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Les enseignants des établissements d’enseignement privé (sous
contrat d’association avec l’État) : une « relation de travail » de droit
privé ou de droit public?
Laurence Gillet
Titulaire du D.E.S.S. Management avancé des ressources humaines et des relations d’emploi
Abstract : In 1959, a law governs the relationships between the State and the Private
Éducation System and precises clearly that the State is the the teachers employer. However,
these teachers are not civil servants but are subjected to special rules. Progressively, trials and
new laws have created a complex situation and Private Éducation System has to face up to news
obligations, as if it was the real employer. In fact, the issue is who is the real employer : the
school or the State, and what are the limits of their respective responsabilities.
La loi Debré prévoit quatre possibilités pour les établissements d’enseignement privé :
- les établissements hors contrat : (article 2) sont totalement autonomes financièrement,
l’État y exerçant un contrôle restreint (ordre public, prévention sanitaire,…) où l’admin-
istration scolaire s’en tient à de simples vérifications relativement formelles,
- les établissements purement et simplement intégrés à l’enseignement public, à leur
demande, avec transfert de propriété des locaux (article 3),
- les établissements liés à l’État par contrat simple (article 5). Ce régime a été appliqué
aux établissements secondaires jusqu’à la fin de l’année scolaire 1979-1980 et est depuis
limité aux établissements du premier degré. Dans ce cadre, bien que rémunéré par l’État,
le maître se trouve sous l’autorité directe et unique du chef d’établissement. Ce dernier
dispose donc du droit de rompre le contrat de travail selon les règles de droit commun,
- les établissements liés à l’État par contrat d’association. L’article 4 de la loi prévoit que
les établissements d’enseignement privé du premier et du second degré peuvent demander
à passer avec l’État un contrat d’association à l’enseignement public (portant sur tout ou
partie des classes) s’ils répondent à un besoin scolaire reconnu. Dans ce cadre, l’enseigne-
ment est dispensé selon les règles et les programmes de l’enseignement public. Il est
confié, en accord avec la direction de l’établissement, soit à des maîtres de l’enseignement
public, soit à des maîtres liés à l’État par contrat, pour lesquels l’État prend en charge les
salaires ainsi que les charges sociales et fiscales. Les dépenses de fonctionnement des
classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes
correspondantes de l’enseignement public1.
C’est ce dernier cas qui s’applique aux établissements du second degré. Dans ces établisse-
ments d’enseignement privé sous contrat d’association, plusieurs statuts peuvent coexister au
sein de la catégorie que constituent les enseignants :
- les enseignants hors contrat. Il s’agit des enseignants exerçant dans les classes hors
contrat, donc non prises en charge par l’État. Ces enseignants sont ainsi des salariés de
l’établissement, tout comme les personnels non enseignants,
- les enseignants fonctionnaires titulaires de l’enseignement public, qui peuvent être
détachés dans un établissement privé, dans le cadre du mouvement annuel des enseignants
(cf. vœux formulés). Ces enseignants restent membres de l’enseignement public et contin-
uent à être régis par leur statut propre, même s’ils sont placés sous l’autorité et la respon-
sabilité du directeur de l’établissement où ils exercent,
- les enseignants de statut Éducation Nationale, sous contrat avec l’État, relevant du droit
public. Ce sont des agents non titulaires de l’État, assimilés pour leur rémunération à des
catégories d’enseignants fonctionnaires, et qualifiés de « maîtres contractuels » (par
référence au contrat d’association signé par l’établissement où ils exercent). Ils ne béné-
ficient pas du statut général de la Fonction Publique, mais du régime général de la Sécurité
Sociale,
- les enseignants de statut mixte, qui renvoient à plusieurs situations. Dans certains cas, il
s’agit d’enseignants qui exerçaient dans l’établissement avant que celui-ci ne signe son
contrat d’association avec l’État, et qui ont ensuite signé un contrat individuel avec
l’Éducation Nationale. Dans un but de préservation des avantages acquis, et par déroga-
tion au droit public, le contrat initial de droit privé a été maintenu pour la partie de droits
non repris par l’Éducation Nationale. Cette situation conduit donc à un statut dit
« mixte », où les intéressés sont soumis aussi bien au droit public qu’au droit privé. Dans
d’autres cas, il s’agit de personnels cumulant des heures sous contrat d’association et des
heures hors contrat (heures de cours, heures de surveillance,…), ou des heures liées à des
services administratifs, ou les trois.
1. Ceci se traduit, en fait, par une prise en charge (cf. forfait d’externat) effectuée :
- partiellement par l’État, à hauteur de 80 %, avec un calcul effectué par rapport aux dépenses correspondantes
de rémunération des personnels non enseignants des établissements publics,
- partiellement par la Région en ce qui concerne les lycées (cf. principe de segmentation introduit par les lois
de décentralisation) sur la base du coût réel d’un élève correspondant de l’enseignement public.
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Quel que soit leur statut, le service des enseignants est soumis aux mêmes obligations. Il se
compose de « diverses tâches et responsabilités dont les principales sont les heures de cours (dont le nombre va-
rie selon les degrés et les effectifs), les réunions de conseil de classe (et, le cas échéant, du conseil de discipline),
les réunions de coordination des équipes pédagogiques, les visites et déplacements pris ou non sur le temps de ser-
vice hebdomadaire, le suivi individuel des élèves, la formulation de notes et appréciations pédagogiques, la prépa-
rations des cours, et la correction des copies et des examens »1.
Cette présentation des caractéristiques des établissements d’enseignement privé sous contrat
d’association trace, a priori clairement, l’articulation des responsabilités entre l’État et l’établis-
sement. Cependant, dans la pratique, cette frontière n’est pas aussi claire, ni aussi bornée dans
les différents actes du déroulement de la carrière des professeurs sous contrat.
Ces questions, qui ont amené à de nombreuses saisines des différents ordres de juridiction
(la détermination de la juridiction compétente étant en elle-même un problème…), ont conduit
à une construction essentiellement jurisprudentielle, qui tend de plus en plus à « privatiser » la
relation entre le maître et l’établissement, au détriment d’une « publicisation » qui semblait dé-
couler clairement des textes de base, donc de la loi Debré et des textes qui la complètent. La
question se pose donc de savoir quelle est la nature exacte de la relation de travail au nom
de laquelle les maîtres sous contrat d’association exercent dans leurs établissements. et les
responsabilités de chacun des acteurs qui y sont impliqués.
