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Le corps et la structure
Note de recherche

• Hector Yankelevich •

1924-1936-1949 : Le moi et le ça. Le stade du miroir.


Une découverte neurologique et
deux options partiellement opposées

Douze ans séparent seulement « Le moi et le ça 1 » du « Stade du miroir 2 » et, quoique


les deux travaux – axiaux dans l’histoire de la psychanalyse – partagent une découverte
neurologique fondamentale, l’existence dans la surface du cortex d’une image de la
surface du corps, l’un et l’autre, l’un après l’autre, donneront de cette découverte deux
élaborations psychanalytiques dont la diversité des sens sera, pour beaucoup, lue après-
coup, dans le cheminement théorique de celui qui commençait et sa pratique et son
œuvre.
Nous ne nous arrêterons pas dans le commentaire de ces textes, surtout du deuxième,
car la bibliographie en est déjà immense, et ne prétendons pas non plus établir exhausti-
vement son sens, mais seulement le rapport partiellement contradictoire que Lacan enten-
dra lui donner par rapport au texte freudien, ainsi que les avatars que la notion
d’imaginaire subira, autant en ce qui concerne les découvertes nouvelles qui verront le
jour dans les années 1950 en neurologie, que les discussions dont il sera l’objet de la part
de Winnicott 3 – explicite –, de Dolto 4 – lors d’une discussion par personne interposée –,
de Maud Mannoni 5 ; et le remaniement que la théorie du miroir connaîtra chez Lacan

1. S. Freud, « Le Moi et le ça », Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1981.


2. Lacan, « Le stade du miroir », Écrits, Paris, Le Seuil, 1966.
3. D.W. Winnicott, Playing and Reality (1971), Pelican Books, 1985, chapitre 9 : « Mirror-role of
Mother and Family in Child Development » (1967).
4. Lettres de l’École Freudienne de Paris, n° 2, 1967.
5. Ibid.
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dans la discussion sur le rapport de Daniel Lagache 6 et surtout lors du Séminaire L’an-
goisse 7.
Cependant, il ne s’agira pas non plus pour nous de faire l’histoire de cette notion capi-
tale dans ces différents avatars, mais plutôt d’intégrer la perspective complexe et chan-
geante de la théorie non seulement ‘du’ mais ‘des’ miroirs à la théorie générale des
identifications. La question, posée en peu de mots se dirait : Le miroir est-il cause ou effet
de l’identification primordiale ? Car, dans la lecture qui fut la plus courante, les identifi-
cations spéculaires étaient suivies soit par l’identification au trait unaire, développée dans
le séminaire « L’Identification », soit – sans que le lien eût pu être clairement fait – par
celles appelées secondaires, redevables à la métaphore paternelle, comme si celle-ci
pouvait se situer chronologiquement. Nous allons nous expliquer plus avant de cette
remarque. L’un des problèmes majeurs de cette lecture réside donc dans le caractère
simplement chronologique et linéaire de la suite des identifications, encore que l’exis-
tence d’une chronologie s’avère réelle. Demeure cependant la question que celle-ci, la
chronologie, n’a pas en elle la cause qui permet de passer de l’une à l’autre. Dans un cadre
ainsi établi, la théorie de l’aliénation/séparation et la logique du fantasme resteraient en
dehors du cadre des identifications, ou bien se substitueraient à celles-là. Notre propos ici
sera, dans la mesure du possible, d’intégrer ces différents pans de recherche – absolument
fondamentaux – du travail de Lacan à la théorie générale des identifications, qu’il reprend
de Freud en 1977, dans « L’Insu… », en leur donnant une toute autre définition, qui
reprend les travaux entrepris par lui depuis 1970. Aussi bien, nous nous interrogerons sur
les raisons de l’introduction du miroir sphérique en 1960-1962, lequel, à notre connais-
sance au moins, n’a pas fait l’objet de travaux d’explicitation aussi importants que ceux
qu’a connus le miroir plan 8.
Dans le « Moi et le Ça », en 1923, Freud, sans le dire explicitement, trouve un appui
inattendu pour fonder le narcissisme, investissement libidinal du corps et strate fondatrice
de la notion de « moi » : la neurochirurgie – on peut le présumer, car il n’en fait pas expli-
citement mention – vient de trouver qu’il y a dans le cortex une représentation de la

6. Lacan, « Remarques sur le Rapport de Daniel Lagache », Écrits, Paris, 1966.


7. Séminaire X, 1962-1963.
8. Par exemple ceux de Guy Le Gaufey, Le lasso spéculaire, Paris, EPEL, 1997, recherche extrême-
ment importante sur le statut de l’image en psychanalyse et dans l’iconologie orthodoxe ;
Philippe Julien et autres, que nous ne suivrons pas ici, malgré leur excellence, car notre objet se
bornera à interroger les possibilités d’un lien causal, et pas seulement chronologique, entre les
identifications dont la différence de nature exige la recherche de ce qui leur est commun tout en
maintenant leur différence.
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surface du corps 9. Elle est donc surface du corps projeté sur la surface corticale. Ce faisant,
il change, et ce n’est pas une modification mineure, car elle change la nature et le temps
du narcissisme du moi. Au lieu d’être primaire, comme en 1914, il est secondaire, sa libido
n’étant pas originaire, mais tirée de l’objet, seul à être originairement investi.
Lacan considère l’image du corps (nous reproduisons en bas celle obtenue par Penfield
à la fin des années 1950 grâce à un travail d’implantation d’électrodes chez des sujets
épileptiques dans sa clinique de Montréal, et reproduite dans le manuel de Rouvière et
Delmas 10) comme une « Gestalt, dont la prégnance doit être considérée comme liée à l’es-
pèce 11. […] le stade du miroir (est) une identification au sens plein que l’analyse donne à
ce terme : à savoir la transformation produite chez le sujet, quand il assume une image
[…] c’est que la forme totale du corps par quoi le sujet devance dans un mirage la matu-
ration de sa puissance… 12 »
Lacan est peut-être beaucoup plus explicite que Freud – autant grâce aux découvertes
faites entre-temps qu’au fait qu’il s’autorise à refonder un concept analytique sur une
avancée scientifique – sur la nature embryologique et neuroanatomique de ce qu’il
appelle « miroir ». L’homme, en tant qu’il naît prématuré, n’aura de connexions entre le
cortex et le névraxe qu’une fois avancée 13 la myélinisation des faisceaux pyramidaux qui
communiquent l’un avec l’autre, ou plus exactement, la zone motrice primaire avec la
moelle épinière par le truchement des neurones moteurs, dits pyramidaux à cause de leur
forme. La localisation de l’image dite « homunculaire » ne figure pas chez Lacan, par

9. Ni Freud en 1924 ni Lacan en 1936-1949 n’explicitent qu’il s’agit de l’image des efférents
moteurs.
10. Rouvière et Delmas, Anatomie Humaine, 15e édition, Paris, Masson, 2002.
11. Écrits, p. 95.
12. Ibid., p. 94-95.
13. Lacan ne peut le savoir à l’époque où il écrit son travail, seule l’imagerie actuelle nous en
donne la mesure : la myélinisation des faisceaux pyramidaux qui permettent la motilité volon-
taire (les nouveau-nés ont des mouvements involontaires ou extrapyramidaux, ou bien des
réflexes de marche, ou de nage, qui sont exclusivement médullaires et pas corticaux) commence
à la fin du sixième mois de vie intra-utérine et ne finira qu’à l’âge de 15 à 18 ans. La myélinisa-
tion, c’est-à-dire, le recouvrement des axons d’une gaine lipidique, réalisé par les oligodendro-
cytes et les cellules de Schwann, permet que s’établisse sans déperdition une différence de
potentiel entre le neurone du cortex, le deutoneurone des ganglions de la base et les extrémités
distales. Bien entendu il y a une quantité des neurotransmetteurs différents qui rendent possibles
ces liaisons, des récepteurs qui ouvrent et ferment les neurones à ce qui arrive par le canal
ionique, mais l’aspect physiologique est extérieur au problème qui nous concerne. Mais ceci est,
somme toute, secondaire. Ce qui est une marque de génie de Lacan, c’est d’avoir saisi si tôt l’im-
portance pour la psychanalyse de la prématuration neurophysiologique du nouveau-né.
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contre il considère, en faisant – tout comme Freud – un bond sur la neurologie de


l’époque, mais sans précision anatomique, le cortex « comme un miroir intraorga-
nique 14 ».

Représentation des aires motrices le long de la frontale ascendante


(d’après Penfield et Rasmussen).

En regardant le schéma dessiné ci-dessus, reconstruction des points d’où sortent les
afférents moteurs, on constate que l’« image » qui en résulte n’est en rien une représen-
tation de la surface du corps telle qu’on la voit sur un miroir plan, mais qu’elle montre la
différence qui existe entre le nombre d’innervations du visage, de l’appareil phonatoire et
de la main par rapport au reste du corps. Le fait que Lacan appelle cette reconstruction
« miroir » est déjà, en même temps, une interprétation et une construction qui devra être
théoriquement étayée. L’on peut observer que cette « image » est inversée, et déformée.

14. Écrits, p. 97.


