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Journaux algériens. De la presse à la toile. panorama des sites web des


quotidiens arabophones et francophones
par Gilles KRAEMER

| Lavoisier | Réseaux

2003/6 - n° 122
ISSN 0751-7971 | pages 273 à 285

Pour citer cet article :


— Kraemer G., Journaux algériens. De la presse à la toile. panorama des sites web des quotidiens arabophones et
francophones, Réseaux 2003/6, n° 122, p. 273-285.

Distribution électronique Cairn pour Lavoisier.


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JOURNAUX ALGÉRIENS

De la presse à la toile. Panorama des sites web


des quotidiens arabophones et francophones

Gilles KRAEMER

© Réseaux n° 122 – FT R&D / Hermès Science Publications – 2003


L a période des campagnes électorales – comme c’est le cas en
Algérie où les prochaines élections présidentielles d’avril 2004 font
les unes de toutes les gazettes depuis plusieurs mois – est
assurément un moment propice à la création de journaux. Après InfoSoir,
quotidien privé lancé au printemps 2003, Le Jour d’Algérie paraît dans les
kiosques et sur les étals des vendeurs depuis le 27 août dernier avec, pour
ligne éditoriale, le souci « d’introduire un pluralisme véritable sur une scène
médiatique tellement déséquilibrée », dominée par un « groupe de journaux
puissants versé dans la critique virulente de l’Etat1 ». Signe des temps, la
version électronique de ces deux derniers-nés de la presse quotidienne
algérienne a été élaborée en même temps que leur numéro zéro.

Il existe quarante-trois quotidiens privés, publics, arabophones et


francophones en Algérie au moment où ces lignes sont écrites. A cela
s’ajoute une quinzaine d’hebdomadaires. Un recensement systématique
permet d’identifier dix-huit journaux disposant d’un site web en activité et
six avec un site bloqué ou inaccessible, tous quotidiens, tandis que les
hebdomadaires ne sont pas sur l’internet2. Au total, sur vingt-neuf titres
francophones, douze ont un site à jour, quatre restent inaccessibles, un –
celui du quotidien suspendu en 1999 Demain L’Algérie – est inactif depuis
août de la même année et celui de L’Actualité est arrêté en septembre 2003.
Côté arabophone, six seulement ont un site qui fonctionne, un n’a qu’une
page d’accueil sans information et avec tous les liens hypertextes bloqués
(Al-Fadjr), les huit autres n’existant pas sur le web.

1. Citation du directeur de la publication, Abderrahmane Mahmoudi, dans la dépêche de


l’agence APS, 27 août 2003.
2. Ces chiffres sont arrêtés au 1er octobre 2003. Ils évoluent beaucoup en période électorale
mais ils viennent corriger l’affirmation de M’Hamed Rebah dans son ouvrage La presse
algérienne, journal d’un défi (2002) : « En 2002, tous les quotidiens algériens ont leur site,
rejoignant les pionniers qui s’étaient lancés dans l’aventure dès 1996, comme La Tribune,
dont une édition électronique de deux pages avait commencé à être diffusée sur le site
Internet au moment de la suspension du journal » (p. 190). Cette dernière assertion est aussi à
corriger : c’est le site web de l’ONG Reporters sans frontières qui avait accueilli deux pages
de ce journal suspendu qui n’avait alors pas de site propre.
276 Réseaux n° 122

Depuis l’an 2000, leur nombre a quasi doublé, tout en maintenant la


proportion des francophones sur les arabophones, pour des raisons tant
techniques que de prédisposition3. Plusieurs d’entre eux, comme c’est le cas
du site du quotidien étatique El-Moudjahid ou du privé Liberté, ont déjà
changé de version et sont passés d’un site statique à un site dynamique,
tandis que Le Matin, situé déjà parmi les précurseurs avec un site élégant
dès 1999, travaille à la mise en place d’un site nouvelle génération. Le
quotidien privé arabophone Al-Khabar, premier tirage d’Algérie avec
quelque 400 000 exemplaires revendiqués, cherche aussi à moderniser son
site mais, de l’aveu de son directeur des relations publiques, connaît des
difficultés à trouver un « webmaster arabophone4 ». Le champ complet de
cette étude peut alors être brossé dans le tableau suivant :

