extrêmement remarquables (table des
17 compagnies et table des 20 compagnies). Les actuaires
allemands ont depuis quelques années déjà entrepris une
œuvre analogue : un comité, dans lequel nous trouvons
les noms de MM. Bremiker, Kanner, Lazarus, Wiegand et
Zillmer, s'occupe de dresser une table de mortalité aussi
complète que possible avec les éléments fournis par un
grand nombre de compagnies d'assurances sur la vie.
23 compagnies sur 39 , ont fourni pour cette œuvre
982,520 cartes dont le dépouillement et la classification
exige encore un travail de plusieurs années *.
L'assurance française n'est pas encore entrée dans cette

1. La société mutuelle de Gotha n'avait pas voulu livrer au Comité le


résultat de ses observations. Elle vient de les publier dans un ouvrage
dont il a été question plus haut. V. n° 14.
2. Depuis que nous avons écrit ces lignes, le travail préparé par les
actuaires Allemands a été publié (Voy. Deutsche Sterblichkeits-Tafeln
aus den Erfahrungen von 23 Lebensversicherungs-Gesellschaften veröf
fentlicht im au/trage des collegiums fur Lebensrersicherungs-Wissenschaft
zu Berlin, Berlin, 1883). C'est une œuvre très remarquable qui fait le
plus grand honneur à l'assurance allemande. Il contient quatre espèces
de tables correspondant à quatre classes particulières d'assurés.
Pour la première les nombres observés ont été empruntés à l'assurance
normale avec examen médical complet ; pour la seconde, ils ont été em
pruntés à l'assurance faite à primes plus élevées que l'assurance normale
avec examen médical complet ; pour la troisième, ils ont été empruntés à
l'assurance de funérailles qui a lieu avec examen médical incomplet ;
pour la quatrième, ils ont été empruntés à l'assurance en cas de vie qui
se fait sans examen médical. Il y a une table de mortalité particulière
pour les hommes et pour les femmes. Dans le corps de l'ouvrage on ne
trouve que les chiffres directement déduits des observations. Dans un
appendice sont les tables ajustées, œuvre du docteur Zillmer.
Sur les 982,720 cartes fournies par les 23 compagnies d'assurance
124,020 ont dû être rejetées, de sorte qu'il n'en est resté que 858,500 d'u
tilisables.
LA sTATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 39

voie; elle n'a encore produit que des travaux isolés (table
des 3 compagnies pour les rentes viagères, table de la
compagnie d'assurances générales).
Nous exprimons l'espoir que les actuaires français, ré
pondant à l'appel que leur faisait naguèTe l'un d'eux 1, se
mettront aussi à l'œuvre, et construiront, à l'aide d'élé
ments fournis par toutes les compagnies françaises, une
table digne de l'assurance dans notre pays.

l. Voy. Table de la mortalité parmi les assurés en cas de décès déduite


de l'expérience de la Cie d'assurance générale sur la vie, par E. de Ker
languy, p. 17.
CHAPITRE III.

LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'ASSURANCE CONTRE LES


ACCIDENTS ET CONTRE LES MALADIES.

S 1er. Statistique des accidents


18. Desiderata de la statistique des accidents.
19. Travaux faits en cette matière en France.
20. - - en Angleterre.
21. - — en Allemagne.
S 2. Statistique des maladies
22. Travaux faits en cette matière en France.
23 . - - en Angleterre.
24 . - - en Allemagne.

S 1". Statistique des accidents.

18. A l'assurance sur la vie se rattache étroitement


l'assurance contre les différentes éventualités qui frappent
directement l'homme dans sa personne et indirectement
dans son patrimoine, l'assurance contre les accidents, l'as
surance contre les maladies, plus généralement l'assurance
contre l'incapacité de travail.
Ici encore l'assureur n'est pas abandonné à lui-même
et à ses seules conjectures. Les accidents, les maladies se
reproduisent suivant des lois dont on a cherché la formule.
Malheureusement l'étude de ces lois est encore bien in
complète, et la formule en est très imparfaite.
Pour répondre aux besoins de l'assurance il faudrait
établir une statistique embrassant tous les accidents sui
vant un certain nombre de distinctions. Les accidents
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 41

mortels et les accidents non mortels formeraient d'abord


deux grands groupes ; on distinguerait dans le groupe des
accidents non mortels ceux qui entraînent une incapacité
de travail permanente et ceux qui n'entraînent qu'une in
capacité temporaire.
En ce qui concerne les classes ouvrières, pour lesquelles
l'assurance contre les accidents est une institution non
seulement utile, mais nécessaire, les accidents devraient
être groupés par industrie. Il conviendrait en outre de les
classer d'une manière distincte suivant qu'ils arrivent à
des hommes ou à des femmes, à des hommes ou à des
femmes mariés ou non mariés (avec l'indication de l'âge
de leur femme lorsqu'il s'agit d'hommes mariés), à des
hommes ou à des femmes avec ou sans enfants (avec indi
cation de l'âge des enfants), à des hommes ou à des
femmes avec ou sans ascendants (avec indication de l'âge
des ascendants). Les nombres obtenus seraient rappro
chés du nombre total des ouvriers employés dans chaque
industrie.
19. En France presque rien n'a été fait dans cette voie.
Lorsqu'en 1867 le ministre du commerce fut chargé d'é
laborer le projet de loi relatif à l'assurance contre les acci
dents par l'État, projet qui est devenu la loi du 30 juil
let 1868, il invita le bureau de la statistique de France à
faire des recherches destinées à préparer les bases du
calcul des primes de la future caisse d'assurances. Ces re
cherches furent infructueuses, et l'administration dut se
contenter du relevé des accidents, pendant une période
de dix ans, dans l'exploitation des mines". Les accidents de
chemins de fer comme les accidents de mines, et depuis

1. Ce relevé accusait 320 accidents graves par ou sur un nombre de


1"0.000 ouvriers. En conséquence le Conseil d'État fixa la prime au
º20° du capital nécessaire au service de la rente viagère. Voy. Moniteur
des Assurances, 1874, p. 277, Les Accidents mortels, de M. A. Legoyt.
Cet article contient un résumé des travaux de l'auteur sur cette question.
42 IDÉE GÉNÉRALE ET TIIÉoRIE DE L'AssURANCE

quelques années les accidents résultant de l'explosion des


chaudières à vapeur font l'objet de relevés spéciaux. Mais
ces relevés faits sans méthode n'ont qu'une valeur très
secondaire au point de vue de l'assurance.
Les accidents mortels sont les seuls qui depuis long
temps soient assez exactement constatés. « Comme les
premières publications officielles, sur cette catégorie de
décès, remontent à 1827, nous avons, en nous arrêtant
à 1860, les données d'une période de 34 ans. Si on les
soumet au calcul, on constate que les accidents mortels
ont plus que doublé de la première période (1827-1836)
à la deuxième (1836-1860) : — 4744 et 10298 pour le
même nombre de départements. Leur accroissement rela
tif à la population est très sensible : 15 pour 10000 habi
tants de 1827 à 1836 et 28 de 1836 à 1860. Leur rapport
à la mortalité générale de 10,91 pour 1000, en 1851, s'est
élevé à 13,17 en 1860. Le premier relevé des accidents
mortels avec l'indication du sexe des victimes ne date que
· de 1854. De 1854 à 1860, le sexe masculin en a
compté 56693 et le sexe féminin seulement 13585 ".» Les
statistiques judiciaires permettent de ramener à leurs
causes tous ces accidents mortels.
Quant aux compagnies d'assurances contre les accidents,
elles sont d'une fondation trop récente pour avoir pu dres
ser des tables à l'aide de leurs propres observations, et les
classifications de leurs tarifs reposent plutôt sur des con
jectures plus ou moins judicieuses que sur de véritables
bases scientifiques.
20. En Angleterre, la statistique relative aux accidents
n'est guère plus avancée qu'en France. Les accidents de
chemins de fer et de mines font l'objet de relevés spé
ciaux. Les accidents mortels sont officiellement constatés
depuis 1837. Ce qui se dégage de plus remarquable de ces
"

1. Voy. Legoyt, op. cit.


LA STATISTIQUE FN MATIÈRE D'ASSURANCE 43

relevés officiels, c'est l'uniformité des chiffres, surtout pour


les femmes. De 1848 à 1869, le nombre des accidents
mortels pour les femmes a oscillé de 3320, nombre mi
nimum (1861), à 3914, nombre maximum (1854). Pour
les hommes il y a un accroissement assez considérable
dans les chiffres des dernières années ".
La loi de 1880 sur la responsabilité des patrons vient de
faire entrer cette statistique spéciale dans une nouvelle
voie. Les Compagnies d'assurances récemment formées
pour couvrir le risque de responsabilité qui incombe éven
tuellement aux patrons se sont adressées aux actuaires
pour établir leurs tarifs sur des bases rationnelles. Un d'eux,
M. Whitthall, a répondu à leur appel. Il a eu l'idée de
calculer non seulement pour les ouvriers, mais encore
pour un assez grand nombre de professions, les chances
d'accidents mortels que présente chacune d'elles. Dans ce
but, il a rapporté les accidents mortels par professions,
tels qu'ils sont donnés par les registres du Registrar gene
ral, et pour les années 1870, 1871, 1872, aux habitants
des mêmes professions d'après le recensement de 1871 ;
puis il en a déduit la chance pour chacun d'eux de suc
comber à un accident. Le tableau suivant * indique le
coefficient d'accidents mortels afférent à chacune des pro
fessions spécifiées et qui sont celles pour lesquelles
M. Whitthall a réuni le plus grand nombre de faits :
1. Voy. Corn. Walford, op. cit., Vo Accident, Deaths from.
2. Nous empruntons ce tableau au Moniteur des Assurances, 1882,
p. 63. Voy. eod. loc., sur le travail de M. Whitthall, d'intéressants
détails que nous ne pouvons reproduire ici.
44 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉoRIE DE L'AssURANCE