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Ce que ni Lacan, ni la neurologie de l’époque ne savent encore, est que la « représenta-


tion » du corps qui se formera au travers des afférents sensitifs et sensoriels, qui suivent le
trajet inverse et par des voies indépendantes, est la réplique exacte de celle qui est
motrice. Mais, différence importante, « l’information » par eux véhiculée n’est pas géné-
tiquement « programmée », au moins en ce qui concerne le « contenu ». Il va de soi que
les seuils physico-chimiques de cette information sont bien innés, car il s’agit de longueurs
et des fréquences d’ondes pour que les sons puissent être entendus, de même que pour
les yeux, qui peuvent seulement voir une partie du spectre lumineux, de même que la
peau supporte seulement certains écarts de température, etc. Ce qui est en jeu, c’est que
quelqu’un qui a souffert de certain type de traitement, « trop » ou « trop peu » investi,
aura, autant au niveau organique, qu’au niveau libidinal, un seuil différent dans le déclen-
chement du principe de plaisir. Principe qui est un résultat de l’amour de l’Autre dans le
corps biologique de l’infans. Ce qui se dirait, dans le vocabulaire du dernier Lacan, que le
dit principe du plaisir est non seulement la première symbolisation, mais une écriture
Imaginaire-Réel, principielle dans le devenir du sujet. Exemple princeps où l’on peut saisir
comment l’amour s’inscrit dans le réel.

Ceci, on le développera lorsqu’on devra justifier la présence du miroir sphérique dans


le schéma à deux miroirs, en en faisant la correspondance et l’écart avec les théories qui
sont plutôt préoccupés par la construction du corps du sujet dans le rapport réel de celui-
ci à sa mère.

Revenons en arrière, au premier miroir. Le travail de Lacan révèle non seulement un


effort pour fonder le « moi » en tant qu’instance sur les données scientifiques de l’époque,
mais aussi il y résume, aussi bien que dans trois travaux qui lui sont totalement contem-
porains et connexes : « L’agressivité en psychanalyse », « Propos sur la causalité
psychique » et « Au-delà du principe de réalité », les expériences en psychologie du
comportement infantile d’Henri Wallon, celles de Charlotte Bühler, ainsi que les travaux
de l’école de la Psychologie de la Forme de Köhler et Koffka.

Ceci ne révèle pas seulement un changement complet de sol épistémique par rapport
à Freud. À lui seul le thème que nous traitons dans cette partie-ci de notre travail mérite-
rait d’être l’objet d’une thèse. Mais nous voudrions également signaler que les références
philosophiques de Lacan sont ici explicites, aussi bien que la mise à jour scientifique et le
recours aux recherches de celui qui a fait publier son article « La famille » dans l’Encyclo-
pédie française, Henri Wallon, où il révèle déjà sa préoccupation – qui sera constante tout
au long de sa vie – de mettre en rapport le savoir scientifique, l’expérience analytique et
ce qui s’inscrit du social, dans le noyau même de l’être parlant, pour que le biologique en
lui acquière un statut humain. Aussi, mention est-elle constamment faite à la paranoïa,
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dont le moi, pour Lacan à l’époque 15, détient la structure. Nous devrons attendre la
période 1964-1967, la recherche qui va du Séminaire « Les quatre concepts » au Séminaire
« La logique du fantasme » pour que la conception de l’imaginaire introduite en 1953 se
désolidarise – partiellement – de l’Imago ou de la Gestalt du miroir. Mieux encore, il
faudra une lecture attentive des représentations que Lacan dessine au tableau pendant le
Séminaire sur « L’angoisse » pour déréaliser, au moins en partie, la nécessité d’un miroir
en tant qu’objet réel pour faire l’expérience du miroir.
À la fin du stade du miroir, Lacan s’oppose formellement à Freud : « […] toute notre
expérience s’oppose pour autant qu’elle nous détourne de concevoir le moi comme centré
sur le système perception-conscience, comme organisé par le “principe de réalité” où se
formule le préjugé scientiste le plus contraire à la dialectique de la connaissance […] 16 »
Pour lui la Gestalt du corps propre est « dans une extériorité où certes cette forme est-
elle plus constituante que constituée […] dont la prégnance doit être considérée comme
liée à l’espèce 17 ».
« La fonction du stade du miroir s’avère pour nous dès lors comme un cas particulier
de l’imago, qui est d’établir une relation de l’organisme à sa réalité […] La notion objec-
tive d’inachèvement anatomique du système pyramidal […] confirme cette vue que nous
formulons comme la donnée d’une véritable prématuration spécifique de la naissance
chez l’homme 18. »
« Remarquons en passant que cette donnée est reconnue comme telle par les embryo-
logistes, sous le terme de fœtalisation […] 19. »
« […] Ce que j’ai appelé prématuration de la naissance chez l’homme, autrement dit
l’incomplétude et le ‘retard’ du développement du névraxe chez l’homme […] n’est proba-
blement pas sans rapport avec le processus de fœtalisation où Bolk voit le ressort du déve-
loppement supérieur des vésicules encéphaliques chez l’homme 20. »

15. Il est possible de supputer qu’après 1964 – c’est nous qui le pensons ainsi –, année où il
développe sa première théorie de l’aliénation, le moi, grâce à l’introduction du signifiant – S1 – qui
néantise toutes les significations, cessera d’avoir une structure paranoïaque, oscillant entre une
« sensitivité », affecté qu’il est par le désir de l’Autre, et de tout « autre » qui soit significatif pour
lui – « ché vuoi » ? –, et une Stimmung quelque peu « maniaco-dépressive », affecté qu’il est par
son propre désir de sujet et par son absence. Nous développerons plus in extenso cette modification
théorique lorsqu’il sera question des théories de l’aliénation (travail encore à publier).
16. Écrits, p. 99.
17. Ibid., p. 95.
18. Ibid., p. 96.
19. Ibid., p. 97.
20. « Propos sur la causalité psychique », Écrits, p. 186.
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Ce passage mérite plusieurs commentaires pour essayer de restituer un sens dont le


temps écoulé entre la matrice épistémique qui préside à sa naissance et la nôtre risque de
nous égarer à son propos. Tout d’abord, il faut remarquer que l’image du semblable n’est
pas, chez le Lacan de cette époque, atteignable par la seule maturation du système
perceptif. Tout au contraire, c’est l’image intra-organique de lui-même, déclenchée très
tôt par le regard de l’adulte, mais acquise à partir du moment où la maturation du
système pyramidal le lui permettra, qui, projetée dans l’espace et le temps, atteindra le
semblable. Mais ceci dans un rapport maître-esclave qui lui donnera à jamais les repères,
voulus ou non, de la relation imaginaire 21.
La Gestalt, l’imago de soi-même est une donnée a priori, biologique, et propre à l’es-
pèce, qui crée un espace et un temps anticipatoires sans que ceux-ci soient produits par
l’expérience du nourrisson.
1. Il faut remarquer que le stade du miroir, dans cette écriture, celle de Lacan des
années 1936-1949 est une conception d’une sensibilité transcendantale, a priori, anté-
rieure à l’expérience et fondatrice de celle-ci, fournie à l’homme par son bagage neuro-
logique, dépendant de l’histoire de la sélection naturelle. C’est, sans qu’il la reconnaisse
comme telle, une conception kantienne de la structure de l’espace et du temps subjectifs,
qu’il se fait fort de refonder grâce aux nouvelles connaissances neurophysiologiques. À
partir de 1961, Lacan cherchera dans la topologie l’explication de la structure de l’espace
humain et, maintes fois dans son œuvre, jusqu’à la fin, il cherchera, explicitement, à
dépasser l’Esthétique (doctrine de la sensibilité a priori, ne dépendant pas de l’expérience)
kantienne. Le miroir étant une Gestalt, une imago formatrice, sa structure fera que les
expériences rendues inconscientes, auront, elles aussi, ce même caractère d’imago, proje-
tant leur forme, donnant forme dès lors à tout ce qui arrive au sujet.
2. Aussi bien, nous faut-il relever l’appel fait aux hypothèses de Bolk 22 – embryologiste
hollandais des années 1920 – qui permettent effectivement de soutenir la prématura-
tion 23 de l’homme à sa naissance. Nous en donnerons comme exemple quelques thèses de
celui-ci aujourd’hui admises, mais aussi le fait que Lacan s’appuie sur lui représente une
allusion chargée de sens pour ceux de ses lecteurs au fait des désaccords parmi les disciples

21. Plus tard, en 1972, il reconnaîtra que le rapport au semblable n’est pas seulement régi par la
pulsion invocante, mais aussi par la Schaulust, par la jouissance scopique, laquelle n’implique
guère un rapport maître-esclave.
22. L. Bolk, Das Problem des Menschwerdung, Fischer Verlag, Jena, 1926.
23. Nous devons le résumé des positions embryologiques de Louis Bolk à Stephen Jay Gould,
Darwin et les grandes énigmes de la vie, Paris, Le Seuil, coll. « Points Sciences », 1997, p. 65 et s.
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en ce qui concerne les positions de Freud là-dessus. Car celui-ci justifiait et le meurtre du
Père et la transmission génétique de cet événement sur Darwin et Lamarck 24.
Voici les observations embryologiques les plus importantes de Louis Bolk considérées
valables aujourd’hui.
Nous avons en commun avec les jeunes primates, surtout avec les embryons, mais pas
avec les adultes :
– la boîte crânienne ovoïde, semblable à celle des embryons. Les primates adultes connais-
sent une croissance du cerveau très lente, et celui-ci restera petit. Le cerveau humain
retient les taux de croissance du fœtus ;
– le visage juvénile : profil droit, taille réduite des mâchoires et des dents, arcades sourci-
lières sans proéminence ;
– la position du trou occipital ou foramen magnum, situé à la base du crâne, par où passe
la mœlle épinière. Chez les embryons de tous les mammifères le trou occipital est situé
sous le crâne, dirigé vers le bas ; pendant le développement embryonnaire, le foramen
change de place et se fixe définitivement à l’arrière, ce qui convient parfaitement à la vie
à quatre pattes, la tête se trouvant en avant des vertèbres, les yeux aussi dirigés vers
l’avant. Chez l’homme, le foramen magnum ne change pas de place, permettant la station
debout.
Les trois caractères morphologiques considérés comme distinctifs de l’homme sont : la
station debout, la taille réduite des mâchoires, la taille du cerveau 25.