Tableau 1. Eventail des sites web de quotidiens francophones algériens


Site arrêté au
Privé suspendu multimania.com/dem
Demain l’Algérie 30/08/99, « 100e jour
en 1999 ainlalgerie
de suspension”
El-Moudjahid Public, titre historique Site mis à jour elmoudjahid.com
El-Watan Privé Site mis à jour elwatan.com
Horizons Public Site inaccessible horizons-dz.com
InfoSoir Privé Site mis à jour infosoir.com
Site arrêté au 8
L’Actualité Privé lactualite-dz.com
septembre 2003
La Nouvelle lanouvellerepublique
Privé Site mis à jour
République .com
La Tribune Privé Site mis à jour latribune-online.com
Privé, proche de l’ex-
L’Authentique Site inaccessible lauthentique-dz.com
président Zeroual
Le Jeune Privé, premier titre jeune-
Site mis à jour
Indépendant privé à paraître independant.com
Privé, proche du
Le Jour d’Algérie Site mis à jour lejourdalgerie.com
président Bouteflika
Le Matin Privé Site mis à jour lematin-dz.net
Le Monde Privé national issu
Site inaccessible monde-info.com
d’aujourd’hui d’un régional d’Oran
Le Quotidien Privé, régional à
Site mis à jour quotidien-oran.com
d’Oran diffusion nationale
Le Soir d’Algérie Privé Site mis à jour lesoirdalgerie.com
L’Expression Privé Site mis à jour lexpressiondz.com
Liberté Privé, proche du RCD Site mis à jour liberte-algerie.com
Ouest-Tribune Privé régional Site inaccessible ouest-tribune.com

3. Sur les prédispositions des titres francophones à traiter les questions de nouvelles
technologies, voir KRAEMER, 2001, p. 81.
4. Correspondance électronique avec Lamine Chikhi, directeur des relations publiques au
quotidien El-Khabar.
Journaux algériens 277

Tableau 2. Eventail des sites web de quotidiens arabophones


Al-Fadjr Privé Site inactif al-fadjr.com
An-Nasr Public Site mis à jour an-nasr.com
Ech-Chaab Public Site mis à jour ech-chaab.com
Ech-Chourouk el Privé, tendance islamiste Site mis à jour echouroukelyoumi.c
youmi modéré om
El-Khabar Privé, premier tirage Site mis à jour elkhabar.com
El-Massa Public, du soir Site mis à jour el-massa.com
El-Youm Privé Site mis à jour el-youm.com

Sources : tableaux réalisés par l’auteur à partir de recherches sur l’internet (les adresses sont toutes
précédées des trois « w ») et arrêtés à la date du 1er octobre 2003.

Des nouvelles technologies sous-utilisées

Compte tenu du retard en Algérie dans le secteur de l’internet, les médias – et


essentiellement les quotidiens – y jouent un rôle moteur. El-Watan, parmi les
premiers titres créés dans le cadre de la nouvelle loi de 1990 qui ouvrait la
voie à la presse privée après quatre décennies de monopole d’Etat, est le
premier journal, dès 1997, à investir le web. Il est vite suivi, les deux années
suivantes, par Le Matin, Le Jeune indépendant, El-Khabar, etc. Avec des
textes mis en ligne régulièrement dans la nuit précédant la distribution des
exemplaires imprimés, ces dix-huit quotidiens assurent un flux de contenus
sur le réseau dans un pays où on ne compterait qu’un millier d’entreprises
disposant de sites web – très peu en comparaison avec les voisins maghrébins
– qui souvent se résument à une page d’accueil avec de rares mises à jour.