DÉcÈs POUR nÉcÈs Pot R

PROFESSIONS 10.000 PROFESSIONS 1 () 000


habitants habitants

Étudiants........ ...... 1.3 | Avoués. ... . • • • • • • • • • • • 5.4


Ministres protestants. ... 1.8 Agents de police ...... .. 5.5
Maîtres d'écoles........ 2.6 Palfreniers, jockeys,
Clergé autre que celui gl'OOIIl S. .. .. . .. • . .. . 5.7
de la 2e catégorie.. 2.7 Propriétaires de voitures
Auxiliaires attachés aux publiques et d'écuries. 6.0
écoles de médecine.. . 3.0 Artistes peintres.. .. ... . 6.0
Imprimeurs. ........... 3.7 | Entrepreneurs. ......... 6.9
Personnel de l'enseigne- Acteurs. .. .... .. .. .. - - - 7.0
ment primaire.. ...... . 3.7 Maréchaux ferrants ct
Domestiques en général. 3.9 vétérinaires ........... 7.0
Tailleurs d'habits ... .. - 4 3 Médecins, chirurgiens. . 9.3
Cordonniers............ 4 .3 Cochers .... . - - - • - - - - - , 10.9
Avocats ..... . • • • • , • • • • • 4.7 Plombiers et peintres vi
Marchands.. ... ... ... . 4.8 triers. ... ... .. ... . .. .. | 11.5
Voyageurs de commerce 4. 8 Propriétaires et mar
Ingénieurs civils........ 5. ! chands de chevaux.. .. | 14.7
Personnel des adminis- Pilotes.. ....... ..... .. 27.4
trations publiques.. ... 5.2 | Bateliers et mariniers. 40.1
Bouchers ... .. .. ... .. 5.3 l Dresseurs de chevaux ... | 47-9
Employés de commerce. 5 .3

21. C'est en Allemagne surtout que la statistique des


accidents a reçu des développements précieux pour l'assu
rance. Les premiers essais en ce sens datent de 1868. Le
ministre de l'intérieur, en Prusse, préparait alors le projet
de loi sur la responsabilité des patrons. Il fit faire des re
cherches qui établirent qu'en 1869 il y eut dans l'industrie
3,048 ouvriers accidentellement frappés, dont 2,196 mor
tellement. Ce nombre se divisait ainsi par nature d'in
dustrie :
LA sTATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 45

- A C C I D E NTS | A CC I D EN T S
DESIGNATION DES INDUSTRIES mortels non mortels

Agriculture.. .. .. ..• • • • • • • • • • • • • • • • • • 679 123


Industries métallurgiques........... .. 523 137
Industrie proprement dite. ..... - • • • - • 294 , 221
Exploitation des mines............... 345 226
Commerce.. ... ... .. . • • • • • .. • • • • • • .. • 24 20
Transports . .. .. .. .. ... ... .. . .... 303 109
Service personnel ........ .......... 28 16

Total.. ... • • • » • • 2196

De ce travail résulte que l'industrie agricole est la plus


éprouvée en matière d'accidents.
En 1873, le ministre du commerce prussien fit faire de
nouvelles recherches plus complètes, mais qui n'eurent
pas, malgré des efforts persévérants, un égal succès dans
toutes les provinces du royaume. Voici les résultats re
cueillis en Silésie pour l'année 1875 : sur 130,718 ou
vriers, 1,512, c'est-à-dire 11,57 pour 1,000 ont été frappés.
Ces chiffres se décomposent de la manière suivante :

NOMBRE DES
NOMBRE
-T- - _- --
DÉSIGNATIoN DES INDUSTRIES des ouvriers aeeidents | aecidents
employés Inortels | non mortels
(-u r 1 ooo | sur 1ºoo

Carrières, etc. ....... • • • • • • • • • • • • • • • 6,006 4,33 3,33


Industrie des métaux. .. ....... - - . - -
39,019 0,45 29,23
| - du verre et de la porcelaine 12,009 0,91 3,75
- des textiles et du cuir.. ... 24,624 0,20 2,28
Fabriques de produits chimiques..... 2,663 3,oo 1,13
Industries agricoles....... ... ..... 15,196 0,99 4,05
Moulins ........... ............. - - -
6, 125 2,45 8.33
Fabriques de papier. .............. . 2,895 1,72 3,so
Autres industries. .. ... .. ...... ... 22,181 0,23 0 67
46 iDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'AssURANCE

A côté de ces travaux il faut rappeler ceux du bureau de


la statistique de Berlin. Les accidents dans les mines, dans
les fonderies et dans les salines sont relevées par l'admi
nistration de ces différentes industries, les accidents de
chemins de fer par les officiers de la police administrative,
les accidents autres que ceux que nous venons de spécifier,
par la police locale. Ils sont immédiatement portés à la
connaissance du bureau de la statistique au moyen de
cartes. Ces cartes contiennent vingt questions relatives au
nom et au domicile de la victime, à sa famille, à son état
de célibataire, de marié, de veuf ou de divorcé, au point
de savoir s'il a des parents dans le besoin ou des enfants
non élevés, quelles sont sa situation, sa profession, ses re
lations comme ouvrier ou comme serviteur, comment il a
été frappé, si c'est dans l'exercice de sa profession, pour
quelle cause, où et quand, si sa blessure a été grave, s'il
est mort immédiatement ou plus tard, ou bien quelle est la
nature de sa blessure, si quelques-uns de ses membres
ont été atteints et lesquels, combien de temps a duré son
incapacité de travail, enfin quelle est sa fortune, sa manière
de travailler, son salaire, s'il est membre d'une société de
secours mutuels, ou s'il est bénéficiaire d'une assurance
contre la responsabilité des patrons ou contre les accidents
en général. On conçoit qu'avec tous ces renseignements
on ait pu arriver en Prusse à dresser une statistique des
accidents extrêmement détaillée. Nous donnerons, à titre
d'exemple, les résultats généraux constatés en 1876 " :

1. Voy. sur tous ces points Paul Dehn, Unfallstatistisches zur Unfall
versicherung, Leipsig, 1881 .
LA sTATISTIQUE EN MATIÈRE D'ASSURANCE 47

Accidents non mortels | Accidents mortels


- - -

DESIGNATION DES lNDUSTRIES


--

Non §. - -- | >-»
Profession-| Non pro- | Profes
sionnels nels fessionnels | sionnels

Pêche ... : . ... ......... .. .. ... . 35 23 33 21


| Navigation. ...... • • • • . • • • • • • • • • • 173 105 156 93
Constructions.. .. ... .. ...... .. . | 1051 779 510 312
| Industrie des metaux. ............. 1698 1500 282 83
Carrières, jardinage, lndustrie du
verre et de la porcelaine.......... 245 174 157 92
| Produits chimiques........ - - - - - - 73 67 28 22
| Industrie des textiles, du cuir et du |
| papier ....... - - .. .. |
- - • • • • • • • • - 383 296 123 58
Commerce ..... .. .. ... .. ........ 246 75 134 25
| Aubergistes.. ... - 63 21 38 9
Transports.. - • - - _ - - - - - - - • - - 232 182 122 91
| Mines et forges.................. | 2340 2239 689 602
Salines......... . ... ... • • • • • • - 13 13 2 2
| Postes et Télégraphes. ........... 54 34 27 13
Chemins de fer :
a. Employés.......... - - • • • • - - • - 394 380 92 83
b. Ouvriers. .. .. .. ... ... .. .. . 857 813 174 143
c. Voyayeurs.. ... - - - - .. • • • • • - - - - 50 21 14 9
| d. Autres personnes. .. . , ... ... .. 213 41 136 21

Ce tableau ne contient que des nombres absolus et ne donne dès lors pas l'idée du
degré de danger que présente chaque industrie. Il est c0mplété par le tableau suivant :
NOMBRE Accidents non professionnels ACCIDEN rs PRoFEssIoNNELs
DÉsIgNATIoN DEs | des personnes | ----

- - 1- fem - 1l fem. lhomm. | fen.lhomm. fem.


Ouvriers des che
mins de fer..... | 33,800 | — 5,oo | - |19,67 | -| 4,14 | — |19,32 | —
Navigation .... .. | 35,031 300| 4,40 | 6,67| 0.43 |3,33| 2,63 | 3,33| 0,a | —
Transports. ..... 41.292 2136| 2,s6 | 1,87| 2,59 |0,47| 2,1s | 0,47| 2,16 | —
| Constructions .. 1243.594 1057| 2,o6 | 7,57| 2,17 |6,62| 1,2s | 0,95| 1,89 | 0,95
| Pêche.......... | 14,956 329| 2,01 | 9,12| 0,13 - | 1,34 | 3.04| 0,13 | —
Mines et forges.|347,467 9966| 1,96 | 0,80| 4,70 |0,o5| 1,73 | 0,1o| 4,66 | 0,50
Employés de che
mins de fer ... | 47,670 | — 1,93 | -| 6,17 | - | 1,74 | — | 6,o6 | —
| Carrières, Indus
| trie du verre et
| de la porcela ne.|134,356 | 9215| 1.12 | 0,05| 0,65 - | 0,66 | 0,33| 6,61 | —
| Produits chimiq. | 23,965 | 2463| 1,os | 0,s1| 4.84 |0,41 | 0,ss | 0,41| 1,84 | 1,41
Salines ..... ... | 3,086 1| 0,º, | —| 3,56 | — | 0,65 |— | 3 | —
| Ind. des métaux.|412,543 | 8919| 0.52 | 0,7s| 3,5U |0,45 | 0,2o | 0,22| 3,42 | 0,34
Postes et Télé
graphes........ | 60,330 | — | 0,4o | — | 0,41 | — | 0,22 | — | 0,33
Commerce.. 312,832 | 62,606| 0,as | 0,2 | º2s 0,35| 0.07 | 0,00| 0,12 0,16
Aubergistes 90,683 | 22,695| 0,37 | 0.1s| 0,21 |0,1s | 0,09 | 0.o4| 0,1o | 0,oº
Industries des -

textiles, du cuir
et du papier...|366,345 173,683| 0.30 | 0,0:| 0 1 0,41 | 0,14 | 0,o,| 0,46 | 0,39
Voyageurs al' -

