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île
Le Maroc
s’ouvre
U
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au XXI siècle
IA
ce
Presse
Catherine BRAMAT (01 77 49 79 05) catherine.bramat@iau-idf.fr de leur mandat dans ce conseil, ou leurs suppléants respectifs
Fabrication membres de ce conseil ;
Sylvie COULOMB (01 77 49 79 43) sylvie.coulomb@iau-idf.fr
- le président du conseil économique et social de la région Île-de-
Maquette, illustrations
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de ce conseil ;
an
Cartographie
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dans ce conseil, ou leurs suppléants respectifs membres
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Frconditions ;
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Île-de-France représentant le ministre de l’Intérieur, le directeur
régional de l’Insee représentant le ministre du Budget,
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e-
Commission paritaire n° 811 AD le représentant régional de l’Équipement d’Île-de-France,
ISSN 0153-6184 représentant le ministre chargé de l’Urbanisme
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p. 1 : Jean-Luc Comier/le bar Floréal photographie/Région ÎdF
p. 2 : service de presse de l’Ambassade de France au Maroc
p. 4 : Christian Lauté
Éditorial
Île-de-France - Maroc :
développer un partenariat fructueux
ce
l’environnement ou la santé, l’aménagement
et les transports, le développement économique, mobilisent ainsi
les moyens humains et financiers des collectivités.
Ils visent le renforcement des capacités d’action de l’ensemble
an
des partenaires, la réalisation de projets porteurs et la mise en synergie
des acteurs sociaux et économiques au niveau national ou métropolitain.
à cet édifice.
Jean-Paul Huchon
Président du conseil régional d’Île-de-France
Président de l’IAU île-de-France
1
Préface
Coopération franco-marocaine :
imaginons ensemble l’urbanisme de demain
ce
engagées dans la construction rapide de logements
pour répondre aux besoins croissants.
Il faut rappeler par ailleurs que le Maroc a su créer dès le début du XXe siècle
une dynamique architecturale et urbaine innovante et imaginative
an
qui ne s’est jamais démentie et qui a répondu aux nécessités
de sa modernisation et de son essor.
Dans ce double contexte, le Maroc est également attentif aux expériences
d’urbanisme que d’autres pays ont conduites, pour s’assurer en particulier
que les citoyens seront effectivement au cœur de la cité
Fr
et que les extensions urbaines ne deviendront pas des poches d’exclusion.
Les relations établies entre l’IAU île-de-France et ses partenaires marocains
prennent ainsi tout leur sens. Articuler transports publics et privés
pour favoriser la mobilité, construire des logements résidentiels et sociaux
e-
dans les mêmes zones pour assurer de la mixité urbaine, penser les espaces
verts et les aires de jeux et de sport pour la jeunesse, imaginer les emplois
au cœur de la cité pour éviter les déplacements trop longs,
tels sont les défis qui se posent aux autorités marocaines. La coopération
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Bruno Joubert
Ambassadeur de France au Maroc
2
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3
Avant-propos
IAU île-de-France - Maroc :
les enjeux de la métropolisation
ce
sa place dans le concert des grands bureaux d’expertise
nationaux et internationaux. Dans cette mobilisation, les partenariats noués
avec le Maroc tiennent une place particulière, du fait de leur ancienneté,
de leur intensité, de leur durabilité.
an
Cette continuité a couvert des situations bien différentes, le Maroc
et l’Île-de-France ayant connu des évolutions profondes de leurs contextes
institutionnels, économiques, sociaux, environnementaux. Aujourd’hui,
le Maroc développe une stratégie de mise à niveau généralisée
Fr
de ses infrastructures et de ses services urbains. L’enjeu est triple : assurer
le développement humain en luttant contre la pauvreté, organiser
une gouvernance multi-acteurs pour articuler contraintes publiques
et recouvrement des coûts, et assurer la coordination des projets
e-
de développement territorial dans le cadre de la décentralisation.
Ce moment nous a semblé opportun pour porter un regard
sur les évolutions qui sont en cours aux plans national et régional,
sur leurs articulations avec les grandes tendances à l’œuvre au niveau
-d
François Dugeny
Directeur général de l’IAU île-de-France
4
Prologue Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010
ce
de la ruralité à l’urbanité. Si ce phénomène a démarré au VIIIe siècle avec la création
de la ville (médina) de Fès, il connaît depuis la deuxième moitié du siècle dernier
une accélération. La vie urbaine n’est donc pas récente dans un Maroc qui a vu sa
capitale déménager au gré des civilisations entre Fès, Marrakech, Mekhnès et Rabat.
an
Cette diffusion de la culture urbaine à travers le temps et l’espace a doté le pays
d’une armature urbaine variée capable de structurer le vaste territoire national.
Dans ce contexte, les villes marocaines se sont développées rapidement, par des
extensions difficilement maîtrisables. Désormais, pour faire face aux enjeux du nou-
veau siècle, l’essor du pays se joue essentiellement par la métropolisation de ses
Fr
grandes villes. La mondialisation, la concurrence internationale, la crise énergé-
tique, le changement climatique, la maîtrise du développement urbain dans une
vision de durabilité sont aujourd’hui autant d’enjeux auquel le pays doit répondre.
La volonté politique exprimée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI place l’Homme
e-
et son épanouissement au premier rang des objectifs nationaux. L’habitat digne
prôné par Sa Majesté se traduit par la politique nationale des Villes sans bidonvilles
et par le développement massif de l’habitat social, l’amélioration des conditions de
vie de la population la plus vulnérable trouve son écho à travers l’initiative nationale
-d
Victor Said
IAU île-de-France
5
Sommaire
Éditorial : Île-de-France - Maroc :
développer un partenariat fructueux
Jean-Paul Huchon ............................................. 1 Le Maroc
Préface : Coopération franco-marocaine :
imaginons ensemble l’urbanisme de demain en perspective :
Bruno Joubert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Avant-propos : IAU île-de-France - Maroc : regards croisés
les enjeux de la métropolisation
François Dugeny .............................................. 4 LES POLITIQUES URBAINES À L’ŒUVRE
ce
Victor Said ................................................... 5 Interview de Ahmed Taoufiq Hejira . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
Le Maroc d’aujourd’hui : dynamisme et ouverture Les villes nouvelles marocaines
Philippe Louchart, Jean-François Saigault ..................... 8 Abderrahmane Chorfi ....................................... 51
Réintégration des médinas
an
dans la dynamique des villes
Asmae Sedjari ............................................... 54
L’évolution urbaine
île
Articulation urbanisme-transports
dans le Grand Rabat
Mohamed Aouzaï ........................................... 72
du Maroc : Rabat-Salé : le tramway pilote du Maroc
Loubna Boutaleb ............................................ 74
d’un siècle à l’autre Trame urbaine de Casablanca et mobilité durable
U
Pierre Mayet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
ce
l’enjeu identitaire à travers l’histoire
Salima Naji .................................................. 107 OBSERVER, ANALYSER ET DÉCIDER : LES OUTILS ADAPTÉS
Un centre de documentation
ADAPTATION DES OUTILS JURIDIQUES ET INSTITUTIONNELS pour la direction de l’Urbanisme
an
Évolutions institutionnelles, Linda Gallet, Micette Hercelin ............................... 162
décentralisation et jeu d’acteurs Des observatoires urbains pour comprendre et agir
Ministère de l’Intérieur du Maroc ........................... 111 Agnès Charousset ........................................... 164
Aménagement du territoire : Les SIG au service de l’urbanisme
du stratégique à l’opérationnel et de l’aménagement au Maroc
Abdelouahed Fikrat
Le développement durable
dans la réforme de l’urbanisme
.........................................
Fr
115 Michel Hénin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les statuts complexes d’un foncier rare Tableaux de bord et gestion des documents
Azzeddine Hafif ............................................. 120 d’urbanisme
Laurie Cransac, Nicolas Laruelle ............................. 169
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30 ans de coopération
île
avec le Maroc
DES ACTIONS PARTENARIALES ADAPTÉES AUX TERRITOIRES
La vallée du Bouregreg :
U
Le Maroc d’aujourd’hui :
Philippe Louchart dynamisme et ouverture
Jean-François Saigault
IAU île-de-France
ce
répartition des richesses, avec le risque
d’une marginalisation de quelques
espaces géographiques. Face
an
à cette concurrence, le Maroc opère de
grands changements, au prix d’efforts
significatifs, en définissant de nouvelles
J.-F. Saigault/IAU îdF
Fr stratégies de modernisation et de
développement humain.
e-
e Maroc a précocement engagé une poli- seulement au Maghreb et en Afrique, mais aussi
L
Le Maroc a mis en place
de nombreuses stratégies tique de modernisation, dans tous les dans toute la région méditerranéenne, le parte-
nationales visant à renforcer domaines, en optant pour une ouverture nariat avec le Maroc a une valeur fondamentale
son développement économique vers l’extérieur, une insertion dans l’économie pour l’UE. Dans ce sens, le Maroc a signé un
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et humain, ainsi que son mondiale et une accélération des réformes ces accord d’association avec l’UE, entré en vigueur
positionnement international. dix dernières années. en 2000, et a obtenu en octobre 2008, le très
convoité « statut avancé ». Le Maroc est le pre-
Les ambitions du Maroc mier pays à bénéficier de ce statut qui constitue
île
ce
tionnelles, visant à la modernisation du pays. Une mutation multifacette
De nombreuses actions ont été menées afin de la société marocaine
d’établir un état de droit comme socle du déve- Le développement du pays et son urbanisation
loppement du Royaume, et de corriger les dis- ont été accompagnés de mutations profondes
an
parités sociales et régionales (Initiative natio- de la société et des modes de vie de la popula-
nale pour le développement humain, INDH). tion. Ces évolutions sont notamment allées de
Des réformes structurelles massives ont été pair avec une scolarisation massive et prolon-
mises en œuvre afin de renforcer la compétiti- gée des nouvelles générations, en particulier
vité des entreprises et de libéraliser l’écono- des filles, le recul régulier de l’âge du mariage,
mie. Sur ce dernier point, les réformes ont été
particulièrement marquées : privatisation des
entreprises publiques et décentralisation ; pro-
Fr
l’usage croissant de moyens contraceptifs et
l’exercice de plus en plus fréquent d’une acti-
vité professionnelle en dehors du foyer pour
motion des investissements nationaux et inter- les femmes.
e-
nationaux ; réforme du secteur financier et de La diffusion des valeurs modernes dans la
la fiscalité ; libéralisation du contrôle des société marocaine via l’école publique ou l’ac-
changes, du commerce extérieur et des prix ; cès massif aux médias audiovisuels, surtout en
abaissement des barrières douanières ; encou- ville, est indéniable. L’évolution du droit maro-
-d
ragement de la concurrence et libéralisation cain témoigne par ailleurs d’un effort politique
de secteurs-clé, tels que les télécommunica- constant pour faciliter ces transitions. La
tions, le transport routier de marchandises et réforme récente du code de la famille, adop-
l’électricité. tée en 2004, consacre des droits et des obliga-
île
La définition de projets économiques « por- tions fondés non seulement sur le principe
V. Said/IAU îdF
teurs » et les choix politiques ont permis de des- d’égalité entre l’homme et la femme, mais éga-
siner les grands objectifs de marche du lement et essentiellement sur la volonté de
Royaume. Des actions nationales et sectorielles garantir les droits de l’enfant et de préserver la
sont venues appuyer cette stratégie : la Vision cohésion de la famille. Cette réforme fait du La scolarisation massive
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2020, le plan Azur et le plan Biladi pour le tou- Maroc l’un des pays les plus progressistes de la et prolongée des nouvelles
risme ; le plan Rawaj pour le commerce et le région et ceci, même si les mentalités évoluent générations permet la diffusion
plan Maroc vert pour l’agriculture. Dans l’indus- plus lentement que le droit. de valeurs modernes.
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ce
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limite de commune
limite de province ou
préfecture
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limite de région
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tent aujourd’hui plus de 50 000 habitants. développement humain », paru en octo- Le Maroc dans le monde
Cette urbanisation massive, notamment à la bre 2009, témoigne de la persistance d’un déca- Le Maroc figure à la 118e place mondiale
périphérie des grandes villes, a été, d’une part, lage entre le développement économique et le en termes de revenu par habitant alors
qu’il est relégué au 130e rang pour l’indice
largement spontanée, avec le développement développement social du Maroc : certains indi- de développement humain (IDH)
de l’habitat non réglementaire et, d’autre part, cateurs sociaux tels que l’indice de dévelop- et même au 150e rang pour le seul
facilitée par la multiplication des dérogations pement humain (IDH) sont inférieurs à son indicateur d’éducation. À l’inverse,
accordées. Les programmes récents de positionnement économique, et d’autres sont d’autres indicateurs classent le Maroc
construction de logements sociaux ou de villes nettement au-dessus (malnutrition, espérance à un niveau parfois bien supérieur
à son développement économique
nouvelles ont également renforcé la tendance de vie). L’insuffisance de la croissance écono- (entre le 62e et le 98e rang), notamment
à l’urbanisation du pays. Néanmoins, l’accom- mique du Maroc explique pour partie ce déca- l’espérance de vie, la malnutrition
pagnement de cet important phénomène s’est lage, mais pour partie seulement. infantile, l’indice de pauvreté humaine ou
fait sans vision globale inscrite dans le temps. l’indice sexospécifique du développement
Il en résulte une faible mixité sociale et fonc- Des politiques nationales et sectorielles humain – qui mesure la place des femmes
ce
dans la société.
tionnelle dans ces espaces périphériques, cou- favorables au développement humain
plée à une insuffisance d’équipements et de Les travaux menés par le HCP intitulés « Pros-
services, publics ou privés. pective Maroc 2030 » indiquent que le scéna-
À l’horizon 2030, les simulations réalisées par rio de l’efficience économique prioritaire qui
an
le Haut-commissariat au Plan (HCP) condui- conduirait à une croissance annuelle du PIB
sent à une stabilité en volume de la popu- de 6 % l’an ne constitue pas une option viable
lation rurale (aux alentours de 13 millions à long terme sur le plan social ou écologique.
d’habitants) et à une hausse continue de la L’avenir souhaité, celui de l’émergence, conduit
1998 2009
population urbaine (+ 7 millions d’habitants a à une croissance un peu plus modérée du PIB
Population 27,8 31,6
minima). Cette évolution suppose le renforce-
ment et la multiplication des polarités urbaines
en milieu rural, et la structuration des espaces
Fr
(5,5 % l’an), mais s’accompagne d’une forte
réduction du chômage et de la pauvreté. Ce
scénario passe notamment par une ouverture
(en millions d’habitants)
PIB/hab (parité de pouvoir
d’achat) en dollars
2575
(2008)
2769
(2008)
métropolitains à l’échelle des régions dans une maîtrisée et progressive de l’économie maro- Investissements directs étrangers 0,4 2,46
e-
vision de long terme. Faute de quoi, la pression caine à la mondialisation, une diversification (en milliards de dollars) (2008)
droit de préemption –, avec le risque d’accen- table des charges du développement social de plus de 15 ans)
tuer la dualisation de la société marocaine et entre les différents acteurs. Il permettrait au Taux de mortalité maternelle
d’entraver son développement équilibré à long Maroc de se rapprocher, à l’horizon 2030, de (pour 100000 naissances 230 240
terme. l’actuel PIB par tête des pays aujourd’hui émer- vivantes) (2005)
île
rural. Ceci, au même titre que la préservation développement du capital humain est un enjeu
et la reconquête des milieux naturels dégradés, majeur pour lui permettre d’avancer dans la
une gestion plus efficace et plus équitable des voie du développement économique et dura-
IA
ressources en eau et une réflexion sur la voca- ble. Sa Majesté le Roi Mohammed VI soutient
tion des terres à l’échelle du Maroc dans son depuis plusieurs années une vision à forte
ensemble, et dans chaque région. orientation sociale, à l’origine de nombreuses
La structuration des tissus urbains et ruraux à politiques nationales récentes (la Charte natio-
l’échelle des régions métropolitaines constitue nale pour l’éducation et la formation, la straté-
l’autre face de cet enjeu ; il s’agit de penser gie d’alphabétisation, l’Initiative nationale pour
en même temps et dans la durée, le déve- le développement humain, le programme Villes
loppement économique, la consommation/ sans bidonvilles, etc.) ou de projets d’envergure
préservation du capital naturel ainsi que le (Tanger Med, plan Azur, etc.). Les déficits en
développement humain, et ce, à la bonne matière de développement humain sont ainsi
échelle. clairement identifiés et reconnus, et leur résorp-
tion assimilée à un investissement consenti par
Des classements mitigés la nation.
au niveau mondial
En dépit de toutes ces avancées, le Maroc fait
aujourd’hui face à de multiples enjeux et défis,
notamment en matière de développement
humain. Le dernier « Rapport mondial sur le
11
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e-
Fr
an
ce
L’évolution urbaine
ce
du Maroc :
d’un siècle à l’autre
an
Fr
Mettre en perspective la ville d’aujourd’hui au regard
de l’évolution urbaine depuis le début du XXe siècle,
c’est comprendre les transformations propres à chaque
période pour anticiper les possibilités d’adaptation
e-
aux exigences de la vie urbaine du XXIe siècle.
Analyser les caractéristiques des villes européennes,
juxtaposées aux médinas, et les interactions mouvantes,
-d
13
Le développement
urbain du XXe siècle
ce
an
De la médina
à la « ville européenne » au Maroc
Fr 15
L’explosion urbaine
e-
de la seconde moitié du XXe siècle 21
au Maroc 25
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L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Le développement urbain du XXe siècle
De la médina à la « ville
européenne » au Maroc
Jean-François Troin(1)
Université de Tours
ce
locales. Elles incarnaient un nouvel
aménagement esthétique
et fonctionnel, basé sur des plans
an
d’urbanisme aux conceptions les plus
modernes. Comment leurs rapports
ont-ils évolué au fil du temps
Fr Virtual Earth et des usages ? Quel est leur avenir
face à la rareté du foncier ?
e-
Ville nouvelle », « ville européenne », « ville de nos jours, une étonnante diversité. Dans la
«
À Rabat, comme dans de nombreuses
villes marocaines, la dichotomie occidentale », « ville coloniale », la termino- plupart des grandes villes, se trouvent ainsi
entre médina et ville européenne logie utilisée pour désigner les nouveaux juxtaposés à un noyau historique appelé
est encore visible dans le tissu quartiers édifiés sous le Protectorat, installé au médina(3) une ville ex-européenne bâtie lors du
-d
urbain. Maroc à partir de 1912, est quelque peu floue. Protectorat, des quartiers d’immeubles et de vil-
La réalité de ces ensembles bâtis est pourtant las récents post-Indépendance, des cités de
bien réelle : de vastes quartiers d’immeubles, logements sociaux de diverses époques, des
de villas, d’édifices publics se dressent de Tan- zones d’autoconstruction (urbanisation non
île
rat(2), ce bâti est aujourd’hui mieux perçu et portance des tissus de médinas que les Euro-
mieux intégré au patrimoine national. Certains péens tinrent à l’écart de leurs projets de
immeubles sont, depuis peu, protégés et font constructions. En effet, alors qu’Alger, Constan-
IA
partie intégrante d’un héritage progressivement tine et Tunis connurent des modifications d’en-
accepté. Les pressions spéculatives sont fortes, vergure qui portèrent atteinte à leur intégrité, les
leur entretien de ce bâti pose néanmoins pro- médinas marocaines furent relativement épar-
blème et interroge sur la sauvegarde de ce gnées par le Protectorat. Des mesures de protec-
patrimoine architectural. tion, voulues par Lyautey(4), vont leur être appli-
quées dès 1913 par souci de conservation du
Médina et ville nouvelle européenne : patrimoine bâti et de séparation entre la «vieille
un doublet urbain en opposition ville » et la « ville nouvelle ».
Il faut dire que la différence entre ville arabe et Curieusement, lors de l’Indépendance (1956),
ville occidentale, qui était manifeste au début les médinas seront à nouveau perçues par les
du XXe siècle, n’est plus aujourd’hui la seule responsables politiques du pays « comme les
composante de la ville marocaine. La ville ex-
coloniale est aujourd’hui noyée dans une (1) Jean-François Troin est géographe et professeur hono-
raire à l’université de Tours.
masse urbaine étendue et complexe qui l’en- (2) Certains ensembles, comme le théâtre municipal de Casa-
serre et la digère presque. blanca, ont même été détruits après l’Indépendance et, plus
En effet, forte d’une longue histoire, la ville récemment, le marché couvert de Marrakech a disparu sans
susciter beaucoup de réactions.
marocaine contemporaine accumule des (3) Médina signifie ville en arabe.
strates successives d’urbanisation et présente, (4) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p. 172.
15
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le développement urbain du XXe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 De la médina à la « ville européenne » au Maroc
ce
veau type d’espace urbain : les bidonvilles. militaires, au mieux bordé par des espaces
Il est essentiel d’avoir à l’esprit cet antagonisme verts, servira de relais entre ville ancienne et
entre la ville historique, la médina, perçue par ville nouvelle. Il s’agit, officiellement, de trou-
les Européens comme un héritage obligé dont ver des sites spacieux où la ville pourra « s’ins-
an
ils se méfieront parfois, et la ville dite « nou- taller » dans le respect des habitats et traditions
velle », édifiée à l’écart, exemple de moder- des populations locales ; des mesures de pro-
nisme et image de réussite. tection des monuments anciens (mosquées,
portes, médersas, fontaines, remparts) seront
Une ville pour Européens, séparée, aérée, par ailleurs édictées. En réalité, ce « chacun
aux équipements spécifiquesFr
La volonté de séparer spatialement la ville nou-
velle de la médina préexistante est clairement
chez soi » est sécuritaire, avec une volonté de
coupure, un désir de ne pas mélanger anciens
et nouveaux citadins ; c’est aussi le prétexte
affirmée au Maroc. Si la médina est encore d’une recherche de surfaces étendues et libres
e-
enserrée de remparts, les nouvelles construc- pour étaler les nouvelles constructions sans
tions s’implantent par-delà un boulevard à dis- contrainte.
tance des murailles (à Rabat par exemple). Si la De fait, les urbanistes concevront des ensem-
topographie est accidentée (ravins, versants bles d’immeubles ou de villas aérés séparés par
-d
abrupts), la ville nouvelle s’installe sur un de larges voiries, des plans géométriques à l’op-
espace plan (Meknès, Fès) en ménageant un posé du lacis de ruelles de la médina, des
intervalle avec la médina. À Marrakech, le quar- espaces verts pour oxygéner ces nouveaux tis-
tier européen du Guéliz s’implantera avec un sus urbains. La ville se distend, s’étire, la circu-
île
certain recul par rapport aux portes de la lation y est aisée : elle se veut en tous points
médina. Casablanca fait office d’exception : les totalement différente de la ville historique.
Elle est par ailleurs destinée à satisfaire des
Meknès besoins typiquement occidentaux et s’équipe
pour cela. On y trouve en abondance casernes,
U
ce
plus au sud.
Un développement anarchique
puis régulé par les plans d’urbanisme
manifeste. Les témoins architecturaux de l’his- seront réalisés, appliquant les conceptions les
toire marocaine comme le Chellah, la Tour Has- plus modernes de l’urbanisme. Le Maroc sera
san et la porte de Bab Rouah seront intégrés ainsi un véritable terrain d’expertise disposant
à la ville nouvelle. On a pu parler d’un « urba- d’outils urbanistiques qui n’existent pas encore
île
dès 1914, au nord de Rabat, ou encore Fédala liberté sera laissée aux hommes de l’art. À Casa-
(aujourd’hui Mohammedia), port annexe de blanca, par exemple, « le pluralisme des
Casablanca. Une ville minière avec des quar- approches caractérise la production architectu-
tiers hiérarchisés selon les niveaux sociopro- rale : références à l’Art nouveau ou au néo-
fessionnels sera également fabriquée pour classicisme dans les années 1910, puis aux
accompagner l’exploitation phosphatière à thèmes Art déco dans la décennie suivante »
Khouribga. Une ville « militaire » sera implantée [P. SIGNOLES, 2006]. Mais les productions archi-
à Kasba Tadla. La volonté constructrice et le tecturales métissées (styles néo-mauresque ou
souci de créer un nouveau réseau de villes sont néo-marocain), si caractéristiques des édifices
évidents. L’accent sera mis sur le corridor atlan- publics, voisineront avec des réalisations de
tique, en opposition avec les villes tradition- type franchement moderne comme le rappel-
nelles de l’intérieur, développant ainsi un axe lent Jean-Louis Cohen et Monique Eleb [1998] :
littoral qui est aujourd’hui encore un élément « Aux types d’habitat courant des années 1920,
géographique et économique de déséquilibre tels que le petit immeuble de ville et la villa,
dans le fonctionnement de l’espace marocain. s’ajoutent les immeubles de luxe équipés à
Avec l’arrivée d’Henri Prost(5), architecte urba- grands appartements, les habitations à bon mar-
niste appelé par Lyautey en 1913, des principes,
règles et dispositions législatives seront adoptés (5) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p. 172.
17
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le développement urbain du XXe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 De la médina à la « ville européenne » au Maroc
Aménagement et extension de la ville de Casablanca - 1913 ché et les cités patronales destinés aux Maro-
cains. La course vers la grande hauteur, carac-
téristique des immeubles de bureaux, affecte
aussi l’habitation ».
Toute une série de courants architecturaux
pourront ainsi s’appliquer au bâti, donnant
une étonnante et foisonnante variété de
constructions : styles Art déco, arabo-européen,
influences californiennes et scandinaves mani-
festes dans la réalisation de villas cossues. Jean-
Louis Cohen et Monique Eleb [op. cit.] ont uti-
lisé le terme de «Babel africaine» pour désigner
Casablanca. Une très grande liberté semble
ce
avoir régné dans l’entre-deux-guerres dans les
cabinets d’architectes, autorisant des audaces,
parfois des productions mimétiques ou des
pastiches, parfois des adaptations et métissages
an
d’une grande inventivité. Le parc d’immeubles
Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle de Casablanca en témoigne encore aujour-
d’hui, offrant un échantillon étendu de bâtis
Henri Prost a appliqué des principes d’urbanisme innovants dans les plans d’aménagement diversifiés. Ajoutons à cela la qualité des
des villes de Casablanca, Marrakech, Fès et Rabat. constructions, les compétences des entreprises
Il distingue la ville traditionnelle, la ville européenne, les villas et les secteurs industriels. Fr aujourd’hui reconnues, les moyens financiers
importants mis à disposition, tous éléments que
l’on n’aurait pas trouvés à l’époque en métro-
pole. Profitant de cette chance, les concepteurs
e-
Aménagement de la ville de Marrakech - 1914-1924 ont pu ainsi laisser libre cours à leur esprit créa-
tif. À Casablanca, la place Administrative, l’hôtel
des Postes, le palais de justice, l’hôtel de ville
et même la cathédrale du Sacré Cœur témoi-
-d
ce
clandestins fleurissent. Sous-emploi et chômage
se développent de façon inquiétante et la
population européenne bien logée ressent une
menace d’encerclement. Écochard, qui a tra-
an
vaillé au Moyen-Orient, va s’attaquer frontale-
ment au problème du logement des plus dému-
nis. Dans les grandes villes, il lance «l’habitat du Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle
Références bibliographiques surélévations, des clôtures de jardins par murs, Ainsi, ces quartiers vont-ils rapidement chan-
des extensions de la surface bâtie, des transfor- ger d’échelle, passant de noyau central pour
• ABU-LUGHOD Janet, Rabat, Urban mations de garages en logements pour domes- résidents européens aux fonctions de centres
Apartheid in Morocco, Princeton Studies
on the Near East, Princeton University
tiques. On insèrera des mosquées dans les îlots directionnels régionaux, voire nationaux (et
Press, 1981. ex-européens. Des familles plus grandes, des même internationaux pour Casablanca). Ils
• COHEN Jean-Louis et ELEB Monique, modes de vie différents, des usages et traditions sont, dans le même temps, plébiscités comme
Casablanca. Mythes et figures d’une basés sur l’intimité du foyer expliquent ces lieux favoris de loisirs, de promenades, de sor-
aventure urbaine, Paris, Hazan, 1998. transformations. Paradoxalement, on conser- ties familiales, de fréquentation des cafés et res-
• DETHIER Jean, « Soixante ans d’urbanisme
au Maroc », Bulletin économique et social
vera les noms symboliques des quartiers rési- taurants par une population qui n’y réside sou-
du Maroc (BESM), n° 118-119, 1970, dentiels, comme Bellevue,Val Fleury, Belvédère, vent pas. Ce sont des lieux-vitrines, des espaces
pp. 5-55. Polo, Bel Air, Touraine, réalisant ainsi une sorte de démonstration, de rencontres pour jeunes
• NOIN Daniel, « Les grandes villes d’affichage de la promotion sociale qui s’est – célibataires ou en couple – car ces îlots
d’Afrique et de Madagascar. accomplie avec ce transfert d’habitat vers la urbains sont ouverts, relativement permissifs et
ce
Casablanca ». Notes et études
documentaires, n° 3797-3798, La
« ville nouvelle », ce terme continuant à être évocateurs d’un certain au-delà, une Europe
documentation française, Paris, 1971. employé par les Marocains bien après l’Indé- exotique pourrait-on dire.
• SIGNOLES Pierre, « La ville maghrébine », pendance.
chapitre III, dans TROIN Jean- Dans un second temps, à partir des années Une patrimonialisation encore incertaine
François (dir.), Le Grand Maghreb,
an
1970, un bouleversement beaucoup plus impor- En ce début du XXIe siècle, se pose le problème
Armand Colin, coll. « U », Paris, 2006.
• TROIN Jean-François et SIGNOLES Pierre,
tant va affecter la ville ex-européenne. La cen- de la conservation, de la sauvegarde et de l’in-
« Do new towns exist in Maghreb tralité des quartiers, la qualité du bâti (malgré tégration au patrimoine national de cet héri-
countries (Morocco, Algeria, Tunisia) ? », des dégradations liées à un entretien insuffi- tage bâti qui a vieilli, dont l’entretien est devenu
volume III, New Towns Symposium, sant), le manque de logements en périphérie, coûteux et qui a longtemps évoqué la forte pré-
Jubail, 1988, The Royal Commission for
Jubail and Yanbu et Arab Urban
Development Institute (AUDI), Riyad,
1993, pp. 1-20.
Fr
la proximité des équipements, mais aussi une
image redorée de la ville ex-européenne vont
provoquer une forte spéculation foncière et
sence étrangère. Nous avons évoqué les démo-
litions survenues, dans un premier temps, de
constructions emblématiques. Il semble qu’un
immobilière. On assistera alors à la démolition intérêt nouveau pour ce legs architectural et
e-
systématique de nombreuses villas remplacées urbanistique se manifeste chez les jeunes géné-
par des immeubles (quartier Agdal à Rabat ou rations. Les classements d’immeubles sont plus
Maârif à Casablanca), à la surélévation brutale nombreux, les projets de démolition suscitent
du bâti dans le centre-ville (Fès) ou à des modi- de plus en plus de manifestations et de protes-
-d
fications de façades. Des immeubles de verre et tations, des associations prônant la sauvegarde
d’acier surgiront pour abriter des fonctions ter- sont créées. Des banques, des sociétés ou com-
tiaires en plein développement (sièges sociaux, pagnies prennent conscience de l’image
banques), d’anciens hôtels seront remaniés, les « noble » que peut donner leur installation dans
île
Aujourd’hui, la conservation
du patrimoine peut être
problématique. Certains choisissent
de conserver l’esthétique du bâti,
V. Said/IAU îdF
L’explosion urbaine
Rachid Ouazzani(1) de la seconde moitié du XXe siècle
Collège des architectes
urbanistes du Maroc
ce
difficilement maîtrisable. L’arsenal
d’outils et d’organismes n’arrive pas
à répondre à la problématique
an
de l’habitat, notamment face
à la prolifération des bidonvilles.
Le dilemme entre une politique
Fr C. Delaporte/IAU îdF de rattrapage et celle d’une anticipation
reste d’actualité.
e-
explosion urbaine au Maroc, au cours En 1960, le Maroc comptait 112 villes, dont 11
L’
À Fès, toutes les variables du bâti
sont exploitées pour faire face de la deuxième moitié du siècle der- de plus de 50 000 habitants. En 2004, plus de
à la pénurie de logements liée nier est le résultat de la convergence 350 villes étaient recensées, dont 54 de plus de
à l’explosion urbaine. de plusieurs facteurs. Le taux de natalité dans 50 000 habitants. Cette catégorie de villes, qui
-d
les années 1960, 1980, voire 1990, est resté assez représente 15 % de l’ensemble des localités
élevé. Par ailleurs, la longue période de séche- urbaines, abrite près de 80 % de la population
resse et l’appel de main-d’œuvre non qualifiée urbaine. Aussi, l’armature urbaine atlantique
pour le développement industriel d’envergure regroupe 14 villes dont Casablanca avec ses
île
dans les grandes villes, particulièrement à Casa- 4 millions d’habitants, 3 villes de plus de 500000
blanca, ont accéléré la dynamique migratoire habitants – Rabat, Salé et Tanger – et 9 villes
des campagnes vers les villes. S’est ajoutée à d’un peu plus de 100 000 habitants.
tous ces phénomènes l’évolution sociétale
naturelle qui s’est traduite par l’aspiration de La prolifération des bidonvilles
U
tion ne trouvait son écho qu’en ville, les cation des bidonvilles et leur éloignement des
espaces ruraux à cette époque étant enclavés agglomérations au fur et à mesure des exten-
et les équipements de première nécessité fai- sions des périmètres urbains, ont rendu l’accès
sant grand défaut. aux services de base difficile ou impossible à
Cette situation a obligé les autorités à étendre bon nombre de citoyens. Les bidonvilles ont
les périmètres urbains des villes existantes et à continué à proliférer avec leur statut d’« habitat
promouvoir de nombreux centres ruraux en clandestin », privant leurs habitants de tout droit
centres urbains, sans que ces actions ne s’ac- d’accès aux services urbains de base.
compagnent d’un développement planifié en Malgré les efforts accomplis au lendemain de
termes d’infrastructure et d’équipement. l’Indépendance, cette forme d’habitat n’a pu
être endiguée. Bien au contraire, les années
L’explosion urbaine et ses conséquences 1970 ont vu apparaître, sous l’effet d’une crois-
Le premier recensement de 1960 estimait le sance démographique forte, une autre vague
taux d’urbanisation de la population maro- d’urbanisation, incontrôlée celle-là, poussant le
caine à environ 29 % ; en 2004, il était de 55 %. quart de la population urbaine à vivre dans des
Sur cette période, la population urbaine a
presque quintuplé, passant de 3,4 millions à (1) Rachid Ouazzani est architecte urbaniste et président du
16,5 millions d’habitants. Collège des architectes urbanistes du Maroc.
21
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le développement urbain du XXe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 L’explosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècle
ce
an
À Marrakech,
comme dans d’autres médinas
V. Said/IAU îdF
du Maroc, des demeures sur cour
sont réaménagées pour loger
plusieurs familles. Fr
bidonvilles. Informelle, dynamique et ignorant sante, la mise à disposition d’équipements et
les normes de salubrité, cette forme urbaine services dont les populations et les entreprises
e-
répondait à l’urgence et à l’immédiateté ont besoin, la lutte contre les formes d’exclu-
propre à la survie. En moins d’un demi- sion sociale, ainsi que le contrôle, l’organisa-
siècle, l’espace urbain marocain a connu de tion et la maîtrise de l’extension des agglomé-
profondes mutations, dont l’un des stigmates rations.
-d
toire, d’organisation des activités productives code d’investissement agricole en tant que
et de compétitivité. Ces questions sont d’autant cadre juridique d’intervention et la mobilisa-
plus cruciales que l’émergence de grands pôles tion de ressources hydrauliques, minières et
IA
urbains constitue, dans le contexte de la mon- énergétiques. Durant ces années, l’urbanisa-
dialisation, un critère déterminant d’attracti- tion s’est accélérée, et les bidonvilles et l’ha-
vité. bitat non réglementaire se sont développés
L’urbanisation est, en outre, un vecteur puissant pour concerner en 1972, près du quart de la
de transformation sociale et de développement population ;
humain de la population. En effet, en s’urbani- - la décennie 1970, au cours de laquelle les
sant, la société marocaine s’est ouverte à de pouvoirs publics ont été amenés à créer des
nouvelles valeurs et à de multiples mutations. organismes spécialisés, notamment les éta-
Parmi les grandes mutations sociospatiales que blissements régionaux d’aménagement et de
le territoire national a connues au cours des construction (Erac), chargés de la promotion
cinquante dernières années, l’urbanisation a immobilière, pour le compte et sous tutelle
été indiscutablement l’une des plus mar- de l’État. Les opérations spécifiques d’amélio-
quantes. Si ce changement a créé des potentia- ration des conditions de vie dans les zones à
lités considérables pour la stimulation de l’éco- urbanisation dégradée par la restructuration
nomie, l’équipement et la modernisation du des bidonvilles, la création de lotissements
pays, il a également soulevé de nombreux défis sur trames d’accueil et trames sanitaires amé-
nouveaux : l’équipement en infrastructures, la liorées, et l’équipement minimum en eau et
production de logements en quantité suffi- électricité n’ont eu qu’un effet limité, en rai-
22
son des faibles performances de ces orga- natives et réussies, ont été successivement
nismes et de la nature sommaire de leur inter- menées. Néanmoins, faute d’une véritable éva-
vention ; luation et d’un retour sur expérience, une poli-
- la décennie 1980 a vu l’émergence d’une tique cohérente de l’habitat n’a pu être mise
réelle prise de conscience de la question en œuvre.
urbaine et de ses incidences socio-écono- • L’État, en matière de logement social, a « jon-
miques à travers ses manifestations les plus glé » entre le rôle d’opérateur direct et celui de
apparentes : les bidonvilles et l’habitat non régulateur d’acteurs privés plus efficients que
réglementaire. En rupture avec le passé, une lui. La résurgence de la question du logement
véritable stratégie a été adoptée, avec une comme préoccupation centrale de l’équilibre
vision nouvelle considérant les bidonvilles et social et sécuritaire a conduit les pouvoirs
l’habitat non réglementaire comme des caté- publics à revenir sur leur stratégie de désenga-
gories formelles intégrables au tissu urbain, à gement et à renouer avec un rôle de produc-
ce
travers des programmes de développement teur direct de logements sociaux.
urbain. Cofinancés par l’État et la Banque • Par ailleurs, l’État n’a jamais engagé de poli-
mondiale, ces programmes ont concerné les tique volontariste dans le secteur locatif. L’ac-
grands bidonvilles de Rabat, Casablanca, Mek- cession à la propriété a été érigée en voie
an
nès et Kénitra. Les insuffisances d’ordre orga- presque exclusive d’accès au logement, ce qui
nisationnel, les contraintes de financement a bloqué toute solution d’offre dans le locatif.
et les difficultés de mobilisation d’une réserve De ce fait, le secteur locatif s’est souvent heurté
foncière appropriée ont eu raison de cette à une législation inopérante sur les loyers, à des
stratégie et l’ont menée à l’échec. Dans la litiges judiciaires prolongés et à une hausse des
deuxième moitié de la décennie, de nou-
veaux organismes ont vu le jour : l’Agence
nationale de lutte contre l’habitat insalubre
l’offre.
Fr
loyers disproportionnée eu égard à la rareté de
- depuis la décennie 1990, les interventions des sécurité publiques entraînent des changements
pouvoirs publics s’orientent vers une poli- dans la politique urbaine en général, et dans
tique conventionnelle, associant l’État, les celle adoptée à Casablanca en particulier, pré-
organismes sous tutelle, les populations et les lude à une extension à d’autres cités. Une orga-
île
promoteurs du secteur privé, en vue d’accélé- nisation selon de nouveaux découpages admi-
rer le rythme de production de logement, nistratifs est mise en place. Casablanca est
moyennant des mesures d’accompagnement transformée en wilaya(2), subdivisée en plu- Depuis les années 1950,
dans les domaines financier, fiscal et régle- sieurs préfectures. face à la pénurie de logements,
mentaire. les bidonvilles se sont multipliés
U
(2) La wilaya est une division administrative qui correspond à la périphérie des villes,
Une politique de rattrapage globalement à la région. comme ici à Bachkou, Casablanca.
sans vision prospective globale
IA
ce
doter Casablanca de la seule agence urbaine la citoyenneté, incluant la concertation entre
du Maroc. En 1985, la direction de l’Urbanisme tous les partenaires concernés par la cité, où
et celle de l’Aménagement du territoire sont s’expriment leurs problèmes et leurs attentes
rattachées au ministère de l’Intérieur.Aussi Fès, et se jouent leurs destins.
an
Marrakech, Meknès et Agadir connaissent des
découpages administratifs analogues à celui L’indispensable partenariat de l’État
de Casablanca et sont dotées, au fur et à avec les collectivités locales et le privé
mesure, de Sdau et de plans d’aménagement. La généralisation des documents d’urbanisme
Bien qu’en matière de gestion urbaine, la créa- et la maîtrise de l’urbanisation, par le biais
Fr
tion d’agences urbaines ait pu être considérée
comme un empiètement sur les prérogatives
des présidents de communes, il est décidé de
notamment d’un contrôle rigoureux de l’exten-
sion de l’habitat clandestin, redeviennent
aujourd’hui les priorités de la politique
généraliser ce système et d’assurer la couver- publique dans le domaine de l’urbanisme. À
e-
ture de l’ensemble du territoire national par la ce sujet, l’État agit à deux niveaux : il durcit les
mise en place de ces nouvelles structures. sanctions à l’encontre des personnes et des res-
ponsables publics qui enfreindraient les règles
Une nouvelle politique de l’urbanisme relatives à l’urbanisme et à l’occupation des
-d
réglementaire assez rigide face aux besoins de Caisse de dépôt et de gestion, ainsi qu’avec les
réactivité de la ville pour répondre aux exi- promoteurs et acteurs privés.
gences du développement économique et aux Ce changement dans la politique urbaine de
évolutions institutionnelles et sociales. Ensuite, l’État aura, sans doute, des implications impor-
sur le plan urbanistique, la ville marocaine se tantes sur la gestion des villes, notamment en
U
À Agadir, comme dans les autres distingue par un certain gigantisme, par un suscitant une plus grande participation des
grandes villes, des opérations espace périurbain relativement dense et très acteurs locaux, à condition que la dimension
de logement social sont réalisées fortement occupé par l’habitat, par des équipe- humaine soit présente dans l’esprit des gestion-
IA
pour reloger les habitants ments et services collectifs insuffisants et peu naires de la cité.
des bidonvilles et améliorer efficients, ainsi que par un tissu économique
leurs conditions de vie. relativement faible. Le foncier,
clef de voûte de l’aménagement
La question du foncier est au centre de la pro-
blématique urbaine au Maroc. Le foncier
urbain est un attribut de pouvoir et de notabi-
lité, une ressource souvent prisée, mais étant
détourné de ses fonctions ordinaires par la spé-
culation, il est difficile à mobiliser. De fait, on
déplore souvent, dans la majorité des villes,
l’abandon de projets d’investissement écono-
mique, de logement ou d’aménagement(4).
ce
des années 1980 ont été suivis
par plusieurs tentatives de réformes,
notamment dans le cadre d’une démarche
an
de rattrapage. Les derniers en date
ont-ils suffisamment mûri pour intégrer
les enjeux du développement durable
Fr V. Said/Iau îdF et assurer la cohérence
entre les différentes échelles ?
e-
es tentatives successives de maîtrise lation, l’exode rural et le passage de certaines
L
Une nouvelle génération
de documents d’urbanisme organise urbaine, caractérisant la seconde moitié localités du statut rural au statut urbain. Tous
l’armature urbaine. Ils prévoient du XXe siècle au Maroc, n’ont pu contenir ces phénomènes ont contribué aux extensions
notamment des parcs urbains l’ampleur de l’explosion des villes. La confu- et à l’étalement, dépassant les limites urbaines
-d
et de grandes avenues, sion entre la politique quantitative du loge- dans des conditions auxquelles les aggloméra-
comme ici à Mohammedia. ment, notamment social, et la vision d’une pla- tions n’étaient pas préparées.
nification urbaine déclinée de l’échelle Le Maroc ne constitue pas une exception quant
nationale à l’échelle locale a largement per- à cette tendance universelle de croissance
île
turbé la mise en place d’une politique globale urbaine(2).Aujourd’hui, son taux d’urbanisation
et prospective de l’aménagement et de l’urba- connaît une progression accélérée : 29 % en
nisme dans le pays. 1960, 43 % en 1982, 51,4 % en 1994 et 55 % en
Malgré les effets positifs de l’alternance poli- 2004, propension qui se traduit par la multipli-
tique qu’a connu le Maroc, le transfert des por- cation des villes. En 1994, le Maroc comptait
U
tefeuilles de l’aménagement du territoire, de 318 villes. Le nombre des grandes villes est
l’urbanisme et de l’habitat d’un ministère à l’au- passé de 14 en 1994 à 21 en 2004. Celui des
tre n’a pas contribué à accélérer les efforts de villes moyennes a doublé, passant de 13 à 26, et
IA
l’État pour répondre efficacement à ces problé- celui des villes de petite taille est passé de 185
matiques. Elles sont, aujourd’hui, au cœur des à 229. En partant de ces chiffres, on peut d’ores
débats publics grâce au grand chantier de et déjà affirmer que le défi urbain est une des
l’aménagement du territoire et à celui du code grandes questions de la période contempo-
de l’urbanisme. raine, aussi bien pour les pays développés que
pour les pays en développement. Suite à cet
Une urbanisation forcée, accroissement accéléré, les agglomérations
née d’un contexte de forte croissance urbaines ont connu des extensions importantes
Depuis son indépendance, le Maroc connaît et souvent désordonnées. Elles se sont dévelop-
une croissance rapide de sa population. Elle pées à un rythme dépassant les possibilités de
est passée de 11 620 000 habitants en 1960, à
29 891 700 selon le dernier recensement de
2004. Elle a, ainsi, plus que doublé en un tiers de (1) Abdelhai Bousfiha est architecte DPLG, ancien directeur
de l’Urbanisme et de l’Architecture et ancien secrétaire géné-
siècle, alors même qu’il avait fallu près de ral du Conseil national de l’habitat.
soixante ans (1900-1960) pour passer de 5 à (2) Voir dans ce numéro des Cahiers, OUAZZANI Rachid, « L’ex-
11,6 millions d’habitants. Cette forte croissance plosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècle », p 21.
Certaines informations présentées par Abdelai BOUSFIHA dans
s’est accompagnée d’une urbanisation mar- cet article recoupent celles de Rachid OUAZZANI, bien qu’elles
quée, favorisée par l’augmentation de la popu- aient une finalité thématique différente.
25
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le développement urbain du XXe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Retour à la planification urbaine au Maroc
Schéma directeur d’aménagement de l’aire urbaine d’Al Hoceima plans de développement pour les communes
1985-2005 – Dar Al - Handasah rurales.
Le retour à la planification urbaine après l’Indé-
pendance s’est effectué par vagues successives.
La première génération de documents d’urba-
nisme avait comme préoccupations principales
la salubrité et la sécurité publiques. Une nou-
velle génération de documents d’urbanisme et
de structures d’aménagement a vu le jour au
début des années 1980. La planification urbaine
de cette époque, sous la tutelle du ministère de
l’Intérieur, se contentait de définir le droit des
sols par des zonages fonctionnels et par la
ce
répartition des grandes infrastructures et équi-
pements, selon des normes dépassant souvent
la capacité des investissements publics. Eu
égard à sa rigidité, cette première génération
an
de documents n’a pu assurer la gestion équili-
Dar Al Handasah
brée et harmonieuse des agglomérations face
à une croissance et un étalement urbains
incontrôlables. Elle a ainsi subi la dynamique
d’autoconstruction des bidonvilles et de l’habi-
Fr
contrôle, de moyens financiers d’encadrement
et de gestion. À l’origine d’un fort déficit en
matière d’équipements et de logements, ce
tat insalubre.
26
sements, morcellements et groupes d’habita- Des débats sur l’aménagement
tions, afin d’adapter l’arsenal juridique à l’évo- du territoire et le code de l’urbanisme
lution et aux problèmes de l’urbanisation. Ces Sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi
deux lois sont intervenues dans un contexte Mohammed VI, le Maroc a engagé en 2000 un
particulier, marqué par l’extension des bidon- débat national sur l’aménagement du territoire
villes et des quartiers non réglementaires qui qui a mené à l’adoption du schéma national
caractérisaient alors les zones périphériques, d’aménagement du territoire (Snat). Ce docu-
ainsi que par l’émergence de nouvelles entités ment vise à fournir un cadre de cohérence et à
urbaines issues du découpage territorial. autoriser l’action régionale via les schémas
Sur le plan institutionnel, l’État a fourni un régionaux. Un Conseil national d’aménagement
grand effort en offrant de nombreux outils spé- du territoire a été mis en place en ce sens. En
cialisés de gestion et de développement urbain effet, nous savons aujourd’hui qu’un développe-
au service des collectivités locales, notamment ment harmonieux et équilibré des villes et des
ce
par la création d’agences urbaines, d’inspec- campagnes nécessite une restructuration de
tions régionales de l’urbanisme, ainsi que d’éta- l’armature urbaine tendant à atténuer les dispa-
blissements régionaux d’aménagement et de rités régionales.
construction. Les programmes d’études ont été Un autre débat, et non des moindres, a mobilisé
an
multipliés, notamment ceux relatifs à la réali- tous les acteurs du développement pour l’éla-
sation de programmes d’habitat, à l’élaboration boration du code de l’urbanisme. Il s’est avéré,
des documents d’urbanisme, aux projets d’ag- à la lumière des changements intervenus tant à
glomérations et de territoires, et à la promotion l’échelle nationale qu’à travers le monde, que
de la qualité architecturale et du paysage l’urbanisme doit être appréhendé, avant tout, à
urbain.
Conscient de la contribution du secteur de l’ur-
banisme et de l’habitat à l’évolution des éta-
Fr
travers ses aspects économiques, financiers et
surtout sociaux. Les règles de l’urbanisme
devraient émaner, non seulement du droit et
blissements humains, l’État a opté pour une des procédures administratives, mais également
e-
meilleure articulation des politiques menées des mécanismes qui commandent le proces-
en matière d’urbanisme et d’aménagement du sus des changements intervenus dans la
territoire. Ainsi, en 1998, l’urbanisme, l’habitat, société. Le message adressé par Sa Majesté le
l’environnement et l’aménagement du territoire Roi Mohammed VI aux participants à la ren-
-d
ont été regroupés en un seul et même départe- contre nationale du lancement du grand chan-
ment, traduisant ainsi une volonté de vision tier du code de l’urbanisme remet à l’ordre du
intégrée des secteurs de l’urbanisme. jour la nécessité d’adopter une nouvelle archi-
tecture juridique : « Pour conforter les efforts
île
27
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le développement urbain du XXe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Retour à la planification urbaine au Maroc
ce
Ces dernières permettront notamment l’institu- requalification urbaine).
tion du Conseil supérieur de l’aménagement Sur le plan de la mise en œuvre de la politique
du territoire et l’adoption d’une charte et du publique dans les secteurs de l’habitat, de l’ur-
Snat, le renforcement de la décentralisation et banisme et de l’aménagement de l’espace, la
an
de la déconcentration administrative et la pro- création du holding d’aménagement Al
mulgation d’une nouvelle charte communale. Omrane (2004) avec ses filiales régionales
Elles envisagent également une conception de (2007) hisse cette structure au premier rang des
l’unité de la ville comme choix politique et ins- entreprises publiques nationales. En tant
titutionnel central dans le système de mise à qu’opérateur public performant, il est considéré
Fr
niveau des villes. Elles mèneront à une gestion
déconcentrée de l’investissement et au renfor-
cement de l’offre de logements sociaux en
comme capable de relever le défi de la mise à
niveau des villes et de la promotion de l’habi-
tat social. Il applique le principe du partenariat
faveur des catégories à revenu limité. Enfin, elles public-privé, en association avec les collectivi-
e-
permettront la mise en œuvre de vastes pro- tés locales, dans un cadre conventionnel.
grammes, notamment ceux inscrits dans le Aujourd’hui, dans la mouvance du débat natio-
cadre de l’Initiative nationale pour le dévelop- nal sur l’aménagement du territoire, une nou-
velle génération de documents de planification
-d
Schéma directeur d’aménagement urbain de Tetouan 1981-2001 urbaine est en cours d’élaboration. En 2006, la
wilaya du Grand Casablanca, précurseur
comme de coutume, est la première à lancer
l’élaboration d’un plan de développement stra-
île
ce
an
Une nouvelle approche
Fr de la planification stratégique 30
Casablanca :
e-
laboratoire de l'évolution urbaine 33
Marrakech :
-d
29
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 À la recherche de la métropolisation
ce
nouvelle approche de la planification
du Grand Casablanca. À l’occasion
de la révision du schéma directeur,
an
avec l’appui de l’IAU île-de-France,
l’Agence urbaine a su créer un espace
de concertation et de construction
F. Dugeny/IAU îdF
partagée, favorisant une approche
Fr croisée.
e-
l’aube du XXIe siècle, le Maroc s’interro- 2004 atteint ses limites, l’étalement urbain en
À
Retransmission de la présentation
du schéma directeur du Grand geait sur les modalités à mettre en tache d’huile dans les zones préservées n’étant
Casablanca à Sa Majesté le Roi œuvre pour renouveler les plans d’ur- pas maîtrisé, pendant qu’une partie des urbani-
Mohammed VI au journal télévisé banisme de ses villes les plus importantes. Ces sations prévues à Zenata sous forme d’une véri-
-d
du 22 octobre 2008. plans, datant pour l’essentiel des années 1980, table ville nouvelle dans le prolongement est
arrivaient à échéance et, selon les dispositions de l’agglomération ne trouvait pas de réel
législatives et réglementaires en vigueur, deve- début de réalisation. De plus, en l’absence de
naient progressivement caducs, laissant un vide maîtrise du foncier, les plans d’aménagement
île
juridique pour l’application du droit des sols. ne pouvaient garantir la préservation des
C’est dans ce contexte qu’après avoir travaillé emplacements nécessaires à la réalisation des
depuis trente ans aux côtés des autorités maro- équipements publics, qu’il s’agisse d’équipe-
caines et de différentes agences d’urbanisme ments de proximité ou des infrastructures
des grandes villes marocaines, l’IAU île-de- nécessaires au bon fonctionnement des quar-
U
France a été mobilisé pour contribuer à renou- tiers (moins de 20 % des équipements prévus
veler l’approche planificatrice de la capitale étaient réalisés).