1. Jean-Yves Raulet, « le secteur scolaire libre — Les APEL », Belfond, 1992, p 14.
2. « le Ministre d’État, Ministre de l’Éducation Nationale et de la Culture étend le présent accord à l’ensemble des
établissements d’enseignement privé sous contrat ».
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3. L’UNAPEC (Union Nationale pour la Promotion Pédagogique et Professionnelle dans l’Enseignement Catho-
lique), au plan national, et les ARPEC (Associations Régionales pour la Promotion Pédagogique et Profession-
nelle dans l’Enseignement Catholique), au plan régional.
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1. La procédure d’affectation dans le privé de maîtres titulaires de l’enseignement public est expressément prévue
par la loi Debré. Elle est gérée directement par les services ministériels, et requiert l’accord du maître et du chef
d’établissement
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Ce second point a été le plus simple à résoudre, le système adopté par l’enseignement catho-
lique étant tout à fait transposable, et cette transposition ne nécessitant pas la mise en œuvre
d’une procédure complexe : les maîtres en poste qui ont présenté et obtenu leur CALA en
« candidats libres » sont externés sur leur poste au cours de la deuxième année de formation.
La question du recrutement et de la formation initiale des enseignants reste posée en termes
plus complexes et les solutions dégagées ne paraissent pas devoir pouvoir être pérennisées dans
le cadre d’une situation saine. En effet, les établissements privés non catholiques se trouvent
dans l’obligation de recourir aux mêmes méthodes qu’avant les accords Lang/Cloupet, mais ce,
dans le cadre d’une situation rendue encore plus complexe. Ainsi, l’établissement qui a des pos-
tes à pourvoir, pour lesquels le Rectorat ne lui fait pas de proposition d’affectation, doit assurer
la procédure de recrutement d’un maître qui sera ensuite recruté par le Rectorat sur la base d’une
« délégation auxiliaire » uniquement valable pendant une année scolaire, compte tenu des cri-
tères de titres, de nationalité et d’aptitude identiques à celles requises pour se présenter aux con-
cours de l’Éducation Nationale. La seule possibilité d’évolution de ces délégués auxiliaires tient
à la réussite à un concours, faute de quoi la reconduction annuelle de leur délégation auxiliaire
est conditionnée par l’absence de nomination d’un lauréat du CAFEP, ceci en prenant en comp-
te toute la logique du « concours » par rapport à celle de « l’examen » (cf. nombre de postes
ouverts et nombre de candidats)1.
Le délégué auxiliaire se trouve donc dans l’obligation de réussir à un concours, où il se trou-
ve en concurrence avec des stagiaires d’IUFM, beaucoup mieux préparés que lui aux preuves
écrites du CALA, qui sont essentiellement liées à des domaines universitaires, alors qu’il a pré-
paré ces épreuves en « candidat libre ».
Les établissements sont également confrontés à des difficultés en ce qui concerne le renou-
vellement des délégations auxiliaires. En effet, lorsque des postes sont vacants, le chef d’étab-
lissement peut souhaiter demander au Rectorat de reconduire les délégués auxiliaires qui
exerçaient l’année précédente sur ces postes. Cependant, cette reconduction ne peut être
autorisée par le Rectorat qu’après que tous les lauréats du CAFEP ont été affectés dans les étab-
lissements (cf. obligation pour les lauréats d’être affectés sur un poste au 1er octobre de l’année
d’obtention du concours, faute de quoi le bénéfice de ce dernier est perdu), ce qui n’est générale-
ment connu que fin août. C’est dire l’incertitude qui en découle pour les délégués auxiliaires
concernés, qui, à quelques jours de la rentrée scolaire, n’ont aucune information sur leur
devenir, mais aussi pour les établissements qui ignorent comment seront pourvus leurs postes
vacants. De plus, lorsque l’établissement n’a pas de délégués auxiliaires à proposer pour pour-
voir ces postes vacants, il doit effectuer une procédure de recrutement pour le compte du
rectorat, sans même savoir si le poste concerné est bien vacant…
sement.
Au-delà de l’autorité auprès de laquelle le chef d’établissement rend compte (une autorité pu-
blique s’ajoutant à une autorité privée dans le cas du chef d’établissement privé), l’affirmation
du rôle du chef d’établissement dans la constitution de son équipe pédagogique représente
toute la différence avec les établissements publics, au sein desquels le chef d’établissement n’a
aucun rôle à jouer dans les nominations et les mutations des maîtres1.
Ainsi, le chef d’établissement doit systématiquement faire connaître, dans les 15 jours, son
accord ou son refus quant aux candidatures que l’autorité académique propose pour pouvoir les
postes vacants (l’absence de réponse vaut accord). En cas de désaccord, l’autorité académique
peut soumettre une ou plusieurs autres candidatures, mais les textes restent, à cet égard, parti-
culièrement vagues2 : Un arrêt du Conseil d’État du 15 avril 1988 précise que des services va-
cants ne peuvent en aucun cas être pourvus sans l’accord du chef d’établissement. De plus,
lorsque celui-ci refuse la ou les candidatures que l’autorité académique lui a proposées, il in-
combe à cette autorité d’apprécier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, la valeur des
motifs sur lesquels se fonde ce refus.
Dans tous les cas, le chef d’établissement conserve le pouvoir de refuser un maître, comme
le rappelle la décision du Conseil Constitutionnel en date du 18 janvier 1985 : « le chef d’établis-
sement peut s’opposer à tout recrutement incompatible avec le caractère propre de l’établissement ».
Il ne semble pas que les modifications liées aux accords Lang/Cloupet doivent modifier
cette obligation d’accord du chef d’établissement. La seule limite est liée au cas des « reçus —
collés », que l’enseignement catholique a d’ailleurs voulu résoudre par la procédure du pré-ac-
cord. En fait, en obligeant à l’affectation des lauréats des concours, les accords Lang/Cloupet
donnent pouvoir aux Rectorats pour refuser le recrutement des délégués auxiliaires tant que tous
les lauréats n’ont pas trouvé un poste, mais, ne peuvent davantage qu’auparavant obliger un chef
d’établissement à accepter un lauréat dans son établissement.
En ce qui concerne l’affectation des maîtres, les établissements catholiques ont mis en pla-
ce un système de gestion au plan national, dans le cadre d’un « accord sur l’emploi » (qui crée
des commissions pour l’emploi dans le second degré dans chaque académie3), qui fédère l’en-
semble des établissements catholiques et d’autres établissements qui décident expressément de
s’y rattacher.