chemins de fer.|116,452 115| 0,001| — | 0,0007 | - l 0,0002| — | 0,ooo2| -


48 IDÉE GÉNÉRALE ET TnÉoRIE DE L'AssURANCE

La plus grande difficulté que rencontre la statistique


prussienne, difficulté qu'elle n'a pas encore vaincue, c'est
la constatation des accidents peu graves entraînant une
incapacité de travail de moins d'un mois.
Quant aux explosions résultant des explosions de chau
dières à vapeurs, ils sont relevés avec la plus grande exac
titude. Suivant le docteur Engel, le montant des dommages
matériels causés annuellement par ces accidents ne dépas
serait pas 132,000 marks, et le montant des dommages
aux personnes, 120,000 marks. Une somme de 252,000
marks suffirait pour couvrir tous les risques de ce chef en
Prusse ; une somme de 390,000 marks suffirait pour tout
l'Empire allemand'.
Nous signalerons en dernier lieu le travail de statistique
ordonné par M. de Bismark, à l'occasion de son projet
d'assurance ouvrière par l'État, pour déterminer la quotité
des primes à payer par les patrons et par les ouvriers.
Les observations ont duré 4 mois (d'août à novembre)
et ont porté sur 93,554 établissements et sur 1,957,548 ou
vriers et employés (1,615,253 du sexe masculin, 342,295
du sexe féminin), le total des accidents s'est élevé à
29,572. 651 hommes et 1 1 femmes ont succombé à des
accidents mortels ; 122 hommes et 1 femme ont été
atteints d'une incapacité permanente et totale de travail ;
410 hommes et 27 femmes, d'une incapacité permanente,
mais partielle de travail ; 28,352 personnes dont 708 fem
mes, ont été atteintes d'une incapacité temporaire de tra
vail. Ces chiffres représentent pour l'année 1,986 accidents
mortels, 1,680 suivis d'une incapacité permanente, et
85,056 suivis d'une incapacité temporaire, en tout 88,722
accidents.
Avec les données de ce travail, rapprochées des obser
vations recueillies de 1871 à 1880 par la société d'assu
1. Voy, Engel, das Zeitalter des Dampfes in technisch-statistischer
Beleuchtung, Berlin, 1881, 2e édition.
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 49

rances contre les accidents de Leipzig, on a divisé les


risques d'accidents en 10 classes ". Nous donnons un
aperçu de cette division dans le tableau suivant :

CLASSES DE RISQUES NOMBRE


Av - ;. • 1 : - - - - -| PROPORTIONNEL
(Avec indication sommaire des industries qu'elles comprennent) l,ES ACCIDENTS

I. Préparation et conservation du bois (scieries, etc.). —


Travaux de couverture. — Fabriques de produits
explosifs . . . . . . . . . . . . . · . . - - - - - - - - - 100
| lI. Mines de charbon et carrières. . . . . . . , . . . . 66
| III. Constructions . . . . . - - - - - - - - - - - - • - - - 56
IV. Brasseries et fabriques de sucre , . . . . . . . . . 55
V. Fabriques de papier et de carton. — Construction
de navires. — Fabrique de chocolat, de légumes
conservés, d'eau-de-vie. — Hauts-fourneaux, forges,
salines. — Menuiseries, Boucheries. — Bois tournés
et découpés. . . . . . . . . . . . . - - - - - - - - - - - 48
VI. Moulins. - Filatures . . . . " . . . . . . . . . . . 40
VII. Produits chimiques. --- Mines (autres que les mi
nes de charbon). — Construction de machines. —
Fabrique d'armes à feu. — Usines à gaz. — Raffine
ries de pétrole. . . . . . . . - - - - - • • • • - • - - - 32
VIll. Charbons. — Suifs. — Savons. — Bougies. —
Moulins à huile. — Huiles volatiles et parfums. —
Carrières à plâtre, Glaisières, Ardoisières, Tourbières.
— Fabriques de porcelaine. — Usines travaillant le
plomb, l'étain, le cuivre, la fonte, le fer blanc, l'acier.
- Serrureries. . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 22
IX. Travaux métallurgiques (argent, plomb, zinc, nickel,
cobalt, etc.) — Travaux en bois et en osier. - Bou
chons, brosses, parapluies, etc. — Papiers peints,
toiles cirées, cuir, caoutchouc, reliures, travaux du
sellier et du tapissier. — Toutes les branches de
| l'industrie des textiles non comprises dans la classe VI.
— Boulangeries, fabriques de comestibles, de vins,
de vinaigre, de tabac . . . . , . . . . . . . . . . . . 16
X. Industries du vêtement. — Blanchisseries. - Bains.
— Imprimeries, lithographies, photographies. - Fa
brique d'instruments scientifiques. - Bijouterie, or
| févrerie.. ... . • - • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 11

1. Voyez l'étude annexée au 2e projet de loi préparé par M. de Bis


mark sous l'inspiration de M. Schœffle .
4
50 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'AssURANCE

A ce tableau sont annexées plusieurs tables indi


quant : -

1° La probabilité d'être marié à un âge déterminé " ;


2" L'âge probable de la femme à la mort du mari ;
3" La probabilité pour un homme d'avoir à un âge dé
terminé des enfants au-dessous de quinze ans ;
4° La probabilité d'avoir, à un âge déterminé, un nom
bre déterminé d'enfants d'un âge déterminé.
Ces tables ont été dressées à l'aide d'observations faites .
sur le personnel des chemins de fer de l'État et des che
mins de fer de la Westphalie.
Quant à la probabilité d'avoir des ascendants, elle
échappe, faute de statistique suffisante, à toute détermina
tion scientifique.
Pour les accidents non mortels entraînant une incapa
cité de travail de plus de 13 semaines (les seuls visés par
le projet de loi), on s'est servi d'une statistique dressée en
1878, 1879 et 1880 par l'Association de l'Industrie du fer
et de l'acier. C'est là une base manifestement insuffisante.
D'après cette statistique, la valeur du risque au commen
cement de l'année, étant donné que l'indemnité est des
2/3 du salaire, serait de 6,4746 0/0 de ce salaire.
Enfin en ce qui concerne les accidents entraînant une
incapacité permanente de travail, on a dressé une table de
mortalité nouvelle spéciale aux accidents professionnels,
et d'après laquelle doit être calculé le montant de la rente
à allouer aux victimes.
Nous reproduisons cette table :
1. L'âge n'a pas d'influence sur le risque d'accident considéré en lui
même ; mais il a une grande importance pour l'assureur, la rente à payer
en cas de sinistre dépendant de l'âge des bénéficiaires de l'assurance,
lequel est nécessairement en rapport avec l'àge de la victime.
LA STATISTIQUE EN MATIERE D'AssURANCE 51

Table de mortalité pour les personnes qui sont devenues invalides


par suite d'accident.

- VIE MOYENNE
PROBABILITÉ| NOMBRE | - C -- | VALEUR
-, | de mourir d'après la | d'après la
AGES dans l'année des nouvelle ta-ltable de mor- de la rente

qui suit ble de


vIvANTs | mortalité talité
Brune
de vIAGÈRE
| 2 3 4 5 6

15 0,03417 100000 25,465 - 13,932


16 0,03417 96583 25,348 - 13,925
17 0,03417 93282 25,227 - 13,918
18 0.03417 90095 25,085 - 13,910
19 0,03416 87016 24,973 - 13,901
20 0,03414 84045 24,838 - 13,892
21 0.03416 81176 24,698 39,5103 13,881
22 0,03407 78408 24,552 38,7561 13,869
23 0,03402 75737 | 24,401 37,9988 13,856
24 0,03395 73161 24,242 37,2423 13,841
25 0,03386 70677 24,077 36,4866 13,825
26 0,03375 68284 23,902 35,7315 13,806
27 0,03363 65980 23,720 34,9729 13,781
28 0,03350 63760 23,528 34,2107 13,756
29 0,03335 61624 23.326 33,4488 13,727
30 0,03317 - 23,114 32,6869 13,692
31 0,03297 22,890 31,9249 13,652
32 0,03275 22.653 31,1665 13,607
33 0,03250 22,403 30,4149 13,555
34 0,03223 22,140 29,6735 13,496 .
35 0,03193 21,860 28,9384 13,429
36 0,03168 21,564 28,2059 13,353
37 0,03150 21,254 27,4793 13,267
38 0,03143 20,930 26,7615 13,173
39 0,03147 20,592 26,0524 13,070
40 0,03161 20,254 25,3516 12,961
41 0,03181 19,890 24.6556 12,846
# 0,03204 19,527 23,9611 12,725
#
44
0,03231
0,03262
19,182
18,779
23,2678
22,5786
12,597
12,464
45 0,03298 18,396 21,8931 12,324
46 0,03338 18,005 21,2142 12.178
47 0,03384 17,610 20,5414 12,027
4S 0,03426 17.209 19,8775 11,870
# 0,03464 16,802 19,2221 11,705
#) 0,03499 16,387 18,5722 11,533
#! 0,03530 15,963 17.9248 11,352
#? 0,03564 15,529 17,2823 11,160
# 0,03604 15,084 16,6446 10,957
# 0,03652 14,630 16,0138 10,742
23 0,03717 14,165 15,3899 10,516
# 0,03804 13,693 14,7750 10,279
# 0,03921 13,215 14,1717 10,031
# 0,04067 12,734 13,5774 9,776
# 0,04243 12,252 12,9944
12,4255
9,514
() 0,04455 20945 11,773 9,247
52 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉoRIE DE L'AssURANCE

Table de mortalité pour les personnes qui sont devenues invalides


par suite d'un accident (Suite).