Selon Younes Grar, président de l’Association algérienne des fournisseurs


de services internet (AAFSI), il y a en 2003 plus de 80 fournisseurs agréés
en Algérie mais seulement une vingtaine d’opérationnels. Les
investissements techniques importants au départ, le suivi technologique et
les difficultés à obtenir une ligne spécialisée chez l’opérateur public Algérie
Télécom (le monopole qui devait être levé en 2000 a été reporté à 2005)
expliquent que de nombreux fournisseurs soient encore « virtuels ». Selon
les estimations de l’AAFSI, il y aurait 500 000 internautes en Algérie,
50 000 ordinateurs importés par an (le coût d’un PC reste 3 à 4 fois le
salaire moyen), 3 000 cybercafés. Le gouvernement algérien affiche depuis
2001 la volonté de rattraper son retard en développant une politique
ambitieuse dans le domaine des nouvelles technologies au service de tous5.

5. Interview de Younes Grar, « L’internet doit être une priorité du gouvernement », 4 février
2003, www.algeria-interface.com. Voir aussi PICAGNE, 2002, p. 34-39.
278 Réseaux n° 122

En attendant, les lignes téléphoniques saturent régulièrement, les


fournisseurs d’accès connaissant de fréquents blocages du fait des faibles
capacités des serveurs et les sites des journaux algériens, pour des raisons
techniques autant que de fluidité, étant tous hébergés en Amérique du Nord
ou en Europe. Le Jeune Indépendant est hébergé au Canada, chez un serveur
quasi gratuit, L’Expression aux Etats-Unis, pour la bande passante offerte
autant que pour la sécurité. Aucun, pas plus les publics que les privés, ne
dispose d’une adresse en « .dz », pourtant nom de domaine algérien. Les
lenteurs bureaucratiques du Centre de recherche sur l’information
scientifique et technique (CERIST), l’organisme chargé officiellement de
les attribuer en sont la cause, autant que son exigence d’un hébergement des
sites en « .dz » sur des serveurs algériens. La plupart des journaux passent
aussi par le fournisseur d’accès privé Gecos qui représente en Afrique le
provider américain Ad Graphics et s’est imposé auprès des administrateurs
web des titres algériens comme El-Watan ou Le Matin6.

Des contenus « papier » et électroniques semblables

L’étude comparée de la page d’accueil de tous les sites actifs des quotidiens
algériens – page d’appel qui permet à l’internaute d’évaluer la matière que
le site est susceptible de lui offrir – distingue trois types de contenus ou
services : informationnels, communicationnels, transactionnels7.

L’information est comprise ici au sens le plus large et elle dépasse de beaucoup
l’actualité. Les sites de la presse algérienne offrent aussi, à un premier niveau de
la page d’accueil ou, plus généralement à un second niveau (en cliquant sur les
hyperliens), des contenus sur le journal lui-même ou sur son site (informations
institutionnelles), des services utiles (météo, bourses, emploi...), des services
supplémentaires liés au moyen d’accès aux informations (archives, moteur de
recherche). Sans entrer dans le détail des systèmes techniques, on peut constater
d’emblée que les difficultés liées à l’adaptation de la langue arabe aux différents
langages utilisés sur le réseau conçu à l’origine pour et dans les caractères latins,
a conduit les concepteurs de sites web des journaux arabophones à privilégier le
format pdf et à offrir à l’internaute le téléchargement de reproductions des pages
du journal papier, là où les sites francophones adoptent plus largement la

6. AMARI, 2000.
7. Pour l’analyse de contenu, croisée avec un questionnaire systématique aux webmasters,
nous avons partiellement utilisé la grille élaborée par Caroline Bringand, BRINGAND, 2001,
p. 245-260.
Journaux algériens 279

réorganisation des informations pour un environnement html8. Les sites des


journaux francophones ressemblent ainsi beaucoup plus à leurs équivalents
occidentaux.