1. C’est d’ailleurs sur cet élément que se fondent les partisans d’un contrat de travail entre l’établissement et le
maître y exerçant.
2. Circulaire ministérielle N° 85-429 du 27 novembre 1985.
3. Bien évidemment, si le ressort de ces commissions est académique, le mouvement s’effectue au plan national.
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cent de préciser dans un projet pédagogique relatif aux rapports entre enseignants — parents — élèves, à la disci-
pline, aux activités éducatives, à la scolarité obligatoire, à la pédagogie,…»1.
Est alors posée la question du champ d’application du caractère propre, qui a été bien balisé par le Conseil
Constitutionnel2. Ainsi, son respect peut figurer au nombre des obligations imposées par le règlement intérieur à
l’ensemble des personnels d’un établissement3, et cette obligation pèse également sur les élèves et leurs parents.
Ceci ne doit cependant pas porter atteinte à la liberté de conscience des personnels, enseignants ou non, ou des élè-
ves. En effet, il n’est pas douteux que l’enseignement dispensé dans les classes sous contrat puisse, dans l’esprit du
législateur, être inspiré par les croyances des enseignants. Mais la loi ouvre les écoles sous contrat à « tous les en-
fants sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance » et exige que l’enseignement soit donné « tout en con-
servant son caractère propre dans le respect total de la liberté de conscience ».
Il apparaît donc clairement que le caractère propre a été essentiellement raisonné pour le cas
des établissements confessionnels, ce qui n’empêche cependant pas des établissements non con-
fessionnels d’énoncer un caractère propre et de faire en sorte que leurs personnels le respectent.
Dans ce cas, le caractère propre peut être lié, par exemple, à une démarche sociale d’aide à des
jeunes en difficulté (sociale, familiale, scolaire,…).
1. Note de la page précédente. Conclusions du commissaire du gouvernement Marcel Pochard, Conseil d’État
20 juillet 1990, « règlement intérieur et obligation de respecter le caractère propre des établissements d’ensei-
gnement privés », revue Droit Social N° 12, décembre 1990.
2. Décision rendue le 20 novembre 1977 en ce qui concerne la loi du 25 novembre 1977, et confirmée par celle
concernant la loi du 25 janvier 1985.
3. Conseil d’État, 20 juillet 1990.
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- le caractère propre des établissements privés a des incidences sur les modalités de forma-
tion des maîtres, sur la procédure de nomination (cf. accord de la direction de l’établisse-
ment), et sur la liberté d’expression des maîtres (cf. devoir de réserve particulier).
et de classement pris par le Recteur ne fait que tirer les conséquences de la décision du chef d’établissement »1 Le
principe de la superposition de deux contrats a ensuite été encore, pour l’essentiel, confirmée,
avec des nuances, par les deux ordres de juridiction.
Toutefois, l’ensemble de ce raisonnement a failli être mis en cause par un arrêt du Tribunal
des Conflits de 19962, qui dispose que les « personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un ser-
vice public à caractère administratif sont des agents contractuels, quel que soit leur emploi ». Face aux interro-
gations suscitées par cet arrêt, le Ministère du Travail a été amené à préciser que cette nouvelle
jurisprudence ne s’appliquait pas aux salariés des personnes privées remplissant une mission de
service public, catégorie dans laquelle il fait figurer les maîtres contractuels de l’enseignement
privé sous contrat d’association3.
Existence d’un double contrat?
C’est donc l’idée d’un « double contrat » qui apparaît. Mais ce double contrat entre le maître
et l’État d’une part, et entre le maître et l’établissement d’exercice d’autre part, existe-t-il réel-
lement et aboutit-il donc à un « statut mixte » de ces maîtres?
L’application des différents critères jurisprudentiels définissant le contrat de travail à la pres-
tation réalisée par les maîtres sous contrat d’association fait apparaître que :
- Le critère de la prestation de travail fournie ne pose pas de problème : le maître contrac-
tuel exerce bien personnellement et volontairement ses fonctions dans l’établissement.
- Le versement d’une rétribution fait défaut, puisque le maître est réglé directement par
l’État, sans que ces sommes transitent par l’établissement sous contrat d’association. En
effet, l’État verse directement sa rémunération à l’enseignant par l’intermédiaire du
Trésorier Payeur Général : il ne verse pas de subvention à l’établissement qui aurait alors
la charge de reverser les rémunérations aux intéressés4.
- Le lien de subordination est le critère qui pose le plus de problèmes. En effet, pour qu’il
y ait existence d’un contrat de travail, le salarié doit travailler sous la subordination de
l’employeur, ce qui renvoie à un pouvoir de direction et de contrôle de la part de
l’employeur sur le travail fourni par le salarié. C’est ce que la Cour de Cassation affirme
dans le cas des maîtres sous contrat d’association.
Afin de mieux fonder ce lien de subordination, et le rôle que le chef d’entreprise peut être
amené à jouer dans ce cadre, il est nécessaire de voir comment se traduit le pouvoir de direction
dans les grands actes de l’exécution de la prestation de travail du maître :
- La nomination : selon les textes en vigueur, le chef d’établissement n’intervient pas dans
la procédure de recrutement, hormis le fait qu’un enseignant ne peut lui être imposé (cf.
supra).
- La carrière : elle est organisée suivant les règles de l’enseignement public, c’est-à-dire à
partir d’un tableau de promotions lui-même établi sur la base d’une notation pédagogique
incombant à l’inspection de l’ordre d’enseignement concerné et d’une appréciation
adressée à l’autorité académique par le directeur de l’établissement. La rémunération en
découle, et est strictement calquée sur le traitement des maîtres des établissements
publics. Le chef d’établissement n’y intervient donc que de façon très limitée d’autant que
la notation administrative qu’il attribue est enfermée dans une procédure très cadrée, qui
sera ensuite revue et « péréquée » par le Rectorat.
- La discipline : le chef d’établissement n’est pas habilité à prendre des sanctions concer-
nant les faits litigieux. Il ne peut qu’informer le recteur, seul habilité en ce domaine.
