Sie sind auf Seite 1von 180

ce

an
Fr
e-
-d
île

Le Maroc
s’ouvre
U

e
au XXI siècle
IA

N° 154 - mai 2010


trimestriel
numéro double - 30 €
ISSN 0153-6184
www.iau-idf.fr
PUBLICATION CRÉÉE EN 1964 IAU île-de-France

L’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région


d’Île-de-France est une fondation nationale reconnue d’utilité
Directeur de la publication
François DUGENY publique par le décret du 2 août 1960.
Directrice de la communication Directeur général : M. François DUGENY
Corinne GUILLEMOT (01 77 49 76 16) corinne.guillemot@iau-idf.fr
Responsable des éditions
Frédéric THEULÉ (01 77 49 78 83) frederic.theule@iau-idf.fr Organisation
Rédactrice en chef Le conseil d’administration de l’Institut, composé de vingt-six
Sophie MARIOTTE (01 77 49 75 28) sophie.mariotte@iau-idf.fr
membres, est présidé par le président du conseil régional
Coordinateurs
Victor SAID (01 77 49 76 32) victor.said@iau-idf.fr d’Île-de-France, M. Jean-Paul HUCHON.
Pauline ZEIGER (01 77 49 78 51) pauline.zeiger@iau-idf.fr
Gwenaëlle ZUNINO (01 77 49 79 08) gwenaelle.zunino@iau-idf.fr
Secrétaire de rédaction Le conseil d’administration comprend :
Agnès FERNANDEZ
- treize membres du conseil régional d’Île-de-France pour la durée

ce
Presse
Catherine BRAMAT (01 77 49 79 05) catherine.bramat@iau-idf.fr de leur mandat dans ce conseil, ou leurs suppléants respectifs
Fabrication membres de ce conseil ;
Sylvie COULOMB (01 77 49 79 43) sylvie.coulomb@iau-idf.fr
- le président du conseil économique et social de la région Île-de-
Maquette, illustrations
Agnès CHARLES (01 77 49 79 46) agnes.charles@iau-idf.fr France ou son représentant, désigné parmi les vice-présidents
de ce conseil ;

an
Cartographie
Sylvie CASTANO (01 77 49 78 72) sylvie.castano@iau-idf.fr
Jean-Eudes TILLOY (01 77 49 75 11) jean-eudes.tilloy@iau-idf.fr - deux membres du conseil économique et social de la région
Biographies et bibliographies Île-de-France, désignés par lui, pour la durée de leur mandat
Christine ALMANZOR (01 77 49 79 20) christine.almanzor@iau-idf.fr
dans ce conseil, ou leurs suppléants respectifs membres
Médiathèque – photothèque
Claire GALOPIN (01 77 49 75 34) claire.galopin@iau-idf.fr de ce conseil, désignés en même temps et dans les mêmes
Aurélie LACOUCHIE (01 77 49 75 18)
Impression
Point 44
Couverture
Olivier CRANSAC (01 77 49 75 16)
aurelie.lacouchie@iau-idf.fr

olivier.cransac@iau-idf.fr
Frconditions ;
- quatre représentants de l’État, dont le préfet de la région
Île-de-France représentant le ministre de l’Intérieur, le directeur
régional de l’Insee représentant le ministre du Budget,
Photo : © Agostino Pacciani / www.agostino-reportages.com
e-
Commission paritaire n° 811 AD le représentant régional de l’Équipement d’Île-de-France,
ISSN 0153-6184 représentant le ministre chargé de l’Urbanisme
© IAU île-de-France
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés. Les copies, reproductions, citations et un représentant du ministre des Transports ;
intégrales ou partielles, pour utilisation autre que strictement privée et individuelle, sont illicites sans - les représentants des membres fondateurs : le gouverneur
autorisation formelle de l’auteur ou de l’éditeur. La contrefaçon sera sanctionnée par les articles 425 et
-d

suivants du code pénal (loi du 11-3-1957, art. 40 et 41). de la Banque de France, le directeur interrégional de la Caisse
Dépôt légal : 2e trimestre 2010
des dépôts et consignations, le président du directoire du Crédit
Diffusion, vente et abonnement :
Olivier LANGE (01 77 49 79 38) olivier.lange@iau-idf.fr foncier de France et la présidente du directoire du Crédit
France Étranger de l’équipement des PME ;
île

Le numéro : 18 € 20 €
Le numéro double : 30 € 32 € - le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris.
Abonnement pour 4 numéros : 72 € 84 €
(Étudiants, photocopie carte de l’année en cours, tarif 2009) : 50 €
Sur place : Missions
Librairie ÎLE-DE-FRANCE, accueil IAU - 15, rue Falguière, Paris 15e (01 77 49 77 40)
Organisme d’études du conseil régional d’Île-de-France, l’IAU îdF
Par correspondance :
INSTITUT D’AMÉNAGEMENT ET D’URBANISME DE LA RÉGION D’ÎLE-DE-FRANCE apporte en priorité son appui technique aux collectivités locales
15, rue Falguière - 75740 Paris Cedex 15
d’Île-de-France.
U

Abonnement et vente au numéro : http://www.iau-idf.fr

Il réunit un large éventail de compétences : aménagement urbain


Bulletin d’abonnement annuel et rural, environnement, transports, logement et mode de vie,
IA

Souhaite s’abonner pour un an (3 numéros + 1 numéro double) économie et développement local, équipements et foncier, santé.
aux Cahiers de l’IAU île-de-France
Nom Ses diagnostics et ses propositions permettent ainsi de préparer
Organisme les choix des élus régionaux et locaux avant de les traduire
Adresse en termes de projets.
Code postal Localité
Pays L’IAU îdF agit en partenariat avec d’autres opérateurs français
Mél. et étrangers à travers son système d’information géographique
Tarifs abonnement et sa médiathèque en réseau.
France : 72 € Étranger : 84 €
Étudiant : 50 € (photocopie de la carte de l’année en cours) Il exporte son savoir-faire à travers des contrats directs
Commande d’anciens numéros et des accords de coopération technique.
France : 18 € – n° d. : 30 € Étranger : 20 € – n° d. : 32 €
N° 153 N° 152 N° 151
N° 150 (n° double) N° 149 N° 148
France : 36 € Étranger : 38 €
Crédits photographiques
p. 1 : Jean-Luc Comier/le bar Floréal photographie/Région ÎdF
p. 2 : service de presse de l’Ambassade de France au Maroc
p. 4 : Christian Lauté
Éditorial
Île-de-France - Maroc :
développer un partenariat fructueux

La coopération décentralisée est une dimension majeure


de l’action internationale de la région Île-de-France.

Les nombreux partenariats établis dans des domaines


aussi variés que la culture, l’éducation et la formation,

ce
l’environnement ou la santé, l’aménagement
et les transports, le développement économique, mobilisent ainsi
les moyens humains et financiers des collectivités.
Ils visent le renforcement des capacités d’action de l’ensemble

an
des partenaires, la réalisation de projets porteurs et la mise en synergie
des acteurs sociaux et économiques au niveau national ou métropolitain.

Depuis plusieurs années, la région Île-de-France conduit des actions


en direction du Royaume du Maroc. Elles s’adressent notamment aux jeunes
Fr
grâce, par exemple, aux bourses d’études permettant aux étudiants
marocains de poursuivre un cursus de master dans un établissement
d’enseignement supérieur en Île-de-France.
e-
La région Île-de-France a toujours à cœur de développer les échanges
de savoirs et de compétences pour soutenir le développement, en mobilisant
son expérience, ses réseaux et son savoir-faire.
Ces échanges permettent aussi d’apprendre de la part de pays qui,
-d

comme le Maroc, font preuve de dynamisme et de créativité, et utilisent


la tradition comme socle de la modernité.
Au Maroc, de longue date, l’IAU île-de-France a su apporter sa pierre
île

à cet édifice.

L’IAU île-de-France a accentué sa mobilisation au service d’un urbanisme


durable en signant à Rio avec ONU Habitat un partenariat pour soutenir
la campagne mondiale pour le développement urbain durable. Au travers
de cet engagement, l’Île-de-France entend valoriser le rôle des acteurs
U

et des réseaux professionnels au service d’un développement responsable,


comme c’est le cas au Maroc où un Collège des architectes urbanistes
a été récemment créé.
IA

C’est cette action soutenue et pérenne de l’IAU île-de-France


et de ses partenaires que le présent numéro des Cahiers entend retracer.
Il servira, je le souhaite, de référence à tous ceux qui s’intéressent aux défis
et au renouveau des politiques urbaines et de logement au Maroc
et partout ailleurs dans le monde.

Jean-Paul Huchon
Président du conseil régional d’Île-de-France
Président de l’IAU île-de-France

1
Préface
Coopération franco-marocaine :
imaginons ensemble l’urbanisme de demain

La publication de ce Cahiers spécial de l’IAU île-de-France


consacré au Maroc est une excellente initiative qui intervient
à un moment important de l’histoire des villes au marocaines.
En effet, la population urbaine vient de dépasser celle qui vit
à la campagne et les autorités marocaines sont donc

ce
engagées dans la construction rapide de logements
pour répondre aux besoins croissants.
Il faut rappeler par ailleurs que le Maroc a su créer dès le début du XXe siècle
une dynamique architecturale et urbaine innovante et imaginative

an
qui ne s’est jamais démentie et qui a répondu aux nécessités
de sa modernisation et de son essor.
Dans ce double contexte, le Maroc est également attentif aux expériences
d’urbanisme que d’autres pays ont conduites, pour s’assurer en particulier
que les citoyens seront effectivement au cœur de la cité
Fr
et que les extensions urbaines ne deviendront pas des poches d’exclusion.
Les relations établies entre l’IAU île-de-France et ses partenaires marocains
prennent ainsi tout leur sens. Articuler transports publics et privés
pour favoriser la mobilité, construire des logements résidentiels et sociaux
e-
dans les mêmes zones pour assurer de la mixité urbaine, penser les espaces
verts et les aires de jeux et de sport pour la jeunesse, imaginer les emplois
au cœur de la cité pour éviter les déplacements trop longs,
tels sont les défis qui se posent aux autorités marocaines. La coopération
-d

entre l’IAU île-de-France et ses partenaires marocains, les réflexions


partagées entre professionnels, sont des réponses adaptées à ce contexte
de projection et de production urbaine intensive.
île

Bien sûr, c’est aux acteurs marocains qu’il appartient d’imaginer


et de construire leurs espaces à vivre de demain. Mais devant le risque
d’uniformisation et de solutions toutes faites, donc inadéquates,
le partenariat et le dialogue entre la France et le Maroc dans ces domaines
s’inscrivent dans notre longue histoire commune. Comme par le passé,
il pourra contribuer à l’invention de solutions proprement marocaines,
U

préservant l’âme des cités de ce pays tout en assurant un cadre de vie


agréable pour les futures générations.
En outre, à l’heure où le Maroc, sous l’impulsion de son Souverain,
IA

Sa Majesté le Roi Mohammed VI, s’est engagé dans une vaste


et profonde réforme de sa gouvernance territoriale comme du champ social,
les relations entre collectivités locales françaises et marocaines,
qui sont très vivaces, constituent un autre atout. En effet, la formation
des cadres des collectivités locales marocaines et des institutions
qui leur sont rattachées devient une priorité. La coopération décentralisée
franco-marocaine a, par conséquent, un nouveau champ d’application
dans l’appui à ce vaste mouvement de réformes et dans le renforcement
des compétences gestionnaires des villes marocaines.
Je salue donc l’initiative de l’IAU île-de-France qui permet d’avoir une vision
des défis posés au Maroc et des apports possibles de l’expertise française
pour contribuer à répondre, dans un esprit de coopération et de partage,
à la définition des solutions durables pour les villes marocaines de demain.