24. Voir à ce sujet le livre de Lucille Ritvo, L’ascendant de Darwin sur Freud, Paris, Gallimard, 1992.
Dans une lettre à l’auteur, datée de 1962, Anna Freud reconnaît que son père, malgré la pression
de ses élèves, n’a jamais renoncé à la doctrine du lamarckisme. Il faut ajouter que la théorie de
la sélection naturelle darwinienne et la doctrine de l’évolution chez Lamarck étaient devenues
incompatibles, au fur et à mesure que la première s’est révélée être la seule à rendre compte des
causes de la variation des espèces et à pouvoir connaître une synthèse avec la génétique.
25. Qui était déjà dans l’Entwurf de Freud – qui n’était pas connu par Lacan en 1949, car publié
par Anna Freud et H. Eissler au tout début des années 1950 – dans son « Esquisse d’une psycho-
logie » : cette relation à l’Autre est « l’origine de tous les motifs moraux » ce qui veut dire, de
l’humanité comme telle. Aussi bien, il serait pertinent d’y ajouter, à la liste non exhaustive esquis-
sée en haut, et en nous appuyant sur les recherches en psycholinguistique, en particulier celles de
Bénédicte de Boison-Bardies, la descente du larynx après la naissance, autour du huitième mois,
qui rend possible le langage articulé. Aussi fine que soit l’ouïe du nouveau-né avant cette date,
il ne pourrait jamais faire correspondre ce qu’il entend à ce qu’il pourrait articuler. Lacan ne l’in-
dique jamais, mais ce décalage doit jouer un rôle, grâce au réel biologique, dans ce qui rend
possible l’écart entre la première et la deuxième identification, dans l’existence d’une lalangue,
réel de l’Inconscient, à la limite inarticulable, sauf analyse et encore… dans ce qui leste, qui ancre
notre parole dans la langue de tous les jours.
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– le cerveau de l’homme peut poursuivre son développement postnatal grâce au fait que
les jointures du crâne se ferment tardivement, après l’âge adulte. Seulement chez les
humains les bouts des doigts et les extrémités des os longs sont cartilagineux à la nais-
sance ;
– chez les embryons des mammifères, le canal vaginal est dirigé vers le ventre chez les
femelles, mais effectue chez l’adulte une rotation vers l’arrière. Chez la femme, cette rota-
tion ne se produit pas ;
– le gros orteil est non opposable chez les embryons des mammifères, de même que chez
l’homme. Après la naissance, celui-ci effectue chez les primates une rotation, afin de
permettre une préhension efficace. De l’autre côté, la non-opposition du gros orteil chez
l’homme facilite la station debout et la marche.
Toutes ces caractéristiques ont reçu le nom de néoténie, c’est-à-dire conservation des
caractères juvéniles. L’irrecevabilité des théories de Bolk, abandonnées dans les années
1940, tenait à ce qu’il supposait, chez l’enfant, que l’inhibition du développement vers le
primate adulte, et par conséquent la conservation des traits embryonnaires permettant
une autre morphologie pour l’homme, était due à l’action d’une hormone. La renaissance
des recherches en génétique dans les années 1940 rejeta sa théorie aux oubliettes de l’his-
toire, mais non pas ses observations d’embryologiste.
La référence à Bolk permet à Lacan, de prime abord, de construire sa théorie de la
prématuration de la naissance chez l’homme 26. Néanmoins, il faut rappeler que Freud
s’était formé depuis son jeune âge et surtout pendant ses études de médecine aux théo-
ries d’Ernst Haeckel, partisan et vulgarisateur de Darwin, pionnier de la sélection naturelle
en Allemagne, qui postulait comme « loi biogénétique » la théorie de la « récapitula-
tion ». Celle-ci affirmait que les individus, pendant leur croissance embryonnaire et infan-
tile, reflètent le stade adulte de leurs ancêtres. Tout individu, au cours de son
développement, escalade son arbre généalogique : par exemple, les branchies du fœtus
humain seraient celles du poisson adulte dont nous descendons. Que cette théorie,
remplacée par celle de Bolk, se soit effondrée du vivant de Freud ne serait pas tant notre
problème si celui-ci, accessoirement, n’avait pas appuyé l’existence psychique du Père
Mort dans cette récapitulation qui veut que tout individu garde en lui et par devers lui, et
sans le savoir, car ceci advient pendant sa formation embryonnaire, ce qui constitue le trait

26. L’embryologie actuelle pense que le temps nécessaire de maturation après la naissance se
situerait entre 9 et 12 mois, en comparant le nouveau-né aux autres mammifères supérieurs,
surtout les primates. Cela d’un point de vue purement embryologique. Néanmoins, l’homme est
ce qu’il est parce que né prématuré.
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qui définit son espèce. Pour Freud 27, la mort du père est la ligne de partage entre nature
et culture, entre primate et homme, la culture trouvant son socle dans la remémoration
de la culpabilité du crime fondateur.
C’est de cette même source évolutionniste – qu’il trouvait exposée aussi chez Lucien
Lévy-Bruhl 28 – que Freud tirait l’identité entre pensée infantile et pensée sauvage 29,
comme partageant toutes deux croyances magiques et animistes. Que cela ait été une
sorte de Zeitgeist, d’esprit du temps, n’offre pas de doute, Herbert Spencer, Rudyard
Kipling et maints autres faisant de même.
Cependant, si Lacan, à l’extrême limite, s’appuie sur Bolk, il le fait aussi pour s’oppo-
ser à ce que la récapitulation et ‘l’évolutionnisme’ offre comme étayage à Freud : le point
d’appui « scientifique » pour soutenir le Père Mort comme trace phylogénétique dans
chaque sujet autant que le caractère irrationnel de la pensée infantile.
Lacan ne parlera pas de Père Mort, n’acceptera pas non plus qu’il soit considéré
comme trace fondatrice de l’identification primordiale, et ne fera référence à lui que lors-
qu’il sera en condition d’offrir à la fois une écriture logique et une critique théorique de
ce mythe (impossible néanmoins de faire l’impasse sur lui, comme l’ensemble de la psycha-
nalyse américaine) sustenté dans un idéologème scientifique 30.
Cette vraie « difficulté de la psychanalyse » ne sera résolue par Lacan que dans les
années 1970. En construisant, sur les quanteurs de la sexuation, un carré modal, il articu-
lera le Père Mort comme une construction logique appartenant au fantasme et non pas

27. Totem et tabou, Paris, Payot, 1991. L’homme Moïse et la religion monothéiste, Paris, Le Seuil,
1986.
28. Lucien Lévy-Bruhl, La mentalité primitive, Paris, PUF, 1922. Épuisé depuis 1960, on peut le trou-
ver sur le site web de l’Université de Québec. Un aperçu des têtes des chapitres peut nous donner
une idée assez précise du contenu : « Aversion de la mentalité primitive pour les opérations
discursives de la pensée ; Ce n’est ni impuissance native ni manque d’aptitudes naturelles ; Idées
restreintes à un petit nombre d’objets ; Absence de réflexion ; Indifférence aux causes secondes ;
La mentalité primitive attribue tout ce qui arrive à des puissances mystiques et occultes ; enfin
aparté VI du chapitre X : Puissance effective du désir ; La pensée a les mêmes effets que l’action ».
On peut saisir, d’une part, ce que Freud a pu en tirer, car ces idées figurent dans Totem et tabou
et ailleurs, et aussi bien avertir que Les structures élémentaires de Lévi-Strauss allaient paraître
seulement vingt-sept ans après… Mais ce n’est pas une coupure simple : il y a certains maillons
de Durkheim, mais surtout la totalité de l’œuvre de Marcel Mauss, chez qui le changement de
perspective est opéré.
29. Totem et tabou, Paris, Payot, 1991. Surtout ch. 4 : « Le retour infantile au totémisme ».
30. Lacan, L’envers de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1991, séminaires de février, mars et avril
1970.
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au réel. En 1977, ce sera une construction à la fois topologique et nodale qui permettra
de se passer des appuis biologiques ou anthropologiques soutenant cette théorie.
Cependant, – encore que ceci ne fasse pas partie de notre recherche –, nous ne
pouvons pas laisser penser que Freud ait été un suiveur naïf des idéologies scientifiques
de son époque, non seulement parce que la nôtre en a aussi – ce qui reviendrait alors à
soutenir un argument pauvrement relativiste quant à la vérité –, mais surtout parce qu’il
lui revient un mérite immense dans l’histoire de la paléontologie : celui d’avoir soutenu,
contre l’opinion dominante de son époque, que le développement du cerveau est une
conséquence de la position debout, et non pas l’inverse, comme le soutenait le courant
spiritualiste, qui privilégiait la croissance du cerveau et voyait dans la station debout la
conséquence de son progrès spirituel 31.
Reformulons encore les mises à distance critiques de Lacan à l’égard de Freud, en nous
donnant comme base les travaux écrits autour du « Stade du miroir ».
Dans l’ « Au-delà du principe de réalité », Lacan refuse le concept de libido comme
hypothèse substantialiste 32, mais l’accepte comme concept énergétique, car celui-ci est
fondé « sur une découverte clinique d’une valeur essentielle : celle d’une corrélation qui
se manifeste constamment entre l’exercice, le type et les anomalies de la fonction sexuelle,
et un grand nombre de formes et de “symptômes” psychiques 33 ».
Et Lacan de parachever son inscription dans la psychanalyse en adressant une critique
à Freud, ou à ce qu’il croit être la position de Freud – en effet, est-ce celle de Freud ou déjà
la lecture qu’en fait la troisième génération, surtout Heinz Hartmann ? – : « […] deux
questions se posent : à travers les images, objets de l’intérêt, comment se constitue cette
réalité où s’accorde universellement la connaissance de l’homme ? À travers les identifi-
cations typiques du sujet, comment se constitue le je, où il se reconnaît ? »
À ces deux questions, Freud répond en passant à nouveau sur le terrain métapsycho-
logique. « …Il pose un “principe de réalité” dont la critique dans la doctrine constitue la
fin de notre travail 34. […] Ce qui nous fait aptes à devenir humains, notre prématuration,