- L’exécution du travail : le chef d’établissement donne au maître contractuel un
programme, un emploi du temps, un horaire de travail,…. auxquels le maître devra se
1. Cassation, Assemblée Plénière, 20 décembre 1991, Cassation Sociale 5 février 1992.
2. Tribunal des Conflits, 25 mars 1996, Préfet de la Région Rhône – Alpes/Berkani.
3. Circulaire DRT du 14 avril 1997, relative à l’établissement des listes électorales prud’homales.
4. Seuls les bulletins de salaire transitent par l’établissement, comme tout autre courrier émanant de l’État (donc
de son représentant qu’est le recteur) transite par l’établissement « sous couvert du chef d’établissement ».
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conformer. Mais si c’est le directeur de l’établissement qui donne les instructions, ce n’est
pas lui qui les détermine : les programmes, l’emploi du temps et les horaires ne sont pas
déterminés par le directeur de l’établissement, mais par l’Administration (article 3 du
décret du 22 avril 1960 modifié)1. Le chef d’établissement est tenu de les exécuter pure-
ment et simplement dans les classes sous contrat. Il le fait sous le contrôle de l’autorité
administrative qui est elle-même soumise au contrôle du juge administratif.
Le chef d’établissement apparaît finalement comme le représentant de l’Administra-
tion au sein de son établissement. La loi lui donne, certes, une autorité dans l’école, mais
l’économie de cette autorité fait de lui un mandataire de l’État plus qu’un employeur. Ainsi, la
subordination du maître contractuel au chef d’établissement paraît extrêmement incertaine.
Tout au plus, est-il possible de suggérer que le directeur de l’école exerce une certaine autorité
ou un certain contrôle sur le maître contractuel pour le compte de l’Administration. En effet,
l’association de son établissement au service public d’enseignement l’oblige à contrôler au nom
et pour le compte de l’Administration, l’exécution, par le maître contractuel, de ses obligations.
Le contrat d’association fait de lui le collaborateur et le représentant de l’État dans son établis-
sement. Il lui rend compte et collabore à la prise des décisions sans jamais pouvoir le suppléer
dans ce domaine. C’est l’effet induit de l’association au service public2.
En fait, il apparaît qu’est effectuée une confusion entre le pouvoir hiérarchique et le lien
de subordination3.
En définitive, sur les éléments constitutifs du contrat de travail, seul celui de la fourniture de
la prestation de travail ne peut être contesté. Il semble donc difficile de qualifier le chef d’éta-
blissement d’employeur et donc d’affirmer qu’il existe un contrat de travail de droit privé entre
le maître et l’établissement où il exerce. Il faut d’ailleurs relever que la Cour de Cassation n’évo-
que qu’une « relation de travail » pour arrêter la compétence prud’homale, prudence de langage
qui ne change cependant pas les conséquences qu’elle en tire.
2-3 Nature des contrats fondant la prestation des maîtres sous contrat
L’exercice par le maître contractuel de ses fonctions suppose deux contrats, qui, tous deux,
rassemblent tous les éléments d’un contrat de droit public, avec compétence du juge
administratif :
- un contrat intervenant entre l’établissement et l’État, dont l’objet est de faire participer
l’établissement signataire au service public d’éducation et de formation, en créant des
obligations à la charge de chacune des parties,
- un contrat signé entre l’État et le maître (le contrat d’enseignement proprement dit), qui
n’est en aucune façon conclu avec le chef d’établissement même si son accord est néces-
saire. L’État est d’ailleurs explicitement désigné dans le contrat d’enseignement, et le
maître s’engage à exercer ses fonctions dans l’établissement désigné par son contrat4. En
retour, il est rémunéré par l’État5.
1. Note de la page précédente. À noter que pour qu’un professeur puisse avoir le statut de travailleur indépendant,
il doit avoir la liberté de choix de ses horaires, de ses locaux, de ses programmes et de ses élèves (Cassation
Sociale, 27 mai 1968, Ecole des Cadres/Van Deers).
2. D’après Jean Ngafaounain, « les maîtres contractuels des établissements privés d’enseignement sous contrat à
la recherche de leur juge », Revue Droit Social, septembre — octobre 1994,
3. D’après Bernard Toulemonde, « le statut des maîtres contractuels des établissements d’enseignement privé : une
privatisation jurisprudentielle? », AJDA, 20 juin 1995.
4. Note de la page précédente. Le contrat dispose : « entre le recteur de l’Académie de XX, agissant au nom du Ministre de l’Éduca-
tion Nationale d’une part, et M. X, né(e) le………, d’autre part,
Article 1 : le ministre de l’Éducation Nationale emploie M. X en qualité de maître contractuel au XX (nom de l’établissement et adresse),
discipline :…………………
Article 2 : les obligations du maître sont celles définies par la loi N° 59-557 du 31 décembre 1959 modifiée et par les textes pris pour son
application.
Article 3 : l’intéressé(e) est assimilé(e) pour sa rémunération aux maîtres de l’enseignement public de l’échelle de rémunération des XX
(grade)
Article 4 : le présent contrat prend effet au (date) et peut être résilié dans les conditions prévues par les textes législatifs et réglementaires en
vigueur. »
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Cette analyse de ces contrats montre bien, une nouvelle fois, l’absence d’un contrat de travail
entre le maître et l’établissement, et a fortiori d’un contrat relevant du droit privé et donc du
droit du travail. Elle implique également de s’arrêter sur une expression souvent utilisée, à sa-
voir que le maître contractuel est « mis à disposition » de l’établissement ou qu’il y est
« détaché ». En fait, les contrats des enseignants n’utilisent aucune de ces expressions, pas plus
que la loi Debré (qui évoque des « maîtres liés à l’État par contrat »).
En fait, la notion de personnel mis à disposition, telle que définie par le droit et la jurispru-
dence, ne peut pas s’appliquer au cas des maîtres contractuels exerçant dans les établissements
privés : celui-ci ne relève en effet pas d’une « convention de mise en disposition de personnel
conclue pour la réalisation d’une mission précise et temporaire ». Il n’en demeure pas moins,
cependant, que cette expression reste couramment employée, y compris par la doctrine, et qu’il
faut donc la déconnecter de son acception traditionnelle au sens du droit du travail.
En ce qui concerne le détachement, ce terme ne peut être utilisé que pour les professeurs ti-
tulaires de l’enseignement public qui demandent à être affectés dans un établissement privé (cf.
article 4 de la loi Debré.