Bruno Joubert
Ambassadeur de France au Maroc

2
IA
U
île
-d
e-
Fr
an
ce

3
Avant-propos
IAU île-de-France - Maroc :
les enjeux de la métropolisation

L’IAU île-de-France mobilise compétences et ressources


pour transmettre son expérience et ses savoir-faire
dans le cadre de partenariats multiples, mais aussi
pour apprendre et comprendre les évolutions du monde
qui nous entoure, identifier les bonnes pratiques, assurer

ce
sa place dans le concert des grands bureaux d’expertise
nationaux et internationaux. Dans cette mobilisation, les partenariats noués
avec le Maroc tiennent une place particulière, du fait de leur ancienneté,
de leur intensité, de leur durabilité.

an
Cette continuité a couvert des situations bien différentes, le Maroc
et l’Île-de-France ayant connu des évolutions profondes de leurs contextes
institutionnels, économiques, sociaux, environnementaux. Aujourd’hui,
le Maroc développe une stratégie de mise à niveau généralisée
Fr
de ses infrastructures et de ses services urbains. L’enjeu est triple : assurer
le développement humain en luttant contre la pauvreté, organiser
une gouvernance multi-acteurs pour articuler contraintes publiques
et recouvrement des coûts, et assurer la coordination des projets
e-
de développement territorial dans le cadre de la décentralisation.
Ce moment nous a semblé opportun pour porter un regard
sur les évolutions qui sont en cours aux plans national et régional,
sur leurs articulations avec les grandes tendances à l’œuvre au niveau
-d

international. C’est aussi l’occasion de développer dans ce numéro


des Cahiers de l’IAU île-de-France ce qui a constitué la matière autour
de laquelle se sont noués les partenariats actifs entre notre institut
île

et l’ensemble de nos interlocuteurs marocains.

En donnant la parole à ces partenaires, à des experts, à ceux de l’institut


qui se sont mobilisés auprès des institutions, des villes et des territoires
du Maroc, ce numéro des Cahiers a certes pour ambition de retracer
plusieurs dizaines d’années de coopération fructueuse entre notre institut
U

et le Maroc, mais aussi et surtout de donner à comprendre et à voir


les enjeux auxquels les métropoles marocaines, comme nombre d’autres
métropoles du monde, sont confrontées : nécessité d’accueillir rapidement
IA

des populations de plus en plus nombreuses engendrant une urbanisation


accélérée, développement de nouveaux moyens de transport, réalisation de
nouveaux programmes d’équipements, prise en compte des problématiques
environnementales, notamment celles liées aux risques. Autant de sujets
auxquels les villes européennes ont dû répondre lorsqu’il s’est agi
d’adapter les villes traditionnelles aux besoins générés par l’émergence
de sociétés nouvelles.

François Dugeny
Directeur général de l’IAU île-de-France

4
Prologue Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle


Aspirer à la modernité en s’attachant à une forte identité propre est une tradition
bien marocaine.
À travers son histoire et sa situation géopolitique, le Maroc a su s’adapter à l’évolu-
tion du contexte régional et international pour se positionner sur l’échiquier mon-
dial en jouant souvent un rôle d’avant garde.
Le pays se transforme en même temps avec un mouvement perpétuel de passage

ce
de la ruralité à l’urbanité. Si ce phénomène a démarré au VIIIe siècle avec la création
de la ville (médina) de Fès, il connaît depuis la deuxième moitié du siècle dernier
une accélération. La vie urbaine n’est donc pas récente dans un Maroc qui a vu sa
capitale déménager au gré des civilisations entre Fès, Marrakech, Mekhnès et Rabat.

an
Cette diffusion de la culture urbaine à travers le temps et l’espace a doté le pays
d’une armature urbaine variée capable de structurer le vaste territoire national.
Dans ce contexte, les villes marocaines se sont développées rapidement, par des
extensions difficilement maîtrisables. Désormais, pour faire face aux enjeux du nou-
veau siècle, l’essor du pays se joue essentiellement par la métropolisation de ses
Fr
grandes villes. La mondialisation, la concurrence internationale, la crise énergé-
tique, le changement climatique, la maîtrise du développement urbain dans une
vision de durabilité sont aujourd’hui autant d’enjeux auquel le pays doit répondre.
La volonté politique exprimée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI place l’Homme
e-
et son épanouissement au premier rang des objectifs nationaux. L’habitat digne
prôné par Sa Majesté se traduit par la politique nationale des Villes sans bidonvilles
et par le développement massif de l’habitat social, l’amélioration des conditions de
vie de la population la plus vulnérable trouve son écho à travers l’initiative nationale
-d

de développement humain et le développement durable s’invite dans les réformes


en cours. Le Maroc se transforme rapidement pour répondre aux nouveaux besoins
de sa population et se prépare dans tous les domaines pour se confronter aux défis
du XXIe siècle.
île

Ce numéro des Cahiers consacré au Maroc se veut une contribution à la fois


démonstrative des expériences et analytique des dynamiques de transformation et
des réformes qui sont à l’œuvre pour moderniser le pays.
Pour se préparer à pénétrer le nouveau siècle avec les atouts d’un pays ancré soli-
dement dans ses valeurs et son territoire mais aussi ouvert pleinement à la mondia-
U

lisation, cette contribution cherche à clarifier la complexité des mécanismes et la


portée des réformes récentes. Ceci, grâce à des contributions que les hauts respon-
sables marocains ont bien voulu accorder ainsi que celles des acteurs de la société
IA

civile et de chercheurs passionnés. En outre, la riche expérience partagée entre


l’IAU îdF et les agences urbaines ainsi que les directions de l’aménagement du ter-
ritoire et de l’urbanisme au Maroc met en lumière et jalonne le travail d’exploration
des solutions adaptées aux différentes problématiques en commun entre la France
et le Maroc.
Dans sa première partie, ce numéro des Cahiers retrace l’évolution urbaine depuis
le début du XXe siècle à nos jours et démontre l’aspiration et la préparation à la
métropolisation des grandes villes marocaines. La deuxième partie jette en perspec-
tive des regards croisés sur le Maroc de demain en regroupant les contributions en
six thématiques transversales. La troisième partie développe des exemples de la
panoplie des actions de coopération de l’IAU îdF depuis presque trente ans avec
les différents partenaires marocains.
Nous espérons que cette publication sera un jalon supplémentaire pour avancer
ensemble et prolonger les relations de coopération entre l’IAU îdF et ses parte-
naires marocains.

Victor Said
IAU île-de-France
5
Sommaire
Éditorial : Île-de-France - Maroc :
développer un partenariat fructueux
Jean-Paul Huchon ............................................. 1 Le Maroc
Préface : Coopération franco-marocaine :
imaginons ensemble l’urbanisme de demain en perspective :
Bruno Joubert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Avant-propos : IAU île-de-France - Maroc : regards croisés
les enjeux de la métropolisation
François Dugeny .............................................. 4 LES POLITIQUES URBAINES À L’ŒUVRE

Prologue : Le Maroc s’ouvre au XXI siècle e


Villes sans bidonvilles, une priorité nationale

ce
Victor Said ................................................... 5 Interview de Ahmed Taoufiq Hejira . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
Le Maroc d’aujourd’hui : dynamisme et ouverture Les villes nouvelles marocaines
Philippe Louchart, Jean-François Saigault ..................... 8 Abderrahmane Chorfi ....................................... 51
Réintégration des médinas

an
dans la dynamique des villes
Asmae Sedjari ............................................... 54

QUAND L’ÉCONOMIE FAÇONNE LE TERRITOIRE

Les enjeux territoriaux de l’économie marocaine


Fr Abdelaziz Adidi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

L’âme des villes,


vecteur du développement touristique du littoral
59

Interview de André Azoulay 63


e-
.................................

Une armature commerciale en pleine évolution


Kawtar Tazi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
Retour à la Méditerranée : Tanger Med en pointe
-d

Jean-François Saigault, Pauline Zeiger, Gwenaëlle Zunino ... 69

VERS UNE MOBILITÉ DURABLE

L’évolution urbaine
île

Articulation urbanisme-transports
dans le Grand Rabat
Mohamed Aouzaï ........................................... 72
du Maroc : Rabat-Salé : le tramway pilote du Maroc
Loubna Boutaleb ............................................ 74
d’un siècle à l’autre Trame urbaine de Casablanca et mobilité durable
U

Pierre Mayet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

LE DÉVELOPPEMENT URBAIN DU XXe SIÈCLE


Mobilité et urbanité :
les défis du PDU de Casablanca
IA

De la médina à la « ville européenne » au Maroc ... 15 Paul-Richard Marsal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78


Jean-François Troin
Le Maroc face au défi logistique
L’explosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècle Lydia Mykolenko ............................................ 80
Rachid Ouazzani ............................................ 21
L’ENVIRONNEMENT : L’ENJEU DE L’AMÉNAGEMENT DE DEMAIN
Retour à la planification urbaine au Maroc
Abdelhai Bousfiha ........................................... 25 Les villes marocaines face au changement climatique
Anthony Gad Bigio .......................................... 84
À LA RECHERCHE DE LA MÉTROPOLISATION
Une réglementation parasismique pour le Maroc
Une nouvelle approche de la planification stratégique Hayat Sabri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
François Dugeny, Victor Said ................................ 30
Les défis de l’eau : le bassin du Souss
Casablanca : laboratoire de l'évolution urbaine Christian Thibault ........................................... 89
Pauline Zeiger, Gwenaëlle Zunino ........................... 33
Des plans verts pour les villes marocaines
Marrakech : la métropolisation d’une cité royale Nelly Barbieri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
Victor Said .................................................. 37
Développement et gouvernance
Rabat-Salé, ville capitale des services publics urbains
Mohamed Aouzaï, Jean-Pierre Palisse ........................ 39 Claude de Miras . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
6
Sommaire
VERS UNE APPROCHE GLOBALE DE LA QUALITÉ DE VIE Requalification et renouvellement urbain
du centre d’Agadir
La qualité urbaine face aux enjeux de la ville de demain
Gérard Abadia .............................................. 149
Allal Sakrouhi ............................................... 97
Le parc de Souss-Massa,
La qualité architecturale,
territoire d’exception à l’équilibre fragile
une tradition qui se perpétue
Christian Thibault ........................................... 152
Omar Farkhani .............................................. 100
Agadir : rétrospective sur le Sdau et les cités nouvelles
La place des quartiers Art déco
Nelly Barbieri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155
dans les villes d’aujourd’hui
Abderrahim Kassou ......................................... 104 Fès : articuler la médina avec son environnement
Anne-Marie Roméra, Victor Said, Christian Thibault ......... 157
Le patrimoine au Maroc :

ce
l’enjeu identitaire à travers l’histoire
Salima Naji .................................................. 107 OBSERVER, ANALYSER ET DÉCIDER : LES OUTILS ADAPTÉS

Un centre de documentation
ADAPTATION DES OUTILS JURIDIQUES ET INSTITUTIONNELS pour la direction de l’Urbanisme

an
Évolutions institutionnelles, Linda Gallet, Micette Hercelin ............................... 162
décentralisation et jeu d’acteurs Des observatoires urbains pour comprendre et agir
Ministère de l’Intérieur du Maroc ........................... 111 Agnès Charousset ........................................... 164
Aménagement du territoire : Les SIG au service de l’urbanisme
du stratégique à l’opérationnel et de l’aménagement au Maroc
Abdelouahed Fikrat

Le développement durable
dans la réforme de l’urbanisme
.........................................
Fr
115 Michel Hénin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le système d’information géographique,


un outil de planification et d’évaluation
166

Hafida Aarab 118 168


e-
................................................ Sophie Foulard ..............................................