31. Frédéric Engels aussi, dans les années 1870, soutient la même position, dans l’Anti-Dühring.
32. Lacan changera radicalement de position lorsque la recherche d’un statut catégoriel le
mènera à accorder à la libido un caractère de substance, dans « Encore ». Dans le séminaire
« L’insu… » il parlera de matière par rapport au corps, qui seul existe comme tel lorsque la libido
l’a investi. Sans oublier que dans « Position de l’Inconscient » il octroie à celle-ci un statut d’or-
gane de l’irréel.
33. Écrits, p. 90-91.
34. Ibid.
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42 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 13 •

fait que notre développement se projette en drame, notre insuffisance se résolvant en


aliénation. C’est dans l’autre que le sujet s’identifie et même, tout d’abord, s’éprouve 35.
[…] Le complexe d’Œdipe s’avère dans l’expérience […] constituer normalement le senti-
ment de réalité. »
Lacan oppose le sentiment de réalité auquel la traversée de l’œdipe permet d’accéder
et le principe de réalité, préjugé scientiste, ce qui veut dire une réalité constituée par une
théorie de la connaissance et aussi une idée de la société qui serait la jauge, hors expé-
rience, de ce qui constitue la norme du sujet.
La notion d’imaginaire est déjà chargée de symbolique, comme la référence à Lévi-
Strauss l’atteste. Ce qui montre que le paradigme des années 1946-1949 est au bord de la
rupture. Par contre, ce qui sera la constante de cette période sera la considération de ce
qu’est la psychanalyse comme telle : le déploiement du drame de la subjectivation, l’iden-
tité de la strate constituante du moi avec la folie, le statut de résolution apporté par le
complexe œdipien, qui est déjà une structure sociale.
Cette première idée de l’Imaginaire, fondée sur le miroir cortical, fait de celui-ci le
siège de ce qui est, sans l’issue œdipienne, identique à la psychose 36. Lieu d’affrontement
entre un moi qui se vit lui-même toujours en deçà de la complétude prêtée à l’autre qui
le nargue. Et s’il s’identifie à cet autre, sans entrelacs, la mégalomanie qui précède le
délire est alors bien en place. Ou bien il se laisse morceler dans le retour de sa propre
tension agressive. Lacan intègre au Moi les « négations » freudiennes de la paranoïa, sans
passer, comme il le fera plus tard, par une explicitation des mécanismes à l’œuvre dans
ceux-ci, qui ne sont ni internes, ni propres au Moi. Cette considération de la structure du
moi comme instance paranoïaque va sciemment à l’encontre du cheval de bataille de la
psychologie du moi : considérer celui-ci comme l’instance de la synthèse. La réponse au
niveau de la cure ne peut pas être non réciproque, la direction de celle-ci se devant d’être
une paranoïa dirigée 37 : « […] cette imago ne se révèle-t-elle que pour autant que notre
attitude offre au sujet le miroir pur d’une surface sans accidents 38. » Regardant ce travail

35. Écrits, p. 181.


36. « jamais […] le moi de l’homme n’est réductible à son identité vécue ; et dans les disruptions
dépressives des revers vécus de l’infériorité, engendre-t-il essentiellement les négations mortelles
qui le figent dans son formalisme […] Aussi bien les deux moments se confondent-ils où le sujet
se nie lui-même et où il charge l’autre, et l’on y découvre cette structure paranoïaque du moi qui
trouve son analogue dans les négations fondamentales, mises en valeur par Freud dans les trois
délires de jalousie, d’érotomanie et d’interprétation (c’est nous qui soulignons) » Écrits, p. 114.
37. Ibid., p. 109.
38. Ibid.
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LE CORPS ET LA STRUCTURE 43

depuis le Lacan postérieur, on ne peut pas ne pas être surpris de le voir se placer sur le
même terrain que ses adversaires.
Dans la mesure aussi où Lacan soutient la prématuration humaine, c’est l’image
comme Gestalt qui aura pour lui un effet formatif pour l’organisme. Les exemples qu’il en
donne, issus de l’éthologie d’Ireneüs Eibl von Eibesfeldt, puis de Lorenz, mettent l’homme
au niveau de son être biologique. Mais ce qui restera sera l’idée d’inachèvement de l’hu-
main à lui-même.
La critique du principe de réalité freudien montre une critique radicale de la psycha-
nalyse du moi, qu’il confond avec celle de Freud. Celui-ci, dans « Deux Principes du fonc-
tionnement psychique 39 » avait pourtant bien signalé que ce principe était un mode
d’accomplissement du Principe du Plaisir, qui tenait compte des possibilités d’effectuation
de ce qui était désiré, et non pas un principe qui s’y opposait.
Dans les années 1960, où le miroir est une expérience, sans que Lacan, formellement,
ne le rattache au signifiant, au manque dans l’Autre, ou au vide constitutif de l’enlace-
ment torique, la thématisation du corps morcelé va disparaître, car dans le Séminaire sur
l’angoisse, il va différencier clairement sa conception du désir de celle de Hegel, où le désir
de l’Autre n’est pas fondateur du sujet.

1960. Les deux miroirs de la réponse à Lagache

La nouveauté de ce qui est introduit par Lacan dans sa réponse à Daniel Lagache, qui
essayait dans son rapport de différencier le « moi-idéal » de l’ « Idéal du Moi », consiste,
dans les mots de Lacan, à faire dépendre l’identification du sujet au semblable, de son
positionnement identificatoire à l’Idéal. Ceci n’avait jamais été si clairement posé dans
l’histoire de la psychanalyse. Car pour Freud cet Idéal était seulement l’héritier du
complexe d’Œdipe, tandis que pour Lacan, encore que ce ne soit pas clairement indiqué
dans le schéma, la migration de la position du sujet de S1 à S2 implique au préalable l’exis-
tence d’un signifiant I qui migre lui aussi d’être le signifiant premier, ou trait unaire, à sa
place finale d’Idéal 40. C’est ici qu’il montre la primauté du symbolique, car il est à l’origine

39. Freud, 1911.


40. Ceci correspond à une époque révolue dans l’enseignement de Lacan, faire du trait unaire le
support de l’identification primordiale. Il l’a fait, de son propre aveu, à la fin du Séminaire sur
« L’Identification », parce que il ne comptait pas encore avec une théorie qui lui fût satisfaisante.
À partir des années 1970, il fait de Φ, le signifiant cause de jouissance, le support de cette iden-
tification.
01 Parties 2/11/06 16:23 Page 44

44 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 13 •

de l’imaginaire. Sauf qu’il n’écrit rien sur la fonction du miroir sphérique, sauf à lui donner
celle de représenter le cortex comme un tout, sans privilégier aucune localisation.
À notre avis, il prend son temps, parce que l’illusion du renversement du vase, invisible
au regard, est un processus réel. Que Lacan résoudra seulement aux alentours du Sémi-
naire « Encore », où il définit l’entrée de la Jouissance dans le corps.