- VIE MOYEN N E -

PROBABILITE | NOMBRE | - - | VALEUR


de mourir d'après la | d'après la
AGES dans l'année des nouvelleta-table de mor-lº la rent

qui suit VlVANTS ble de talité de vIAGÈRE


mortalité Brune
1 2 3 4 5 6

61 0,04705 20012 11,298 11,8734 8,976


62 0,04990 19070 10,831 11,3413 8,705
63 0,05304 18118 10,374 10,8282 8,434
64 0,05644 17157 9,927 10,3306 8,165
65 0.06004 16189 9,491 9,8455 7,897
66 0,06382 15217 9,066 9,3693 7,631
67 0,06780 14246 8,649 8,9009 7,366
68 0,07202 13280 8,242 8,4440 7,107
69 0,07656 12324 7,843 8,0033 6,839
70 0,08154 11380 7,452 7,5794 6.576
71 | 0,08711 10452 7.069 7,1761 6,314
72 0,09335 9542 6,696 6,7935 6,054
73 0,10036 8651 6,333 6,4377 5,797
74 0,10817 7783 5,984 6,1116 5,545
75 0,11680 6941 5,649 5,8135 5.301
76 0,12618 6130 5,330 5.5402 5,064
77 0,13625 5357 5,028 5,2666 4,837
78 0,14688 4627 4,742 4,9728 4,620
79 0,15798 3947 4,573 4,6460 4,413
80 0,16944 3324 4,218 4,2935 4,215
81 0,18120 2761 3,976 3.9296 4,026
82 0, 19308 2260 3,745 3,5668 3.844
83 0,20542 1824 3,522 3,2201 3.665
84 0.21846 1449 3,303 2,9031 3,488
85 0,23264 1133 3,087 2,6171 3,311
86 0,24853 869 2,872 2,3391 3,132
87 0,26679 653 2,656 2,0668 2,951
88 0.28817 479 2,441 1 8071 2,767
89 0,31349 341 2,226 1,5750 2,582
90 0,34362 234 2,014 1,3696 2.397
91 0,37948 154 1,807 1,1667 2,213
92 0,42201 95 1,607 0,9546 2.033
93 0,47216 55 1,415 0,7500 1,858
94 0,53100 29 ' 1,232 0,5000 1,691
95 0,59969 14 1,062 - 1,532
96 0,67946 :, 0,903 - 1,384
97 0,77169 2 0,757 - - 1,245
98 0.87794 - 0,621 - 1,117
99 1,00000 - 0,500 - 1,000

Les congrès internationaux de statistique se sont égale


ment occupés de ce sujet. Déjà au congrès de Paris,
LA STATISTIQUE EN MATiÈRE D'AssURANCE 53

en 1855, on avait agité la question de préparer une statis


tique internationale des acëidents. Mais c'est surtout aux
congrès de Stockholm en 1874 et de Buda-Pesth en 1876,
que les idées sur ce point se sont précisées. C'est à
M. Engel, le savant directeur du bureau de la statistique
en Prusse, que revient l'honneur d'avoir signalé au con
grès de Stockholm tout l'intérêt qu'avait une étude des
causes des accidents et de leur fréquence plus ou moins
grande suivant les couches de la population, étude entre
prise non plus au point de vue médical comme on l'avait
fait jusque alors, mais au point de vue social. Il fut chargé
de rédiger un rapport sur ce sujet. Au congrès de Buda
Pesth, considérant dans son ensemble cette vaste question,
il démontra que, les accidents mortels n'étant qu'une
faible part des cas de mort, et les accidents non mortels
une part plus faible encore des cas de maladie, ce n'était
pas seulement la statistique des accidents qu'il fallait dres
ser, mais la statistique de la morbidité, de l'invalidité et de
la mortalité de la population ouvrière en général. Le con
grès a restreint sa résolution à de plus modestes limites :
cette résolution ne parle que de la statistique des accidents.
Après en avoir constaté l'absolue nécessité, elle recom
mande, pour la mener à bonne fin, l'emploi de cartes
semblables aux cartes prussiennes. Ces cartes seraient
classées : 1° d'après la situation personnelle des victimes
en distinguant suivant que l'accident aurait eu tel ou tel
dénoûment ; 2° d'après les causes de l'accident en distin
guant suivant l'âge et le sexe des victimes; 3° d'après la
profession des victimes (en ne tenant compte que des
principales branches d'industrie) avec l'indication des
principales causes des accidents et de leur issue fatale ou
non. Les résultats recueillis seraient immédiatement
publiés. -
54 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'AssURANCE

S 2. — Statistique des maladies.

22. La statistique des maladies a donné lieu à de nom


breux travaux. - -

En France, ces travaux s'arrêtent en 1852. Il semble


que depuis cette époque les sociétés de secours mutuels
ont oublié qu'elles sont des sociétés d'assurance. En 1849,
un comité s'était formé pour la propagation de sociétés
de prévoyance. L'enquête à laquelle il se livra fit connaître
qu'un très grand nombre de sociétés de secours mutuels
succombaient après quelques années d'existence par l'im
perfection de leurs combinaisons administratives et finan
cières. Ce qui leur manquait surtout, c'était un moyen de
· fixer le rapport mathématique qui doit exister entre les
charges qu'elles s'imposent et les cotisations qu'elles de
mandent à leurs membres. Le comité réussit à réunir des
documents statistiques suffisants pour dresser une table
de maladie et de mortalité spécialement applicable aux
sociétés de secours mutuels entre ouvriers. Pour l'histoire
et les détails de ce travail, nous renvoyons le lecteur au
mémoire publié en 1852 par les soins du Comité ". Nous
nous contentons d'en extraire la table suivante qui donne
le développement des lois de la maladie et de la mortalité
pour tous les âges, sur lesquels l'observation a été recueil
lie depuis 21 jusqu'à 73 ans.

1. Voy. De l'Organisation des sociétés de prévoyance, ou de secours


mutuels et des bases scientifiques par lesquelles elles doivent être établies,
par M. G. Hubbard, secrétaire du Comité. Paris, 1852.
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'ASSURANCE 55

QUANTITE - QUANTITÉ
AGEs | , moyenne MORTALITÉ | AGEs moyenne MORTALITÉ
de jours de de jours de
maladie maladie

21 4,072 0,008952 48 7,000 0.016000


22 4,604 0,008384 49 6,752 0,016224
23 5,000 0,008000 50 6,636 0,016272
24 0,007776 51 6,644 0,016208
25 0,007688 52 6,768 0,016096
26 0,007712 53 7,000 0,016000
27 0,007824 54 7,212 0,015696
28 0,008000 55 7,596 0,015728
29 0,000552 56 8,124 0,016112
30 0,008896 57 8,768 0,016864
31 0,009064 58 9,500 0,018000
32 0,009088 59 10,748 0,021552
33 0,009000 60 11,724 0,024176
34 0,008832 61 12,476 0,026224
35 0,008616 62 13,052 0,028048
36 0,008384 63 13,500 0,030000
37 0,008168 64 14,172 0,033520
38 0,008000 65 14,736 0,037600
30 0,007096 66 15,164 0,042320
40 0,006848 67 15,428 0,047760
41 0,007152 68 15,500 0.054000
42 0,007904 69 16,188 0,064112
43 0,009000 70 17 084 0,076816
44 0,011392 71 18,236 0,092464
45 0,013216 72 19,692 0,111408
46 0,014545 73 21,500 0,134000
47 0,015448

23. C'est en Angleterre surtout que la statistique des


maladies a été l'objet d'importants travaux. Dès 1771, le
docteur Price s'était occupé de ce sujet, mais ses appré
ciations reposaient sur une base hypothétique. La première
lable de maladies dressée à l'aide des données de l'expé
rience date de 1824, c'est celle de la Highland Society
d'Écosse. Puis, vinrent les tables de Finlaison (1829).
d'Edmonds (1832), d'Ansell (1835), de Neison (1845).
Pour l'histoire et l'analyse de ces tables, nous nous réfé
rons au mémoire, plus haut cité, dû à la plume de M. Hub
bard.Le tableau suivant rapproche les chiffres de la table
de Finlaison et ceux de la table de Neison :
56 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉoRIE DE L'AssURANCE

D'APRÈS FINLAISON D'APRÈS NEISON


- --
NOMBRE DURÉE DURÉE | NoMBRE DURÉE DI R E E
AGE des de la maladie # la mala- des de la maladie | la #
personnes | exprimée # § personnes exprimée §†.
observées | en semaines par personnel observées | en semaines | par personne

| 11-15 | 2939 2115,214 | 0,7197 3201 2410.573 0.7530


16-20 | 25087 | 24476,500 | 0,9757 31166 25832.141 0,8288
21—25 | 88528 | 86781,071 | 0,9803 | 106743 91419.850 0.8564
26-30 | 123624 | 122736,143 | 0,9928 | 170241 153465.139 0.9()14
31—35 | 126330 | 123377,500 | 0,9766 | 188030 | 173893.855 0,9248
36-40 | 114358 | 127975,143 | 1,1191 | 177441 | 190179,711 1,0718
41—45 | 94631 | 118405,786 | 1,2512 | 142411 | 191443,567 1 34 43
46-50 | 77550 | 116491,000 ..)t}. 1 14085 | 195891.714 1,7185
51—55 | 54693 | 101470,500 | 1,8553 81131 188482,281 2,3231
56-60 | 39974 | 92677,286 | 2,3184 57126 | 187222,283 3,2773
61—65 | 23438 78633,000 | 3,3549 31173 187894,567 5,4983
66 -70 | 13398 | 67801,286 | 5,0606 21655 | 240976,141 | 11.1279
71—75 5591 47382,071 | 8,4747 11420 | 210195.995 | 18,4056
76-80 2147 25432,071 | 11,8454 5626 146594,853 | 26.0566
81—8'5 635 9650,000 | 15,1969 2002 56589,711 | 28,2665

ToTAL.|792923 | 1145404,571 | 1,4445 |1146451 |2242492,381 1,9560

En 1850, a paru la première table de Ratcliffe ; en 1853,


la table de Farr ; en 1854, la deuxième édition de la table
de Finlaison. Enfin, en 1862 * et en 1872, M. Ratcliffe, a
donné une deuxième et une troisième édition de sa table.
Avant d'étudier cette dernière table, aujourd'hui la meil
leure, il n'est pas sans intérêt de rapprocher entre eux les
résultats donnés par les anciennes :
Tableau 2 montrant la durée de la maladie exprimée en semaines aux
différents âges et suivant différentes tables :

AGES :