1. Note de la page précédente. « le contrat d’enseignement lui-même, bien que signé par l’autorité académique, ne
fait que tirer les conséquences de la décision du chef d’établissement » (Assemblée Plénière, Cour de Cassation,
20 décembre 1991, Bailly), et à propos du non renouvellement d’une délégation rectorale par un chef d’établis-
sement, le Conseil d’État a déclaré les tribunaux judiciaires compétents dès qu’il s’agit d’un « acte d’une
personne morale de droit privé, détachable du contrat de droit public existant entre le maître et l’État » (Conseil
d’État, 26 mars 1993, Pampaloni).
2. Fiches Syndicales du SNCEEL, N° 515, avril 1997.
3. 4 février 1988, 10 novembre 1992, 8 juin 1994,
4. Conseil d’État, 2 décembre 1983, association PF Jamet et FNOGEC, 15 mai 1992, OGEC Lycée La Baugerie.
5. D’après le Bulletin de l’UNETP N° 5, 15 janvier 1995 et N° 9 du 15 mai 1995, et la Lettre de l’UNETP, N° 9 du
27 octobre 1995.
6. Arrêt du Tribunal Administratif de Nantes du 27 juin 1996, repris par le Conseil d’État 18 décembre 1996.
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En ce qui concerne le bénéfice des conventions collectives au profit des maîtres contrac-
tuels, le principe est que la « dualité des contrats liant le maître à l’État et à l’établissement com-
mande également l’application du droit des conventions collectives. Celui-ci ne saurait
s’appliquer à la relation entre le maître et l’État, et donc aux conditions de rémunération et de
service, et aux avantages sociaux annexes dont bénéficient les intéressés.
Cependant, la Cour de Cassation a admis que la loi du 25 novembre 1977 et ses décrets d’ap-
plication n’empêchent pas les partenaires sociaux de stipuler des dispositions plus favorables
pour ces salariés que les dispositions légales. Elle en a conclu que les maîtres contractuels pou-
vaient bénéficier de la convention de retraite des cadres du 14 mars 1947 et que l’établissement
était tenu d’acquitter les cotisations correspondantes (Cassation Sociale, 17 octobre 1983). Cet-
te solution s’accorde avec l’idée que le contrat entre le maître et l’État n’exclut pas l’existence
d’un contrat de travail entre le maître et l’établissement, car l’objet des conventions collectives
est de régler les conditions d’emploi et de travail et les garanties sociales de salariés liés par un
contrat de travail.
Quel domaine peut avoir une négociation collective professionnelle ou d’établissement in-
cluant les maîtres contractuels, alors qu’elle ne saurait porter atteinte aux règles qui s’appli-
quent à eux du fait de leur contrat avec l’État? Un accord sur les « commissions de l’emploi
dans le second degré » intéressant les établissements d’enseignement catholique a été conclu. Il
vise à assurer la sécurité de l’emploi en organisant, en cas de vacance de poste, une priorité pour
les maîtres venant d’un autre établissement d’enseignement catholique. On pourrait donc envi-
sager d’autres accords collectifs portant, par exemple, sur l’exercice du droit syndical, ou sur le
fonctionnement des comités d’entreprise, mais sans doute aussi sur les obligations des maîtres
liées au caractère propre des établissements1.
Cette interprétation a également joué lors de la conclusion des accords Lang/Cloupet sur le
recrutement et la formation initiale des maîtres, qui ont été signés par le Ministre de l’Éducation
Nationale et le secrétaire général de l’enseignement catholique, mais aussi par plusieurs syndi-
cats de l’enseignement catholique. Toutefois, elle ne règle pas la question relative aux autres
aspects liés à la prestation de travail, qui peuvent légalement donner lieu à accords d’entreprise
ou à intervention de dispositions d’une convention collective, mais qui ne concernent pas, ni
dans leur application directe, ni dans leurs effets indirects, les maîtres contractuels. Sur ce point
il faut bien admettre que la jurisprudence récente apporte une réponse en précisant que c’est à
« l’organisation syndicale qui désigne le délégué syndical qu’il appartient d’apprécier si le salarié sera en mesure
de remplir sa mission syndicale » (Cassation Sociale, 5 mars 1997) : cette solution concerne un fonc-
tionnaire détaché, mais elle parait pouvoir être transposée facilement aux maîtres contractuels.
Le point de départ de l’application du droit des conventions collectives aux maîtres contrac-
tuels est lié au bénéfice de la convention de retraite des cadres du 14 mars 19472, qui pré-
voit, dans son article 7, le versement d’une cotisation de 1,5 % sur la tranche A à la charge
exclusive de l’employeur. Cette cotisation est affectée « par priorité à la couverture d’avantages
en cas de décès ». Les garanties complémentaires peuvent être l’invalidité, le complément de
salaire en cas de maladie. Cependant, lors de la mise en place des contrats d’association en 1960,
l’État ne prend pas en charge la cotisation de prévoyance.
Le 17 octobre 1983, un arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation conclut à l’obli-
gation pour les établissements, de verser le 1,5 % au bénéfice des enseignants sous contrat. L’ar-
gument est que, même si la loi prévoit que ceux-ci bénéficient des mêmes mesures sociales que
leurs homologues de l’enseignement public, « les partenaires sociaux peuvent conclure des conventions
plus favorables aux salariés que les dispositions légales ». Cette jurisprudence est complétée le 15 mai
1992, par un arrêt du Conseil d’État (OGEC du lycée professionnel LA BAUGERIE), qui indi-
1. D’après Jean Savatier, « l’application du droit du travail dans les rapports entre les maîtres et les établissements
privés d’enseignement sous contrat d’association », Revue Droit Social, mai 1992.
2. Tous les enseignants contractuels des établissements techniques sont considérés comme cadres dans les établis-
sements du second degré, sauf ceux qui figurent sur les échelles de rémunération des MA IV et des MA III,
jusqu’au 1er septembre 1996,
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que que la cotisation, qui est une charge obligatoire de l’employeur, doit être payée par l’État.
En l’absence de décret limitant le remboursement de l’État à la seule proportion permettant la
parité avec les enseignants fonctionnaires1, les établissements sont en droit de demander le
remboursement intégral de la cotisation à l’État..
À partir de cette date, les établissements demandent et obtiennent de l’État le remboursement
du principal, augmenté d’intérêts de retard, pour les cinq années non prescrites. L’État a alors
pris des mesures pour mettre fin à cette situation, coûteuse pour lui2. En conséquence, seuls
les contentieux réglés définitivement avant le 1er novembre 1995 ont permis aux établissements
d’obtenir le remboursement intégral des cotisations pour l’ensemble des années ayant fait l’ob-
jet d’un recours. Les autres sont désormais réglés par les nouveaux textes et un nouveau taux
fixé à 0,062 % (limité au plafond Sécurité Sociale), ce qui correspond à l’évaluation, de la part
de cotisation nécessaire pour assurer la parité en matière de capital décès entre les enseignants
fonctionnaires et les maîtres du privé.