Les statuts complexes d’un foncier rare Tableaux de bord et gestion des documents
Azzeddine Hafif ............................................. 120 d’urbanisme
Laurie Cransac, Nicolas Laruelle ............................. 169
-d

30 ans de coopération
île

avec le Maroc
DES ACTIONS PARTENARIALES ADAPTÉES AUX TERRITOIRES

La vallée du Bouregreg :
U

plaidoyer pour un développement durable


Jean-Louis Pagès ............................................ 127
Plan de référence pour l’aménagement
IA

de la vallée du Bouregreg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129


Salé : redynamiser la médina en la sauvegardant
Anne-Marie Roméra, Jean-Pierre Palisse ..................... 130
Salé : intégrer l’habitat irrégulier
dans une vision d’agglomération
Étienne Berthon ............................................. 133
Grand Casablanca : le Sdau en appui
au projet métropolitain
Victor Said .................................................. 136
Quelle stratégie d’aménagement
pour le littoral de Casablanca ?
Gwenaëlle Zunino . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140
Casablanca : intégration du grand projet urbain d’Anfa Ressources
Pierre Mayet, Victor Said, Bertrand Warnier ................. 142
Satama : référentiel pour la métropole d’Agadir Biographies ................................................ 172
Abdelillah Laslami, Victor Said ............................... 145 Bibliographie .............................................. 173
7
Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010

Le Maroc d’aujourd’hui :
Philippe Louchart dynamisme et ouverture
Jean-François Saigault
IAU île-de-France

Les grandes tendances actuelles


laissent entrevoir que le « système
monde » va accélérer la mise
en relation des différentes parties
du globe et s’appuyer sur une nouvelle

ce
répartition des richesses, avec le risque
d’une marginalisation de quelques
espaces géographiques. Face

an
à cette concurrence, le Maroc opère de
grands changements, au prix d’efforts
significatifs, en définissant de nouvelles
J.-F. Saigault/IAU îdF
Fr stratégies de modernisation et de
développement humain.
e-
e Maroc a précocement engagé une poli- seulement au Maghreb et en Afrique, mais aussi

L
Le Maroc a mis en place
de nombreuses stratégies tique de modernisation, dans tous les dans toute la région méditerranéenne, le parte-
nationales visant à renforcer domaines, en optant pour une ouverture nariat avec le Maroc a une valeur fondamentale
son développement économique vers l’extérieur, une insertion dans l’économie pour l’UE. Dans ce sens, le Maroc a signé un
-d

et humain, ainsi que son mondiale et une accélération des réformes ces accord d’association avec l’UE, entré en vigueur
positionnement international. dix dernières années. en 2000, et a obtenu en octobre 2008, le très
convoité « statut avancé ». Le Maroc est le pre-
Les ambitions du Maroc mier pays à bénéficier de ce statut qui constitue
île

dans la course mondiale une reconnaissance des réformes politiques et


Afin de se positionner sur la scène internatio- économiques engagées par le Royaume, et
nale, de s’intégrer dans l’économie mondiali- dresse une feuille de route avec un ensemble
sée et d’accroître sa compétitivité, le Royaume de propositions dans les champs politique,
a fait des choix stratégiques d’ouverture de humain et économique. En matière écono-
U

l’économie, de libéralisation des échanges et mique et sectorielle, celles-ci visent à l’harmo-


d’intégration régionale. nisation législative et réglementaire et à l’ap-
La volonté de renforcer les relations bilatérales profondissement des relations commerciales à
IA

et multilatérales s’est traduite par la multiplica- travers un accord de libre-échange couvrant


tion d’accords de libre-échange, tant avec les de nouveaux domaines (marchés publics,
pays voisins qu’avec des pays lointains repré- droits de la propriété intellectuelle, mouve-
sentants de fortes opportunités (États-Unis, ments des capitaux, concurrence, développe-
ALE(1), Turquie), notamment en ratifiant les ment durable, etc.). Enfin, le Maroc est le pre-
accords du GATT(2) en 1994. Ainsi, le Maroc a mier bénéficiaire des fonds d’aide européenne
intégré le processus d’Agadir (Tunisie, Égypte et prévus pour la période 2007-2010 dans le cadre
Jordanie) et la Grande zone arabe de libre- de la PEV.
échange (18 pays arabes du Maghreb, d’Afrique
et du Moyen-Orient). Le Royaume a pour ambition d’assurer sa stabi-
Un volet important de cette stratégie d’intégra- lité économique et financière, et d’améliorer le
tion régionale est la constitution de liens privi- climat d’affaires ; il a, pour cela, entamé de nom-
légiés avec l’Union européenne (UE). Le Maroc breuses réformes qui se poursuivront au cours
s’est toujours distingué par sa vision et sa force
de proposition au sein de la politique euro- (1) Association européenne de libre-échange comprenant
péenne de voisinage (PEV) comme du Proces- l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse.
(2) General Agreement on Tariffs and Trade. Ce texte a été
sus de Barcelone (Union pour la Méditerra- suivi, en 1995, par la création de l’Organisation mondiale du
née). Compte tenu du rôle qu’il joue non commerce (OMC).
8
des prochaines années. Par ailleurs, sa volonté Enfin, des initiatives dans les domaines de la « D’après un classement établi sur les
d’atteindre les standards internationaux et de logistique, des transports terrestres et portuaires publications scientifiques acceptées dans
les revues internationales entre 2004
renforcer sa compétitivité s’est traduite par un notamment, vont accentuer le positionnement
et 2008, dans 21 disciplines, par Thomson
ambitieux programme d’investissements por- du Maroc à l’international : la réalisation d’un Reuters, une douzaine de pays africains,
tant notamment sur l’énergie, les infrastructures réseau autoroutier performant, et comprenant disposent de capacités scientifiques
de transport, les équipements, particulièrement l’autoroute transmaghrébine, permettra de significatives. Parmi les pays francophones,
l’assainissement, et l’accès à l’eau. relier les grandes agglomérations marocaines. le Maroc se distingue en arrivant deuxième
pour les mathématiques. »
La création de Tanger Med 1 et 2, ports de nou- Source : L'Afrique se réveille.
La stratégie nationale de positionnement velle génération, ainsi que la réalisation d’un Les Echos, 29 avril 2010.
et de modernisation troisième port de standard international dans la
Les transformations imposées par le processus région de l’Oriental, Nador West Med, contri-
de mondialisation ont donc nécessité d’impor- bueront au rééquilibrage national.
tantes réformes structurelles, sociales et institu-

ce
tionnelles, visant à la modernisation du pays. Une mutation multifacette
De nombreuses actions ont été menées afin de la société marocaine
d’établir un état de droit comme socle du déve- Le développement du pays et son urbanisation
loppement du Royaume, et de corriger les dis- ont été accompagnés de mutations profondes

an
parités sociales et régionales (Initiative natio- de la société et des modes de vie de la popula-
nale pour le développement humain, INDH). tion. Ces évolutions sont notamment allées de
Des réformes structurelles massives ont été pair avec une scolarisation massive et prolon-
mises en œuvre afin de renforcer la compétiti- gée des nouvelles générations, en particulier
vité des entreprises et de libéraliser l’écono- des filles, le recul régulier de l’âge du mariage,
mie. Sur ce dernier point, les réformes ont été
particulièrement marquées : privatisation des
entreprises publiques et décentralisation ; pro-
Fr
l’usage croissant de moyens contraceptifs et
l’exercice de plus en plus fréquent d’une acti-
vité professionnelle en dehors du foyer pour
motion des investissements nationaux et inter- les femmes.
e-
nationaux ; réforme du secteur financier et de La diffusion des valeurs modernes dans la
la fiscalité ; libéralisation du contrôle des société marocaine via l’école publique ou l’ac-
changes, du commerce extérieur et des prix ; cès massif aux médias audiovisuels, surtout en
abaissement des barrières douanières ; encou- ville, est indéniable. L’évolution du droit maro-
-d

ragement de la concurrence et libéralisation cain témoigne par ailleurs d’un effort politique
de secteurs-clé, tels que les télécommunica- constant pour faciliter ces transitions. La
tions, le transport routier de marchandises et réforme récente du code de la famille, adop-
l’électricité. tée en 2004, consacre des droits et des obliga-
île

La définition de projets économiques « por- tions fondés non seulement sur le principe

V. Said/IAU îdF
teurs » et les choix politiques ont permis de des- d’égalité entre l’homme et la femme, mais éga-
siner les grands objectifs de marche du lement et essentiellement sur la volonté de
Royaume. Des actions nationales et sectorielles garantir les droits de l’enfant et de préserver la
sont venues appuyer cette stratégie : la Vision cohésion de la famille. Cette réforme fait du La scolarisation massive
U

2020, le plan Azur et le plan Biladi pour le tou- Maroc l’un des pays les plus progressistes de la et prolongée des nouvelles
risme ; le plan Rawaj pour le commerce et le région et ceci, même si les mentalités évoluent générations permet la diffusion
plan Maroc vert pour l’agriculture. Dans l’indus- plus lentement que le droit. de valeurs modernes.
IA

trie, le plan Émergence définit les priorités éco-


nomiques dans les domaines de l’offshoring, Une urbanisation galopante
de l’automobile, de l’aéronautique, de l’électro- à maîtriser d’urgence
nique, du textile et du cuir, de l’agroalimentaire, Le territoire marocain a connu une urbanisa-
de la transformation de produits de la mer et de tion massive depuis la deuxième moitié du
l’artisanat. Il a été suivi récemment par le plan XXe siècle, en particulier le long du littoral. Le
Envol, qui recommande l’orientation vers de milieu urbain accueille aujourd’hui 56 % de la
nouvelles filières comme les biotechnologies, population du Maroc, contre 29 % en 1960. En
les nanotechnologies, la recherche et dévelop- moins de 50 ans, la population s’est accrue de
pement. près de 20 millions d’habitants, dont environ
Le Maroc s’est également engagé dans une poli- 70 % (14 millions) se sont installés en ville. Si la
tique d’aménagement de pôles de compétiti- population du pays a été multipliée par 2,7
vité structurés autour de projets de coopéra- durant cette période pour atteindre 31 millions
tion technologique. Il s’agit d’une volonté d’habitants en 2009, celle des villes a été multi-
stratégique visant à fortifier chaque territoire à pliée par 5,1, contre 1,7 dans les zones rurales.
partir de réseaux d’acteurs mobilisés autour Le nombre et la taille des villes marocaines
d’objectifs de compétitivité et d’attractivité n’ont cessé de progresser depuis 1960 : on
communs. dénombrait 350 villes en 2004, dont 54 comp-
9
Le Maroc d’aujourd’hui : dynamisme et ouverture
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010