TABLES
·-^ --
de 20|de 30 de 40 de 50 de 6o de 65|de 70lde
à 30 | à 40 | à 50 | à 60 | à 65 | à 70 | à 75
-
-
à S0 |
- | -| - | -' - | - -

de Price ................ | 10.8l 13.0l 15 7 19.210.s j) )) »

de l'Highland Society.... | 5.9 6.7 | 9 7 | 17.8| 14.4| 33.6|


d'Ansell. ................ | 8.1 | 9.5| 13.4 | 22.6| 20.3| 38.4 | »» | »
Y)

de Neison .............. | 8.7 | 9 9| 14.8 | 27.1 | 26.6| 50 7 | 84.9| 120.5


de Ratcliffe ....... .. 8.0 | 9 5 | 14.0 | 26.1 | 24.2 | 37 .2 59.8|83.1
de Finlaison ......... .. | 9.810.3 13.4| 20.015.723.438.355.7

1. On trouvera l'étude approfondie de toutes ces tables, que nous


ne pouvons qu'énumérer ici, dans l'Insurance Cyclopædia de Wal
ford, Vo Friendly Societies, Mortality and Sickness Experience of.
2. Nous empruntons ce tableau à une brochure publiée en 1871 par
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'AsSURANCE 57

La table de Ratcliffe, de 1872, repose sur des observa


lions, comprenant 1,321,000 années de vie, et 1,975,032
semaines de maladie, empruntées à l'expérience de la
Manchester Unity of odd Fellows; une des Sociétés d'amis
les plus prospères de l'Angleterre. Les comptes rendus de
cette société ont été dépouillés avec un soin extrême ; les
résultats qui en ont été extraits ont été rangés sous trois
chefs distincts, portant les rubriques suivantes :
1° Rural districts, comprenant les villes et les bourgs
ayant moins de 5,000 habitants ;
2, Town districis, comprenant les villes ayant moins
de 30,000 habitants ;
3" City districts, comprenant les villes ayant plus de
30,000 habitants.
Cette table indique la vie moyenne suivante aux diffé
rents âges ":

AGF (Rural) (Tou"n) (City) ENSEMBLE

20 43 00 41 . 41 40.08 41.35
30 35.52 34.06 32.80 33.96
40 28.27 26.79 25.76 26.75
50 21.21 19.88 19.03 19.87
60 14.76 13. 41 13.21 13.60
70 9.24 8.26 8.29 8.49

La table suivante * indique la maladie moyenne, par per


sonne et par année, exprimée en semaines :
M. Neison jeune, sous ce titre : « On our present Knowledge of the
Mortality and Sickness of members of Friendly Societies. »
1.Voy. Corn. Walford, op. et loc. cit., p. 109.
2. Dans cette table les lettres S. J. H. signifient Semaines. Jours.
Heures.
58 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'ASSURANCE

(Rural) (Toun) (City) ENSEM BLE

AG E ,--^ -"T | --- --- | --- -:-s


Semaines | S. J. H. | semaines | s J. H. semaines | s. J. H. semaines | s. J. H.
|

18 6290| 0 4. , 9 | 6827 | 0.4.18 | 6574 | 0 4.14 | 6620 | 0.4.15


19 6570 | 0.4.14 | 7028 | 0.4.22 6683| 0.4.16 0. 4. 18
2() 6850 | 0.4.19 | 7229| 0.5. 1 | 6792| 0.4.18 0.4.21
21 7 130 | 0.5. 0| 7430 | 0.5. 4 | 6901 | 0 4. 19 0.5. 1
22 7384 | 0.5. 4 | 7602| 0.5 , 7 | 7027 | 0.4.22 0.5. 4
23 7612 | 0.5. 7 | 7745 | 0.5 1 () | 7 170 | 0.5. () 0.5. 7
24 7814 | 0.5.1 1 | 78:59 | 0.5 1 2 7328 | 0.5. 3 0. :,. 9
25 7990 | 0.5.14 | 794 4 | 0.5.13| 7504 | 0.5. 6 0.5.11
26 8140 | 0.5.16 7999| 0.5.14 | 7695| 0.5. 9 0.5.12
27 8313 | 0.5. 19 8108 | 0.5.16 | 7908 | 9.5.12| 0.5.15
28 8508 | 0.5.22| 827 1 | 0.5.18 | 8143| 0 5 16 0.5.1S
29 8725| 0.6. 2 8486| 0.5.22| 8399| 0.5 21 0. 5.21
30 8964 | 0.6. 6| 8755| 0.6. 3| 8677 | 0 6. 1 0 6. 1
31 9225 0 6.10 | 9076| 0.6 8| 8976 | 0 6. 6 0.6 6
32 9466| 0.6. 15| 9384 | 0.6 13| 9261 | 0.6.11 0 6.11
33 9687 | 0.6.18| 9677 | 0.6.18 | 9531 | 0.6.16| 9522 0 6. 15
34 9887 | 0.6.22| 9955| 0.6.23| 9787 | 0 6.20 | 981 1 | 0.6.20
35 | 1 0068 | 1.0. 1 | 1. 0220 | 1.0. 3| 1 0028 | 1.0. 0 1 .01 15| 1.0. 1
36 | 1.0229 | 1.0. 3| 1.0469 | 1.0. 7 54 | 1.0. 4 | 1.0339 | 1.0. 5
37 | 1.0465| 1.0. 7 | 1.0738| 1 , 0 12 1.0. 9 | 1 . 06 13 # !|
38 | 1.0775| 1.0.13| 1.1027 | 1 , 0.17 1.0.15 | 1 , 0956 | 1.0. 16
39 | 1.1 159| 1.0.19 | 1.1336| 1.0.22 1 0.22| 1. 1327 | 1.0.22
40 | 1. 1618 | 1 , 1 . 3| 1. 1666 | 1.1 . 3 1.1. 7| 1.1747 | 1.1. , 5
41 | 1.2150 | 1.1.12| 1.2015| 1.1 . 9 1 1.17 | 1 2217 | 1 1 .13
42 | 1.2777 | 1.1.22| 1.2460 | 1.1.17 1.2. 4| 1.2766| 1.1.22
43 | 1.3499| 1.2.10 | 1.3001 | 1 , 2. 2 1 2.15| 1.3395 | l . 2
44 1.3. 0 | 1.3638 | 1.2.13 1 , 3. 4 | 1 4 104 #|9
45 1 3 15| 1 4372| 1.3 . ] i # 10 i.isº 1.3.10
46 1 , 4. 8| 1.5201 | 1.3.15 1 4.10| 1.5761 | 1.4.,7
47 1.5. 2| 1 , 6047 | 1.4. 5 1.5. 3| 1 6695| 1.4.16
48 1.5.21 | 1.6907 | 1.4.20 1.6. 0| 1.7693| 1.5. 9
49 1.6.16 | 1.7783 | 1.5.10 | 1.9734 | 1.6.19 | 1.8758| 1.6. #
50 | 2.0773| 2.0.12| 1 8675| 1.6. 1| 2.1038 | 2.0 17| 1.9887| 1.6.22
51 | 2.2004 | 2.1 . 9| 1.9582| 1.6.16 | 2.2691 | 2.1.21 | 2.1082| 2.0.18|
52 | 2.3316 | 2.2. 6| 2.0705| 2 0.11 | 2 4418 | 2.3. 2| 2.2219| 2.1 .13
53 | 2.4686|
2.3. 6| 2.2044| 2.1 . 5| 2.6217 | 2.4. 8| 2.3899 2.2.17
54 | 2.6115|
2.4. 6 2.2.12| 2.8090 2.5 15 523| 2.3 20
55 | 2.7603|
2.5. 7 2.3.18| 3.0435| 3 0. 7 2.5. . 2
56 | 2.9151 |
2.6. 9 2.5. 3 | 3.2452| 3.1.17 2.6.10
57 | 3.0973 |
3.0.16 2.6.19| 3.4839| 3 3. 9 3.1. 0
58 | 3.3070 |
3.2. 3 3.1.16| 3.7594| 3.5 7| 3. 3.2.20
59 | 3.54 42|
3.3.19 3.3.2 | § § .1# #.§| # # 21
60 | 3.8088 |
3.5. 15 3.6. 7| 4.4212| 4.2 22| 4.0332| 4.0., 5
61 | 4 1007 |
4.0.16 4.1.23| 4.8973| 4.5.15| 4.39 4.2.10
62 | 4.4228 |
4.2.23 4.4.20| 5.2700| 5.1.21 | 4.8 4.5.13|
63 | 4.7749|
4.5.10 5.0.23| 5.8094 | 5.5.15 | 5.2624 | 5.1.20
64 | 5.1572|
5.1 . 2 5.4. 7 | 6.4255| 6 2 23 598 | 5.5 . i
65 | 5.5696 |
5 3.23 6.0.20| 7.1183| 7.0.22| 6. 6.2. 2
66 | 6.0121 |
6.0. 2 6.4. 7| 7.8867| 7.6. 4 | 6.8862| 6.6. 7
67 | 6.6055 | 6.4 . 5 7.2. 1 | 8.6664 | 8.4.15| 7.5569 |.#*!
68 | 7 . 3486 | 7.2. 10 8.0. 6| 9.4545| 9.3. 4| 8.3131 | 8.2. 4
69 | 8 . 2426 | 8.1. 16 8.6.4|10.251910.1.18| 9.1550| º.!. ?
70 | 9.2871 | 9.2. 0 | 9.8323| 9.5.19 | 11.0587 | 11.0. 9 | 10.0824 | 10.0.13
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 59

(Rural) (Tou n) (City) ENSEMBLE

AGE -- N - | -- -- | -- N - | ---,

Semaines | S. J. H. | Semaines | S. J. H. | Semaines | S. J. H. | Semaines | S. J. H