Ceci étant, l’obligation de paiement de la cotisation de 1,5 % demeure, et les établissements
continuent à régler ces cotisations, en considérant celles-ci comme un « à-valoir », donc comme
avance devant subir une régularisation ultérieurement.
Il était également nécessaire d’évaluer la part de l’État en matière de prévoyance, en chif-
frant (cf. pourcentage) la part que représentent ces prestations actuellement servies par l’État,
par rapport au taux de 1,5 %. Le taux de 0,062 % correspond, en effet, à l’évaluation du seul
capital décès et il convient d’ajouter à ce pourcentage la part correspondant aux autres presta-
tions de prévoyance actuellement accordées aux maîtres de l’enseignement privé (maladie, in-
validité).
Le Ministère de l’Éducation Nationale a donc procédé à une évaluation d’un taux de cotisa-
tion correspondant à l’ensemble des prestations assurées actuellement par l’État aux maîtres de
l’enseignement privé au titre de la prévoyance (capital décès et autres). Le calcul appliqué à ces
prestations aboutit à un taux de 1,18 %. Cette évaluation ne fait cependant pas l’unanimité : elle
est contestée par le Ministère du Budget, et, de plus, ce taux ne prend pas en compte les frais de
gestion assumés par les organismes de prévoyance3.
En outre, un arrêt rendu par le Conseil d’État le 5 décembre 1997 (publié au Journal Officiel
du 10 février 1998) a remis en cause l’ensemble de cette construction. Il n’apporte pas de ré-
ponse définitive quant au taux à appliquer et aux prises en charge respectives de l’État et des
établissements d’enseignement : de nouveaux textes sont donc attendus.
sonnel et au comité d’entreprise ont été reconnues aux maîtres contractuels, la question du
CHSCT ne s’est pas réellement posée. Des maîtres contractuels font ainsi partie du collège dé-
signatif du CHSCT (constitué par les délégués du personnel et les membres du comité d’entre-
prise), et les établissements ont admis qu’ils puissent faire partie des représentants du personnel
au CHSCT…, d’autant que les maîtres contractuels sont très directement concernés par les thè-
mes qui relèvent de la mission du CHSCT et que le chef d’établissement intervient très directe-
ment sur ces domaines.
En ce qui concerne les droits syndicaux, l’analyse des textes applicables dans la Fonction
Publique a conduit à reconnaître aux maîtres contractuels le bénéfice du Code du Travail. En
effet, les fonctionnaires et agents publics sont régis par le décret du 28 mai 1982 relatif à l’exer-
cice du droit syndical dans la Fonction Publique. Ce décret exclut de son champ d’application
les agents qui n’exercent leurs fonctions ni dans un service de l’État, ni dans un établissement
public à caractère administratif. Les maîtres ne peuvent donc se prévaloir de la réglementation
du secteur public,… à moins de considérer que le droit syndical fait partie des « mesures
sociales » transposées automatiquement, en vertu de la loi, aux maîtres du privé. Mais ce serait
là, sans doute, solliciter à l’excès la volonté du législateur de 19771.
Ce basculement sur le droit du travail pose le problème de conjuguer les droits ainsi créés
avec le statut des maîtres et les particularités de leurs obligations de service. « Pendant environ vingt
ans, tirant les conséquences des différentes jurisprudences citées supra, les établissements d’enseignement privé
ont (sauf de rares cas) associé les professeurs sous contrat à leurs instances représentatives du personnel. Cette si-
tuation ne posait pas problème en matière d’heures consacrées à l’exercice de ces fonctions, tant qu’il a été admis
par tous que, compte tenu du service hebdomadaire des enseignants (18 heures pour la plupart), l’exercice de ces
attributions ne pouvait se faire qu’en dehors de leur temps d’enseignement »2.
La situation aurait pu en rester là si des enseignants contractuels, mandatés, n’étaient venus
demander le paiement des heures de délégation, qui a amené le Ministère du Travail à apporter
des précisions3. Depuis, et en conséquence, la Cour de Cassation applique au cas particulier des
enseignants le principe classique selon lequel les heures de délégation doivent être rémunérées
en supplément si elles se situent en dehors du temps de travail calculé sur 39 heures. Mais
s’agissant d’enseignants, ce temps tient compte à la fois des 18 heures de cours et du temps de
préparation et de correction qui en est le complément nécessaire. Il faut donc considérer en pra-
tique que toute heure consacrée par un enseignant à ses fonctions représentatives vient en sus
du temps de travail dès lors qu’elle se situe en dehors des heures de cours4. La charge financière
des heures consacrées à l’exercice des mandats et à la tenue des réunions des instances repré-
sentatives est ainsi mise à la charge des établissements par la Cour de Cassation.
L’application du droit des comités d’entreprise à une collectivité comprenant des maîtres
contractuels pose également des problèmes liés à la rémunération de ces maîtres par l’État, et
non pas par l’établissement.
En effet, pour certains auteurs, dont le Professeur Savatier, « on peut se demander si leur rémuné-
ration entre dans la masse salariale servant au calcul de la contribution patronale et aboutit à accroître les charges
financières de l’établissement, mais cela parait une conséquence logique de la participation des intéressés au Co-
mité d’Entreprise »5. Cette interprétation a conduit, ces dernières années (depuis 1992 environ), à
un certain nombre de recours devant les tribunaux pour que soient comprises dans l’assiette de
calcul de la dotation du comité d’entreprise, les rémunérations versées par l’État aux maîtres
5. Cour de Cassation, 11 février 1972 (Délégué Syndical), 24 juillet 1974 (Comité d’Entreprise), 18 janvier 1978
(Délégués du Personnel).
1. D’après Jean Savatier, « l’application du droit du travail dans les rapports entre les maîtres et les établissements
privés d’enseignement sous contrat d’association », Revue Droit Social, mai 1992.
2. Le Ministère du Travail était venu conforter ce principe par une lettre en date du 26 juillet 1979 (lettre N° 1491
du Directeur des Relations du Travail).