Découpage administratif du Maroc en 2009


Source de données : Ministère de l’Intérieur du Maroc, 2009
Cartographie : Direction de l’Aménagement du Territoire
Carte fournie par l’administration marocaine

ce
an
Fr
e-
limite de commune
limite de province ou
préfecture
-d

limite de région
île
U
IA

Découpage administratif selon le code réglementaire du Royaume du Maroc


Oued ed-dahab-lagouira Grand Casablanca
Laayoune-boujdour-sakia el hamr Rabat-sale-zemmour-zaer
Guelmim-es-semara Doukala-Abda
Souss-massa-draa Tadla-Azilal
Gharb-chrarda-beni-hssen Meknes-Tafilalet
Chaouia-Ouardigha Fes - Boulemane
Marrakech-tensift-al-haouz Taza-al hoceima-taounate
Oriental Tanger-Tetouan

10
tent aujourd’hui plus de 50 000 habitants. développement humain », paru en octo- Le Maroc dans le monde
Cette urbanisation massive, notamment à la bre 2009, témoigne de la persistance d’un déca- Le Maroc figure à la 118e place mondiale
périphérie des grandes villes, a été, d’une part, lage entre le développement économique et le en termes de revenu par habitant alors
qu’il est relégué au 130e rang pour l’indice
largement spontanée, avec le développement développement social du Maroc : certains indi- de développement humain (IDH)
de l’habitat non réglementaire et, d’autre part, cateurs sociaux tels que l’indice de dévelop- et même au 150e rang pour le seul
facilitée par la multiplication des dérogations pement humain (IDH) sont inférieurs à son indicateur d’éducation. À l’inverse,
accordées. Les programmes récents de positionnement économique, et d’autres sont d’autres indicateurs classent le Maroc
construction de logements sociaux ou de villes nettement au-dessus (malnutrition, espérance à un niveau parfois bien supérieur
à son développement économique
nouvelles ont également renforcé la tendance de vie). L’insuffisance de la croissance écono- (entre le 62e et le 98e rang), notamment
à l’urbanisation du pays. Néanmoins, l’accom- mique du Maroc explique pour partie ce déca- l’espérance de vie, la malnutrition
pagnement de cet important phénomène s’est lage, mais pour partie seulement. infantile, l’indice de pauvreté humaine ou
fait sans vision globale inscrite dans le temps. l’indice sexospécifique du développement
Il en résulte une faible mixité sociale et fonc- Des politiques nationales et sectorielles humain – qui mesure la place des femmes

ce
dans la société.
tionnelle dans ces espaces périphériques, cou- favorables au développement humain
plée à une insuffisance d’équipements et de Les travaux menés par le HCP intitulés « Pros-
services, publics ou privés. pective Maroc 2030 » indiquent que le scéna-
À l’horizon 2030, les simulations réalisées par rio de l’efficience économique prioritaire qui

an
le Haut-commissariat au Plan (HCP) condui- conduirait à une croissance annuelle du PIB
sent à une stabilité en volume de la popu- de 6 % l’an ne constitue pas une option viable
lation rurale (aux alentours de 13 millions à long terme sur le plan social ou écologique.
d’habitants) et à une hausse continue de la L’avenir souhaité, celui de l’émergence, conduit
1998 2009
population urbaine (+ 7 millions d’habitants a à une croissance un peu plus modérée du PIB
Population 27,8 31,6
minima). Cette évolution suppose le renforce-
ment et la multiplication des polarités urbaines
en milieu rural, et la structuration des espaces
Fr
(5,5 % l’an), mais s’accompagne d’une forte
réduction du chômage et de la pauvreté. Ce
scénario passe notamment par une ouverture
(en millions d’habitants)
PIB/hab (parité de pouvoir
d’achat) en dollars
2575
(2008)
2769
(2008)
métropolitains à l’échelle des régions dans une maîtrisée et progressive de l’économie maro- Investissements directs étrangers 0,4 2,46
e-
vision de long terme. Faute de quoi, la pression caine à la mondialisation, une diversification (en milliards de dollars) (2008)

FMI, PNUD, CNUCED, Unicef, Banque mondiale


constante de la demande continuera d’entrete- des partenaires extérieurs, une réforme pro- Espérance de vie à la naissance 67 ans 71 ans
nir les multiples formes de spéculation autour fonde de l’éducation et de la formation, ainsi Taux d’alphabétisation
du foncier urbain – facilitée par l’absence d’un qu’un meilleur ciblage et un partage plus équi- des adultes (% de la population 47,1 55,6
-d

droit de préemption –, avec le risque d’accen- table des charges du développement social de plus de 15 ans)
tuer la dualisation de la société marocaine et entre les différents acteurs. Il permettrait au Taux de mortalité maternelle
d’entraver son développement équilibré à long Maroc de se rapprocher, à l’horizon 2030, de (pour 100000 naissances 230 240
terme. l’actuel PIB par tête des pays aujourd’hui émer- vivantes) (2005)
île

Pour limiter l’exode rural qui en résulterait et la gents.


pression déjà forte sur les villes existantes, le
développement des bourgs paraît un enjeu fort Le choix du développement humain
pour fixer une population de moins en moins pour construire l’avenir
agricole, mais qui continuera à vivre en milieu Le Maroc a clairement pris conscience que le
U

rural. Ceci, au même titre que la préservation développement du capital humain est un enjeu
et la reconquête des milieux naturels dégradés, majeur pour lui permettre d’avancer dans la
une gestion plus efficace et plus équitable des voie du développement économique et dura-
IA

ressources en eau et une réflexion sur la voca- ble. Sa Majesté le Roi Mohammed VI soutient
tion des terres à l’échelle du Maroc dans son depuis plusieurs années une vision à forte
ensemble, et dans chaque région. orientation sociale, à l’origine de nombreuses
La structuration des tissus urbains et ruraux à politiques nationales récentes (la Charte natio-
l’échelle des régions métropolitaines constitue nale pour l’éducation et la formation, la straté-
l’autre face de cet enjeu ; il s’agit de penser gie d’alphabétisation, l’Initiative nationale pour
en même temps et dans la durée, le déve- le développement humain, le programme Villes
loppement économique, la consommation/ sans bidonvilles, etc.) ou de projets d’envergure
préservation du capital naturel ainsi que le (Tanger Med, plan Azur, etc.). Les déficits en
développement humain, et ce, à la bonne matière de développement humain sont ainsi
échelle. clairement identifiés et reconnus, et leur résorp-
tion assimilée à un investissement consenti par
Des classements mitigés la nation.
au niveau mondial
En dépit de toutes ces avancées, le Maroc fait
aujourd’hui face à de multiples enjeux et défis,
notamment en matière de développement
humain. Le dernier « Rapport mondial sur le
11
IA
U
île
-d
e-
Fr
an
ce
L’évolution urbaine

ce
du Maroc :
d’un siècle à l’autre

an
Fr
Mettre en perspective la ville d’aujourd’hui au regard
de l’évolution urbaine depuis le début du XXe siècle,
c’est comprendre les transformations propres à chaque
période pour anticiper les possibilités d’adaptation
e-
aux exigences de la vie urbaine du XXIe siècle.
Analyser les caractéristiques des villes européennes,
juxtaposées aux médinas, et les interactions mouvantes,
-d

c’est mettre en lumière la recherche de modernité,


en dialogue avec l’identité et le riche patrimoine urbain,
architectural et culturel.
île

Explosion urbaine de la deuxième moitié du siècle dernier,


prolifération des bidonvilles, transformation et densification
des médinas : autant de phénomènes que les autorités
marocaines ont essayé de maîtriser à travers
U

des politiques et des structures publiques adéquates.


Ainsi, au début des années 1980, un retour
à la planification urbaine a été opéré, donnant lieu
IA

à une nouvelle génération de documents réglementaires.


Aujourd’hui, le positionnement international,
le développement humain et économique et la recherche
de l’image des grandes villes marocaines s’inscrivent
parfaitement dans leur aspiration à la métropolisation.

13
Le développement
urbain du XXe siècle

ce
an
De la médina
à la « ville européenne » au Maroc
Fr 15

L’explosion urbaine
e-
de la seconde moitié du XXe siècle 21

Retour à la planification urbaine


-d

au Maroc 25
île
U
IA
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Le développement urbain du XXe siècle

De la médina à la « ville
européenne » au Maroc
Jean-François Troin(1)
Université de Tours

Dans la première moitié du XXe siècle,


ont été créées au Maroc des villes
nouvelles juxtaposées aux médinas,
pour loger la population européenne
et respecter patrimoine et traditions

ce
locales. Elles incarnaient un nouvel
aménagement esthétique
et fonctionnel, basé sur des plans

an
d’urbanisme aux conceptions les plus
modernes. Comment leurs rapports
ont-ils évolué au fil du temps
Fr Virtual Earth et des usages ? Quel est leur avenir
face à la rareté du foncier ?
e-
Ville nouvelle », « ville européenne », « ville de nos jours, une étonnante diversité. Dans la