Aussi, si les journaux algériens sur papier, en dépit de l’introduction récente


de la couleur, ont tendance à se ressembler beaucoup (même format tabloïd,
même mauvais papier et impression sur les presses étatiques à l’exception
de l’imprimerie privée d’El-Watan et d’El-Khabar, même mise en page
désordonnée malgré des efforts récents...), les sites web proposent plus de
variété. La gamme va des sites les plus basiques – statiques et pauvres –
comme celui d’Al-Fadjr qui n’offre aucune photo mais propose autour de
son logo des boutons pour télécharger toutes les pages du journal en pdf (et
qui est bloqué), aux sites dynamiques de la dernière génération comme
Liberté ou El-Moudjahid, mais dont la plupart des nouvelles rubriques ou
services restent souvent en construction. Entre les deux, il existe toute une
déclinaison de sites avec des contenus sélectionnés restituant plus ou moins
le journal papier du jour dans sa globalité. Les sites arabophones sont
presque tous conçus autour d’une reproduction centrale (scannée comme
une photo parfois) de la « une » du journal papier, avec ses publicités et ses
gros titres, entourée de boutons pour accéder à des informations choisies
selon des rubriques ou, plus simplement, selon les pages du journal (en html
à El-Khabar ou en pdf ailleurs). Même, le site du quotidien étatique
arabophone Ech-Chaab réduit ces boutons d’accès à de basiques formules
en curieux français : « page 01 », « page 02 »...

Le Jeune Indépendant a opté pour une sélection serrée tenant dans la seule
page d’accueil qui recompose une page de journal avec l’information
principale au centre (et photo) et des colonnes tout autour avec des titres de
rubrique donnant une ou deux informations brèves d’importance avec des
liens hypertextes pour poursuivre la lecture. Le Matin, qui revendique d’offrir
à l’internaute un contenu plus synthétique avec les articles les plus importants
du journal du jour, se distingue depuis le début par un environnement très
inspiré des sites web occidentaux, du point de vue graphique et ergonomique.
Le vieux Moudjahid, dont le tirage est passé de 365 000 exemplaires au temps
du monopole à moins de 13 000 aujourd’hui9, apparaît sur le réseau comme
riche, bien structuré avec toutes les rubriques d’information et de services

8. Le site web du quotidien public arabophones El-Massa propose d’ailleurs un bouton


« help » pour aider les internautes à lire les caractères arabes en reparamétrant leur ordinateur
et en téléchargeant les logiciels nécessaires.
9. KRAEMER, 2001, p. 144.
280 Réseaux n° 122

(météo, archive, appel d’offre, moteur de recherche...) capable de rivaliser


avec des sites de titres privés dynamiques comme Liberté. Inversement, un
quotidien privé régional qui a connu un vrai succès national, Le Quotidien
d’Oran, offre une page d’accueil pauvre avec des rubriques en colonne et une
pluie de titres d’articles dans le désordre.

Quelle que soit la langue ou le statut, les titres algériens sur le net se
cantonnent tous au contenu de leurs journaux sur papier. Les rares contenus
spécifiques qu’offrent les sites ne sont guère, comme les liens vers des sites
de météorologie ou de cotation des monnaies10, que des informations
présentes sous une autre forme dans le journal. Les dossiers que proposent
Le Quotidien d’Oran, L’Expression et Le Matin réunissent des articles déjà
publiés autour d’un même thème (actuellement beaucoup traitent du
nouveau bras de fer entre la presse privée et le gouvernement), tandis que
les Newsletters que proposent d’envoyer par courriel à ses abonnés InfoSoir
et Liberté reprennent la synthèse les titres du journal du jour. Il en va de
même du service des archives proposé seulement par une dizaine de sites ou
du moteur de recherche par mot-clé dont ne dispose aucun site arabophone
et seulement quelques sites francophones.

Au-delà de l’ours – que l’on peut partiellement retrouver avec le lien


hypertexte « contact » qui ouvre souvent sur une page indiquant le directeur
de la publication, celui de la rédaction, le rédacteur en chef, leurs coordonnées
et celles de certains services ou bureaux locaux du titre – rares sont les
journaux qui se présentent sur leur site. Ces informations institutionnelles –
pourtant importantes – n’existent que dans six titres sous la forme d’un bouton
« à propos » qui ne fonctionne pas chez le nouveau Jour d’Algérie et ouvre, au
Moudjahid, sur un texte inattendu : la charte du Front de libération nationale
(FLN) du 1er novembre 1954 et l’appel au « peuple militant de la cause
nationale ». En revanche, les sites d’El-Watan et d’El-Khabar sont plus précis
sur le journal et celui de Liberté s’exprime même sur « Liberté-Algérie.com »,
expliquant les évolutions du site depuis trois ans.