économique du Royaume. Cet exercice, mené De ce fait, le marché immobilier a créé des dis-
IA
en étroite relation avec l’Agence urbaine de parités importantes entre centre et périphérie et
Casablanca et les autorités responsables du ter- entre quartiers, dans un contexte de très forte
ritoire du Grand Casablanca à ses différentes pression urbaine ouvrant la voie à un système
échelles, a constitué un véritable laboratoire de fonctionnement dérogatoire sans visibilité
pour jeter les bases d’une approche renouvelée d’ensemble. De nombreux programmes dits
de la planification au Maroc. « d’investissement » concernant chacun un
nombre significatif de logements réputés
Le contexte de l’aménagement « sociaux » ont ainsi vu le jour en frange de la
et du développement de la métropole zone agglomérée, sans aucun équipement d’in-
Les grandes métropoles marocaines dispo- fra ou de superstructure.
saient toutes de schémas directeurs traçant les
grands axes de leur développement urbain Des conditions favorables
pour les vingt-cinq années suivant leur appro- pour une bonne synergie entre acteurs
bation, et de plans d’aménagement donnant Le premier facteur de synergie tient à la gouver-
une définition détaillée de l’usage et des droits nance, du fait de la délimitation d’un territoire
des sols. unique de la wilaya et de la région du Grand
À Casablanca, le schéma directeur élaboré par Casablanca, avec la mise en place progressive
le cabinet Pinseau approuvé en 1984 avait en des instances territoriales régionales, parallèle-
30
ment à celle qui va assurer l’unité de la ville au phique et d’améliorer l’image de la ville pour
travers de la constitution du conseil de la ville mieux asseoir son identité.
de Casablanca et de l’élection de son président Le temps où le développement métropolitain
(le « maire » de Casablanca). pouvait être efficacement encadré par la seule
Dès lors, l’ensemble des décideurs a souhaité planification, du fait de l’unicité de la chaîne
mener une réflexion commune en vue de faire d’acteurs et de la longueur des cycles écono-
cesser un développement de plus en plus anar- miques, est en effet révolu. La mondialisation et
chique, pour trouver les voies et moyens de la multiplication des niveaux de décisions, ainsi
structurer et d’équiper les quartiers spontanés, que le rôle du secteur privé, imposent de nou-
et surtout pour partager une vision stratégique veaux modes de faire s’appuyant sur une
et transversale du devenir de la métropole au approche stratégique partagée.
moment où des approches sectorielles dans les Cette approche s’articule autour d’un certain
domaines économique et touristique se fai- nombre de principes majeurs : dépasser la pla-
ce
saient jour. Il s’agissait enfin d’engager une véri- nification sectorielle, ne plus appréhender le
table démarche de développement durable et développement urbain par la seule gestion du
d’amélioration du cadre de vie. droit des sols et des équipements, intégrer les
moyens de mise en œuvre et l’identification
Le Sdau, support de la démarche
an
des acteurs concernés en élaborant avec eux la
stratégique(1) stratégie permettant de réaliser les projets, s’ap-
La prise de conscience des enjeux d’un déve- puyer sur une large concertation, en rupture
loppement durable assurant un juste équilibre avec les pratiques antérieures, prendre en
entre les préoccupations d’ordre économique, compte les évolutions engagées et futures. L’ap-
environnemental et d’équité sociale, ainsi
que l’arrivée à échéance des documents de
planification, ont naturellement cristallisé ces
Fr
plication de ces principes implique une sou-
plesse permettant d’accueillir évolutions et ini-
tiatives nouvelles (tout en préservant le
démarches sur la mise en œuvre d’un nouveau caractère prescriptif des dispositions majeures :
e-
schéma directeur pour le Grand Casablanca. patrimoine, risques, etc.), ce qui nécessite un
C’est le sens du projet qui a été mené de 2005 important travail de suivi-évaluation.
à 2007 par l’Agence urbaine de Casablanca, Cette démarche pose la question de la cohé-
appuyée par l’Iaurif. rence à trois niveaux : entre échelles de terri-
-d
Plutôt qu’une classique approche sectorielle, toires et entre territoires différents, entre enjeux,
ce projet a donc pris en considération une objectifs, projets et actions, et enfin entre
approche systémique croisant les différents acteurs aux différentes échelles.
champs de l’aménagement, de l’urbanisme, du
île
de disposer des éléments sur lesquels asseoir contraintes réglementaires les plus fortes aux
une réelle stratégie pour la métropole. En prio- seuls espaces concernés par des enjeux de
rité, il s’est agi de définir la place de la métro- patrimoine (au sens large : espaces agricoles
IA
pole au niveau national et international, de la de grande valeur, forêts, sites et espaces naturels
conforter en tant que premier pôle écono- ou urbains de qualité, gisements de matériaux,
mique du Maroc, locomotive du développe- espaces adaptés à certaines fonctions tech-
ment régional et national, mais aussi de faire niques, etc.), d’équipements à réaliser (assiette
en sorte qu’elle relève les défis auxquels elle est foncière) et de risques naturels ou industriels
confrontée. (enjeu de sécurité et de santé publiques). En
La difficulté de la démarche résidait dans la revanche, une plus grande souplesse doit être
nécessité d’aller au-delà de l’incantation ou recherchée pour les autres espaces, où le déve-
d’un exercice de planification ne prenant pas loppement relèvera de l’élaboration concertée
en considération les moyens de sa mise en et de la contractualisation.
œuvre. C’est ce qui a mobilisé les acteurs Ainsi, c’est un véritable projet d’agglomération(2)
autour de projets identifiés comme prioritaires, qui doit être élaboré, dégageant les axes straté-
V. Said/IAU îdF
V. Said/IAU îdF
marches contractuelles. représentants du secrétaire général du minis-
Celles-ci s’inscrivent dans une charte liant les tère de l’Intérieur et de celui des Collectivités
acteurs et nécessitent une mobilisation autour locales, et du ministère de l’Habitat et de l’Urba-
La mise en place d’instances d’un ou plusieurs acteurs principaux capa- nisme.
territoriales régionales ble(s) de créer une dynamique durable. Un comité d’animation technique, placé sous
est un facteur clé de la synergie Au Maroc, l’État jouant un rôle central dans la l’autorité du gouverneur directeur de l’Agence
entre les acteurs. planification et dans l’aménagement du terri- urbaine de Casablanca (d’abord Mme Fouzia
toire, c’est à son niveau que l’initiative a jailli et Imansar, puis M. Allal Sekhroui) a regroupé les
ce
que le processus a été porté, mais c’est au directions des services techniques directement
niveau métropolitain que l’essentiel du projet a concernés par l’élaboration du schéma direc-
été construit, avec la participation de chacun teur au niveau de l’Agence urbaine, de la
des acteurs de l’aménagement et du dévelop- wilaya, de la ville, des préfectures et des pro-
an
pement de ce territoire. vinces.
L’équipe d’experts de l’IAU île-de-France s’est
La mise en place d’un espace mise aux côtés de celle de l’Agence urbaine, au
de négociation et de construction service de ce dispositif. Elle a apporté son expé-
partagée rience, son savoir-faire et un appui technique et
Fr
Les pays anglo-saxons connaissent une tradi-
tion de négociation entre les différents acteurs
de l’aménagement, amenant un consensus qui
méthodologique.
Le dispositif a été complété par la mise en
place d’ateliers thématiques (démographie,
veut trouver un équilibre entre intérêt général habitat et cadre de vie ; développement écono-
e-
et intérêts particuliers. L’exemple de ces pays mique, touristique et équipements structurants;
est difficilement transposable en France ou au environnement, écologie, paysages et infrastruc-
Maroc, pays où la gestion du droit des sols tures des réseaux divers ; mobilité et infrastruc-
s’appuie sur des documents d’urbanisme ne tures de transport ; urbanisme et aménagement
-d
brèche ouverte dans le dispositif réglementaire Caisse des dépôts et de gestion, université, ges-
que d’un espace de négociation sur des pro- tionnaires de réseaux, représentants du monde
jets qui présentent, certes, un intérêt pour la col- économique, Centre régional de l’investisse-
IA
Casablanca :
Pauline Zeiger laboratoire de l’évolution urbaine
Gwenaëlle Zunino
IAU île-de-France
ce
distinguée par son ouverture
au monde. Aujourd’hui, elle souhaite
changer d’image pour entrer
an
dans la modernité : elle opte pour
un positionnement international fort.
Cinq architectes donnent des clés
G. Zunino/IAU îdF
pour comprendre comment développer
Fr la ville du XXIe siècle en respectant
sa tradition.
e-
travers son histoire, Casablanca a tou- une ville nouvelle autour du port, lieu fédéra-
À
Le changement d’image
de Casablanca passe notamment jours été une ville à part, symbole de teur, selon un plan radioconcentrique.
par la définition d’une nouvelle l’ouverture du Maroc sur le monde, de Le plan Prost fera date dans l’histoire de l’ur-
silhouette urbaine. modernité et d’innovation urbaine.Aujourd’hui, banisme car il offre d’importantes innovations :
-d
elle veut se positionner sur la scène internatio- la prise en compte de l’automobile dans un
nale comme une ville du XXIe siècle. Comment système hiérarchisé de voirie, le principe de
développer la ville en respectant la tradition zonage, et le désir de qualité et d’unité architec-
tout en s’inscrivant dans la modernité ? turale à travers des servitudes architecturales
île
Après une rétrospective sur l’innovation dans et des prescriptions urbanistiques. En plus il
la planification urbaine, cet article s’intéresse destine le littoral et ses plages aux loisirs et à
à l’image de métropole que Casablanca veut l’activité balnéaire.
se donner. Pour cela, des entretiens ont été réa- Afin d’ancrer la ville dans la modernité, ce plan
lisés avec les architectes Rachid Andaloussi, propose également deux grands projets : la
U
Yves Lion, Philippe Madec, Christian de Port- construction d’une nouvelle médina, les
zamparc et l’équipe chargée du projet Anfa Habous, et la réalisation d’un parc central, prin-
Place à l’agence Foster + Partners. cipal espace vert de Casablanca. Le plan Prost
IA
marque une rupture dans l’urbanisme de Casa- sant un réseau de pôles périphériques renfor-
blanca. Il repense la ville et sa région sur les cés autour de Casablanca et de Mohammedia.
bases de l’équilibre démographique et de la Il propose une mise à niveau générale de
déconcentration industrielle. La crise du loge- Casablanca et une prise en compte globale du
ment et l’organisation du développement littoral afin de promouvoir un aménagement
industriel sont les principaux enjeux de l’ag- cohérent(7).
glomération. L’aménagement de la périphérie Pour permettre à Casablanca de rester le sym-
devient incontournable. Face à la pénurie de bole de l’ouverture du Maroc sur le monde, la
logements, Écochard innove en définissant une stratégie du Sdau repose sur l’offre métropoli-
cellule-type pour les logements(4) et offre la pre- taine intégrant les dimensions de la ville dura-
mière réponse pour un logement social de ble. Il crée une offre foncière nouvelle pour y
masse. accueillir de l’activité et de l’habitat et inscrit
Afin d’organiser la ville en mutation, Écochard dans le territoire de nouveaux équipements
ce
prône un urbanisme linéaire qui affirme une structurants. Cela se traduit à la fois par de la
réorganisation du territoire vers l’est jusqu’à restructuration de friches, de l’extension
Mohammedia, car l’extension radioconcen- urbaine et par l’urbanisation de terrains gagnés
trique de la ville a atteint la ligne de crête. C’est sur l’océan.Au niveau régional, le Sdau propose
an
une véritable rupture au niveau des ambitions, plusieurs grands projets urbains mixtes et
de la doctrine et des techniques d’aménage- denses, tels que Zenata, Errahma, le grand pro-
ment. Le littoral devient le fil conducteur du jet de Lahraouyine et une ville verte à Bous-
Les grands projets à Casablanca développement économique et urbain de la koura. À Casablanca, on distingue trois sites
Par sa taille et son ambition, le projet ville : les activités balnéaires à l’ouest et l’indus- majeurs de grands projets urbains : Anfa 03-21,
urbain Anfa 03-21, situé sur l’ancien
aérodrome au cœur de la ville(1), a
un rôle primordial dans le positionnement
stratégique de Casablanca. Conçu par
Fr
trie à l’est transforment Casablanca en une
« cité linéaire littorale »(5).
le grand projet de Sidi Moumen et le grand pro-
jet du front de mer intégrant une série de pro-
jets. Ainsi, le Sdau esquisse la nouvelle image
les architectes Reichen et Robert, Le Sdau(6) de 1984 restructure la ville de la métropole de demain.
e-
il crée une nouvelle centralité intégrant et sa périphérie
habitat, grands équipements, parc urbain Au début des années 1980, Casablanca concen- Quelle innovation pour la métropole
et pôle tertiaire. tre 50 % de l’activité économique marocaine du XXIe siècle ?
Le grand projet de Sidi Moumen et 2,3 millions d’habitants. Pour devenir une métropole mondiale, harmo-
-d
la mixité sociale. Ce grand projet urbain préconise l’élaboration d’un schéma directeur une ville pour tous ? Comment répondre aux
du front de mer de Casablanca correspond
à une série d’opérations, notamment sur un périmètre englobant Mohammedia et besoins des Casablancais tout en améliorant la
sur le littoral ouest de la ville. les communes périphériques ainsi que la créa- compétitivité de la ville ?
De nombreux projets sont en cours tion de l’agence urbaine de Casablanca et Afin de renforcer son attractivité, elle fait le
de réalisation : le centre commercial d’une agence foncière. Pour renforcer l’identité choix d’un positionnement économique et
Morocco Mall (Design International
U
de Casablanca, de grands projets urbains sont urbain fort : elle développe principalement ses
architects) ; le quartier des temps durables
de Sindibad (Philippe Madec architecte) ; proposés : l’aménagement de la Corniche, la activités tertiaires, haut de gamme, de loisirs et
le projet d’Anfa Place (Foster + Partner réhabilitation et la mise en valeur de la médina de commerce moderne correspondant aux
IA
architects et Sens Archi) ; la Marina de et des Habous, l’aménagement de la ville euro- standards internationaux.
Casablanca (Ateliers Lion, Imadeddine péenne, la réalisation de la Grande Mosquée La métropole change de visage et incarne la
et Mountassir architectes urbanistes) Hassan II, de l’avenue Royale et de la place des modernité avec une nouvelle silhouette
et la nouvelle gare de Casa Port (Groupe 3
Architectes). À ceci s’ajoutent des secteurs Nations Unies. L’approche de Pinseau est inno- urbaine et une redécouverte de son littoral. Ces
à l’étude comme la presqu’île d’El Hank ; vante, car elle tient compte de la nécessité de mutations se traduisent par la création de nou-
la Nouvelle Corniche ; l’aménagement des transformer un paysage urbain éclaté en inté- veaux quartiers tels que la Marina, Anfa 03-21
premiers bassins du port pour qu’ils grant au mieux les quartiers périphériques et sur le site de l’ancien aérodrome et les quar-
fassent partie intégrante de la ville et la leur population. tiers durables de Sindibad ; par des équipe-
mise en valeur de la façade maritime d’Aïn
Sebaa. ments structurants comme le théâtre CasArts, et
Le projet du théâtre CasArts (Christian Le nouveau Sdau du Grand Casablanca le centre commercial de Morocco Mall ; et par
de Portzamparc et Rachid Andaloussi projette la ville durable
architectes) vient également illustrer Au début du XXIe siècle, l’ambition de Casa- (4) Cette trame a été baptisée de fait « la trame Écochard ».
la nouvelle ambition de Casablanca blanca est de devenir une grande métropole (5) La « cité linéaire littorale » reprend les principes de la
à travers la réalisation d’un grand « ville linéaire industrielle » développée par Le Corbusier en
équipement majeur de rayonnement local, internationale durable pour tous. Le Sdau du 1945.
national et international. Grand Casablanca, présenté à Sa Majesté le Roi (6) Sdau : schéma directeur d’aménagement urbain.
Mohammed VI en 2008, affirme ce positionne- (7) Voir dans ce numéro des Cahiers, SAID Victor «Grand Casa-
(1) Voir dans ce numéro des Cahiers, MAYET Pierre, blanca : le Sdau en appui au projet métropolitain », p. 136 et
SAID Victor et WARNIER Bertrand, « Casablanca :
ment international tout en proposant une arma- ZUNINO Gwenaëlle, « Quelle stratégie d’aménagement pour le
intégration du grand projet urbain d’Anfa », p. 142. ture urbaine régionale polycentrique, organi- littoral de Casablanca ? », p. 140.
34
des développements balnéaires comme Anfa plusieurs projets qui viendront ponctuer l’es-
Place. Ces grands projets offrent de nombreux pace urbain. Par leur architecture et leur carac-
pôles dédiés aux services et au commerce, ils tère novateur, ils deviendront des symboles
constituent de nouvelles centralités urbaines. pour un quartier et pour la ville. C’est le cas du
Cependant, une programmation à visée essen- théâtre CasArts ou du centre commercial
tiellement internationale, destinée aux entre- Morocco Mall.
prises et aux ménages à hauts revenus, est ris- Comme dans toutes les métropoles du monde,
quée car elle n’est pas destinée à tous les il existe une volonté de construire des tours,
Casablancais. De plus, la prolifération des cen- véritables symboles pour une ville, pour son
tres commerciaux impactera l’animation économie comme pour son image. Ainsi, à
urbaine et le commerce de proximité. Enfin, il Casablanca, la verticalité se renforce. D’une
est nécessaire que ces projets soient desservis part, elle passe par une densification en hau-
par les transports en commun et que leur acha- teur du tissu urbain, à l’image des immeubles
ce
landage soit réfléchi(8). du centre-ville, d’Anfa 03-21 ou de la Marina.
La stratégie du nouveau Sdau de conforter D’autre part, les projets de tours se multiplient
Casablanca comme pôle tertiaire international et forment des repères urbains. Le Sdau du
se traduit d’une part par le renforcement de Grand Casablanca a déterminé des sites poten-
an
cette vocation en cœur de ville à travers les pro- tiels pour ces tours et a préconisé des principes
jets de la Marina, de Casa City Center et de la de composition urbaine, de densité, d’environ-
nouvelle gare de Casa Port ; d’autre part, par la nement et de vie sociale. Cette tendance à la
réalisation d’Anfa 03-21, qui constituera un nou- verticalité contribue à façonner la nouvelle
veau pôle tertiaire au sein d’une future centra- silhouette urbaine qui, dans la lignée de la
lité urbaine.
35
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre À la recherche de la métropolisation
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Casablanca : laboratoire de l’évolution urbaine
ce
qui pensent un lieu et une facette, peut nuire à selon un système libre reprenant les ruelles des
la cohérence de l’évolution de la ville. C’est médinas, et dans le village des artistes, pensé
pourquoi il est primordial que cette volonté de comme des maisons traditionnelles à patios.
changement d’image soit adaptée : tout projet De nombreux projets, dont les quartiers dura-
an
s’inscrit dans un site, dans une ville existante bles de Sindibad et le CasArts, réinterprètent le
et s’imprègne d’une tradition et d’un savoir- vocabulaire architectural traditionnel. Ils pro-
faire. posent une « architecture blanche », un système
traditionnel de ventilation naturelle et s’inspi-
S’inscrire dans une trame urbaine rent des motifs des moucharabiehs ou des zel-
Fr
et respecter l’identité des lieux
Certains grands projets prennent en considéra-
tion la trame urbaine et l’identité des lieux qui
liges pour les claustras en façades. On constate
donc que certains grands projets s’inscrivent
dans une double démarche : ils reprennent cer-
les entourent. Pour Anfa 03-21, le site a été res- taines caractéristiques urbaines et architectu-
e-
pecté. L’histoire du lieu est préservée par l’axe rales emblématiques de Casablanca et du
de l’ancienne piste, la topographie a permis de Maroc et développent une facette de sa moder-
créer des ambiances urbaines variées. Le projet nité. Ils allient ainsi tradition et modernité pour
conçoit un tissu urbain en continuité avec les façonner la ville de demain.
-d
quartiers environnants, mais propose une archi- D’autres projets sont résolument entrés dans le
tecture contemporaine en rupture avec les XXIe siècle et se détachent des formes urbaines
quartiers résidentiels de Hay Hassani. et architecturales qui les entourent. Ainsi, Anfa
Situé sur la place emblématique de la ville Place et Morocco Mall apparaissent comme de
île
européenne et à proximité de la médina, le pro- nouveaux espaces en rupture avec leur envi-
jet CasArts s’intègre à la ville existante en réin- ronnement, consécration du futurisme et de la
terprétant l’organisation classique des bâti- modernité mondiale.
ments à ordonnancement, tout en s’inspirant
de la forme de la médina ; le théâtre vient Casablanca s’affirme comme une métropole
U
« cadrer » la place. Les quartiers durables de du XXIe siècle. Or, celle-ci se doit d’être une ville
Sindibad mettent en valeur l’identité du site durable. Cela signifie qu’elle doit être compéti-
par la réalisation d’un musée archéologique et tive au niveau international, mais aussi une ville
IA
d’un parc urbain, préconisés dans le Sdau et le pour tous, où le social et le local ont leur place.
schéma stratégique de référence du littoral. Il Enfin, l’environnement et la nature en ville sont
est important que ce projet prenne en consi- des éléments incontournables de l’aménage-
dération l’identité du lieu, au relief particulier et ment de demain, surtout du potentiel excep-
au pied d’une falaise. Enfin, il reprend le prin- tionnel de son littoral. Casablanca amorce son
cipe des quartiers du centre-ville et se base sur changement d’image par la réalisation de nom-
l’existant pour déterminer les dimensionne- breux grands projets. Même s’ils offrent un
ment des îlots. À sa manière, le projet de la visage résolument contemporain et internatio-
Marina s’inscrit dans la ville existante. Pour ce nal, ils doivent néanmoins respecter les habi-
morceau de ville ex nihilo, la trame urbaine est tants et la ville dans laquelle ils s’inscrivent. Il
V. Said/IAU îdF
prolongée et les ouvertures vers l’océan – en est nécessaire, notamment pour les projets à
dépit du relief – sont respectées. l’étude, de s’interroger sur leurs ambitions: vont-
Les projets situés sur le littoral constitueront ils dans le sens d’une ville pour tous ?
Les grands projets du littoral une nouvelle vitrine urbaine, reflet de la métro-
formeront la nouvelle vitrine de pole du XXIe siècle. Ainsi, le littoral incarne le
Casablanca. Ils portent des enjeux nouveau visage de la ville. Pourtant, ce qui fait
forts d’une ville attractive où l’accès son attrait et sa qualité urbaine est menacé. Le
à l’océan est primordial. site n’est pas pris en compte à sa juste valeur.
36
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 À la recherche de la métropolisation
Marrakech : la métropolisation
d’une cité royale
Victor Said
IAU île-de-France
De la capitale du Royaume
à la métropole touristique, Marrakech
a débordé sa médina pour empiéter
sur la palmeraie et l’espace agricole.
Impulsée par le boom touristique et
ce
immobilier, cette évolution mal maîtrisée
a engendré des déséquilibres sociétal,
économique et environnemental,
an
notamment avec l’arrière-pays.
Pour retrouver un développement
durable, une vision globale
Fr V. Said/IAU îdF d’aménagement stratégique de l’aire
métropolitaine s’avère indispensable.
e-
ans un contexte de globalisation et de Le succès économique a rendu Marrakech
D
Marrakech se dote d’équipements
métropolitains, comme ici le palais compétition mondiale entre les villes, attractif pour l’exode rural, car l’espace péri-
des Congrès, et organise Marrakech s’est distinguée pendant les phérique reste à prédominance rurale(5). Les
de l’événementiel à l’échelle deux dernières décennies, par une forte crois- bidonvilles et l’habitat non réglementaire pro-
-d
internationale. sance démographique et économique liée lifèrent dans l’espace urbain et périurbain.
principalement au développement touristique. Cette situation est aggravée par les difficultés
de promotion de programmes publics d’habi-
Une métropole victime de son succès tat, notamment en milieu rural. Ceci, malgré le
île
Cette croissance rapide s’est traduite par un développement de la ville nouvelle de Taman-
développement urbain qui a dépassé large- sourt qui intègre des opérations d’habitat
ment le périmètre de la ville. Des unités touris- social. Enfin, cette urbanisation rapide non maî-
tiques(1) ont fleuri tous azimuts, souvent par trisée alimente la spéculation foncière, dégrade
dérogation, dans un rayon de dix à vingt kilo- les paysages urbains et le milieu naturel,
U
mètres autour du centre-ville. Cette situation aggrave les fractures sociales et territoriales et
déstabilise la campagne et l’activité agricole, porte atteinte à l’environnement.
qui constitue la ressource de la population
La crise : une opportunité
IA
nomique, la rentabilité des investissements Dans ce sens, la protection des riches terres
touristiques(6), l’exploitation des ressources agricoles de la pression urbaine, la diversifica-
hydriques et énergétiques, l’accueil des flux tion et la modernisation de l’activité rurale, ainsi
migratoires (notamment en termes d’offre que le désenclavement et l’équipement de l’ar-
d’emplois, d’habitat et de mixité sociale), l’ac- rière-pays sont également des défis majeurs.
tivité en milieu rural et la valorisation du patri- Les actions dans ce domaine pourraient ren-
moine et des traditions ancestrales. trer dans le cadre de l’INDH(7).
L’accalmie de la frénésie de l’immobilier touris- Le patrimoine historique bâti et immatériel de
tique est une aubaine pour permettre aux déci- Marrakech représente l’identité et reflète la cul-
deurs de remettre à plat un système qui a ture marocaine. Sa sauvegarde et valorisation
atteint ses limites. Cette situation est à la source sont des enjeux importants, non seulement
du déséquilibre à la fois sociétal, territorial et pour les visiteurs mais aussi pour les citoyens.
V. Said/IAU îdF
ce
les apparences d’une ville homogène, il existe,
Des défis majeurs à relever face hormis dans la médina, des déséquilibres en
Réhabilitation du patrimoine aux enjeux d’équilibre de la métropole termes d’utilisation du sol, de densité, de forme
en centre culturel. Au niveau social, l’enjeu majeur est de concilier urbaine et de hauteur des bâtiments, entre les
an
une politique de développement de l’industrie différents quartiers. L’enjeu consiste à harmoni-
Naissance et destinée de Marrakech touristique avec une forte identité locale et des ser l’ensemble, dans une vision d’intensifica-
Au XIe siècle, les Almoravides choisissent traditions ancestrales. Certes, le pays est réputé tion et de valorisation urbaine en corrélation
la plaine de Doukkala pour s’implanter pour sa tolérance et sa capacité d’adaptation à avec les transports et les équipements de proxi-
et asseoir leur pouvoir. Après avoir franchi
l’évolution mondialisée. Néanmoins, un déca- mité. L’objectif étant d’améliorer le cadre bâti,
l’Atlas, ils repèrent un emplacement neutre
entre les zones d’influence des tribus
pour installer un camp. C’est ainsi que naît
Marrakech sous le règne de Youssef Ben
Tachefine. Dès 1106, Ali Ben Tachefine,
Fr
lage persiste entre les flots de touristes et les
habitants d’une vieille cité et d’une couronne
rurale attachés à leur mode de vie. De plus, un
le paysage urbain et la qualité de vie des habi-
tants, en limitant les nuisances et la pollution
dues à la congestion de la circulation.
autre décalage existe entre la ville-centre et son Enfin, les déplacements et le stationnement liés
imprégné par la civilisation andalouse,
e-
activité touristique à grande échelle (festivals, aux circuits touristiques autour de la médina
embellit la ville par des monuments et
palais. Il fait creuser des khettaras (drains rallyes, congrès internationaux, etc.) et un devraient également faire l’objet d’une atten-
souterrains) pour l’approvisionnement arrière-pays basé sur l’économie rurale, sous- tion particulière afin d’offrir des espaces
en eau. La création de la palmeraie équipé et enclavé. publics de qualité suffisamment dimensionnés.
-d
aux mains des Almohades qui « purifient » les différents usages est un enjeu vital devenu les déséquilibres entre Marrakech et son envi-
la médina en détruisant palais et encore plus crucial du fait de la pénurie liée au ronnement, exigent l’élaboration d’une vision
mosquées. Aussitôt, la grande mosquée
réchauffement climatique, aux périodes de stratégique du développement dépassant les
Koutoubia est construite sur l’esplanade
du palais en rétablissant l’orientation sécheresse à répétition, à la surexploitation et à limites de la ville et intégrant les communes
vers la qibla(1). À cette époque, Marrakech la pollution des nappes phréatiques. La sauve- rurales.
U
connaît son apogée de capitale garde et la mise en valeur de la palmeraie de L’IAU îdF a été sollicité en 2009 par l’Agence
économique et culturelle de l’Occident Marrakech, symbole identitaire ancestral et urbaine de Marrakech (AUM), dans le cadre
musulman. Elle est le haut lieu d’un
poumon vert indispensable, représentent un d’une convention de coopération, pour évaluer
métissage religieux et culturel. Yakoub el
IA
Mansour double la ville en construisant autre enjeu majeur de l’équilibre écologique les approches d’élaboration des schémas direc-
la kasbah, cité autonome du pouvoir et de la valorisation du paysage aussi bien teurs. Des missions d’expertise ont abouti à
qui sera réinvestie par les dynasties urbain que naturel. définir une démarche de vision globale pour
jusqu’aujourd’hui. À l’arrivée des Mérinides Par ailleurs, le développement de la zone d’agri- un développement stratégique qui sera traduit
en 1269, la capitale est transférée à Fès
culture vivrière au nord de l’agglomération spatialement et réglementairement par un
et Marrakech décline. Ce n’est qu’au
XVIe siècle que les Saadiens la choisissent
implique la protection de l’oued qui l’alimente. schéma directeur d’aménagement urbain à
comme capitale et la font renaître Ceci permettra aussi de maintenir l’activité l’échelle de l’aire métropolitaine de Marrakech.
de ses ruines en 1510. De cette époque, dans l’espace rural et d’entretenir son paysage. Les limites territoriales ont été arrêtées en fonc-
il ne reste de la grande mosquée tion de l’attraction et de l’aire d’influence de la
que le nom de la place Jama’Al Fna.
capitale régionale. Récemment, l’AUM a lancé
Vers 1564, la ville est dotée de somptueux
monuments, dont la medersa Ben Youssef. cette démarche, avec sa déclinaison en plan
Au XVIIe siècle, le sultan alaouite Moulay d’aménagement à l’échelle de la ville. Elle
Ismaïl déménage la capitale à Meknès. devrait aboutir en 2011.
(1) Qibla signifie l’orientation vers La Mecque en
arabe. (6) La capacité d’accueil touristique a triplé en dix ans. Elle
V. Said/IAU îdF
Mohamed Aouzaï(1)
Gouverneur Rabat-Salé, ville capitale
Directeur de l’Agence
urbaine de Casablanca
Jean-Pierre Palisse
IAU île-de-France
ce
leurs différences, notamment
dans la forme urbaine. Pour rester
attractive et rendre cohérents
an
les projets urbains avec la stratégie
métropolitaine, cette agglomération
doit aujourd’hui mettre en place
des politiques foncière, de transport
Fr V. Said/IAU îdF
et de protection de l’environnement.
e-
usqu’au début de ce millénaire, Rabat sem- tale mérénide, est le premier comptoir commer-
J
L’image de Rabat-Salé,
ville capitale, évolue grâce blait s’être assoupie dans son rôle de ville cial de la côte atlantique. L’émigration des
à de nombreux projets royale à l’ombre de Casablanca. En réalité, Maures andalous modifie cet équilibre condui-
d’aménagement, notamment le souffle de l’économie mondialisée et de ses sant au développement de Rabat sur les ruines
-d
celui des rives du Bouregreg. investisseurs l’a convertie à l’urbanisme de pro- du ribat. En 1755, le pont qui relie les deux villes
jet, lui ouvrant de nouvelles perspectives de est démoli par le tremblement de terre qui
développement économique et urbain. Se détruit Lisbonne. À la fin du XVIIIe siècle, Rabat-
posent alors plusieurs questions. Faut-il privilé- Salé regroupe 30 000 habitants et devient le
île
gier la dynamique des projets urbains ou la siège du Sultan du Maroc. La ville poursuit son
recherche d’un écosystème métropolitain dura- développement, atteignant 50 000 habitants en
ble ? Comment organiser la gouvernance ? La 1912, lors du traité du Protectorat et de l’instal-
croissance économique est-elle la condition lation de Lyautey(2) comme résident général. La
de la qualité métropolitaine ? Comment prépa- création de Casablanca et de son port, qui
U
rer la métropole aux évolutions climatiques et draine les échanges commerciaux, conduit à
énergétiques ? spécialiser Rabat dans son rôle de capitale du
Maroc et de ville administrative. Dès lors, une
De la ville corsaire
IA
ce
administratives et tertiaires. Aujourd’hui, Rabat- sives, constituant un pavage d’ensembles
Salé souhaite cultiver d’autres champs écono- urbains caractéristiques de leur époque et de
miques en s’appuyant sur une population rela- leur processus de construction. La kasbah et
tivement qualifiée, sur la proximité des les médinas de Rabat et de Salé présentent un
an
décideurs, et sur un cadre urbain attractif et un tissu bas et dense, percé de cours intérieures
patrimoine architectural remarquable. et pénétré d’étroites ruelles, typiques des villes
arabes traditionnelles. Au contraire, les quar-
Un site remarquable et structurant tiers modernes se composent d’un maillage
1970 L’histoire montre le rôle majeur du Bouregreg viaire généreux, souvent planté, bordé par des
Fr
dans l’identité de la ville. Le fleuve a généré sa
naissance et son développement, il a aussi
guidé son urbanisation. Pour assurer sa défense
villas ou des immeubles de quatre ou cinq
étages en alignement. Plus récemment, d’im-
portantes opérations d’aménagement urbain
et se protéger des risques d’inondation, la ville ont été lancées dans le cadre de partenariats
e-
a occupé les sites les plus élevés sur chacune public-privé sur des espaces restés naturels en
des rives. Vue du ciel, elle forme une « tache raison de leur situation. L’opération résiden-
urbaine » symétrique de part et d’autre de la tielle de la Cité royale, réalisée sur des terrains
vallée qui, jusqu’à ces derniers temps, restait offerts par le Roi, constitue un nouveau quartier
-d
presque vierge d’urbanisation. Cette nappe desservi par la rocade urbaine n° 3. Dans la val-
1987 bâtie est calée à l’ouest par les falaises lée du Bouregreg, au pied de Salé et face à la
rocheuses de l’Atlantique et à l’est par les forêts kasbah des Oudaïas et à la Tour Hassan, une
Schémas d’extension urbaine de Mamora et de Temara. Le face-à-face des vaste opération d’aménagement touristique et
île
depuis 1902 de Rabat à l’ouest deux médinas constitue un paysage unique. La résidentiel est lancée, première phase d’un pro-
et Salé à l’est. topographie tourmentée créée par les affluents jet de 6 000 hectares, dont 15 % constructibles.
Schémas extraits de : « Aménagement des berges du de l’oued contribue aussi à la qualité urbaine Pour répondre aux besoins d’habitat de la
Bouregreg », Y. El Kasmi - S. Lammrabti - École natio-
nale d’architecture - Royaume du Maroc de la ville par la diversité des tissus et des mor- population peu solvable, la ville s’est dévelop-
phologies urbaines qu’elle induit, et par les pée spontanément en dehors du cadre légal.
U
points de vue et les paysages inattendus qu’elle Des bidonvilles solidifiés ou des constructions
dessine. en dur forment, souvent à partir de douars(6),
IA
Rabat-Salé, une métropole déséquilibrée (4) Le taux d’activité (43 % à Rabat et 37 % à Salé) et le taux
La symétrie des deux villes n’est qu’apparente, de chômage (10,3 % et 12,5 %) sont des indicateurs du désé-
quilibre socio-économique entre les deux rives (chiffres
elles s’opposent par leur histoire et leur socio- 2004).
L’agglomération de Rabat-Salé logie. La rive droite est plus populaire et plus (5) Maison arabe fermée généralement sur l’extérieur, qui
est structurée autour d’un site modeste(4). Les ryads(5) de la médina de Salé ont s’organise autour d’un patio central verdoyant et souvent
doté d’une fontaine. Ryad ou riad signifie jardin au paradis en
remarquable à préserver : vu partir les familles les plus aisées qui leur ont arabe.
le fleuve Bouregreg. préféré les villas modernes des nouveaux quar- (6) Douar signifie hameau en arabe.
© B. Reichen
40
de vastes quartiers bas, très denses et sous-équi- Le Sdau de l’agglomération de Rabat-Salé de 1995
pés en infrastructures. En général, ces quartiers
se sont implantés dans des sites délaissés par
les autorités et les aménageurs, souvent des ter-
rains instables ou pollués. Pour répondre à ces
besoins, des opérations de lotissement ont été
lancées par des opérateurs publics sur des ter-
rains domaniaux, mais leur coût reste élevé et
leur localisation éloignée des lieux d’emplois.
© AURS/IAU îdF
Croissance et mutation urbaine
Selon les projections démographiques de
l’Agence urbaine de Rabat-Salé (AURS), l’ag-
ce
glomération pourrait atteindre trois millions
d’habitants à l’horizon 2020. La transformation
rapide de la ville va donc se poursuivre dans les
prochaines années. Cependant, la croissance
Planification et stratégie
an
urbaine pourrait prendre des formes assez dif-
férentes. Jusqu’à présent, l’urbanisation s’est de développement de Rabat-Salé
faite en tache d’huile, s’étalant au nord et au
sud dans un couloir limité par la mer et les Le Sdau de 1995
forêts. Ce couloir étant aujourd’hui presque Le schéma directeur de Rabat-Salé a été éla-
totalement urbanisé, la ville doit trouver de nou-
veaux espaces ou modes de développement.
Cherchera-t-elle plus loin dans sa périphérie
Fr
boré au début des années 1990 et approuvé en
1995. Ses objectifs principaux restent d’actua-
lité :
de nouveaux sites d’urbanisation ou s’enga- - freiner la spéculation foncière et favoriser la
e-
gera-t-elle dans une densification intensive de construction de logements ;
l’agglomération ? - défendre les sites et les paysages, et protéger
les ressources en eau ;
Les déplacements - améliorer la circulation et les transports.
-d
L’agglomération urbaine s’étend sur vingt kilo- Le parti d’aménagement visait un développe-
mètres environ, en incluant Temara et Boukna- ment linéaire parallèle à la côte jusqu’à deux
del. Les emplois et services étant polarisés sur villes nouvelles (Bouknadel au nord et Bouz-
Rabat, sur quelques centres secondaires nika au sud) et repérait plusieurs secteurs
île
comme Agdal ou Hay Ryad, et sur des zones d’aménagement (à Salé, Al Boustane, Akrach,
d’activités périphériques, la problématique des Temara et Skhirat). Il indiquait une volonté forte
déplacements est une question vitale pour la de protection des espaces ouverts de la vallée
métropole. Le Bouregreg est une coupure dont du Bouregreg, de la ceinture verte, des
la traversée reste difficile, malgré la création domaines forestiers, de la zone côtière et des
U
successive de trois ponts : Hassan, Al Fida et grands sites historiques. En outre, il prévoyait
Mohamed V. Bien reliée aux autres villes l’aménagement urbain de la corniche de Rabat
du Royaume par voie ferrée ou par autoroute, et de l’avenue de la Victoire, la création d’un
IA
ce
urbaine : résorption des bidonvilles et restruc- Aouda reçoivent leurs premiers habitants. Les
turation des quartiers d’habitat non réglemen- travaux du périphérique de Rabat – qui assu-
taire, réhabilitation des médinas, renforce- rera le raccordement des autoroutes A1, A2 et
ment ou création de centralités ; A3 et desservira Tamesna et Sidi Larbi – sont
an
- le développement économique : création de engagés, sa mise en service étant prévue pour
pôles touristiques à Sidi Bouknadel, Skhirat fin 2012. Par ailleurs, l’AURS a lancé une étude
et sur la corniche de Rabat, aménagement du pour la sauvegarde et la mise en valeur des
pôle touristique et de loisirs du Bouregreg, espaces verts, des ceintures vertes et des grands
redynamisation et création de parcs indus- espaces naturels.
triels ; Fr
- la réalisation d’infrastructures métropoli-
taines : création d’une ligne de tramway, d’une
… et d’autres qui rencontrent des difficultés
Deux grandes opérations prévues par le projet
voie de contournement autoroutière, de sta- urbain n’ont pu être lancées à ce jour pour des
e-
tions de traitement des eaux usées, création raisons différentes. Suite à la crise de 2008 et
d’une décharge intercommunale, délocalisa- aux difficultés financières qu’elle a entraînées,
tion des marchés de gros et des abattoirs ; le projet d’aménagement touristique de la cor-
- la valorisation de l’image urbaine : plan vert, niche de Rabat, partiellement concurrent de
-d
aménagement des entrées de ville, requalifica- celui du Bouregreg, est en difficulté de finance-
tion des espaces verts et des places publiques, ment. D’ailleurs, celui du Bouregreg est égale-
valorisation touristique. ment aujourd’hui en difficulté, bien que les
études se poursuivent. Il en est de même des
île
mise en service fin 2010. Les aménagements de la ville en pouvant accueillir 200 000 habi-
tants dans un environnement de qualité, n’a pu
être lancé faute de maîtrise foncière du site.
Projet urbain pour l’agglomération de Rabat et sa périphérie
IA
V. Said/IAU îdF
tre part, avec la création de la ville nouvelle de
Tamesna, le projet urbain s’est écarté du parti
d’aménagement linéaire du schéma de 1995
ce
en ouvrant un important secteur d’urbanisa- la trame verte, de la ceinture verte et des Le grand projet d’aménagement
tion nouvelle à l’est, à proximité du contourne- forêts, enrayer efficacement l’étalement du Bouregreg : positionnement
ment autoroutier en cours de construction. urbain et sauvegarder durablement les res- de la marina dans la perspective
Isolée de l’agglomération dont elle est dépen- sources naturelles. des emblématiques tour Hassan
an
dante pour l’emploi et les services métropoli- et du mausolée Mohammed V.
tains, Tamesna n’est pas desservie par les trans- Rabat-Salé a montré sa capacité à prendre une
ports en commun et ne le sera que très place significative dans la mégapole mondiali-
difficilement par un moyen lourd. Le pari est sée qui, de Kénitra à El Jadida, en passant par
d’y attirer des activités industrielles créatrices Casablanca, se constitue sur la façade atlan-
d’emplois, mais sa dépendance au bassin d’em-
ploi de Rabat restera très forte.
Fr
tique du Maroc. L’expérience de la première
décennie du XXIe siècle montre qu’un urba-
nisme de projets volontariste peut être un
Une stratégie métropolitaine à clarifier moteur puissant de son développement, en atti-
e-
En proposant des actions ciblées et concrètes, rant des moyens financiers substantiels que ne
le projet urbain a constitué une avancée vers la peuvent apporter les seuls acteurs publics. En
réalisation des objectifs du schéma directeur. même temps, elle montre la fragilité de cette
Cependant, faute de priorités et d’un plan de démarche, soumise à la conjoncture financière
-d
évitant une juxtaposition de projets choisis « à auxquels la métropole doit faire face. Les diffi-
la carte » par les investisseurs. Cette carence cultés conjoncturelles appellent à repenser et à
stratégique risque d’avoir des conséquences relancer la planification stratégique métropo-
néfastes sur la cohérence, la qualité et la dura- litaine, pour que le développement porté par
bilité du développement de la métropole. Les les grands projets profite davantage à l’ensem-
U
pouvoirs publics ne peuvent imposer aux inves- ble de l’agglomération et soit l’occasion de
tisseurs une prise en charge complète des amé- corriger ses faiblesses et disparités en matière
nagements urbains d’intérêt général indispen- d’habitat, de cadre de vie et de qualité environ-
IA
sables à un développement durable. Ceux dont nementale, de transport et donc d’accès à l’em- Le développement économique
la rentabilité ne peut être attendue qu’à long ploi. Rabat-Salé renforcera ainsi son attractivité doit aller de pair avec
terme restent donc à l’état de projets, faute de et la crédibilité de ses projets urbains. une amélioration du cadre de vie
financement. Par ailleurs, pour permettre à pour rendre l’agglomération
Rabat-Salé de garantir un aménagement cohé- compétitive et attractive.
rent et durable, trois axes de politiques urbaines
complémentaires devraient être redéfinis :
- une politique foncière pour assurer, au-delà
des seules opportunités de terrains, la relance
de la construction de logements à des
niveaux de prix acceptables ;
- une politique de déplacements pour mettre
en place un réseau de transports cohérent
avec le développement urbain, afin de favori-
ser un transfert des pratiques vers des modes
© B. Reichen
ce
en perspective :
regards croisés
an
Fr
Le Maroc se transforme et s’adapte dans tous les domaines
aux exigences du XXIe siècle.
Six thématiques majeures sont traitées ici sous forme
de regards croisés.
e-
Dresser un bilan de la mise en œuvre des politiques
urbaines en cours, c’est mettre en lumière les réponses
aux objectifs fixés, notamment en matière de logements.
-d
45
Les politiques urbaines
à l’œuvre
ce
an
Villes sans bidonvilles,
Fr une priorité nationale 47
ce
alimentée par une forte pression démogra- voirs publics locaux et la sensibilisation des
phique et par une urbanisation accélérée, avec populations cible devront empêcher toute
comme corollaire le développement de l’habi- extension ou formation de nouveaux bidon-
Ahmed Taoufiq Hejira, Ministre tat insalubre sous toutes ses formes. villes.
an
de l’Habitat de l’Urbanisme et Les bidonvilles regroupent des ménages dans Pour atteindre ces résultats, le MHUAE mobilise
de l’Aménagement de l’espace des abris sommaires réalisés avec des maté- des moyens financiers à travers notamment le
est titulaire d’un doctorat riaux de récupération, sur des terrains dépour- fonds de solidarité de l’habitat (FSH) et fait
en urbanisme de l’université vus d’infrastructures de base (assainissement, appel tant aux opérateurs publics (Al Omrane)
de Montréal (1983) eau potable, électri- qu’aux collectivités
et d’une licence en sciences
économiques de la faculté
de droit de Rabat (1980).
cité…).
Les quartiers d’habi-
tat non réglemen-
Fr» L’habitat social reste caractérisé
par une demande élevée, alimentée
par une forte pression démographique
locales et au sec-
teur privé. Des
contrats Villes sans
Recruté au ministère de taire sont construits bidonvilles, liant le
et une urbanisation accélérée,
e-
l’Habitat en 1983, il a occupé sans autorisation sur MHUAE, les autori-
le poste de directeur des études des terrains morce- avec comme corollaire le développement tés provinciales et
et de la communication au sein lés, sans plan d’en- de l’habitat insalubre. « les collectivités
de l’Agence nationale de lutte semble et sans infra- locales, décrivent
-d
contre l’habitat insalubre, structures de base préalables. les objectifs du programme, les rôles et la res-
avant d’être nommé inspecteur Les tissus ou bâtiments anciens ont connu une ponsabilité de chacun.
régional de l’Aménagement importante densification qui a souvent entraîné La mobilisation du foncier public pour la
du territoire, de l’Urbanisme, de des situations d’insalubrité avec des logements résorption des bidonvilles et la réalisation de
île
l’Habitat et de l’Environnement menaçant ruine. l’habitat social constitue une action majeure
de la région de Fès-Boulemane, Enfin, des poches d’insalubrité sont dissémi- de ce programme.
de 2000 à 2002. Il a ensuite nées dans le tissu urbain, dans des construc- Par ailleurs, la réalisation des objectifs ne
été nommé par Sa Majesté tions non destinées initialement à l’habitation pourra se faire sans un engagement effectif et
le Roi Mohammed VI, ministre (garages, arrière-boutiques, caves, baraques sur durable de toutes les instances gouvernemen-
U
choix des types d’intervention et le montage Ainsi, plusieurs ateliers ont été organisés depuis
technico-financier, l’identification et l’acquisi- 1999 pour débattre des effets sociaux de ces
tion des assiettes foncières, la mise en place projets et de la meilleure manière de les pren-
des unités de gestion du programme, la propo- dre en compte tout au long du processus de
sition du schéma d’organisation de résorption résorption de l’habitat insalubre.
des bidonvilles et l’établissement du planning Cette approche, intitulée « accompagnement
d’exécution et du plan de financement du pro- social des projets » (ASP), est intégrée dans le
gramme. Par ailleurs, des instances territoriali- PVSB ; les collectivités locales, les représenta-
sées pour la mise en œuvre et le suivi ont été tions régionales du MHUAE et l’opérateur
constituées. Par la suite, les contrats-ville et les public, en l’occurrence Al Omrane, sont chargés
conventions de financement et de réalisation de sa mise en œuvre. Les mesures garantissant
ont permis de délimiter, de formaliser et de la maîtrise sociale des opérations VSB portent
coordonner les missions de chacun des interve- essentiellement sur la formation des responsa-
ce
nants et ont fait l’objet de concertation avec bles et cadres du MHUAE et de ses partenaires,
l’opérateur public (Al notamment les collectivi-
Omrane), les inspec- tés locales et la société
tions régionales et cer- » La résorption des bidonvilles, civile.
an
tains services centraux devenue priorité nationale, Par ailleurs, le MHUAE a
du MHUAE, les minis- lancé des projets pilotes
fait l’objet du programme
tères de l’Intérieur et pour élaborer une straté-
de l’Économie et des
Villes sans bidonvilles […] gie globale mettant en
Finances. Le suivi et Objectif pour 2012 : éradiquer exergue les savoirs locaux.
l’évaluation quantitatifs Fr
la totalité des bidonvilles. […] Cette expérience a été ini-
et qualitatifs du pro- La moitié est aujourd’hui réalisée. « tiée dans le cadre des
gramme sont assurés études de faisabilité
par les différentes ins- sociale lancées en 2002 à
e-
tances concernées au niveau local, le MHUAE Marrakech, Agadir et Rabat. Elles avaient pour
au niveau central et les bailleurs de fonds inter- objectif de définir les conditions de mise en
nationaux. Ce suivi, basé sur différents indica- œuvre de la maîtrise d’œuvre sociale (MOS),
teurs, devra permettre de définir les options et d’identifier – en concertation avec les popula-
-d
les mesures susceptibles d’améliorer les condi- tions des bidonvilles pilotes – les différents scé-
tions de sa poursuite. narios de résorption adaptés à leurs moyens et
En effet, ce programme connaît quelques de choisir celui ayant obtenu un consensus.
contraintes dans certaines villes, notamment la
île
la réticence au principe de transfert dans les en amont précisant les actualisations et les
zones d’aménagement progressif, le manque modifications nécessaires. Les interventions ont
de contrôle, le refus du ainsi pris des formes différentes, à savoir les
IA
» La mobilisation du foncier public principe de transfert, la recasements, les relogements et les restructura-
pour la résorption des bidonvilles demande de gratuité et la tions.
demande de diminution Le recasement permet aux ménages des petits
et la réalisation de l’habitat social
des contributions des bidonvilles et de ceux ne pouvant être intégrés
constitue une action majeure. « bénéficiaires. au tissu urbain, l’accès à la propriété de lots
L. C. – En amont de la démarche,
y a-t-il eu des enquêtes sociologiques
préliminaires auprès des ménages
concernés ?
A. T. H. – Depuis la fin des années 1990, le
MHUAE intègre la dimension sociale dans les
projets de développement urbain en général
et dans les projets de résorption de l’habitat
insalubre en particulier. Plusieurs évaluations
V. Said/IAU îdF
ce
V. Said/IAU îdF
des bidonvilles l’accès à la propriété
de lots d’habitat social à valoriser
en auto-construction assistée.
an
d’habitat social à valoriser en auto-construc- de faisabilité est de s’assurer de l’existence de
tion assistée, dans le cadre de lotissements à ces conditions avant de programmer ce type
équipement préalable ou progressif. Le recase- d’intervention.
ment sur une zone d’aménagement progressif Le recasement sur site impose de trouver un
(Zap) permet d’accélérer les actions de résorp- terrain d’accueil (opération tiroir) permettant
tion des bidonvilles et de les adapter aux capa-
cités financières des
ménages cibles. L’État
Fr
de libérer l’emprise du bidonville afin de le lotir
et de l’équiper. Elle
» Le MHUAE intègre la dimension oblige également à
assure la propriété du sociale dans les projets recaser sur d’autres ter-
e-
terrain, l’évacuation
de développement urbain en général rains une partie des
des eaux usées, l’éclai- ménages qui ne pour-
rage public et l’ali-
et dans les projets de résorption ront trouver place dans
mentation en eau de l’habitat insalubre en particulier. « le recasement sur site.