7l 10.4821|10 3. 8 | 10.8851|10.6. 4|11.8748|11.6. 4| 11.0953|11.0.16


72 | 1 1 .8435 | 11.5.21 | 1 1.9l 17 | 11.6. 9 | 12.7464 | 12 5. 5 | 12.1008 12.0.16
73 | | 2.77 07 | 12.5. 9 , 12.9121 | 12.6. 9 | 13. 6735 | 13.4.17 | 13. 099 | 13.0.16
74 | 13.8643 | 13.6. 1 | 13.8862| 13.6. 4 | 14.6561 | 14.4.1 4 | 14. 0899 14.0.15
75 | 15.1 041 | 15. 0.17 | 14.834 1 | 14.5.20 | 15.6943 | 15 4.20 | 15 0735 15.0.12
76 16. 1301 | 16.0.21 | 15.7557 | 15.5. 6| 16.7879| 16 5. 12| 16.0497 | 16.0. 8
77 . 1 .10 | 16.7822| 16.5.1 1 | 17.9131 | 17 6 9 | 17.1022 17.0.17
7S .2. 6 17.9138| 17.6. 9| 19.0698| 19.0.11 | 18.2311 | 18.1.14
79 . 2. 1 | 19 1503 | 19.1. 1 | 20.2580 | 20.1 19 | 19.4363 | 19.3. 1
N() .3 16 | 20.4919 | 20.3.10 | 21 , 4777 | 21 . 3. 8 | 20.7179 | 20.5 . 0
81 5 14 | 21.9384 | 21.6. 13 | 22.7288 | 22. 5. 2| 22 0758 | 22.0.12
S2 .6. 17 | 23.2596 | 23. 1. 19 | 22.8938| 23.6. 6| 23.3264 :
S3 .0 . se,., 24.3. 4 | 24.9725|24.6. 9|24.4697 :

Tous ces travaux, malgré leur valeur, sont loin de don


ner la loi exacte de la maladie. Leur principal défaut a été
signalé en termes très nets par le quatrième rapport de
la Commission royale, sur les Friendly societies publié
en 1874. Ces tables ne tiennent pas compte de la diffé
rence des professions et n'indiquent pas le coefficient de
maladie afférent à chacune d'elles. C'est de ce côté que
doivent se tourner les efforts du gouvernement, conclut
la Commission. « Il est évident, dit-elle, que pour la con
struction d'une table de maladie, une personne sur quatre
étant malade chaque année, il n'est pas besoin d'un aussi
grand nombre d'années de vie que pour la construction
d'une table de mortalité. 20,000 années de vie observées,
c'est-à-dire 2,000 personnes observées pendant 10 ans,
ou 1,000 pendant 20 ans, entre les âges de 20 et de 65 ans,
peuvent être considérées comme une base suffisante
p0ur une table de maladie ; mais des observations aussi
limitées doivent être soumises au contrôle le plus minu
tieux afin qu'il soit sûr qu'elles n'ont subi l'influence d'au
cune cause perturbatrice. » La Commission recommande
l'emploi de cartes où seraient consignés tous les rensei
60 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'AssURANCE

gnements utiles. empruntés aux sociétés les mieux con


duites, et qu'il serait facile de classer par professions. Elle
signale les excellents résultats que produirait ce travail.
Un petit nombre de sociétés demandent une surprime à
leurs sociétaires à cause de leur profession : on régulari
serait et on généraliserait cet usage. D'autres, beaucoup
plus nombreuses, excluent certaines professions insa
lubres. Grâce à une surprime exactement calculée, elles
pouvaient sans danger les admettre ".
24. L'Allemagne offre peu de travaux originaux en
cette matière. Elle a utilisé les recherches des actuaires
anglais. Le docteur Heym s'est dévoué à la tâche de doter
son pays de tables de maladie qui lui fussent propres.
Après un premier travail, qui a paru en 1863 *, il en a
publié un second beaucoup plus important en 1878. Ses
observations ont porté sur les données recueillies par la
société d'assurances contre les accidents et contre les ma
ladies de Leipzig *.

1. Voy. Corn. Walford, op. et loc. cit. p. 114.


2. Die Kranken-und Invaliden-versicherung, par le docteur Karl Heym,
Leipzig, 1863.
3. Voy. Heym, nombre et durée des maladies dans une population
mélangée, ou 20 années d'observation de la Mutuelle de Leipzig.
Cpr. Wiegaud, mathematische Grundlagen für Eisenbahn-Pensionscas
sen, 1859. Versicherung gegen Erurerbsunfähigkeit, Halle, 1865, et Die
Mortalitats-und-Invalidität-Statistik bei Eisenbahnbeamtem, 1869.
CHAPITRE IV

LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'ASSURANCE CONTRE


L'INCENDIE.

25. Réflexions sur les relevés statistiques nécessaires à l'assurance


contre l'incendie.
26. Difficultés de cette statistique spéciale.
27. Travaux faits en cette matière en France.
28. - - en Angleterre.
29. - - en Allemagne.
30. - - aux États-Unis.

| 25. La statistique en matière d'assurance contre l'in


cendie est loin d'offrir un développement scientifique aussi
complet qu'en matière d'assurance sur la vie. Elle est en
core dans l'enfance, et cela s'explique par plusieurs rai
S0I1S. - A

Les travaux de la statistique sur la durée de la vie hu


maine ont un intérêt considérable à beaucoup de points
de vue. L'assurance sur la vie n'est qu'un des multiples
objets auxquels ils peuvent s'appliquer.
Depuis longtemps la science s'est préoccupée des pro
blèmes relatifs à la mortalité humaine, et elle a fourni de
précieux matériaux aux spécialistes qui ont donné à l'as
surance sur la vie des bases véritablement rationnelles.
ll en est tout autrement des relevés statistiques relatifs
aux incendies. Ces relevés n'ont qu'un intérêt spécial et
technique. Le public les ignore. La science les délaisse '.

1. Cependant nous devons dire qu'au Congrès International de statis


62 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'AssURANCE

Ceux qui pratiquent l'assurance seuls s'en occupent, mais


d'une manière étroite et exclusive, pour le besoin de
leurs propres affaires, sans idée générale et sans vue
d'ensemble.
Les compagnies d'assurances, simples associations
commerciales, s'inquiètent peu en général des progrès de
la statistique. On s'est demandé s'il n'était pas de leur
intérêt bien entendu d'analyser avec plus de précision la
cause des incendies et les éléments constitutifs des risques.
L'affirmative est certaine. Que l'ensemble des primes
payées couvre l'ensemble des risques, cela peut suffire
pour assurer le succès des compagnies, mais cela ne suffit
pas pour les soustraire au reproche d'imposer au public
des taxes arbitraires, ni pour les mettre à la hauteur de la
tâche très haute, éminemment sociale, qui leur incombe,
de répartir équitablement entre tous les charges résultant
des incendies. Cette répartition équitable ne peut exister
que si les risques considérés dans leurs divers éléments
sont mesurés avec une rigueur toute scientifique.
Ce but peut-il être atteint ? Les assureurs les plus dis
tingués n'hésitent pas à le penser. L'assurance contre l'in
cendie peut être traitée comme une science exacte. Il est
possible de dresser une table qui jouerait, en matière
d'assurance contre l'incendie, le rôle des tables de mor
talité en matière d'assurance sur la vie, et qui donnerait
la loi des dommages causés par le feu avec une précision
suffisante pour la pratique. On ne voit pas, en effet, pour
quoi il ne serait pas possible de calculer la valeur du risque
d'incendie comme on a calculé celle du risque de maladie
ou d'accident. La maladie atteint les jeunes et les vieux,
les faibles et les forts, ses effets varient suivant les loca
lités et les professions. La statistique n'en a pas moins
tique tenu à Saint-Pétersbourg, en 1872, le professeur G. Mayr, de
Munich, a été chargé de réunir les données de la statistique en matière
d'assurance contre l'incendie. Nous ne savons où il en est de ce travail.
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 63

dressé des tableaux où elle tient compte de toutes ces cir


constances qui viennent modifier le risque. Pour les acci
dents, elle a également dressé des tables où l'analyse est
poussée aux dernières limites. Pourquoi ne dresserait-elle
pas pour les risques d'incendie des tables équivalentes ?
26. Cette branche particulière de la statistique soulève,
il faut le reconnaître, un problème qui est des plus ardus,
bien qu'il se pose dans des termes très simples. Suppo
sons que le feu détruise par exemple 20/0 de la propriété
· de toute espèce. Il est évident a priori que le dommage
que le feu peut causer à une grange pleine de moisson,
par exemple, à un entrepôt de coton, à un atelier de me
nuisier ou d'ébéniste, ou à une fabrique, entrera pour une
plus grande part dans ces 2 0/0 que le dommage résultant
del'incendie d'une maison d'habitation ordinaire. Le dom
mage peut être 1, 2, 3 ou 4 fois plus grand suivant la
nature de la propriété atteinte par le feu. La difficulté est
de déterminer quel est en moyenne le dommage éprouvé
par chaque espèce de propriété, en d'autres termes, quelle
est la valeur moyenne du risque afférent à chaque espèce
de propriété. Cette difficulté est extrêmement épineuse.
Pour l'assurance sur la vie, on a pu déterminer autant de
risques simples qu'il y a d'années dans la vie humaine, et
considérer toutes les têtes assurées du même âge comme
des risques égaux. De même dans l'assurance contre l'in
cendie, on peut concevoir un type normal de risque sim
ple. Ce serait, par exemple, une maison d'habitation, une
boutique de boulanger, un atelier de menuisier avec un
seul établi, le tout bâti en briques et placé dans les meil
leures conditions de sécurité. Mais si, dans l'assurance sur
la vie, les complications en dehors du risque normal sont
peu nombreuses, et ne peuvent guère résulter que de la
maladie ou des voyages à l'étranger, dans l'assurance
contre l'incendie au contraire, il y a autant de types de
risques que de combinaisons possibles dans les différences
64 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉoRIE DE L'AssURANCE

infiniment variées de construction, de situation, d'exploi


tation, etc... C'est un champ d'investigations sans limites.
Il s'ensuit qu'une classification absolument rigoureuse des
risques est impossible.
La même industrie peut présenter les risques les plus
divers suivant qu'elle emploie, dans les différents établisse
ments où elle se pratique, des méthodes plus ou moins
perfectionnées de fabrication, des moteurs plus ou moins
puissants, des quantités plus ou moins grandes de matières
premières, des systèmes d'éclairage et de chauffage plus .
ou moins bien installés.
Une autre source de difficultés, c'est le changement
continuel du risque. Tous les principaux types de risques
sont soumis à des variations tellement considérables, par
suite du progrès des mœurs ou de l'industrie, qu'il paraît
impossible de trouver dans le passé la loi de l'avenir. Mais
c'est là, nous l'avons dit plus haut, le défaut de toute loi
statistique; et si ce défaut est plus saillant en cette ma
tière qu'en toute autre, il n'en est pas moins vrai que les
résultats approximatifs que donnerait la statistique, sans
dispenser les assureurs de l'appréciation de chaque risque
en particulier, et encore moins de cette opération si essen
tielle qu'on appelle la sélection des risques, leur fourni
raient du moins de très précieux éléments de contrôle et
une base rationnelle pour la fixation des primes.
Outre les difficultés théoriques inhérentes au sujet lui
même, il y en a d'autres, d'un ordre pratique, résultant
de la rivalité, de l'hostilité même, et en tout cas de la
concurrence ardente qui existent entre les compagnies, et
qui trop souvent, malgré la bonne volonté de quelques
unes, les condamnent à l'égoïsme professionnel. Cependant
les compagnies ayant en général réussi à s'entendre pour
l'application des tarifs, il n'est pas déraisonnable de pen
ser qu'elles pourraient arriver à une semblable entente
pour donner à ces tarifs une base rationnelle.
LA sTATIsTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 65

