Hunout Patrick. Les méthodes d'évaluation des emplois : du classement des emplois à la mesure des compétences. In:
Formation Emploi. N.39, 1992. pp. 35-43;
doi : 10.3406/forem.1992.1578
http://www.persee.fr/doc/forem_0759-6340_1992_num_39_1_1578
Abstract
Patrick Hunout, Methods of job evaluation : from job classification to skill measurement.
Although the classification systems used in organizations have identical or similar goals (to give a basis
for social comparisons in the organization), they correspond overall to two opposite types, according to
the things they claim to grade : on the one hand, jobs and the responsibility pertaining to them, and on
the other, persons and their characteristics.
After a short history of job evaluation methods, the article provides a typology of them, emphasizing
those that have been the most recently introduced into France, and discusses the respective
advantages of the different methods.
Finally, it gives a summary of the present development of new forms of classification of persons (those
based on « skill »), and shows the advantages, but also the risks inherent in these new systems, both
with regard to the fulfillment of the traditional goals of equity of classification systems and the
unexpected effects which could be attached to their implementation.
Résumé
Les systèmes de classification appliqués dans les organisations, bien qu'ils visent des finalités
identiques ou voisines (donner un point d'appui aux comparaisons sociales dans l'organisation),
correspondent globalement à deux types opposés, selon les objets qu'ils prétendent hiérarchiser : les
emplois et la responsabilité qui leur est afférente d'une part, les personnes et leurs caractéristiques
d'autre part.
Après un bref historique des méthodes d'évaluation d'emplois, l'article en dresse la typologie, en
mettant l'accent sur celles qui ont été le plus récemment introduites en France, et discute les
avantages respectifs des différentes méthodes.
Enfin, il fait le point sur le développement actuel de nouvelles formes de classifications de personnes
(celles qui sont basées sur les « compétences ») et montre les avantages mais aussi les risques que
comportent ces nouveaux systèmes, tant lorsqu'il s'agit de répondre aux finalités traditionnelles
d'équité des systèmes de classification que du point de vue des effets pervers qui pourraient être
attachés à leur mise en oeuvre.
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des emplois :
à la mesure
des compétences
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On assiste depuis quelques années au l'évaluation des emplois les caractéristiques des
développement de l'application des méthodes d'évaluation personnes qui les occupent.
d'emplois et à l'extension de leur utilisation à de
nouveaux secteurs, particulièrement au tertiaire
financier qui les avait jusqu'à présent DES CLASSIFICATIONS
majoritairement laissées de côté au profit de systèmes de POUR QUOI FAIRE ? * V
classification et de rémunération basés essentiellement sur
:
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Cet accord appelle plusieurs remarques. Tout d'abord, dans le cadre d'un tel système, la
relation classification-contribution-équité tend à passer au second plan par rapport à la
relation classification-gestion des compétences. Or l'équité est-elle garantie, ou aussi bien
garantie, dans un système de compétences que dans un système d'emplois ? Par ailleurs, l'accord
ne s'applique pas aux cadres. Dans quelles conditions les dispositions prévues peuvent-elles
être étendues à ce type de population et la « logique compétence » peut-elle leur être aussi
facilement appliquée qu'aux autres catégories ? Enfin, l'importance conférée à la hiérarchie
dans la mise en uvre du processus enveloppe aussi un pari sur la mutation de son rôle et de
son comportement et celle-ci impliquera sans doute un long délai de maturation.
En tout état de cause, l'accord A-Cap 2 000 constitue aujourd'hui un pari dont le résultat ne
peut d'abord s'apprécier qu'à long terme (son application est prévue sur un délai de cinq ans)
et, à l'intérieur d'un groupe très décentralisé, qu'en fonction des applications qui lui seront
données au plan local avec leur traduction technique (élaboration de nomenclatures de
compétences, d'outils d'évaluations de compétences).