3. Circulaire DRT N° 12 du 29 juillet 1988.
4. Arrêt Meury, Cassation Sociale, 6 octobre 1993, confirmé par l’arrêt Don Bosco, même date.
5. D’après Jean Savatier, « l’application du droit du travail dans les rapports entre les maîtres et les établissements
privés d’enseignement sous contrat d’association », Revue Droit Social, mai 1992.
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contractuels. À l’heure actuelle, ces recours n’ont pas été tranchés par la Cour de Cassation,
mais les décisions rendues par les autres niveaux de juridiction ont pour l’instant écarté cette
interprétation. Il faut également remarquer que si les tribunaux décidaient d’inclure les salaires
versés par l’État dans l’assiette de calcul de la dotation du comité d’entreprise, ce raisonnement
risquerait d’être étendu à d’autres subventions : formation professionnelle continue des person-
nels, 1 % logement,… avec toutes les conséquences en découlant sur les charges financières
correspondantes, ainsi mises à la charge de l’établissement.
L’exercice des droits liés aux délégués du personnel, comité d’entreprise et CHSCT étendu
aux maîtres contractuels se pose cependant en d’autres termes en ce qui concerne les délégués
syndicaux.
C’est un arrêt de la Cour de Cassation du 14 février 1973 qui autorise la désignation d’un
maître contractuel comme délégué syndical, au motif que « faisant partie de l’effectif des salariés de
l’établissement, il est qualifié pour présenter au nom du syndicat des observations sur les méthodes, l’horaire de
travail et l’ensemble des questions concernant le personnel ». Bien que préalable aux lois AUROUX, cette
jurisprudence est constamment réaffirmée depuis, les juges l’ayant encore étendu, en 1997, au
cas d’un fonctionnaire détaché1.
Ces décisions se situent à l’exact opposé de la situation qui existe en matière de droit privé2.
Toutefois, il faut remarquer que, au sein de l’enseignement catholique, les syndicats de
salariés sont les mêmes pour les personnels enseignants et non enseignants (SNEPL-CFTC,
FEP-CFDT, SNPEFP-CGT, SYNEP-CGC et SNEP-FO3), ce qui n’est pas forcément le cas
dans d’autres établissements qui peuvent être rattachés à une autre convention collective, puis-
que les conventions collectives relatives à l’enseignement ne sont pas étendues.
La Cour de Cassation a admis que les maîtres contractuels pouvaient bénéficier de disposi-
tions plus favorables et négocier des accords en conséquence, mais il n’en demeure pas moins
que ces délégués syndicaux vont pouvoir négocier des accords qui ne les concernent pas, voire
des conventions collectives dont aucun aspect ne leur est applicable et dont les effets n’influent
pas sur l’exécution de leur prestation dans l’établissement. Dans cette optique, la rédaction issue
de l’arrêt de 1973 évoquait des « observations », ce qui paraissait se rattacher à la conception
du droit privé (« se faire entendre »), mais la dérive qui s’est ensuite produite s’est inscrite dans
la logique des autres décisions des juridictions compétentes, allant de plus en plus vers une
« privatisation » du contrat des maîtres.
- les cotisations à l’association pour la structure financière (ASF) ont été étendues,
depuis le 1er janvier 1996, aux personnels enseignants des établissements d’enseignement
privé sous contrat d’association1. À la suite de plusieurs échanges de courriers avec
l’UNEDIC, l’Administration est revenue sur sa position initiale : les établissements n’ont
donc pas à verser cette cotisation, et c’est l’État qui en assure le paiement2.
4 Conclusion
Les constats ainsi effectués matérialisent bien la situation dans laquelle se trouve l’enseigne-
ment privé, ainsi que le poids de plus de trente ans de vie de la loi Debré, avec ses conséquences
politiques. Cependant, l’accent doit être mis sur deux questions qui restent en suspens, dont les
effets conditionnent l’avenir de ce type d’enseignement :
5. Instructions complémentaires du 3 février 1997 à la circulaire du 11 avril 1996 relative à la mise en œuvre de la
taxe sur les contributions pour le financement de prestations complémentaires de prévoyance.
1. Note de la page précédente. Arrêté ministériel du 12 avril 1995 portant extension et élargissement de l’accord
du 30 décembre 1993 relatif à la structure financière.
2. Lettre de l’UNEDIC en date du 20 mai 1997.
3. Bulletin de l’UNETP N° 12, 15 octobre 1995.
4. Bulletin de l’UNETP N° 13, 15 novembre 1995, « Le contrat des maîtres contractuels — Le caractère propre —
Orientations pour un statut spécifique des maîtres contractuels de droit public exerçant dans des classes sous
contrat d’association », texte adopté par le Comité National de l’Enseignement Catholique des 18 et 19 octobre
1996, Bulletin de l’UNETP N° 24, 15 décembre 1996.
5. D’après « le chef d’établissement en tant que représentant de l’autorité académique dans le cadre d’un nouveau
statut pour les enseignants sous contrat », Fiches Syndicales du SNCEEL N° 515, avril 1997.
6. Texte du SYNEP-CGC, mars 1997.
7. Joanq, 23 septembre 1996.
8. La Lettre de l’UNETP N° 18, 19 octobre 1996.
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De plus, la seule possibilité ouverte à ces délégués auxiliaires pour obtenir un contrat est de
se présenter à un concours…, mais ne leur permet pas de bénéficier de la formation pédagogique
dispensée par les IUFM. L’autre voie ainsi ouverte, normalement réservée à des personnels déjà
en poste (ayant un contrat et désireux de faire évoluer leur situation administrative) et raisonnée,
par ailleurs, pour résoudre de façon ponctuelle la situation des délégués rectoraux en poste, de-
vient une voie à part entière, mais ne remet-elle pas ainsi en cause les objectifs des accords
Lang/Cloupet?
Les ambiguïtés du statut des maîtres du privé et les effets engendrés sur les établisse-
ments nécessitent une clarification, sur laquelle s’accorde l’ensemble des partenaires, même
s’ils divergent sur les solutions à apporter.
En effet, les solutions dégagées par les différents ordres de juridiction tendent de plus en plus
à « privatiser » la relation entre le maître et l’établissement, en la plaçant dans le cadre du droit
privé et du droit du travail pour des aspects de plus en plus nombreux, sans toutefois aller jus-
qu’au bout de la démonstration. Ceci serait en contradiction avec la lettre de la loi Debré du
31 décembre 1959 modifiée, qui ne permet pas d’affirmer que l’établissement est l’employeur,
mais ne serait pas non plus en adéquation avec la réalité du déroulement de la carrière des maî-
tres, dans laquelle l’État, par l’intermédiaire du Recteur, intervient de façon importante dans des
domaines qui relèvent directement des prérogatives de l’employeur.