-d
régulariser leur situation urbanistique et fon- a-t-elle été prise en compte dans le choix
cière. Sur le plan du financement, le branche- du nouveau site ? Des politiques
ment aux réseaux d’eau potable et d’électricité de transport adaptées ont-elles été mises
IA
deux conditions sont remplies : un foncier dis- liaux, et celui du lot dans le cadre de la Zap
ponible à proximité du lieu de travail et une ne doit pas dépasser 35 000 dirhams. Les aides
population disposant dans sa majorité d’un publiques accordées dans ce type d’interven-
emploi. Dans le cas contraire, c’est-à-dire des tion sont d’un montant de 25 000 dirhams pour
emplois dispersés, le site d’accueil est souvent les lots monofamiliaux et 20 000 dirhams pour
implanté dans des zones desservies en trans- les lots bifamiliaux, tant pour les lots équipés
ports ou, le cas échéant, des efforts sont fournis que pour les Zap.
pour régler les problèmes de transport et Concernant la restructuration, l’adduction
d’équipements de proximité. d’eau potable et l’électrification sont à la
Par ailleurs, le ministère a entrepris des actions charge des bénéficiaires. L’aide publique est
d’accompagnement, avec notamment la mise destinée à l’équipement en voirie et assainis-
en place d’activités commerciales à exploiter sement, pour un montant global maximal de
par la population sur site et le développement 20 000 dirhams par logement, mobilisés
ce
d’activités génératrices de revenus en faveur conjointement par l’Etat et la collectivité locale.
de la population Concernant le reloge-
« bidonvilloise » sur » Le site d’accueil est souvent implanté ment, les aides de l’État
les sites d’accueil, en dans des zones desservies en transports (FSH) représentent le
an
partenariat avec tiers de la valeur immo-
pour permettre à la population
les associations de bilière totale (VIT), soit
microcrédit. Le déve-
de bénéficier d’un logement un maximum de 40 000
loppement local aussi proche que possible dirhams par logement.
dépend de plusieurs de son lieu de travail. « Par ailleurs, dans le
dimensions : le fon- Fr
cier, le contexte urbanistique, immobilier, les
possibilités en matière d’équipements, d’infra-
cadre de la politique
de promotion du logement social et afin de
faciliter aux ménages à revenus modestes et/ou
structures de base, d’activités, de transport, etc. non réguliers l’accès à la propriété, les pouvoirs
e-
La faisabilité de toute opération doit notam- publics ont mis en place le Fogarim : un fonds
ment prendre en compte l’existence d’équipe- de garantie qui leur permettra de bénéficier de
ments, de réseaux de communication, de trans- prêts bancaires pour l’acquisition ou la
port, les caractéristiques et les possibilités du construction de leur logement.
-d
marché local.
L. C. – Aujourd’hui, quel est le niveau
L. C. – Y a-t-il des coûts et des aides de réalisation par rapport aux objectifs ?
adaptés au pouvoir d’achat du public A. T. H. – Cinq ans après le lancement du pro-
île
miliaux et 60 000 dirhams pour les lots bifami- lement, 17 943 unités sont prêtes à accueillir
d’autres ménages dont les baraques seront
démolies et 40 218 unités sont en cours de réa-
IA
lisation.
ce
situées dans les grandes aires
métropolitaines du pays. Des villes
nouvelles sont donc construites avec
an
pour enjeu de répondre à la demande
de logements et d’intégrer les
dimensions de l’emploi, de la mobilité,
Fr Virtual Earth du lien social et de l’environnement
en vue d’en faire des villes durables.
e-
es villes nouvelles marocaines interpel- en place dans un contexte particulier. Chaque
L
Tamesna, ville nouvelle
en cours de réalisation, lent. Elles suscitent, selon les interlocu- année, les villes marocaines doivent accueillir
a pour objectif de créer une ville teurs, respect et admiration, interroga- environ 130 000 nouveaux ménages auxquels il
dans toutes ses dimensions : tions et scepticisme. À ce stade de leur mise en faut proposer une offre adaptée. À cela, s’ajoute
-d
logements, emplois, loisirs œuvre, il est utile de mettre en perspective la un déficit estimé à environ un million de loge-
et transports. politique urbaine dont elles témoignent et de ments. 50 % des ménages urbains marocains
dresser un premier bilan. ont un revenu mensuel inférieur ou égal à
5 000 dirhams et peuvent acquérir au mieux un
île
Vocation et objectif des villes nouvelles logement d’un montant de 240 000 dirhams
Les villes nouvelles marocaines n’ont pas pour (35 % de leur revenu consacré au rembourse-
objectif de réorganiser ou de conquérir ni de ment, emprunt sur vingt ans à un taux de 6 %).
mettre en valeur de nouvelles parties du terri- Le prix du sol urbain aménagé est extrême-
toire national. Rappelons, par exemple, que la ment élevé dans les grandes villes du pays et la
U
création d’Essaouira au milieu du XVIIIe siècle spéculation foncière est toujours à l’œuvre.
par le souverain alaouite Sidi Mohamed Benab- Enfin, l’épuisement du foncier public, domaine
dallah a rééquilibré le fonctionnement du pays privé de l’État, dans ou à la limite des agglomé-
IA
urgence de « loger ». Cette politique, lancée et D’une ville à l’autre, l’implication d’Al Omrane
réalisée par le ministère et le groupe Al dans la réalisation des logements est différente.
Omrane, a été mise en place par touches suc- Alors qu’à Tamansourt, l’opérateur s’implique
cessives. Quelques jalons peuvent être évoqués. substantiellement en assurant la construction
des nombreuses opérations, à Tamesna, il agit
La complexité de montage comme aménageur et confie l’essentiel de la
et l’adaptation permanente réalisation à des promoteurs privés, nationaux
La décision de créer des villes a toujours été ou internationaux, dans le cadre d’un cahier
prise avec l’accord actif de l’autorité locale et des charges. Cette démarche est aujourd’hui ré-
des élus. Walis et gouverneurs jouent un rôle examinée, la maîtrise des espaces essentiels de
déterminant dans la mobilisation des assiettes la ville nécessitant peut-être une plus forte
foncières et dans la médiation entre l’opéra- implication d’Al Omrane dans la réalisation de
teur et les services déconcentrés de l’État. Les secteurs ou de lieux urbains particuliers.
ce
agences urbaines, sans jamais se départir de Les questions de mobilité et de transports col-
leur rôle de planificateur urbain garant des lectifs, notamment en direction de la « ville
équilibres du territoire, accompagnent positi- mère », s’imposent dès le début des opérations.
vement la création des villes. Elles s’impliquent Les sites choisis pour les villes nouvelles actuel-
an
aussi bien dans l’établissement des documents lement à l’étude ou en cours de réalisation sont
réglementaires – plan d’aménagement soumis situés à proximité du réseau autoroutier natio-
à l’ensemble des acteurs avant leur adoption nal. Les filiales d’Al Omrane prennent en
– que dans l’instruction des dossiers en autori- charge, seules ou en partenariat avec le minis-
sation de construire. tère de l’Équipement, les nombreux travaux sur
Fr
Très rapidement, la taille et la complexité
des opérations dont il faut assurer la maîtrise
– mobilisation du foncier, études de faisabilité,
les voies d’accès : élargissement de la voirie, re-
dimensionnement des ponts, éclairage public,
etc.Au cours des prochains mois,Tamesna sera
établissement des plans d’urbanisme, études reliée à Rabat par une nouvelle liaison directe,
e-
techniques, montages financiers, appels plus courte. Un service d’autobus et de grands
d’offres et réalisation des infrastructures, y com- taxis a été mis en place à Tamansourt et des
pris hors site, des plantations et d’opérations discussions sont en cours à Tamesna.
de logements – va conduire l’opérateur Al Toutes les villes nouvelles marocaines pré-
-d
Omrane, dont le conseil de surveillance est pré- voient dans leurs objectifs la création d’em-
sidé par le Premier Ministre, à créer des filiales plois, notamment à travers la programmation
spécialisées dédiées chacune à la réalisation de zones d’activités. Tamansourt a déjà pro-
d’une ville. grammé et commencé à réaliser une extension
île
Dans la conception des villes nouvelles, une de 737 hectares destinée quasi exclusivement
attention particulière est accordée à la nature, à promouvoir des activités industrielles, d’off-
et à la taille et au nombre des équipements shoring et de tourisme. Il reste probablement à
sociaux à programmer. L’ensemble des besoins, définir pour chaque site, dès le début des
du voisinage à la ville, est pris en considération. études, une norme « emplois créés/actifs poten-
U
Les emplacements sont prévus et les assiettes tiels », à travailler sur des mesures d’incitation
foncières réservées. La nécessité de réaliser les susceptibles d’attirer des entreprises sur des
premiers équipements avant l’arrivée des habi- sites en cours de valorisation, et à organiser le
IA
an
environnementale et de réduction
de la consommation d’énergie.
rique. Les questions relatives au fonctionne- tranquillité, proximité des équipements, ser-
ment de l’ensemble se sont vite imposées. La vices et lieux de travail, environnement social
filiale Al Omrane a pris en charge, pour cinq
ans et jusqu’à l’échéance de 2012 dans le cadre
d’une convention signée avec la collectivité
Fr
adéquat, espaces publics facilitant le vivre
ensemble, qualité architecturale – y compris
adaptabilité des logements à l’évolution des
locale, de nombreuses fonctions relatives à la modes de vie –, baisse des coûts et des tarifs,
e-
gestion de l’aire urbaine : éclairage public, émergence d’une histoire, d’un imaginaire,
ramassage des ordures ménagères, entretien d’une identité collective ? Au stade actuel de
des parcs et plantations… Tamesna, qui a éga- réalisation de cette nouvelle génération de
lement reçu ses premiers habitants, a établi villes, de nombreuses questions sont posées et
-d
récemment une convention de gestion parta- des solutions recherchées. Seul le tamis du
gée, signée par toutes les parties, impliquant à temps – le temps long pour une cité – permet-
côté de l’opérateur l’État et la commune, et indi- tra d’évaluer la pertinence décisionnelle.
quant avec précision l’implication des uns et Nous l’avons vu, une politique des villes nou-
île
des autres : information des habitants, sécurité, velles s’élabore dans l’action, par ajustements
éclairage public, transport urbain, entretien des successifs. L’alternative à cette démarche – qui
aires de jeu, des espaces verts, de la voirie… consiste à construire un dispositif préalable à
Une loi encadrant la création des villes nou- l’action, complet, explicitant un modèle et s’ap-
velles a été élaborée dans le cadre du nouveau puyant pour sa mise en œuvre sur des instru-
U
Code de l’urbanisme. Le texte, validé avec ments légaux, institutionnels, financiers, fiscaux
quelques réserves en conseil de Gouverne- établis – n’avait aucune chance de voir le jour
ment, est actuellement ajusté avant d’être sou- et condamnait à l’inaction.
IA
ce
du patrimoine culturel et identitaire
du Maroc, assument encore
de nombreuses fonctions urbaines.
an
Afin de préserver cette richesse,
l’État a mis en place des politiques
de sauvegarde adaptées et évolutives
V. Said/IAU îdF
Fr permettant de redonner aux médinas
leur place dans la ville.
e-
es médinas ont subi à travers l’histoire nas de Fès, Marrakech, Meknès, Tétouan,
L
Grâce à leurs valeurs identitaires
et culturelles et à leur patrimoine, une série de mutations économiques et Essaouira, la kasbah d’Aït Ben Haddou, la cité
les médinas, comme la kasbah sociales, aussi bien intra-muros qu’extra- portugaise de Mazagan (El Jadida), le site
des Oudayas à Rabat, réintègreront muros. Ces dernières se sont illustrées par un archéologique de Volubilis, sur la liste du patri-
-d
la dynamique urbaine. développement urbain hétérogène et par la moine mondial de l’humanité. Enfin, la place
multiplication des centres. Les médinas ont Jama’ Al Fna a été proclamée premier patri-
perdu leur rôle de centralité dans la ville. Elles moine oral et immatériel de l’humanité, ainsi
sont devenues les lieux où se conjuguent les que le moussem de Tan-Tan.
île
identitaires et culturelles qu’elles portent dans rels. Son importance est autant culturelle que
un contexte de mondialisation accrue. sociale et économique. Son rôle potentiel dans
le logement, le tourisme et l’artisanat est pri-
La richesse patrimoniale du Maroc
IA
ce
dans la définition des politiques urbaines
appelé « la première génération des études banisme en vigueur. Ceci s’est fait par le biais afin de répondre aux besoins
architecturales ». Ces études ont couvert les d’une refonte des termes de référence, en de la population concernée ;
médinas de Meknès, Chefchaouen et Tarou- étroite concertation avec les acteurs centraux et la mobiliser dans la mise en œuvre ;
dant. Leur objectif était d’analyser le tissu et locaux, publics et privés, qui ont acquis une - économique, afin de définir les choix et
arbitrages pour une meilleure utilisation
an
« médinien » en tant que patrimoine architec- notoriété et une expérience significative dans
des ressources publiques et privées
tural et urbanistique : développement histo- le domaine de la sauvegarde et de la réhabili- disponibles.
rique, évolution urbaine, analyse architecturale tation du patrimoine architectural national. L’importance de la dimension technique,
portant sur l’habitat, les équipements et le com- Cette troisième génération d’études architectu- qui est commune et transversale aux trois
merce. Elles permettaient également de déve- rales et de plans d’aménagement et de sauve- dimensions précitées, a été également
lopper les facteurs architecturaux de la médina
en s’appuyant sur des données socio-écono-
miques et démographiques. Ainsi, les recom-
Fr
garde concerne les médinas d’Assilah, de
Rabat, de Taza, de Tanger, de Tétouan, de Tarou-
dant, de Larache, de Ksar El Kebir, de Chef-
évoquée. Elle concerne les outils,
notamment les structures de gestion
et l’élaboration du plan de sauvegarde,
en intégrant les dimensions institutionnelle,
mandations sur le plan architectural se chaouen, d’Oujda et la kasbah de Debdou. sociale et économique.
e-
basaient sur les analyses effectuées au niveau D’autres plans d’aménagement et de sauve- La rencontre a permis de dresser une série
de la médina. garde sont actuellement lancés et suivis direc- de recommandations adressées
à tous les acteurs concernés
Ces études ont ensuite évolué pour aboutir à tement par les agences urbaines concernées. Il et à toutes les échelles, locale, nationale
une deuxième génération d’études architectu- s’agit des médinas de Beni Mellal, Demnate, Safi et internationale.
-d
de Fès, 2003.
temps et dans l’espace en se basant sur des tion dans ces tissus ont été développés dans
études sectorielles approfondies sur le terrain. un esprit de concertation et en partenariat avec
Cette nouvelle démarche s’est traduite par la les collectivités locales. Ils ont mené à l’élabo-
production de plusieurs documents. Tout ration de plusieurs chartes architecturales, urba-
d’abord, un document graphique, le plan de nistiques et paysagères. Ces chartes définissent
U
sauvegarde, et son règlement, ont été réalisés. Ils une philosophie commune sur une matière
ont été accompagnés d’un cahier de prescrip- spécifique et n’impliquent aucune obligation
tions architecturales (CPA). Il est le résultat de juridique. Ce sont des outils incitatifs et d’aide
IA
ce
Depuis les années 1980, kasbahs en proposant des adaptations qui s’im-
de nombreuses démarches posent aux constructions nouvelles.
de réhabiliation des médinas Les objectifs fondamentaux de ces études et
ont été mises en place. programmes sont de plusieurs natures. Ils visent
V. Said/IAU îdF
an
Pour devenir opérationnelles, à constituer un inventaire de l’ensemble des
elle se sont inscrites dans ksour. Cet inventaire constituera une somme
un cadre juridique spécifique. de connaissances majeures analysant et défi-
nissant ainsi l’aspect architectural des différents
médinas ou entités suivantes : Chefchaouen, ouvrages recensés. Il permettra de recenser
Fr
Mdiq, Fnidek, médina de Safi, Zagora, Ouazzane,
Marrakech, médina de Taza, la vallée d’Oued
Boufekren et médina de Meknès.
l’état et la valeur architecturale des construc-
tions, afin de l’investir dans le processus de
valorisation de la production actuelle, et de
dégager des propositions s’inscrivant dans une
e-
Des actions en faveur des ksour vision globale de développement, sur une base
et kasbahs culturelle et environnementale à caractère opé-
Dans sa démarche d’étude des architectures et rationnel. Enfin, il s’agira de proposer le plan
des tissus urbains spécifiques, le ministère de sauvegarde comme document de référence
-d
entreprend également un programme d’études pour toutes les interventions futures dans les
des architectures des régions présahariennes ksour.
dans le but de réhabiliter et de revitaliser les Actuellement, des études architecturales des
ksour et kasbahs. ksour et kasbahs sont en cours de finalisation
île
L’approche préconisée pour ces études vise la et couvrent la région du Tafilalet, d’Ouarzazate
connaissance de ce patrimoine architectural et de l’oasis de Figuig.
et urbain et de son évolution au contact de
U
IA
V. Said/IAU îdF
an
par un travail sur les liaisons,
comme ici entre la médina de
Marrakech et la ville « européenne ».
ce
an
Les enjeux territoriaux
Fr de l’économie marocaine 59
Retour à la Méditerranée :
Tanger Med en pointe 69
U
IA
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Quand l’économie façonne le territoire
ce
d’un développement harmonieux
basé sur une meilleure répartition
des infrastructures et des grands projets.
an
Les nouvelles interactions entre
les développements économique
et urbain impactent l’attractivité
Fr RFF/Giraud Philippe et façonnent l’organisation spatiale
et fonctionnelle des villes.
e-
es disparités régionales au Maroc trou- aussi des opportunités dont le Maroc peut tirer
L
Le Maroc change de visage
grâce à de nombreux projets vent leur explication à la fois dans le un grand profit. L’ouverture aux flux de capi-
d’équipements structurants. caractère contrasté et fracturé du terri- taux et aux investissements directs étrangers
La future ligne à grande vitesse toire marocain, mais aussi dans l’héritage de la exigent que soient réunies les conditions de
-d
entre Tanger et Marrakech période du Protectorat qui a réorganisé le ter- compétitivité, et donc d’attractivité de son sys-
est emblématique de cette stratégie. ritoire en définissant un « Maroc utile » dont les tème productif et de son territoire. Compétitivité
efforts d’équipement et de développement se et attractivité ne peuvent être atteintes que par
sont démultipliés, et, par conséquent, un la mise en œuvre d’une politique stratégique
île
ce
V. Said/IAU îdF
Larache, Mehdia et le chantier d’un port de plai-
sance et de pêche à Nador (Marchica).
Aéroports
an
Le développement des nouvelles par une vision dépassée de l’aménagement ter- Le Maroc a mis en œuvre, dès 2004, une poli-
technologies de l’information ritorial à l’échelle de tout le pays. tique de libéralisation du secteur du transport
et de communication a transformé Néanmoins, depuis le début du XXIe siècle, le aérien et d’ouverture cadrée du ciel marocain.
le paysage urbain. Ici, les paraboles Maroc a choisi de s’engager dans une politique La fin de l’année 2006 a été marquée par la
fleurissent les toits du bâti de la volontariste d’équipement du territoire. L’ob- conclusion de l’accord Open Sky avec l’Union
médina de Rabat. Fr
jectif étant d’intensifier l’intégration du pays
aux flux économiques et humains, régionaux et
mondiaux, et d’arrimer ses infrastructures aux
européenne, qui constitue une première pour
un pays non-membre. La nouvelle politique a
très vite porté ses fruits : ruée d’opérateurs,
meilleurs standards de qualité et de perfor- explosion de l’offre, extension du marché et
e-
mance. De tels projets transforment l’écono- baisse des tarifs. D’autre part, la capacité des
mie marocaine et accroissent son potentiel de aéroports marocains a nettement augmenté en
croissance, son attractivité et sa capacité à créer dix ans et cette tendance se poursuit.
du bien-être pour l’ensemble des citoyens et
-d
Le fonds Hassan II a également servi de levier Taourirt et Nador et la desserte de Tanger Med.
stratégique pour le budget public. Le Maroc accèdera également aux transports
Ces projets d’infrastructures devront permettre de masse à grande vitesse grâce à la réalisation
d’effacer le déséquilibre entre les territoires et d’une ligne grande vitesse (LGV) entre Tanger,
de renforcer la compétitivité du pays. Casablanca et Marrakech.
U
de l’entreprise de développement. Le pays est connu un essor sans précédent des télécom-
rapidement parvenu à quadrupler le rythme munications et des technologies de l’informa-
des réalisations. En conséquence, les volumes tion. Il a mis en place un processus de libérali-
d’investissement ont changé de dimension. Le sation et d’équipement structurel qui a
réseau autoroutier national relie aujourd’hui complètement transformé les réseaux, amélioré
plusieurs grandes régions du Royaume. En les performances, étendu l’accès, et induit une
2015, il permettra de relier toutes les villes de valeur ajoutée importante pour l’économie
plus de 400 000 habitants : il s’agit là d’un levier nationale. Il a, en effet, connu un développe-
fort pour la compétitivité logistique du Maroc et ment fulgurant de la téléphonie fixe et mobile,
pour son développement économique et ainsi que d’Internet, accompagné d’une diver-
social. La rocade méditerranéenne entre Tan- sification de l’offre et d’une amélioration de la
ger et Saïdia, à l’échelle internationale, et les qualité de service. Grâce aux performances de
futures routes rurales, à l’échelle locale, parti- ce secteur, l’offshoring s’est rapidement déve-
ciperont largement au maillage du territoire. loppé, notamment les centres d’appel.
Infrastructures portuaires
(1) Voir dans ce numéro des Cahiers, SAIGAULT Jean-François,
Fort de ses deux façades maritimes d’environ ZEIGER Pauline, ZUNINO Gwenaëlle, « Retour à la Méditerranée :
3 500 km, le Maroc devait se doter d’une ambi- Tanger Med en pointe », p. 69.
60
L’introduction des nouvelles technologies de Évolution de l’économie urbaine
l’information et de la communication a boule- et mutation des villes
versé les rapports à l’espace. De nombreuses Auparavant, la croissance urbaine était mal per-
activités économiques, y compris informelles, çue. Aujourd’hui, la ville est considérée comme
ont vu le jour. Un espace économique virtuel un espace de création de richesses et un
s’est mis en place. Les impacts en termes de moteur de changement social. Ainsi, la gestion
raccourcissement des distances, de localisation des villes ne se réduit plus aux seules questions
des activités, de déplacements et de trajets de services urbains et de logement, mais elle
domicile-travail ne manquent pas de modifier est aussi le cadre de partenariats et de syner-
les liens entre activité et espace urbain. gies. L’urbanisation nécessite donc des modes
de gestion rénovés. Les collectivités locales sont
Plates-formes industrielles appelées à élargir leurs compétences pour
Le développement des infrastructures indus- devenir des animateurs économiques, des ges-
ce
trielles et technologiques d’accueil est, quant à tionnaires qui travaillent avec le secteur privé.
lui, nodal. Dans ce secteur, un nombre impor- Elles sont amenées à se prononcer plus fré-
tant de projets a vu le jour entre 1999 et 2008, quemment sur des projets économiques ou
sur plus de 1 000 hectares. Cette stratégie, orien- sociaux de plus en plus complexes.
an
tée vers la compétitivité du territoire marocain La ville est dorénavant perçue comme le véri-
pour l’investissement, a été suivie par la mise table levier du développement et de la moder-
en œuvre d’une nouvelle génération de plates- nisation du pays. Casablanca n’est plus appré-
formes d’infrastructures industrielles et techno- hendé comme le géant à maîtriser, mais
logiques d’accueil intégrées. comme la métropole économique capable de
Énergies renouvelables
Le Maroc est dépendant sur le plan énergé-
Fr
concurrencer les grandes villes méditerra-
néennes en attirant des investisseurs potentiels.
Ceux-ci sont de plus en plus exigeants et sélec-
tique, alors qu’il dispose de gisements éoliens tifs. Casablanca est perçue comme la véritable
e-
et solaires inépuisables. Afin de réduire sa porte d’entrée du Maroc à la mondialisation.
dépendance énergétique, il s’est engagé dans La stratégie consiste à renforcer sa capacité,
une stratégie de production d’énergies renou- son attractivité et sa compétitivité, sans négli-
velables à grande échelle. Ainsi s’est poursui- ger l’équipement et la mise à niveau du reste
-d
vie la réalisation de parcs éoliens et de cen- du pays. Les grandes métropoles du pays se
trales thermiques et électro-hydrauliques, telle métamorphosent grâce à des projets urbanis-
la centrale fonctionnant à la fois au gaz naturel tiques structurants. L’économie urbaine et la
et à l’énergie solaire à Beni Mathar. pratique de la ville par ses habitants en seront
île
d’1 million de tonnes de pétrole et évitera au grandes capitales en la conciliant avec son Le parc éolien de Tanger
Maroc l’émission de 3,7 millions de tonnes de environnement fluvial et maritime. Il s’agit prin- participe activement à la stratégie
CO2 par an. À terme, sa production représen- cipalement de faire de ce fleuve l’articulation de développement des énergies
IA
tera 42 % des besoins électriques du Maroc. organique entre les deux villes de Rabat et de renouvelables au Maroc.
En plus de ces méga-projets, qui ne manque-
ront pas d’avoir un impact direct sur l’emploi et
Direction Communication/Office National de l’Electricité – Maroc /Ph. H. Essiyad
61
Le Maroc en perspective :
regards croisés Quand l’économie façonne le territoire
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Les enjeux territoriaux de l’économie marocaine
Salé, pour le passage d’une rive à l’autre et les réalisation de six stations balnéaires : Mediterra-
lieux publics à exploiter en commun. Ce projet nia Saïdia à proximité d’Oujda, Mazagan Beach
développera de nouvelles fonctions écono- Resort au sud d’El Jadida, Port Lixus dans la
miques dans la capitale, principalement le tou- région de Larache, Mogador Essaouira, Argana
risme et les services supérieurs. Bay près de Taghazout et Plage blanche à 40
kilomètres de Guelmim.
Le projet d’Anfa Il ressort de ce panorama que les villes maro-
Pour insuffler une nouvelle dynamique écono- caines s’ouvrent progressivement aux flux
mique et sociale à Casablanca, il a été décidé financiers étrangers, en modernisant leurs
de créer un véritable pôle urbain sur le site de structures d’accueil et en diversifiant leurs fonc-
l’ancien aéroport d’Anfa. C’est la plus grande tions. Néanmoins, l’économie marocaine et le
opération de renouvellement urbain au Maroc. territoire national fonctionnent à deux vitesses.
D’une superficie d’environ 350 hectares, ce Parallèlement à l’effort considérable de moder-
ce
nouveau pôle devrait privilégier les espaces nisation et d’insertion des grandes métropoles
verts et respecter un équilibre entre les zones marocaines sur la scène internationale, le poids
d’affaires et d’habitat. de l’économie informelle, et par conséquent
de l’occupation spontanée de l’espace, marque
an
Les villes nouvelles fortement le paysage urbain des grandes villes.
La création de villes nouvelles et l’ouverture Le chômage structurel a fait exploser ces der-
de nouvelles zones à l’urbanisation sont l’une nières années le marché de l’emploi clandes-
des actions majeures de la politique urbaine tin, composé essentiellement de petits métiers.
de l’État. Deux villes nouvelles sont en chan- Ce phénomène s’est développé en profitant de
Fr
tier : Tamansourt dans la périphérie de Marra-
kech (1 200 hectares, 300 000 habitants) et
Tamesna dans la périphérie de Rabat (840 hec-
la banalisation des technologies de l’informa-
tion et de communication (Internet et télépho-
nie mobile). La contrebande, le commerce
tares, 250 000 habitants). D’autres, à proximité informel et les activités de réparation liées à
e-
de pôles urbains majeurs, sont à l’étude : ces nouvelles technologies sont florissants dans
Lakhyayta dans la région de Casablanca (1 500 de nombreuses villes marocaines. Ainsi, cette
hectares) ; Chrafate dans la région de Tanger économie moderne et hautement capitalis-
(1 050 hectares). Parallèlement à cette politique tique se conjugue avec une « nouvelle écono-
-d
des villes nouvelles, des programmes ambitieux mie informelle », qui joue le rôle de soupape
de lutte contre l’habitat insalubre, de produc- pour le marché de l’emploi.
tion de logements sociaux et de mise à niveau
urbaine profitent principalement aux villes Vers un nouvel ordre territorial
île
ristes à l’horizon 2010, le plan Azur prévoit la de rompre avec l’ordre territorial du passé. Ces
chantiers présentent notamment trois grands
Projets d’aménagement touristiques traits distinctifs. D’abord, le volontarisme a fait
IA
ce
représente à la fois un atout exceptionnel et sens du projet.
une très lourde responsabilité. Je crois que le
Maroc, si nous regardons ses actions pour assu- L. C. – Le tourisme international pouvant
André Azoulay est conseiller mer ce double attribut, et notamment ce qui a être menacé par une conjoncture
économique ou politique difficile,
an
de Sa Majesté le Roi du Maroc été fait sur le littoral marin méditerranéen, est
depuis 1991, d’abord auprès plutôt un bon élève. Depuis le milieu des existe-t-il une vision de complémentarité
de feu Sa Majesté le Roi années quatre-vingt, il y a une accélération du en termes de produits et d’accueil pour
Hassan II, puis de Sa Majesté développement touristique sur l’ensemble du assurer un équilibre entre un tourisme
le Roi Mohammed VI. Il avait Maroc, avec une visibilité stratégique sur le long international et un tourisme national ?
précédemment occupé
d’importantes fonctions au sein
de la direction générale
Fr
terme, une cohérence des projets et une défini-
tion rigoureuse des objectifs fixés. Ce dévelop-
pement se fait avec les garde-fous nécessaires
A. A. – Nous sommes dans une économie
ouverte et nous sommes conscients des risques
que nous prenons quand nous développons
du groupe Paribas à Paris pour résoudre cette équation, à savoir avancer l’industrie touristique en en faisant une prio-
e-
(de 1968 à 1990). sans pour autant compromettre l’écologie de rité nationale. Nous savons qu’elle dépend
Auprès du Souverain, notre patrimoine marin, et sans perdre l’âme d’aléas conjoncturels ; il faut donc que nous
il a notamment contribué des villes côtières historiques, qui pourraient trouvions la bonne formule qui permette de les
au programme de réformes souffrir du legs de l’histoire sur nos rivages. Il maîtriser autant que possible. Le Maroc est un
-d
économiques et financières s’agit d’un pari difficile, réussi à différents pays dont la première qualité est sa richesse
du Maroc et participé au suivi degrés selon les projets. Je crois cependant que, historique et humaine, sa diversité culturelle, et
du processus de paix au Moyen- globalement, nous avons pu, au cours des der- un projet de société riche par sa profondeur et
Orient. nières années, apporter la bonne réponse à son identité. Les touristes étrangers sont atta-
île
Membre du Groupe de haut cette double exigence : créer de la richesse sur chés à cette diversité. Il serait donc aberrant de
niveau des Nations-Unies nos rivages tout en préservant le patrimoine, nous priver de ce métissage et de ce levier d’ou-
pour l’Alliance des civilisations, les acquis historiques, les équilibres urbains et verture de nos espaces touristiques.
André Azoulay est président la facture architecturale.
de la fondation L. C. – Quelles sont les mesures
U
En 1991, j’ai créé l’Association pour la promo- Le second postulat reposait sur l’idée que la
tion et la sauvegarde d’Essaouira-Mogador, et culture n’est pas simplement un moment
nous nous sommes fixé, à ce moment-là, un cer- d’émotion partagé autour d’une œuvre plas-
tain nombre de postulats autour desquels arti- tique, d’une création musicale ou d’un très
culer les stratégies de renaissance de la ville. beau film. À Essaouira, nous avons aussi consi-
Le premier était celui du développement dura- déré la culture comme un vecteur de création
ble. Nous ne voulions plus être exposés aux de richesses. Il a ainsi été décidé de donner
mêmes risques que lors des décennies du priorité à la musique par la création d’un festi-
déclin de la ville. La situation dans les années val de musiques gnawa, jazz et musiques du
soixante-dix était tellement dramatique que monde. À l’époque, les gens étaient plutôt scep-
Georges Lapassade, très grand philosophe et tiques sur la possibilité de faire jouer les Gna-
sociologue français, amoureux de la cité, avait was, anciens esclaves, avec les plus grands
écrit à l’entrée de la ville : « Essaouira, ville à musiciens de jazz dans le cadre d’un festival. Le
ce
vendre ». Nous avons décidé d’agir avec ce que pari a été pris. Le succès de ce festival a été tel
nous contrôlions, dans une vision de durabi- que les gens ont assimilé Essaouira aux Gna-
lité. L’Histoire est glorieuse et was. Même si cela est
riche, et chaque vieille pierre quelque peu démesuré, il
» Considérer la culture
an
à Essaouira a une grande s’agit d’un levier exception-
épopée à nous conter. Nous comme un vecteur nel.
avons donc voulu protéger le Nous avons ensuite créé le
de création de richesses. «
patrimoine et ses valeurs, et Printemps musical des ali-
en faire un vecteur de déve- zés, festival de musique de
Fr
loppement. Ces valeurs sont celles dont a
besoin le monde d’aujourd’hui : altérité et
témoignage au-delà de tous les possibles,
chambre et d’art lyrique. Ce festival est devenu
l’un des plus grands rendez-vous pour tous les
mélomanes du bassin méditerranéen. Nous
quand il s’agit de faire se rencontrer et s’épa- organisons maintenant sept grands festivals de
e-
nouir ensemble toutes les religions, les civilisa- musique par an, parmi lesquels le festival des
tions, les histoires et les identités. La culture Andalousies atlantiques. C’est le seul espace
d’Essaouira incarne la force de cette diversité, où se produisent sur la même scène des poètes
en y ajoutant le patrimoine oral et ses acquis. et des musiciens juifs et musulmans qui repren-
-d
Aujourd’hui, ce n’est pas un luxe d’avoir un nent les œuvres de leurs aînés écrites ensem-
espace envoyant à chacun d’entre nous les ble. Nous avons notamment le Matrouz, qui
signaux de la rencontre plutôt que du rejet, de veut dire broderie, avec un grand nombre de
la synthèse plutôt que de la fracture, et de l’al- poèmes et de chants comprenant un vers en
île
térité plutôt que de la confrontation. C’est cela arabe et un vers en hébreu. Cela est très rare
l’identité d’Essaouira. dans le contexte géopolitique actuel.
U
IA
L. C. – Comment peut-on accueillir coup celle de New York. Nous nous sommes
e-
tant de visiteurs sans nuire à la qualité inscrits dans la lignée de cet héritage et de cette
et à la tranquillité des lieux ? richesse.
A. A. – Lorsque nous avons lancé cette straté-
gie, il y avait six ou sept hôtels à Essaouira ; il y L. C. – Ne pensez-vous pas que tous
-d
en a aujourd’hui 227. Cependant, la ville n’a ces succès, ainsi que le développement
rien perdu de son cachet, de son esprit, de son de l’aéroport et de l’autoroute, attirent
âme. Je crois que nous avons été bien inspirés beaucoup plus de visiteurs que la cité
en faisant de la culture et du patrimoine un ne peut effectivement en accueillir ?
île
vecteur de développement de qualité. Tout a A. A. – Non, l’une des fragilités de la ville était
commencé en 1992, lorsque Sa Majesté le son enclavement. Nous sommes donc lucides,
Prince héritier est venu à Essaouira pour célé- nous ne pouvons pas à la fois vouloir aller de
brer le quarantième anniversaire de la Palme l’avant et rester une presqu’île inaccessible.
d’or du film Othello, qu’Orson Welles avait L’ouverture de l’aéroport il y a quelques années
U
nale. Ce fut une manifestation magnifique, et d’Essaouira par la liaison autoroutière, valori-
presque vingt ans après, nous continuons dans sant la complémentarité de développement
cette voie. Sa Majesté le Roi, dans le plan Azur, des deux villes : Essaouira représente l’espace
a également choisi Essaouira-Mogador pour un balnéaire de Marrakech, et Marrakech le conti-
magnifique projet que nous prenons soin d’in- nent pour Essaouira. Je crois qu’il s’agit vrai-
tégrer dans le paysage. ment d’un atout et non pas d’un risque.
ce
de la ville sont multiples : mobilité,
stationnement, équilibre fragile entre
animation urbaine du commerce
an
traditionnel et nouvelles centralités
des grandes surfaces. Comment
le Maroc, notamment à travers le plan
V. Said/IAU îdF
Fr Rawaj, élabore la planification de
cette mutation commerciale et urbaine ?
e-
ays de tradition commerçante, le Maroc se développent dans les grandes villes(3) et les
P
Le commerce traditionnel
participe à l’animation urbaine a toujours défendu et encouragé l’initia- kissariats traditionnelles cèdent la place à des
des centres-ville. tive privée. Il est resté ouvert à toute centres commerciaux de nouvelle génération
forme de commerce et de distribution capable alliant divertissement, distraction et confort
-d
sage urbain, notamment dans les grandes villes, business model le développement d’autres
a connu l’émergence du commerce en réseau formes de commerces, comme les surfaces
avec l’implantation de grandes surfaces alimen- spécialisées, les galeries et les centres commer-
IA
ce
tion, la ville, le quartier ou l’îlot –, n’obéissent à une vision de développement durable.
aucune règle ou critère prédéfinis, à l’excep- En parallèle, des schémas régionaux de déve-
tion des plans d’urbanisme qui fixent la desti- loppement du commerce et de la distribution
nation générale des sols et la détermination (SRDCD) sont en cours de réalisation dans cer-
an
des zones commerciales. En effet, ces docu- taines régions du Royaume. Ces schémas
ments ne portent aucune indication sur la constitueront également des outils d’aide à la
nature des commerces ni sur les critères devant décision pour tous les acteurs et identifieront
orienter les implantations commerciales. De des projets commerciaux structurants et priori-
même, dans ces plans, les espaces réservés au taires pour la région, ainsi qu’une meilleure pla-
commerce, qui doivent obéir à des logiques de
proximité et d’accessibilité, ne sont pas toujours
affectés avec les dimensions spatiales requises
Fr
nification de l’évolution de toutes les compo-
santes du tissu commercial.
Ceci induit également des phénomènes long termes. Aussi, le plan Rawaj prévoit d’au-
comme le squat des espaces publics (places, tres mécanismes pour préserver le commerce
rues, trottoirs) par du commerce dit « ambu- de proximité et l’encourager à se moderniser.
lant », ou l’existence de locaux de commerce Ces mécanismes visent à améliorer la compé-
île
ce
entreprises disposant d’un « concept maro-
cain » et souhaitant développer leurs réseaux
commerciaux aux niveaux local, national ou
international. Ceci, dans l’objectif de favoriser
V. Said/IAU îdF
an
l’émergence d’opérateurs leaders nationaux.
En effet, le développement de concepts maro-
cains est un levier important de modernisation
Les structures du commerce moderne transforment profondément le paysage urbain. du paysage commercial urbain et de maintien
du commerce de proximité.
dans les années à venir. Parallèlement, le commerce informel est présent partout dans la ville, traduisant politique prend en compte l’environnement et
les difficultés économiques et le chômage qui touchent une partie importante de la population. la vocation future de la réhabilitation et privilé-
Quelle stratégie adopter par rapport au développement du grand commerce dans les années à venir ? gie la rénovation du bâti et des infrastructures
Comment mieux prendre en compte le développement durable dans une ambition d’expansion ? de base, la piétonisation des rues et ruelles
île
Comment valoriser le potentiel unique que représente la médina de Fès, tout en lui conservant son authenticité ? commerciales, la création d’esplanades, de pro-
Comment redynamiser les axes commerciaux en perte de vitesse de la ville nouvelle ? menades, de parkings et, bien évidemment, la
Comment développer une offre de services adaptée aux besoins des différentes catégories de populations modernisation des locaux de commerce.
présentes et à venir ? Comment arriver à mieux faire cohabiter activités commerciales, artisanales,
fonctions résidentielles et déplacements ? Comment maîtriser le commerce informel ? Enfin, il convient de préciser que la mise en
œuvre de toutes ces actions de planification
U
Avec le lancement du grand programme national d’actions pour le développement et la modernisation du secteur ou d’accompagnement des commerces de
du commerce, le plan Rawaj, et les réflexions en cours sur l’aménagement de la ville de Fès (révision du plan proximité nécessite l’adhésion de tous les
d’aménagement, élaboration du plan de déplacements urbains, etc.), l’Agence urbaine et de sauvegarde de Fès acteurs au niveau de la ville, qu’ils soient
a souhaité engager une réflexion sur le devenir des activités commerciales, artisanales et de services, à Fès
IA
d’investissement, etc.
L’Agence assurera la mise en cohérence et la traduction des orientations du schéma dans les documents
d’urbanisme locaux.
Retour à la Méditerranée :
Jean-François Saigault
Pauline Zeiger Tanger Med en pointe
Gwenaëlle Zunino
IAU île-de-France
ce
sur la Méditerranée. Des projets
portuaires et économiques d’envergure
mondiale se concrétisent, comme
an
Tanger Med et bientôt Nador West Med.
Cette démarche permet
de renforcer la position stratégique
Virtual Earth/IAU îdF
du Maroc, d’organiser son territoire
Fr et d’impulser une dynamique régionale.
e-
ongtemps assoupis et légués à leur his- passe notamment par son intégration dans un
L
Le complexe portuaire de Tanger
Med permet de développer toire mouvementée, Tanger et sa région réseau complet d’infrastructures nationales et
toute la région du Nord se mettent en marche, grâce à une poli- internationales voué à se développer.
et participe au rééquilibrage tique volontariste nationale, pour entrer réso- Tanger deviendra à terme une nouvelle centra-
-d
du territoire. lument dans la mondialisation du XXIe siècle. lité nationale, moteur du développement éco-
Cette impulsion dynamise l’ouverture du Maroc nomique, social et urbain de toute une région.
sur la Méditerranée.
Tanger Med dans la course mondiale
île
ment du Maroc sur l’échiquier économique des ports de l’Europe du Nord dans la desserte
mondial. Cette vision se met en œuvre par le de l’hinterland(1) européen et modifie les stra-
lancement de plusieurs projets majeurs d’infra- tégies maritimes nationales. Celle du Maroc
IA
Un port nouvelle génération La situation exceptionnelle de Tanger Med emplois, qui s’ajouteront aux 120 000 emplois
Le port en eaux profondes de Tanger Med 1, Tanger Med est situé entre Tanger et Tétouan, au liés aux zones franches.
en fonctionnement depuis 2008 niveau du détroit de Gibraltar, en face du port
et d’une superficie de 80 hectares,
a une capacité de trois millions d’EVP(1) d’Algésiras. Il est sur une des voies maritimes les Prise en compte des dimensions
et est constitué de deux terminaux plus fréquentées au monde, au carrefour des environnementale et sociale
d’un linéaire de 1 800 mètres, routes de commerce de quatre continents. Il Une étude d’impact environnemental a été réa-
avec des tirants d’eau de 16 et 18 mètres. jouit d’une position stratégique exceptionnelle lisée en amont du projet afin de l’inscrire dans
Il est équipé de 50 portiques à roue pour capter une partie du trafic mondial de une démarche de développement durable. Elle
et de 16 portiques à quai, ce qui permet de
traiter en même temps 4 porte-conteneurs marchandises. Le projet est donc conçu a étudié les conséquences possibles de l’en-
géants. De plus, Tanger Med 2, en cours comme une « cité portuaire », porte d’entrée du semble portuaire sur une zone littorale fragile.
de réalisation, portera la capacité totale Maroc pour les activités portuaires, logistiques La plate-forme portuaire a été conçue pour
du complexe portuaire à 8 millions d’EVP. et industrielles. limiter son déploiement sur le littoral (sept kilo-
Tanger Med a fait le choix d‘une offre mètres) et les tracés routiers et ferroviaires ont
ce
diversifiée, composée d’un terminal
passager et roulier – conçu pour traiter Un projet qui s’inscrit été implantés loin du littoral. Un plan de gestion
7 millions de passagers et 700 000 camions dans une démarche globale environnemental, mis en place dès 2006, porte
par an, qui permet de compléter l’offre Le projet de Tanger Med représente une oppor- sur la sécurisation du domaine forestier et la
logistique par la traversée du détroit – ; tunité majeure pour le Maroc et lui permet de prévention des incendies, la lutte contre l’éro-
d’un terminal hydrocarbure ;
an
s’inscrire dans une démarche globale, associant sion et la diversification des pratiques agropas-
et d’un terminal vrac et divers. À terme,
le complexe portuaire aura une superficie à un important développement économique torales. Enfin, un plan de restauration paysager
de 1 000 hectares, avec 8 kilomètres les problématiques d’aménagement du terri- de l’ensemble du site permet de mettre en
de quais et 8 kilomètres de digues. toire et d’environnement. valeur le patrimoine floristique et de « renatu-
rer » le site.
(1) Équivalent vingt-pieds : unité de mesure standard
d’un conteneur permettant d’élaborer des
statistiques.
Fr
Infrastructures et industrie :
supports du développement de la région
Dès le départ, le développement territorial est
Par ailleurs, l’Agence spéciale Tanger Méditerra-
née (TMSA) finance et réalise, en collaboration
avec la Région, des programmes de dévelop-
un enjeu majeur pour Tanger Med. L’État en a pement socio-économique pour la population
e-
fait une priorité nationale et a investi près de locale. À travers la Fondation Tanger Med pour
deux milliards d’euros pour les infrastructures le développement humain, elle soutient des
d’appui permettant de relier le port au terri- actions locales portant sur la santé, l’éducation
toire. Cela se traduit par l’intégration du port et la formation professionnelle.
-d
part. Le réseau ferroviaire sera également site un investissement global d’environ trois
étendu, notamment par une ligne à grande milliards d’euros, réparti à parts quasi égales
vitesse. Enfin, Tanger Med intégrera le réseau entre les secteurs public et privé. Les activités
transeuropéen de transport. portuaires sont orchestrées par des opérateurs
Afin d’initier un développement régional de mondiaux qui investissent dans les superstruc-
U
long terme, ce nouveau pôle s’articule autour tures et les équipements portuaires, dans le
d’une plate-forme portuaire et logistique, et cadre de concessions à durée déterminée.
d’une plate-forme industrielle. Pour attirer les Afin d’aménager et de gérer Tanger Med, la
IA
entreprises, plusieurs structures visant à favori- TMSA a été créée par l’État en 2003, avec l’ap-
ser leur implantation ont été mises en place : un pui de la Fondation Hassan II. Sa première mis-
centre tertiaire intermodal, une zone franche sion est d’assurer l’autorité portuaire, la
industrielle et une autre logistique.Tanger Med deuxième est d’aménager, de gérer et de com-
est un véritable tremplin pour l’emploi local. À mercialiser les zones d’activités. Elle est actrice
terme, il permettra la création de 28 500 dans l’aménagement du territoire autour du
projet, par la concrétisation d’un schéma
d’aménagement complémentaire aux docu-
ments d’urbanisme réglementaires.
sur une des voies maritimes loppement économique pour le Maroc, avec
les plus fréquentées au monde. des retombées sur l’ensemble de la région du
Il est la porte d’entrée au Maroc Nord. Cette cité portuaire constitue une nou-
des activités portuaires, velle centralité et rééquilibre substantiellement
logistiques et industrielles. le territorial national.
70
Vers une mobilité
durable
ce
an
Articulation urbanisme-transports
Fr dans le Grand Rabat 72
Rabat-Salé :
e-
le tramway pilote du Maroc 74
et mobilité durable 76
île
Mobilité et urbanité :
les défis du PDU de Casablanca 78
71
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Vers une mobilité durable
Articulation urbanisme-transports
Mohamed Aouzaï (1)
L’agglomération de Rabat-Salé-Témara
met en place une politique de transport
en cohérence avec son développement
urbain et économique.
ce
Elle comporte plusieurs objectifs :
relier les pôles existants à conforter
avec les pôles urbains à créer, planifier
an
les infrastructures routières et le réseau
de transports en commun en fonction
des projets urbains, et améliorer
la qualité urbaine autour des axes
V. Said/IAU îdF
Fr de transport et des gares.
e-
a conurbation de Rabat-Salé-Témara les différents quartiers longeant le littoral et les
L
Le futur tramway permettra de relier
les pôles majeurs de Rabat et Salé (RST) se trouve sur un important carre- nouveaux pôles de services et d’emplois (Hay
et renforcera l’armature urbaine four du transit national. C’est un passage Riad, Agdal…) font nettement défaut.
existante. obligé pour la majorité du trafic nord-sud et est-
-d
ouest. Son réseau de voirie est relié au réseau L’exigence d’adaptation des transports
national par les autoroutes de Casablanca et à la dynamique urbaine
de Tanger via Kénitra-Larache, ainsi que par Les problématiques d’articulation entre urba-
l’autoroute de Mekhnès-Fès et la route des nisme et transports sont multiples. L’avènement
île
Zaërs. La route côtière mène vers les mêmes de la périurbanisation et l’apparition de nou-
directions. Cette ossature principale est dotée veaux enjeux dans la périphérie ont transformé
d’une rocade urbaine qui part de l’autoroute et les rapports au sein de la conurbation RST.
traverse ou contourne les villes de Témara, La nouvelle organisation des espaces de pro-
Rabat et Salé, puis rejoint à nouveau les auto- duction, la délocalisation des activités indus-
U
routes de Fès et de Tanger. La toile de fond est trielles et l’apparition d’activités de services ont
complétée par quelques artères principales conduit à de nouvelles pratiques du territoire,
reliant la commune de Hassain à Salé, les com- parfois en contradiction avec les objectifs d’un
IA
Témara, Salé et Rabat, ils sont respectivement 40 lignes, d’une organisation du réseau struc- le matin. Dans cette plage horaire,
74 % des déplacements ont un motif
de 58 %, 60 % et 91 %. On constate également turée autour de 6 lignes de bus à haut niveau domicile-travail.
que la principale destination dans l’aggloméra- de service, par l’aménagement de sites propres • Multimodalité : le nombre de voyageurs
tion est le centre de Rabat : 30 % des trajets de et par le renouvellement du matériel. descendant des trains et prenant
Témara et 35 % de ceux de Salé se font à desti- les transports en commun est très faible,
nation d’Agdal Hay Ryad et de l’arrondisse- La mobilité, vecteur et catalyseur de l’ordre de 10 % à 15 %.
ce
• Marche à pied : 66 % des déplacements.
ment de Hassan. À Rabat, 40 % des déplace- de développement
ments se font vers le centre-ville et 24 % vers la La desserte du sud-ouest et de l’est de la conur-
zone industrielle de Youssoufia. bation est un enjeu majeur. Elle permettra
d’améliorer l’équilibre population-emploi,
Le lancement d’un plan de déplacements
an
notamment par la liaison avec la zone de logis-
urbains tique identifiée dans le Sofa(3) entre Tamesna,
Afin de planifier l’évolution du système de Aïn Attig, la zone industrielle de Témara et la
transports dans son ensemble et de l’articuler technopolis de Salé.
avec le développement urbain et économique Ainsi, une rocade autoroutière de 37 kilomè-
de l’agglomération, les autorités locales ont
lancé une étude pour la réalisation d’un plan
de déplacements urbains (PDU). Il vise à redi-
Fr
tres contournera l’agglomération de RST et des-
servira le sud-ouest de la conurbation. Elle
offrira d’importantes potentialités de dévelop-
riger les flux de circulation entre les villes en pement. Cette offre autoroutière devra s’accom-
e-
tenant compte des nouveaux pôles de déve- pagner d’une viabilisation de la desserte en
loppement. Il doit permettre de remédier aux transports en commun.
P. Zeiger/IAU îdF
problèmes de circulation et de stationnement La restructuration du réseau ferré constitue un
à l’intérieur des villes. Le PDU doit également axe majeur de la politique de transport de
-d
apporter des solutions aux déplacements des Rabat-Salé. Elle s’intègre dans la stratégie natio-
piétons et réorganiser l’armature des transports nale et bénéficiera de la future ligne à grande La modernisation de la gare
en commun grâce à une meilleure implanta- vitesse (LGV) entre Tanger et Casablanca. Des de Rabat s’inscrit dans la politique
tion des gares routières et des relais. études sur le tracé et sur une gare pouvant de transport de l’agglomération,
île
La volonté est d’instaurer une politique accueillir les TGV sont en cours. en accord avec ses ambitions
de déplacements équitable offrant une À l’échelle de l’agglomération, la politique de de développement urbain
complémentarité entre les différents modes transports en commun lourds comprend plu- et économique.
de transport. Une stratégie d’«urbanisme de cor- sieurs projets d’envergure : un réseau express
ridors » peut être développée, présentant une régional sera mis en place, deux gares seront
U
structure urbaine dense le long des lignes fortes créées, trois rénovées ou restructurées, et le ser-
de transports et des centres d’échanges vice urbain sera renforcé. Le doublement des
majeurs. L’articulation des tramways, des bus et voies et la création de nouvelles gares entre
IA
des trains permettrait de limiter la congestion Rabat et Salé sont aussi envisagés. Enfin, des
de la circulation et l’étalement urbain. aménagements urbains autour des gares et des
voies ferrées sont étudiés afin de réduire les
Le renforcement des transports coupures urbaines.
en commun
Les objectifs de ce PDU se traduisent déjà par L’agglomération de Rabat-Salé-Témara a mis en
de nombreux projets. Ainsi, les transports en place une politique de transport en adéqua-
commun seront renforcés par les deux pre- tion avec ses ambitions de développement
mières lignes du tramway(2) de l’agglomération urbain et économique. Ce choix lui permet
de RST, actuellement en travaux pour une mise d’anticiper les problèmes de circulation et de
en service fin 2010. Un nouveau pont, Moulay El congestion, de modifier les pratiques des habi-
Hassan, est également en cours de réalisation ; tants vis-à-vis de la voiture et ainsi, de devenir
V. Said/IAU îdF
Rabat-Salé :
Loubna Boutaleb(1) le tramway pilote du Maroc
Société du tramway
de Rabat-Salé
ce
structurant de l’aménagement
an
du Royaume s’est imposée.