«
À Rabat, comme dans de nombreuses
villes marocaines, la dichotomie occidentale », « ville coloniale », la termino- plupart des grandes villes, se trouvent ainsi
entre médina et ville européenne logie utilisée pour désigner les nouveaux juxtaposés à un noyau historique appelé
est encore visible dans le tissu quartiers édifiés sous le Protectorat, installé au médina(3) une ville ex-européenne bâtie lors du
-d

urbain. Maroc à partir de 1912, est quelque peu floue. Protectorat, des quartiers d’immeubles et de vil-
La réalité de ces ensembles bâtis est pourtant las récents post-Indépendance, des cités de
bien réelle : de vastes quartiers d’immeubles, logements sociaux de diverses époques, des
de villas, d’édifices publics se dressent de Tan- zones d’autoconstruction (urbanisation non
île

ger à Agadir et de Rabat à la frontière algé- réglementaire) envahissantes et des bidonvilles


rienne, remarquables par leur architecture, sans cesse renouvelés.
leurs dimensions et leurs formes métissées. Un Cependant, ce qui frappe avant tout au Maroc,
moment rejeté par les Marocains comme par comparaison avec d’autres pays maghré-
témoin inacceptable de la période du Protecto- bins et surtout avec l’Algérie voisine, c’est l’im-
U

rat(2), ce bâti est aujourd’hui mieux perçu et portance des tissus de médinas que les Euro-
mieux intégré au patrimoine national. Certains péens tinrent à l’écart de leurs projets de
immeubles sont, depuis peu, protégés et font constructions. En effet, alors qu’Alger, Constan-
IA

partie intégrante d’un héritage progressivement tine et Tunis connurent des modifications d’en-
accepté. Les pressions spéculatives sont fortes, vergure qui portèrent atteinte à leur intégrité, les
leur entretien de ce bâti pose néanmoins pro- médinas marocaines furent relativement épar-
blème et interroge sur la sauvegarde de ce gnées par le Protectorat. Des mesures de protec-
patrimoine architectural. tion, voulues par Lyautey(4), vont leur être appli-
quées dès 1913 par souci de conservation du
Médina et ville nouvelle européenne : patrimoine bâti et de séparation entre la «vieille
un doublet urbain en opposition ville » et la « ville nouvelle ».
Il faut dire que la différence entre ville arabe et Curieusement, lors de l’Indépendance (1956),
ville occidentale, qui était manifeste au début les médinas seront à nouveau perçues par les
du XXe siècle, n’est plus aujourd’hui la seule responsables politiques du pays « comme les
composante de la ville marocaine. La ville ex-
coloniale est aujourd’hui noyée dans une (1) Jean-François Troin est géographe et professeur hono-
raire à l’université de Tours.
masse urbaine étendue et complexe qui l’en- (2) Certains ensembles, comme le théâtre municipal de Casa-
serre et la digère presque. blanca, ont même été détruits après l’Indépendance et, plus
En effet, forte d’une longue histoire, la ville récemment, le marché couvert de Marrakech a disparu sans
susciter beaucoup de réactions.
marocaine contemporaine accumule des (3) Médina signifie ville en arabe.
strates successives d’urbanisation et présente, (4) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p. 172.
15
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le développement urbain du XXe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 De la médina à la « ville européenne » au Maroc

symboles du sous-développement, de l’insalu- constructions européennes enserrent la


brité, de l’archaïsme, voire de l’anarchie médina pour des raisons historiques. En effet, le
urbaine. Leur historicité étant totalement niée, débarquement français de 1907, précédant de
elles constitueront des obstacles gênants à la cinq ans l’établissement officiel du Protectorat,
mise en œuvre des politiques ambitieuses a privilégié l’établissement d’un port moderne
d’aménagement urbain » [P. SIGNOLES, 2006]. La qui se situe au pied de la ville ancienne et qui
période coloniale aurait-elle constitué pour ces se prolonge tout naturellement par des
témoins historiques de l’urbanisme tradition- constructions nouvelles jouxtant les vieux quar-
nel une sorte de parenthèse ? Toujours est-il tiers marocains.
que, figées dans leurs volumes spatiaux et leurs Ainsi, pendant deux à trois décennies, dans la
bâtis, elles connaîtront de 1912 à 1956 une forte plupart des grandes villes, un espace tampon,
dégradation et seront alors concurrencées, parfois une forme de no man’s land, parsemé
pour l’accueil des migrants ruraux, par un nou- malgré tout de casernes, baraquements, camps

ce
veau type d’espace urbain : les bidonvilles. militaires, au mieux bordé par des espaces
Il est essentiel d’avoir à l’esprit cet antagonisme verts, servira de relais entre ville ancienne et
entre la ville historique, la médina, perçue par ville nouvelle. Il s’agit, officiellement, de trou-
les Européens comme un héritage obligé dont ver des sites spacieux où la ville pourra « s’ins-

an
ils se méfieront parfois, et la ville dite « nou- taller » dans le respect des habitats et traditions
velle », édifiée à l’écart, exemple de moder- des populations locales ; des mesures de pro-
nisme et image de réussite. tection des monuments anciens (mosquées,
portes, médersas, fontaines, remparts) seront
Une ville pour Européens, séparée, aérée, par ailleurs édictées. En réalité, ce « chacun
aux équipements spécifiquesFr
La volonté de séparer spatialement la ville nou-
velle de la médina préexistante est clairement
chez soi » est sécuritaire, avec une volonté de
coupure, un désir de ne pas mélanger anciens
et nouveaux citadins ; c’est aussi le prétexte
affirmée au Maroc. Si la médina est encore d’une recherche de surfaces étendues et libres
e-
enserrée de remparts, les nouvelles construc- pour étaler les nouvelles constructions sans
tions s’implantent par-delà un boulevard à dis- contrainte.
tance des murailles (à Rabat par exemple). Si la De fait, les urbanistes concevront des ensem-
topographie est accidentée (ravins, versants bles d’immeubles ou de villas aérés séparés par
-d

abrupts), la ville nouvelle s’installe sur un de larges voiries, des plans géométriques à l’op-
espace plan (Meknès, Fès) en ménageant un posé du lacis de ruelles de la médina, des
intervalle avec la médina. À Marrakech, le quar- espaces verts pour oxygéner ces nouveaux tis-
tier européen du Guéliz s’implantera avec un sus urbains. La ville se distend, s’étire, la circu-
île

certain recul par rapport aux portes de la lation y est aisée : elle se veut en tous points
médina. Casablanca fait office d’exception : les totalement différente de la ville historique.
Elle est par ailleurs destinée à satisfaire des
Meknès besoins typiquement occidentaux et s’équipe
pour cela. On y trouve en abondance casernes,
U

édifices de commandement administratif,


immeubles élevés avec appartements de
grande superficie, villas avec jardins bien dessi-
IA

nés, équipements commerciaux pour résidents


européens comme le marché couvert, les
grands magasins sous arcades, les galeries com-
merciales, les agences bancaires au décor soi-
Service géographique du Maroc, 1925/E. Ehlers, Die Erde 1984/3

gné, et des églises, voire des cathédrales à


Rabat ou Casablanca. On y crée des lieux théâ-
traux : esplanades pour défilés, parcs urbains,
parcs pour expositions, avenues plantées et cor-
niches flattant la perspective. Besoins fonction-
nels, volonté esthétique, dimensionnements
généreux s’entremêlent pour créer un nouvel
aménagement, un décor à la fois de comman-
dement et rassurant pour les Européens instal-
lés ex nihilo en terre étrangère. Le Maroc du
Nord, occupé par l’Espagne, présente quelques
différences dans l’agencement des villes euro-
À Meknès, la topographie accidentée autour de la médina a conduit la ville nouvelle péennes. La proximité des habitats marocains
à s’installer sur un espace plan, de l’autre côté de la coupure verte. et européens est ici bien plus grande : les quar-
16
tiers des deux communautés se touchent, voire Kasba-Tadla
s’interpénètrent par le biais de grandes places
de liaison entre médina et quartier nouveau
(ceci est très visible dans la disposition urbanis-
tique à Tétouan, Larache, Chefchaouen), image
symbolique d’une abolition des distances
sociales. Mieux, les Espagnols parent les entrées
de médinas de portes monumentales comme
pour affirmer une sorte de reconnaissance des
espaces historiques (une continuité d’El Anda-
lous ?). Cette forme de rapprochement est à
opposer à la distanciation prônée par le Pro-
tectorat français dans les villes qu’il développe

ce
plus au sud.

Un développement anarchique
puis régulé par les plans d’urbanisme

Service géographique du Maroc, 1934


an
L’afflux de population européenne est rapide et
considérable. À Casablanca, les Européens, qui
étaient un millier en 1907, sont 20 000 en 1912,
31 000 en 1914 pour culminer à 150 000 en 1956
au moment de l’Indépendance [D. NOIN, 1971].
Aussi, dans un premier temps, les constructions
se feront dans le désordre, sans plan ; la spécu-
lation foncière sera maximale, notamment à
Fr
Casablanca, véritable Far West du Protectorat. À et permettront à la fois de disposer de terrains En 1934, dans la ville de garnison
e-
Rabat, capitale officielle ayant remplacé Fès, le officiels pris sur les terres de fondations pieuses Kasba-Tadla, sont juxtaposées
contrôle sera plus sévère et la volonté de créer (habous) ou étatiques (magkzen) et de contrô- la trame urbaine sinueuse typique
un ensemble urbain ordonné, majestueux, ler plus rigoureusement l’expansion urbaine. des médinas et la trame urbaine
comme il sied à la ville du pouvoir, sera plus De nombreux plans d’aménagement des villes régulière des quartiers européens.
-d

manifeste. Les témoins architecturaux de l’his- seront réalisés, appliquant les conceptions les
toire marocaine comme le Chellah, la Tour Has- plus modernes de l’urbanisme. Le Maroc sera
san et la porte de Bab Rouah seront intégrés ainsi un véritable terrain d’expertise disposant
à la ville nouvelle. On a pu parler d’un « urba- d’outils urbanistiques qui n’existent pas encore
île

nisme concerté » pour la capitale politique, en France à cette époque.


opposé à une « urbanisation spéculative d’af-
fairistes » à Casablanca, la capitale économique Expériences architecturales,
[J. DETHIER, 1970]. liberté d’expression
On assistera aussi à la création de villes et importants moyens disponibles
U

nouvelles ex nihilo, comme Port-Lyautey Terrain d’essai législatif pour l’urbanisme, le


(aujourd’hui Kénitra) autour d’un port créé de Maroc du Protectorat le sera également pour
toutes pièces à l’embouchure de l’oued Sebou, la création architecturale. Une très grande
IA

dès 1914, au nord de Rabat, ou encore Fédala liberté sera laissée aux hommes de l’art. À Casa-
(aujourd’hui Mohammedia), port annexe de blanca, par exemple, « le pluralisme des
Casablanca. Une ville minière avec des quar- approches caractérise la production architectu-
tiers hiérarchisés selon les niveaux sociopro- rale : références à l’Art nouveau ou au néo-
fessionnels sera également fabriquée pour classicisme dans les années 1910, puis aux
accompagner l’exploitation phosphatière à thèmes Art déco dans la décennie suivante »
Khouribga. Une ville « militaire » sera implantée [P. SIGNOLES, 2006]. Mais les productions archi-
à Kasba Tadla. La volonté constructrice et le tecturales métissées (styles néo-mauresque ou
souci de créer un nouveau réseau de villes sont néo-marocain), si caractéristiques des édifices
évidents. L’accent sera mis sur le corridor atlan- publics, voisineront avec des réalisations de
tique, en opposition avec les villes tradition- type franchement moderne comme le rappel-
nelles de l’intérieur, développant ainsi un axe lent Jean-Louis Cohen et Monique Eleb [1998] :
littoral qui est aujourd’hui encore un élément « Aux types d’habitat courant des années 1920,
géographique et économique de déséquilibre tels que le petit immeuble de ville et la villa,
dans le fonctionnement de l’espace marocain. s’ajoutent les immeubles de luxe équipés à
Avec l’arrivée d’Henri Prost(5), architecte urba- grands appartements, les habitations à bon mar-
niste appelé par Lyautey en 1913, des principes,
règles et dispositions législatives seront adoptés (5) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p. 172.
17
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le développement urbain du XXe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 De la médina à la « ville européenne » au Maroc