27. En France, nous ne voyons pas que les compagnies


aient fait de grands efforts en ce sens. Elles gardent pour
elles le résultat de leur expérience ". La statistique offi
cielle publie des relevés fort intéressants. Mais ce sont des
matériaux qui, au point de vue spécial de l'assurance, ne
sont point mis en œuvre *. -

28. En Angleterre, ce sujet a donné lieu à d'intéres


santes communications à l'Institut des actuaires *, mais les
compagnies d'assurances n'ont pas jusqu'ici paru disposées
à entrer pratiquement dans la voie qui leur était indi
quée *.

l. La presse spéciale a fait appel à la bonne volonté des Compagnies,


mais cet appel est jusqu'ici resté vain. Voy. dans le Moniteur des Assu
rances, Thomereau, Le Mouvement industriel et le Tarif incendie
(1869, p. 79). D'une Réforme nécessaire en matière de tarifs industriels
(1873, p. 158).
2. Voy. Annuaire statistique de la France, 1879, et les statistiques pu
bliées par le Ministère de l'Agriculture et du Commerce.
3. Voy. Walford, op. cit., Vis Fire insurance premiums, et Fires, sta
tisties of, et surtout S. Brown, On the collection of data in various bran
ches of assurance (Assurance Magazine, 1851). — Ch. G. Fothergill,
on the causes offires in London during the 24 years from 1833 to 1856 in
clusive, with some remarks on the deduction of correct rates of premium
for fire Insurance (Ass. Magazine, 1857).
4. M. Shaw, chef du corps des pompiers à Londres (Fire metropoli .
tan Brigade) a publié en 1870 les annales de l'établissement des pompes
à incendie de Londres (London Fire Engine Establishment Records), qui
en 1865 fut supprimé et annexé au bureau métropolitain des tra
vaux (metropolitan Board of works). Ces annales contiennent des rele
vés très complets, par année, par mois, par semaine, par jour et par
heure, des incendies survenus de 1833 à 1865. Il résulte de ces relevés
que le mois le plus funeste pour les incendies est le mois de décembre,
que le jour le plus chargé de sinistres est le mardi tandis que le vendredi
l'est le moins. Les plus mauvaises semaines sont la dernière et l'avant
dernière semaine de Décembre, la deuxième de Novembre, la première
d'Août. Enfin c'est vers 10 heures du soir qu'a éclaté le plus grand nombre
des incendies. Nous relèverons encore dans cet ouvrage deux tables fort
intéressantes : 1o celle qui classe les incendies en les rapprochant des
professions exercées par ceux qui occupaient les maisons incendiées .
2° celle qui les classe en les rapprochant de leurs causes. Nous extrayons
de cette dernière les renseignements suivants :
66 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉoRIE DE L'AssURANCE

29. En Allemagne, la question n'est pas beaucoup plus


avancée *.
30. C'est aux États-Unis seulement que nous la trou
vons comprise et résolue d'une façon pratique. Non pas
que la solution des problèmes si ardus qu'elle soulève y
soit encore complète, mais elle y est préparée par une
méthode sûre et avec une vue très nette du but à attein
dre et des difficultés à vaincre pour y arriver. Le surin
tendant du département des assurances à New-York,
M. W. Barnes, dans son rapport de 1868, constate que la
détermination d'un taux de prime exact par 1,000 dollars
de risque couru pendant une année, pour chacun des
objets distincts auxquels s'applique l'assurance, est un
grand desideratum public (a great public desideratum) ;
puis il ajoute : « Le taux des primes devrait être fixé d'une

Les 29,069 incendies relevés sont dûs aux causes suivantes :


Chandelles ... .......... 3128 11.07 pour cent.
Enfants jouant.... ..... 463 1 . 59
Rideaux ..... .. ...... 2822 9.7.1
Tuyaux de cheminée.... 2268 7.80
Gaz. ................ . 2225 7.65
Allumettes ..... ...... 409 1 . 41
Fumeurs ....... ..... . 406 1.40
Étincelles...... ... .... 1299 4.47
Inflammation spontanée. 274 95
Poêles. ........ ....... 489 1 . 67
Autres causes connues. . 5639 19 . 40
Causes inconnues. ...... 9557 32.88

29,069 100.00

Voy. Walford, op. cit., V° Fires, statistics of. Cf. Walford, op. cit.
Vis Fires, causes of, et Fires, great.
1. Cependant les 13 compagnies du syndicat des compagnies alle...an
des d'assurance contre i'incendie ont donné un exemple qui mérite d'être
connu et suivi. Elles ont publié le résultat de leur expérience pendant les
deux années 1873 et 1874. Nous ne savons si cet essai a été continué.
Voy. Elsner, Repertorischer Assecuranz-Almanach, 1876, p. 274 et suiv.
Sur la statistique générale et sur les causes des incendies en Allemagne,
Voy. Elsner, op. cit., années 1874 à 1879. Voy. aussi Mon. des assurances,
1878, p. 319.
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'ASSURANCE 67

manière assez précise et assez scientifique pour que cha


que dollar de prime couvrît en moyenne le même risque
à quelque objet que l'assurance s'appliquât, de même que
dans l'assurance sur la vie, bien que les primes varient à
chaque âge, le risque de mortalité pèse également sur
chaque dollar de prime '. »
L'idéal ainsi défini n'est autre chose que ce qu'on a
appelé la péréquation des primes, opération qui n'est
possible que s'il existe une sorte de relevé cadastral de la
propriété assurée. Le National Board of fire Undervri
ters » (bureau national des assureurs contre l'incendie),
fondé à New-York en 1867, s'est chargé de réaliser cet
idéal. La commission de statistique du National Board
s'occupe de cette tâche avec la plus grande ardeur *. Elle
a adopté la méthode suivante. Elle a divisé les risques en
un certain nombre de classes, puis elle fixe le total des
risques de chaque classe et leur valeur d'ensemble. Les
dommages subis dans chaque classe pendant une série
d'années déterminent la valeur du risque. Il faut 150
risques au minimun pour former une classe ou subdivi
sion spéciale. Chacune de ces classes est désignée par une
expression générale. Dans le tableau que nous avons sous
les yeux *, il y en a 27 qui forment un cadre destiné à
se remplir peu à peu de chiffres correspondant aux
réalités constatées, et qui sont désignées de la façon sui
vante par ordre alphabétique * :

1. Voy. Walford, op. cit., V° Fire insurance premiums, 1868.


2. Elle s'est mise en rapport avec les comités ou syndicats des compa
gnies des différents pays du monde, et leur a demandé de lui envoyer
des renseignements. Une compagnie seulement a répondu à cette
invitation, la Compagnie d'assurance contre l'incendie, de Moscou.
La Commission américaine a reçu également communication des
faits relevés dans le pays de Bade pendant les années 1852 et 1868.
3. Ce tableau qui se trouve dans l'Insurance Cyclopœdia de Walford,
V° Fire insurance, Census (in fine) à été dressé en 1874.
4. Il s'agit de l'ordre alphabétique résultant des expressions anglaises.
68 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'ASSURANCE

1. Risques agricoles. 15. Risques commerciaux.


2. Blanchisseries, teintures et 16. Ouvriers en métaux autres
impressions. que le cuivre et le fer.
3. Cuivre. 17 . Huile.
4. Ponts. 18. Conserves.
5. Brosserie et vannerie. 19. Papier.
6. Coton 20. Édifices publics et leur con
7. Risques domestiques. tenu.
8. Lin, chanvre, jute, fabrique . Risques de chemin de fer.
de sacs, etc. Fabriques de tabacs et de
9. Farines et grains. cigares.
10. Tapisseries et ameublements. 23. Vaisseaux, etc.
11 Caoutchouc. Bois.
12. Fer. Bois et fer réunis.
13. Cuir. . Laine.
14. Liqueurs, produits distillés, Divers risques spéciaux.
malt, etc.