L’objectif est double : assurer
une mobilité durable entre les deux rives
Fr de Rabat et Salé, et accompagner
le projet par une valorisation urbaine.
e-
epuis 2007, l’agglomération de Rabat- Une congestion importante du trafic est obser-
D
La pression accrue sur les transports
sera allégée par l’arrivée du tramway Salé s’est lancée dans la réalisation vée, particulièrement sur les ponts de franchis-
renforçant les liens entre Rabat du premier tramway moderne du sement du fleuve Bouregreg, véritables points
et Salé. Royaume, en phase avec la volonté du pays de noirs routiers. La circulation est devenue pro-
-d
s’inscrire dans un processus de développement blématique pour les citoyens et freine le déve-
et de mobilité durables. Ce nouveau mode de loppement économique de la région.
transport structurant reliera les deux rives du Pour répondre à ces enjeux, les travaux de
fleuve Bouregreg; il sera mis en service fin 2010. réalisation du tramway et du nouveau pont
île
de 207 hab/km2. Les deux villes de Rabat et dessein visant à hisser la capitale et l’ensem-
Salé concentrent respectivement 26 % et 35 % ble de l’agglomération au niveau des métro-
de sa population. La principale vocation de poles internationales.
IA
ce
dès sa mise en service.
Un maillage de cinq lignes à long terme observe d’ores et déjà une requalification de • La fréquence de desserte est de huit
Le premier réseau de tramway, constitué de certaines avenues autour du tracé afin de minutes et quatre minutes pour
deux lignes d’une longueur de près de 20 kilo- réorienter les véhicules vers les grands axes et la traversée du fleuve Bouregreg.
mètres et de 31 stations, sera réalisé afin de de soulager les centres-ville. • Sa vitesse commerciale moyenne
est de 20 km/h.
an
relier les villes, desservir les principaux équipe-
ments structurants et les quartiers de Rabat et Une valorisation urbaine en marche
Salé. Il correspond aux besoins de déplace- Par sa configuration, le réseau du tramway par-
ments les plus importants et dessert les secteurs ticipera à la restructuration des deux villes,
les plus densément peuplés. notamment en protégeant les zones centrales
La ligne 1, dite ligne structurante du réseau,
relie les pôles émetteurs/attracteurs majeurs de
l’agglomération. La ligne 2 répond à la forte
Fr
de plus en plus polluées par la circulation auto-
mobile. Ce projet s’accompagne d’une revalo-
risation des quartiers traversés qui ont le plus
demande de traversée du Bouregreg (en dou- souffert pendant la période des travaux, mais
e-
blant le service offert par la ligne 1) et dessert qui bénéficieront d’un réaménagement urbain.
aussi les quartiers denses. Ainsi, plusieurs avenues ou places importantes
Le tramway, qui entrera en service à l’échelle des deux villes seront réaménagées afin de les
intercommunale en 2010, couvrira à moyen et désengorger. Le meilleur exemple est la transfor-
-d
long terme les territoires d’autres communes mation de la place Al Joulane à Rabat, désor-
de l’agglomération et comptera cinq lignes. Une mais espace d’échanges entre les deux lignes.
première extension du réseau, côté Rabat, est Libérée d’une trop forte pression automobile,
programmée à l’échéance 2012. elle privilégiera les piétons et le tramway, dans
île
pour une meilleure mobilité multifonctionnels à proximité. Par ailleurs, Autour du tracé du tramway,
L’objectif premier du tramway est de servir les toutes les améliorations urbaines, en termes de certaines avenues seront requalifiées
usagers : réduire les temps de transport et amé- mobilité, de qualité de vie ou de revalorisation afin de soulager les centres-ville.
IA
liorer le confort et la régularité du service. des quartiers, profiteront à l’activité touristique Place Al Joulane, face à la cathédrale
La fréquentation du tramway de Rabat-Salé est de l’agglomération, déjà en plein essor. de Rabat.
estimée à environ 60 millions de voyageurs par
an, dès sa mise en service ; les véhicules ont été
dimensionnés en fonction de ces prévisions.
Le tramway est le seul transport en commun
adapté pour répondre aux problèmes actuels
de saturation du trafic routier de Rabat-Salé. Il
permet d’accroître la capacité de transport,
d’améliorer la fréquence de desserte, la rapi-
dité et la régularité des déplacements.
Le tracé du réseau a été étudié de manière à
desservir les grands équipements de l’agglomé-
ration tels que les hôpitaux, les facultés, les cen-
tres commerciaux, les pôles administratifs, ainsi
Chakib Ouazzani
ce
et des transports, ainsi que le partage
de la voirie entre les différents modes
de déplacement. L’auteur développe
an
les caractéristiques de la mobilité
durable et décline, dans la lignée
du plan de déplacements urbains,
Fr les mesures à prendre
pour une meilleure qualité de vie.
e-
es urbanistes du XXe siècle ont dessiné la tion automobile (et du stationnement), et de
L
La trame urbaine est un atout
majeur de Casablanca. Elle doit ville de leurs rêves… et ont donné nais- répondre plus attentivement à la mobilité
permettre le développement sance à Casablanca. L’image que reflète douce, notamment la marche, ainsi qu’aux dif-
des transports et de l’agglomération le cœur de Casablanca, celle de la ville blanche férentes activités dépendantes de l’accessibi-
-d
tout en préservant sa qualité. avec ses avenues et boulevards ornés de magni- lité et de l’animation urbaine de la rue.
fiques plantations d’alignement, incarne l’héri-
tage et le patrimoine de la métropole en deve- La perspective des transports en commun
nir, composante essentielle de son identité et Les transports urbains de Casablanca ne sont
île
les fonctions et la multiplicité des usages : mier réseau partiel a été mis en place – le
espaces publics et voirie dotée de plantations réseau M’dina bus, avec la participation de la
d’alignement, grands parcs urbains et espaces RATP. Un service ferroviaire de transports
verts de parcours. Certaines réalisations urbains, appelé Bidaoui, a par ailleurs été réa-
récentes ou en cours risquent cependant de lisé par l’Office national des chemins de fer
compromettre la qualité urbaine d’ensemble (ONCF).
offerte par cette trame. Ainsi, la réalisation de Ces initiatives récentes, stimulées par le plan
trémies(2) et de passages dénivelés sur certains de déplacements urbains (PDU), restent encore
grands carrefours urbains pour répondre à l’ex- en deçà d’une prise de position irréfutable en
clusive priorité accordée à l’automobile vient faveur d’un dispositif de transports urbains
pénaliser l’aisance et la qualité des modes de adapté à l’échelle d’une grande métropole.
déplacement doux, notamment pour les pié- Néanmoins, les travaux de mise en œuvre du
tons. Elle dégrade aussi l’attractivité commer- tramway ont démarré sous l’impulsion de l’au-
ciale et les vitrines des magasins. torité organisatrice Casatransport, récemment
Il est donc nécessaire de hiérarchiser les prio-
rités à accorder à la multiplicité des usages éco- (1) Ancien directeur de l’Aménagement foncier et de l’Urba-
nisme, ministère de l’Équipement et du Logement en France.
nomiques et sociaux de la trame de voirie. Il (2) La trémie désigne un tunnel court permettant à une voie
s’agit de relativiser l’unique usage de la circula- de circulation de passer en dessous d’une autre.
76
créée pour sa réalisation et son exploitation. La 1• Le déplacement automobile individuel s’op-
mise en service de la première tranche est pré- pose au modèle de la ville durable. Il ne peut
vue fin 2012. prétendre à de nouveaux investissements ni à
Par ailleurs, une décision de première impor- l’occupation de nouveaux espaces urbains.
tance stratégique a été prise récemment : la réa- 2• Le transport collectif doit répondre aux
lisation du nouveau lien ferroviaire traversant le besoins de déplacements de masse sur des dis-
centre actuel (desservi en impasse par la gare tances d’échelle métropolitaine. Il soulève des
de Casa-Port), le nouveau centre urbain du enjeux de gouvernance moderne des trans-
grand projet d’Anfa et la ligne actuelle au sud ports urbains et d’investissements sur de nou-
de l’agglomération.Ainsi, en 2014, date de mise velles infrastructures spécialisées.
en service, cette ligne ferroviaire pourrait être la 3• La mobilité douce et durable doit être forte-
colonne vertébrale des transports collectifs ment développée, notamment pour les échan-
urbains lourds à l’échelle de toute la métropole, ges de proximité, mais elle est aujourd’hui négli-
ce
V. Said/IAU îdF
par la mise en place d’un puissant service de gée dans les préoccupations de gestion. Elle
réseau express métropolitain. Le PDU s’appuie comprend la marche à pied, qui doit être effec-
sur cette colonne vertébrale, autour de laquelle tuée dans les meilleures conditions, le vélo, et
s’organiseront les autres lignes de transports en les engins de motorisation électrique légère, à Les avenues et boulevards plantés,
an
site propre, notamment un réseau de tramways même de répondre à l’autonomie des dépla- emblématiques de la trame urbaine
ou de bus à haut niveau de service. La réalisa- cements individuels avec un faible coût et un de Casablanca, sont à préserver.
tion à l’échéance assignée par la plus haute faible impact environnemental.
autorité publique est un gage décisif de crédi- Une des clefs de la cohérence opérationnelle
bilité pour l’ambition de Casablanca. de cette nouvelle mobilité sera l’intermodalité
dent bien aux qualités de densité moyenne et La grande majorité de la mobilité de la ville
de mixité d’activités et d’habitat. Elles permet- durable de demain s’effectuera dans l’espace
tent une vie sociale de proximité « acceptable » public de voirie d’aujourd’hui. La compatibi-
en palliant à des carences en équipements. lité des différents usages sera l’enjeu majeur : la
île
Cette densité moyenne, obtenue grâce à des première condition est d’exclure les déplace-
formes correspondant assez bien aux modes ments rapides, qui créent des risques pour les
de vie marocains, devrait permettre de limiter autres usages. Les politiques de transports de
l’étalement urbain qui détruit de précieux demain permettront l’accès d’un plus grand
espaces agricoles et établit le monopole de nombre de citoyens à des modes de déplace-
U
ment, le tissu urbain des zones centrales de projet de développement humain bénéfique à
Casablanca comporte de nombreux secteurs tous. La ville durable ne pourra naître que si on
en friche ou mal occupés, propices au renou- sait en faire un projet « désirable », un projet
vellement urbain. Ses possibilités de développe- pour tous.
ment peuvent bénéficier à toutes les fonctions
urbaines : résidentielles, commerciales, activi-
tés de service, équipements publics et sociaux.
Cependant, la trame urbaine est déjà consti-
tuée et ne peut guère être développée, sauf
dans les emprises des grands projets urbains. Le
concept du tout-automobile n’est plus possible
aujourd’hui, l’espace public est à partager avec
les transports collectifs et les modes doux.
B. Etteinger/IAU îdF
Mobilité et urbanité :
les défis du PDU de Casablanca
Paul-Richard Marsal(1)
PRM consultant
ce
Cela a permis de conjuguer la volonté
de mise en place d’une mobilité durable
et l’intégration des enjeux d’urbanisme
an
et d’environnement. Les transports
collectifs sont mis à l’honneur
et les premières actions sont en cours
Fr de réalisation, notamment la ligne
de tramway.
e-
e plan de déplacements urbains (PDU) la rare utilisation de l’autoroute interurbaine,
L
La région du Grand Casablanca lie
sa vision du développement urbain du Grand Casablanca a été engagé en trop éloignée et à péage.
au système de transport. février 2004 dans le contexte d’un rôle Le réseau principal a de nombreux points de
La première ligne de tramway accru donné aux collectivités, notamment à la conflits (plus de 100 carrefours critiques) où
-d
en témoigne. Région, par la charte régionale de 2003. Le l’état des équipements d’exploitation est défi-
recensement général de la population, le cient. En outre, l’offre de stationnement sur voi-
schéma d’organisation fonctionnelle et d’amé- rie est de 41 places/hectare, niveau plus élevé
nagement de l’aire métropolitaine centrale que dans les métropoles européennes (25
île
• Croissance de la mobilité entre 1975 également à la fermeture de la Régie autonome pement urbain pour 2009 et 2019, en cohérence
et 2004 : 79 %. Ce taux s’explique des transports de Casablanca (RATC) et prépa- avec le Sdau(2). Les grandes tendances démon-
par une participation accrue des citadines rait le lancement d’un appel d’offres pour délé- trent un étalement urbain vers la seconde cou-
aux activités (84 % en 2004, contre 46 %
IA
guer la gestion des transports collectifs. ronne de la Région et la mise en œuvre de pro-
en 1975). L’urgence d’améliorer le système de transport jets spécifiques, tels le pôle urbain de
• Mode de déplacement dominant :
la marche à pied. Cette particularité était motivée par des éléments contextuels : Nouaceur, celui d’Anfa et la ville nouvelle de
est liée à une offre de transport réduite - un fort développement urbain en périphérie Zenata, qui devraient absorber une part impor-
et à faible capacité. pour résorber l’habitat insalubre ; tante de la croissance des ménages et des
• Variation de l’utilisation des modes de - une motorisation en forte progression ; emplois dans l’agglomération. Ces tendances
transport motorisé (1975-2004) : - une insuffisance des infrastructures et des sont cohérentes avec celles retenues par le nou-
- deux roues : 4 % des déplacements
(13 % en 1975) ; moyens de transports collectifs qui n’ont pas veau Sdau.
- transports collectifs urbains : 13 % répondu au développement de la Région. La croissance démographique retenue, en
des déplacements (18 % en 1975) ; De fait, la Région cherchait à lier sa vision poli- cohérence avec le nouveau Sdau, conduirait à
- voitures particulières : 14,5 % tique du développement urbain au développe- une population de 4,9 millions d’habitants en
des déplacements (17 % en 1975) ; ment du système de transport. 2024, en augmentation d’environ 1,5 million par
- taxis : 15 % des déplacements contre
1 % en 1975. Cette progression est liée rapport au dernier recensement de 2004.
à la desserte insuffisante des extensions La saturation du réseau primaire
d’urbanisation par les transports Les voies primaires supportent des volumes
publics. journaliers élevés (130 000 véhicules/jour) et
(1) Paul-Richard Marsal est économiste et gérant de PRM
(1) Ces résultats sont issus de la collecte de
sont saturées aux périodes de pointe. Cela s’ex- consultant.
données réalisée pour le PDU. plique notamment par l’absence de rocades et (2) Cette démarche s’est achevée en 2007.
78
Des scénarios et des orientations basés la situation. Les textes réglementaires seront Une croissance démesurée du parc
sur les perspectives de développement repris pour être adaptés au contexte : définition automobile de Casablanca
de zones de trafic rapide ou de stationnement, Le recensement de 2004 montre
Quatre scénarios ont été étudiés, à l’aide d’un
que le parc automobile exploité
modèle de planification des transports, sur la modération du trafic des camions, règlement de Casablanca comptait 335 000 véhicules
base des hypothèses de développement sur le contrôle technique des véhicules, etc. Des (+ 273 % par rapport à 1975)
urbains préparées dans le cadre du PDU et recommandations ont été faites en matière de et que l’équipement des ménages est lié
cohérentes avec les perspectives du Sdau. C’est construction de passages piétons sur les carre- au type d’habitat (corrélé au niveau de
fours et sur les voies à aménager, et en matière revenus). Il varie entre 1,4 voiture/ménage
le scénario volontariste en matière de transport
pour la catégorie d’habitat « luxe »,
collectif qui a été retenu par les autorités, sur la d’aménagement de couloirs de bus et de carre- à 0,14 voiture/ménage pour les catégories
base d’une analyse multicritères. Plusieurs fours jugés critiques. Cette étude vise également d’habitat « nouvelle médina », « précaire »
grandes orientations en découlent à moyen à améliorer l’accessibilité des grands généra- ou « informel ».
terme. L’usage des modes de transport sera pro- teurs de trafic (port de Casablanca et gare rou- Le parc de transports publics présentait
fondément modifié, en s’appuyant sur un déve- tière Ouled Ziane), ainsi que la sécurité. Elle moins de 1 000 autobus de 90 places,
ce
exploités par 16 concessionnaires ;
loppement sensible des transports collectifs et définit enfin un plan d’exploitation de la voi- 7 630 taxis urbains ; 5 238 taxis régionaux.
une prise en compte accrue des modes doux rie primaire dans l’arrondissement de Sidi La « valeur sociale » des coûts
(en particulier de la marche). Le parc automo- Belyout. des déplacements effectués montre
bile sera sensiblement amélioré afin de modé- la variation des coûts en dirham/passager/
Les actions déjà mises en œuvre km de 1 (autobus urbain) à 12 (voiture
an
rer les émissions de polluants, et la sécurité des
particulière).
déplacements urbains sera accrue. Les prestations se sont achevées en 2009, à leur
réception définitive. L’autorité organisatrice des
La part belle aux transports collectifs transports dans la Région a été créée et passe
Ces orientations tiennent compte de l’absence maintenant à la phase opérationnelle. Les pro-
d’investissements importants dans le secteur
des déplacements urbains depuis le schéma
directeur de transport de Casablanca en 1976.
Fr
positions à court terme issues du PDU ont été
financées dans le cadre du programme de mise
à niveau des infrastructures de Casablanca
Elles s’inscrivent dans une démarche pragma- (2,6 milliards de dirhams). Enfin, la première
e-
tique de réhabilitation qui innove avec la mise ligne de tramway préconisée a fait l’objet
en œuvre de modes de transports collectifs de d’études d’avant-projet en 2008 et d’exécution
grande capacité. en 2009, les travaux devant être engagés en
Pour atteindre l’objectif d’un usage accru des 2010 pour une mise en service en 2012. Dans le
-d
transports en commun, une modélisation de la cadre des études d’exécution en cours, un soin
demande et de l’offre a été effectuée pour l’ho- particulier est porté à l’insertion de la ligne
rizon 2020. Elle a permis de dresser la structure dans le tissu urbain et à la rénovation des
des principaux projets de développement des abords du corridor desservi par ce tramway.
île
ce
à renforcer la compétitivité
de son secteur logistique
et de son positionnement portuaire.
an
Pour accompagner ces mutations,
il faudra prendre en compte
leur impact urbain tant à l’échelle
G. Zunino/IAU îdF
nationale que locale.
Fr
e-
ouverture du Maroc sur les grands flux aujourd’hui de plus en plus de la performance
L’
Le port de Casablanca :
véritable porte d’entrée du monde d’échanges internationaux de mar- des corridors de transport qui les desservent, le
dans la ville, il est un enjeu majeur chandises, son positionnement dans port de Tanger Med bénéficiera d’une desserte
du développement et de l’attractivité l’économie mondialisée et la croissance conti- multimodale de son hinterland(2). Le maillage
-d
de la métropole économique. nue de la demande de transport, aussi bien d’un réseau d’autoroutes vers Casablanca et
pour les flux internationaux et nationaux que vers Tétouan est en cours de construction et le
pour la distribution régionale et locale, placent port sera surtout desservi par le réseau ferré
le Royaume face à un défi d’une ampleur nou- national. Ce projet portuaire, qui accueille
île
velle. Conscient de l’atout que représente la depuis 2007 les navires-mères de Maersk et
proximité de l’Europe, du rôle déterminant de depuis fin 2008 les super porte-conteneurs de
la logistique en tant que facteur de compétiti- CMA CGM, s’accompagne de la création de
vité nationale, mais aussi des faiblesses struc- quatre zones d’activités intégrées. La première
turelles du secteur du transport de marchan- est, par ailleurs, une zone franche logistique de
U
dises et de la logistique, le pays a engagé 130 hectares adossée au port et dédiée aux
plusieurs réformes et entrepris des investisse- activités logistiques.
ments importants dans les domaines portuaire, Tanger Med a été créé dans une perspective
IA
ce
été conçu pour les navires porte-conteneurs Celui-ci est déjà le mode de transport large-
nouvelle génération, ce qui n’est pas le cas du ment dominant (les trois quarts des flux de
port historique de Casablanca. Ce dernier est marchandises, hors phosphates, sont transpor-
confronté à deux problèmes : celui de son tés par ce mode), bien que les entreprises maro-
an
adaptation à la montée en puissance de la caines soient encore loin des standards de
conteneurisation à grande échelle et celui de fonctionnement internationaux(5). Néanmoins,
son fonctionnement en milieu urbain.Tout l’en- le mode ferroviaire est encore fortement utilisé
jeu consiste à faire coexister à Casablanca les pour le transport de marchandises qui repré-
déplacements liés au transport de fret et ceux sente 75 % de l’activité de l’Office national des
liés aux déplacements des personnes, et de
résoudre la question difficile de l’aménage-
ment de son territoire métropolitain en valori-
Fr
chemins de fer (ONCF) ; 50 % du chiffre d’af-
faires étant constitué par le transport des phos-
phates, 25 % par l’activité fret (céréales, char-
sant l’atout exceptionnel que constitue son port
e-
maritime, porte d’entrée du monde dans la (4) Compte-tenue de la croissance du trafic entre les États
ville. membres, l’Union européenne a adopté dès 1990 un premier
plan d’actions, qui englobe tous les modes de transport, sur
les réseaux transeuropéens de transport (RTE-T). Une révi-
Des plates-formes multimodales sion du RTE-T a été effectuée en 2004 et a abouti à une liste
-d
transport de marchandises.
S’agissant des grands flux internationaux, l’en-
jeu principal se situe dans le développement
souhaité des échanges économiques entre le
Maroc et l’Union européenne (UE). La partici-
pation du Maroc en 2009 aux Journées du
réseau transeuropéen de transport(4) (RTE-T)
témoigne de l’importance de cet enjeu. Parmi
les sujets évoqués pour l’extension du RTE-T
au voisinage de l’UE, figurent deux projets : la
liaison fixe entre le Maroc et l’Espagne par
Gibraltar, déjà présentée à la Commission
européenne en juin 2007 et l’axe ferroviaire
Algésiras-Tanger-Casablanca-Agadir. Ces projets
auront des conséquences importantes sur les
échanges entre le Maroc et l’Europe et donne-
ront toute sa pertinence à la desserte ferroviaire ONCF, Iaurif, édition 2006
du port de Tanger Med. Dans ce contexte, il réactualisé par l’IAU îdF, 2010
81
Le Maroc en perspective :
regards croisés Vers une mobilité durable
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Le Maroc face au défi logistique
ce
genre. D’autres suivront à Fès, Marrakech et Tan- passage des marchandises par des plates-
ger en vue de la constitution d’un réseau de formes d’échange.
plates-formes multimodales rail-route. Or, les grandes agglomérations marocaines ne
disposent pas aujourd’hui de tels sites – qui ne
Une nécessaire articulation des flux
an
sont pas des lieux d’entreposage, mais des lieux
Ce réseau devra reposer sur la mise en œuvre de passage entre un transport de masse et des
de liaisons ferroviaires massifiées au départ des véhicules de livraison de taille plus réduite –
grands ports maritimes de Casablanca, Moham- spécialement conçus pour accueillir ces activi-
media, Jorf Lasfar, Safi et Tanger Med, permet- tés. Bien plus, compte tenu de la rapidité des
Fr
tant l’acheminement et l’évacuation des mar-
chandises. S’agissant des conteneurs, le réseau
ferroviaire devra permettre de connecter les
mutations urbaines en cours, l’action des pou-
voirs publics est indispensable pour en favori-
ser l’implantation au plus près des zones à des-
zones logistiques prévues à proximité immé- servir. En effet, la pression foncière croissante
e-
diate des ports de Tanger Med et de Casablanca induira l’éviction des fonctions logistiques loin
(ce qui est déjà le cas avec la plate-forme Casa- des cœurs d’agglomération. Elles s’implante-
blanca-Mita) et avec les grandes plates-formes ront en fonction des opportunités qui se pré-
régionales dont la vocation est la desserte du senteront, sur des sites peu ou pas adaptés,
-d
pour contribuer au développement internationaux et nationaux doivent être qu’ils soient souvent, ces espaces dont la logis-
d’une distribution moderne connectées aux plates-formes de distribution, tique urbaine a besoin (qui sont des petits
au service de l’attractivité situées idéalement en périphérie immédiate espaces, de quelques hectares au maximum)
IA
des centres urbains. des agglomérations. La demande pour de tels sont particulièrement stratégiques et doivent
sites, qui peuvent intégrer une fonction de être préservés. Leur mutation en véritables
stockage plus ou moins importante, se dévelop- plates-formes logistiques urbaines, c’est-à-dire
pera fortement dans les années à venir, à se caractérisant par une utilisation du sol com-
mesure de l’externalisation de cette fonction patible avec les densités urbaines, s’insérant de
par les chargeurs. Leur localisation doit être manière harmonieuse dans le tissu urbain et
orientée par les schémas d’aménagement afin mutualisant les flux pour le dernier kilomètre,
de ne pas laisser les multiples acteurs – char- est à inventer. C’est en effet au prix d’une solu-
geurs, transporteurs, organisateurs du transport, tion immobilière et organisationnelle inno-
distributeurs – les mettre en œuvre en fonction vante qu’ils pourront contribuer au développe-
de leur seule logique. ment d’une distribution moderne au service
Seule une implantation raisonnée en fonction de l’attractivité des centres urbains.
d’une articulation optimale et hiérarchisée des
flux et des plates-formes minimisera les effets (6) Casablanca Mita est le premier « port sec » sous douane
négatifs en termes de congestion et de nui- du Maroc. Situé à 6 kilomètres du port, il se compose d’un
sances environnementales qui pourraient résul- chantier multimodal de 8 hectares et d’une zone logistique
de 32 hectares.
ter d’accès routiers insuffisamment dimension- (7) Voir dans ce numéro des Cahiers, TAZI Kawtar, « Une arma-
nés ou de mauvaises connexions au réseau de ture commerciale en pleine évolution », p. 66.
82
L’environnement :
l’enjeu de l’aménagement
ce
de demain
an
Les villes marocaines face
Fr au changement climatique 84
le bassin du Souss 89
île
Développement et gouvernance
U
83
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain
Le changement climatique
et les émissions de gaz à effet de serre
auront de plus en plus d’impacts
sur le territoire, notamment sur les villes
ce
et le littoral marocains. C’est pourquoi
il est indispensable d’anticiper au mieux
les conséquences et d’identifier
an
les mesures d’adaptation nécessaires.
L
Les séismes, comme ici en 2004
à Al Hoceima, endommagent que son accélération dramatique due à gement climatique, préparée par le secrétariat
fortement l’espace urbain l’intensité croissante des émissions de d’État à l’Eau et l’Environnement avec l’appui
et nécessitent des mesures gaz à effet de serre (GES), est désormais incon- du Programme des Nations unies pour le déve-
-d
ces émissions. Le degré de concentration des trie et à une augmentation d’au moins 1,6 °C de
GES dans l’atmosphère provoque, en effet, une sa température ambiante moyenne. Ces chan-
augmentation sensible de la température gements auront des conséquences importantes
ambiante. Selon les scientifiques, si cette aug- sur les écosystèmes, sur les activités produc-
mentation se limite à deux degrés, il sera possi- tives, sur la population, ainsi que sur les établis-
U
ble de limiter les dégâts et d’adapter la vie de sements humains, urbains et ruraux du pays.
la planète à ce nouveau régime climatique.Au- La variabilité régionale de ces transformations
delà de ce seuil, les conséquences seront très est assez large, en fonction des différentes zones
IA
sévères voire, pour certaines régions du monde, climatiques du Maroc. Cependant, les opéra-
catastrophiques. tions de « descente d’échelle », c’est-à-dire de
rapprochement des données globales avec les
Les prévisions du changement climatique conditions climatiques particulières d’un site
au Maroc spécifique conduites par Météo Maroc, permet-
De par sa position géographique, le Maroc fait tent de préfigurer d’une façon approximative
très certainement partie des régions qui seront le climat à venir dans les différentes zones du
les plus affectées par le changement clima- pays, y compris dans les villes. Il apparaît que
tique. Les modèles de circulation globale et les zones côtières marocaines seront affectées
régionale, ainsi que des travaux détaillés de par l’augmentation du niveau de la mer, esti-
Météo Maroc, l’agence nationale de météorolo- mée entre dix et vingt centimètres à l’horizon
gie, en collaboration avec la Banque mondiale, 2030, ainsi que par l’intensification de l’érosion
confirment que le pays devra faire face à une
forte baisse de la pluviométrie et à une hausse (1) Anthony Gad Bigio est spécialiste principal en urbanisme
importante de la température ambiante dans à la Banque mondiale.
les décennies à venir. Ces données, dans leurs (2) Secrétariat d’État à l’Eau et l’Environnement, Seconde
communication nationale du Maroc sur les changements cli-
estimations actuelles, sont consignées dans la matiques, Convention-cadre des Nations unies sur les chan-
seconde communication nationale du Maroc à gements climatiques, Rabat, 2009.
84
côtière et des effets de houle. Les phénomènes trages entre usages ruraux et usages urbains.
maritimes se manifestent déjà de manière Cela se traduira par une pression pour une uti-
importante et préoccupante sur plusieurs par- lisation plus rationnelle de la ressource et par
ties du littoral. la réduction des gaspillages et des pertes sur
les réseaux. La baisse des nappes réduira le
Des impacts qui menacent les villes débit des forages et des puits et accroîtra le
marocaines risque d’infiltration d’eau saumâtre à proximité
Toutes les villes marocaines risquent d’être tou- de la mer.
chées par les impacts du changement clima-
tique, mais à différents degrés selon leur zone Les vulnérabilités du littoral
climatique d’appartenance, leur position géo- Les villes côtières subiront les impacts de l’élé-
graphique, leur taille et leur morphologie vation du niveau de la mer, de l’érosion côtière
urbaine. Certaines vulnérabilités sont, cepen- et des effets de houle sur les infrastructures por-
ce
dant, communes à la plupart des villes et ris- tuaires, les plates-formes logistiques, les
quent de se manifester fortement au cours des défenses côtières, les espaces naturels tels que
prochaines décennies. plages ou zones vertes, et les écosystèmes des
estuaires fluviaux. Ces impacts sont souvent
an
Les inondations urbaines intensifiés par les effets des houles maritimes.
Dans un contexte de diminution de la pluvio- Ce fut le cas lors des inondations de Moham-
métrie totale annuelle, le changement clima- media en 2003 : l’évacuation dans la mer de
tique induit une concentration de la distribu- gros volumes d’eau pluviale transportés par le
tion temporelle de la pluviométrie. Des système de drainage et l’arrivée de vagues vio-
épisodes extrêmes de pluies torrentielles
concentrées dans un temps très limité sont de
plus en plus fréquents, avec le risque de dépas-
Fr
lentes empêcha l’évacuation rapide. L’érosion
côtière, déjà marquée dans plusieurs zones
urbaines et notamment à Casablanca – causée
ser la capacité des systèmes de drainage par le prélèvement de sable maritime ou par
e-
urbain. La pression de l’urbanisation ainsi que les courants – sera sans doute intensifiée par
la présence d’habitat informel limitent actuel- l’élévation du niveau de la mer.
lement la capacité de préserver, à l’intérieur des Un premier travail sur ce sujet a été finalisé en
villes, des espaces libres de construction pour 2007 dans le cadre d’un projet financé par le
-d
absorber une partie de la pluviométrie excé- PNUD sur les impacts possibles de l’élévation
dentaire en cas d’orages prolongés. Les inon- du niveau de la mer sur la ville de Tanger et sur
dations de novembre 2008 dans plusieurs villes le littoral côtier de Saïdia(3). Il répondait à une
marocaines ont augmenté la visibilité de ce inquiétude croissante quant à la vulnérabilité
île
risque urbain majeur. des villes et des zones côtières marocaines qui
connaissent actuellement d’importants inves-
Une température ambiante plus élevée tissements touristiques. Depuis 2009, une nou-
L’augmentation de la température ambiante velle étude régionale de la Banque mondiale(4)
sera plus importante encore dans les agglomé- couvre la zone métropolitaine de Casablanca,
U
rations urbaines qui sont normalement affec- ainsi que la vallée du Bouregreg entre Rabat et
tées par un « îlot de chaleur », c’est-à-dire par Salé. Elle a pour objectifs de prévoir les impacts
un différentiel de température entre la ville et
IA
son espace rural avoisinant. Celui-ci est dû à (3) SNOUSSI M., M’HAMMEDI N., BOUTAYEB, KHATTABI A., BOUMEAZA
l’importance des surfaces minéralisées T. et OUCHANI T., « Évaluation de l’impact et de l’adaptation
des zones côtières marocaines face aux changements cli-
urbaines et à la rétention de chaleur par les matiques », Matee/Unep, 2007.
bâtiments. L’augmentation de température res- (4) Vulnérabilité et adaptation des villes d’Afrique du Nord
sentie en plein été dans certaines villes maro- au changement climatique et aux désastres naturels, étude
régionale de la Banque mondiale couvrant le Maroc, la
caines, comme Tanger et Ourzazate, pourra Tunisie et l’Egypte, menée par un groupement composé de
ainsi atteindre 4 °C ou 5 °C. En outre, les vagues l’IAU îdF, Egis-BCEOM international et BRGM, Paris, 2009.
de chaleur saisonnières pourront se produire
plus fréquemment et la pollution atmosphé-
rique de l’air empirera.
du changement climatique et les risques de évidentes, est devenue plus urgente dans ce
désastres naturels à l’horizon 2030, et d’identi- contexte de risques accrus. Les villes maritimes
fier les mesures d’adaptation nécessaires. Le devront être en mesure de prévoir et de réaliser
secrétariat d’État à l’Eau et l’Environnement, la surélévation des structures portuaires et des
chargé des études sur le changement clima- défenses maritimes, ainsi que la protection des
tique, souhaite d’ailleurs poursuivre cette ressources naturelles et des zones humides, pre-
réflexion avec des études similaires sur Tanger, mière barrière de défense des zones habitées
Mohammedia, Agadir et Nador. contre les nouvelles menaces. La mise en place
Dans le contexte des villes marocaines, il est ou le renforcement de systèmes d’alerte, d’infor-
important de souligner le lien entre la vulnéra- mation et de préparation de la population rési-
bilité urbaine et la présence d’habitat informel. dente, et d’intervention d’urgence en cas de
Les bidonvilles sont souvent construits dans crise sont aussi essentiels pour réduire la vulné-
des ravines ou sur des pentes accentuées, donc rabilité urbaine.
ce
sur des sites plus vulnérables que d’autres aux
inondations et aux glissements de terrains. Les Les émissions urbaines de gaz à effet
quartiers lotis irrégulièrement, malgré la qua- de serre et leur atténuation
lité souvent correcte des constructions, sont Les villes consomment en moyenne jusqu’à
an
dépourvus de réseaux, et notamment de sys- 70 % de l’énergie d’un pays et produisent la
tèmes de drainage, ce qui les rend plus vulné- plus grande partie de son PIB. À défaut de don-
rables aux inondations urbaines. nées spécifiques concernant le Maroc à cet
égard, on peut supposer qu’indirectement les
L’adaptation des villes marocaines villes marocaines contribuent à la majorité des
au changement climatique Fr
L’identification des mesures d’adaptation aux
vulnérabilités susmentionnées passe par une
émissions de GES liées à la production d’éner-
gie par des sources non-renouvelables. Toute-
fois, le Maroc a lancé ces dernières années des
analyse basée sur des projections les plus fia- investissements importants dans la génération
e-
bles possibles concernant l’importance future éolienne et solaire d’électricité, ce qui contri-
des impacts du changement climatique pour bue à réduire le volume total des émissions,
chacun des sites. Les études prospectives sur le ainsi que la facture pétrolière nationale.
climat souffrent d’une grande incertitude liée, Pour atteindre ces deux objectifs stratégiques
-d
d’une part, à la difficulté d’obtenir pour un site d’importances globale et nationale, il est néces-
spécifique des données fiables venant des saire de se tourner également vers les « gise-
modèles de circulation globale ou régionale ments » urbains d’efficacité énergétique, dans
et, d’autre part, aux évolutions possibles du cli- les domaines de la production industrielle, de
île
mat selon le niveau d’émissions de GES à venir. la mobilité, de la distribution d’eau potable et
Néanmoins, certaines mesures peuvent être du traitement des eaux usées, de la gestion des
considérées comme appropriées et nécessaires déchets et du bâtiment. Chacun de ces sec-
malgré l’incertitude actuelle des projections. teurs, dans son fonctionnement actuel, offre
Le renforcement des systèmes de drainage des opportunités importantes pour l’introduc-
U
extrêmes. La mise en place d’un « urbanisme avec les autres ministères concernés, pour l’éta-
précautionnaire» qui tiendrait bien compte des blissement de programmes innovants, notam-
risques naturels et des vulnérabilités clima- ment par le biais du Centre pour le développe-
tiques des sites à urbaniser paraît également ment d’énergies renouvelables (CDER). La
essentielle. La résorption de l’habitat insalubre, majorité de ces programmes touche à l’espace
qui a déjà des motivations sociales et urbaines urbain, et le ministère de l’Habitat, de l’Urba-
nisme et de l’Aménagement de l’espace tra-
vaille à la mise en place d’incitations appro-
priées dans les domaines de l’urbanisme et de
la construction. Le holding Al Omrane, principal
groupe public d’aménagement urbain et de
réalisation de programmes publics d’habitat
À Agadir, social, œuvre également pour l’introduction
des quartiers d’habitat informel d’approches innovantes dans ses projets. Il est
construits dans des ravines important de rappeler le travail du Fonds
V. Said/IAU îdF
ce
aussi une opportunité quant à la relation des
villes à l’égard du changement climatique.
Tout d’abord, il sera important de préfigurer la
localisation de cette croissance urbaine. Si la
an
consolidation de la dorsale atlantique urbaine,
d’El Jadida au sud jusqu’à Kénitra au nord en
passant par Casablanca et Rabat-Salé, paraît un
acquis, tout comme la croissance urbaine du
pôle urbain de Tanger-Tétouan, plusieurs scé-
narios sont possibles pour les capitales régio-
nales et les villes moyennes de l’intérieur. La
vulnérabilité de ces centres urbains dépendant
Fr
notamment de leur localisation géographique,
Dar Al Handasah
e-
elle mérite d’être mesurée comme un des fac-
teurs favorisant le développement de certaines
villes plutôt que d’autres. En outre, les prévi-
sions d’urbanisation du HCP devront probable-
-d
ment être revues à la hausse en raison de l’ac- denses et compacts offrent généralement plus Les villes côtières comme Nador
célération du dépeuplement rural due aux de qualités urbaines et sont bien moins développées autour d’une sebkha
impacts futurs du changement climatique. consommateurs d’énergie que les quartiers (lagune) sont les plus exposées
« modernes », composés d’immeubles isolés de aux phénomènes du changement
île
Concevoir une urbanisation plus grand volume. Ces derniers induisent la climatique.
mieux adaptée au climat suprématie de la circulation véhiculaire et sont
Pour traduire le défi de cette production plus exposés à l’ensoleillement direct.
urbaine pour dix millions de Marocains urbains Traditionnellement, au Maroc, le bien-être et le
supplémentaires d’ici 2030 en opportunité, des confort intérieur des habitations étaient obte-
U
changements profonds devront s’opérer dans la nus grâce à une conception architecturale et
manière de concevoir la ville et de la réaliser à à un usage de matériaux adaptés au climat, et
toutes ses échelles de la part des autorités res- non par climatisation artificielle. Si l’objectif de
IA
Hayat Sabri(1)
Une réglementation parasismique
Ministère de l’Habitat,
de l’Urbanisme
pour le Maroc
et de l’Aménagement
de l’espace
À l’échelle internationale, les séismes font partie de la problématique générale
des catastrophes naturelles les plus graves. Elles voient leur fréquence
et leur intensité s’accroître avec le changement climatique. Afin de prévenir
les conséquences majeures des séismes sur les espaces urbains et les populations,
le Maroc a mis en place une réglementation parasismique évolutive.
ce
L’impact des séismes vrant le territoire national ont été rédigés, mais
sur les constructions n’ont pu être approuvés pour des raisons tech-
Les dégâts liés aux séismes affectant le secteur niques ou réglementaires.
de la construction dépassent 50 % des pertes En 2000, le projet de règlement RPS 2000 appli-
an
totales. La sismicité au Maroc est considérée cable aux bâtiments a été commandé par le
comme «modérée à faible», malgré des séismes département de l’Habitat. Négocié avec les
très destructeurs, comme celui d’Agadir en experts nationaux et internationaux, il a été pré-
1960, de magnitude 5,8. Il a causé plus de 12 000 senté à la communauté scientifique et tech-
morts et détruit 70 % des constructions, cau- nique nationale, ainsi qu’aux professionnels de
Fr
sant 290 millions de dollars de dégâts.
Plus récemment, le séisme d’Al Hoceima, sur-
venu en février 2004, a montré qu’en milieu
la construction et de l’habitat. En 2002, le RPS
2000 instituant le Comité national du génie
parasismique (CNGP) a été rendu obligatoire
urbain, seules les constructions non réalisées par le décret n° 2-02-177 du 9 hija 1422
e-
suivant les règles de l’art n’ont pas résisté aux (22 février 2002). Ce document fixe les règles
secousses. La médiocrité et la fragilité des de calcul et de dimensionnement des struc-
constructions traditionnelles en milieu rural tures pour renforcer la tenue des bâtiments aux
ont engendré d’énormes pertes humaines et secousses sismiques. Il édicte également des
-d
matérielles. Les dégâts ont été très lourds en dispositions techniques de génie civil et de
termes de coûts de reconstruction pour la pro- conception architecturale permettant aux bâti-
vince d’Al Hoceima. ments de résister à toutes les intensités de
secousses. Il s’applique aux constructions nou-
île
terre, la réglementation parasismique est enri- les structures en béton armé et en acier. Il répar-
chie et modifiée. Cette dernière, basée sur le tit le Maroc en trois zones sismiques homo-
génie parasismique, permet d’évaluer les forces gènes présentant le même niveau de risque. Les
IA
sismiques latérales à prendre en compte dans bâtiments sont classés suivant leur importance,
le dimensionnement des bâtiments. et les sols en fonction de leur nature.
Au Maroc, cette réglementation n’a pris nais- Sept ans après son entrée en vigueur, le RPS
sance qu’après 1960 : le premier règlement 2000 est en cours de révision par le ministère
parasismique (RPS), qui couvrait uniquement de l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménage-
la région d’Agadir, s’intitulait « normes Agadir ment de l’espace, en partenariat avec l’univer-
1960 ». Depuis, plusieurs projets de RPS cou- sité Mohammed V Agdal de Rabat.
Suite à une enquête menée auprès des utilisa-
teurs (bureaux d’études, de contrôle, archi-
tectes, promoteurs, entreprises, laboratoires), le
Le séisme d’Al Hoceima projet de RPS 2000 révisé a été élaboré pour
a montré que, en milieu urbain, faciliter son utilisation grâce à deux cartes sis-
© Thierry Dudoit/Express-Réa
ce
La consommation d’eau accompagnant
la croissance a considérablement
augmenté, et les prélèvements dépassent
an
largement la capacité naturelle
de renouvellement. Les perspectives
de développement sont conditionnées
Fr V. Said/IAU îdF par un partage et une gestion
plus rationnelle de la ressource.
e-
e bassin du Souss-Massa couvre une plus des trois quarts des volumes utilisés. Le
L
L’embouchure de l’oued Souss
a été récemment réhabilitée grâce superficie de 28 000 km2, réunissant qua- niveau de la nappe du Souss baisse depuis les
à la mise en service de la station tre bassins versants principaux classés années 1970 à cause de sa surexploitation et
d’épuration d’Agadir. par ordre d’importance : l’oued Souss, l’oued de sa réalimentation aléatoire. Les prélève-
-d
Massa, les oueds côtiers Tamraght et Tamri, et ments d’eau souterraine ont été multipliés par
la plaine de Tiznit-Sidi Ifni. Entre l’océan Atlan- plus de trois en trente ans, alors que le climat
tique et les montagnes du Haut Atlas et de s’asséchait. Sur cette période, des rabattements
l’Anti-Atlas qui l’isolent du Sahara, ce bassin est de nappe de 10 mètres ont été couramment
île
composé d’un quart de zones de plaines et de observés, allant jusqu’à 65 mètres dans certains
trois quarts de zones montagneuses. Cette secteurs(3). La réduction de la nappe entraîne
région se singularise par une formation végé- des pertes de terres agricoles, et accroît le stress
tale naturelle spécifique : l’arganeraie, dominée hydrique des couverts végétaux, notamment de
par un arbre endémique(1) du Sud-Ouest maro- l’arganeraie. L’agriculture traditionnelle en zone
U
cain, l’arganier. La capitale régionale du Grand bour(4) des piémonts et de la montagne pâtit de
Agadir est implantée juste au nord de l’embou- la sécheresse, ce qui pousse la population à
chure de l’oued Souss. La population du Grand l’exode rural.
L’agriculture et le tourisme :
IA
deux secteurs majeurs de l’économie Agadir a été multipliée par 2,6 entre 1982 La construction de grands barrages-réservoirs,
régionale et 2004, pour atteindre 678 600 habitants(2). comme le barrage Youssef Ben Tachfine, per-
Les productions agricoles se répartissent en met une certaine régulation entre les années
valeur comme suit : 34 % de maraîchage, Une ressource limitée humides et les années sèches. Ces barrages de
28 % d’élevage, 25 % d’agrumes Malgré des précipitations faibles, le bassin du rétention des eaux superficielles jouent un rôle
et 10 % de céréales. La superficie irriguée
s’étend sur plus de 134 000 hectares. Souss est alimenté en eau grâce aux hautes important dans l’alimentation en eau potable
Elle est consacrée au maraîchage montagnes adjacentes. C’est le plus important des villes et villages, dans le développement
des primeurs et aux agrumes, réservoir phréatique du Maroc, ce qui en a fait rural, ainsi que dans l’écrêtement des crues. Ils
qui représentent respectivement 70 % et une des régions les plus fertiles du pays. Cette permettent d’irriguer environ 34 000 hectares
50 % de la production et des exportations ressource a favorisé la prospérité d’Agadir, tout et d’apporter une recharge artificielle à la
marocaines. L’industrie est dominée
par le secteur agroalimentaire qui dispose autant que sa position de carrefour maritime nappe du Souss. Ils sont complétés par de petits
d’un fort potentiel de développement. et terrestre. Mais ce bassin est aujourd’hui sou- barrages et des lacs collinaires.
Par ailleurs, Agadir pèse considérablement mis à des pressions conjuguées – sécheresse et
dans le tourisme international au Maroc : augmentation des prélèvements d’eau – ren- (1) Espèce dont la répartition est circonscrite à un lieu. 80 %
première ville touristique du pays, dant la situation critique. de l’arganeraie se trouve dans le Souss.
elle représente plus de 30 % de la capacité (2) Soit un taux d’accroissement annuel de 4,5 %.
d’hébergement. L’arrière-pays recèle un fort Compte tenu de la rareté des eaux superfi-
(3) Cette baisse de niveau est estimée à 0,5 à 2 mètres par an
potentiel de développement du tourisme cielles, le développement repose sur l’exploita- en moyenne.
rural et de l’écotourisme. tion des eaux souterraines qui représentent (4) Au Maroc, le terme désigne une zone de culture sèche.
89
Le Maroc en perspective :
regards croisés L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Les défis de l’eau : le bassin du Souss
ce
plafonnement des prélèvements.
an
ristiques, doivent réduire leurs prélèvements et
leurs rejets polluants. Les produits agricoles
actuels exportent l’eau d’une région où elle est
rare. Des évolutions sont nécessaires afin de
l’économiser par la généralisation de la micro-
Les précipitations sont, par ailleurs, nagement équilibré du territoire. du couvert végétal afin de favoriser le renouvel-
inégalement réparties entre les régions, lement de la ressource. Les aménagements des
la moyenne annuelle dépassant
1 000 millimètres dans les zones Une gestion à rationaliser bassins versants et les modes de gestion de l’es-
montagneuses du Nord ou se limitant Les activités économiques locales sont tribu- pace propres à réduire les vitesses d’écoule-
île
à 300 millimètres dans le Sud, taires des ressources naturelles difficilement ment des eaux pluviales et l’érosion des sols
comme dans le Souss-Massa. renouvelables que sont l’eau et l’arganier. L’aug- sont à généraliser. Depuis 1998, la mise en place
mentation des prélèvements d’eau est due au de la réserve de biosphère de l’Arganeraie par
développement de l’agriculture irriguée(5) et au l’Unesco est un atout à valoriser pour concilier
développement urbain et touristique. développement rural et maîtrise des pressions
U
Cette gestion concerne tous les territoires giées d’infiltration des eaux. L’accroissement
(urbains/ruraux, plaine/montagne) qui doivent de la sécheresse fait perdre la mémoire du lit
C. Thibault/IAU îdF
être solidaires, et mobilise de très nombreux des oueds. Conjuguée à la pression urbaine,
acteurs. Les défis de l’eau rejoignent ceux de elle conduit à des occupations urbaines ina-
l’aménagement du territoire, ce qui a notam- daptées qui font obstacle à l’écoulement natu-
ment motivé l’élaboration du schéma d’amé- rel des eaux et augmente les risques de pertes
Le barrage Youssef Ben Tachfine nagement de l’aire métropolitaine d’Agadir humaines et de dégâts matériels.
sur l’oued Massa permet de retenir (Satama)(6). En effet, les enjeux et les champs
les eaux superficielles, en d’intervention sont multiples : favoriser l’infil-
complément des eaux souterraines. tration et freiner le ruissellement, éviter l’enva-
sement des barrages, économiser l’eau, préser-
Références bibliographiques ver sa qualité, concilier les usages, desservir (5) L’agriculture irriguée consomme près de 95 % des res-
équitablement les populations en eau potable sources en eau mobilisées sur le bassin.
(6) Voir dans ce numéro des Cahiers, LASLAMI Abdelillah, SAID
• Site Internet de l’Agence du bassin et assainissement. Victor, « Satama : référentiel pour la métropole d’Agadir »,
hydraulique du Souss-Massa (ABHSM) : La durabilité de l’exploitation de la ressource, p 145. Lire également « Agadir, une vision territoriale inté-
www.abhsm.ma grée », Les Cahiers n° 152, Composer avec l’environnement,
• Site Internet du secrétariat d’État chargé
dans un contexte naturel défavorable, dépend
octobre 2009.
de l’Eau et de l’Environnement du à la fois de son renouvellement et de sa mobi- (7) Technique de jardinage nécessitant peu d’eau et peu
Royaume du Maroc : www.water.gov.ma lisation (construction de nouveaux barrages, d’entretien.
90
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain
ce
des études afin d’établir des références
et des normes propres au contexte
marocain. Quatre missions(2)
an
ont été effectuées sur ce thème
dans le cadre de la coopération
franco-marocaine, avec le concours
P. Louchart/IAU îdF
du service de coopération
Fr de l’ambassade de France au Maroc.
e-
a demande de la direction de l’Urba- plans verts. Elles constituent un document de
L
Les espaces verts permettent
d’assurer un équilibre nisme était fondée sur plusieurs référence appelé à s’enrichir progressivement
avec les espaces bâtis constats : une carence généralisée des en établissant une typologie d’espaces verts
dans le tissu urbain et répondent villes en espaces verts, leurs difficultés à en existants, ainsi que des normes et des recom-
-d
à des besoins vitaux de vie sociale créer de nouveaux ou à maintenir ceux qui mandations qualitatives adaptées au contexte
et de santé publique. existent, et les besoins de la population. Ce diag- marocain pour la création de nouveaux
nostic soulignait également la complexité de espaces verts. Cette démarche a mené à l’élabo-
la préservation des terrains non bâtis dans l’es- ration de recommandations concernant la réa-
île
précisait enfin que, jusqu’alors, les espaces verts tants, reconnus ou de fait, renseignant sur leur
existants n’avaient pas fait l’objet d’études par- localisation, leurs caractéristiques physiques et
ticulières. paysagères, leur fréquentation et leurs usages,
IA
L’expérience de l’Iaurif dans l’élaboration des ainsi que leur situation administrative et finan-
plans verts en France était un atout majeur. Le cière. En l’occurrence, ces relevés seraient réa-
plan vert de la région Île-de-France, ainsi que lisés sur plusieurs communes, dans des agglo-
d’autres plans à des échelles communales et mérations différentes, représentatives de la
intercommunales, ont fait l’objet de présenta- diversité géographique du Maroc et à des
tions et d’échanges techniques lors de la pre- stades de développement et d’urbanisation
mière mission. Cette dernière a abouti à l’élabo- plus ou moins avancés. Ces états seraient
ration d’une proposition pour l’établissement complétés par des informations relatives aux
des termes de référence des études prioritaires aspirations de la population – notamment des
à lancer. Elle a pris en compte le contexte maro- jeunes – recueillies dans les quartiers.
cain en termes d’espaces géographiques et de Deux grandes catégories d’espaces seraient
moyens réglementaires, fonciers et financiers. ainsi analysées. La première concerne les
espaces verts urbains ouverts au public et les
En effet, des études préalables à la réalisation espaces d’accompagnement d’équipements,
de plans verts doivent être effectuées pour four-
nir des outils de connaissance et de réflexion (1) Ancienne chargée d’études à l’IAU îdF.
(2) Ces missions ont été réalisées par Nelly Barbieri en
aux collectivités et aux techniciens en charge novembre 2000, en octobre 2001 et en mai 2002, et par
de la mise en place de l’élaboration de ces Corinne Legenne en octobre 2003.