Une interactivité réduite

Toutes ces remarques convergent vers une conception de sites d’information


essentiellement sous forme de version électronique de l’offre éditoriale des

10. Le site de La Tribune est le seul à donner un tableau de cotation de monnaie d’après la
banque d’Algérie.
Journaux algériens 281

journaux sur support imprimé déjà connu de leur lectorat, avec une gamme
restreinte d’offres complémentaires, là où les sites internet de presse écrite
en Europe explorent depuis le tournant du millénaire l’information en
continu, actualisée par des dossiers et des services spécialisés, ainsi que
l’interactivité11. Si seuls les sites d’Ech-Chaab et du Quotidien d’Oran ne
présentent aucune adresse électronique de webmaster sur leur page
d’accueil, tous les autres disposent d’une zone de contact plus ou moins
élargie : adresses électroniques de la rédaction ou de cadres, bordereau de
messagerie, et même signature chez El-Khabar du webmaster et de
l’infographiste par leur courriel. InfoSoir ou Liberté distinguent même
l’administrateur web du webmaster. Pour autant, aucun des webmasters
sollicités pour cette présente étude n’a répondu, ce qui montre assez que
l’interactivité n’entre pas dans leur cahier des charges12.

Des journaux en ligne qui mettent en valeur les commentaires des meilleures
plumes de leur rédaction, comme Le Matin avec pas moins de dix boutons
(édito, commentaire, chronique de Mohamed Benchicou, le directeur, de
l’écrivain Yasmina Khadra, de la journaliste sous pseudonyme qui fait
scandale Ines Chahinez, jusqu’à la caricature de Hic), n’appellent pas
forcément les internautes à réagir. Zone contact avec bordereau impersonnel
ou simple adresse électronique anonyme restent le cas de la majorité. Rares
sont les sites, comme ceux d’El-Khabar, El-Massa, La Nouvelle république,
Le Soir d’Algérie, El-Moudjahid, Le Soir d’Algérie (qui distingue dans un
bordereau les « propositions » des « suggestions ») ou L’Actualité à inviter les
internautes à « réagir aux articles sur cette adresse ». Seul à faire un effort
linguistique d’ouverture, le quotidien arabophone El-Khabar qui propose un
résumé de l’actualité en français et en anglais qui se clôt sur une invitation à
envoyer ses « commentaires ou suggestions ».

Les sites qui ont changé de version ou qui viennent juste d’investir le net
ont cependant adopté plusieurs outils de communication en ligne. Le livre
d’or (ou guest book comme l’appelle El-Moudjahid) est présent sur El-
Watan et InfoSoir, à côté parfois d’un lien sondage appelant l’internaute à
voter. Or ces rubriques sont rares et souvent décevantes. En cliquant sur le

11. DELBERGHE M., JACOB, 2001, p. 24.


12. Pas moins de trois messages systématiquement envoyés à la vingtaine de webmasters
pour solliciter leur concours à cet article sont restés sans réponse et les rares réponses au
questionnaire ne nous sont parvenues que de la part de cadres dirigeants ou de journalistes
personnellement connus. Au total, pour plus de soixante-dix courriels envoyés, seules les
réponses de la rédaction du Matin, d’El-Khabar, de L’Expression et du Jeune Indépendant
ont été reçues.
282 Réseaux n° 122

lien du site du Matin, on tombe sur un vieux sondage d’audience d’avril


2003, annonçant que ce quotidien « est le premier journal francophone avec
13 % du lectorat », sans possibilité d’intervenir. Sur le site de Liberté, la
rubrique « question du jour » indique, laconique, « pas de sondage » et celle
des « statistiques » de Tribune ne fonctionne pas. InfoSoir, cependant, pose
la question directe : « comment trouvez-vous notre site ? » et donne les
premiers résultats (excellent pour 34,4 %, médiocre pour 7,4 %), tout
comme El-Moudjahid, soucieux de connaître les réactions à « la nouvelle
interface du site » (très réussie pour 5,97 %, moyenne pour 85,34 % avec
11 036 répondants au 1er octobre).