Aménagement et extension de la ville de Casablanca - 1913 ché et les cités patronales destinés aux Maro-
cains. La course vers la grande hauteur, carac-
téristique des immeubles de bureaux, affecte
aussi l’habitation ».
Toute une série de courants architecturaux
pourront ainsi s’appliquer au bâti, donnant
une étonnante et foisonnante variété de
constructions : styles Art déco, arabo-européen,
influences californiennes et scandinaves mani-
festes dans la réalisation de villas cossues. Jean-
Louis Cohen et Monique Eleb [op. cit.] ont uti-
lisé le terme de «Babel africaine» pour désigner
Casablanca. Une très grande liberté semble

ce
avoir régné dans l’entre-deux-guerres dans les
cabinets d’architectes, autorisant des audaces,
parfois des productions mimétiques ou des
pastiches, parfois des adaptations et métissages

an
d’une grande inventivité. Le parc d’immeubles
Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle de Casablanca en témoigne encore aujour-
d’hui, offrant un échantillon étendu de bâtis
Henri Prost a appliqué des principes d’urbanisme innovants dans les plans d’aménagement diversifiés. Ajoutons à cela la qualité des
des villes de Casablanca, Marrakech, Fès et Rabat. constructions, les compétences des entreprises
Il distingue la ville traditionnelle, la ville européenne, les villas et les secteurs industriels. Fr aujourd’hui reconnues, les moyens financiers
importants mis à disposition, tous éléments que
l’on n’aurait pas trouvés à l’époque en métro-
pole. Profitant de cette chance, les concepteurs
e-
Aménagement de la ville de Marrakech - 1914-1924 ont pu ainsi laisser libre cours à leur esprit créa-
tif. À Casablanca, la place Administrative, l’hôtel
des Postes, le palais de justice, l’hôtel de ville
et même la cathédrale du Sacré Cœur témoi-
-d

gnent de ce mariage, que l’on peut estimer


réussi, entre art hispano-mauresque et construc-
tion moderne.
île

Un intérêt tardif pour l’habitat populaire


marocain
En dehors de la réalisation du quartier des
Habous à Casablanca(6), amorce d’une « nou-
velle médina » conçue selon un modèle « cultu-
U

raliste »(7), quartier alliant thèmes traditionnels


de l’habitat local et conceptions d’habitat et de
Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle

circulation « à l’européenne », peu de projets


IA

furent dévolus à l’habitat des Marocains. Il y eut


bien quelques « cités ouvrières » (Cosumar,
Socica à Casablanca, cité OCP à Khouribga)
liées au patronat industriel, mais ces réalisa-
tions restèrent limitées en nombre et dans l’es-
pace. Le concept intéressant de « nouvelle
médina » ne fut guère reproduit à travers le
Maroc. À Casablanca, il fut en réalité dévolu à
une classe que l’on peut qualifier de
« moyenne-inférieure » (artisans, commerçants,
petits fonctionnaires) et non aux populations
pauvres, les plus mal logées et pourtant très
nombreuses.
On devra attendre 1944 pour qu’un plan d’amé-
nagement de Casablanca, demeuré fort discret,

(6) Le quartier des Habous concerne 5 000 habitants.


(7) Ce modèle visait à attirer une nouvelle classe sociale
marocaine en progression.
18
le plan Courtois, prévoie de l’habitat sur de Aménagement de la ville de Fès - 1915-1917
grandes surfaces pour la population maro-
caine. Cette préoccupation deviendra majeure
avec l’arrivée d’un autre grand urbaniste,
Michel Écochard(8) en 1946.
Il faut dire que la situation est devenue explo-
sive : l’exode rural bat son plein, la crise écono-
mique produit au Maroc des effets désastreux
depuis 1931, la guerre mondiale affecte le pays
à partir de 1940. Médinas et, de plus en plus,
bidonvilles absorbent une population crois-
sante qui s’entasse dans des conditions d’insa-
lubrité indignes, tandis que les lotissements

ce
clandestins fleurissent. Sous-emploi et chômage
se développent de façon inquiétante et la
population européenne bien logée ressent une
menace d’encerclement. Écochard, qui a tra-

an
vaillé au Moyen-Orient, va s’attaquer frontale-
ment au problème du logement des plus dému-
nis. Dans les grandes villes, il lance «l’habitat du Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle

plus grand nombre », ce qui manifeste claire-


ment un changement d’orientation.
Comme le relate avec précision Jean Dethier
[1970], Écochard donne priorité au quantitatif,
crée des cités satellites en périphérie urbaine,
Fr
des unités d’habitation denses, des trames d’ha-
e-
bitat évolutif. Le modèle « progressiste » a pris Aménagement de la ville de Rabat - 1916-1951
le relais, le logement populaire est enfin pris en
compte dans des programmes de construction
assez uniformes, spatialement isolés. La Charte
-d

d’Athènes est appliquée rigoureusement et se


traduit par une sectorisation affirmée de l’es-
pace urbain. C’est un urbanisme autoritaire,
mais nécessaire. Malheureusement, il ne pro-
île

duira qu’une faible proportion de logements


au regard des besoins immenses du pays. Les
principes d’urbanisme et d’aménagement
d’Écochard, remercié en 1953, perdureront un
certain temps sous le Maroc indépendant.
U

Le devenir de la ville ex-coloniale


après l’Indépendance
Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle
IA

La libération de milliers d’appartements après


le départ des Européens – relativement étalé
dans le temps –, la disponibilité de centaines de
villas vont provoquer un afflux de population
nationale vers cet habitat dont elle avait été
écartée. Fonctionnaires (dont le nombre s’ac-
croît rapidement du fait du départ des cadres
français), commerçants, propriétaires terriens,
cadres militaires rechercheront tout particuliè-
rement ces quartiers et s’y installeront progres-
sivement.
Dans un premier temps, on se contentera de
transformer le bâti : dans les immeubles, on fer-
mera les balcons et patios, on récupérera les
terrasses, on modifiera la distribution des
pièces ; dans les villas, on verra apparaître des

(8) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p. 172.


19
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le développement urbain du XXe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 De la médina à la « ville européenne » au Maroc

Références bibliographiques surélévations, des clôtures de jardins par murs, Ainsi, ces quartiers vont-ils rapidement chan-
des extensions de la surface bâtie, des transfor- ger d’échelle, passant de noyau central pour
• ABU-LUGHOD Janet, Rabat, Urban mations de garages en logements pour domes- résidents européens aux fonctions de centres
Apartheid in Morocco, Princeton Studies
on the Near East, Princeton University
tiques. On insèrera des mosquées dans les îlots directionnels régionaux, voire nationaux (et
Press, 1981. ex-européens. Des familles plus grandes, des même internationaux pour Casablanca). Ils
• COHEN Jean-Louis et ELEB Monique, modes de vie différents, des usages et traditions sont, dans le même temps, plébiscités comme
Casablanca. Mythes et figures d’une basés sur l’intimité du foyer expliquent ces lieux favoris de loisirs, de promenades, de sor-
aventure urbaine, Paris, Hazan, 1998. transformations. Paradoxalement, on conser- ties familiales, de fréquentation des cafés et res-
• DETHIER Jean, « Soixante ans d’urbanisme
au Maroc », Bulletin économique et social
vera les noms symboliques des quartiers rési- taurants par une population qui n’y réside sou-
du Maroc (BESM), n° 118-119, 1970, dentiels, comme Bellevue,Val Fleury, Belvédère, vent pas. Ce sont des lieux-vitrines, des espaces
pp. 5-55. Polo, Bel Air, Touraine, réalisant ainsi une sorte de démonstration, de rencontres pour jeunes
• NOIN Daniel, « Les grandes villes d’affichage de la promotion sociale qui s’est – célibataires ou en couple – car ces îlots
d’Afrique et de Madagascar. accomplie avec ce transfert d’habitat vers la urbains sont ouverts, relativement permissifs et

ce
Casablanca ». Notes et études
documentaires, n° 3797-3798, La
« ville nouvelle », ce terme continuant à être évocateurs d’un certain au-delà, une Europe
documentation française, Paris, 1971. employé par les Marocains bien après l’Indé- exotique pourrait-on dire.
• SIGNOLES Pierre, « La ville maghrébine », pendance.
chapitre III, dans TROIN Jean- Dans un second temps, à partir des années Une patrimonialisation encore incertaine
François (dir.), Le Grand Maghreb,

an
1970, un bouleversement beaucoup plus impor- En ce début du XXIe siècle, se pose le problème
Armand Colin, coll. « U », Paris, 2006.
• TROIN Jean-François et SIGNOLES Pierre,
tant va affecter la ville ex-européenne. La cen- de la conservation, de la sauvegarde et de l’in-
« Do new towns exist in Maghreb tralité des quartiers, la qualité du bâti (malgré tégration au patrimoine national de cet héri-
countries (Morocco, Algeria, Tunisia) ? », des dégradations liées à un entretien insuffi- tage bâti qui a vieilli, dont l’entretien est devenu
volume III, New Towns Symposium, sant), le manque de logements en périphérie, coûteux et qui a longtemps évoqué la forte pré-
Jubail, 1988, The Royal Commission for
Jubail and Yanbu et Arab Urban
Development Institute (AUDI), Riyad,
1993, pp. 1-20.
Fr
la proximité des équipements, mais aussi une
image redorée de la ville ex-européenne vont
provoquer une forte spéculation foncière et
sence étrangère. Nous avons évoqué les démo-
litions survenues, dans un premier temps, de
constructions emblématiques. Il semble qu’un
immobilière. On assistera alors à la démolition intérêt nouveau pour ce legs architectural et
e-
systématique de nombreuses villas remplacées urbanistique se manifeste chez les jeunes géné-
par des immeubles (quartier Agdal à Rabat ou rations. Les classements d’immeubles sont plus
Maârif à Casablanca), à la surélévation brutale nombreux, les projets de démolition suscitent
du bâti dans le centre-ville (Fès) ou à des modi- de plus en plus de manifestations et de protes-
-d

fications de façades. Des immeubles de verre et tations, des associations prônant la sauvegarde
d’acier surgiront pour abriter des fonctions ter- sont créées. Des banques, des sociétés ou com-
tiaires en plein développement (sièges sociaux, pagnies prennent conscience de l’image
banques), d’anciens hôtels seront remaniés, les « noble » que peut donner leur installation dans
île

dernières friches ou terrains vagues du tissu des immeubles à l’architecture historique et


urbain seront remplis par de nouveaux immeu- envisagent leur restauration plutôt que leur des-
bles à l’architecture provocante. truction, pour laquelle il n’y aurait eu guère
d’hésitation il y a encore quelques années.
U

Les perceptions évoluent, les mesures de pro-


tection sont plus nombreuses. On ne peut
cependant pas dire que la totalité de la sauve-
IA

garde soit assurée. Pression supplémentaire, la


tension spéculative sur le foncier et l’immobi-
lier dans ces quartiers devenus hypercentraux,
recherchés pour les fonctions du tertiaire de
direction, est très présente. Il faudra un réel
courage aux administrateurs et aménageurs
urbains pour continuer à maintenir cet
héritage et s’opposer à sa disparition, même
partielle.

Aujourd’hui, la conservation
du patrimoine peut être
problématique. Certains choisissent
de conserver l’esthétique du bâti,
V. Said/IAU îdF

mais de modifier sa volumétrie.