Ainsi, cette réponse à Daniel Lagache permettra, encore que Lacan n’en parle pas, de
penser qu’il y a un imaginaire non visible : i (a), et un imaginaire visible i’ (a). L’introduc-
tion du miroir sphérique permet, donc, que le vase à l’envers, caché dans la boîte, invisible
au sujet, représentant le soma, soit le corps biologique, acquière son statut de corps au
prix de le faire par le truchement d’une illusion : appelée en optique image réelle.
Seule cette illusion permet que l’encolure du vase entoure l’objet pulsionnel. Par cet
artifice, Lacan montre que le corps se ferme autour de l’objet pulsionnel : autrement dit,
que c’est l’offre faite par l’Autre de cet objet, qui lui sera ensuite demandé, qui permet la
fermeture du corps dans cet orifice, lequel, de ce fait, devient zone érogène.
On pourrait aussi dire que c’est l’Autre qui a mis les fleurs sur la boîte à l’intention du
sujet. C’est grâce à ce miroir sphérique, mais pas à cause de celui-ci, que le corps imagi-
naire naîtra, entourant cet objet. Cela signifie aussi que l’objet ‘a’, sur cet espace réel,
appartient au sujet : le sein et le téton seront toujours entre les lèvres, la scybale anale
toujours dans le rectum. Seule, comme on le verra, l’image plane videra la bouche,
01 Parties 2/11/06 16:23 Page 45

LE CORPS ET LA STRUCTURE 45

permettant la satisfaction de la parole, vidant aussi le rectum. La demande de l’Autre réel


n’étant plus nécessaire.
Mais pourquoi Lacan a-t-il introduit le miroir sphérique ? Il ne le précise pas, mais, en
examinant ses résultats, nous pouvons en déduire, tout d’abord, que celui-ci permet d’en-
lacer le narcissisme – le pot nommé « i » et la pulsion, quoiqu’il ne traite pas ici celle-ci
comme telle, ce qu’il fera deux ans après. Deuxièmement, il introduit un changement de
taille dans la théorie de l’imaginaire spéculaire : l’image du corps n’est plus celle qui
appartient à l’espèce, phylogénétique et innée, de 1936-1949. Non seulement elle résulte
d’un effet du fonctionnement global du cortex, sans que la localisation y soit prévalente,
mais grâce – ceci n’étant pas signalé par Lacan – à la présence de ‘a’, le corps aura une
consistance d’image « réelle », indépendamment du fait d’apparaître visuellement
perceptible grâce au miroir plan représenté par l’Autre. Néanmoins la réciproque n’est pas
valable : si le miroir plan ne se constituait pas, l’image réelle subirait en retour des
dommages probablement irréparables, car l’absence d’unification par le truchement du
scopique, réglé sur l’Idéal, ne permettrait pas d’unifier une présence à soi, ce qui vaut pour
une présence massive et sans manque de l’Autre.
Comme c’est un schéma figurant l’illusion imaginaire, il se prête, lui aussi, à une
lecture qui privilégie l’illusion. Que le corps entourant l’objet soit seulement atteignable
derrière le miroir, dans l’espace virtuel, comme i’ (a), privilégie, certes, la perception
visuelle. Cela ne signifie nullement qu’il n’y ait pas une image réelle i (a) qui est celle qui
s’y reflète, bien que, de là où le regard est placé, elle soit invisible.
Invisible, oui, mais perçue par toute la sensibilité proprioceptive et intéroceptive. S’il
n’en était pas ainsi, quelle image se refléterait dans le miroir plan ? Certes, il en dit très
peu tout au long du Séminaire, mais laisse des points d’appui solides pour le penser.
Pourquoi Lacan privilégie-t-il le scopique, la perception visuelle en rapport à l’objet ?
N’y a-t-il pas une perception non visuelle commandée par l’objet oral, par l’anal, etc. ?
La réponse serait que la perception visuelle et le scopique pulsionnel qui la guide non
seulement représentent le cadre du monde, mais ce qui organise l’ensemble des pulsions
partielles autour d’une image qui est prête pour le fantasme, c’est-à-dire prête pour être
insérée dans la phrase en quoi le fantasme consiste, pour le dire avec les mots de Freud :
sa teneur en mots. Ce que Lacan ajoute est ceci : La phrase du fantasme montre. Il y a aussi
bien une seconde réponse, que nous réservons pour le chapitre dédié aux miroirs du Sémi-
naire sur l’Angoisse.
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46 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 13 •

La suppression de la spécularité de l’objet a

Deux ans après l’introduction du double miroir, dans lequel l’objet pulsionnel ‘a’,
entouré de l’image du corps ‘i’ se reflète entièrement dans le miroir plan du grand Autre,
Lacan changera la théorie de ‘a’ – ce ne sera pas la dernière fois – et ceci sur un point
fondamental : l’objet pulsionnel n’est pas spécularisable.
Ceci a été répété à l’envi par lui et ses disciples. Mais pourquoi ? Ou bien, quelle fonc-
tion réalise-t-elle dans la non-spécularisation de l’objet ? Car il faut bien répondre à cette
question, aussi bien au sein même d’une théorisation qui est en train de changer, que dans
le fait de rendre compte des effets théoriques que ce renversement va accomplir, lentement,
jusqu’à ce que ces effets se fassent ‘visibles’ dans la rotation de l’axe même de son discours.
Tout d’abord, nous devrions penser que Lacan, en donnant statut théorique à
l’exemple du bébé se retournant pour se voir comme étant vu par le regard de sa mère 41,
créa, tout en faisant d’un exemple l’intuition d’une démonstration, un miroir théorique
dans lequel tout le monde s’engouffra, comme le bébé, pour se retourner sur Lacan et son
regard, qui nous montrait comment, par l’aliénation spéculaire, nous-mêmes accédions à
la reconnaissance par l’Autre, lui-même. Belle prouesse d’une écriture en abîme ou le
lecteur se trouve attrapé comme objet pour pouvoir retomber sur ses pieds, sujet entre les
signifiants du discours du Maître. Mais ce n’est que parce que nous sommes passés par ses
signifiants que nous ne pouvons, non pas nous en passer, mais, tout en étant entre eux –
leur effet –, tout bonnement les « lire », ce qui pourrait signifier ne pas en être éblouis
par notre propre image, car c’est l’effet même du signifiant que de nous renvoyer cette
image de nous-mêmes, pourvu qu’il y ait un vide pour que le signifiant puisse avoir cet
effet de miroir.
La théorie du miroir, de par la forme de fiction où elle a été produite avant d’être une
explication théorique d’un des processus de création du sujet, a été l’acte même par lequel
nous entrions dans la chaîne signifiante. Bel exemple, et non le seul, où il est montré
qu’avant d’être une théorie, la psychanalyse nous interprète pour que nous puissions assu-
mer, avec la surprise d’un rendez-vous promis mais non daté, la position de celui qui

41. Mais la mère, qui regarde-t-elle ? Son bébé, ou son image dans le miroir ? Ou bien passe-
t-elle son regard de l’un à l’autre ? Ceci est d’une extrême importance et les conséquences se
feront sentir si elle reste captivée par la seule image, car ainsi elle la dote d’une perfection idéale
et de la jouissance qui l’accompagne. Aussi l’image spéculaire démentira qu’elle est seulement
virtuelle, le regard de la mère obturant le trou qui permet qu’elle n’attrape pas toute la libido
du sujet. Silvia Amigo a écrit là-dessus un livre, en espagnol, Paradoxes cliniques de la vie et de
la mort, Homo Sapiens, Rosario, 2003.
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LE CORPS ET LA STRUCTURE 47

pourra occuper cette place : celle de faire semblant – produire des signifiants – de l’objet
qui n’a pas d’image… spéculaire.
Car il faut faire la différence entre image et spécularité. Ce n’est pas parce qu’un sein
que nous avons vu où des lèvres prometteuses nous font rêver, que nous savons pourquoi
ou comment nous sommes menacés de chuter dans la jouissance cauchemardesque de
nous faire dévorer, ou nous ériger nous-mêmes dans la jouissance exquise de faire en sorte
que l’autre se fasse lentement, mais irrémédiablement dévorer. Ce n’est pas parce que
nous pouvons chercher à nous refléter dans un regard aimé ou à l’occasion, ce même
regard, à l’avoir, ‘à l’œil’, que nous saurons jamais à quel point ce que nous cherchons n’est
pas seulement un autre regard, porté par les yeux d’un visage connu et, à l’occasion,
aimant ou aimé, mais encore et toujours le point d’où nous sommes regardés. Où que
nous soyons, c’est ce regard invisible parce que à tout jamais perdu, qui ferme l’espace sur
nous comme une sphère dans laquelle nous sentons, sans même pouvoir l’articuler, la
communauté de notre propre corps avec et dans un espace aimable et sécurisant, où nous
trouvons le niveau d’étiage de notre principe du plaisir. Ou bien au contraire, que las des
espaces connus, nous cherchions la conquête de contrées inconnues ou sauvages où nous
allons fixer pour la première fois le lieu inatteignable où nous étions auparavant étran-
gers, et dorénavant devenus familiers, mus par l’angoisse exquise de ne point l’avoir à
jamais conquis. Ce qui fait « bander » non pas tant ce qu’il y a d’immédiatement phallique
dans notre sexualité, mais bien plutôt tous nos sens, pour pouvoir constamment produire
tout à la fois et l’excès de plaisir – c’est-à-dire le Mehrlust freudien traduit par Lacan
comme plus-de-jouir – qui nous fait sentir vivants, la dépense qui nous rassérène, et la
satisfaction d’un danger maîtrisé qui nous endort.
Le non-savoir, l’impossible à savoir reste celé non pas par le mystère du mirage de
l’image, mais par l’insondable non spécularité de l’objet, par son caractère radicalement
aufgehobene, supprimé, mais qui fait de ce vide restant le lieu inatteignable de ce qui
parvient à mouvoir tout à la fois et notre corps et en lui les lieux où se trouve notre trésor
caché.
Ce sera après la disparition de l’objet pulsionnel dans le miroir plan que nous passe-
rons, et ce sera ça la ‘vraie’ fin de l’œdipe, à la recherche d’un – des – prochain(s) que nous
réussirons à faire devenir un semblable à aimer et désirer, où nous devinons pouvoir
retrouver et où nous aurons retrouvé – wiedergefunden, disait Freud dès 1905 –, l’écran
où apparaîtra ce qui était disparu de l’Autre primordial. Mais ceci, relevant de la troisième
identification, hystérique 42, ne sera guère traité ici.