91
Le Maroc en perspective :
regards croisés L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des plans verts pour les villes marocaines
notamment routiers, qui se présentent comme La deuxième mission a servi à examiner le pro-
des îlots non construits imbriqués dans le tissu jet de termes de référence préparé par la direc-
urbain, et qui pourraient jouer un rôle primor- tion de l’Urbanisme pour réaliser le guide d’éla-
dial comme équipements de loisirs. La seconde boration des plans verts. Le programme de cette
comprend les espaces verts et naturels péri- étude comprenait également la réalisation d’un
urbains multifonctionnels dont le rôle écolo- plan vert expérimental sur la ville de Safi. Le
gique et de protection des ressources naturelles choix s’est porté sur cette ville en raison des
ou contre les risques serait important à préciser. graves risques naturels et industriels auxquels
Il peut s’agir d’espaces verts de fait et non offi- elle a été confrontée. Ils obligeaient à une réha-
ciels. bilitation du site, à laquelle l’aménagement
Pour les espaces périurbains, leur connaissance d’espaces verts devrait contribuer. Les termes
E. Roche
passe par une cartographie spécifique de l’oc- de référence de l’étude à engager ont été pré-
cupation des sols, complétée par d’autres don- cisés et l’intérêt de Safi comme site pour l’étude
ce
Une politique nationale d’espaces nées d’environnement sur les sols, l’hydrologie, expérimentale d’un plan vert a été confirmé.
verts permettrait de donner etc. La typologie résultante pourrait combiner À la suite de la deuxième mission, l’étude du
un cadre aux actions en faveur l’occupation du sol et l’intérêt variable qu’ils guide d’élaboration des plans verts comportant
de la nature et de l’environnement. présentent au regard de la protection de l’envi- le plan vert expérimental de Safi a été confiée,
an
ronnement ou de leur valeur économique. Elle par la direction de l’Urbanisme, à un groupe-
nourrirait la réflexion des collectivités dans le ment d’architectes. Parallèlement, l’agence
choix de ceux qui seraient à aménager pour urbaine de Kenitra-Sidi Kacem se proposait de
les loisirs et la détente des habitants. réaliser l’étude du plan vert de sa ville.
La typologie déduite de ces relevés sera Ainsi l’examen du Rapport d’établissement de
Fr
confrontée aux indications en matière d’es-
paces verts figurant dans les documents d’urba-
nisme. Les données relatives aux coûts de créa-
la démarche, première phase de l’étude faite
par les architectes chargés du guide et celui du
plan de travail de l’agence de Kenitra, a permis
tion et aux coûts d’entretien seront ensuite de souligner les points importants de la
e-
reliées avec leur conception, leur fonction et démarche à suivre.
leur fréquentation. Le choix des villes pilotes est un enjeu majeur.
Cette approche permettra d’orienter la concep- Il devra représenter la diversité des villes du
tion des espaces verts à créer, afin de la rendre Maroc, du point de vue géographique – ville
-d
cohérente avec les usages attendus et de limi- côtière, montagnarde, saharienne – et du point
ter les coûts de gestion souvent très élevés. La de vue urbanistique, en prenant en compte les
disposition des surfaces minérales et végétales différents stades de développement et les diffé-
doit rendre l’entretien facile, sans diminuer la rents tissus urbains : médina, quartiers euro-
île
qualité des usages, et doit donner la primauté péens et post-Indépendance, franges péri-
à l’espace végétal. urbaines.
conclusions en termes de politique d’espaces lon –, qui présentent des opportunités pour de
verts à généraliser à l’échelle nationale, poli- futurs espaces verts de loisirs.
tique qui devrait s’inscrire dans un cadre plus L’importance du référentiel des espaces verts a
large d’actions pour la nature et l’environne- été rappelée. Il devra présenter, décrire et ana-
ment. Cette politique comporterait des objec- lyser tous les espaces verts, les jardins remar-
tifs et des normes globales concernant essen- quables comme les jardins historiques, mais
tiellement les espaces verts urbains et aussi les jardins plus modestes des périodes
périurbains. Devront également y être traités les contemporaines et les espaces non aménagés
moyens de sa mise en œuvre, en termes de qui servent actuellement d’espaces de jeux et
règles d’urbanisme et de politique foncière. de détente. En plus de leur description spatiale,
À la suite de ces travaux préliminaires, un guide leurs équipements devront être mentionnés,
d’élaboration de plans verts sera réalisé. Il sera ainsi que les modalités de leur fréquentation
destiné à servir d’instrument technique d’ap- et leurs usages.
plication de la politique des espaces verts. Sur Dans un contexte de carence, les plantations
la base d’un premier projet de guide, un plan de l’espace public (rues et places) devront éga-
vert expérimental serait à réaliser afin de vali- lement être relevées. Elles assurent une pré-
der la démarche avant de la diffuser au niveau sence végétale dans la ville où elles apportent
national. ombre et fraîcheur et peuvent être, selon leur
92
configuration, des espaces de détente en aménagée en espaces verts afin d’être ouverts
période chaude. au public en fin de journée et pendant les fins
Ces espaces reliés en réseau par des voiries de semaine, dans le cadre d’une convention.
plantées d’alignements d’arbres constitueront, Ces études de terrain d’espaces verts ou ouverts
par leur complémentarité, un véritable plan vert existants utilisés par les habitants pour leur
d’agglomération. De cette façon, les carences détente sont indispensables pour construire la
en espace vert d’un quartier pourront être com- typologie de référence. Même si le nombre de
pensées par d’autres à proximité dont l’acces- villes étudiées est limité, il est fondamental de
sibilité sera facilitée par le réseau vert ainsi recueillir les données sur tous les espaces et
constitué. non pas sur un échantillon de cas jugés à priori
signifiants, et de faire apparaître la situation glo-
Le niveau de dégradation des espaces verts bale dans sa réalité en plus des caractéristiques
existants sera abordé. Cette détérioration peut de chacun des espaces.
ce
provenir d’une défaillance dans la gestion, mais Les autres missions ont servi à poursuivre la
aussi de la conception des espaces dont les démarche et à apporter un regard extérieur sur
coûts d’entretien sont élevés lorsque les amé- l’avancement des travaux du projet pilote de
nagements ne sont pas en adéquation avec la Safi et sur l’évolution des travaux de l’agence
an
fréquentation prévisible. urbaine de Kenitra.
La localisation des espaces verts est importante
pour mettre en évidence l’inégalité de la des- Aujourd’hui, la problématique des plans verts
serte par rapport aux densités de population. au Maroc est complètement intégrée dans les
L’exemple de Rabat montre que les espaces réflexions et les démarches des décideurs et
verts se trouvent dans un environnement
urbain de densité moyenne et rarement à proxi-
mité des zones d’habitat populaire à forte den-
Fr
des acteurs de l’aménagement et de l’urba-
nisme. Cette question est d’ailleurs évoquée
clairement dans les nouveaux textes des pro-
sité. jets de réforme actuellement en cours dans ce
e-
domaine. Elle est abordée non seulement pour
Les opportunités foncières assurer l’équilibre et l’harmonie entre les
sont à préserver pour la création espaces bâtis et les espaces végétaux dans le
d’espaces verts tissu urbain, mais surtout en termes de besoin
-d
La problématique majeure pour créer de nou- vital pour la vie sociale et la santé publique,
veaux espaces verts est celle du foncier dispo- dans une vision de développement durable.
nible et de son coût. Parmi les terrains disponi- Enfin, il est à signaler que la tradition maro-
bles figurent les carrières, mais d’autres caine de création d’espace végétalisé au cœur
île
opportunités sont envisageables. Par exemple, des maisons traditionnelles trouvera sûrement
les emprises d’équipements publics, notam- son écho dans l’espace public avec l’évolution
ment d’équipements scolaires, offrent des pos- du mode d’habitat et la modernisation du pays.
sibilités pour qu’une partie des terrains soit
U
IA
Développement et gouvernance
Claude de Miras(1) des services publics urbains
Institut de recherche
pour le développement
ce
assurer le développement humain
en luttant contre la pauvreté, organiser
une gouvernance multi-acteurs
an
pour articuler contraintes publiques
et recouvrement des coûts, et assurer
L’
Les services urbains sont un enjeu
majeur pour la population majoritairement la forme d’une exten- assurant un taux d’épuration de 60 %. Le renfor-
et l’environnement. Dans ce sens, sion périurbaine des différents types cement et la réhabilitation des réseaux exis-
un programme national d’habitat, du haut standing international à l’ha- tants constituent un objectif connexe.
-d
d’assainissement et d’épuration bitat social, avec des poches persistantes de Ce plan constitue un cadre permettant des sub-
des eaux usées a été mis en place. bidonvilles en cours de traitement(3). ventions importantes de l’investissement. Il illus-
La référence aux Objectifs du millénaire et au tre le réengagement de l’État comme concep-
développement durable et humain a mis au teur et assembleur des composantes d’une
île
rielle et territoriale des infrastructures des ser- de 10 000 emplois dans le secteur du BTP dans
vices en réseaux : électricité, eau potable, assai- 260 villes(5). Une taxe d’assainissement sera
nissement, transports, mais aussi salubrité
IA
ce
ciblés par l’INDH, en donnant accès aux de 2008, la responsabilité des services publics
réseaux à 85 000 foyers. 69 % de l’investissement locaux. Après la question de l’électricité et de
V. Said/IAU ÎDF
concerne l’assainissement. Les ressources l’eau potable, le Maroc s’attache aujourd’hui à
mobilisées proviennent du contrat de gestion traiter celle des déchets solides et de l’assainis-
an
délégué (19 %), des bénéficiaires (12 %), des sement. Les transports publics urbains, plus
partenaires (11 %), des subventions et dons composites par la présence d’un secteur infor- Les services urbains au Maroc,
(7 %) et des communes (2 %). Ce montage mel important, évoluent de façon moins une tradition à perpétuer.
financier laisse voir un besoin de financement linéaire, même si des infrastructures de tram-
à hauteur de 49 % du coût du projet. way se mettent en place. La préoccupation
Au-delà des objectifs quantitatifs, le projet
INDH-Inmae est caractérisé par la spécificité
de sa gouvernance et de son financement.
Fr
d’hygiène et de salubrité publiques émerge
également, en réponse à des niveaux de vie en
hausse et à une exigence touristique forte. L’ar-
Références bibliographiques
sens de coordination d’acteurs interdépen- techniques et commerciales, le secteur privé L’HABITAT, DE L’URBANISME ET DE
L’AMÉNAGEMENT DE L’ESPACE, « Cadre
dants – devient pour l’opérateur une activité doit aller vers des PPP permettant de mettre en
d’orientation pour une stratégie
aussi stratégique que la construction technique phase les conditions contractuelles et les choix nationale de développement urbain »,
des réseaux. D’autre part, le financement est stratégiques nationaux (décentralisation et sou- forum national du développement
île
dynamique ; le projet a débuté sans disposer veraineté nationale). urbain, Skhirat, 22 et 23 janvier 2009.
de la totalité des fonds. L’adhésion des autorités Financement : au-delà de la mobilisation de • BaNQUE MONDIALE, « Revue stratégique du
et de donateurs constitue une des conditions l’aide au développement, les capacités natio- programme national d’assainissement »,
Banque mondiale, Bureau régional
de mobilisation de nouvelles sources de finan- nales de financement s’apprécient en fonction Moyen-Orient et Afrique du nord,
cement. Sur ces principes, le bouclage finan- des perspectives de croissance macro-écono- partenariat Banque mondiale/KFW,
U
cier sera assuré à l’échéance du projet, mais il mique qui agissent sur le recouvrement des mai 2008.
y a sans doute des enseignements réplicables à coûts auprès des clients et sur les recettes • BaNQUE MONDIALE, « Royaume du Maroc :
tirer de cette expérience unique por poor dont publiques. Mécanismes et flux de financement du
secteur de l’eau », Banque mondiale,
IA
ce
de vie
an
La qualité urbaine face
aux enjeux de la ville de demain
Fr 97
La qualité architecturale,
e-
une tradition qui se perpétue 100
Le patrimoine au Maroc :
l’enjeu identitaire à travers l’histoire 107
U
IA
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Vers une approche globale de la qualité de vie
ce
des espaces de qualité répondant
aux besoins croissants et favorisant
la cohésion sociale et spatiale relève
an
parfois de l’exploit. Pour améliorer
l’appropriation de l’espace et l’attractivité
des villes, le Wali évoque différentes
Fr V. Said/IAU îdF facettes de la qualité urbaine à travers
le concept de durabilité.
e-
a qualité urbaine représente un enjeu pression, de communication et d’intégration.
L
Le réaménagement de la corniche
de Casablanca participe stratégique pour le développement La durabilité écologique se traduit par l’apti-
à l’amélioration de la qualité urbain durable car elle met l’accent sur tude du sol à l’accueil des différentes occupa-
urbaine de l’ensemble de la ville. les durabilités économique, sociale, écologique tions et par la pression que la cité exerce sur les
-d
financières que naturelles. De même, en abor- ment, chassant l’improvisation et imposant une
dant la durabilité économique, on ne peut volonté de bien faire dans la maîtrise du temps,
négliger la question de la mise en œuvre de et une adéquation entre les ressources et les
IA
97
Le Maroc en perspective :
regards croisés Vers une approche globale de la qualité de vie
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 La qualité urbaine face aux enjeux de la ville de demain
Luc Viatour/www.lucnix.be
ce
La qualité urbaine s’apprécie
également par la cohabitation
des usages et l’appropriation
an
de l’espace par les habitants.
nieux des espaces à usage multiple permet une démarche de développement urbain dura-
d’assurer une cohésion spatiale et sociale, ainsi ble. C’est, sans doute, à ce titre que le pouvoir
qu’une articulation cohérente des différentes local essaie d’investir le champ de la planifica-
de concilier le fonctionnel, l’esthétique et l’éco- Casablanca), que pour la mise en œuvre des
logique. projets d’envergure (des architectes et urba-
La qualité des espaces est parfois inhérente aux nistes de renommée mondiale sont sollicités
sites ou au bâti lui-même. Il suffit, pour ne pas la pour dessiner, programmer et contribuer à la
île
ce
nas dans la manière de construire, y compris moins que l’amélioration qualitative des
dans les agglomérations modernes. L’espace espaces urbains doit susciter, en retour, une
privatif est nettement supérieur à l’espace réactivité positive et un changement de com-
public, lieu de rejet au sens propre comme au portement du citoyen et l’inciter à une appro-
an
sens figuré du terme. priation de l’espace dans lequel il évolue.
Cependant, en se promenant dans des quar- La qualité urbaine fait donc partie du domaine
tiers d’habitat économique où la maison maro- du possible et, compte-tenu de la charge et afin
caine est dominante, on est frappé par la qua- de juguler la tension entre ressources limitées
lité de vie dans le quartier ou le derb, unité de et besoins croissants, le pouvoir politique se
voisinage très appréciée au sein de laquelle se
tissent des liens solides avec l’espace vécu et
où se déroule une vie sociale, collective très
Fr
trouve contraint de « prioriser » ses actions, opé-
rant une différenciation entre les besoins et les
réponses.
forte. C’est cette culture du quartier que les
e-
habitants des ensembles immobiliers essaient In fine, le travail sur la qualité urbaine est fon-
de réinventer. damental dans la perspective d’une meilleure
Mais de manière générale, hormis ces quelques compétitivité des villes marocaines et ne peut
cas d’appropriation de l’espace, on ne peut se réaliser indépendamment de la durabilité.
-d
échapper au constat selon lequel le citoyen se Il faut toutefois se garder de traiter la qualité
cantonne à observer l’action publique, parfois urbaine uniquement sous un aspect technique
dans l’indifférence et dans la critique ; le niveau sans considérer qu’elle est avant tout menta-
d’exigence vis-à-vis de la qualité des services lité, culture et socle de la cohésion sociale.
île
V. Said/IAU îdF
La qualité architecturale,
Omar Farkhani une tradition qui se perpétue
Président de l’Ordre
national des architectes
ce
fécond, l’architecture actuelle,
sous influence internationale, s’interroge
sur le maintien de son identité
an
et sa contribution à la modernité.
Comment répondre à l’exigence
du développement, durable de surcroît,
Fr E. Roche
en faisant émerger des formes
et une qualité spécifiques ?
e-
histoire de l’architecture et de l’urba- vre marocains portent alors les idées et les
L’
La ré-interprétation des formes
architecturales anciennes illustre nisme du XXe siècle au Maroc est d’une théories dont ils se sont imprégnés durant leur
le dialogue entre tradition richesse indéniable. Les différents mou- formation. Dans les faits, pendant les premières
et modernité. vements qui se sont succédé représentent décennies de l’Indépendance, la production
-d
une partie du patrimoine marocain a bénéfi- vre des architectes est aujourd’hui encore
cié d’une grande attention des gouvernants encensée par la postérité. « […] Signe de sa
français, mais dans des conditions qui conti- force, cette architecture permet l’extravagance
IA
nuent à faire débat. Il a été reproché à l’autorité et le génie. […] Jean-François Zevaco, irréduc-
de l’époque de « muséifier » ce patrimoine. tible à tout modèle, […][et] profondément
Nonobstant ce débat, la création de villes nou- lyrique, gère avec une agilité stupéfiante, qui a
velles, destinées aux populations européennes, souvent choqué, la contradiction entre une
a offert aux architectes européens la possibi- modernité rigoureuse et un besoin de chaleur
lité de déployer la pleine mesure de leur talent très baroque. Moyen de cette recherche, un
en réinterprétant des formes architecturales et vocabulaire extrêmement volubile de formes
urbaines importées d’Europe à travers le filtre chaque fois inventées, retravaillées, combinées
d’« arabisances(1) ». Cela consistait à utiliser un
vocabulaire architectonique et une modéna-
(1) BEGUIN François, Arabisances, Paris, Dunod, 1983.
ture puisés dans le patrimoine bâti historique (2) Après le séisme de 1960.
marocain, dans une mise en scène urbaine et (3) La Charte d’Athènes, document majeur de l’urbanisme
dans des formes architecturales européennes. contemporain dans laquelle prédominent les thèses de Le
Corbusier, a été collectivement rédigée en 1933. Certains de
À partir de l’Indépendance (1956), les archi- ses articles formulent, sans doute, la thèse essentielle (qui
tectes marocains ont progressivement investi valut au mouvement le nom de fonctionnalisme) relative au
le champ de la production architecturale et partage de l'espace urbain (ou zoning), déjà conceptualisé
par Tony Garnier, selon une distinction nette entre quatre
urbaine dans leur pays. Formés en Occident, fonctions fondamentales : habiter, travailler, se récréer,
particulièrement en France, les maîtres d’œu- circuler.
100
pour donner à chaque composition une force du grand public et aux lubies des grands maî- Un patrimoine de valeur
exceptionnelle(4) ». tres d’ouvrage publics ou semi-publics. Ces der- Médina de Fès, médina de Marrakech,
Malheureusement,Agadir ne fut qu’une paren- niers sont souvent plus soucieux d’afficher sur médina de Tétouan (ancienne Titawin),
médina d’Essaouira (ancienne Mogador),
thèse heureuse dans la production architectu- leurs projets les griffes de stars mondiales de ksar d’Aït-Ben-Haddou, site archéologique
rale marocaine rendue possible par une situa- l’architecture que de contribuer au développe- de Volubilis, ville historique de Meknès,
tion d’exception : la tragédie humaine et ment d’une architecture marocaine contempo- ville portugaise de Mazagan (El Jadida) :
urbaine provoquée par le séisme déclencha raine. L’absence d’une politique architecturale autant de richesses inscrites sur la liste
une dynamique de reconstruction soutenue volontariste ne favorise pas le changement de du patrimoine mondial de l’Unesco.
Les artisans marocains détiennent
par une forte volonté politique, qui visait à sur- cet état de fait : le nombre de livres d’architec- un savoir-faire multiséculaire riche et
monter ce traumatisme national en offrant le ture publiés ces dernières années au Maroc se vivant qui s’exporte partout dans le monde
meilleur aux habitants d’Agadir. compte sur les doigts d’une main(6) ! Pour la plu- tout en s’épanouissant localement.
En 1986, feu S. M. Hassan II a prononcé un dis- part, les médias s’intéressent à l’architecture Ci-dessous, la médina de Marrakech,
cours devant le corps des architectes dans dans sa dimension économique et sociale. Le dont l’ambiance est empreinte
ce
de l’artisanat local qui se perpétue.
lequel il rappellait l’importance sociale, cultu- débat sur l’urbain et surtout sur l’architecture
relle et civilisationnelle de l’acte architectural. est absent de la scène publique.
Le discours devait notamment inaugurer une Au Maroc, comme ailleurs, le « modernisme » et
rupture avec l’architecture moderne dans sa le « traditionalisme », avatars des pensées pro-
an
version internationale. Cependant, sa mauvaise gressistes et culturalistes(7), ont cela de commun
interprétation entraîna d’autres excès, tout aussi qu’ils réduisent l’architecture à un simple réper-
dommageables que ceux de l’architecture toire de formes isolées de leur contexte histo-
internationale. Ce discours s’est traduit sur le rique, géographique et culturel, dans lequel on
terrain par une inflation de l’architecture pas- peut puiser à souhait selon le goût du jour. De
tiche où l’utilisation de la tuile verte et des
ouvertures en forme d’arcs tenait lieu d’archi-
tecture marocaine « authentique », et cela pour
Fr
ce point de vue, la nouvelle préoccupation du
développement durable est une chance pour
l’architecture marocaine. Sa mise en œuvre se
tous les types de programmes. caractérise, en effet, par une démarche plus que
V. Said/IAU îdF
e-
par des formes, par des objectifs plus que par
Une architecture contemporaine des images. L’architecture durable n’est pas
qui se cherche (encore ?) associée à des formes connotées.
Avec la création de l’École nationale d’architec- Elle puise autant dans les ressources et le La medersa Ben Youssef
-d
ture de Rabat en 1980 et l’augmentation relative savoir-faire local que dans les sciences et les à Marrakech.
du nombre d’architectes marocains d’une part,
et le développement des nouvelles technolo- (4) NADAU Thierry, «La reconstruction d’Agadir ou le destin de
gies de l’information d’autre part, l’exercice pro- l’architecture moderne au Maroc », dans Architectures fran-
île
fessionnel au Maroc, favorisé par la logique de çaises d’outre-mer, Liège, Mardaga, Institut français d’archi-
tecture, 1992.
marché, commence à gagner en maîtrise du (5) ASCHER François, Les nouveaux compromis urbains,
point de vue de la technique architecturale Lexique de la ville plurielle, La Tour d’Aigues-L’Aube, 2008. Une traduction du vocabulaire
(maîtrise des formes et des vocabulaires archi- (6) Citons, parmi ces livres, MIKOU Khalid, Riad, Modulor et de l’architecture arabisante
tatami, Casablanca, Archimedia, 2003.
tecturaux et urbains). Cependant, la quasi- (7) CHOAY Françoise, Urbanisme, utopies et réalités, Paris, Seuil, dans le quartier Art déco
U
technologies les plus avancées. Elle met les gares ferroviaires ou les postes. Dans ce sens,
l’Homme et l’usager au centre de ses préoccu- ces villes nouvelles doivent être étudiées avec
pations(8). autant d’intérêt que les villes anciennes, mais
pour d’autres raisons. L’étude des médinas doit
Interroger l’histoire avec un œil neuf être motivée par la volonté de renouer avec la
Aujourd’hui, il faut reposer la question de l’ar- « compétence d’édifier(11) » à l’origine des « créa-
chitecture et de l’urbain avec un œil neuf : la tions » urbaines du passé. L’objectif de l’analyse
médina, avec ses ruelles étroites ombragées et ne devrait pas se cantonner à la description de
ses fastueux espaces introvertis, publics et pri- l’objet urbain daté en vue de sa restauration et
vés, servait de réceptacle à une société maro- de sa muséification comme patrimoine. Il faut
caine qui n’existe plus depuis longtemps. C’est reconstituer les processus vivants de savoir-faire
un héritage qui doit être réinterprété à la (compétence d’édifier) des habitants qui, à tra-
lumière de nos besoins actuels, qui ne sont pas vers les siècles, ont bâti leurs espaces urbains
ce
seulement identitaires, loin s’en faut. en les adaptant constamment à leurs besoins
Les architectes du Protectorat se sont emparés en recourant aux technologies disponibles aux
de ce patrimoine et l’ont interrogé au filtre de différentes époques.
leurs propres valeurs architecturales. Ils en ont
an
retenu la dimension paysagère, comme dans le La qualité des espaces urbains, pour un Maro-
quartier Habous à Casablanca. Ils lui ont aussi cain, est d’abord une qualité d’usage avant
emprunté un art décoratif brillant, qu’on d’être une qualité d’image (dessin des façades,
retrouve par exemple dans l’architecture Art formes urbaines, etc.). Le confort de son espace
déco des nouvelles villes construites à cette de vie quotidien l’intéresse bien plus que les
Fr
époque et dont Casablanca est un fleuron mon-
dial. Cette approche « romantique » et forma-
liste des médinas a conduit à « préserver » les
prouesses architecturales formelles.
Cela ne signifie évidemment pas que l’archi-
tecture n’intéresse pas le citadin marocain ou
centres historiques(9). Notons toutefois que qu’il considère qu’elle est secondaire par rap-
e-
même les villes telles que Le Caire, avant toute port à ses autres besoins. Seulement, il ne s’en
intervention occidentale(10), ont été confrontées préoccupe pas quand l’architecture est réduite
aux mêmes problématiques d’adaptation des à un rôle de cache-misère (contorsions for-
villes traditionnelles aux besoins générés par melles, modénature(12) « bavarde », façades
-d
l’émergence des nouvelles sociétés indus- bariolées, etc.) ; quand ses gesticulations ont
trielles : urbanisation accélérée et nécessité pour seul but de plaire aux maîtres d’ouvrage
d’accueillir rapidement des populations de et aux « commissions d’esthétique » ; quand l’er-
plus en plus nombreuses, développement de satz d’architecture veut occulter l’absence d’ar-
île
ce
tradition des bâtisseurs qui nous ont légué
les médinas, les kasbahs et les ksour, dont
nous nous enorgueillissons légitimement
aujourd’hui. Pour cela, il faut que le Maroc
V. Said/IAU îdF
an
engage une politique architecturale et urbaine
volontariste et ambitieuse qui se traduise
notamment par le développement de la
Les Twin Towers de Casablanca illustrent recherche dans les écoles d’architecture et
le renouveau de l’architecture marocaine. dans les universités, la démocratisation de l’ac-
des résultats quantitatifs appréciables. De larges tectes, en janvier 2006, à l’occasion de la com-
couches de populations démunies ont pu enfin mémoration du vingtième anniversaire du dis- La médina de Marrakech,
accéder à la propriété de leur logement, dans cours de 1986. issue de la tradition des grands
des conditions d’endettement raisonnables. bâtisseurs marocains,
île
ce
riche et variée. Le vocabulaire
architectural s’étend du style Art déco
au néo-mauresque et à l’architecture
an
moderne des années 1950 et 1960.
Comment ces ensembles patrimoniaux
peuvent-ils constituer un vecteur
Fr Casamémoire
de développement pour les villes
aujourd’hui ? L’exemple de Casablanca.
e-
e Maroc a connu au XXe siècle des boule- centralisme condamnant la multipolarité pré-
L
Fleuron de l’architecture Art déco,
l’immeuble Assayag (1930) versements sociaux, politiques et écono- dominante d’antan, autour de Fès et de Marra-
de Marius Boyer est un élément miques formidables. La société féodale kech essentiellement.Ainsi, «en moins de trente
structurant du patrimoine des siècles précédents a dû s’ouvrir et s’est ans, le tracé des pistes séculaires de l’écono-
-d
casablancais. confrontée à des phénomènes et enjeux nou- mie marocaine a fait place à un réseau de voies
veaux. convergentes vers un nouveau pôle unique(3) ».
Dès le milieu du XIXe siècle, le Maroc suscite Dès 1914, une véritable ruée s’opère vers le
beaucoup d’intérêt de la part des grandes puis- Maroc, et notamment vers Casablanca. La popu-
île
sances de l’époque. À partir de 1912, la pré- lation étrangère est estimée à 31 000 personnes.
sence française développe de nouveaux cen- De l’intérieur, affluent les bourgeois de Fès ainsi
tres urbains à proximité des villes existantes. que, les juifs et quelques musulmans des villes
Les villes nouvelles de Fès et de Marrakech côtières (notamment d’Essaouira) attirés par
n’ont cependant, au moment de leur création, l’essor du port. À cela s’ajoute un exode rural
U
qu’un rôle de contrôle militaire des deux de plus en plus important. La population s’ins-
anciennes capitales impériales. D’autres villes talle dans la médina au hasard des acquisitions
ont des fonctions d’usage : exploitation du foncières et dans les quartiers de Bab Marra-
IA
minerai comme Port Gentil ou relais de trans- kech et Derb Ghallef. La médina se retrouve
mission de la production locale comme Agadir. entourée d’un désordre de foundouks(4), de vil-
Une des décisions majeures du maréchal Lyau- las, d’immeubles, de souks, de campements…
tey(2), premier résident général, est de transfé- Casablanca est atteinte à cette époque d’une
rer la capitale de Fès à Rabat. Cette décision a frénésie de construction, aussi rapide qu’anar-
des conséquences importantes sur le pays et chique. Les autres villes du Maroc, en particu-
provoque une transformation majeure. Lyautey lier les villes côtières, connaissent également
décide également de créer une capitale éco- un accroissement urbain, mais de manière
nomique en favorisant le développement de moins spectaculaire.
Casablanca. Petite ville de pêcheurs sur l’Atlan- L’extension rapide et incontrôlée des villes
tique, Casablanca devient très rapidement une
grande ville, concentrant les investissements en (1) Casamémoire est une association de sauvegarde du patri-
termes d’infrastructures économiques, particu- moine du XXe siècle au Maroc.
(2) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p. 172.
lièrement ciblés sur le complexe portuaire et (3) ÉCOCHARD Michel, Casablanca, le roman d’une ville, Édi-
industriel. Au nord de Rabat est créée la ville tions de Paris, Paris, 1952.
militaire de Port-Lyautey (actuellement Kéni- (4) Généralement situé près des entrées de médina, le foun-
douk est le lieu d’étape des caravanes. Il joue le rôle de cen-
tra). Ainsi, le centre du Maroc est déplacé de tre d’échange commercial et d’hôtel, pouvant également ser-
l’intérieur des terres vers la côte et favorise un vir d’entrepôt et de lieu de transformation de marchandises.
104
marocaines, et de Casablanca en particulier, lots et autres corbeilles de fruits côtoient sur
nécessite la mise en place urgente d’une régle- les façades pilastres et chapiteaux. La troisième
mentation. Ainsi, en février 1914, Henri Prost(5), tendance essaie de puiser dans le répertoire
urbaniste, est nommé à la direction du Service architectural, décoratif et artisanal local (réel
spécial d’architecture et des plans des villes. ou mythique d’ailleurs) en y injectant des élé-
C’est la première administration dans l’histoire ments dans des formes et des espaces
de l’urbanisme français et marocain. modernes. Ceci peut aller du pastiche pur et
Un bureau central des plans des villes est alors simple à de véritables tentatives d’hybridation
créé. Il a en charge l’étude technique des pro- ou d’adaptation plus ou moins heureuses.
jets d’aménagement et d’extension. Par ailleurs, Il est à signaler que mosaïstes, ferronniers et
un bureau du plan est, au niveau de chaque autres ébénistes jouent alors un rôle fondamen-
municipalité, chargé d’appliquer les directives tal dans la création de l’identité propre à cette
de ce bureau central. Enfin, un Service des architecture casablancaise par rapport à ce qui
ce
beaux-arts et des monuments historiques s’oc- se fait en Europe. Le néo-mauresque ne fut pas
cupe de la conservation et de la restauration la seule incarnation de l’apport de l’artisanat à
des monuments existants, ainsi que de la créa- l’architecture. Des éléments puisés dans le
tion des ordonnances architecturales destinées répertoire traditionnel se retrouvent confron-
an
à certaines rues et places. tés à d’autres éléments modernes. « La rencon-
Pour Casablanca, le plan Prost délimite quatre tre des motifs des arts décoratifs marocains et
zones : la zone indigène, dont la construction des configurations Art déco produira des
est limitée à deux étages ; la zone centrale, décors de façade originaux où les éléments
constituée d’habitations et de commerces ; les ornés […], les frises ou panneaux bien délimi-
zones industrielles, réservées aux établisse-
ments insalubres, incommodes ou dangereux ;
et les zones de plaisance, pour les villas ou habi-
Fr
tés agrémentent des façades blanches et nues.
Ces motifs, dont la diffusion s’est accélérée sous
l’impact de l’Exposition des arts décoratifs de
tations particulières. Le tout maillé par un sys- 1925, n’auront aucun mal à s’imposer au Maroc,
e-
tème de voies radiales convergeant vers le port. où le jeu avec la géométrie et les inclusions
décoratives sur de grandes surfaces nues sont
Un contexte favorable à l’architecture constitutifs de la tradition architecturale(6) ».
moderne Cette frénésie de la construction qui accom-
-d
Dans ce contexte de frénésie constructive des pagne l’essor économique de la ville ne s’es-
années 1920 et 1930, l’architecture qui se déve- souffle qu’à la veille de la Seconde Guerre
loppe, riche et variée, n’a rien à envier aux mondiale et, dès le début des années 1920, le
débats stylistiques qui parcourent l’Europe. Les développement rapide de Casablanca fait
île
édifices, plus novateurs les uns que les autres, qu’on la compare à une ville américaine.
se multiplient. Les architectes, libres dans leurs La médina est le lieu
orientations, trouvent dans l’architecture tradi- d’une grande activité,
tionnelle marocaine la correspondance avec en continuité avec le centre-ville.
(5) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p. 172.
le mouvement cubiste (toits-terrasses, volumes (6) COHEN Jean-Louis, ELEB Monique, Casablanca. Mythes et Elle mérite, à ce titre,
U
dépouillés) et dans l’artisanat local (zelliges, figures d’une aventure urbaine, Paris, Hazan, 1998. d’être protégée.
fers forgés), les éléments de décoration propres
à l’architecture Art déco ou néo-mauresque. À
IA
ce
sieurs facteurs dont on peut citer la dégrada- de Casablanca date de la fin du XIXe siècle, c’est
tion des bâtiments ainsi que des espaces une médina moderne et cosmopolite qui fonc-
urbains par manque d’entretien, la naissance tionne en continuité avec le centre-ville et pas
d’une nouvelle centralité qui a éloigné la classe en parallèle, comme à Fès ou Marrakech par
an
riche de ces quartiers, les plans d’ajustements exemple. Il est important de la préserver pour
structurels successifs qui ont fait disparaître la cela, car elle est unique.
classe moyenne, etc. Le troisième élément est de considérer le cen-
Le déclin des centres-ville ne s’accompagne tre-ville comme un ensemble cohérent et un
pas d’un abandon des espaces. Ces quartiers paysage urbain formant un tout. Il ne s’agit pas
Fr
continuent à être très fréquentés, en particulier
en journée, par des masses populaires qui se
promènent, font des achats ou cherchent des
de protéger les bâtiments un par un. Quelle que
soit la valeur architecturale des édifices, la
valeur du centre-ville de Casablanca vient de
services. L’ensemble des logements est égale- son étendue, de son homogénéité, de sa cohé-
e-
ment occupé par une population importante, rence et de son paysage urbain. Et c’est cela
certes pas toujours solvable, mais qui vit et fait qu’il s’agit de préserver. Enfin, toute préserva-
vivre le centre. De plus, de nombreuses terrasses tion d’un tissu historique passe d’abord par une
et caves sont également occupées par de l’ha- connaissance, une accumulation de savoirs et
-d
bitat insalubre. Par ailleurs, le centre-ville conti- une protection des sources.
nue, en particulier à Casablanca, à servir d’es- Le momentum historique est propice à une
pace d’accueil pour les nouveaux arrivants, une réelle intégration intelligente des centres-ville
tendance favorisée par la présence de nom- hérités de la période du Protectorat dans le
île
le petit cercle des amateurs et des spécialistes urbain dont les villes marocaines ont grande-
pour toucher au domaine public, et même arri- ment besoin.Ainsi, à Casablanca, le centre-ville
ver à jouir d’une certaine présence dans les historique peut rapidement générer, par des
médias, avec toutefois une réelle inégalité entre aménagements appropriés, un développement
les villes. Ce qui est acquis à Casablanca ne l’est économique important lié au tourisme culturel
pas forcément à Meknès ou Marrakech pour notamment. Pour amorcer cette mise en valeur,
des bâtiments similaires. Ainsi, à Casablanca, un effort important devrait s’opérer au niveau
après la démolition de plusieurs édifices impor- de l’aménagement de l’espace public. Les amé-
tants dans les années 1970 et 1980 (arènes, nagements destinés à favoriser le développe-
cinéma Vox, théâtre municipal…), la reconnais- ment touristique suivront.
Casamémoire
Le patrimoine marocain,
dans la diversité de ses formes
à travers les lieux et les époques,
bénéficie d’une reconnaissance
ce
croissante. Il endosse une fonction
importante de représentation
qui évolue sans cesse et pose question.
an
Aujourd’hui, il renvoie à des identités
complexes qui se cherchent,
entre tradition et progrès, histoire
Fr Salima Naji et modernité.
e-
a notion de patrimoine émerge depuis L’approche patrimoniale :
L
Au pied de l’Atlas, la kasbah Amridil
de Skoura est un très bel exemple peu au Maroc. Le désir de mémoire est conserver et agir
du particularisme architectural plus que jamais présent dans un pays qui Le Protectorat français a sauvegardé le patri-
en pisé. s’est ouvert à de grands chantiers. La diversité moine dans une vision pittoresque. La volonté
-d
des héritages apparaît soudain au grand jour conservatoire qui va très vite être promulguée
pour toute une nation qui, enfin, se regarde. pour les médinas est également issue d’une
Cette prise de conscience fait suite à un cer- conscience et d’une sensibilité appartenant à
tain nombre d’actions de mécénat privé envers une époque fascinée par l’Histoire. Les Paroles
île
constituées pour travailler sur des microprojets cette vision intègre les notions qui ont cours
dans le domaine de l’environnement, mais alors en métropole, celle notamment du monu-
aussi de l’embellissement de quartiers histo- ment historique, mais également celles des
IA
riques. Des fondations et des organisations non urbanistes d’avant-garde, qui n’hésitent pas à
gouvernementales (ONG) s’activent également créer, avant l’heure, des zones de protection
en faveur de la mise en valeur du patrimoine et élargies(4).
de la sensibilisation du public. Par exemple, Un double mouvement se dessine alors : d’une
Casamémoire œuvre pour la « sauvegarde part, la volonté de créer des villes modernes et,
d’une mémoire commune », celle d’un urba- d’autre part, le souci de ne pas toucher à une
nisme qui a fait date et qui fait la force de la entité historique ancienne. Les maîtres mots de
ville de Casablanca.
Parallèlement, la possibilité pour les étrangers (1) Salima Naji est architecte et docteur en anthropologie de
d’acquérir un bien immobilier alimente une l’École des hautes études en sciences sociales.
(2) FREY Jean-Pierre, préface à la réédition de Jean GALOTTI
spéculation sans précédent dans les villes his- (Albert Levy, 1926), Le Jardin et la maison arabes au Maroc,
toriques(2) du royaume (médinas de Marrakech, Actes Sud-Centre Jacques Berque,Arles-Rabat, 2008, pp.35-36.
Essaouira, Fès ou Tanger notamment). (3) LYAUTEY Louis-Hubert Gonzalve, Paroles d’action, Paris,
Imprimerie nationale, réédition 1995.
Un renversement a ainsi eu lieu : le patrimoine (4) En France, la ZPPAUP (zone de protection du patrimoine
hérité du Protectorat, rejeté dans les premières architectural, urbain et paysager) qui étend, à une entité plus
décennies de l’Indépendance, est aujourd’hui large et moins systématique, la zone de 500 mètres de protec-
tion autour du monument classé (protection des abords,
considéré comme une valeur du passé. puis des secteurs sauvegardés), datent respectivement des
années 1962, 1943 et 1983.
107
Le Maroc en perspective :
regards croisés Vers une approche globale de la qualité de vie
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Le patrimoine au Maroc : l’enjeu identitaire à travers l’histoire
l’action de l’époque se résument par deux infi- à vouloir effacer ce qui peut apparaître comme
nitifs, conserver et agir : « Conserver qui, au sens indigne : les vénérables mosquées aux formes
littéral, s’oppose à détruire – et réagir à s’aban- modestes, construites en terre ou en pierre, sont
donner(5) ». L’autorité en place met ainsi en systématiquement rasées pour être remplacées
œuvre toute une série de mesures, de services, par des blockhaus prétentieux en béton peint et
et de missions pour empêcher les « désastres » à hauts minarets, mais qui illustrent mieux, pour
ou autres « sacrilèges » qui auraient défiguré le ceux qui les édifient, l’image qu’ils voudraient
Maroc des villes impériales. La même énergie renvoyer d’eux-mêmes. Ainsi, aujourd’hui, lors
est investie pour créer, à côté de ces secteurs de pratiques conservatoires, les donneurs d’or-
sauvegardés, des villes nouvelles dotées de dre peuvent se heurter à une incompréhension
toutes les qualités requises pour être des villes de la population locale expliquant qu’elle ne
dignes de celles d’Europe. Il œuvre avec beau- veut pas vivre dans des espaces connotés
coup de professionnalisme et imagine des « anciens », parce que réalisés avec les maté-
ce
développements harmonieux dont on jouit riaux traditionnels actuellement rejetés. L’aspi-
Salima Naji
encore aujourd’hui, habilement dessinés en ration à une modernité par ses artefacts est
fonction de l’héritage historique et du poten- ainsi revendiquée au point que de nombreuses
Restauration dans les règles de l’art tiel du site. La zone indigène correspond à la architectoniques locales sont actuellement
an
de l’Agadir d’Aguellouy, Amtoudi : vieille ville telle que les étrangers la découvri- détruites ou en passe de disparaître.
les doyens du village appuient rent, fascinés, au début du XXe siècle. Elle leur
des artisans plus jeunes apparut comme une entité difficile à décou- Au nom d’Islah, des rénovations
pour retrouver les formes originelles per, impossible à « moderniser », à assainir et à inadaptées
du grenier collectif. rendre viable sans destruction. On emploie actuellement, pour la conservation
Fr
Cependant, le Maroc des campagnes, le monde
berbère, va représenter un conservatoire intact
à préserver(6) ; c’est dans cet état d’esprit que
d’un bâtiment, deux mots très indicatifs de la
perception patrimoniale locale. Le mot arabe
islah porte en lui l’idée de réparation, mais
seront très tôt créés les premiers parcs natio- aussi de réforme ou de renouvellement, l’idée
e-
naux (Toubkal en 1942). de mise aux normes (d’un texte comme d’un
bâtiment). Lorsqu’un bâtiment est devenu trop
Deux mondes se côtoient ancien, qu’il menace de s’effondrer, on préfère
sans se mélanger lui substituer un nouvel édifice, neuf, en maté-
-d
Cette vision réductrice d’un monde coupé en riaux modernes et effacer du même coup cette
deux avec, d’un côté, la ville nouvelle et le « pro- ruine qui fait honte aux décideurs comme aux
grès », et de l’autre, la ville ancienne ou la cam- habitants. Le respect de l’identité locale est sou-
pagne, considérées comme l’héritage de l’his- vent nié au profit de matériaux et de formes
île
toire, va à son tour devenir une idée portée par exogènes favorisant un effacement des
la génération de l’Indépendance. mémoires et la mutilation des qualités patrimo-
La « catégorie » du monument historique, pla- niales, historiques et paysagères de certains
quée sur des médinas à préserver, et celle de ensembles historiques. L’apposition d’un crépi
conservatoire, appliquée sur les oasis ou les de paille et de terre pour recouvrir un bâtiment
U
Au cœur de l’Anti-Atlas, montagnes réduites au statut de parc national en ciment artificiellement installé dans un
sur une piste conduisant vouées au tourisme, ont un impact très négatif vieux village ou un ksar(7) de plusieurs siècles
dans une vallée enclavée sur ces sites. À l’Indépendance, le Marocain se est la seule réponse qui est souvent proposée,
IA
des Ait Abdellah, deux immeubles précipite à l’extérieur de la médina vers la ville exposant une incapacité à apprécier un patri-
sur des structures en béton armé « européenne » où, naguère, il lui était difficile moine historique.
rivalisent de hauteur. d’habiter. Et dans le monde rural, on continue Le second terme de plus en plus employé pour
la sauvegarde des bâtiments est tarmim, mot
dont la connotation technique est proche de
ce qui s’appelle en Occident « restauration »
mais sans y adjoindre un respect scrupuleux
des techniques locales. Ce mot est moins noble
que le précédent. Il devient cependant courant,
alors même qu’aucun travail de sensibilisation
et d’éducation du regard n’a été conjointement
entrepris.
(5) LYAUTEY Louis-Hubert Gonzalve, « Ouverture du Congrès
des hautes études marocaines », Rabat le 26 mai 1921 », dans
Paroles d’action, Paris, Imprimerie nationale, 1995.
(6) Voir NAJI Salima, Greniers collectifs de l’Atlas, patrimoines
Salima Naji
ce
mosquées du Sud ont été détruites sur la base lisation de la langue vernaculaire dans son
d’une mise en « hygiène des lieux de culte » alphabet originel dans les cercles officiels. En
(ministère des Habous, dotations de 2008). 2001, l’Unesco consacrait la place Jemâa El-Fna
Tous ces exemples permettent de montrer « patrimoine oral et immatériel de l’humanité »
an
qu’au Maroc, il est certes question de patri- (l’ancienne médina de Marrakech avait été
moine – compris comme objets bâtis venus du classée patrimoine universel en 1995), rendant
passé –, mais que les réponses ne sont souvent soudain visible la richesse des conteurs et des
pas adéquates en termes de mise en œuvre. traditions si naturellement ancrés dans le quo-
D’abord, parce que cette « honte » des formes et tidien.
des matériaux traditionnels tient la terre crue
comme principale responsable des maux patri-
moniaux et parce que cette honte du matériau
Fr
Entre ces différents héritages, du patrimoine
bâti jusqu’aux notions plus immatérielles, pre-
nant également en compte le patrimoine du
cache aussi une honte de ses origines. Protectorat, une représentation tend à se mani-
e-
À tout ceci, s’ajoutent des carences dans le fester. La situation de crise que vit aujourd’hui
code de l’urbanisme (2007) : tout architecte qui le monde rural marocain, et celui du Sud en
a actuellement recours aux procédés tradition- particulier, impose, dans l’urgence, des actions
nels et qui subirait un effondrement des gouvernées par des exigences contradictoires.
-d
tient pas compte des procédés traditionnels, années à venir, la prise de conscience de cet
pourtant multiséculaires, et exige un chaînage ensemble d’enjeux permettra de sauvegarder le
de béton dans toutes les constructions en pisé. patrimoine marocain dans toutes ses compo-
Comme cela n’est pas précisé, on croit que santes.
cette garantie doit être exercée sur les bâti-
U
plus en plus réticents à cautionner les construc- abîmé : Goulmima, Ksar Chorfa, etc.
tions traditionnelles. Ils n’hésitent pas à imposer
– même pour des bâtiments à restaurer – une
armature en béton… cachée dans la structure
ancienne.
ce
et institutionnels
an
Évolutions institutionnelles,
décentralisation et jeu d’acteurs
Fr 111
Aménagement du territoire :
e-
du stratégique à l’opérationnel 115
Le développement durable
-d
Évolutions institutionnelles,
Ministère de l’Intérieur
du Maroc décentralisation et jeu d’acteurs
Direction générale
des collectivités locales
ce
irrégulier. Dysfonctionnements
et chevauchements des compétences
ont dilué les responsabilités.
an
Aujourd’hui, pour mieux encadrer
le développement des territoires
É. Jarousseau/IAU îdF
et limiter les dérogations,
Fr une décentralisation progressive et
une clarification des rôles sont à l’œuvre.
e-
arsenal juridique mis en place dès 1914 La création de lotissements a été réglementée
L’
L’Agence urbaine de Casablanca,
première structure déconcentrée a connu une évolution continue à tra- pour la première fois par le dahir du 14 juin
de l’État, mise en place vers les différentes époques traversées. 1933, qui a institué une autorisation de lotir déli-
dans le nouveau dispositif L’objectif visé par cette adaptation des lois vrée par des autorités différentes selon la loca-
-d
au service de l’urbanisme. consiste à répondre au défi de la maîtrise du lisation. Ainsi, les lotissements localisés à l’inté-
développement urbain croissant. rieur du périmètre municipal des villes étaient
sous l’autorité du chef des services municipaux
Évolution de la législation régissant tandis que ceux situés dans les banlieues des
île
régissant les extensions des villes a permis à Le dahir du 30 juillet 1952 a élargi le champ
l’administration de l’époque de se munir de d’application du plan d’aménagement aux cen-
moyens de contrôle et de maîtrise de l’urbani- tres des communes rurales, aux zones de ban-
IA
tion du ministre de l’Intérieur qui délègue ses mise à l’étude des plans d’aménagement, de
pouvoirs au wali. reconnaissance des voies, routes, chemins ou
Aujourd’hui, l’urbanisme est régi, outre par le rues et d’alignements (création des voies, etc.).
dahir de 1960 précité, principalement par la loi Il est responsable de la police de l’hygiène, de
n° 12-90 relative à l’urbanisme (17 juin 1992), la la salubrité et de la commodité, ainsi que du
loi n° 25-90 relative aux lotissements, groupes contrôle des infractions en matière d’urba-
d’habitations et morcellements (17 juin 1992) nisme. Par ailleurs, le conseil communal est
et le dahir portant loi instituant les agences consulté, à l’instar du public, lors de l’instruc-
urbaines (10 septembre 1993). D’importantes tion des documents d’urbanisme.
innovations ont été introduites dans les lois de La charte communale de 1976 a donc doté la
1992, notamment en matière d’élaboration des commune d’outils juridiques et institutionnels
documents d’urbanisme et de leur opposabi- lui permettant de mieux gérer les affaires
lité, de gestion urbaine, de contrôle et de locales, notamment celles liées à l’urbanisme.
ce
répression des infractions. Cependant, la promulgation du dahir du 10 sep-
tembre 1993 instituant les agences urbaines a
Évolution, décentralisation, urbanisme soumis la délivrance des autorisations d’urba-
Après l’Indépendance, il est apparu indispen- nisme à un avis conforme de l’agence urbaine :
an
sable d’engager une réforme de l’administra- le président du conseil communal, habilité à
tion centrale et locale, afin de rompre avec l’hé- délivrer lesdites autorisations, ne peut en aucun
ritage du Protectorat. C’est dans ce sens que la cas passer outre cet avis.
nouvelle institution communale est née : en
1960, la charte communale a confié aux élus La loi n° 78-00 portant sur la charte commu-
Fr
locaux des prérogatives relativement étendues.
Elles restaient, tout de même, soumises à une
tutelle complexe de l’administration territoriale
nale, telle qu’elle a été modifiée et complétée
par la loi n° 01-03 et la loi n° 17-08 (3 octobre
2002), a introduit le concept d’« unité de la
(bicéphalisme communal). Cette charte n’a ville » et a, de ce fait, précisé les attributions des
e-
investi la commune d’aucune responsabilité conseils communaux et d’arrondissements en
directe dans le domaine de l’urbanisme : l’auto- matière d’urbanisme, de même que celles de
rité déconcentrée était le maillon incontour- leurs présidents respectifs.
nable de la gestion des affaires locales. Ainsi, le conseil communal examine et adopte
-d
de Sidi Belyout à Casablanca. Le président du conseil communal est désor- de développement et de tout autre document
Le président du conseil communal mais investi d’un pouvoir exclusif de police d’aménagement du territoire et d’urbanisme,
délivre les autorisations administrative et de délivrance des permis, dans les limites du ressort territorial de la com-
d’urbanisme et veille à l’application autorisations, attestations d’urbanisme. Il a éga- mune. Il donne son avis sur lesdits documents.
des lois et règlements d’urbanisme. lement la compétence des prises d’arrêtés de Le président du conseil communal délivre les
U
V. Said/IAU îdF
En outre, la procédure relative à l’instruction
des dossiers de demandes d’autorisation (mor-
cellement, lotissement et construction) est
contraignante et lourde.
L’absence de règlements généraux de construc- Les sociétés de développement local
ce
tion est à déplorer, ainsi que celle de réglemen- Par ailleurs, les collectivités locales et leurs
tation organisant les conditions d’instruction groupements peuvent procéder à la création
et de délivrance des permis d’habiter et des ou à la prise de participation dans des sociétés
certificats de conformité. dénommées « sociétés de développement
an
Par ailleurs, la multiplicité des intervenants en local », en association avec une ou plusieurs
matière de contrôle et de répression des infra- personnes morales de droit public ou privé. Ces
ctions dilue la responsabilité. structures correspondent aux sociétés d’éco-
On constate également que des communes nomie mixte françaises.
rurales ne sont pas encore érigées en centres
délimités du fait de la lenteur de la procédure,
les privant ainsi de ressources financières
conséquentes issues de la fiscalité locale.
Fr
Le code de l’urbanisme
Le code de l’urbanisme, encore en projet,
apporte des innovations portant notamment
Enfin, l’habitat insalubre a proliféré sous toutes sur la maîtrise du processus d’urbanisation, la
e-
ses formes. lutte contre la prolifération des constructions
Parallèlement à ces dysfonctionnements, on non réglementaires et la responsabilisation des
constate l’existence de régimes fonciers com- professionnels concernés.Toutefois, tel qu’il est
plexes(2), qui rendent la mobilisation de terrains conçu avec ses 500 articles, il aura des difficul-
-d
urbanisables difficile, voire impossible, et entra- tés à être promulgué rapidement selon certains
vent la constitution de réserves foncières. praticiens.