Zone d’interactivité par excellence, les forums n’existent que sur les sites
d’InfoSoir – sur les thèmes du sport et de l’actualité – et d’El-Watan qui
décline cinq problématiques autour du séisme de mai dernier (avis de
recherche, appel à témoin pour les identifications des sinistrés, action de
solidarité, message de soutien, contacts utiles...). Seul le site d’InfoSoir
dispose d’un service de chat réservé à ses abonnés.

Des sites qui ne rapportent pas d’argent

Enfin, l’espace transactionnel est particulièrement réduit sur les sites web de
la presse algérienne. Tous sont accessibles gratuitement, sans aucun service
payant. A l’image de la plupart des sites d’information dans le monde, ils ne
gagnent pas d’argent, comme le confirment tous les responsables de rédaction
contactés. Seuls trois sites disposent d’un bandeau ou d’un encart publicitaire
(El-Khabar, Ech-Chourouk el-youmi et La Nouvelle République). D’autres
ont prévu l’espace dédié mais, sans publicité extérieure, ils y invitent
l’annonceur potentiel (« Espace publicitaire à louer » sur El-Moudjahid,
« votre pub » sur Liberté) ou s’y font leur propre réclame (« L’Actualité : un
journal pas comme les autres, l’info pure »). De plus, les zones « partenaires »
sont inexistantes ou vides dans la grande majorité des sites. Si des contacts par
courriel sont donnés avec les services de publicité sur la plupart des journaux
en ligne, arabophones comme francophones, il est symptomatique que les
rares indications de tarifs le soient pour le passage dans le support papier. Seul
El-Watan – qui n’a cependant pas de publicité – propose des tarifs sur le web.
Les prix des emplacements sont modulés selon la consultation des pages.
Ainsi, les pages de politique sont créditées de 56 000 requêtes par semaine là
où la page d’accueil, avec 25 000 requêtes, fixerait le prix d’une publicité à
75 000 dinars algériens, soit, précise le site, « 7 500 francs français » !
Journaux algériens 283

Ce manque de mise au jour évident souligne le caractère plus déclaratif que


mesuré de la fréquentation du site. Les chiffres réels sur le net sont en effet
au moins aussi difficiles à établir que sur les presses et dans les kiosques,
tant l’opacité, le secret et l’exagération dans le domaine restent la règle, en
l’absence de tout organisme de contrôle des ventes et des tirages. Ainsi, les
sites du Matin et d’El-Watan étaient-ils crédités de 100 000 à 150 000
consultations par jour dans un article d’Algeria-interface, alors qu’un tel
compteur est précisément au cahier des charges de la prochaine version du
site du Matin13. Rares sont les sites à avancer des chiffres de consultation et
les compteurs ne sont présents que sur Liberté (quotidien) et L’Expression
(depuis le début), mettant au jour de curieuses contradictions. Ainsi, la fiche
d’information de Liberté donne, d’après un site de mesure d’audience
(weborama.fr), « une consultation de 10 000 utilisateurs en moyenne chaque
jour » alors que le compteur n’indiquait qu’un seul visiteur le jour de
l’analyse ! Plusieurs consultations du site de L’Expression ont permis de
calculer un différenciel de près de 16 000 visiteurs en quatre jours, loin
derrière les chiffres avancés plus haut.