42. Définie par Lacan dans le Séminaire « L’Insu… ». Il y donne de cette identification une tout
autre définition que Freud.
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48 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 13 •

Nous ne pouvons ici étudier ceux qui se sont penchés sur les processus réels de consti-
tution du corps – Dolto – ou sur la réalité (imaginaire) maternelle du miroir – Winnicott –.
Il va de soi qu’ils occupent pour nous une place de choix, et nous pensons qu’ils l’ont eue
pour Lacan aussi. Mais ce dont il s’agit ici, c’est de montrer que le miroir n’est pas tant l’ob-
jet réel par lequel le bébé qui devient enfant reçoit sa propre image, certifiée par l’Autre
quant à la validité de cette scène, mais surtout que le miroir est bel et bien cet Autre, et
l’image de nous même est celle qu’il a de nous. Qu’il arrive que l’Autre ne puisse pas avoir
cette image, que les signifiants par lesquels il pense, ou ne pense pas son enfant condam-
nent celui-ci à ne pas être, ou à n’être qu’une partie de son corps, objet non supprimé qui
assure le remplissage d’une zone érogène, il lui sera alors à tout jamais impossible d’iden-
tifier comme sienne l’image qu’il recevra du miroir, ne la reconnaissant jamais comme
étant du même ordre que toutes les autres perceptions de son corps, auxquelles il ‘croit’ 43.
Nous pouvons dire aussi que là, la mère n’est pas le grand Autre, elle n’occupe pas cette
place. Le destin de l’enfant qui découle de l’absence de cette image est ce que tous nos
patients en crise psychotique aiguë nous ont toujours dit lorsqu’ils nous disaient : « Je ne
me vois pas dans le miroir. » Il ne s’agit pas tant d’hallucination négative où l’image vue
disparaîtrait, où le sujet en se regardant dans le miroir serait soudain devenu invisible, où
il verrait la pièce où il se trouve mais sans lui, comme dans la série américaine L’homme
invisible, mais bien plutôt que son image visuelle lui est étrangère, qu’il ne peut pas la
rattacher aux sensations corporelles qui lui servent encore de référence pour pouvoir
énoncer : « je » ne « me » reconnais pas dans le miroir. Il n’est pas pareil d’avoir comme
référence inconsciente du sujet un objet « a », qui n’est pas le même que celui qu’on
trouve sur l’écran d’un(e) partenaire désiré(e) 44, que d’avoir des sensations propriocep-
tives comme référence du « je ».
Que s’est-il donc passé entre le premier miroir de 1936-1949 et les deux miroirs de
1960 ?
Tout d’abord, un changement dans la connaissance neurologique du cortex. De la
connaissance d’un « homuncule » des efférents moteurs situé sur la frontale supérieure,
la recherche a localisé l’endroit où l’on trouve « l’image » des afférences sensitives et
sensorielles qui arrivent au cerveau par des voies indépendantes des voies motrices. L’exis-

43. Ceci est le récit exact de patients qui pouvaient le dire ainsi parce qu’ils étaient en analyse ;
ceux qui ne l’étaient pas, à l’hôpital, restaient, ce qui n’est pas étonnant, sur la négation de la
perception d’eux-mêmes, mais ne pouvaient en rendre compte. Il coïncide totalement avec ce
que Dolto dit dans maints endroits et dans la note que nous avons précédemment citée.
44. L’objet ‘a’ sur l’écran étant la conséquence et la destinée identificatoire heureuse du ‘a’ en
tant que tel.
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LE CORPS ET LA STRUCTURE 49

tence de celles-ci était connue dès la première moitié du XIXe siècle, mais on ignorait où
elles arrivaient via le cordon postérieur de la moelle : tout d’abord à un noyau du thala-
mus, et ensuite projetées via la couronne radiante sur le gyrus postcentral du cortex.
L’image des efférents moteurs étant génétique, l’image sensitivosensorielle ne l’est point,
car elle enregistre les modalités qui président à la façon dont le bébé est traité. Les sensa-
tions de portage, de temps de tolérance à la sensation de faim ou la non sensation de
faim, le chaud et le froid, la caresse de la parole qui se distribue non seulement sur la
surface du corps mais aussi au-dedans, car peau et cortex, embryologiquement tous deux
issus de l’ectoderme reçoivent l’effet de langage porté par la parole.
Dolto et Winnicott, psychanalystes émérites, de par leur expérience de pédiatres, ont
été surtout sensibles – sans que le second ait été le moins du monde partisan d’une théo-
rie du développement de la libido mais certainement des processus de maturation – aux
expériences qui permettaient ou non à un enfant, dans son rapport à sa mère et à son
milieu, de devenir quelqu’un qui pouvait être lui-même. Sans pour autant maintenir à vie
une relation anaclitique avec quelqu’un, son analyste y inclus. Leurs théorisations ont
permis une connaissance certaine de ce qui ne figurait pas dans ce que nous nommerions
– pour utiliser une métaphore mathématique – la théorie générale ou « standard » de la
psychanalyse, celle de Freud et de Lacan. Ceci ne voulant nullement dire qu’elles sont
additionnables telles quelles.

Représentation des surfaces corporelles à l’intérieur du noyeu latéro-ventral postérieur du


thalamus (d’après Penfield et Jasper). Le feutrage qui enveloppe les noyaux thalamiques
représente la formation réticulaire.
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50 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 13 •

Nous pensons que le miroir sphérique de Lacan fait référence, sans être identique, à
la découverte de l’autonomie de représentation sensitive et sensorielle au niveau cortical,
sans être lié à sa localisation. La différence essentielle étant, au niveau théorique, avec
Dolto et Winnicott, que pour Lacan la possibilité même de fonctionnement du cortex est
due non seulement aux expériences bonnes et mauvaises que tout nouveau-né connaît,
mais aussi et surtout foncièrement à l’effet de langage dans le corps, à l’introduction dans
celui-ci du signifiant cause de jouissance, ce que rien n’assure.
L’expérience des cures avec des enfants autistes, sans que des causes génétiques,
congénitales, traumatiques ou infectieuses puissent être décelées, montre que ce qui a fait
défaut, pour des raisons diverses, c’est l’effet de langage, autrement dit, que l’enfant ait
été manque phallique pour l’Autre.
Nous ne pouvons pas dire – ce serait faux – que Dolto ou Winnicott aient privilégié un
abord seulement empirique ou simplement médical 45. Par ailleurs, ils ont commencé leur
pratique d’analystes avant que ce que nous venons très brièvement de décrire ait été
connu. Ils n’ont jamais séparé le « corps » du « psychisme » et ont élaboré une théorie de
la libido et de la subjectivation. Winnicott, en particulier, est le créateur d’un objet et d’un
espace qui est une condition préalable, dans le mouvement réel, à celui de la pulsion,
comme aussi bien de l’illusion nécessaire à la constitution de l’objet et les modalités de sa
perte, ou des difficultés de cette perte.
Le miroir sphérique est effet du signifiant, à condition que celui-ci soit investi par
l’Autre réel, ce qui permet que ce qui est sensitif et sensoriel devienne érogène – pour être
désexualisé après –, que cette expérience non seulement puisse en partie se dire, mais
aussi que ce qui arrive par ces voies soit réuni et séparé par les pulsions. C’est le signifiant,
sous cette condition, qui fait que le corps biologique, ou soma, non seulement acquiert un
statut imaginaire mais que, ce faisant, il entoure et ferme les trous pulsionnels, ce qui est
déjà symbolique. Lorsque ce n’est pas le cas, au niveau biologique, les sphincters ne fonc-
tionneront pas comme tels, le défaut de centration sur du vide de l’érogénéité a pour
effet que la fibre striée des lèvres reste molle, que le sphincter anal ne retienne pas à
volonté, même lorsque la maturation neurophysiologique permettrait de le faire.
Finalement, en ce qui concerne ce miroir, tout porte à faire de celui-ci un effet de Φ,
le signifiant qui, porté par l’amour et seulement par lui, produit à la fois l’image réelle du
corps et les phases active et passive de la pulsion.

45. La production de tout analyste, Freud et Lacan y inclus, comme nous essayons de le montrer
dans cette note, porte la marque indélébile de sa formation intellectuelle.
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LE CORPS ET LA STRUCTURE 51

En ce qui concerne le miroir plan, à la différence du premier, il n’est pas seulement effet
de l’Autre réel, mais il est déjà l’Autre symbolique, ce qui veut dire barré non seulement
par l’effet de Φ, mais surtout par l’inscription de S1, lequel est un don de l’Autre, un don
de son manque de signifiant. En quoi, sans tomber le moins du monde dans la critique,
Lacan, sans faire de récit clinique, est plus radical que Winnicott. Néanmoins, il faut dire
que le travail de ce dernier était appuyé sur le miroir de 1949 et qu’il n’a pas eu connais-
sance du second. Tandis que Lacan connaissait on ne peut mieux le travail de celui-ci.