L’absence de réglementation régissant le finan-
cement de l’urbanisation rend l’ouverture de Une approche pragmatique
île
- en engageant des poursuites à l’encontre des Les circuits et procédures d’instruction des
professionnels ayant commis une faute pro- demandes d’autorisation de construire, de lotir,
fessionnelle ou ayant participé à la commis- de créer des groupes d’habitations et de morce-
sion d’une infraction en matière d’urbanisme; ler doivent être simplifiées. Enfin, il est néces-
- en instaurant la réalisation d’un cahier de saire de réduire les délais d’instruction et d’ap-
chantier pour le suivi et le contrôle. probation des plans d’aménagement, afin
d’éviter le recours systématique au dispositif
L’innovation dans le financement dérogatoire.
de l’urbanisation Outre les actions de rattrapage initiées par le
Un autre projet de loi sur le financement de Gouvernement (programme national Villes
l’urbanisation est en cours d’élaboration. Il sti- sans bidonvilles, mise à niveau urbaine, etc.),
pule l’instauration d’un système de reverse- les actions présentées, prises ou à prendre,
ment d’une quote-part par les propriétaires sur visent au développement des villes et des cam-
ce
le produit de la valorisation foncière engen- pagnes marocaines, dans le cadre d’une urba-
drée par l’ouverture d’une zone à l’urbanisa- nisation harmonieuse prenant en considéra-
tion ou le changement de zonage au profit des tion tous les aspects économiques, sociaux,
communes concernées. L’objectif est de per- environnementaux.
an
mettre à ces dernières de faire face à leurs obli- De ce fait, il est aujourd’hui impératif d’adopter
gations et aux charges nées de ces nouvelles une vision commune à l’ensemble des acteurs
situations. locaux pour l’élaboration d’un projet de terri-
Pour remédier aux dysfonctionnements en toire susceptible de répondre aux différents
matière d’urbanisme, plusieurs autres mesures enjeux du développement local.
Fr
devront être prises à travers la refonte des circu-
laires. Il est nécessaire d’inciter les départe-
ments ministériels concernés à proscrire tout
Cette vision doit ensuite être traduite spatiale-
ment par les documents d’urbanisme (schéma
directeur d’aménagement urbain, plan d’amé-
acte de renoncer (mainlevée) aux terrains nagement et plan de développement des agglo-
e-
réservés aux équipements publics projetés par mérations rurales), et mise en œuvre par les
les plans d’aménagement, afin d’acquérir les décideurs et gestionnaires locaux.
terrains en question et de réaliser les équipe-
ments correspondants.
-d
V. Said/IAU îdF
Aménagement du territoire :
Abdelouahed Fikrat
Directeur national du stratégique à l’opérationnel
de l’Aménagement
du territoire
La politique d’aménagement
du territoire au Maroc a été traduite
par le schéma national d’aménagement
du territoire, décliné à travers
des stratégies différentes selon
ce
les territoires. Un suivi et une évaluation
ont été mis en place pour mieux
adapter cette vision stratégique
an
à l’opérationnel et permettre
la réalisation des projets.
La gouvernance et la cohérence
Fr J.-L. Pagès territoriale demeurent des défis
à relever.
e-
e processus de renouvellement de la de l’aménagement est l’unité nationale. Au
L
Le site exceptionnel de la vallée
du Bouregreg fait l’objet d’un grand politique d’aménagement du territoire niveau territorial, cela signifie avant tout l’éga-
projet stratégique d’aménagement au Maroc, engagé par le département en lité de traitement des citoyens, en tout lieu ;
du territoire à l’échelle charge de l’aménagement du territoire en 1998, - le principe d’efficacité. Il se traduit spatiale-
-d
de l’agglomération de Rabat-Salé. a permis de s’adapter aux évolutions et ten- ment dans une dimension nationale et locale.
dances territoriales et d’être à l’écoute des Tout d’abord, l’efficacité territoriale des ser-
acteurs et des territoires, marquant ainsi la vices publics et des réseaux nationaux de
phase de conception de la vision stratégique transport, de communication, de transfert
île
l’aménagement du territoire (DNAT) fut une rain selon la règle : « à chaque territoire, selon
démarche ascendante, du local au régional, ses besoins sociaux – de chaque territoire,
puis au national. Il a permis à tout un chacun selon ses capacités économiques ». C’est en
de contribuer à une réflexion collective et quelque sorte la devise du Snat.
concertée qui s’est traduite par la charte natio- Aujourd’hui, le contexte a évolué, notamment
nale et le schéma national d’aménagement du du fait de l’émergence de nouvelles probléma-
territoire (Snat). La charte est la synthèse du tiques à très forts enjeux socio-économiques
débat citoyen et d’un consensus. Elle expose (le développement humain, la question
les enjeux territoriaux et arrête les principes de urbaine, le développement du monde rural,
base et les orientations sur lesquels doit repo- etc.), qui mobilisent différents acteurs. De plus,
ser l’aménagement du territoire. les enjeux économiques liés à l’ouverture des
Le Snat est un cadre d’orientations stratégiques marchés marocains et aux engagements de
dans lequel l’État affiche sa politique globale libre-échange exigent une mise à niveau et des
d’aménagement et de développement du terri- qualifications dans tous les secteurs. Par ail-
toire. leurs, on observe des ruptures territoriales dans
Plusieurs principes ont été pris en compte lors des zones en marge du développement et
de la définition de la vision stratégique : l’émergence de nouvelles dynamiques d’ac-
- le principe de citoyenneté. Le paradigme teurs (partenariats public/privé, participations
115
Le Maroc en perspective :
regards croisés Adaptation des outils juridiques et institutionnels
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Aménagement du territoire : du stratégique à l’opérationnel
d’ONG). Enfin, des opérateurs économiques se En ce sens, une réflexion stratégique a été
positionnent sur des créneaux de développe- menée afin de construire la vision d’avenir. Les
ment territorial et l’État s’engage dans de vastes objectifs visaient à garantir la cohérence de
réformes pour l’amélioration des conditions de l’action publique, alimenter le dispositif déci-
compétitivité et de performance de l’économie sionnel sur les grands projets structurants, veil-
nationale et des modes de gouvernance. ler à la compétitivité internationale et élaborer
Ce nouveau contexte impose à la politique des orientations territoriales stratégiques.
d’aménagement du territoire de se positionner Dans le même temps, la mise en œuvre s’est
par rapport aux besoins spécifiques d’aide au traduite par des actions de proximité et des
développement et d’aide à la décision à travers appuis aux projets de territoires. Cette
deux missions : la réflexion stratégique et démarche générique sur le plan méthodolo-
« l’opérationnalisation » au service du dévelop- gique s’est adaptée aux différentes échelles ter-
pement local. ritoriales et aux types d’acteurs.
ce
Enfin, des missions d’observation, de veille, de
Nouvelle démarche : suivi et d’évaluation ont été mises en place.
« un territoire, une stratégie, un contrat » Ainsi, la politique d’aménagement du territoire
Pour répondre efficacement aux exigences de a impulsé la réalisation d’un référentiel d’orien-
an
la nouvelle conjoncture nationale et interna- tations du Snat, de stratégies nationales de déve-
tionale et réaliser les projets ciblés dans le Snat, loppement territorial et de développement
la direction de l’Aménagement du territoire, rural, et de schémas régionaux d’aménagement
appuyée par les pouvoirs publics, s’est réorga- du territoire (Srat) en partenariat avec les
nisée pour accompagner les chantiers de conseils régionaux et le ministère de l’Intérieur.
jets de territoires).
V. Said/IAU îdF
et à porter des dynamiques de développement - une démarche communale « du bas vers le
dans la durée. La démarche « projets de haut », qui vise à accompagner l’élaboration et
territoires » initiée par le département de la mise en œuvre des plans communaux de
l’Aménagement du territoire dans quatre développement, tout en utilisant les données Intégration parfaite des villages
régions (Gharb-Chrarda-Beni Hssen, Chaouia- et éclairages issus des analyses systémiques. de l’Atlas dans le paysage
Ouardigha, Doukkala-Abda, Taza-Al Hoceima- Elle alimente la construction de la vision de de la région de Marrakech.
Taounate) a débouché sur l’identification d’un développement territorial ;
ce
ensemble de projets en mesure de créer une - la recherche d’intercommunalité, qui permet-
dynamique de développement durable. Cette tra de construire des plans territoriaux cohé-
approche s’inscrit dans le cadre de l’appui au rents entre les communes, intégrant les fonc-
développement local et à la promotion du par- tions écologique, économique, sociale et
an
tenariat par la mobilisation et l’accompagne- culturelle des écosystèmes oasiens.
ment des acteurs locaux. Le programme Oasis concerne, dans une pre-
Les objectifs sont de concrétiser et de permet- mière phase, le bassin de Tafilalet.
tre l’appropriation des outils de la démarche
V. Said/IAU îdF
territoriale de développement ; de mobiliser les Des acquis grâce aux différentes démarches
acteurs pour la réalisation partagée des objec-
tifs et du contenu des projets de territoire iden-
tifiés ; de développer la démarche contractuelle
Fr
L’impact de ces démarches demeure limité,
mais le processus de construction de la poli-
tique de développement territorial aura permis La problématique de l’eau
dans la mise en œuvre des projets. Il s’agit éga- d’instaurer de nouvelles pratiques de concerta- est un élément essentiel
e-
lement d’impulser et d’accompagner les tion et de participation, et de diffuser une cul- de la politique stratégique
acteurs locaux dans le montage des projets de ture d’aménagement du territoire et de ses de l’aménagement du territoire.
développement et d’ancrer la culture de l’ap- enjeux. Il aura surtout contribué à intégrer la Ici, le barrage et le lac de Tahanaourt
proche participative dans l’élaboration des pro- prise en compte de la dimension territoriale dans la région de Marrakech.
-d
jets de territoire, actuellement en phase de réa- dans la conception et le montage des diffé-
lisation avec l’appui financier du fonds de rentes stratégies d’intervention et des projets
développement rural. de développement.
Cependant, des mesures d’ordre institutionnel
île
ce
et son choix d’intégrer la gouvernance
environnementale, notamment à travers
la mise en œuvre de la stratégie
an
énergétique nationale et de la charte
nationale de l’environnement
et du développement durable
V. Said/IAU îdF
Fr en cours d’élaboration.
e-
a fréquence des catastrophes naturelles Le code de l’urbanisme, novateur et évolutif,
L
Application de méthodes
écologiques pour la création liées aux changements climatiques, pose les jalons d’un urbanisme adapté aux
d’espaces verts en milieu urbain conjuguée à la hausse des prix du défis de la ville marocaine, qui se veut attractive,
à Agadir. pétrole, et les impacts négatifs de ces facteurs compétitive et durable, afin de drainer de l’in-
-d
priorités, l’adoption d’une nouvelle loppement durable et intégré sur le plan écono- ble, et de renforcer la démocratie locale et la
politique agricole, énergétique mique, écologique et social. gouvernance environnementale. Pour atteindre
et hydraulique, ainsi que l’élaboration
d’un plan pour le développement territorial ces objectifs, le nouveau dispositif s’accom-
urbain et rural. » Une nouvelle approche énergétique pagne d’une variété de documents d’urba-
Extrait du discours de l’urbanisme nisme et d’instruments d’aménagement urbain.
de Sa Majesté le Roi Mohammed VI
U
à l’ouverture de la 8e législature Le Maroc est tributaire des importations de pro- Ce code propose un document stratégique : le
(12 octobre 2007). duits pétroliers pour son approvisionnement schéma directeur d’agglomération (SDA), sup-
énergétique à hauteur de 95 %. Il doit donc pri- port d’une contractualisation des actions pro-
IA
vilégier les énergies renouvelables et maîtriser grammées en concertation avec les partenaires
sa consommation. Cela se traduit par des concernés, fixant les orientations stratégiques et
réformes réglementaires et opérationnelles. tenant compte de celles liées à l’aménagement
du territoire.
Renouvellement global de l’arsenal Au niveau des règles générales d’utilisation du
réglementaire sol, il propose notamment un plan d’aménage-
ment et un plan de sauvegarde et de mise en
Les préoccupations environnementales valeur. Le premier évite le recours au zonage
dans le code de l’urbanisme figé dont a souffert la ville marocaine depuis
Un nouveau dispositif de maîtrise du proces- des années et qui a laissé le champ libre aux
sus de l’urbanisation, dit code de l’urbanisme, pratiques dérogatoires qui ont nuit à la gestion
sera mis en place. Il prévoit des dispositions urbaine en rejetant les bases d’une planifica-
telles que l’obligation des études d’impact sur tion urbaine durable. Il définit les secteurs à
l’environnement pour les villes nouvelles, l’inté- partir de leur densité globale, de leur coeffi-
gration des plans verts comme outils de plani- cient d’occupation du sol et de leur vocation,
fication, et la prise en considération de l’envi- en intégrant la dimension environnementale.
ronnement dans l’élaboration des documents
d’urbanisme. (1) Directrice de la direction technique de l’Habitat.
118
Le plan de sauvegarde et de mise en valeur riaux et des procédés de construction. Enfin,
indique les mesures de protection et de valori- il proposera un système de contrôle inté-
sation à mener dans les secteurs à valeur patri- gré (intervenants, matériaux, procédés),
moniale ou écologique, ainsi que leurs possibi- ainsi que des sanctions.
lités de développement et d’aménagement.
Le nouveau code propose également des sec- Inscrire l’efficacité énergétique
teurs de projets définis par le plan d’aménage- dans le secteur du bâtiment
ment pour porter des opérations de rénovation, La consommation énergétique du secteur
de reconversion, de requalification, etc. Ces sec- du bâtiment représente environ 36 % de
teurs peuvent englober des zones sous surveil- la consommation du pays, dont 29 % dans
lance architecturale, et des zones d’interven- le résidentiel et 7 % dans le tertiaire. Cette
tion sur l’habitat insalubre ou menaçant ruine. consommation est appelée à augmenter
Les aspects sociaux, écologiques et écono- au regard de l’impératif de production de
ce
miques de ces zones sont pris en compte. plus de 200 000 logements par an, et de l’aug-
J.-L. Pagès
Concernant l’aménagement foncier, un nouvel mentation des besoins en matière de confort
instrument opérationnel a été créé : le secteur énergétique que les changements climatiques
d’aménagement concerté. Il associe le secteur a accentué. Ainsi, une stratégie énergétique Jardin andalou,
an
privé, les propriétaires fonciers et les opérateurs nationale a été mise en place avec pour objec- Kasbah des Oudayas, Rabat.
d’aménagement et de construction, pour garan- tif la réduction globale de la consommation
tir la répartition équitable des plus-values et des d’énergie d’au moins 15 % à l’horizon 2020.
coûts liés à l’urbanisation. Enfin, ce code a ins- Pour s’inscrire dans cette stratégie, le ministère Charte nationale de l’environnement
titué les opérations de remembrement urbain a initié des études d’impact environnemental et et plan climat
qui consistent à regrouper des parcelles en vue
d’une nouvelle répartition foncière permettant
une utilisation optimale des terrains.
Fr
énergétique pour les villes nouvelles de
Lakhyayta (près de Casablanca) et de Chrafate
(près de Tanger). Enfin, il a intégré ces mêmes
Plusieurs démarches ont été mises
en œuvre afin d’intégrer le développement
durable et l’environnement
dans l’aménagement. Ainsi, une charte
préoccupations dans les cahiers des charges de l’environnement et du développement
e-
Des études d’impact préalables du nouveau dispositif d’habitat social pour la durable, un plan climat et des plans
territoriaux de lutte contre le réchauffement
pour renforcer l’efficacité énergétique période 2010-2020 et introduit progressivement
climatique sont en cours d’élaboration.
Les villes nouvelles et les zones d’urbanisation des techniques et des normes d’efficacité éner-
nouvelles sont traitées actuellement comme gétique dans les programmes d’aménagement Des stratégies de développement
-d
des opérations de lotissement. Aussi a-t-il été urbain et d’habitat. territorial durable
décidé de les doter d’un cadre juridique offrant Maîtriser le développement urbain, concilier Au niveau national, six stratégies de
une gestion rationnelle des ressources natu- développement territorial ont été lancées.
les outils nécessaires à leur réalisation et inté-
Chacune s’attelle à des enjeux majeurs
grant les principes du développement durable. relles avec un développement créateur d’em-
île
notamment renouvelables.
compétitive. Ces stratégies s’accompagnent
d’une variété d’outils opérationnels adaptés
La durabilité dans les constructions aux thématiques et aux échelles.
Un code de la construction, en projet, complète Plusieurs projets pilotes ont démarré :
le code de l’urbanisme. Son objectif est de la maîtrise du développement urbain
moderniser et de favoriser la construction dura- à El Jadida et Settat, et le renouvellement
urbain sur le secteur de Jnanate à Fès.
ble. En effet, la situation actuelle, quasi anar-
chique, met en jeu la responsabilité de l’inter-
venant, la sécurité de l’usager, la qualité et la
durabilité de la construction. Ce code permet-
tra d’identifier tous les intervenants dans l’acte
de construire, de définir clairement leurs rôles L’interpénétration du bâti
et d’offrir un système adapté d’assurance et de et des espaces verts est une qualité
garantie. Il visera à améliorer les référentiels uti- qui contribue à la durabilité
lisés en matière de normalisation et de certifi- du développement urbain
V. Said/IAU îdF
cation en analysant les dispositifs d’autres pays. au bénéfice de tous les habitants.
Il pourra intégrer les avancées sociales, écono- Ici, un espace public
miques, énergétiques ou écologiques des maté- de la municipalité de Oujda.
119
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Adaptation des outils juridiques et institutionnels
ce
est dressé de l’urgente nécessité
de refondre le système foncier.
Une situation que les politiques
an
publiques essaient de dépasser,
convaincues que la maîtrise foncière
est une condition indispensable
à une urbanisation maîtrisée.
Fr Virtual Earth
e-
a présente contribution offre un éclai- priation par l’État ou les établissements publics.
L
La maîtrise du foncier est un enjeu
majeur de l’aménagement. rage sur la complexité des différents sta- • Le guich désigne les terrains concédés aux
tuts fonciers, les contraintes liées à la soldats recrutés par le Makhzen dans certaines
mobilisation foncière, leur impact sur le déve- tribus. La nue propriété est gardée par l’État qui
-d
• Les terrains privés, propriétés de personnes tés habous sont imprescriptibles, insaisissables
physiques ou morales de droit privé, sont le plus et inaliénables, sauf expropriation pour cause
souvent non immatriculés et donc régis par le d’utilité publique.
IA
droit musulman (le melk), le plus important • Les terrains appartenant à l’État se composent
quantitativement (trois quarts de la surface agri- du domaine public et privé de l’État, du
cole utile). « Si les transactions sont juridique- domaine militaire, du domaine forestier et des
ment libres sur les terres melks, elles sont en terres récupérées.
fait fortement ralenties par les caractéristiques • Les terrains appartenant aux collectivités
du régime successoral de droit musulman : une locales sont constitués des domaines des com-
très grande partie des propriétés sont dans l’in- munes, préfectures, provinces et régions.
division entre cohéritiers. Même si le droit pré-
voit des sorties d’indivision, leurs mises en
œuvre sont complexe et passent par un accord
(1) Responsable de la direction foncière et de l’aménage-
ou un dédommagement des cohéritiers qui ment urbain.
bloquent ou ralentissent les transactions(3) ». (2) 55,1 % de la population vivait en milieu urbain en 2004,
• Les terres collectives, essentiellement rurales, contre 51,4 % en 1994. Le rythme de l’urbanisation va conti-
nuer à augmenter en dépit de la baisse du taux de crois-
appartiennent en pleine propriété à des collec- sance démographique, ce qui maintient la pression sur le
tivités ethniques, et sont gérées par les chefs de foncier.
famille sous la tutelle du ministre de l’Intérieur. (3) BOUDERBALA Najib, « La modernisation et la gestion du
foncier au Maroc », dans La modernisation des agricultures
Elles sont imprescriptibles, insaisissables et ina- méditerranéennes à la mémoire de Pierre Coulomb, Mont-
liénables,saufacquisition amiableou par expro- pellier, Jouve AM, CIEHAM-IAMM, 1997, p. 158.
120
Un système foncier Mais ces améliorations, limitées aux autorisa-
qui entrave la mobilisation du sol urbain tions de construire, ne traitent pas la globalité
des procédures administratives liées aux inves-
Les contraintes d’ordre juridique tissements. Ainsi, la procédure d’apurement du
Le système foncier actuel est très complexe. Il foncier, qui fait alterner des procédures tech-
est régi par deux régimes juridiques différents. niques et juridico-administratives intermina-
Un régime traditionnel, issu du droit musulman bles, n’a pas été réformée. Même dans la situa-
et coutumier, qui fonde le droit de propriété sur tion favorable d’une assiette foncière réputée
la possession paisible, à titre de propriétaire, et assainie, il faut accomplir une série de
non interrompue pendant dix ans(4). Les immeu- démarches : acquisition du terrain, enregistre-
bles soumis à ce régime se caractérisent par ment des actes d’acquisition, immatriculation
l’indivision de la propriété, issue de transmis- des terrains au nom des opérateurs, établisse-
sion successorale, et l’absence de publicité. ment des dossiers techniques cadastraux, etc.
ce
Ceci complique la circulation des biens et l’in- La situation paraît d’autant plus complexe
vestissement, eu égard à l’insécurité des tran- qu’elle manque de transparence. L’information
sactions – le droit prétendu subsistant jusqu’à produite par une multitude d’acteurs, corollaire
preuve du contraire – et à la difficulté d’accès de la diversité des statuts juridiques fonciers,
an
au crédit faute de garantie certaine. Instauré en est peu structurée, manque de cohérence, et
1913, un régime moderne s’inspirant de la loi n’est pas à jour. L’investisseur en quête de dispo-
australienne, l’Act Torrens(5), consiste à inscrire nibilités foncières est désorienté : les CRI ne
sur les livres fonciers un immeuble délimité sont utiles que sur des aspects de procédure et
juridiquement et physiquement. L’immatricula- les agences urbaines ne peuvent l’aiguiller que
tion, aboutissement du processus, crée un titre
foncier définitif et inattaquable. Ce régime offre
l’avantage de la publicité des droits immobi-
Fr
sur les documents d’urbanisme. Toutes ces
contraintes risquent d’inhiber les efforts
déployés pour promouvoir l’investissement, de
liers, de la force probante des inscriptions, et de créer une situation de rareté et de conduire au
e-
la purge des droits des tiers. Aussi favorise-t-il développement de marchés parallèles.
la mobilisation de la propriété foncière, grâce à
une transmission plus sûre, ainsi que des crédits Un foncier urbain de plus en plus rare
bancaires. Mais l’immatriculation est complexe, La rareté du foncier urbain est principalement
-d
perception de la propriété foncière comme un tier d’un important patrimoine foncier dans la
placement sûr dont la valeur ne ferait qu’aug- plupart des grandes villes, a pu réaliser des opé-
menter. La vente n’intervient qu’en cas de rations d’envergure. Par crainte de s’enliser dans
nécessité impérieuse. Cette rétention est par-
fois involontaire, comme dans le cas de diffé- (4) Quarante ans lorsque la possession est invoquée à l’en-
contre des parents, d’alliés ou de copropriétaires.
U
les méandres de l’expropriation, les adminis- un leitmotiv. Cette question revêt toute son
trations et les établissements publics ont privi- importance dans les grandes villes, notamment
légié les terrains domaniaux dans des villes à Casablanca, eu égard aux nombreux défis
comme Casablanca, Fès, Marrakech, Meknès, que la métropole économique doit relever.
où la demande sociale se faisait particulière- Le sol urbain a un intérêt stratégique qui
ment sentir. À Casablanca, l’extension s’est requiert une action volontariste, énergique et
essentiellement réalisée sur le foncier rapide- innovante des pouvoirs publics. Si des réformes
ment mobilisable (85 % des constructions de sont en cours, d’autres restent à inventer.
l’agglomération en 1982) acquis au début des
années 1950 par Michel Écochard(7). Cepen- Le nouveau projet de loi foncière,
dant, cette manne s’épuise. Elle est constituée prémisse d’une véritable évolution ?
généralement de terres situées en périphérie Le système mis en place dès les années 1910
rurale, hors périmètres d’aménagement arrêtés n’a jamais été revisité en profondeur. La
ce
par les documents d’urbanisme, ce qui engen- réforme conduite par le département de l’Agri-
dre un étalement urbain dicté par l’opportu- culture peine à voir le jour (la première tenta-
nisme foncier. tive remonte à 1994), alors qu’elle est un préa-
L’amenuisement du foncier public livre la ville lable nécessaire à la réforme globale de la
an
à l’initiative privée qui décide du temps de mise question foncière.
sur le marché d’un terrain et, dans une certaine Reconnaissant la lourdeur du système, le projet
mesure, de sa valeur vénale. C’est une explica- de loi n° 14.07 modifie le dahir(9) du 12 août
tion de la flambée des prix(8) dans les grandes 1913 relatif à l’immatriculation en imposant aux
villes, qui n’a été ralentie qu’avec la crise éco- propriétaires, dans des zones délimitées, d’im-
nomique mondiale. Fr
Pourtant, les terrains ne manquent pas dans
l’absolu. Le nouveau schéma directeur d’amé-
matriculer leurs biens immobiliers dans le
cadre de procédures gratuites et en ramenant
le délai des inscriptions à trois mois, avec une
nagement urbain (Sdau) de Casablanca a amende progressive en cas de retard. Enfin, ce
e-
ouvert 25 000 hectares à l’urbanisation. Mais, projet de loi rend obligatoire l’authentification
dans le contexte juridique actuel, ceci ne pro- des actes devant notaire ou adoul(10), afin de
fite qu’aux propriétaires dont la valeur des ter- sécuriser les opérations foncières, et sanctionne
rains augmente. La rétention des terrains dans les oppositions et prénotations abusives.
-d
le Casablanca intra-muros entraîne un renché- Malgré les apports de ce texte, on est encore
rissement des prix, aggravant ainsi la ségréga- loin d’une refonte du système foncier articulée
tion sociale en rejetant les ménages à faibles avec la loi sur l’Urbanisme – dont le toilettage
revenus en périphérie. In fine, la ségrégation tarde à entrer en vigueur – et la fiscalité, trois
île
spatiale progresse, malgré des documents d’ur- secteurs clés qui aujourd’hui s’ignorent.
banisme qui s’efforcent de rétablir les équili-
bres entre les différents espaces de la ville. Contribution au financement de l’urbanisation
par les plus-values foncières
Le dilemme des marchés parallèles Un projet de code de l’urbanisme innove en
U
Ces marchés, qui prolifèrent dans les marges traitant la question foncière sous l’angle de l’ur-
urbaines où le foncier est cédé à bas prix, pro- banisme. Il ne s’agit pas de se substituer aux
duisent des situations paradoxales : les quar- dispositions de la loi sur l’Immatriculation fon-
IA
tiers auxquels ils ont donné naissance se trou- cière, mais d’en fixer les principes de base.
vent bloqués, à leur tour, par le facteur foncier. Les objectifs sont de mieux distribuer les plus-
Chassés par le marché foncier et sans crédibi- values foncières, notamment pour la prise en
lité auprès des institutions bancaires, les charge du coût de l’urbanisation, de dissocier
ménages à revenu bas ou sans revenu fixe trou- les autorisations administratives du statut de
vent refuge dans les périphéries des grandes propriété et d’établir des outils d’orientation
Agence urbaine de Casablanca
ce
juridiques (droit d’expropriation et droit de
préemption) et financiers adéquats pour
reconstituer des réserves foncières.
an
Une urbanisation contrôlée implique une
démarche innovante, anticipatrice et intégra-
Virtual Earth
tive des différentes entités publiques. Les chan-
tiers à engager dans cette perspective doivent
privilégier :
et au droit de préemption et d’expropriation tivités locales, même les plus riches. La ques-
préservant les droits des propriétaires. Elle doit tion de l’urbanisation dévoile également la fai-
pouvoir intervenir sur le marché comme un blesse des financements publics. Il incombe
IA
promoteur privé pour ne pas voir son action donc au législateur d’imaginer les mécanismes
contrariée par des commissions d’expertise et appropriés de mobilisation du sol urbain par
se voir obligée de recourir à la procédure d’ex- voie d’acquisition des terrains ouverts à l’urba-
propriation. L’agence foncière régionale doit nisation et de financement de leur équipement,
réguler le marché foncier car la réserve de ter- notamment par le développement de partena-
rains permet de peser sur les prix en mettant les riats public-privé et privé-privé ; sans oublier la
terrains sur le marché au moment opportun. fiscalité qui doit inciter à la valorisation, dissua-
Un observatoire foncier est nécessaire comme der la rétention et la spéculation foncière, et
outil d’aide à la maîtrise des acquisitions fon- pourvoir les ressources financières nécessaires
cières et à la promotion de l’investissement. à l’effort d’urbanisation.
ce
de coopération
avec le Maroc
an
L’éventail des actions de coopération menées par l’IAU îdF
Fr
depuis 30 ans avec les différents partenaires marocains
illustre les apports mutuels riches et fructueux.
Ces travaux démontrent l’adaptabilité du Maroc
e-
à l’innovation dans les approches intégrées et soulignent
l’évolution des pratiques de planification stratégique
et de traitement de problématiques spécifiques.
-d
ce
aux territoires
an
Rabat-Salé
Fr La vallée du Bouregreg :
plaidoyer pour un développement durable
129
e-
de la vallée du Bouregreg
Casablanca
Grand Casablanca :
le Sdau en appui au projet métropolitain 136
Quelle stratégie d’aménagement
U
Agadir
Satama : référentiel pour la métropole d’Agadir 145
Requalification et renouvellement urbain
du centre d’Agadir 149
Le parc de Souss-Massa,
territoire d’exception à l’équilibre fragile 152
Agadir : rétrospective sur le Sdau et les cités nouvelles 155
Fès
Fès : articuler la médina avec son environnement 157
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires
ce
permanentes ; c’est le cas de Rabat-Salé
sur le site exceptionnel du Bouregreg.
Comment faire accepter un
an
développement à dominante naturelle
en cœur de ville ? Quelles sont
les originalités du projet pour assurer
Fr J.-L. Pagès sa réalisation et sa gestion de manière
durable ?
e-
a ville se transforme en permanence.Aux mais fragile, puisqu’elle subit de fortes pressions
L
L’embouchure de la vallée
du Bouregreg est un site naturel urbanistes et aux élus de faire en sorte d’urbanisation. Les projets de construction
exceptionnel, que l’urbanisation que ce soit toujours en s’améliorant. Pour situés dans la vallée du Bouregreg constituent
contraint peu à peu. être « durables », les transformations ne un défi majeur. Comment valoriser les rôles éco-
-d
devraient pas être partout les mêmes et le bâti logiques et paysagers majeurs de la vallée ?
ne devrait pas être systématiquement privilé- Cela impose de la considérer comme un
gié. Les agglomérations sont confrontées à ces authentique espace de nature en ville, et non
évolutions en continu, soit en leur cœur, soit à comme un « espace vert urbain ». La sacralisa-
île
leurs limites. C’est le cas de l’agglomération de tion de ce site emblématique n’étant pas sou-
Rabat-Salé sur le site naturel exceptionnel que haitable ni tenable, comment conjuguer préser-
constitue la vallée du Bouregreg. vation environnementale du site et nécessité
de développement ?
Un site exceptionnel à dominante
U
Salé comprend une large vallée réputée inon- ver un grand espace ouvert en cœur d’agglomé-
dable et occupée majoritairement par de l’agri- ration que de réaliser des espaces verts après
culture et des zones humides bordées de pla- urbanisation ? La nature en ville n’aurait-elle
tiers à son embouchure, tous ces milieux étant droit de cité que domestiquée ? À quelles diffi-
des sanctuaires de faune et de flore. Le Boure- cultés sont confrontés aménageurs et élus
greg serpente dans la vallée pour se jeter lorsqu’ils prônent un développement durable ?
dans l’océan et subir l’influence des marées. Plutôt que de décrire le projet, il nous semble
Jusqu’au milieu du XXe siècle, la vallée du Bou- plus intéressant d’évoquer les questions qui
regreg séparait la médina de Salé sur la rive méritent une réponse adaptée au site.
droite de celle de Rabat, avec la presqu’île for-
tifiée des Oudaïas, sur la rive gauche. Les normes, atouts ou handicaps ?
Aujourd’hui, compte tenu de l’extension consi- Il est souvent rassurant d’avoir recours à des
dérable de l’urbanisation, cette vallée se situe, normes pour mesurer des quantités. Elles sont
telle une médiatrice, au milieu de la grande des moyens de comparaison fondamentaux.
agglomération urbaine de Rabat-Salé. Cette Elles ne devraient toutefois pas dispenser d’une
agglomération bénéficie ainsi d’un large pan approche qualitative adaptée au contexte. En
de nature – une chance dont très peu de métro-
poles peuvent s’enorgueillir –, exceptionnel (1) Ancien chargé d’études à l’IAU îdF.
127
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 La vallée du Bouregreg : plaidoyer pour un développement durable
effet, une agglomération comme Rabat-Salé ouverts à cause du manque à gagner immédiat.
peut sembler, au vu de ces normes, satisfaisante Mais le temps et la durabilité sont-ils vraiment
en termes d’espaces verts. Une urbanisation pris en compte ? La valorisation aux limites ne
peu dense de la vallée pourrait même confor- pourrait-elle être mieux envisagée et compen-
ter, voire améliorer ces normes. Son maintien ser la non-constructibilité proposée ? C’est
« à dominante naturelle » ne peut se justifier à autour des grands espaces ouverts urbains que
travers des chiffres qui ne tiendraient compte ni l’on trouve les valorisations du bâti les plus
de sa rareté ni de ses utilités écologiques et pay- importantes (Central Park à New York). Les pla-
sagères. teaux bordant la vallée bénéficiant de panora-
mas sur le paysage sont des sites qui pourraient
L’écologie urbaine peut-elle s’appliquer grandement en profiter et compenser le
à Rabat-Salé ? manque à gagner en fond de vallée. En
La dimension écologique devient plus que revanche, la possibilité de développer des acti-
ce
jamais évidente à prendre en compte au niveau vités de plein air au cœur d’une agglomération
de la planète, mais elle reste très difficile à faire au fond de la vallée est une opportunité rare.
admettre au niveau d’une agglomération. Cou- Les identités et les originalités du site sont-elles
pure à l’urbanisation, couloir biologique, dépol- perçues comme des valeurs fondamentales ?
an
lution naturelle, effets sur le microclimat, autant Elles ont pour socle un contexte physique plus
d’arguments qui ont du mal à résister face au ou moins prégnant, une localisation qui leur
coût du terrain urbain potentiellement confère des conditions climatiques et une flore
constructible. Il est temps de ne plus opposer et une faune correspondantes. À cela s’ajoute,
territoire urbain et naturel, et d’admettre leur au cours de l’histoire et de l’occupation du site,
Fr
interpénétration. La vallée du Bouregreg parti-
cipe à la dépollution naturelle du fleuve. Elle
fait partie de la trame verte de l’agglomération
des caractéristiques identitaires qui se concré-
tisent par des usages du sol originaux, qu’il soit
naturel, agricole ou bâti. Il faut savoir reconnaî-
(coupure à l’urbanisation, ceinture verte) et tre celles qui méritent d’être pérennisées.
e-
abrite une faune et une flore importantes. L’identité et l’originalité du site sont en majeure
partie dues au contraste entre cette vallée
Peut-on prévenir les risques encore naturelle et agricole, et les deux cités
par des moyens techniques ? de Rabat et de Salé qui se font face, séparées
-d
activités de plein air, d’y conserver de l’agricul- Dans cette optique, les rôles, à la fois écono-
ture, et de maintenir les zones humides qui sont miques, sociaux et environnementaux, de la
de véritables sanctuaires écologiques pour la vallée du Bouregreg au cœur de l’aggloméra-
faune et la flore ? tion ne sont pas contestables : un rôle écono-
mique très valorisant pour ses rives et pour l’en-
U
ce
Agence urbaine de Rabat-Salé (AURS), Cette démarche a associé les autorités locales,
L’ consciente des enjeux majeurs que les élus, les différents départements ministé-
an
constitue l’aménagement de la vallée riels, les organismes publics et des associations
du Bouregreg, a sollicité l’appui technique de (une première au Maroc à cette époque).
l’Iaurif en 1997.
Des principes incontournables dictés
Gérer les transformations dans le temps par le site naturel et patrimonial
Fr
Le site de la vallée étant convoité pour réaliser
de nombreux projets, il faut trouver les moyens
de gérer au cours du temps cette dynamique.
Ce plan de référence a pour objectif de gérer
les transformations du site dans l’espace et
dans le temps, dans un esprit d’arbitrage et de
Un schéma d’urbanisme classique n’offrait pas complémentarité entre protection et mise en
e-
une réponse adéquate, car trop rigide pour valeur des espaces naturels et du patrimoine
s’adapter à l’évolution permanente. bâti, et satisfaction des besoins de développe-
Pour répondre de manière efficace, il a été ment urbain de l’agglomération. Pour la réalisa-
décidé d’élaborer un plan de référence pour tion des projets, des principes d’aménagement
-d
l’aménagement de la vallée du Bouregreg, sous incontournables ont été débattus avec les
la forme d’une charte qui sera mise en œuvre acteurs, en amont de toute proposition. Citons,
par une structure d’aménagement dédiée. Ce parmi ces principes : les vocations du site com-
choix fait suite aux conclusions d’une première mandent en permanence son aménagement ;
île
mission d’expertise réalisée dans le cadre de la richesse patrimoniale mérite d’être mise en
la coopération franco-marocaine. valeur (site de Chellah, mausolée Moham-
Ce plan de référence peut se décliner en partie med V, sites naturels…) ; le développement est
de façon réglementaire, mais il est surtout un conçu pour le bénéfice de toutes les catégo-
véritable guide pour l’aménageur. Il propose ries d’habitants ; le développement durable doit
U
des actions dans les domaines du développe- notamment préserver les écosystèmes et pren-
ment, de l’environnement et du patrimoine. dre en considération les risques majeurs.
Il a été élaboré à partir d’une démarche de Les propositions d’aménagement se sont
IA
concertation innovante pilotée par l’AURS. appuyées sur ces principes incontournables.
Elles ont été définies en fonction des vocations
des quatre séquences qui composent le site de
la vallée du Bouregreg : l’embouchure, la zone
intermédiaire dite de liaison, le grand site de
Chellah et la plaine agricole.
Enfin, parmi ces recommandations essentielles,
figure la mise en place d’une structure ad hoc
dédiée à l’aménagement de la vallée du Boure-
greg, disposant des compétences décision-
nelles, techniques, financières, commerciales
et opérationnelles, pour assurer la cohérence
globale du projet et sa mise en œuvre progres-
Le plan de référence de la vallée sive dans le temps et dans l’espace.Aujourd’hui,
du Bouregreg a pour objectif l’Agence d’aménagement de la vallée du Bou-
de permettre la gestion regreg joue pleinement ce rôle indispensable
les transformations du site pour assurer la réussite de ce chantier majeur
Iaurif
ce
de la clairvoyance de l’Agence urbaine
de Rabat-Salé qui a sollicité
la coopération de l’Iaurif.
an
Attendre, c'était peut-être condamner
irrémédiablement le témoignage
de l'histoire et la spécificité
V. Said/IAU îdF
Fr d'un éco-quartier avant la lettre.
e-
border une médina comme celle de l’embouchure du Bouregreg, elle fait face à la
A
Moderniser et adapter la médina
de Salé pour répondre Salé, haut-lieu de l’histoire marocaine kasbah des Oudaïas et à la muraille de la
aux attentes contemporaines : et fleuron de l’agglomération rbatie(2), médina de Rabat. Le vis-à-vis de ces deux médi-
un défi non seulement technique inspire naturellement une attitude de respect nas, la fausse symétrie de leurs silhouettes
-d
mais aussi social et culturel. et de modestie. Même si les medersas(3) et les épousant le relief et ponctuées de minarets, de
belles demeures ont beaucoup perdu de leur leurs remparts ocre et de leurs maisons
lustre d’antan, elles restent des points d’ancrage blanches, constituent un paysage unique. Les
et des repères pour la population. Comme cimetières marins offrent une image symbo-
île
toujours, le regard de l’autre fait prendre cons- lique universelle. La médina de Salé a été
cience de sa propre richesse, alors que la pra- durant des siècles, grâce à son port, le débou-
tique quotidienne n’appelle plus à l’émerveille- ché commercial du Royaume. La prospérité de
ment. C’est sur cet avantage que s’est construit la ville a permis la construction de bâtiments
le sens de l’intervention de l’Iaurif. prestigieux, medersas, Grande Mosquée, École
U
« Seule la médina existe… paysage urbain, miser sur une évolutivité pro- tiers vivants de l’agglomération. Á l’abri des cir-
Elle est une mémoire riche gressive en fonction des mutations spontanées, cuits touristiques, elle a gardé son âme et ses
que je traîne avec moi s’appuyer sur les initiatives locales pour rehaus- fonctions traditionnelles. Désertée par la popu-
sans pouvoir l’épuiser. »
Tahar Ben Jelloun, ser l’éclat tout en préservant la vitalité… tels lation la plus riche, elle reste un quartier attrac-
écrivain et poète sont les axes qui ont guidé l’étude. tif et populaire. Souvent qualifiée de ville-dor-
toir, elle est avant tout un lieu résidentiel offrant
La singularité d’une médina une assez grande diversité d’habitat, adapté au
S’étendant sur une centaine d’hectares et climat et au mode de vie marocain, proche du
regroupant environ 80 000 habitants, la médina centre principal de Rabat auquel elle sera, fin
de Salé pourrait n’être aujourd’hui qu’un quar- 2010, reliée par le tramway(4).
tier parmi d’autres dans la vaste métropole
capitale marocaine de Rabat-Salé. Pourtant, sa (1) Voir dans ce numéro des Cahiers, BERTHON Étienne, « Salé :
situation, son patrimoine architectural et urbain intégrer l’habitat irrégulier dans une vision d’agglomération»,
p. 133.
et son ancrage historique en font un lieu (2) Agglomération de Rabat-Salé.
majeur et structurant de la ville. (3) Medersa est un terme arabe désignant une école ou une
La médina occupe un site exceptionnel qui lui université dépendant de l’autorité religieuse dans les pays
musulmans.
permet d’être la figure emblématique de la (4)Voir dans ce numéro des Cahiers, AOUZAÏ Mohamed, « Arti-
ville, en miroir à celle de Rabat. En bordure de culation urbanisme-transport à Rabat-Salé-Témara », p.72.
130
Cette fonction résidentielle va de pair avec la attentes contemporaines en respectant ses
fonction de services aux habitants assurée par valeurs. La réponse à ce défi ne peut être seu-
les administrations, les équipements et les pro- lement technique, elle est aussi culturelle,
fessions libérales. Son rôle commercial est sociale et économique. C’est le sens de la
important, notamment par la qualité de ses démarche proposée par l’Iaurif.
marchés alimentaires et de son artisanat
(nattes, poteries). Il faut souligner aussi la fonc- Une revalorisation progressive
tion religieuse de la médina où la Grande au gré des mutations spontanées
Mosquée, les multiples édifices et les écoles Fort des constats dressés sur les qualités et la
coraniques attirent de nombreux fidèles et vitalité de la médina, le travail a consisté à envi-
concourent à sa vitalité. sager comment préserver ces atouts. La straté-
Ainsi, en restant un peu en marge du proces- gie conseillée visait à inscrire cette préserva-
V. Said/IAU îdF
sus de mondialisation de la métropole de tion dans la durée, au bénéfice des Slaouis(5)
ce
Rabat-Salé, la médina a préservé un ensemble en premier lieu, tout en gardant les équilibres
de valeurs culturelles et urbaines ancrées dans au sein de l’agglomération. L’objectif était non
ses traditions et son patrimoine. Grâce à sa seulement de restaurer le patrimoine monu- La médina de Salé présente
situation en cœur d’agglomération, elle offre mental ou paysager, mais aussi de permettre à les caractéristiques de la ville arabe
an
un potentiel de rayonnement bien au-delà de la population résidente et active de croire en traditionnelle.
ses murailles. son avenir et d’y trouver un cadre compatible
En ce début du XXIe siècle, les défis énergétiques avec une vie décente et une activité écono-
et climatiques amènent les urbanistes à recher- mique viable. Il s’agissait de revitaliser pour
cher des conceptions urbaines mieux adaptées enrayer une spirale de paupérisation, tout en
à la ville et, souvent, à retrouver les valeurs de
l’habitat vernaculaire. On peut alors se deman-
der s’il n’est pas temps de réhabiliter le modèle
et non maîtrisée.
Fr
évitant les méfaits d’une valorisation excessive
que l’automobile leur avait fait perdre, la lier, commercial ou culturel, mais de les orien-
médina de Salé ne peut-elle offrir demain une ter ou même de les considérer au fur et à
réponse intéressante aux enjeux urbains de la mesure de leur apparition comme des opportu-
métropole ? nités de transformation en douceur de l’espace
île
homogène formé de maisons sur cour offrant taires, en contrepartie de loyers raisonnables
un minimum d’ouverture vers l’espace public, après travaux.
des bâtiments et équipements publics de proxi- Un deuxième principe consistait à réaffirmer le
IA
mité nombreux et de grande qualité architectu- rôle de pôle central de la médina vis-à-vis des
rale, et une limite nettement définie par quartiers environnants en renforçant ses fonc-
l’enceinte fortifiée. Bien que sa construction se tions commerciales, culturelles, de for-
soit déroulée depuis l’époque almohade mation et de services. Ainsi, la
(XIIe siècle), l’ensemble conserve une unité et réhabilitation des com-
une cohérence dans lesquelles on discerne merces pouvait bénéficier
cependant la diversité des quartiers selon leur d’un système d’avantages
époque de construction. analogue à celui des loge-
Malheureusement, ce bâti et ce tissu de qualité ments. En revanche, une
D. R.
ce
une valorisation systématique des éléments de culation entre les divers projets et réalisations à
patrimoine qui favorise avant tout une réutilisa- venir. Pour y parvenir, une démarche en trois
tion répondant aux besoins actuels de la popu- volets était proposée.
lation (dispensaires, bureaux de poste, annexes Contrairement aux procédures habituelles qui
an
d’administration…). Cette démarche visait à voient se succéder réflexion stratégique, plani-
contenir les développements touristiques pour fication, puis aménagement, il était suggéré de
qu’ils ne priment pas sur les pratiques quoti- mener de front l’élaboration d’une charte de
diennes, même s’il était dit que les ensembles la médina, la mise au point d’un plan d’aména-
les plus remarquables pouvaient accueillir gement détaillé et une intervention sur un sec-
bibliothèques…).
Fr
quelques fonctions prestigieuses (musée,
reconquête de parcelles laissées en déshé- Ainsi, la charte devait définir les objectifs com-
rence pour gagner de nouveaux lieux était sur- muns et préciser les engagements de chacun
tout préconisée. Pour les espaces entourant les sur les actions à entreprendre. En informant sur
portes d’entrée, le traitement devait tenir la politique globale de revalorisation envisa-
île
compte de leur rôle d’accueil et de relais. En gée, elle donnait une image plus positive et
parallèle, un schéma de déplacement et de cir- dynamique de la médina.
culation était conseillé pour prévenir des dys- Le plan d’aménagement détaillé devait être
L’Iaurif a également étudié fonctionnements liés à une attractivité renouve- conçu comme un document opposable aux
la réhabilitation de la kasbah lée de la médina. L’organisation d’accès limités tiers, fixant le cadre réglementaire de la réhabi-
U
des Oudayas. à la sécurité et à l’entretien, la circulation péri- litation de la médina, avec des contraintes
modulées selon la sensibilité du site urbain.
L’intervention sur un secteur pilote devait por-
IA
ce
sous forme de grands quartiers d’habitat
irrégulier. L’action de requalification
et d’équipement de ces quartiers
an
doit s’inscrire dans un projet global
de structuration d’une ville pérenne
qui comptera demain un million
Fr E. Berthon/IAU îdF d’habitants.
e-
n face de la médina de Rabat, sur la rive alors le quart des ménages marocains logés en
E
La réponse non planifiée à une forte
pression démographique et urbaine. nord de l’estuaire du Bouregreg, se situe quartiers d’habitat irrégulier, avec une densité
la médina de Salé, la rivale, longtemps de 132 ménages par hectare, quatre fois la
prospère, comptoir carthaginois puis romain, moyenne nationale.
-d
principal port marocain jusqu’au XVIIIe siècle(1), Ces chiffres montrent l’importance du travail
avec ses puissantes murailles et son port forti- de rattrapage urbain à effectuer à Salé en
fié d’où partaient les pirates barbaresques. Salé, 1996(4), lorsque l’Iaurif effectua sa première mis-
assoupie au XIXe siècle, oubliée par le Protecto- sion d’appui à l’Agence urbaine de Rabat-Salé
île
rat au profit de Rabat, la nouvelle capitale. (AURS). À l’époque, l’extension spatiale des
Alors que Rabat se développait depuis le début quartiers d’habitat irrégulier commençait à être
du XXe siècle, sous l’impulsion de Lyautey et de maîtrisée, notamment grâce à une meilleure
Prost(2), avec un urbanisme assez fortement pla- efficacité des politiques de contrôle(5) et au
nifié et contrôlé, l’essor de Salé hors de ses caractère dissuasif de démolitions effectuées
U
murailles n’a véritablement eu lieu qu’à partir pour préserver des emprises réservées pour la
des années 1960. voirie dans les plans d’aménagement. L’exten-
sion spatiale des quartiers d’habitat irrégulier
La nécessité d’un important rattrapage
IA
L’habitat irrégulier au Maroc Une première vue d’ensemble sur le Grand Salé
Dès le début des années 1970, l’habitat
irrégulier prend un rôle majeur dans
les processus d’urbanisation des grandes villes
marocaines. Alors que le rythme moyen
de la croissance urbaine est de 4 %, l’habitat
irrégulier se développe au rythme de 10 %.
Les explications sont multiples :
• une forte croissance démographique ;
• une offre foncière réglementaire qui ne permet
qu’une production de logements très
insuffisante et surtout orientée vers
les tranches supérieures des classes
moyennes, une absence de programmes
et de systèmes de financement adaptés
ce
aux catégories à faible et moyen revenus ;
• des loyers trop élevés relativement aux coûts
de construction, ce qui incite à vouloir
devenir propriétaire, désir très ancré
dans la population ;
an
• le retard dans l’établissement des documents
d’urbanisme réglementaire qui auraient permis
d’ouvrir de nouveaux espaces à l’urbanisation ;
• la lourdeur des réglementations,
des démarches, du régime fiscal permettant
de lotir et de construire officiellement ;
• un manque de moyens techniques et financiers
des communes chargées d’encadrer
le développement urbain.
Un type d’urbanisation qui prend ses racines
Fr
Cette synthèse, réalisée par l’Iaurif en 1996, montre de façon indicative les zones urbaines de l’époque
ainsi que les tracés de voirie prévus dans les plans d’aménagement ou de restructuration.
e-
dans les modes d’habiter traditionnels
Les caractéristiques des quartiers d’habitat
irrégulier, qui s’organisent de façon quasi
organique autour d’une trame de voirie
très étroite, sont bien connues ainsi que ment Errahma II sur 100 hectares et Sala Al plusieurs communes) et l’échelle très détail-
-d
les problèmes qu’ils posent : maillage de voirie Jadida sur 180 hectares(6), réduisait la pres- lée des documents d’urbanisme rendaient
très insuffisant et non hiérarchisé, absence sion sur ces quartiers. Une politique de difficile une vision globale de l’espace
au départ des réseaux et des équipements
« recasement » des bidonvilles était aussi urbain en devenir et empêchaient une
qu’il est difficile et coûteux de réaliser après
engagée. bonne mobilisation des acteurs.
île
n’est pas dénué de certaines qualités tuait, de la vallée du Bouregreg à la coupure faire émerger sur le Grand Salé : voirie princi-
car il est issu du savoir-faire et des modèles verte prévue sur la commune rurale de pale et grands espaces publics, centralités,
socio-culturels profonds portés Bouknadel(7), et aurait demain un million grands équipements, infrastructures de trans-
par la population : bonne adaptation au contexte
IA
E. Berthon/IAU îdF
de grands enjeux. C’est-à-dire notamment les Un type d’urbanisation
zones de centralité prévues ou possibles, les qui prend ses racines
gares et leurs abords où il faut rechercher la dans les modes d’habiter
création d’espaces publics majeurs, la mixité traditionnels.
des fonctions et une forte densité d’occupation
du sol ; mais aussi les grands axes structurants réunions avec les acteurs institutionnels
ce
et les terrains qui les bordent, les principales (notamment municipalités et grands orga-
réserves foncières pour équipements ou trame nismes publics d’aménagement) pour les infor-
verte, certains points liés au site(9) et les espaces mer et les sensibiliser à la démarche proposée.
naturels qui limitent l’urbanisation(10). Celle-ci a été très bien accueillie, chacun res-
an
sentant le besoin de pouvoir inscrire son action
Une démarche de planification spatiale dans un cadre plus lisible et cohérent.
et stratégique à engager
Il a donc été proposé que l’AURS engage, avec
(9) Notamment les axes offrant des perspectives lointaines,
le soutien de l’Iaurif, une démarche de planifi- par exemple sur l’océan.
cation spatiale et stratégique à une échelle
intermédiaire entre le schéma directeur de
Rabat-Salé approuvé en 1991 (1/50 000) et les
Fr
(10) Vallée du Bouregreg au sud-ouest, coulée verte sur Bouk-
nadel au nord-est, mais également tout l’espace littoral où le
maintien des espaces naturels en bord de mer et l’aménage-
ment d’un front urbain de qualité sur la corniche sont des
documents d’urbanisme communaux (généra- enjeux importants.
e-
lement au 1/2 000). Élaborée en partenariat
avec les différents acteurs de l’aménagement, Royaume du Maroc, ministère de l’Intérieur, Wilaya de Rabat-Salé, Préfecture de Salé
bre 1998) a permis de préciser les objectifs et le Vue aérienne, quartier de la Dayat,
contenu des études à mener et d’organiser des secteur oued Eddahab.