A titre d'exemple, nous reproduisons, avec leurs sub


divisions et les chiffres déjà constatés en 1874, les 4 clas
ses suivantes :

NOMBRE CAPITAL
des -

- engagé dans
CLASSES DE RISQUES Etablissements -

lesdits
·(l IIX
(en dollars)
États-Unis

FER

Ateliers de forgeron......... .. ... 23.364 16.000.000


Fonderies............ ... ... · · · · · 2.746 72.000.000
Laminoirs.......... .......... .. . 414 59.000.000
Ouvriers (divers)..... ........ . - - - - - - - - - - - - - - - -

Ateliers ...... ...... - - • - - - - - • • • - - - - - - • • • • • • • • • •

Clous, Pointes, Boulons, etc., tra


vaillés. 350 . 19.000.000

1.IQUl DES
:
Brasseries. ............ ......... - 1.972 49.000 000
Fabriques de Malt...... ..... . - - - - - - • • • • • • • • • •

Fabriques de Cidre. . - - 547 766.000


Distilleries. ........ • - - - - - - - - - - - - - 719 16.000.000
Fabriques d'Eaux minérales et ga
ZC llSCS. .. .. . . .. . - 387 3.500.000
Rectification des liqueurs - - - - - • - • • • • • • • • • • • • • • •
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 69

- %.
s, .. CS
t CAPITAL
Engagé dans
CLASSES DE RISQUES Etablissements lesdits
81U1X en dollars)
États-Unis

PAPIER

Ateliers de reliure................ 500 5.500.000


Usines à vapeur (papier blanc)...
» à eau M)
:) 669 35.000.000
» à vapeur (papier de paille).A • .). UUU .

l. à eau ))

Fabriques de boîtes et de carton. .. 234 1.000.000


lmprimeurs et éditeurs.. ... ... .. . 2. 160 40.000.000

Bols ET FER RÉUNIS

Instruments agricoles. ...... ... .. | 2.076 35.000.000


Ateliers de charron........... .. .. 170 17.000.000
Fabriques de voitures. - - - - 11.944 35.000.000
ArInuriers ... .. . - - - - • - - • • • • • • • • • 615 , 606.000
Quincailliers ... ............ .. .. 580 14.000.000
0bjets non compris sous les autres
rubriques. ......... - - - - - - - - - - • • | - - - - . - . .. . .. • . '

Cette statistique est, on le voit, bien loin d'être une


œuvre complète; c'est un simple cadre, pmais c'est le com
mencement d'un travail qui n'a été fait nulle part, et qui
mérite d'autant plus d'être remarqué. Nous nous hâtons
d'ajouter que ce cadre nous paraît incomplet. Il ne tient
compte en effet que de la nature de la chose soumise au
risque ; or une statistique des incendies doit nécessaire
ment, pour être véritablement utile, classer les sinistres
par localités : cette classification paraît avoir été perdue de
Vue par les statisticiens américains *.

1. En ce qui concerne la statistique relative aux incendies, voy. Wal


ford, op. cit., V° Fire, statistics of.
2 Cpr. sur la statistique des incendies, A. Ehrenzweig, Assecuranz
Jahrbuch, 1882, p. 164. — Thomas Miller, Fire Insurance. A Theory of
statistics, dans le Journal of the Institute of Actuaries, janvier 1880.
CHAPITRE V.

LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'ASSURANCE CONTRE LES


RISQUES DES TRANSPORTS.

3 1. Nature du risque qui fait l'objet de cette assurance. — Risque spé


cifique et risque topographique.
32. Travaux statistiques relatifs au risque spécifique. — Registre de
renseignements sur navires. — Le Bureau Veritas.
33. Le Registre maritime.
34. Institutions analogues à l'Étranger.
35. Du risque topographique.
36. Imperfection de la statistique relative à ce risque.
37. Travaux faits en cette matière en Angleterre.
38. Absence de relevés statistiques en ce qui concerne l'assurance con
tre les risques des transports fluviaux et terrestres.

31. Dans cette assurance, il y a un double risque à con


sidérer. Le risque peut résulter du navire lut-même, de
son âge, de son mode de construction, de la plus ou
moins grande prudence de l'armateur qui le destine à tel
ou tel transport, du degré d'habileté du capitaine qui le
dirige. En second lieu, le risque est topographique, c'est
à-dire qu'il dépend du point du globe où doit s'affectuer
le voyage, le risque n'étant pas le même sur toutes les
mers, ni à toutes les époques, ni sur tous les fleuves, ni
sur toutes les voies de terre, que ce soient des routes or
dinaires ou des chemins de fer.
Chacun de ces deux risques a donné lieu à des travaux
statistiques fort remarquables.
32. Les travaux statistiques relatifs au premier de ces
risques, à celui que l'on pourrait appeler le risque spéci
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 71

fique du navire sont dûs à une entreprise privée fondée


en 1828 sous le nom de Bureau Veritas.Vers cette époque
un assureur d'Anvers, M. Jules Morel, et avec lui,
M. Charles Bal, récemment décédé, conçurent et réali
sèrent l'idée de dresser une sorte d'état de tous les na
vires du monde entier, en indiquant pour chacun les cir
constances qui peuvent intéresser l'assureur, et influer sur
le taux des primes.
Pour donner une idée exacte de cet état, nous reprodui
sons une partie de la première page du registre
de 1864 :
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-
- -
----
--
-
--
-
-
-

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LIEUX
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CONSTRI'CTION
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G.N.
LA sTATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 73

Le commentaire de ce tableau est dans le Règlement


pour la classification et l'insertion des navires au registre
Veritas dont voici les principaux articles :

Navires en bois.

ARTICLE PREMIER. — L'appréciation des qualités et des défauts

1. La »+« indique que le navire a été construit sous la surveillance spé


ciale et continue des experts de l'administration (art. 5 du règlement). —
Un trait (-) sous un renseignement ou mis à la place de la cote indique
le doute, ou que l'expert n'a pas été appelé à faire une visite complète.
2 Les 3 , 4° et 5e colonnes, comprises sous la rubrique classification,
s'interprètent ainsi : -

(3° CoLoNNE.) Les chiffres placés dans la troisième colonne indiquent LA


DivisioN à laquelle le navire appartient par sa construction ; ces chiffres
expriment en même temps le terme de durée assigné à la cote indiquée
dans la colonne suivante.

S'il n'y a qu'un chiffre :


La première division est représentée par 9 (9 ans); la deuxième division
par 7 (7 ans), et la troisième division par 5 (5 ans.)
S'il y a deux chiffres :
Le premier chiffre indique la division à laquelle le navire appartient
par sa construction primitive; le second exprime le terme de durée
assigné à la cote.
Ainsi :

9 signifie 1re division, classé pour 9 ans


7 )) 2e )) 1) » 7 »
5 -- 3e - )) » 5 »
9-7 » 1 re }, Y) » 7 »
7-5 » 2e *, 2) » 5 »
5-3 » 3e 1) )) » 3 »

Pour l'intelligence de cette classification, il est nécessaire de se reporter


aux articles 3 à 15 du Règlement. -

Les chiffres (12.59—8.62) placés dans la 2e colonne indiquent la date


du certificat de classifiçation.

(4° CoLoNNE.) MARQUEs DE CoNFIANCE ET DE NAVIGATIoN.


Les chiffres et lettres placés à gauche expriment la confiance dont les
navires ont été jugés dignes, d'après le rappport des experts : 3l3, est la
cote des navires excellents ; 1I2 est la cote appartenant aux navires mé
74 IDÉE GÉNÉRALE ET THÉORIE DE L'AssURANCE

de chaque navire, ou le degré de confiance qu'il mérite, est exprimé


par des fractions (cotes).
(3/3) représente la cote des navires se trouvant dans de bonnes
conditions de construction, de solidité et d'entretien (voir art. 3
et suivants).
1/2 est le signe des navires médiocres.
Les fractions intermédiaires 5/6, 3j4, 2/3, sont applicables aux
diverses classes qui existent entre les meilleurs navires et les
médiocres.

diocres ; O (zéro) exprime que le navire ne mérite aucune confiance :


c'est la cote des plus mauvais navires.
Les diverses cotes intermédiaires sont représentées par des marques
analogues :
La 1re classe comprend } # #:
)e } 5l6. 2.1.
+. ») 3[4. 2. l .
-
5e )) M) } 213.
#. 3.1
3.2 .
.

La cote est supprimée et remplacée par un trait (—) dans les condi
1ions suivantes :
1° Dans la classification à terme, à l'expiration de la période de la
durée assignée à la cote, ainsi que dans les cas prévus par l'art. 6 du
Règlement. -

2o Dans la visite ordinaire ou d'office. aux navires non visités d'une


manière complète.
Les lettres de navigation placées à droite indiquent la navigation à
laquelle le navire est propre.
I signifie Intérieur, c'est-à-dire que le navire ne mérite la confiance
désignée que pour la navigation des fleuves et des
rivières. .
P » Petit cabotage, ou navigation entre des points peu éloignés, par
exemple, de Bordeaux à Rouen, de Marseille
à Gibraltar, d'Amsterdam à Christiania, etc.
G » Grand cabotage, ou navigation entre les ports de France sur la
Manche et l'Océan et ceux des mers Glaciale et
Baltique, des côtes d'Espagne et de Portugal, des
Açores, des Canaries, de la mer Méditerranée,
du golfe de Venise, de l'Archipel et de la mer
Noire.
M » Méditerranée, ou navigation spéciale de la Méditerranée.
A , Atlantique, ou navigation des côtes orientales des deux
Amériques et des côtes occidentales de l'Afrique.
L » Long cours. ou navigation au delà des caps Horn et de Bonne
Espérance.
LA STATISTIQUE EN MATIÈRE D'AssURANCE 75

0 est celui des navires innavigables ou ne méritant aucune con


fiance.

B » Bois, c'est-à-dire que le navire ne mérite la confiance


désignée que pour le transport des bois ou des
marchandises qui, par leur nature, craignent peu
les atteintes de l'eau de mer.
(5° coLoNNE.) Trois classes, indiquées par les chiffres 1,2 et 3, ont été
adoptées pour les qualités du coRps et pour celles du GRÉEMENT et des
DÉPENDANCES. -

Le chiffre à gauche concerne le corps, celui à droite le gréement et


les dépendances. -

3. 0.62 sous le chiffre de l'année de la construction signifie que le na


vire a été ouvert en 1862.
4. La 11e Colonne s'interprète ainsi :
BoIs EMPLOYÉs D ANS LA CoNsTRUCTION .

Ac. — Acacia. Ml. — Mélèze.


Acj. — Acajou. Nr. — Noyer.
B. -- Bouleau. Ol. — Olivier.
B. d. F. — Bois de fer . Or. — Orme.
C. — Chêne. P. — Pin.
Cd. — Cèdre.