Ce schéma dessiné par Lacan 46 montre non seulement la disparition de l’objet de


l’autre côté du miroir mais, fait nouveau, l’apparition du sujet barré S/. La seule déduction
qui soit possible concernant cet effet de l’Autre qu’est le miroir plan nous mène à affirmer
qu’il est une conséquence de la mise en jeu du S1. Ceci peut paraître surprenant, mais si
chute il y a eu du ‘a’, ceci est, effectivement, un effet de castration. L’apparition du miroir
plan implique donc la première phase de l’identification secondaire au trait unaire, soit,
ici, le signifiant Maître.
La conséquence de cela est que la libido, qui investissait jusque-là l’image réelle et
l’objet pré-spéculaire, sera transvasée, pas toute, dans le vide de i’(a). Lacan appelle le
vide, lors d’un séminaire donné un mois avant 47, notre Heim. Notre foyer, notre chez
nous, qui est tel dans la mesure où nous avons trait avec ce qui nous cadre, car nous ne
« sommes » plus. Se référant ici on ne peut plus clairement au lieu d’où nous serons délo-
gés dans ce que Freud nommait l’Unheimlichkeit. Pauvrement traduit par inquiétante
étrangeté, c’est l’état où nous sommes angoissés, dans notre corps en entier parce qu’une
Jouissance nous en déloge, même si nous faisons cadre, et elle fait cadre.

46. Lors de la séance du 16 janvier 1963.


47. Lors de la séance du 5 décembre.
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52 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 13 •

Ce qui est dessiné dans le schéma 48 du bas à gauche, en haut, montre comment les
bords du miroir deviennent les bords de i’, les bords du corps comme semblable. Ceci est
le point le plus important du miroir lacanien : la glace n’est pas tant ce qui nous permet
de nous voir comme autre, nous interroger comment les autres nous voient comme objet,
mais surtout que les bords du miroir sont le bord du trou du corps, sont les bords de notre
propre corps. Nous avons un corps et pas seulement un soma, si et seulement si le miroir
nous borde.
Par ailleurs (le dessin ci-après, en bas) montre comment les bords de l’encolure permet-
tent de diviser – ce qui ne sera pas notre propos ici – la bande de Möbius de la chaîne signi-
fiante, de la pastille à quoi se réduit l’objet. Ce que le plan projectif permet de montrer
d’analytique, c’est comment cette division séparera à partir d’un objet qui n’existe pas dans
l’espace à trois dimensions deux figures qui non rien en commun. Le signifiant et l’objet.
Néanmoins, grâce à cet artefact topologique – qui a fait trembler d’effroi plus d’un grand
géomètre, car il n’existe pas dans notre espace –, il est possible, pour ceux qui le veulent,
d’avoir une intuition théorique du fait que l’objet comme tel est au cœur de la réalité.
Que le bord du vase, son encolure, soit vide est la monstration de la chute de l’objet
a. Cette chute, due à l’apparition du Signifiant 1, est la castration, dans la mesure où c’est
par cette perte que l’on aura accès libidinal à l’objet dans la réalité, avec lequel l’on pourra
fantasmer parce qu’existe déjà, invisible mais réel, son contenant, sa forme vide mais
matérielle qui en sera son support.

48. Du 30 janvier 1963. Tous ces dessins figurent et sont le travail de l’édition du séminaire
L’angoisse que l’on doit à Michel Roussan.
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LE CORPS ET LA STRUCTURE 53

Le dessin page 52, à droite 49, fait voir le trou dans le miroir qui permet que l’illusion
spéculaire soit telle, une illusion et non pas un double réel. Ce schéma permettra à Lacan
de passer, quatre ans après, à la « Logique du fantasme », où il rendra autrement compte,
par d’autres opérations, du surgissement, ici indiqué, du sujet barré à partir de l’objet.
Si grand Φ est ce sur quoi se fait l’identification primordiale, il est besoin de préciser
que ce signifiant atypique a une nature à double face, antinomique et paradoxale, mais il
est possible, pour montrer en quoi consiste sa nature amphibologique, de lui octroyer une
place d’argument dans des fonctions qui lui donnent des écritures différentes.
Si grand Φ est cause de jouissance, introduit dans le corps par la signification d’amour
de l’Autre, il produit cependant, par l’aliénation que cela induit, un effet « léthal 50 ». Ce
qui signifie, car ce mot de Lacan est un néologisme de son crû, autant létal que voué à
l’oubli, à être caché à tout jamais : racine d’aoriste second du grec lanthano, être occulté,
oublié, comme le fleuve Léthé, que les âmes des morts devaient traverser pour arriver à
l’Averne.
Au lieu d’introduire le schéma des cercles d’Euler pour écrire la logique de De Morgan,
que Lacan utilise dans ce séminaire, tout en le lisant, nous ferons autrement.
Pour se séparer de ce joui-sens phallique, celui qui de cette opération deviendra sujet
écrit sur les traces de cette jouissance un jugement d’existence : ∃χ ¬ Φχ
Il existe quelqu’un qui refuse cette jouissance, qui la forclôt. Ce quelqu’un capable de
le faire est dans le mythe fondateur le Père Mort qui, en énonçant un non de forclusion,
produit plusieurs effets : Il fait chuter cette jouissance comme petit a ; en s’emparant
d’elle, il divise l’Autre pour le sujet (en principe cet Autre devait déjà l’être, mais le sujet
ne trouve « ce que c’était être 51 » – lorsque la division de l’Autre devient, par ses effets,
patente mais pas pour autant sue – que lorsqu’il perd son être. L’écriture de Lacan, ou son
mode d’exposition, nécessite que l’on restitue ce que sciemment il lui ôte et à quoi secrè-
tement il fait allusion. Que l’Autre est un autre sujet sans que le sujet le sache, et pour-
tant quels sont les actes nécessaires pour que ce savoir se produise. Alors Φ devient, par la
perte de a, fonction phallique, soit castration d’un côté, et signification phallique : amour,
car celui-ci, si vrai, castre.

49. Séance du 30 janvier 1963.


50. « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse », séance du 27 mai 1974
51. « Ce que c’était être » est une formule d’Aristote dans sa Métaphysique, livre Z, que Lacan
commente abondamment dans sa « Logique du fantasme ».
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54 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 13 •

Ceci permet peut-être de concevoir que c’est l’amour de la mère – mais elle n’en
connaît jamais les Bedingungen, les déterminations – qui introduit la cause de jouissance,
soit l’effet de langage, à une double condition négative et paradoxale : qu’elle ne jouisse
pas ; mais aussi et en même temps, que son amour ne soit pas forclos de sa jouissance. Car
si elle n’aime pas, elle ne peut que seulement jouir, et toute seule. Et si elle ne jouit pas,
sans le savoir, son amour virginal connaîtra des difficultés, ou plutôt, ce sera l’enfant qui
connaîtra une difficulté à trouver en lui ce qui le fait à la fois être parlant et être jouissant.
Si l’Autre est supporté par quelqu’un qui s’aime elle-même dans la représentation de
sa maternité, elle se met logiquement à la place de Maître. Et, même si elle met à décou-
vert la nécessité pour sa jouissance de quelqu’un d’autre, cette position qui fut la sienne
restera à tout jamais gravée dans l’adoration et l’horreur qu’elle suscitera, témoins immar-
cescibles, chez le sujet devenu adulte, de ce que Freud nommait sa « préhistoire ».
Ce rapport dans l’Autre entre jouissance et amour, les deux faces de Φ, est indécidable.
C’est ceci qui fait de ce signifiant, cause et fonction à la fois, un élément si difficile à
manier théoriquement. Parce qu’il est impossible à manier dans le réel.
Or ce que nous voulions montrer, car c’est par là que nous avons commencé cette note,
que ce qui était chez Freud du côté du réel biologique comme trace première de culture,
le Père Mort, psychique inconscient refoulé par l’humanité, est devenu chez Lacan une
écriture logique, mais aussi une écriture qui est une contrainte.
Car c’est par sa création que le sujet peut se séparer – ce qui veut dire le déréaliser –,
de l’Autre, tout en étant subjectivé en lui. Séparation voulant dire aussi se signifier
ailleurs. Car c’est le signifiant auquel il s’est assujetti, le signifiant 1, qui peut lui permettre
de tuer tous les sens (assignations phalliques où c’est l’Autre qui jouit).
Aussi bien nous voulons terminer en répondant à l’autre question que nous nous
posions au début : Qu’est-ce ce qui rattache les identifications entre elles, car elles sont de
nature différente ? La première ayant comme cause Φ, la seconde S1 ?
Nous pourrons donner deux réponses :
Ce qui fait lien entre les deux, c’est la fonction paternelle chez la mère, qui lui permet
autant de faire offre de son vide 52 à l’enfant, qui se traduit par son équation : Φ que de
lui laisser saisir en elle le trait qui implique que ce ne sera pas elle le Maître de son enfant.
Ni non plus lui son Maître à elle, faute qu’il y ait un maître, non pas d’elle, mais de sa
jouissance.