(1) Casablanca, Rabat, Salé, Tanger et Marrakech. La charte communale a été complétée en février 2009.
(2) Appuyé par le discours du Roi de mai 2005 sur l’Initiative nationale pour le développement humain.
(3) Autres partenaires : direction générale des collectivités locales (17 %), Fonds d’équipement communal (23 %) et divers pour 27 % (conseil préfectoral de Salé,
région Rabat-Salé-Zemmour-Zaers, holding Al Omrane). Source : www.villedesale.ma
135
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires
ce
sur le monde. Aujourd’hui, la ville et
sa région subissent une forte pression
urbaine, exacerbant la problématique
an
du développement humain. Avec la
mondialisation, de nouveaux défis
sont à relever. Comment permettre
au Sdau d’être l’outil de la mise
Fr AUC en œuvre d’une vision stratégique
du développement durable ?
e-
u premier rang démographique et éco- aggravant les problématiques de développe-
A
La région du Grand Casablanca
locomotive de la stratégie nationale nomique des villes marocaines, Casa- ment humain(2). Ceci s’est traduit par un étale-
de modernisation, s’est dotée d’un blanca est le point de convergence et ment urbain non maîtrisé – développement de
outil de planification métropolitaine. le lieu d’échange des flux nationaux et inter- l’habitat insalubre et d’unités de production
-d
nationaux. Malgré la politique volontariste de clandestines – dans les espaces naturels et agri-
rééquilibrage du territoire national par le déve- coles périurbains. Cette situation a engendré
loppement des régions du Nord, Casablanca des conflits d’usage des territoires, la détério-
reste le centre de commandement de l’écono- ration et la régression de la couverture végé-
île
ce
le tourisme et l’environnement ;
régionales de mettre en place un plan de déve- aujourd’hui que 30 % des déplacements ;
- les villes de Casablanca et
loppement stratégique et celle du ministère de - organiser le transport des marchandises et la de Mohammedia. Les principaux enjeux
l’Intérieur, via l’AUC, d’élaborer un nouveau logistique. La croissance des échanges inter- portent sur la réussite des grands
Sdau a été l’occasion idéale de rassembler tous nationaux et internes du trafic conteneurs va projets urbains(10), sur la valorisation
du patrimoine, le traitement des tissus
an
les acteurs locaux et nationaux autour d’une aggraver les dysfonctionnements dans le
démarche unique visant à réaliser le projet transport et l’entreposage des marchandises. urbains dégradés, et le transport,
notamment collectif ;
métropolitain. Une vision globale à long terme Il conviendrait de mettre en place des plates-
- les franges des agglomérations.
pouvait enfin être définie et se traduire spatia- formes logistiques de fret dans le cadre d’un Casablanca et Mohammedia
lement et réglementairement. schéma régional cohérent, et de résoudre la se développent en tache d’huile,
loppé et une dynamique de résignation. Pour relever ces défis, des moyens globaux sont de loisirs et de détente ;
- les pôles périphériques « à l’étroit »
L’option stratégique consiste à créer une nécessaires : les investissements publics (mieux
de Mediouna et de Tit Mellil exigent
dynamique de progrès, avec des activités planifier, mieux programmer), l’action foncière une restructuration permettant
nécessitant des qualifications élevées mobili- (acquisition de terrains publics et lutte contre des extensions urbaines de qualité.
sant le potentiel humain, et des normes res- la spéculation), l’ingénierie publique (notam- Il faudrait leur attribuer des vocations
spécifiques complémentaires ;
U
pectant les standards internationaux, y com- ment dans les transports, le développement
- les territoires « sous pression ».
pris en termes d’environnement et d’éthique ; urbain et l’observation urbaine), l’efficience
L’urbanisation linéaire le long d’un
- améliorer l’attractivité urbaine. Un grand effort administrative (délais de réponse aux usagers), certain nombre d’axes routiers peut
IA
est nécessaire pour réduire les nuisances liées et la réglementation (notamment sur le foncier, produire des villes sans identité
aux transports, et la pollution industrielle, pour l’environnement et le patrimoine). et sans qualité. Il convient de ménager
mieux gérer les déchets, et pour améliorer la des coupures et de prévenir le risque
qualité de l’eau… Tout aussi important sera d’inondation, notamment dans
les plissures du terrain ;
l’effort à consentir pour la qualité urbaine et (4) Voir dans ce numéro des Cahiers, DUGENY François et SAID - les territoires à dominante rurale et
le patrimoine : réussir les grands projets Victor, « Une nouvelle approche de la planification straté- naturelle. Certaines communes rurales
urbains d’Anfa, de Zenata, et de la façade gique », p. 30.
commencent à subir le développement
(5) On estime que plus de 500 000 ménages supplémentaires
maritime de Casablanca ; seront comptabilisés en 25 ans.
urbain, notamment Oulad Saleh, ainsi
- construire massivement des logements. Sous (6) Le nombre d’actifs (aujourd’hui 1,3 million dont 281 000 que les oueds du Maleh et de Nfifikh,
chômeurs) devrait s’accroître d’au moins 35 000 per- et la forêt de Bouskoura, poumon vert
le triple effet de la croissance démogra-
sonnes/an, bien plus si le taux d’activité féminin progresse. de la région. Il convient de proposer
phique, de la réduction de la taille moyenne (7) Le transport est assuré à 75 % par des camions (25 % par des noyaux cohérents et des espaces
des ménages(5) et de la résorption des déficits, le fer), avec des points critiques de trafic, notamment sur d’activités, tout en préservant les
ce sont 25 000 logements par an qu’il va falloir l’autoroute urbaine et sur les franchissements de la voie fer- espaces naturels et agricoles de qualité ;
rée entre le port et l’autoroute.
produire d’ici 2030 ; - les ensembles d’espaces ouverts.
(8) Le rythme de la croissance urbaine dans le Grand Casa-
- doubler l’offre d’emplois. La volonté de résor- blanca est de l’ordre de 700 à 1 000 hectares par an.
Les forêts, les oueds, les meilleures
(9) Schéma national d’aménagement du territoire, et sa décli- terres agricoles, les terres inondables,
ber le chômage actuel est aussi importante sont le support d’une trame verte
naison dans le schéma d’organisation fonctionnelle.
que celle d’offrir des emplois aux nouveaux (10) Marina, Nouvelle Corniche, site d’Anfa, quartier Sidi régionale, apportant l’équilibre
actifs(6). À court et moyen termes, le plan Émer- Moumen, etc. à l’aménagement urbain.
137
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Grand Casablanca : le Sdau en appui au projet métropolitain
ce
Cap à l’ouest un développement urbain vers l’ouest et le sud-
ouest, en s’appuyant sur la dynamique tertiaire Une stratégie intégrée
et technopolitaine. Le grand projet prévu sur le pour le projet métropolitain
site de l’aérodrome d’Anfa impulserait ce déve- La stratégie de développement du Grand Casa-
an
loppement. blanca doit se déployer simultanément sur les
Le troisième scénario, Cap vers les pôles exté- trois axes du développement durable (écono-
rieurs, propose de développer les pôles péri- mique, social et environnemental). Cette straté-
phériques. C’est un scénario d’équilibre entre gie s’appuie, en amont, sur une vision globale
les fonctions industrielle et tertiaire, entre des de ce qui est souhaitable pour le Grand Casa-
Cap sur les pôles
périphériques de se développer. Ce schéma polycentrique
Fr
territoires qui peuvent tous avoir des chances
zones inondables, meilleures terres agricoles, mière ligne sur les objectifs nationaux ; faire
gisements de matériaux, ainsi que les coupures valoir les atouts de Casablanca ; améliorer l’of-
vertes, tampons entre zones industrielles et rési- fre urbaine (qualité du réseau routier et des
dentielles. transports, des zones et des services logistiques,
île
Études du Sdau de Casablanca - AUC - Iaurif etc.) ; améliorer l’offre touristique (grands équi-
pements culturels et de loisirs, patrimoine bâti
et littoral, terminal croisières, offre de shopping,
information et marketing) ; corriger les fai-
Enjeux de la trame des espaces ouverts blesses, notamment la disponibilité du foncier,
U
ce
ment plus efficient des déchets ; à prévenir les
risques naturels et industriels ; à démultiplier
les espaces verts et à préserver les milieux natu-
rels, notamment la forêt, le littoral, les oueds.
an
Les choix stratégiques du Sdau :
Études du Sdau de
écho du projet métropolitain Casablanca - AUC - Iaurif
Le projet de Sdau du Grand Casablanca modi-
fie fortement l’orientation du développement
urbain qui avait prévalu jusqu’ici, à travers sept
choix stratégiques visant à le hisser au rang des
grandes métropoles mondiales :
Les premières actions
Fr
et les mesures réglementaires
- l’organisation de l’armature urbaine régionale Seule une action volontaire et suivie dans le
e-
par un système polycentrique de pôles péri- temps permettra la mise en œuvre du projet
phériques renforcés autour de la capitale éco- métropolitain à travers le Sdau. Plusieurs
nomique, en assurant la mobilité par un actions sont prioritaires: le lotissement et l’équi-
réseau maillé, notamment en transports en pement de plus de 1 000 hectares par an ; la
-d
mise à niveau de la ville de Casablanca ; min de fer séparant ainsi le trafic urbain du tra-
- le remplacement progressif de l’activité indus- fic national et marchandises ; la réalisation des
trielle polluante de Casablanca par des activi- premières lignes de tramway, des premiers
tés non-nuisantes. Les industries lourdes iront parcs d’activités et zones logistiques de fret de Des objectifs ambitieux
notamment s’installer dans les nouveaux niveau international. pour une grande métropole
U
parcs du pôle industrialo-portuaire de Moham- Au niveau législatif et réglementaire, les Les grands objectifs, qui ont fait
media et l’axe de Mohammedia-Nouaceur ; mesures principales portent sur le foncier. La largement consensus, se résument
- le renforcement des fonctions tertiaires, législation doit s’enrichir d’outils efficaces per- aux points suivants :
• le Grand Casablanca, fidèle
IA
notamment sur l’axe vers l’aéroport et grâce mettant d’éviter les blocages dus à la hausse à sa vocation, doit assumer son rôle
au grand projet d’Anfa, tout en préservant le des prix. La préemption et ses conditions finan- de locomotive économique
cœur tertiaire historique et la création de nou- cières sont concernées. Il est nécessaire, par ail- et de premier foyer d’innovation
velles centralités, notamment à Zenata ; leurs, de créer une agence foncière régionale et de modernité du Maroc ;
- la mise en place d’une politique sociale de compétente pour la préemption, l’achat et l’ex- • le projet stratégique doit viser
à renforcer l’attractivité du Grand
rééquilibrage à l’est par la restructuration de propriation par délégation de l’État et des col- Casablanca, sa compétitivité,
l’habitat, la requalification de la façade mari- lectivités locales. Elle devrait disposer d’un et son positionnement en tant
time, le renouvellement du tissu d’activités et fonds de roulement important. Ceci afin de ren- que grande métropole internationale ;
de l’environnement ; dre plus difficile l’obtention de dérogations aux • le nouvel élan requis n’est pas
- la mise en place d’un réseau de transport documents d’urbanisme approuvés. seulement économique, mais doit
porter tout autant sur le progrès social
urbain de masse, constitué notamment d’un et la préservation de l’environnement.
RER et d’un réseau de tramways. Avec l’arri- Enfin, la démarche participative associant élus, La conjugaison de ces trois dimensions
vée du TGV, la métropole bénéficiera d’un décideurs publics et privés, ainsi que la société assurera la durabilité du
réseau à vocation internationale, nationale, civile, a assuré une large adhésion au projet développement ;
régionale et urbaine ; métropolitain. Grâce à ces acteurs, la durabilité • le développement urbain joue un rôle
crucial, car il crée l’offre métropolitaine
- l’adoption d’une trame régionale d’espaces du développement trouvera un écho favorable permettant d’accueillir, dans
ouverts non urbanisables. par une mise en œuvre respectueuse de la les conditions d’excellence requises,
cohérence spatiale et de l’harmonie urbaine. les fonctions et les activités souhaitées.
139
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires
ce
sont menacés par une forte pression
immobilière et une privatisation accrue
par les grands projets. En parallèle
an
à la démarche du Sdau, l’Iaurif a élaboré
un schéma de référence stratégique
pour l’aménagement harmonieux
G. Zunino/IAU îdF
Fr de ce littoral, en cohérence
avec l’ensemble de la ville.
e-
aménagement du littoral est fondamen- immobilière. La protection de ces espaces de
L’
Le littoral de Casablanca est le lieu
de toutes les convoitises. Il doit être tal pour Casablanca, notamment parce respiration exige une politique volontariste de
aménagé en respectant ses valeurs qu’il participe au changement d’image la part des autorités publiques. Ce défi
sociales, environnementales de la ville et parce que les trois enjeux du déve- concerne également le commerce. Comment
-d
et paysagères. loppement durable s’y conjuguent: l’économie, maintenir du commerce traditionnel face aux
le social et l’environnement. Du point de vue centres commerciaux ? Enfin, cela concerne le
environnemental, le littoral est le plus grand respect du patrimoine non mis en valeur
espace de respiration de la ville, il doit être pro- aujourd’hui face à la forte pression immobi-
île
Afin de permettre la réalisation cohérente de la (la Marina). Certains programmes étant simi-
nouvelle façade maritime de Casablanca, plu- laires, l’offre peut dépasser la demande et la
sieurs défis sont à relever. qualité urbaine risque être délaissée sous l’ef-
Le premier est celui de la cohabitation. De nom- fet de la concurrence. Il est important d’assurer
breuses fonctions urbaines se côtoient et il est la complémentarité des projets et la cohérence
nécessaire de penser leur cohabitation afin de leur aménagement dans le temps et dans
d’éviter les conflits. La complémentarité entre l’espace.
usage privé et public est un enjeu primordial. Enfin, le troisième défi concerne les moyens à
S’il est privatisé, le littoral, n’est valorisé que mettre en œuvre pour la réalisation de ces pro-
pour un nombre limité de personnes, or à jets. Il est nécessaire de dégager des moyens
l’échelle d’une agglomération de quatre mil- financiers et, du point de vue urbain, il est indis-
lions d’habitants, cette valorisation doit être pensable de mettre en application des règles
offerte à tous, aussi bien en termes urbain que et des principes d’aménagement, de contrôler
social. Par ailleurs, il est essentiel de préserver leur respect et d’accompagner les projets du
des espaces naturels en ville. Or, ces espaces point de vue social, surtout lorsque leur réalisa-
non bâtis, particulièrement sur le littoral, sont tion implique de déloger des habitants.
considérés comme des potentiels de dévelop-
pement, et sont très convoités par la promotion
140
Le schéma de référence stratégique Le littoral présente un fort enjeu social. L’amé-
du littoral de Casablanca nagement des plages publiques et de leurs
En parallèle à l’élaboration du nouveau accès, les vues et perspectives vers l’océan, doi-
schéma directeur d’aménagement et d’urba- vent être assurés. Une promenade publique
nisme du Grand Casablanca (Sdau), un schéma large et continue sera aménagée en bord de
de référence stratégique et la définition des mer et fera le lien entre les différentes
composantes de deux plans d’aménagement séquences du littoral. Concernant le logement,
sectoriels du littoral de Casablanca ont été réa- certains habitants des bidonvilles, notamment
lisés en 2006 par l’Iaurif, répondant à la sur la pointe d’El Hank, seront relogés à proxi-
demande de l’Agence urbaine de Casablanca. mité de leur lieu de résidence actuel dans des
Les objectifs étaient d’organiser un aménage- opérations pilotes de logements sociaux. En
ment harmonieux du littoral dans un contexte outre, une politique de réhabilitation du cen-
de forte pression foncière, et de définir des tre-ville est nécessaire pour améliorer les condi-
ce
vocations par séquences pour préserver l’envi- tions d’habitat des habitants.
ronnement, d’augmenter l’attractivité de la ville Du point de vue environnemental, la préserva-
et de maintenir les activités liées au port. tion d’une coupure verte à l’ouest de la ville
Du point de vue économique, le port de Casa- est indispensable à l’équilibre écologique de
an
blanca implique toute une activité primordiale toute la région. De plus, des parcs et forêts
pour l’économie de la ville. La réorganisation devront être aménagés ou réaménagés, notam-
du port permet de diminuer la circulation de ment sur le grand site de Sidi Abderrahman. La
camions en cœur de ville et de dégager deux morphologie naturelle du littoral doit être
darses au bénéfice de la ville. Cette nouvelle conservée, les pointes rocheuses et les belvé-
interface entre la ville, le port et la nouvelle gare
de Casa-Port, va offrir plus d’urbanité à ce sec-
teur.
Fr
dères seront aménagés pour que le public pro-
fite des vues sur l’océan et sur la ville.
Pour mener à bien ce schéma stratégique, des
Le renforcement du rayonnement culturel et mesures institutionnelles doivent accompagner
e-
de l’attractivité touristique de Casablanca aux les actions, notamment dans les domaines
niveaux national et international passe par la administratif, fiscal, législatif et réglementaire.
mise en valeur de ses atouts. C’est-à-dire la loca-
lisation de zones privilégiées pour le dévelop- Le schéma de référence stratégique offre, en
-d
pement d’activités touristiques sur le littoral, la cohérence avec le Sdau, une vision d’aménage-
mise en valeur patrimoniale de la médina et ment à long terme pour un développement har-
du quartier Art Déco, la réalisation de grands monieux à l’échelle du littoral de Casablanca.
équipements tels que le grand théâtre, l’affir- Il préconise également un certain nombre de
île
rent à l’échelle de la ville, participeront au leur préservation est un atout majeur pour toute
dynamisme économique du cœur de Casa- la métropole.
blanca.
IA
141
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires
Casablanca : intégration
Pierre Mayet(1) du grand projet urbain d’Anfa
Victor Said
Bertrand Warnier
ce
trouver une cohérence et une identité
pour donner une impulsion nouvelle
à la métropole. Développer un pôle
an
du XXIe siècle en synergie avec l’existant
A
Vue d’ensemble du site de l’ancien
aérodrome d’Anfa, l’assiette progressivement désaffecté de son rôle posé de représentants des autorités et institu-
de la nouvelle centralité aéronautique, est devenu une belle tions marocaines, ainsi que d’experts internatio-
du XXIe siècle de Casablanca. friche urbaine de 400 hectares située dans l’ar- naux. Des préconisations importantes, inspirées
-d
rondissement de Hay Hassini, à moins de cinq des points de convergence entre les partici-
kilomètres du centre-ville. pants et des meilleures idées, ont été retenues
dans un rapport de synthèse.
Une occasion unique, des approches Des préconisations portaient sur la définition et
île
libérés au développement de la ville. Ils ont été transport express régional et d’une grande
transférés à la Caisse des dépôts et de gestion, gare multimodale, centralité nouvelle fonc-
en vue de la réalisation de ce grand projet tionnant en dipôle avec la centralité actuelle ;
urbain. - aménager des continuités de la trame urbaine
L’Agence urbaine de Casablanca et l’Iaurif, en de l’arrondissement de Hay Hassani,
charge de l’élaboration du schéma directeur jusqu’alors interrompue du fait de l’enceinte
d’aménagement et d’urbanisme (Sdau) de fermée de l’aérodrome, qui respectent et
Casablanca et du plan d’aménagement de l’ar- développent la remarquable qualité urbaine
rondissement de Hay Hassani, ont fait le choix de Casablanca (grandes avenues et boule-
d’appliquer la méthode d’expertise internatio- vards avec des plantations d’alignement) ;
nale proposée par les Ateliers de Cergy- - envisager une programmation d’ambition
Pontoise sur un site à enjeux majeurs. Pilotée internationale valorisant le patrimoine excep-
par l’IAU îdF et gérée par le bureau d’études tionnel et inhabituel des grandes halles tech-
Urba 2000, une session d’expertise, baptisée les niques.
Ateliers d’Anfa Casablanca, s’est déroulée en
juillet 2006. (1) Article écrit à trois mains par Pierre Mayet, président
d’Urba 2000, Victor Said de l’IAU îdF et Bertrand Warnier,
À l’issue de cette session, trois équipes de pro- architecte urbaniste, fondateur des Ateliers de maîtrise d’œu-
fessionnels pluridisciplinaires ont présenté des vre urbaine de Cergy-Pontoise.
142
La méthode, la gouvernance et la mise en Ces quartiers, de qualité urbaine honorable et
œuvre ont également été proposées ; des relativement bien adaptés au mode d’habiter,
démarches et des outils opérationnels spéci- manquent d’équipements publics de proxi-
fiques ont pu être mis en place. Ainsi, un pha- mité. Le voisinage d’un secteur de centralité
sage sur vingt ans permettra d’adapter le calen- urbaine doté d’équipements nouveaux, d’un
drier et la séquence d’ouverture de nouveaux réseau moderne de transport (trois lignes de
chantiers aux dynamiques du marché et aux tramway venant aussi desservir les quartiers
capacités de réalisation des équipements. Une existants) et de grands parcs urbains, améliore
structure ad hoc, équivalente aux établisse- donc significativement l’offre de services et
ments publics d’aménagement (Epa)(2), a été d’aménités aux populations. Elles bénéficieront
mise en place : l’Agence d’urbanisation et de également de la continuité de la trame urbaine
développement d’Anfa (Auda), filiale spéci- traversante des nouveaux quartiers.
fique de la Caisse de dépôts et de gestion De nouvelles propositions au plan d’aménage-
ce
(CDG). Enfin, un concours international d’ur- ment de l’arrondissement de Hay Hassani ont
banisme a été organisé afin de choisir l’équipe été faites pour améliorer la qualité urbaine
en charge du plan directeur du grand projet. d’ensemble. La bonne insertion du grand pro-
jet d’Anfa au sein de cet arrondissement et son
Une nouvelle centralité du XXIe siècle
an
extension sur une partie du territoire de la com-
pour Casablanca mune de Dar Bouazza est l’une des priorités.
À partir d’un cahier des charges inspiré par le L’établissement, voire le rétablissement, d’une
rapport de synthèse de la session des Ateliers, trame viaire cohérente développant les meil-
le jury du concours international d’urbanisme leurs aspects de la remarquable trame urbaine
a retenu comme lauréat l’équipe Bernard Rei-
chen et associés. L’avant-projet du plan direc-
teur présenté répondait directement aux objec-
Fr
de la partie centrale de Casablanca, figurait
parmi les principaux objectifs. Certaines voies
à réaliser à travers la coupure s’imposaient logi-
tifs et au programme définis. quement, comme la route des Préfectures ou le
e-
Le projet comprend un grand parc central orga- boulevard Omar el Khayyam. Deux nœuds
nisé sur le tracé de l’ancienne piste de l’aéro- essentiels de circulation ont été identifiés dans
drome, déclinant ainsi l’idée d’une des équipes l’organisation générale de la trame urbaine :
des Ateliers, sous la forme du Jardin andalou. - le carrefour de l’avenue El Qods avec le bou-
-d
Deux gares multimodales – l’une étant différée levard d’El Jadida commande la desserte du
dans la perspective du développement du quartier sud par la route de Bouskoura ;
réseau TGV marocain – assurent la liaison des - le carrefour complexe, en lisière du terrain de
lignes de tramway avec la grande ligne nou- l’aérodrome, où se croisent l’autoroute qui
île
velle préconisée pour un service de type RER. vient de Rabat et la route nationale reliant le
La morphologie urbaine correspond aux stan- centre-ville à l’aéroport Mohammed V.
dards internationaux : elle comprend deux Ce carrefour, désigné dans le projet comme la
niveaux de référence – ville basse et ville véritable porte sud du grand projet urbain,
haute – et deux tours à valeur de signal dans le appelle un aménagement de grande qualité.
U
tractivité internationale, sont prévus. Enfin, Le tracé des lignes de tramway à créer, appe-
l’équipe a formulé des propositions de valorisa- lées à s’articuler à la gare multimodale du Le grand projet urbain d’Anfa :
tion du patrimoine immobilier préservé, dont réseau express, a été un élément déterminant maintenir l’axe des pistes
les structures sont d’une qualité architecturale de l’aérodrome en les aménageant
rare, en l’adaptant à de nouvelles activités. (2) Structures mises en place en France pour réaliser des en grand jardin central et édifier
projets d’opérations d’intérêt national (OIN) d’aménagement. deux tours « signal ».
Enjeux d’image de la métropole et
articulation avec les quartiers existants
Le plan directeur est contenu dans les limites
foncières de l’aérodrome désaffecté. Un des
enjeux majeurs était d’inclure ce projet essen-
tiel dans la stratégie du Grand Casablanca et
© Reichen et Robert & Associés
B. Warnier
des choix d’em-
prise et d’aménagement
des boulevards et avenues les plus
adaptés à desservir les secteurs les plus denses Depuis le début du XXe siècle, avec ses secteurs
du tissu urbain. patrimoniaux Art déco notamment, Casablanca
est considérée comme un grand laboratoire de
La géographie élargie du site commande l’architecture et de l’urbanisme.
son aménagement Le grand projet d’Anfa, son insertion et l’effet de
ce
Le territoire de l’aérodrome est évidemment valorisation qu’il apportera, sont conçus pour
un terrain plat, une plate-forme; mais ses abords que cette tradition de laboratoire se poursuive
sud et sud-ouest comportent des reliefs signifi- au XXIe siècle.
catifs : un belvédère dans le prolongement sud La qualité d’urbanité est définie par une mixité
an
de la piste et deux collines un peu moins fonctionnelle ; la réalisation résidentielle se fait
hautes. Ces ondulations donnent des vues sur conjointement à celle des activités commer-
B. Warnier
l’horizon marin et constituent autant de sites ciales, artisanales et de service, situées en rez-
potentiels pour un aménagement urbain et de-chaussée. Cette approche bénéficiera tant à
paysager de grande qualité. La terrasse haute, l’animation des rues qu’à la vie sociale. Les
Le grand projet d’Anfa constituera
une nouvelle centralité majeure,
fonctionnant en dipôle tion de belvédère.
Fr
sur l’espace du site du grand projet urbain,
appelle un aménagement valorisant sa fonc-
quartiers préservés de villas présentent une pro-
fusion végétale qui déborde les murs de clô-
ture et agrémente les rues ou allées qui les des-
avec le centre-ville. À proximité immédiate du terrain de l’aéro- servent.
e-
drome, un site singulier avec une belle falaise, L’amélioration de la qualité des quartiers exis-
en réalité front de taille d’anciennes exploita- tants est envisagée à travers le développement
tions de carrière, présente aujourd’hui un petit de centralités secondaires définies par une den-
lac en contrebas « à fort intérêt écologique ». Le sification autour des nouvelles stations de tram-
-d
lac, l’extension au niveau bas d’un parc urbain, way. La réalisation de petits (ou très petits)
et l’aménagement du quartier situé en haut du squares avec quelques arbres et du mobilier
front de taille sous la forme du balcon d’Anfa public a également été préconisée.
permettent d’apporter à ce quartier de loge-
île
projet en « vallons frais », contribuant à la lisibi- verte qui mette en valeur les vues sur l’océan,
lité des délimitations des quartiers. La vallée de sur le panorama urbain d’ensemble et sur des
l’oued Bouskoura, qui traverse le site, est espaces aménagés pour créer des lieux déter-
IA
de principes communs de gabarits relativement développement humain (INDH) est déployée à travers tout
bas, dont la couleur blanche est emblématique. le pays.
144
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires
Satama : référentiel
Abdelillah Laslami (1)
ce
de la ville dans la stratégie nationale
et d’en faire la base solide d’un
développement économique et humain
an
durable, l’Agence urbaine d’Agadir
a impulsé une démarche innovante
et transversale d’aménagement
Fr V Said/IAU îdF et de planification urbaine globale,
en partenariat avec l’Iaurif.
e-
e Maroc, pays émergent, est un partenaire l’architecture moderne ont été appliqués dans
L
Le Satama(2) : une planification
stratégique innovante à la hauteur privilégié de l’Union européenne. Il est, le respect de la Charte d’Athènes.
des ambitions d’une métropole de par sa situation géographique, un Cette ville balnéaire, prévue pour 50 000 habi-
majeure au Maroc. espace d’échanges entre la rive nord de la tants, a connu à travers le temps un développe-
-d
tures dont la réalisation a été initiée par l’État. vers la Marche verte pour la reconquête du
Ces grands projets publics stimulent l’écono- Sahara ; économiques par le développement
mie marocaine, dont l’essor reconfigure l’es- du tourisme et de la pêche; ou par la réalisation
pace national. S’inscrivant dans l’économie glo- d’infrastructures telles que des barrages, un
balisante, le Maroc se positionne sur un certain complexe portuaire et un aéroport internatio-
U
nombre de secteurs ayant connu une redistri- nal –, Agadir et son aire métropolitaine se sont
bution au niveau international. vues propulsées au-devant des autres agglomé-
L’une des interprétations spatiales de ces muta- rations de même taille ou plus grandes.
IA
Agadir et son aire métropolitaine : (1) Directeur de l’Agence urbaine et de sauvegarde de Fès
un destin forcé (AUSF), et ancien directeur de l’Agence urbaine d’Agadir.
(2) Schéma d’aménagement territorial de l’aire métropoli-
La ville d’Agadir est la capitale de la région taine d’Agadir.
Souss-Massa-Drâa, deuxième du Maroc en (3) Le territoire peut être réparti en trois entités géogra-
poids démographique après le Grand Casa- phiques principales : la zone montagneuse, constituée par
une partie de l’anti-Atlas et le Haut Atlas occidental ; la zone
blanca. Selon la volonté nationale, la ville a été des plaines formée par les deux plaines du Souss et de
reconstruite après le terrible séisme de 1960. Massa, et la zone littorale le long de l’océan Atlantique et
C’est la première ville nouvelle du Maroc indé- s’étendant sur près de 240 kilomètres.
(4) Les communes dont 16 urbaines sont réparties sur 2 pré-
pendant. Dans sa partie reconstruite entre 1960 fectures : Agadir–Ida–Outanane et Inezgane–Aït Melloul ; et
et 1976, tous les principes de l’urbanisme et de 3 provinces : Chtouka–Ait Baha, Tiznit et Taroudant.
145
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Satama : référentiel pour la métropole d’Agadir
V Said/IAU îdF
piliers de l’essor de la ville, équipements, des infrastructures et des
a profondément modifié emplois. Toutes ces pressions urbaines subies
la silhouette urbaine d’Agadir. par le territoire, mais d’abord par ses habitants
– souvent au détriment de la qualité de vie, du
représentent 98 % du territoire, les espaces potentiel naturel diversifié et de l’équilibre éco-
ce
urbains seulement 2 %. Elle regroupe plus d’un logique – représentent aussi une menace pour
million d’habitants, dont 40 % d’urbains. C’est l’environnement.
un territoire à forte dynamique démogra- Face à cette dynamique aux multiples acteurs,
phique, avec de grandes disparités et un impor- les actions peuvent être contradictoires et des
an
tant solde migratoire d’environ 60 %. conflits d’usages peuvent se manifester ; par
L’économie du territoire est basée essentielle- conséquent une vision transversale et multisec-
ment sur trois secteurs porteurs : les services en torielle s’impose. Devant la complexité de ce
général et le tourisme en particulier(5), l’agricul- territoire et afin d’asseoir une vision de déve-
ture et la pêche. L’agriculture est très dyna- loppement durable, l’Agence urbaine d’Agadir
Fr
mique, notamment dans les plaines du Souss et
de Massa(6). Grâce à ses deux ports majeurs
(Agadir et Sidi Ifni), la pêche est la locomotive
(AUA) a jugé nécessaire, dès 1999, d’élaborer
le schéma d’aménagement territorial de l’aire
métropolitaine d’Agadir (Satama). Cette étude,
de l’économie de la zone et emploie une main- menée dans un cadre partenarial avec l’Iaurif,
e-
d’œuvre importante. L’industrie est essentielle- vise la conciliation entre l’aménagement du
ment agroalimentaire, liée à la pêche et à l’agri- territoire et la planification urbaine, en se posi-
culture. tionnant à une échelle intermédiaire man-
L’aire métropolitaine d’Agadir connaît donc quante dans la hiérarchie des documents régle-
-d
ce
titre,Agadir constitue un espace de développe- être opérés pour une meilleure répartition de
ment privilégié et son territoire bénéficie d’une l’usage des potentialités naturelles, dont l’eau
attention particulière des pouvoirs publics qui représente l’élément majeur, notamment en rai-
l’ont doté de nombreux équipements majeurs son du poids de l’agriculture irriguée dans
an
ayant joué un rôle structurant dans son essor l’économie locale(11).
économique. En matière de développement Le rééquilibrage entre les différentes entités
touristique, le plan Azur a désigné deux sec- constitutives du territoire, au niveau des ser-
teurs : le Founty qui abritera, à terme, près de 80 vices publics, des investissements et des
unités touristiques ; et, au nord d’Agadir, la sta- grandes opérations, permettra d’atténuer les dis-
tion balnéaire en devenir de Taghazout dont la
capacité d’hébergement sera d’environ 20 000
lits et qui bénéficiera d’une liaison directe par
Fr
parités et les inégalités territoriales. Parmi les
résultats escomptés, sont visées la restructura-
tion de l’armature urbaine et la préservation
voie express à l’aéroport. Cette volonté des espaces naturels par un contrôle de l’urba-
e-
publique est également illustrée par le choix nisation en tache d’huile.
d’Agadir d’expérimenter de plusieurs projets
nationaux pilotes(10). Une démarche innovante
Pour l’Agence urbaine d’Agadir, dont le terri-
-d
Des objectifs sociaux, environnementaux toire d’intervention couvre 30000 km2, 173 com-
et économiques clairement affichés munes et 5 provinces, la production de docu-
Les grands objectifs du Satama visent en pre- ments d’urbanisme réglementaires a été
mier lieu l’amélioration des conditions et du fastidieuse puisqu’il fallait combler leur quasi-
île
cadre de vie des habitants par la maîtrise de absence. Il a alors fallu choisir les centres à cou-
l’aménagement. Suivant une logique de déve- vrir par des plans d’aménagement, hormis ceux
loppement durable, ils se traduisent au point des grandes agglomérations. L’objectif du Satama
de vue environnemental par la préservation de est de préserver de l’urbanisation
l’équilibre écologique en rationalisant la ges- (10) Parmi ces projets, le « parcours de l’investisseur », la mise les espaces naturels de grande
en place d’un SIG régional, la définition d’un agenda 21 local.
U
tion des ressources naturelles.Au niveau social, (11) Voir dans ce numéro des Cahiers, THIBAULT Christian, « Les qualité, notamment l’arganeraie
le Satama a l’ambition de reconquérir des sec- défis de l’eau : le bassin du Souss », p. 89. dans la région d’Agadir.
teurs en difficulté en s’appuyant sur la salubrité
IA
147
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Satama : référentiel pour la métropole d’Agadir
ce
Élaborée en collaboration entre l’AUA et l’Iau- tager une connaissance approfondie du terri-
rif cette démarche a été novatrice à plusieurs toire, et d’interagir en fonction de ses résultats.
titres. Tout d’abord, la définition de l’aire Si la démarche est intéressante, sa conduite et
d’étude a fait fi des découpages administratifs, sa mise en œuvre n’ont cependant pas toujours
an
même si elle concernait à l’origine tout le ter- été aisées, notamment sur son volet participatif
ritoire de l’agence urbaine. En effet, cette aire qui demandait de la persévérance et une veille
d’étude a été définie sur la base de territoires continue. Les résultats de l’élaboration du
entretenant des relations fonctionnelles, inter- Satama ont permis de mettre en exergue les
agissant à différents niveaux. Ensuite, l’analyse tendances lourdes du territoire et de définir les
Fr
des données n’a pas été sectorielle mais trans-
versale, afin de mettre en exergue l’interaction
des différentes composantes du territoire,
orientations stratégiques et les actions à moyen
et long terme. Ces résultats ont été confirmés
par les études et analyses ultérieures. Par exem-
qu’elles soient physiques, humaines ou écono- ple, au niveau démographique, le recensement
e-
miques. Les problématiques ont ainsi pu être général de la population de 2004 a confirmé
territorialisées par une spatialisation des don- les projections et les phénomènes relatifs au
nées, grâce au système d’information géogra- dépeuplement de certains territoires au profit
phique (SIG) mis en place parallèlement au d’autres. Au niveau du développement de l’ac-
-d
Satama. De plus, une approche participative a tivité touristique, notamment sur le littoral sud,
été mise en œuvre, en mobilisant tous les la ruée des promoteurs, notamment européens,
acteurs aussi bien pour la collecte de l’infor- se confirme.
mation, que pour le partage de son analyse. Avant-gardiste, le Satama s’inscrivait dans une
île
Cette étude se compose de trois grandes nier, dont la régénération et le rôle pour le
phases : l’établissement d’un diagnostic territo- développement humain des populations sus-
rial partagé ; la définition d’une vision straté- citent désormais davantage d’intérêt.
IA
gique basée sur des scénarios de développe- La maîtrise par les cadres de l’agence urbaine
ment; et l’arrêt des options fondamentales, ainsi d’un savoir-faire acquis à travers la coopération
que des orientations de l’aménagement spatial a permis d’élaborer cette étude sans omettre
accompagnées d’un plan d’actions et de l’introduction de nouveaux outils : SIG, interpré-
moyens de mise en œuvre. tation d’images satellite, élaboration de cartes
Le diagnostic territorial se décline en quatre d’occupation des sols, etc.
grandes parties : Dans un autre registre, l’étude du Satama a per-
- un cadrage général du territoire, effectué au mis de lancer un certain nombre de projets,
niveau de la région Souss-Massa-Drâa, ainsi dont l’agenda 21 d’Agadir, le schéma de déve-
V Said/IAU îdF
148
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires
Requalification et renouvellement
urbain du centre d’Agadir
Gérard Abadia(1)
Architecte urbaniste
ce
la ville dispose d’atouts pour remédier
aux dysfonctionnements aujourd’hui
constatés. L’Iaurif a proposé
an
une méthodologie adaptée à chaque
échelle, composée de trois axes :
renforcer le rôle du centre-ville, recoudre
Fr V. Said/IAU îdF le tissu urbain et valoriser l’espace
public et le patrimoine.
e-
évolution récente d’Agadir(2) a mis à dération en préservant les atouts et les qualités
L’
Le réaménagement de qualité
de l’espace public a permis l’épreuve les principes qui avaient d’un espace urbain ayant le potentiel de deve-
de donner un nouveau visage guidé sa conception, essentiellement nir un centre-ville confirmé et étendu.
de la corniche de la baie d’Agadir. tournée vers le tourisme. Elle est devenue une Agadir est une ville morcelée. Sa rapide évolu-
-d
ville à part entière et n’est plus placée au tion et sa conception basée sur une forte ségré-
second rang de la zone balnéaire. De fait, sa gation des fonctions ont fabriqué une ville écla-
population connaît des besoins croissants en tée en quartiers mal reliés, qui souffre de
équipements, services et espaces publics de l’absence de centralité et de lieux de convivia-
île
animée, composée d’équipements culturels ou de l’agglomération. Ses relations avec les autres
de loisirs suffisants. quartiers manquent de lisibilité. Il en résulte
une dévitalisation du centre actuel, qui se tra-
Une conception à adapter aux usages duit par la déshérence de certains espaces et
d’aujourd’hui par une perte d’attractivité des commerces,
Conçu de toutes pièces à la manière d’une ville assez majoritairement tournés vers le tourisme.
nouvelle, le centre-ville est aujourd’hui délaissé Les fonctions centrales s’amenuisent et com-
tant par les touristes que par les Gadiris(3) qui le mencent à quitter le centre, risquant ainsi d’ac-
traversent ou ne s’y rendent que pour y travail- centuer cette dévitalisation ; des administra-
ler. Il y a une certaine contradiction entre la tions à l’étroit sont relogées à l’extérieur de la
forme urbaine de centre-ville à l’européenne ville. Les gares routières et les stations de taxis
et sa fonction réelle qui n’en fait pas un lieu collectifs sont déplacées en raison de leurs nui-
d’animation ni de rencontre. L’objectif est d’in- sances. L’absence d’équipements centraux
verser la tendance pour faire accepter l’idée
que « ce qui sera bon pour le Gadiri, sera bon (1) Gérard Abadia est ancien chargé d’études à l’IAU îdF.
pour le touriste ». (2) Lors de la reconstruction, le centre-ville était destiné à
50 000 habitants ; la ville abrite aujourd’hui plus de 350 000
Cette évolution urbaine du centre crée des dys- habitants, soit 50 % de l’agglomération du Grand Agadir.
fonctionnements qui doivent être pris en consi- (3) Habitants d’Agadir.
149
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Requalification et renouvellement urbain du centre d’Agadir
L’architecture de l’école moderne contribue au manque d’attractivité du centre- a entraîné l’essor de commerces et de services,
influencée par Le Corbusier ville, pour la population résidente autant que constituant un véritable secteur tertiaire et
Quelques bâtiments méritent d’être cités :
pour les touristes qui restent confinés dans le diversifiant les emplois. Cet appel de main-
l’immeuble A de L. Riou et H. Tastemain,
la cité administrative, le tribunal de Elie secteur hôtelier. Ce manque est lié à l’absence d’œuvre a entraîné une forte croissance démo-
Azagury, la poste, l’école, la caserne d’équipements culturels et de loisirs, mais aussi graphique, attirant une population qui s’est ins-
des pompiers, les villas de Jean-François d’autres fonctions centrales telles qu’un centre tallée durablement. À ce solde migratoire
Zevaco, les immeubles D, 01, 02, les villas d’affaires, un palais des congrès ou un secteur s’ajoute un important solde naturel, avec des
en bande de Abdeslem Faraoui et Patrice conséquences en matière de logement, de ser-
commercial autre que les bazars touristiques.
de Mazières, le quartier industriel sud
de Jean-Paul Ichter, le marché central L’espace public, sans continuité ni lisibilité, ne vices et de fonctionnement urbain.
et le marché de gros de Verdugo, permet pas de structurer la ville. Les espaces La ville bénéficie d’un paysage remarquable.
et le nouveau Talbordj, à la volumétrie verts publics sont confidentiels et leur accès Elle est située au pied d’un plateau sur lequel
plus proche de l’architecture locale. n’est pas facile. À l’exception de la vallée des subsistent les ruines de l’ancienne kasbah et
Oiseaux, de la marina et de la corniche réamé- est bordée par une plage de plusieurs kilomè-
ce
nagées récemment, peu d’espaces incitent à la tres. Adossée aux retombées du Haut Atlas,
promenade et aux loisirs. Ainsi, faute de signa- s’ouvrant sur la plaine du Souss, elle est une
© Aga Khan Trust for Culture
lisation et de liaisons, les espaces qui relient la porte d’entrée vers le Sud marocain et sert de
corniche au centre-ville, par exemple, sont peu base de départ pour la découverte d’un arrière-
an
lisibles, malgré une fréquentation croissante. pays d’une grande qualité paysagère(4).
Enfin, les déplacements en transports en com- Le patrimoine architectural de l’école moderne
mun sont difficiles en raison de l’insuffisance est de grande qualité. La reconstruction de la
de l’offre et de la localisation des pôles de trans- ville a mobilisé toutes les compétences tech-
port, généralement excentrés. L’utilisation privi- niques et administratives. Plusieurs architectes
Fr
légiée de la voiture particulière entraîne des
embouteillages aux heures de pointe, malgré
une voirie surdimensionnée.
de renom, dont Le Corbusier, ont été invités à
concevoir ce qui devait devenir une opération
exemplaire d’urbanisme et d’architecture. Le
plan d’aménagement reflète les idées de
e-
Des potentialités existantes l’époque, en particulier la conception des
pour « recoudre » la ville espaces publics, la séparation des fonctions et
La ville d’Agadir dispose néanmoins de nom- une trame viaire largement dimensionnée.
breux atouts et qualités qui permettent d’envi- La trame de voirie orthogonale a fait ses
-d
sager une perspective favorable au développe- preuves par sa capacité à évoluer et à suppor-
ment et à la requalification de son espace ter les mutations urbaines successives. Large-
central. ment dimensionnée pour faciliter les circula-
Grâce à son climat,Agadir jouit d’un attrait tou- tions mécaniques, l’emprise de la voirie offre
île
loppé. L’activité liée au port ou à l’agriculture principaux centres d’intérêt de la ville avec les
quartiers environnants. Les espaces publics
majeurs, et sans doute les plus fréquentés, sont
Plan-guide de restructuration et de réorganisation de la centralité
IA
ce
tiers suppose d’appréhender la ville dans son
G. Abadia/IAU îdF
ensemble. Ces relations sont à penser en termes
de déplacement et de complémentarité. La
question se trouve alors posée de la spécificité
an
du « centre reconstruit » et du rôle qu’il pourra
jouer au-delà de sa fonction d’origine. Le
renforcement du rôle du centre dans l’agglo- la voiture au profit du piéton, des vélos et des Le mail aménagé récemment pour
mération suppose d’y localiser des équipe- transports en commun, et d’intégrer la problé- relier le centre-ville au secteur
ments majeurs, des fonctions centrales et des matique du stationnement. touristique.
activités économiques de premier rang.
Le centre reconstruit, par sa fonction actuelle et
sa qualité urbaine et architecturale, présente
Fr
Une conscience partagée à l’aube
du cinquantenaire de la reconstruction
les qualités nécessaires pour être le fondement Au mois de février 2010, les autorités d’Agadir
e-
d’un centre-ville fort et lisible, capable de struc- ont organisé une rencontre internationale pour
turer l’agglomération d’Agadir. Dans cette le cinquantenaire de la reconstruction de la
optique, des principes d’aménagement, décli- ville. Deux thèmes majeurs y ont été débattus :
nés par thématique, ainsi qu’un phasage des la dynamique urbaine et le patrimoine urbain
-d
actions, sont présentés dans un plan-guide. Les et architectural. Le premier a dressé le bilan de
secteurs stratégiques y sont également détaillés l’absorption des noyaux périphériques non
dans des études spécifiques. Ce document réglementaires, qui s’est traduit par un espace
ayant une visée de long terme, les actions y sont urbain éclaté et contrasté. Il a dessiné des
île
organisées par ordre de priorité en fonction de perspectives en vue de l’élaboration d’un plan
leur importance stratégique. communal de développement, traduit dans les
Plusieurs orientations ont été définies concer- nouveaux documents d’urbanisme(5). La métho-
nant le positionnement du centre-ville, les dologie d’approche de la requalification du
espaces publics, les opportunités foncières, la centre-ville à toutes les échelles de l’agglomé-
U
aménagé en intégrant les espaces verts, les jar- l’identité et la qualité originale des paysages
dins, les plantations d’alignement, les places, urbains et architecturaux de la ville ont fait l’ob-
les parvis et les alignements commerciaux. jet du deuxième thème de la rencontre. Le défi
Par ailleurs, les nombreuses opportunités fon- de requalification et de valorisation de cet héri-
cières en centre-ville offrent de réelles potentia- tage moderne doit passer par un engagement
lités d’aménagement. De fait, le développement fort et des mesures adaptées. Le plan-guide,
du centre peut s’accompagner d’une certaine s’appuyant sur le potentiel et les atouts de la
densification si elle est encadrée pour préser- ville, contribuera aux préconisations néces-
ver une volumétrie des bâtiments compatible saires à la mise en valeur de l’espace public et
avec la qualité urbaine recherchée. Pour veil- des composantes patrimoniales du tissu
ler au maintien des alignements, des hauteurs urbain.
et des emprises au sol, la constructibilité et les
règles volumétriques ont été définies.
Enfin, le plan de déplacements urbains (PDU)
du Grand Agadir, lancé en 2007, vise à qualifier
les différentes voies, notamment celles du cen-
tre au regard de leur usage. L’objectif recher- (5) Schéma directeur d’aménagement urbain (Sdau) et
ché repose sur la volonté de limiter l’espace de plans d’aménagement.
151
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires
ce
est habité, fréquenté et situé
à proximité de la métropole d’Agadir
en expansion. D’autant plus fragile
an
que sa superficie est réduite, il fait face
à de fortes pressions et à des conflits
d’usage auxquels le modèle français
V. Said/IAU îdF
Fr de parc naturel régional pourrait inspirer
des solutions.
e-
a région d’Agadir est un carrefour bio- con pèlerin, etc.) et une faune très diversifiée :
L
Le territoire du parc
de Souss-Massa est organisé géographique remarquable entre 46 espèces de mammifères, 40 espèces d’am-
selon différentes vocations, influences atlantiques, sahariennes et phibiens et de reptiles, 9 espèces de poissons
dont des zones de conservation montagnardes du Grand Atlas et de l’Anti-Atlas. d’eau douce et des milliers d’espèces d’in-
-d
des ressources naturelles. Elle est marquée par les bassins de deux grands sectes. Des réintroductions d’espèces animales
oueds : Souss et Massa. La zone littorale est disparues ou en danger d’extinction au Maroc
caractérisée par des espèces végétales macaro- ont été réalisées (antilopes addax et oryx,
nésiennes, spécifiques au Sud marocain et aux Gazelle dama de Mhorr, Autruche à cou rouge,
île
la métropole d’Agadir. Il occupe une bande Le parc comprend sept villages, dont Sidi R’bat
côtière humide de 65 kilomètres de long et de qui possède une plage magnifique ou encore
5 kilomètres de large en moyenne, comprise Tifnit, un village de pêcheurs. Les activités tradi-
IA
entre les villes d’Agadir et de Tiznit, et englo- tionnelles sont l’agriculture et la pêche. Ce ter-
bant les embouchures des oueds Souss et ritoire présente aussi d’importants enjeux en
Massa. terme d’aménagement du territoire, car c’est
Ce territoire porte des enjeux écologiques l’une des dernières portions de littoral naturel
exceptionnels. Le mélange des milieux d’eaux à proximité d’Agadir.
douce et salée, le voisinage de milieux humides
et semi-désertiques forment une mosaïque Un des sites protégés emblématiques
d’habitats naturels et un creuset de biodiver- du Maroc
sité. C’est une étape migratoire de premier Le parc national de Souss-Massa (PNSM) est un
ordre. Il s’agit du dernier grand habitat naturel des sites naturels protégés les plus importants
au monde de l’Ibis chauve, une espèce d’oi- du Maroc, par sa nature exceptionnelle et par sa
seau en voie de disparition dont il ne reste plus superficie (33 800 hectares). Sa création par
que quelques centaines d’individus à l’état sau- décret en 1991 a été motivée en grande partie
vage. L’Ibis chauve niche dans les parois des par la présence de l’Ibis chauve, qui fait l’objet
falaises, et se nourrit d’insectes dans les steppes d’un programme de sauvegarde. En 1998, un
voisines. Outre l’ibis, le parc accueille plus de décret complémentaire a précisé la réglemen-
275 espèces d’oiseaux (Flamant rose, Spatule tation générale du parc, ainsi que l’organisa-
blanche, avocette, cigogne, Sarcelle d’été, Fau- tion de son aménagement et de sa gestion.
152
Les embouchures des oueds Souss et Massa efforts de réhabilitation écologique ont été
sont deux zones humides majeures, dont l’im- entrepris ces dernières années.
portance internationale est reconnue au titre
de la convention de Ramsar(1) depuis 2005. L’expérience française des parcs naturels
Le parc de Souss-Massa est inclus dans la La France a créé depuis 1967, à côté des parcs
réserve de biosphère de l’Arganeraie, arbre naturels nationaux où les objectifs de conserva-
endémique du Sud-Ouest marocain, dont il tion de la nature sont prédominants, des parcs
couvre les deux tiers de la superficie forestière. naturels régionaux pour protéger et mettre en
Cet arbre est une véritable curiosité botanique, valeur de grands espaces ruraux habités. « Peut
qui dispose d’une remarquable capacité de être classé parc naturel régional un territoire à
Richard Bartz/Wikipedia
résistance aux déficits hydriques ainsi qu’aux dominante rurale dont les paysages, les milieux
températures extrêmes. Son caractère unique, naturels et le patrimoine culturel sont de
sa contribution à l’identité du territoire, ses grande qualité, mais dont l’équilibre est fragile.
ce
potentialités naturelles et son rôle socio-éco- Un parc naturel régional s’organise autour d’un
nomique ont conduit à inclure la forêt d’arga- projet concerté de développement durable,
niers (Arganeraie), dans le réseau mondial des fondé sur la protection et la valorisation de son L’Ibis chauve trouve dans le parc
réserves de biosphère de l’Unesco en 1998. patrimoine naturel et culturel(3) ». de Souss-Massa son dernier refuge
an
Le parc s’est doté d’un plan d’aménagement Même si la loi marocaine ne dispose pas naturel.
et de gestion depuis 1995. On y distingue diffé- aujourd’hui de dispositif équivalent, le parc
rentes zones qui reçoivent des objectifs de ges- naturel de Souss-Massa pourrait s’en inspirer
tion précis en fonction de leur vocation. Ses pour trouver un nouveau souffle. Les conditions
missions sont la conservation et le suivi scien-
tifique de la faune et de la flore, la sensibilisa-
tion et l’éducation à l’environnement, et de plus
en plus le développement durable de la région.