De nouvelles ambitions sur la toile

D’ailleurs, les journaux connaissent mal leurs internautes et, de l’aveu des
cadres du Matin, d’El-Khabar, de L’Expression ou du Jeune Indépendant, leurs
origines sont surtout identifiées, quand c’est possible, par leur courriel dont les
webmasters ne font pas grand cas. « Nous avons des internautes au Canada, aux
Etats-Unis, en Australie, en Grande-Bretagne qui nous encouragent à aller de
l’avant et posent souvent des questions aux journalistes », témoigne Lamine
Chikhi, directeur des relations publiques du grand quotidien arabophone. Au
Matin, la rédactrice en chef technique, Khadija Chouit, revendique comme
internautes les « étrangers résidant en Algérie et les Algériens résidant à
l’étranger, notamment au Canada ou en France ». L’objectif du site web est alors
« de permettre aux nombreux Algériens qui n’ont pas accès à l’édition imprimée
du journal – notamment les expatriés – de le lire, ainsi que de suivre l’expansion
de l’internet en Algérie ». Le site d’El-Khabar, seul à proposer un résumé en
deux autres langues (anglais et français) affiche l’objectif de « donner une
dimension internationale au journal ».

Or cet argument est essentiel dans un pays qui a connu, selon les dernières
évaluations du Conseil national économique et social (CNES), données en

13. CHAWKI, 2000.


284 Réseaux n° 122

décembre 2002, une fuite des cerveaux de quelque 400 000 diplômés dans
la période des plus fortes violences islamistes et militaires14 (1992-1996).
Cette hémorragie de lecteurs potentiels – et parmi eux quelque 3 000
informaticiens, de nombreux médecins, scientifiques, intellectuels ou chefs
d’entreprises – correspondrait « à ce qu’ont formé les universités
algériennes pendant dix ans ». La concurrence est alors forte entre les titres
« sérieux » – publics comme privés – pour s’adresser à ces Algériens
d’Amérique, du Golfe ou d’Europe et leur offrir un lien régulier avec leur
pays d’origine. Plusieurs études suggèrent d’ailleurs une chute du lectorat
de presse « papier » en Algérie dans les mêmes années (surtout après 1994
avant de remonter en 1998) et, selon le croisement de différents critères, un
taux de lecture inférieur à ce que le revenu et l’alphabétisation par habitant
pourraient laisser présager15. Une partie du lectorat ayant fui dans des pays
occidentaux ou arabes très ouverts sur les nouvelles technologies, le recours
à l’internet s’imposait pour les principaux titres algériens. Aussi, la toile
est-elle un nouveau territoire pour la concurrence que se livrent les très
nombreux journaux, avec un indéniable effet de mode et de modernité.

« Pour une grande partie des éditeurs de presse, posséder une page web était
surtout vu comme une question de prestige pour le journal, reconnaît Lamine
Chikhi. Les choses commencent à changer, mais lentement. Les journalistes
de la rédaction ne consultent que rarement le site, estimant qu’il est loin de
répondre aux normes en vigueur. » Peu ou pas d’échanges entre la rédaction et
les personnes en charge des pages web, un webmaster généralement seul et
avec un profil exclusivement de technicien ; les journaux algériens limitent les
frais sur le net. En dépit de l’adoption par les quotidiens francophones les plus
dynamiques d’une nouvelle version de site où l’effectivité de l’interactivité
reste encore à prouver, la majorité des titres algériens présents sur le web n’a
pas encore adopté le modèle du portail – avec de nombreux autres sites
donnés en hyperliens – qui se généralise ailleurs dans les médias (télévision,
radio et presse écrite) et qui structure l’internet aujourd’hui en France ou en
Europe. Les sites web des quotidiens algériens exploitent quasi exclusivement
les informations de leurs titres imprimés et attendent – tout en élaborant des
projets de modernisation avec une « vraie équipe rédactionnelle électronique »
et un « service de médiation » comme le souhaite Le Matin – que les débits
s’améliorent sur l’internet en Algérie et que la publicité ou les services en
ligne entrent dans les mœurs.

14. Voir l’article de SAOULI, 2003, p. 34-40.


15. Voir l’article de HENRY, 2003.
RÉFÉRENCES

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REBAH M. (2002), La presse algérienne, Journal d’un défi, Chihab Editions,
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