Les ambiguïtés et les incertitudes qui subsistent sur ce point sont nombreuses., et la multipli-
cation des contentieux touchant les établissements et le nombre croissant de domaines concer-
nés traduisant les ambiguïtés des textes, en mettant de plus en plus d’établissements dans des
situations financières et/ou sociales difficiles. La clarification du statut des maîtres permettrait
d’établir les rôles respectifs de l’État (et donc du Recteur) et du chef d’établissement, sans que
ce dernier soit obligé de « jongler » entre le droit public et le droit privé, parfois au préjudice de
la bonne gestion de son établissement, de crainte d’une action devant les tribunaux concernant
une action, dont, en plus, il n’est pas directement responsable.
Enfin, cette clarification du statut des maîtres devra lever les ambiguïtés liées à la juridiction
compétente, afin d’éviter le balancement actuel entre les juridictions de l’ordre administratif et
de l’ordre judiciaire, aux décisions parfois contradictoires.
Finalement, apparaît la nécessité d’une modification de la loi Debré, qui affirme clairement
la solution retenue par l’État par rapport à l’enseignement privé dans sa globalité. La question
reste d’actualité pour les acteurs concernés, l’est-elle autant pour les instances politiques, comp-
te tenu du poids des précédents historiques des dernières législatures et d’une actualité plus axée
sur une autre loi Debré, celle-là plus récente?
5 Bibliographie
5-1 Ouvrages
[1] Jean Marie Auby et Jean Bernard, Droit de la Fonction Publique, Précis Dalloz, 1993.
[2] Benoît Bouyx, L’enseignement technologique et professionnel, CRDP, La Documentation
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[3] Pierre Daste, Comment gérer les personnels enseignants, Hachette Éducation, 1993.
[4] Direction de l’Evaluation et de la Prospective, Les orientations en fin de troisième —
Géographie de l’école, Ministère de l’Éducation Nationale, 1996.
[5] Direction de l’Evaluation et de la Prospective, L’Éducation Nationale en chiffres 1995-
1996, Ministère de l’Éducation Nationale, 1996.
[6] Nicole Fontaine, La liberté d’enseignement, UNAPEC, 1983.
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[7] Nicole Fontaine, Guide juridique de l’enseignement privé associé à l’État par contrat,
UNAPEC, 1993.
[8] Jacques Georgel et Anne-Marie Thorez, L’enseignement privé en France du VIIIème au
XXe siècle, Dalloz, 1995.
[9] Journal Officiel, Etablissements d’enseignement privés — Rapports avec les maîtres —
Textes législatifs et réglementaires, 1997.
[10] Alain Picquenot, avec la collaboration de François-Régis Guillaume, Alain Kokosowski
et Patricia Tach, Les personnels de direction des établissements secondaires, Hachette,
1993.
[11] Jean Yves Raulet, Le secteur scolaire libre — Les APEL, Belfond, 1992.
[12] SIAPFI, Dossier d’information de l’établissement d’accueil, SIAPFI, 1996.
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1993.
[14] Richard Ziswiller, Gestion des établissements d’enseignement, Sirey, 1979.
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ment privé sous contrat ».
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Conseil d’État 20 juillet 1990, Règlement Intérieur et obligation de respecter le
caractère propre des établissements d’enseignement privé ».
• mai 1992, Jean Savatier, « L’application du droit du travail dans les rapports entre les
maîtres et les établissements d’enseignement privé sous contrat d’association ».
• décembre 1996, « L’indemnité de départ à la retraite des maîtres de l’enseignement
privé, Tribunal Administratif de Nantes du 27 juin 1996, conclusions du Commissaire
du Gouvernement Jean Frédéric Millet ».
[21] Éducation et Formations.
• N° 42, 1995, Martine Migeon, « Plus du tiers des enseignants des divisions sous
contrat des établissements privés du second degré seront partis en 2004 ».
• N° 46, 1996, François Alluin, « Les rémunérations des enseignants du second degré et
leur évolution entre 1986 et 1994 ».
• N° 46, 1996, Gérard Bonnet, « La formation initiale des enseignants du premier et du
second degré dans les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres ».
• N° 46, 1996, Gérard Bonnet, Sébastien Murcia, « Temps et charge de travail estimés
des enseignants du second degré dans les établissements publics ».
• N° 46, 1996, Jacky Bourdais, « À propos de l’évaluation de l’activité professionnelle
des enseignants ».
• N° 46, 1996, Pierre Perier, « Les enseignants du second degré face à l’évaluation et à
l’orientation des élèves — Une approche typologique. »
[22] Fiches Syndicales du SNCEEL,
• N° 515, avril 1997.
• N° 518, juillet 1997.
[23] L’Evénement du Jeudi, 22 au 28 août 1996, Frédéric Pons, « Le réveil musclé de
l’anticléricalisme ».
[24] La Lettre du Ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la
Recherche, N° 3, mai 1996, « Les concours en 1996 ».
[25] Le Monde.
• 12 janvier 1993, Muriel Frat, « Les professeurs du privé formés à l’école publique ».
• 5 février 1997, Olivier Piot, « Le dossier des maîtres auxiliaires n’a jamais été résolu
au fil des années ».
• 5 février 1997, Laetitia Van Eeckhout, « Un protocole pour désamorcer la crise ».
• 23 avril 1997, « Un million de non titulaires dans la Fonction Publique ».
[26] Le Monde de l’Éducation.
• octobre 1991, « enseignants, une carrière ingrate ».
• mai 1995, Guy Bourgeois, « donner un second souffle à la loi Debré ».
• mai 1995, Bernard Toulemonde, « un grand service public… pluraliste! ».
• novembre 1995, Marc Coutty, « L’Éducation Nationale à l’heure des DRH ».
• mai 1996, Annie Reverchon, « Une profession en voie d’embourgeoisement ».
• mars 1997, Marc Coutty, « Les maîtres aux’se rebiffent ».
[27] Lettre de l’UNETP.
• N° 9, 27 octobre 1995.
• N° 11, janvier 1996.
• N° 13, novembre 1995.
• N° 18, octobre 1996.
• N° 19, novembre 1996.
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Titulaire du D.E.S.S. Management avancé des ressources humaines et des relations d’emploi