Bocquillion qui mixte des critères d'exigence de particulièrement utile dans les situations transitoires
l'emploi et des critères d'efficacité individuelle ; ou de changement où il y a évolution rapide des
de l'approche CSP qui distingue des niveaux de technologies et des structures, et où il est nécessaire de
maîtrise du poste et les articule à la gestion des favoriser l'adaptation rapide à de nouvelles
carrières individuelles et à la gestion prévisionnelle du techniques et l'acquisition de nouvelles compétences par
personnel. les salariés. Il s'intègre également facilement à une
optique de gestion prévisionnelle de l'emploi dont il
Un courant minoritaire de la théorie des
classifications s'est fait le promoteur d'une thèse plus favorise la mise en uvre.
radicale, en voulant baser la classification non sur les Le salarié étant classé et rémunéré compte tenu des
emplois, mais sur les personnes et leurs compétences compétences qu'il possède, un tel système peut aussi
(Galambaud, 1984). Dans cette optique, constituer une incitation pour les employeurs à revoir
rémunération et compétence sont aussi directement liées. Il périodiquement l'organisation du travail et
appartient à l'entreprise d'utiliser ou non cette l'affectation des ressources pour éviter d'avoir à supporter
compétence, la reconnaissance de celle-ci étant de toute des surcoûts, en même temps qu'il constitue une
façon garantie par le système de classification. garantie pour les salariés.
Classification, organisation et affectation sont
relativement disjointes, les individus sont susceptibles d'une Cependant de tels systèmes comportent aussi des
évolution de carrière relativement indépendante des risques et des inconvénients importants. En premier
fonctions occupées. lieu, la relation emploi-personne-statut risque de se
trouver éclipsée au profit des variables de statut
Toutefois ces classifications de personnes diffèrent (ancienneté et diplômes). Certes il existe un
sur un point important de l'équité formelle référencement à l'emploi et à la notion de compétence mais
recherchée par le système en vigueur dans la fonction tout dépend d'une part, de la validité et de la finesse
publique : elles comportent une référence nécessaire des outils mis en uvre pour analyser les
à l'emploi, en ce sens que les compétences que la compétences requises (le risque étant d'aboutir à une
classification doit permettre de hiérarchiser démarche réductrice d'évaluation des emplois et des
correspondent à des savoir-faire opératoires utiles dans personnes), et d'autre part du comportement effec-
l'accomplissement du travail, et non plus à des tifde la hiérarchie dans l'appréciation des
connaissances acquises en formation initiale et compétences acquises (le risque étant d'aboutir à une
mesurées une fois pour toutes. perversion de l'appréciation des compétences par
Le mode de classification par les compétences veut l'appréciation du mérite). En outre, dans la réalité, la
permettre de prendre en compte les structures par maintenance d'un tel dispositif peut aussi s'avérer
groupes de projet et par équipes polyvalentes ainsi lourde et difficile et des surcoûts importants peuvent
que les caractéristiques du travail dans le contexte s'accumuler si les compétences disponibles ne
de process très automatisés. On peut penser qu'il est reçoivent pas une réelle utilisation.
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En tout état de cause, les outils de gestion des Festinger L. (1954), « A theory of social comparison
compétences restent aujourd'hui moins développés que processes », Human Relations, 7, pp. 1 17-140
les outils d'évaluation des emplois. Il est à noter que Galambaud B. (1984), Classification et qualification -
beaucoup des cabinets positionnés dans Evolution des démarches, Entreprise et Personnel.
l'évaluation des postes développent également des outils - Hunout P. (1987), L'évaluation et la classification des
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(Hay, Wyatt, Hewitt...) en s'appuyant dans certains Hay E.-N. (1950), « The application of Weber's law to
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Psychology, 34, pp. 102-104.
On assiste donc aujourd'hui au développement Hay E.-N. et Purves D. (juillet 1957), « A new method of
d'expériences et d'évolutions contrastées qui mettent job evaluation », Personnel Magazine, New-York.-
en perspective à la fois l'extension des méthodes de
classification d'emplois et le développement de Jardillier P. et Lupe M.-C. (1976), De la qualification du
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