52. Nous interprétons les dessins toponodologiques que Lacan présente lors des deux premières
séances du Séminaire « L’Insu.. . » en 1978.
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LE CORPS ET LA STRUCTURE 55

Si ceci est admis, la seconde identification chevauche la première dès très tôt. La
première, droite infinie, inscrivait les traces de jouissance et leur refoulement. Ce qui se
dit depuis Freud, le principe de plaisir est la première symbolisation qui lie le narcissisme
au réel. Pourquoi disons-nous symbolisation ? Parce que ce principe impose, dans son
fonctionnement même une limite à la jouissance, qui la rend impossible. Mais cette limite
est indicible, c’est la jouissance de l’Autre. La première identification, fermant le corps
dans ses zones érogènes, donne naissance aux directions passive et active des pulsions, ce
qui pourrait aussi se dire, oui et non.

Si nous figurons avec le rond noir, à gauche, le langage et avec le rouge, à droite 53, le
corps biologique, le soma, la seule et unique façon pour que langage et corps se nouent
est que la droite à l’infini Φ passe deux fois par-dessus le langage et deux fois aussi par-
dessous le corps. C’est cela l’identification primordiale. La condition pour que cette jouis-
sance infinie cesse d’être actuellement infinie, ne se ferme pas sur elle-même à l’infini,
mais se noue aux autres ronds, est la chute de a.
Pourquoi disons-nous que l’identification primordiale peut ne pas cesser même si la
seconde commence et semblerait être terminée ?
Un début de réponse serait que si cette identification-ci restait à tout jamais fermée 54,
ou qu’elle était non réouvrable, il n’y aurait, vraisemblablement, aucune possibilité de
transfert, donc d’analyse. Aucune identification imaginaire non plus, ce qui arrive à tout
un chacun, surtout en analyse 55.

53. Le dessin est extrait du Séminaire RSI, édition de l’Association lacanienne internationale.
54. Ce que conclurait une lecture rapide du nouage du nœud.
55. Parfois une identification se fait au trait de l’autre, mais devient bien vite identification à son
être. Exemple : lorsque l’Homme aux rats s’identifie à son cousin anglais Dick, parce que celui-ci
semblait avoir la faveur de la Dame, le patient de Freud commence à vouloir perdre du poids
(Dick voulant dire en allemand ‘gros’) avec un tel acharnement qu’en courant dans la montagne
il était prêt à se jeter dans un ravin. Freud commente sobrement qu’il voulait tuer le ’gros’ en lui.
L’identification était tout à fait œdipienne, mais le trait – et c’est en raison de cela que Freud
appelait cette identification régressive – menait tout droit à l’être de l’autre, et à la menace,
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56 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 13 •

Il est important néanmoins, de se rappeler l’identification secondaire, en s’inscrivant,


produit du nouveau, car c’est elle qui ferme le circuit de la pulsion et lui impose la voix
réflexive : se faire appeler, se faire nourrir, se faire regarder…
Nonobstant, celle-ci, la deuxième, est dans l’incapacité de border toutes les jouissances
de celle qui la précède : Si c’était le cas, elle se suffirait à elle-même pour assécher le ça et
faire qu’il ne reste que l’Inconscient, assécher le sur-moi et ne jouir que grâce aux pulsions
représentées dans le fantasme. Le ça et le surmoi étant, finalement, ce qui de l’objet reste
non lu par le trait unaire. S1. Le premier (le ça) n’étant pas régi par la métaphore et la
métonymie, le second non couvert par les vêtures de la pulsion. Ils se logent dans le vrai
trou, sans bord.
Le corps narcissique n’arrivera jamais à habiller cet endroit, là par où le corps, malgré
les fermetures pulsionnelles, reste ouvert ; cette ouverture étant de l’ordre de l’irrepré-
sentable.
Il arrive aussi que les identifications secondaires aient bel et bien eu lieu, et qu’un reste
néanmoins de jouissance phallique vienne au jour de la cure, sans avoir été traduit par le
signifiant maître. Ce serait encore différent si l’on trouvait que dans cette jouissance non
traduite gît un savoir.
Il est courant pour quiconque a une expérience de l’analyse, lors des entretiens de
demande de cure, de trouver que bien des fois les identifications secondaires ne sont pas
terminées ; mais il est aussi vrai que si la secondaire bouclait la primordiale, les identifica-
tions ne seraient jamais mises en question. Ce qui arrive aussi dans certaines analyses, qui
se terminent avec un remerciement et une poignée des mains lorsque l’analysant a pu se
débarrasser, ou laisser en dépôt, en oubliant le ticket lors du départ, l’excès de Jouissance
qui le faisait souffrir. Ce qui n’ôte rien à l’analytique de ces cures.
Cependant la persistance imaginaire de l’identification primordiale, « en dessous 56 »
de la secondaire, rend les identifications instables, la demande d’amour intense et même
insatiable, la jouissance de l’Autre par trop présente dans l’angoisse.

compréhensible, de passage à l’acte, car le fantasme était, là, battu en brèche. On peut tirer
comme conclusion que le trait unaire de Freud n’est pas exactement le S1 de Lacan, même si
celui-ci l’a pris du premier. Mais aussi l’on ne peut pas en conclure que quelqu’un qui est passé
par la traduction que la castration opère sur sa jouissance est assuré à vie de ne pas faire face à
une jouissance meurtrière.
56. « En dessous » n’étant pas une bonne image, on peut penser, ainsi que Lacan le dessine, qu’un
rond reste ouvert comme droite à l’infini, mais bien enlacé aux deux autres. Dans ces cas, la tâche
de l’analyse consiste non pas à ouvrir des ronds, pour faire chuter de la jouissance, mais à y faire
des nœuds, des épissures.
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LE CORPS ET LA STRUCTURE 57

Il nous semble possible de soutenir que Winnicott autant que Lacan, par des modali-
tés de direction de la cure très différentes, visaient tous deux à traiter de l’Inconscient bien
davantage que le refoulé secondaire. Sans que cela veuille dire que l’on doive oublier le
symptôme.
Lacan nous l’a appris, même si c’est de manière un peu allusive, en montrant l’ouver-
ture à l’infini des ronds du réel, du symbolique et de l’imaginaire, dans le mouvement
contraire à leur fermeture. Ceci vaut, à notre avis 57, comme méthode d’accès à l’identifi-
cation primordiale. Cela voudrait dire que la tâche de l’analyse est de parachever ce que
la deuxième identification n’a pu réussir. Et d’assurer l’accès à la troisième, c’est-à-dire, à
la possibilité non seulement de trouver dans la réalité des écrans où projeter l’objet en en
faisant l’union du bien et du plaisant, mais aussi à la capacité de le changer. Définition que
Freud donne dans « Deuil et Mélancolie ». « Écran » étant le concept de ce qui peut
permettre, et en ceci nous nous avançons sur la troisième identification, de faire que le
prochain, toujours menaçant de jouissance énigmatique, parvienne à être mon semblable,
même si ce qui peut-être source de danger soit condition aussi de ma jouissance.
Une analyse n’étant pas pour autant destinée à changer comme visée directe les traits
de l’Idéal, mais à séparer celui-ci de la jouissance de l’objet. L’amour de transfert, en ce
qu’il véhicule de supposition de savoir, permettant à tout le moins d’essayer, non pas tant
– dans le but de liquider la jouissance dans ce qu’elle a de parasite ou mortifère – de
donner au sujet un nouveau Maître, que de la civiliser – soit la faire disparaître comme
telle, autant que faire se peut, dans l’ordre de la lettre.

RÉSUMÉ
Le propos de cette note de recherche est a) d’étudier la différence entre les deux théories du miroir
chez Lacan, autant comme théories psychanalytiques qu’en référence aux modifications dans la
connaissance du cerveau qui eurent lieu en neurologie entre 1930 et 1960 ; b) de suivre sur le plan
épistémique le changement de paradigme opéré en embryologie et dans la théorie de l’évolution
entre Freud et Lacan ; c) de commencer à esquisser l’isomorphisme entre les théories de l’aliéna-
tion/séparation, certaines formalisations algébriques et logiques, par exemple les quanteurs de la
sexuation, et les temps des identifications freudiennes ; d) de soutenir le chevauchement, au moins
pendant un certain temps – mais pas pour autant moins significatif – et surtout pendant la cure, de
la première – Φ – et la deuxième – S1 – identifications.
MOTS-CLÉS
Miroirs sphérique et plan, histoire des sciences, changements de paradigme épistémique, identifica-
tion narcissique et pulsion.

57. Silvia Amigo a travaillé la valeur et la pertinence de cet enseignement de Lacan dans son livre
Clinique des échecs du fantasme, Homo Sapiens, Rosario, 1999.
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SUMMARY
The purpose of this research note is a) to study the differences between the two theories of the
Mirror in Lacan, as well as autonomous psychoanalytic theories, inasmuch as they also refer to the
modifications in the neurological knowledge of the brain between 1930/1960. b) To follow up on an
epistemic level the change of paradigm operating in embryology and in the evolutionary theory
between Freud and Lacan. c) To start sketching an outline of the isomorphism between the theories
of alienation and separation, some algebraic and logical formalisations, such as the quantifiers of
“sexuation” and the “stages” of Freudian identifications. d) To assert the existence of an overlapping,
at least during a certain, but significant time frame, and above all during the cure, of the primary –
Φ – and the secondary – S1 – identifications.
KEY-WORDS
Spherical and flat mirror, History of Sciences, Change of Epistemic Paradigm, Narcissistic Identification
and Drive.

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