Fr
(1) La convention sur les zones humides d’importance inter-
nationale, appelée convention de Ramsar, est un traité inter-
gouvernemental qui sert de cadre à l’action nationale et à la
coopération internationale pour la conservation et l’utilisa-
tion rationnelle des zones humides et de leurs ressources. Le
e-
Une nature fragile sous pression, traité a été adopté dans la ville iranienne de Ramsar, en 1971,
un risque de banalisation et est entré en vigueur en 1975.
(2) Voir dans ce numéro des Cahiers, LASLAMI Abdelillah, SAID
L’aire métropolitaine d’Agadir connaît de fortes Victor, « Satama : référentiel pour la métropole d’Agadir »,
pressions urbaines et humaines sous l’effet de p. 145 et THIBAULT Christian, « Agadir, une vision territoriale
-d
la croissance démographique et économique intégrée », Les Cahiers n° 152, Composer avec l’environne-
ment, octobre 2009.
considérable des agglomérations. Les conflits (3) Cette définition est issue du site des parcs naturels régio-
d’usage qui en résultent, ainsi que la métropo- naux : www.parcs-naturels-regionaux.tm.fr
lisation de la région, ont motivé l’élaboration
île
Les cinq missions principales des parcs d’élaboration concertée du projet de parc natu- comme un atout et non comme une contrainte.
naturels régionaux rel régional et de gestion collégiale de sa mise Le parc de Souss-Massa a bien intégré cette
- protéger le patrimoine, notamment par en œuvre permettent de résoudre dans la obligation et a réorienté son action dans ce
une gestion adaptée des milieux naturels
et des paysages ; durée nombre de conflits d’usage, et de mobi- sens. Le modèle des parcs naturels régionaux
- contribuer à l’aménagement liser les acteurs autour des mêmes objectifs. français pourrait l’inspirer, pour consolider ses
du territoire ; En France, le projet de territoire « parc naturel acquis, récents et fragiles par la mise en place
- contribuer au développement régional » repose sur une charte et sur un plan. d’une gouvernance territoriale élargie et pour
économique, social, culturel, La charte est élaborée dans le cadre de com- progresser dans le consensus de tous les
et à la qualité de la vie ;
- assurer l’accueil, l’éducation missions thématiques (par exemple : agricul- acteurs.
et l’information du public ; ture et sylviculture, patrimoine naturel, patri- Une des pistes bien identifiée est l’écotourisme,
- réaliser des actions expérimentales moine culturel, développement local) ou pour lequel le territoire recèle un fort poten-
ou exemplaires dans les domaines cités transversales (par exemple : paysage, aménage- tiel : randonnée, observation des oiseaux… Le
ci-dessus et contribuer ment du territoire, communication), sous la pré- parc accueille depuis de nombreuses années
ce
à des programmes de recherche.
sidence d’élus locaux associant l’ensemble des des ornithologues venus du monde entier,
Source : code de l’environnement acteurs du territoire (administrations, orga- notamment pour observer l’Ibis chauve. Deux
du 20 février 2010. nismes socio-professionnels, scientifiques et circuits écotouristiques sont déjà proposés : la
universitaires, associations d’usagers, etc.). Le découverte de la faune saharienne et l’observa-
an
plan définit les vocations des différentes par- tion des oiseaux. Une convention de coopéra-
ties du territoire et les zones à protéger. Ces tion a été signée entre le parc de Souss-Massa
documents, charte et plan, font l’objet d’ajuste- et le parc ornithologique du Teich (Aquitaine).
ments successifs au fur et à mesure qu’ils sont Le développement de l’écotourisme permettra
soumis aux différents niveaux de collectivités, de proposer des produits touristiques différents,
Fr
de manière à faire consensus. L’adhésion au
parc naturel régional engage les collectivités
concernées à appliquer cette charte et ce plan.
complémentaires au tourisme balnéaire. Il
pourra constituer un juste retour de la protec-
tion du territoire si la population locale y est
Le renouvellement du parc, désormais obliga- étroitement associée.
e-
toire tous les douze ans, est soumis à obligation Le parc se préoccupe aussi de la valorisation et
de résultat au travers d’une évaluation des de la gestion durable des richesses de l’océan.
actions accomplies et de la rédaction d’une L’agriculture locale, dont les revenus ne cessent
nouvelle charte pour poursuivre ou réorienter de baisser, est un autre secteur sur lequel baser
-d
ciations et usagers du territoire, dont les inté- gine et de qualité aux productions locales.
rêts sont parfois contradictoires, à se structurer L’intéressement direct de la population, et tout
en association des amis du parc. Les parcs natu- particulièrement des femmes rurales, à toutes
IA
rels régionaux, aujourd’hui au nombre de 46 ces activités sera une condition essentielle de
sur le territoire français, ont constitué un réseau la réussite de ce nouveau développement, ainsi
animé par une fédération et conseillent d’au- que de la préservation de l’attractivité des pay-
tres territoires qui souhaiteraient bénéficier de sages et des milieux naturels.
leur expérience, même hors de France.
Le parc de Souss-Massa,
moteur du développement local
Références bibliographiques L’enjeu fondamental est de permettre l’éléva-
tion du niveau de vie de la population locale
• Centre d’échange d’information
sur la biodiversité du Maroc : grâce à des activités respectueuses de l’envi-
http://ma.chmcbd.net/manag_cons/esp ronnement, ce qui entre tout à fait dans la voca-
_prot/manag_cons/esp_prot/stat_nat/ tion des parcs naturels régionaux. Les expé-
parc_nat/fol356194 riences de protection de l’environnement
• Fédération des parcs naturels régionaux :
naturel qui n’associent pas suffisamment les
www.parcs-naturels-regionaux.tm.fr
V. Said/IAU îdF
ce
et structuré l’armature urbaine.
L’objectif était de créer des quartiers
intenses, à la fois mixtes, animés et
an
denses. La trame foncière
et l’observation des quartiers
historiques et spontanés ont servi
de base pour la conception
Fr D. R.
de trois cités nouvelles.
e-
ans les années 1970, suite à une étude supérieur à la moyenne nationale ; une détério-
D
Le schéma directeur a proposé
la création de plusieurs cités réalisée par l’Iaurif sur le développe- ration des conditions de logement et l’exis-
nouvelles, inventant des formes ment touristique du littoral d’Agadir(2), tence de nombreux bidonvilles ; ainsi qu’une
urbaines innovantes et adaptées. le Gouverneur a passé une nouvelle com- spéculation foncière profitant de la situation
-d
mées, et des plans détaillés pour l’aménage- production agricole, une implantation des équi-
ment de terrains à bâtir, capables de répondre pements publics en faveur des villes secon-
aux besoins en logement de la population en daires et des centres ruraux, et des implanta-
pleine croissance, ce qui s’est traduit par le pro- tions industrielles dans les centres secondaires.
jet de trois cités nouvelles. Pour l’aire urbaine, les objectifs étaient doubles.
U
En 1978, Agadir avait surmonté la catastrophe trée du Sud marocain » en préservant sa fonc-
du tremblement de terre de 1960. Porte d’en- tion touristique. Le second était de permettre
trée vers le sud du pays, la ville disposait de l’accueil d’une population de 664 000 habitants
fortes infrastructures : un port, un aéroport, une en 2010, en offrant logements, emplois et facili-
voie nouvelle en direction de Marrakech. Son tés de déplacement.
développement s’appuyait sur la diversité de Le schéma adopté propose une nouvelle orien-
son économie : pêche, production agricole tation de développement fondée sur les infra-
variée et industrie touristique en pleine crois- structures. Il s’appuie sur le maillage offert par
sance. Il s’accompagnait d’une arrivée massive les deux axes complémentaires que sont la
de population, dont environ 40 % provenait de route littorale et la nouvelle route de Marra-
l’exode rural. kech. L’axe traditionnel de la RP 32 regroupe
Le schéma directeur devait prendre en compte les fonctions administratives et de services des
un contexte socio-économique relativement centres urbains, ainsi que les espaces à voca-
difficile. Il se caractérisait notamment par une tion touristique. L’essentiel des implantations
croissance importante de la population (sans
tenir compte de la politique menée sur l’ar-
(1) Ancienne chargée d’études à l’IAU îdF.
rière-pays) ; un déséquilibre marqué entre (2) Cette étude a été réalisée par Gérald Hanning, architecte
Agadir et sa périphérie ; un taux de chômage et urbaniste de l’Iaurif.
155
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Agadir : rétrospective sur le Sdau et les cités nouvelles
industrielles se situe sur l’axe nouveau vers Mar- Une nouvelle forme urbaine à inventer,
rakech, où la route sera doublée par le chemin ni médina, ni ville européenne
de fer. Cette nouvelle orientation s’enracine Le projet s’est nourri de l’observation des quar-
dans la structure urbaine traditionnelle, la com- tiers spontanés en cours d’édification dans les
plétant et ménageant ses valeurs spécifiques. bourgades voisines. Il s’agissait de rechercher
Elle permet de laisser « ouvertes » les évolutions des dispositions organiques semblables à celles
à plus long terme (urbanisation de l’aéroport, de ces quartiers. Pour le tracé des voies, la trame
densification des villes existantes, nouvelles foncière a été utilisée comme guide, sans inter-
zones d’urbanisation), tout en maintenant de dire des avenues plus rectilignes pour les axes
vastes espaces ouverts. principaux.
Selon la destination générale des sols, l’espace Il s’agissait de répondre aux demandes variées
urbain se structure en quatre unités aux voca- de la population et de concevoir un support
tions complémentaires, séparées par des physique capable d’engendrer une « véritable
ce
espaces naturels et agricoles : ville ». La diversité était recherchée à travers
- la ville d’Agadir, où les activités industrielles l’imbrication de l’habitat, des activités et des
liées au port sont renforcées et l’offre d’habi- équipements, en fonction de la typologie des
tat diversifiée ; voies et des lots.
an
- Inezgane, Dcheira,Tikiouine et la cité nouvelle Les maisons à cour intérieure dans un tissu
de Tassila, qui forment une nouvelle unité urbain dense ont été le modèle d’habitation
urbaine articulée autour de la zone indus- majoritairement adopté. Cette typologie pos-
trielle de Tassila ; sède des qualités climatiques ; adaptée au
- Aït Melloul, qui assumera la double vocation mode de vie marocain, ne nécessite pas de
culture ;
Fr
de ville industrielle et de services pour l’agri-
virtuelles, dessinent un maillage : la trame construire 50 000 logements sur les terrains biles bordées de commerces et d’habitations.
foncière. Cette trame, en correspondance dont la ville disposait suite au tremblement de Des voies plus larges bordées d’immeubles col-
avec le relief, décrit la structure du site. terre. Confrontée à une pénurie de terrains à lectifs ou d’activités aux entrées de ville per-
Suivant étroitement le terrain naturel, mettent de traverser la cité. Les équipements
bâtir et à la spéculation foncière, la ville ne pou-
île
croissance urbaine prévue au schéma direc- sont en périphérie, faciles d’accès sans être éloi-
teur, facilitant ainsi la réalisation progressive du gnés du centre. La proportion de l’espace
programme. Le choix du lotissement permet- public comportant places et jardins varie de
IA
nant en compte les éléments naturels et la voi- répondant ainsi à la demande initiale.
rie. Le but était d’offrir un cadre de vie agréable
aux habitants et de minimiser le coût des infra- Cette démarche, innovante dans les années
structures. Trois sites furent retenus. Leur loca- 1970, nous a légué une approche rationnelle
lisation leur conférant une vocation et un basée d’une part, sur le site physique, grâce à la
caractère originaux : Tama ou Enza, pôle local trame foncière (voir encadré) et d’autre part,
d’équipement et destination touristique pour sur l’analyse des modes de vie des habitants.
les Marocains modestes ; Agadir Sud-Est, lieu Cette approche demeure toujours variable.
des grands équipements ; et Tassila, site d’ac-
cueil des habitants travaillant dans la zone
Iaurif
industrielle.
156
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires
ce
notamment par sa médina classée
patrimoine mondial de l’Unesco.
Le passage à l’échelle d’agglomération
an
soulève des problèmes de mutations
dus à la modernisation, au brassage
de populations nouvelles et aux effets
de débordements difficiles à maîtriser.
Fr V. Said/IAU îdF
e-
a ville de Fès devient une des grandes de ses différentes entités – médina, ville nou-
L
Fès : une grande agglomération
aux quartiers contrastés. agglomérations du Royaume. Elle porte velle, quartiers contemporains –, et les dyna-
le développement d’une vaste région de miques d’extensions. Une analyse des dysfonc-
l’intérieur du pays, agricole, adossée au Moyen tionnements a été conduite en parallèle. Ces
-d
Atlas. En son cœur, la médina, dont l’origine travaux ont débouché sur un constat de coor-
remonte au VIIIe siècle, a traversé le temps en dination nécessaire dans la mise en œuvre des
gardant heureusement sa vitalité. Une vitalité actions pouvant se matérialiser sous la forme
qui fait peser aujourd’hui quelques menaces… d’une charte réunissant les principaux acteurs.
île
médina, piloté par l’Ader(1). Il préserve les élé- riques est à appréhender à trois échelles
ments architecturaux uniques et maintient les (métropolitaine, de l’agglomération et de proxi-
qualités plus immatérielles que sont les mité) et selon des thématiques croisées
IA
V. Said/IAU îdF
Entre médinas L’équilibre et la complémentarité de ces
et quartiers périphériques, espaces assureront un développement harmo-
des transitions à ménager. nieux et durable, à la fois de la médina et de
son environnement proche et lointain. Ceci à
médina et son occupation crée des problèmes condition d’anticiper sur les évolutions à venir.
spécifiques.
ce
Le projet de réhabilitation de la médina, engagé Les opportunités et les menaces des espaces
par les pouvoirs publics avec l’assistance d’or- extra-muros
ganismes internationaux, ne peut aboutir sans Les zones d’extension urbaine de la médina
un aménagement préalable de son environne- sont réparties en trois secteurs : Sahrij Gnaoua,
an
ment. Jnanates et les quartiers Nord.
Sahrij Gnaoua, quartier en pleine restructura-
Dédensification et transfert d’activités tion, offre des potentialités d’absorption de la
à l’origine des quartiers périphériques dédensification de la médina par l’accueil de
Les extensions de la médina s’inscrivent dans nouvelles populations et d’activités de proxi-
Fr
des parcours d’activités et résidentiels en sauts
de puce qui, bien souvent, débutent dans la
médina intra-muros. La notion de proximité est
mité ou artisanales non polluantes. Les efforts
publics sont perceptibles sur le terrain. Ce sec-
teur n’impose pas d’actions urgentes, mais plu-
donc à prendre en compte pour tout projet de tôt un suivi permanent afin d’éviter le redéve-
e-
transfert un peu volontariste. Mais une dédensi- loppement de l’habitat non réglementaire.
fication accentuée de la médina pourrait abou- En continuité et en interpénétration avec la
tir à sa « muséification », alors qu’elle doit rester médina, Jnanates se compose de plusieurs enti-
un lieu de vie, avec ses habitants et ses services. tés ne présentant pas les mêmes symptômes.
-d
C’est pourquoi le problème doit être considéré Le plus urgent est de traiter les risques d’effon-
dans son ensemble, prenant en considération drement des constructions et les dégradations
les besoins et l’évolution nécessaire des activi- environnementales. Le développement d’habi-
tés insérées dans le tissu urbain étroit de la tat à proximité des zones d’activités polluantes
île
médina, et déployant une offre d’accueil orga- à l’est constitue également un risque majeur
Un nombre élevé de bâtiments menaçant nisée et encadrée. pour la population. De grands équipements qui
ruine
C’est une démarche qui nécessite, aux côtés font défaut au sein de la médina pourraient
Par l’ancienneté et l’étendue de sa médina
et des quartiers informels périphériques, des aménageurs, l’implication des acteurs éco- être implantés dans ces deux secteurs.
Fès est la ville marocaine la plus soumise nomiques, au premier rang desquels les princi- Les quartiers Nord sont en relation étroite avec
U
au risque d’effondrement du bâti. paux intéressés, artisans et commerçants. la médina. Si leur aménagement et leur déve-
8 000 bâtiments à risques, abritant loppement ne semblent pas requérir d’inter-
environ 24 000 ménages, ont été recensés.
Des entités spatiales jouant des rôles vention d’urgence, un suivi des évolutions, et
Ce risque est aggravé par une gestion
IA
V. Said/IAU îdF
zons est un atout majeur. Pour ne pas nuire irré- de répartition de l’eau
médiablement à cet atout inestimable, un très sophistiqués en fonction
schéma de protections et de secteurs autorisés de la quantité disponible.
à des installations bien intégrées s’imposerait.
aux espaces qui ne peuvent plus être considé-
Les échanges avec la médina cristallisent rés séparément les uns des autres : le maintien
ce
beaucoup d’activités sur son pourtour d’espaces ouverts dépend de l’évolution des
La ville traditionnelle est un foyer d’approvi- espaces bâtis, et réciproquement, tant en
sionnement régulier pour les Fassis(2), que ce termes de consommation d’espace que de qua-
soit pour des produits alimentaires, pour des lité des espaces. Quartiers périphériques, « nou-
an
créations ou des réparations relevant de l’arti- velle ville », médina sont en relation par leurs
sanat d’art ou de l’artisanat courant. La non- fonctions sociales, économiques et urbanis-
accessibilité automobile de la médina crée tiques. L’articulation de ces différentes entités
autour des portes une fixation de petits métiers demande à la fois une approche globale des
et d’activités liées aux arrivées de transport. grands équilibres et de la répartition des voca-
C’est là que s’effectue le transbordement des
marchandises arrivées par camions et camion-
nettes qui sont ensuite acheminées par cha-
concernés.
Fr
tions, et une approche fine des tissus urbains
tat, puis sur les activités. Certaines activités d’ar- nos jours, malgré les extensions urbaines.
tisanat quittent la médina pour aller s’installer Cependant, il faut être très attentif à des dégra-
assez loin. Ces transferts répondent aux impéra- dations qui seraient irréversibles. Les vues mul-
tifs de réduction des nuisances (pollutions, tiples depuis et vers les collines sont très sensi-
santé publique) que causent ces activités. La bles, et pourraient être facilement obérées par
U
délocalisation devrait s’accompagner des équi- des projets mal intégrés. Il est indispensable de
pements nécessaires à la maîtrise des rejets chi- maintenir et de valoriser de vastes espaces
miques et à leur traitement. ouverts de proximité – ce qui passe par un
IA
159
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Fès : articuler la médina avec son environnement
ce
la priorité aux espaces et aux liaisons entre appréciable dans la réduction des nuisances
eux, en apportant un minimum de nettoyage et et des risques, à condition qu’ils soient en capa-
de sécurisation. cité de le faire, et que l’urbanisation soit adap-
tée, quartier par quartier, au potentiel des
an
Les enjeux environnementaux rejoignent ceux espaces naturels.
de santé publique
Même si la densification est aujourd’hui pré- Une charte partenariale
sentée comme une condition de la ville dura- pour une mise en œuvre opérationnelle
ble, elle accroît les possibilités d’exposition aux L’objectif d’une charte entre les différents par-
Fr
risques et aux nuisances par la concentration
des habitants et des activités. Certains services
urbains sont difficiles à assurer, comme la col-
tenaires et intervenants, concernant aussi bien
l’intra-muros que l’extra-muros de la médina,
est de créer un consensus autour d’une vision
lecte des déchets. C’est une explication de la intégrée d’un développement durable et d’un
e-
tendance des médinas à la dédensification, qui aménagement à long terme.
conduit à la dégradation et à la paupérisation
des quartiers anciens. Les préoccupations envi- Cette vision devrait apporter des améliorations
ronnementales rejoignent les préoccupations aux conditions et au cadre de vie des habitants,
-d
économiques et sociales. Des enjeux de salu- assurer la fluidité des échanges entre la médina
brité et de santé publique liés à l’assainisse- et le reste de l’agglomération, participer au pro-
ment et aux déchets, et des enjeux de pollution cessus de dynamisation de la médina, faciliter
des sols et des eaux liés à l’artisanat, sont à son accessibilité et sa connexion avec l’espace
île
prendre en compte. Cette gestion croisée de extra-muros, assurer les transitions entre les dif-
Un site exceptionnel tout cela est d’autant plus complexe en milieu férentes entités spatiales par une armature
où la ville traditionnelle confiné et patrimonial : le défi est de réa- urbaine restructurée et hiérarchisée.
s’insère parfaitement dapter l’intelligence ancienne aux exigences
dans le grand paysage. modernes. La prise en compte de l’environnement, des
U
160
Observer, analyser
et décider :
ce
les outils adaptés
an
Un centre de documentation
pour la direction de l’Urbanisme
Fr 162
Le système d’information
géographique, un outil de planification
et d’évaluation 168
U
Tableaux de bord
IA
161
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Observer, analyser et décider : les outils adaptés
Un centre de documentation
Linda Gallet pour la direction de l’Urbanisme
Micette Hercelin(1)
IAU île-de-France
ce
a apporté son expertise pour le montage
d’un centre de ressources multimédia
performant. L’objectif était d’organiser
an
et de hiérarchiser les informations
pour favoriser leur visibilité
et leur accessibilité, notamment
S. Mariotte/IAU îdF
Fr auprès des chercheurs, tant à l’échelle
nationale qu’internationale, via Internet.
e-
a direction de l’Urbanisme(2) (DU) a Le projet a démarré par la réalisation d’un pre-
L
La mise à disposition d’un fond
documentaire peut aider mené, depuis 2000, une réflexion sur la mier bilan de l’existant, tant sur le plan de
les professionnels de l’urbanisme création d’un centre de documentation l’identification des fonds documentaires que
dans la compréhension multimédia. Les cadres de la DU, mais aussi les des moyens disponibles, afin de cibler les diffé-
-d
de l’évolution des territoires professionnels de l’aménagement et de l’urba- rentes tâches nécessaires au projet.
et inspirer des pratiques novatrices. nisme, étaient confrontés à de nouveaux
besoins liés à une volonté de planification plus Des archives patrimoniales
harmonieuse et respectueuse des territoires, et d’une grande valeur
île
à l’essor d’un pays en pleine mutation accélé- La direction de l’Urbanisme est dépositaire
rant sa modernisation. Ils réclamaient la mise à d’un important fonds d’archives, d’une valeur
disposition de fonds documentaires de réfé- patrimoniale inestimable, consacré à l’aména-
rence, à partir desquels ils puissent non seule- gement pendant la période du Protectorat. Sur
ment comprendre l’évolution, mais aussi s’ins- chacune des agglomérations marocaines, un
U
162
Un fonds de photos aériennes réalisées La multiplication des sources liée à la montée Les réseaux documentaires
périodiquement depuis les années 1950 en puissance des réseaux numériques et d’In- L’IAU îdF a une longue expérience
En outre, la DU possède un fonds très impor- ternet a orienté le projet. Dès sa genèse, le cen- dans le domaine de la documentation
et de l’organisation des centres
tant de photographies aériennes des agglomé- tre multimédia de la DU a été envisagé comme de ressources multimédia. Dès 1972,
rations marocaines réalisées régulièrement la pièce maîtresse d’un vaste réseau, favorisant il a été l’initiateur du réseau Urbamet,
depuis les années 1950. Des propositions ont à la fois l’émergence de partenariats locaux, alimenté par des centres de documentation
été faites concernant les conditions de conser- nationaux (autres ministères, École nationale volontaires spécialisés dans les thématiques
vation des clichés, leur numérisation et le repé- d’architecture, Institut national d’aménagement de l’aménagement et de l’urbanisme
et répartis sur le territoire national.
rage facile des reportages. et d’urbanisme) permettant son inscription Il inventait, dans le même temps, le premier
Les cadres et techniciens de la DU amenés à dans les réseaux internationaux. thésaurus spécifique sur l’aménagement
aller sur le terrain pour suivre des projets pren- Plusieurs projets ont ainsi vu le jour : échanges (thésaurus Urbamet), qui reste encore
nent des photos numériques, qu’il est néces- de catalogues d’acquisition, partage des infor- aujourd’hui la référence.
saire de mutualiser. Il a ainsi été proposé de mations et du travail documentaire entre les Pour offrir un ensemble encore plus large
ce
et cohérent de références bibliographiques,
mettre en place une photothèque avec une partenaires, procédures communes pour les naissait en 1995, sous l’impulsion de
notice iconographique type. La constitution traitements bibliographiques. Ainsi naissaient l’Iaurif, l’association européenne Urbandata,
d’une banque de données d’images numé- les prémisses du Réseau documentaire natio- qui rassemble, en plus d’Urbamet, le Great
riques permettra à la DU non seulement de réa- nal marocain sur l’aménagement et l’urba- London Authority, le réseau des écoles
d’architectures italiennes, le Centro
an
liser en interne des économies d’échelle, mais nisme.
de información y documentación cientifica
aussi d’échanger ces données avec les parte- (Cindoc) en Espagne, rejoints plus tard
naires et les professionnels de l’aménagement. Intégration du Maroc par le Deutsches Institut für Urbanistik
au réseau documentaire européen (Difu) et les réseaux documentaires
La montée en puissance Avec la volonté de donner un écho internatio- hongrois et roumains.
du centre multimédia
Un inventaire du fonds textuel de la biblio-
thèque du centre de documentation a recensé
Fr
nal à ce réseau, la DU a demandé en 2002, par
l’intermédiaire de l’Iaurif, son adhésion à l’asso-
ciation Urbamet. Grâce à sa participation au
la production interne de rapports, d’études de réseau européen Urbandata, Urbamet permet
e-
l’administration ou de bureaux d’études, de aussi de valoriser les travaux produits par le
documents d’urbanisme, de schémas direc- réseau marocain, puisque ces références biblio-
teurs, d’ouvrages et de collections de pério- graphiques sont désormais accessibles via le
diques. Un programme pluriannuel d’acquisi- site Internet Urbadoc. Il permet aux adhérents
-d
tion par appel d’offres doit enrichir le catalogue d’interroger près d’un million de références
de la bibliothèque de plusieurs centaines de issues des cinq banques de données euro-
références chaque année. L’Iaurif a également péennes.
participé à la constitution du fonds documen- Si ces travaux restent à consolider, le réseau
île
ou encore l’édition d’un catalogue. Pour main- doivent l’aider à mettre en valeur le travail de
tenir un service bibliographique de qualité, la modernisation en cours au Maroc.
DU doit s’équiper d’un logiciel de recherche
IA
ce
de comprendre l’évolution des territoires,
de partager une vision commune
an
et la valorisation de l’information,
dans une démarche nécessairement
partenariale, constituent le socle
Fr d’une structure efficace d’aide
à la décision amenée à se développer.
e-
a croissance démographique, l’exode naires de l’espace tout en garantissant la qua-
L
Les observatoires sont des outils
d’évaluation permettant d’étudier rural, la mobilité, les marchés immobi- lité scientifique de l’observation mise en place.
l’évolution des territoires. liers, les mutations économiques et la
Ils sont indispensables dynamique urbaine interfèrent et agissent L’observatoire, un outil pour les acteurs
-d
La croissance urbaine au Maroc depuis les dans la compréhension des évolutions des mar-
années 1980 et la maîtrise de l’aménagement chés et des développements territoriaux. Enfin,
du territoire nécessitent de connaître et de un temps d’échanges a été consacré à la ques-
IA
comprendre les mutations à l’œuvre, ainsi que tion de la valorisation et de la diffusion de l’in-
les mécanismes qui les régissent. La mise en formation traitée : tableaux de bord, cartogra-
place d’un système organisé et pérenne d’ob- phie, outils en ligne et bien sûr, système
servation s’est donc révélée indispensable. d’information géographique (SIG) ; ce dernier
En 1996, dans le cadre de la coopération point faisant l’objet d’une mission de coopéra-
franco-marocaine, la direction de l’Urbanisme tion ad hoc conduite en parallèle.
du Maroc, en collaboration avec l’Institut natio- Les travaux en atelier ont permis de clarifier et
nal d’aménagement et d’urbanisme (Inau) et d’analyser les besoins en détail grâce aux audi-
son centre de recherche, a décidé de lancer tions de tous les acteurs concernés, acteurs des
des ateliers pour consolider l’idée de la créa- territoires et/ou fournisseurs de données. Cette
tion d’un observatoire urbain, foncier et immo- méthode a permis une meilleure connaissance
bilier. L’échelle de l’agglomération de Rabat- des mutations à l’œuvre, l’organisation de
Salé est retenue dans un premier temps. débats fondés sur des informations partagées,
Dès le départ, la dimension partenariale entre et une élaboration plus rapide des documents
les services de l’administration, les enseignants
et les chercheurs a fondé la démarche de pro-
(1) Agnès Charousset est ancienne chargée d’études à l’IAU
jet. Celle-ci pouvait se résumer à une double îdF et actuellement directrice d’études à l’agence d’urba-
exigence : répondre aux besoins des gestion- nisme de Bordeaux.
164
d’urbanisme liée notamment à une plus grande Les prix du foncier à Casablanca en 2004
efficacité sur les diagnostics. L’échelle de l’ob-
servation reste celle de l’agglomération, tandis
que les thèmes sont très vastes : en dehors des
déplacements et de l’environnement, tous les
indicateurs relatifs à la démographie, à l’habitat,
à l’économie, aux équipements et au foncier
ont été listés. Ont alors été amorcés les débats
sur les moyens humains, matériels, financiers,
indispensables pour répondre aux objectifs. Ils
ont fait ressortir les atouts complémentaires des
partenaires – portage public, validité scienti-
fique, besoins consolidés, etc. –, mais aussi les
ce
difficultés – souplesse institutionnelle limitée
en matière de partenariat avec le privé, moyens
financiers modestes pour l’investissement de
départ, manque de compétences pointues en
an
matière d’observation pour l’exploitation sta-
tistique, dispersion des données chez un grand
nombre d’acteurs…
Toutefois, ces ateliers ont répondu aux attentes
en clarifiant le panorama et l’état des lieux, et calendrier de travail, maîtrise déléguée éven- Prix fonciers (Dh / m2)
300 à 500
cellule chargée du montage de projets pilotes
150 à 300
a été entérinée. Elle a identifié assez rapide- Le bilan de dix ans d’observation : < 150
ment, au-delà des missions techniques, la la mise en réseau nationale Médina et zone centrale
nécessité de désigner un animateur pour assu- de rénovation urbaine
Finalement, le territoire d’observation de l’ag-
île
rer la qualité des échanges entre les partenaires glomération de Rabat-Salé couvre 3 préfectures 0 1 2 3 4 5 km
et la cellule de projet. Le lancement institution- et 22 communes. Dans le cadre de la décentra- SOFA – Ministère de l’Aménagement du Territoire
nel de l’observatoire a été acté lors d’un col- lisation, les différentes agglomérations se sont - IAU îdF – AUC
loque, sur la base des premiers résultats issus dotées des mêmes observatoires, avec le sou-
des projets pilotes sur le territoire de Rabat-Salé. tien technique et logistique des agences
U
urbaines.
La maturation des observatoires, La question de la fiabilité des séries statistiques
entre ambitions et ajustements est centrale dans les activités des observatoires;
IA
La coopération franco-marocaine s’est ainsi elle prend beaucoup de temps, mais la produc-
échelonnée sur plusieurs années. Les travaux tion de tableaux de bord est régulière. Les résul-
menés entre spécialistes français et marocains tats sont publiés chaque année et mis en ligne
ont facilité l’expertise et la conduite du projet. sur le site du ministère chargé de l’Habitat, de
Les expériences tests démontrent qu’il était l’Urbanisme et de l’Aménagement de l’espace.
plus pertinent de créer deux observatoires Néanmoins, le choix des phénomènes obser-
légers et efficaces plutôt qu’un seul, dont l’am- vés change souvent, au point de rendre la
pleur des champs de travail et l’ambition consolidation des missions d’observation par-
auraient pu nuire aux objectifs de résultat.Ainsi fois difficile. Les priorités évoluent en fonction
en 1998, un observatoire foncier et un observa- des besoins. L’idée d’un lieu de débat est moins
toire des données urbaines ont vu le jour : vive et le problème du financement demeure
petites équipes aux compétences ciblées, avec récurrent.
des partenaires impliqués directement, pour En définitive, les observatoires sont des outils
des objectifs et une motivation partagés et la d’aide à la décision. Ils facilitent les projections
création d’interfaces techniques entre ces struc- et les diagnostics partagés et restent essentiels
tures. Elles ont été créés sur la base de termes pour ajuster, infléchir, voire coordonner les poli-
de références précis : modalités de fonctionne- tiques publiques. « Ils donnent de l’épaisseur à
ment, nomination d’un animateur, programme, l’action publique », considère le ministère.
165
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Observer, analyser et décider : les outils adaptés
ce
tout au long du processus d’élaboration
des documents d’urbanisme,
depuis le diagnostic jusqu’à la phase
an
prospective. Ils nécessitent
des transferts de données et suscitent
des partenariats multiples afin d’avoir
Fr une vision partagée du territoire.
e-
epuis la fin des années 1990, au Maroc nisme dans le cadre de la coopération fran-
D
Les SIG permettent d’avoir
une meilleure connaissance comme en France, les systèmes d’infor- çaise ont donc privilégié une approche métho-
du territoire. Exemple : la densité mation géographique (SIG) ont pris dologique basée sur des actions de sensibilisa-
des alignements d’arbres une place centrale au sein des organismes tion, de formation et de réflexion organi-
-d
abordées diverses facettes de l’utilisation des gnement, l’équivalent des certificats d’urba-
SIG dans les domaines de la planification et de nisme en France). Pour mener à bien ces
l’aménagement des territoires, aux échelles tâches, les agences ont d’abord investi dans des
IA
166
nisation inadaptée des couches thématiques), - il a pu être comparé à des inventaires précé-
l’Iaurif a proposé un cahier des charges pour dents (9 postes, 1986, 1991 et 1999), ce qui a
adapter les marchés des restitutions aux permis de préciser le rythme, la nature et la
contraintes topologiques des SIG. L’Institut a localisation de l’urbanisation depuis une ving-
également développé avec l’Agence urbaine taine d’années.
de Rabat-Salé une application d’automatisation
de la production des notes de renseignement, Les SIG catalyseurs des partenariats
exemple concret de synergie entre DAO et SIG ! Les cartes thématiques du Satama et du Sdau
de Casablanca ont été construites à partir de
L’importance du suivi périodique l’inventaire de l’occupation du sol et de don-
de l’occupation du sol nées diverses reçues de partenaires : informa-
Les réflexions et les actions d’aménagement et tions socio-économiques (population, loge-
de développement des territoires exigent une ments, emplois, etc.), résultats de mesures
ce
connaissance précise de l’utilisation des sols (pluviométrie, trafics routiers), données spa-
et de leur évolution. Ces informations sont indis- tiales abstraites issues de la connaissance du
pensables pour appréhender de manière spa- terrain (paysage, pratiques agricoles), ou
tiale la dynamique d’un territoire. Elles permet- encore données issues de travaux complexes
an
tent de faire des constats et des bilans chiffrés croisant différents types de données (cartes des
à une date donnée, des analyses rétrospectives risques).
et des prévisions, quantifiées et géoréférencées, La production de ces cartes thématiques a
afin de fixer des objectifs. nécessité – ou a suscité – des partenariats mul-
L’Iaurif a plaidé auprès des agences urbaines tiples, rendus possibles par le rôle fédérateur
pour la mise en place d’inventaires périodiques
de l’occupation du sol, couvrant l’intégralité de
leur territoire et dotés d’une nomenclature suf-
Fr
des agences urbaines et pour lesquels l’Iaurif a
joué un rôle d’incitateur et de facilitateur. Ces
partenariats ont permis de mobiliser des don-
fisamment détaillée (l’Iaurif a proposé diffé- nées variées et des compétences complémen-
e-
rentes nomenclatures dérivées de la nomencla- taires. Ils ont aussi favorisé la diffusion des
ture européenne Corine Land Cover et adap- cartes produites, et donc la connaissance croi-
tées au contexte marocain). sée du territoire, auprès des élus, des décideurs
et du grand public.
-d
Des expériences marocaines de montage Les SIG apparaissent donc comme incontour-
et d’exploitation de SIG nables pour l’élaboration des documents de
En 2002, dans le cadre de la préparation du planification stratégiques ou réglementaires.
Satama(2), l’Agence urbaine d’Agadir a confié Outils efficaces pour la collecte, le traitement et
île
au Centre royal de télédétection spatial (CRTS) l’analyse des données, ils permettent la réalisa-
la réalisation d’une carte de l’occupation du tion de nombreuses cartes qui décrivent les ter-
sol en 20 postes de l’aire métropolitaine d’Aga- ritoires ou déclinent les propositions d’actions.
dir (10 830 km2), une première au Maroc sur un Ces cartes, représentations synthétiques des
territoire aussi vaste présentant des espaces problématiques territoriales, constituent de for-
U
ce
tituer cartographiquement des informations infrastructures, etc.Ainsi, l’approche SIG permet
spatiales. Il doit, pour fonctionner, être alimenté de visualiser les enjeux des territoires par thé-
en données fondamentales : données cartogra- matiques ou par thématiques croisées.
phiques en deux ou trois dimensions, écono-
Outil de la prospective
an
miques, socio-démographiques, comportemen-
tales, temporelles, etc. Il offre alors la possibilité Le SIG permet de faciliter le débat contradic-
de développer une approche géographique de toire par la production de cartes qui illustrent
l’existant sur la base de données d’occupation spatialement les enjeux et les objectifs de la
du sol, indispensables pour appréhender spatia- planification. Cette approche permet de quan-
mations sur la population, l’emploi et le loge- possible le phasage d’un projet à différents
ment. En revanche, l’utilisation du sol est termes. Le SIG contribue à tester, en fonction
généralement mal connue et peu inventoriée. des projections de population et d’emplois à
Par exemple, le nombre d’emplois disparus ou long terme, les superficies de territoire consa-
île
apparus au cours d’une période est souvent crées aux logements, aux activités, aux équipe-
chiffré, mais il est rarement possible de locali- ments bâtis ou ouverts et aux infrastructures.
ser et de quantifier les surfaces qui ont changé
d’affectation ni de déterminer par quoi elles Outil de suivi et d’évaluation
de la mise en œuvre
Approche territoriale par thématiques croisées
U
Outil de communication
Le SIG est de plus en plus utilisé à travers des
applications Internet partagées dont les avan-
tages sont nombreux, notamment des données
à jour et des informations mutualisées. Cela per-
met de partager de manière plus efficace et
interactive les données et les résultats d’ana-
lyse avec les partenaires.
IAU îdF
168
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Observer, analyser et décider : les outils adaptés
ce
des outils informatiques, elle a permis
la constitution de banques de données
urbaines variées. Il est aujourd’hui
an
nécessaire d’ordonner et de diffuser
cette connaissance, en s’adaptant
A
Intégrer la connaissance du terrain
dans les tableaux de bord. agences urbaines des grandes aires d’études, et plus récemment la mise en place
Ici, le cadastre d’Adagir. métropolitaines du Maroc ont accom- d’intranets, avaient préparé l’ensemble des per-
pli un mouvement majeur vers la constitution, sonnels des agences urbaines à l’utilisation
-d
les principales agences urbaines, qui avaient ment à l’écoute de la volonté des agences
accumulé depuis leur création, entre 1984 urbaines de développer des banques de don-
et 1995, une large connaissance quantitative et nées à la fois utiles, cohérentes et évolutives.
qualitative de leur territoire, arrivaient à matu- L’objectif était d’offrir aux cadres et techniciens
rité. Il s’agissait, dès lors, de valoriser leurs des gains de temps et d’énergie tout autant
U
ce
cier ou les équipements. stratégique (image de l’agence vis-à-vis de ses
partenaires et du public) du module ;
Tous les modules de la banque de données - clarifier les échelles de travail : commune, cen-
urbaines devaient être reliés. Il aurait été ten- tre (centre doté d’un document d’urbanisme
an
tant de chercher à identifier précisément, dès le ou susceptible de l’être), agrégat de com-
début du projet, les liens pertinents à établir munes ou agrégat de centres (par territoire,
entre les modules. Il s’est avéré préférable d’en- par type…) ;
visager un développement progressif et réversi- - caractériser toutes les variables envisagées,
ble de la banque de données urbaines (possi- c’est-à-dire les définir, les nommer, en évaluer
Fr
bilité de faire machine arrière dans le
développement d’un module qui ne répondrait
pas tout à fait aux attentes ou aux pratiques de
l’intérêt intrinsèque (la variable suffit-elle à
donner une information pertinente ?) ou rela-
tif (avec quelle autre variable doit-elle être
l’agence). croisée pour donner une information perti-
e-
Un tel développement devrait se faire module nente?), en préciser les conditions techniques
par module, en précisant pour chacun de ceux et financières d’obtention initiale et de mise
qui sont en cours de développement, les liens à jour ultérieure, et identifier les personnes-
intéressants avec les modules existants. Le clés dans le dispositif (par exemple le direc-
-d
choix a été fait de privilégier la réalisation teur d’un service extérieur producteur d’une
rapide des modules les plus utiles, les plus donnée particulièrement utile ou l’interlocu-
faciles et les plus illustratifs des principes teur unique pour la récupération des données
méthodologiques élaborés lors de la mission. produites par un autre service de l’AUA).
île
L’objectif était de mobiliser plus fortement et Mené avec l’AUA, ce travail de caractérisation
durablement l’ensemble des personnes concer- des variables envisagées a été riche d’enseigne-
nées. ments pour l’Iaurif, à un moment où l’afflux de
nouvelles données statistiques en Île-de-France
rendait particulièrement nécessaire un travail
U
P. Zeiger/IAU îdF
ce
nette entre la ville nouvelle européenne et la la côte qui reliera les deux pôles portuaires de
Louis-Hubert Lyautey
cité traditionnelle. Il veut moderniser la ville, Casablanca et de Mohammedia, bordé par la
(1854-1934).
© Roger-Viollet tout en respectant les traditions existantes des création de l’autoroute Casablanca-Rabat. Il réa-
habitants des médinas. lise la percée de l’avenue des F.A.R., relançant
an
Lyautey fait appel à l’expérience de l’urbaniste le projet de quartier d’affaires proche du port,
Henri Prost, qui conçoit le plan d’urbanisme où se construisent « en peigne » de nouveaux
de Casablanca en 1915, puis ceux des autres bâtiments comme l’hôtel Marhaba d’Émile
grandes agglomération du pays : Rabat, Marra- Duhon en 1956, longtemps repère dans le pay-
kech, Fès et Meknès. À Casablanca, une partie sage de la ville.
Fr
des murs de l’ancienne médina est détruite
pour assurer le bon fonctionnement du port.
On installe les activités de l’ancienne ville dans
De 1946 à 1952, il mène la bataille contre les
bidonvilles et pour le logement social face aux
intérêts du grand capital. Ses plans de zoning
la partie européenne, qui va d’abord recher- sont approuvés en 1952.
e-
cher la proximité du port et du centre des Il est démis de ses fonctions en décembre 1952
affaires. L’administration française va favoriser par le général Guillaume. Il a exercé une grande
une organisation urbaine qui va se structurer influence sur la nouvelle génération d’archi-
en zoning avec deux centres névralgiques, la tectes qui sont entrés en scène à l’Indépen-
-d
création du port et celle de la gare ferroviaire. dance et a décrit son expérience dans un livre
De nouveaux quartiers apparaissent, comme Casablanca, le roman d’une ville.
Aïn Chock, ou les Habous, un exemple d’adap- Les réglements de 1952 seront appliqués
tation moderne des fonctions traditionnelles jusqu’en 1984, année de publication du nou-
île
ce
population urbaine sur la période 1950-2000.
La seconde partie montre comment les SIGNOLES Pierre (dir.) ; EL KADI Galila (dir.) ; SIDI
grandes tendances qui caractérisent l’urbani- BOUMEDINE Rachid (dir.) ; ARRIF Abdelmajid (collab.)
sation marocaine dépendent largement du L’urbain dans le monde arabe. Politiques,
an
niveau de développement économique, de instruments et acteurs
l’évolution des processus productifs et de la Paris, CNRS, 1999.
localisation des activités qui l’accompagnent. Les politiques d’habitat et d’aménagement
CA RB285 (2008:27) urbain connaissent depuis une dizaine d’an-
nées des transformations sensibles dont les
causes et les effets sont déjà repérables en
COHEN Jean-Louis ; ELEB Monique
Casablanca. Mythes et figures d’une aventure
urbaine
Fr
termes d’organisation, de structuration et de
fonctionnement des agglomérations urbaines
des pays arabes. Ni inventaire ni analyse systé-
Paris, Hazan, 2004. matique de toutes les transformations qui affec-
e-
Dans cet ouvrage abondamment illustré, les tent le champ de l’urbain, cet ouvrage propose
auteurs retracent l’évolution de Casablanca de une série d’éclairages et d’interprétations qui
1900 à 1960, période qui a vu la renaissance renouvellent l’approche de la question urbaine
d’un port et sa métamorphose en métropole. et des enjeux que représentent les villes et l’ur-
-d
Pour produire ce volumineux ouvrage, les banisation dans les territoires, les économies
auteurs se sont fondés sur une enquête de ter- et les sociétés, semblables par certains aspects,
rain, des entretiens, des recherches dans les profondément différents par d’autres.
archives, une enquête bibliographique, l’étude IA 40583 ; CA C10523 ; MA-ENA
des plans des bâtiments, l’examen des plans et
île
173
Bibliographie
BOUMAZA Nadir (dir.) le revers de l’Atlas et les portes du désert, les
Villes réelles, villes projetées. Villes maghrébines provinces sahariennes.
en fabrication CA C12166
Paris, Maisonneuve & Larose, 2006.
Les contributions de 39 auteurs spécialistes des
villes maghrébines et de l’urbanisme sont pré-
sentées dans cet ouvrage. Ils abordent la thé- Royaume du Maroc
matique de la fabrication urbaine, aussi bien La charte nationale de l’aménagement
du point de vue de la connaissance des pro- du territoire
cessus de fabrication spontanée ou planifiée, Rabat, Okad, 2001.
Dans une première partie, cet ouvrage présente
ce
que du point de vue de la construction de nou-
velles méthodes d’action en urbanisme. Ils les forces et faiblesses du territoire marocain
livrent un ensemble de réflexions fondamen- et expose les défis du développement et de
tales à partir des principaux paradigmes l’aménagement du territoire (développement
urbains, comme ceux de l’évolution de longue rural, marché de l’emploi, croissance urbaine,
ressources hydriques, lutte contre la dégrada-
an
durée, des modèles de croissance, de la forme
urbaine, des cultures, ou de la ville nouvelle. tion des milieux naturels, insertion dans la mon-
Les nombreux cas urbains présentés couvrent dialisation). La deuxième partie expose les
l’ensemble de la région et les principales principes de base, les grands axes et les orien-
métropoles urbaines. Ils représentent un état tations spatiales de l’aménagement du terri-
des villes au XXIe siècle. toire. La troisième partie décrit le cadre juri-
IA 47800 ; CDU 60556 ; CA C12916
Fr dique, les structures et organismes impliqués
dans l’aménagement du territoire, les instru-
ments de l’aménagement du territoire et du
développement durable, les modes d’action et
e-
SOUAFI Mohamed (préface) les outils de mise en œuvre.
CDU 62345
Maroc. Ministère de l’Aménagement du territoire, de
l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement
Fenêtres sur le territoire marocain
-d
sion ou à initier des réflexions qui permettront final. Analyse d’impact social et sur la pauvreté
d’améliorer l’approche et la conception de Maroc, Banque mondiale, 2006
cette organisation du territoire. Compte-rendu d’une étude portant sur l’effica-
IA 48731 ; MA-DU MDUAT1036 cité d’un programme destiné à la résorption
des bidonvilles au Maroc, sur l’adéquation entre
la formulation du programme et ses modalités
U
Paris, Maisonneuve & Larose-Rabat, Tarik, 2002. due des habitants des bidonvilles, et sur le
Basé sur des statistiques récentes, complété par caractère approprié des mécanismes d’accom-
de nombreuses cartes illustrant les thèmes pré- pagnement social et de participation de la
sentés, cet ouvrage se propose de montrer com- population. Une première partie présente le
ment le Maroc fonctionne à travers ses espaces, contexte politique et les orientations générales
ses hommes, son économie, ses aménage- de la réforme du secteur de l’habitat, les carac-
ments. L’auteur propose une approche du pays téristiques du programme Villes sans bidon-
à travers ses régions historiques, officielles et villes, son état d’exécution à la mi-2005, et les
économiques : le corridor urbain du littoral réformes du financement de l’habitat. La
moyen atlantique, les espaces satellites de Casa- seconde partie expose et commente les résul-
blanca (Chaouia et Doukkala), l’arrière-pays de tats de l’analyse d’impact social et d’impact sur
Rabat, Gharb et pays du Loukkos, la région de la pauvreté du programme et de ses instru-
Fès et celle de Meknès, le plateau des Phos- ments financiers, en se fondant notamment sur
phates et Tadla, la région sud-atlantique des une enquête menée dans six bidonvilles situés
Abda, les pays prérifains, le Moyen Atlas, l’es- à Agadir, Casablanca et Larache. Sont discutés
pace régional de Marrakech, la région de tran- les avantages probables et les impacts négatifs
sition sud-atlantique de Chiadma et Haha, la du programme. Sont enfin formulées des
péninsule de Tanger, le Rif oriental, le Souss- recommandations pour l’amélioration du pro-
Massa, le Rif central et occidental, le Haut Atlas, gramme.
le seuil oriental, les espaces steppiques de l’Est, CA C12810
174
Bibliographie
HAUW David touristique durable dans les pays du Sud. Le
Les opérations de relogement en habitat collectif cas de la mise en valeur des héritages naturels
à Casablanca. De la vision des aménageurs et construits dans la région de Fès (Maroc).
aux pratiques des habitants Apport de l’analyse environnementale et socio-
Tours, mémoire de doctorat de Géographie, université François économique à la mise en œuvre d’une stratégie
Rabelais de Tours, 2004.
du développement durable pour une région
Après avoir retracé l’histoire de Casablanca à
forestière dans la région de Sidi Bettache, pro-
travers les actions en faveur de l’habitat des
vince de Benslimane. Aménagement durable
classes les plus démunies et à travers le déve-
des territoires et réforme administrative en
loppement toujours plus rapide des quartiers
France.
insalubres dans la ville, ce mémoire développe
ce
2• Potentialités, ressources, vulnérabilité.
les procédures des projets de relogement
Évolution des formations forestières et pré-
actuels, tout en s’interrogeant sur leur carac-
forestières dans le Moyen Atlas central au cours
tère social. Enfin, les pratiques des habitants
des quarante dernières années (1962-2002). Le
sont examinées dans un environnement nou-
cas du causse de Sefrou et du Jbel Aoua sud.
veau : les complexes résidentiels.
an
IA 45997
Évolution récente de l’occupation des sols et
de la végétation dans le bassin Zraa-Tazouta
(Moyen Atlas central). Impact socio-spatial du
phénomène de désertification dans le Souss.
Rôle ambivalent de la culture du cannabis dans
LAPEZE Jean (dir.)
ALTUZARRA Amaia ; BENSAHEL Liliane ; COURLET Claude
Union européenne. Commission des Communautés
européennes
Fr
la dégradation des forêts du Rif centro-occiden-
tal. Le phénomène du pompage au Dadès : évo-
lution et impacts territoriaux. Techniques et
modes d’approvisionnement en eau domes-
Apport de l’approche territoriale à l’économie tique dans la commune de Khmiss Nagga (pro-
e-
du développement vince de Safi). Processus d’urbanisation et
Paris, L’Harmattan, coll. « La librairie des humanités », 2007.
accroissement des risques à Beni Mellal (Tadla-
Présentées à Rabat dans le cadre de la finalisa-
Azilal, Maroc) : apports des SIG et de la télédé-
tion du programme Tempus Omar et servant à
tection.
la mise en œuvre du master spécialisé Écono-
-d
ce
raines, bilan hydrique) et de la disponibilité de tigieux en méconnaissant les usages des habi-
l’eau au Maroc (relations entre alimentation en tants, qui leur sont étrangers. Ces derniers trou-
eau et urbanisation, évolution institutionnelle et vent avant tout dans la médina un habitat
cadre juridique de la gestion de l’eau), puis pro- accessible à soi et à tous. Les menaces d’aban-
posent une présentation détaillée de la distribu- don matériel et de récupération touristique qui
an
tion d’eau potable en délégation de service pèsent sur le quartier poussent les habitants à
public à Casablanca, puis à Tanger et Tétouan, faire valoir leur mode de vie comme élément
en s’intéressant notamment, dans ce dernier incontournable du patrimoine urbain.
cas, à l’accès à l’eau potable des populations CDU ; IA P.70
défavorisées.
CA C12535
Fr BELKZIZ Souad ; HICHAM Abdel-Karim
Maroc. Ministère de l’Aménagement du territoire,
MOULINE Saïd (dir.) de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement.
e-
Maroc. Ministère de l’Aménagement du territoire, Direction de l’architecture
de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement. Médina de Marrakech : étude architecturale
Direction de l’architecture et plan de sauvegarde
World Heritage in Morocco - Patrimonio mundial Rabat, direction de l’Architecture, 2001.
Présentant une analyse et un diagnostic de la
-d
176
Le site internet
de l’IAU île-de-France
www.iau-idf.fr
ce
an
Fr
e-
-d
île
U
IA
ce
an
Le Bassin parisien, Composer avec Stratégies métropolitaines
une méga-région ? l’environnement juin 2009
février 2010
France : 18 €
Étranger : 20 €
octobre 2009
France : 18 €
Étranger : 20 €
Fr France : 18 €
Étranger : 20 €
e-
n° 150 n° 149 n° 148
-d
île
U
IA