Exemple de façadisme
à Casablanca.
20
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Le développement urbain du XXe siècle

L’explosion urbaine
Rachid Ouazzani(1) de la seconde moitié du XXe siècle
Collège des architectes
urbanistes du Maroc

Sécheresse et industrialisation sont


des facteurs majeurs de l’explosion
urbaine au Maroc. Cette situation
accélère la transformation d’un pays
à dominante agricole vers une urbanité

ce
difficilement maîtrisable. L’arsenal
d’outils et d’organismes n’arrive pas
à répondre à la problématique

an
de l’habitat, notamment face
à la prolifération des bidonvilles.
Le dilemme entre une politique
Fr C. Delaporte/IAU îdF de rattrapage et celle d’une anticipation
reste d’actualité.
e-
explosion urbaine au Maroc, au cours En 1960, le Maroc comptait 112 villes, dont 11

L’
À Fès, toutes les variables du bâti
sont exploitées pour faire face de la deuxième moitié du siècle der- de plus de 50 000 habitants. En 2004, plus de
à la pénurie de logements liée nier est le résultat de la convergence 350 villes étaient recensées, dont 54 de plus de
à l’explosion urbaine. de plusieurs facteurs. Le taux de natalité dans 50 000 habitants. Cette catégorie de villes, qui
-d

les années 1960, 1980, voire 1990, est resté assez représente 15 % de l’ensemble des localités
élevé. Par ailleurs, la longue période de séche- urbaines, abrite près de 80 % de la population
resse et l’appel de main-d’œuvre non qualifiée urbaine. Aussi, l’armature urbaine atlantique
pour le développement industriel d’envergure regroupe 14 villes dont Casablanca avec ses
île

dans les grandes villes, particulièrement à Casa- 4 millions d’habitants, 3 villes de plus de 500000
blanca, ont accéléré la dynamique migratoire habitants – Rabat, Salé et Tanger – et 9 villes
des campagnes vers les villes. S’est ajoutée à d’un peu plus de 100 000 habitants.
tous ces phénomènes l’évolution sociétale
naturelle qui s’est traduite par l’aspiration de La prolifération des bidonvilles
U

la population à une vie économiquement plus en statut d’« habitat clandestin »


confortable et à un meilleur accès aux services À partir de l’Indépendance, en 1956, la surden-
de santé, d’éducation et de loisirs. Cette aspira- sification des médinas, mais surtout la multipli-
IA

tion ne trouvait son écho qu’en ville, les cation des bidonvilles et leur éloignement des
espaces ruraux à cette époque étant enclavés agglomérations au fur et à mesure des exten-
et les équipements de première nécessité fai- sions des périmètres urbains, ont rendu l’accès
sant grand défaut. aux services de base difficile ou impossible à
Cette situation a obligé les autorités à étendre bon nombre de citoyens. Les bidonvilles ont
les périmètres urbains des villes existantes et à continué à proliférer avec leur statut d’« habitat
promouvoir de nombreux centres ruraux en clandestin », privant leurs habitants de tout droit
centres urbains, sans que ces actions ne s’ac- d’accès aux services urbains de base.
compagnent d’un développement planifié en Malgré les efforts accomplis au lendemain de
termes d’infrastructure et d’équipement. l’Indépendance, cette forme d’habitat n’a pu
être endiguée. Bien au contraire, les années
L’explosion urbaine et ses conséquences 1970 ont vu apparaître, sous l’effet d’une crois-
Le premier recensement de 1960 estimait le sance démographique forte, une autre vague
taux d’urbanisation de la population maro- d’urbanisation, incontrôlée celle-là, poussant le
caine à environ 29 % ; en 2004, il était de 55 %. quart de la population urbaine à vivre dans des
Sur cette période, la population urbaine a
presque quintuplé, passant de 3,4 millions à (1) Rachid Ouazzani est architecte urbaniste et président du
16,5 millions d’habitants. Collège des architectes urbanistes du Maroc.
21
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le développement urbain du XXe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 L’explosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècle

ce
an
À Marrakech,
comme dans d’autres médinas

V. Said/IAU îdF
du Maroc, des demeures sur cour
sont réaménagées pour loger
plusieurs familles. Fr
bidonvilles. Informelle, dynamique et ignorant sante, la mise à disposition d’équipements et
les normes de salubrité, cette forme urbaine services dont les populations et les entreprises
e-
répondait à l’urgence et à l’immédiateté ont besoin, la lutte contre les formes d’exclu-
propre à la survie. En moins d’un demi- sion sociale, ainsi que le contrôle, l’organisa-
siècle, l’espace urbain marocain a connu de tion et la maîtrise de l’extension des agglomé-
profondes mutations, dont l’un des stigmates rations.
-d

les plus criants est l’étendue de ces poches de


pauvreté qui ponctuent le paysage des périphé- La problématique cruciale du logement
ries des villes. Depuis l’Indépendance, le traitement de la
question de l’habitat par les pouvoirs publics a
île

L’urbanisation stimule la modernisation, connu quatre phases principales :


mais soulève de grands défis - la décennie 1960, durant laquelle le milieu
La dynamique urbaine de cette période au rural a bénéficié d’une relative priorité éta-
Maroc commence ainsi à poser des questions tique, avec le lancement des grandes opéra-
de fond en termes d’aménagement du terri- tions de réforme agraire, la promulgation du
U

toire, d’organisation des activités productives code d’investissement agricole en tant que
et de compétitivité. Ces questions sont d’autant cadre juridique d’intervention et la mobilisa-
plus cruciales que l’émergence de grands pôles tion de ressources hydrauliques, minières et
IA

urbains constitue, dans le contexte de la mon- énergétiques. Durant ces années, l’urbanisa-
dialisation, un critère déterminant d’attracti- tion s’est accélérée, et les bidonvilles et l’ha-
vité. bitat non réglementaire se sont développés
L’urbanisation est, en outre, un vecteur puissant pour concerner en 1972, près du quart de la
de transformation sociale et de développement population ;
humain de la population. En effet, en s’urbani- - la décennie 1970, au cours de laquelle les
sant, la société marocaine s’est ouverte à de pouvoirs publics ont été amenés à créer des
nouvelles valeurs et à de multiples mutations. organismes spécialisés, notamment les éta-
Parmi les grandes mutations sociospatiales que blissements régionaux d’aménagement et de
le territoire national a connues au cours des construction (Erac), chargés de la promotion
cinquante dernières années, l’urbanisation a immobilière, pour le compte et sous tutelle
été indiscutablement l’une des plus mar- de l’État. Les opérations spécifiques d’amélio-
quantes. Si ce changement a créé des potentia- ration des conditions de vie dans les zones à
lités considérables pour la stimulation de l’éco- urbanisation dégradée par la restructuration
nomie, l’équipement et la modernisation du des bidonvilles, la création de lotissements
pays, il a également soulevé de nombreux défis sur trames d’accueil et trames sanitaires amé-
nouveaux : l’équipement en infrastructures, la liorées, et l’équipement minimum en eau et
production de logements en quantité suffi- électricité n’ont eu qu’un effet limité, en rai-
22
son des faibles performances de ces orga- natives et réussies, ont été successivement
nismes et de la nature sommaire de leur inter- menées. Néanmoins, faute d’une véritable éva-
vention ; luation et d’un retour sur expérience, une poli-
- la décennie 1980 a vu l’émergence d’une tique cohérente de l’habitat n’a pu être mise
réelle prise de conscience de la question en œuvre.
urbaine et de ses incidences socio-écono- • L’État, en matière de logement social, a « jon-
miques à travers ses manifestations les plus glé » entre le rôle d’opérateur direct et celui de
apparentes : les bidonvilles et l’habitat non régulateur d’acteurs privés plus efficients que
réglementaire. En rupture avec le passé, une lui. La résurgence de la question du logement
véritable stratégie a été adoptée, avec une comme préoccupation centrale de l’équilibre
vision nouvelle considérant les bidonvilles et social et sécuritaire a conduit les pouvoirs
l’habitat non réglementaire comme des caté- publics à revenir sur leur stratégie de désenga-
gories formelles intégrables au tissu urbain, à gement et à renouer avec un rôle de produc-

ce
travers des programmes de développement teur direct de logements sociaux.
urbain. Cofinancés par l’État et la Banque • Par ailleurs, l’État n’a jamais engagé de poli-
mondiale, ces programmes ont concerné les tique volontariste dans le secteur locatif. L’ac-
grands bidonvilles de Rabat, Casablanca, Mek- cession à la propriété a été érigée en voie

an
nès et Kénitra. Les insuffisances d’ordre orga- presque exclusive d’accès au logement, ce qui
nisationnel, les contraintes de financement a bloqué toute solution d’offre dans le locatif.
et les difficultés de mobilisation d’une réserve De ce fait, le secteur locatif s’est souvent heurté
foncière appropriée ont eu raison de cette à une législation inopérante sur les loyers, à des
stratégie et l’ont menée à l’échec. Dans la litiges judiciaires prolongés et à une hausse des
deuxième moitié de la décennie, de nou-
veaux organismes ont vu le jour : l’Agence
nationale de lutte contre l’habitat insalubre
l’offre.
Fr
loyers disproportionnée eu égard à la rareté de

(ANHI), la société nationale d’équipement et La problématique de la planification


e-
de construction (Snec) et Attacharouk. Les urbaine
objectifs de résorption de l’habitat insalubre À partir de 1981, suite aux événements sur-
par des opérations d’aménagement foncier venus à Casablanca et dans la région du Rif
sont restés néanmoins en deçà des attentes ; (Tétouan), les considérations de salubrité et de
-d

- depuis la décennie 1990, les interventions des sécurité publiques entraînent des changements
pouvoirs publics s’orientent vers une poli- dans la politique urbaine en général, et dans
tique conventionnelle, associant l’État, les celle adoptée à Casablanca en particulier, pré-
organismes sous tutelle, les populations et les lude à une extension à d’autres cités. Une orga-
île

promoteurs du secteur privé, en vue d’accélé- nisation selon de nouveaux découpages admi-
rer le rythme de production de logement, nistratifs est mise en place. Casablanca est
moyennant des mesures d’accompagnement transformée en wilaya(2), subdivisée en plu- Depuis les années 1950,
dans les domaines financier, fiscal et régle- sieurs préfectures. face à la pénurie de logements,
mentaire. les bidonvilles se sont multipliés
U

(2) La wilaya est une division administrative qui correspond à la périphérie des villes,
Une politique de rattrapage globalement à la région. comme ici à Bachkou, Casablanca.
sans vision prospective globale
IA

Le bilan des principales étapes qui ont marqué


l’intervention publique sur la question du loge-
ment au Maroc montre que, durant ces cin-
quante dernières années, des constantes ont
prévalu :
• L’offre de logement n’a jamais rattrapé la
demande, ni quantitativement ni qualitative-
ment. Ceci s’est traduit par le développement
de phénomènes urbains aigus, dont l’habitat
clandestin et non réglementaire. Les bidonvilles
en sont les expressions les plus fortes.
• L’intervention des pouvoirs publics a manqué
de vision globale inscrite dans le temps. Elle
est restée « obnubilée » par la résorption des
S. Castano/IAU îdF

déficits cumulés à cause du décalage structurel


entre l’offre et la demande, tout en étant pri-
sonnière de l’ampleur et de la complexité du
problème. Différentes expériences, parfois alter-
23
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le développement urbain du XXe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 L’explosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècle

Les documents d’urbanisme, Ces caractéristiques sont la résultante d’une


outil sécuritaire pour la gestion urbaine politique où les autorités publiques, essentielle-
En 1984, un schéma directeur d’aménagement ment préoccupées par le fonctionnement de
urbain (Sdau) de la wilaya du Grand Casa- certaines utilités premières (eau, électricité), se
blanca est élaboré. C’est le premier d’une géné- sont limitées à parer à l’urgence.
ration de documents(3) qui planifient les exten- Une telle posture ne répond pas aux exigences
sions urbaines des principales agglomérations de la ville, qui présente un corps social com-
marocaines selon des standards d’équipement plexe à plusieurs titres : d’abord, par la diversité
et d’infrastructure dépassant la capacité d’in- des origines de ses habitants ; ensuite, par l’am-
vestissement du pays. Ce document, qui pro- pleur des aspirations communes de ces der-
pose la création d’une agence urbaine et d’une niers à l’habiter ensemble, à avoir l’accès à
agence foncière pour assurer la mise en œuvre l’éducation, à la santé, aux loisirs et à l’urba-
et la gestion de cette planification, a permis de nité. Enfin, par les implications de l’exercice de

ce
doter Casablanca de la seule agence urbaine la citoyenneté, incluant la concertation entre
du Maroc. En 1985, la direction de l’Urbanisme tous les partenaires concernés par la cité, où
et celle de l’Aménagement du territoire sont s’expriment leurs problèmes et leurs attentes
rattachées au ministère de l’Intérieur.Aussi Fès, et se jouent leurs destins.

an
Marrakech, Meknès et Agadir connaissent des
découpages administratifs analogues à celui L’indispensable partenariat de l’État
de Casablanca et sont dotées, au fur et à avec les collectivités locales et le privé
mesure, de Sdau et de plans d’aménagement. La généralisation des documents d’urbanisme
Bien qu’en matière de gestion urbaine, la créa- et la maîtrise de l’urbanisation, par le biais
Fr
tion d’agences urbaines ait pu être considérée
comme un empiètement sur les prérogatives
des présidents de communes, il est décidé de
notamment d’un contrôle rigoureux de l’exten-
sion de l’habitat clandestin, redeviennent
aujourd’hui les priorités de la politique
généraliser ce système et d’assurer la couver- publique dans le domaine de l’urbanisme. À
e-
ture de l’ensemble du territoire national par la ce sujet, l’État agit à deux niveaux : il durcit les
mise en place de ces nouvelles structures. sanctions à l’encontre des personnes et des res-
ponsables publics qui enfreindraient les règles
Une nouvelle politique de l’urbanisme relatives à l’urbanisme et à l’occupation des
-d

La politique d’urbanisme marocaine se dis- sols, et il lance un nouveau programme, le pro-


tingue par deux faits majeurs.Tout d’abord, sur gramme Villes sans bidonvilles. Dans cette pers-
le plan juridique, les lois adoptées jusqu’alors pective, le partenariat est considéré comme
en matière d’urbanisme avaient une approche indispensable avec les mairies, les wilayas, la
île

réglementaire assez rigide face aux besoins de Caisse de dépôt et de gestion, ainsi qu’avec les
réactivité de la ville pour répondre aux exi- promoteurs et acteurs privés.
gences du développement économique et aux Ce changement dans la politique urbaine de
évolutions institutionnelles et sociales. Ensuite, l’État aura, sans doute, des implications impor-
sur le plan urbanistique, la ville marocaine se tantes sur la gestion des villes, notamment en
U

À Agadir, comme dans les autres distingue par un certain gigantisme, par un suscitant une plus grande participation des
grandes villes, des opérations espace périurbain relativement dense et très acteurs locaux, à condition que la dimension
de logement social sont réalisées fortement occupé par l’habitat, par des équipe- humaine soit présente dans l’esprit des gestion-
IA

pour reloger les habitants ments et services collectifs insuffisants et peu naires de la cité.
des bidonvilles et améliorer efficients, ainsi que par un tissu économique
leurs conditions de vie. relativement faible. Le foncier,
clef de voûte de l’aménagement
La question du foncier est au centre de la pro-
blématique urbaine au Maroc. Le foncier
urbain est un attribut de pouvoir et de notabi-
lité, une ressource souvent prisée, mais étant
détourné de ses fonctions ordinaires par la spé-
culation, il est difficile à mobiliser. De fait, on
déplore souvent, dans la majorité des villes,
l’abandon de projets d’investissement écono-
mique, de logement ou d’aménagement(4).

(3) Les Sdau de Rabat, Fès, Meknès et Marrakech sont confiés


V. Said/IAU îdF

au cabinet Pinseau, les villes méditerranéennes du Nord au


bureau d’études Dar Al Handasah.
(4) Voir dans ce numéro des Cahiers, HAFIF Azzeddine, « Les
statuts complexes d’un foncier rare », p. 120.
24
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Le développement urbain du XXe siècle

Retour à la planification urbaine


au Maroc
Abdelhai Bousfiha(1)
Architecte

Après l’Indépendance en 1956, les plans


successifs, de Prost à Écochard, ont été
dépassés par la croissance urbaine
galopante. Les nouveaux documents
de planification élaborés au début

ce
des années 1980 ont été suivis
par plusieurs tentatives de réformes,
notamment dans le cadre d’une démarche

an
de rattrapage. Les derniers en date
ont-ils suffisamment mûri pour intégrer
les enjeux du développement durable
Fr V. Said/Iau îdF et assurer la cohérence
entre les différentes échelles ?
e-
es tentatives successives de maîtrise lation, l’exode rural et le passage de certaines

L
Une nouvelle génération
de documents d’urbanisme organise urbaine, caractérisant la seconde moitié localités du statut rural au statut urbain. Tous
l’armature urbaine. Ils prévoient du XXe siècle au Maroc, n’ont pu contenir ces phénomènes ont contribué aux extensions
notamment des parcs urbains l’ampleur de l’explosion des villes. La confu- et à l’étalement, dépassant les limites urbaines
-d

et de grandes avenues, sion entre la politique quantitative du loge- dans des conditions auxquelles les aggloméra-
comme ici à Mohammedia. ment, notamment social, et la vision d’une pla- tions n’étaient pas préparées.
nification urbaine déclinée de l’échelle Le Maroc ne constitue pas une exception quant
nationale à l’échelle locale a largement per- à cette tendance universelle de croissance
île

turbé la mise en place d’une politique globale urbaine(2).Aujourd’hui, son taux d’urbanisation
et prospective de l’aménagement et de l’urba- connaît une progression accélérée : 29 % en
nisme dans le pays. 1960, 43 % en 1982, 51,4 % en 1994 et 55 % en
Malgré les effets positifs de l’alternance poli- 2004, propension qui se traduit par la multipli-
tique qu’a connu le Maroc, le transfert des por- cation des villes. En 1994, le Maroc comptait
U

tefeuilles de l’aménagement du territoire, de 318 villes. Le nombre des grandes villes est
l’urbanisme et de l’habitat d’un ministère à l’au- passé de 14 en 1994 à 21 en 2004. Celui des
tre n’a pas contribué à accélérer les efforts de villes moyennes a doublé, passant de 13 à 26, et
IA

l’État pour répondre efficacement à ces problé- celui des villes de petite taille est passé de 185
matiques. Elles sont, aujourd’hui, au cœur des à 229. En partant de ces chiffres, on peut d’ores
débats publics grâce au grand chantier de et déjà affirmer que le défi urbain est une des
l’aménagement du territoire et à celui du code grandes questions de la période contempo-
de l’urbanisme. raine, aussi bien pour les pays développés que
pour les pays en développement. Suite à cet
Une urbanisation forcée, accroissement accéléré, les agglomérations
née d’un contexte de forte croissance urbaines ont connu des extensions importantes
Depuis son indépendance, le Maroc connaît et souvent désordonnées. Elles se sont dévelop-
une croissance rapide de sa population. Elle pées à un rythme dépassant les possibilités de
est passée de 11 620 000 habitants en 1960, à
29 891 700 selon le dernier recensement de
2004. Elle a, ainsi, plus que doublé en un tiers de (1) Abdelhai Bousfiha est architecte DPLG, ancien directeur
de l’Urbanisme et de l’Architecture et ancien secrétaire géné-
siècle, alors même qu’il avait fallu près de ral du Conseil national de l’habitat.
soixante ans (1900-1960) pour passer de 5 à (2) Voir dans ce numéro des Cahiers, OUAZZANI Rachid, « L’ex-
11,6 millions d’habitants. Cette forte croissance plosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècle », p 21.
Certaines informations présentées par Abdelai BOUSFIHA dans
s’est accompagnée d’une urbanisation mar- cet article recoupent celles de Rachid OUAZZANI, bien qu’elles
quée, favorisée par l’augmentation de la popu- aient une finalité thématique différente.
25
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le développement urbain du XXe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Retour à la planification urbaine au Maroc

Schéma directeur d’aménagement de l’aire urbaine d’Al Hoceima plans de développement pour les communes
1985-2005 – Dar Al - Handasah rurales.
Le retour à la planification urbaine après l’Indé-
pendance s’est effectué par vagues successives.
La première génération de documents d’urba-
nisme avait comme préoccupations principales
la salubrité et la sécurité publiques. Une nou-
velle génération de documents d’urbanisme et
de structures d’aménagement a vu le jour au
début des années 1980. La planification urbaine
de cette époque, sous la tutelle du ministère de
l’Intérieur, se contentait de définir le droit des
sols par des zonages fonctionnels et par la

ce
répartition des grandes infrastructures et équi-
pements, selon des normes dépassant souvent
la capacité des investissements publics. Eu
égard à sa rigidité, cette première génération

an
de documents n’a pu assurer la gestion équili-

Dar Al Handasah
brée et harmonieuse des agglomérations face
à une croissance et un étalement urbains
incontrôlables. Elle a ainsi subi la dynamique
d’autoconstruction des bidonvilles et de l’habi-
Fr
contrôle, de moyens financiers d’encadrement
et de gestion. À l’origine d’un fort déficit en
matière d’équipements et de logements, ce
tat insalubre.

La multiplication des structures


phénomène a ainsi engendré d’importants dys- de mise en œuvre et de formation
e-
fonctionnements liés aux problèmes de plani- Depuis les années 1980, la nouvelle politique a
fication à différents niveaux : économique, intégré dans ses préoccupations la probléma-
social, culturel, technique et financier. tique de l’urbanisme opérationnel en confiant
la mise en œuvre des projets à des structures
-d

La première génération des documents nouvellement mises en place, telles que


d’urbanisme après l’Indépendance les Erac(4), l’Anhi(5), la Snec(6), l’agence Ryad et
Le Maroc a poursuivi la gestion urbaine des la société étatique Attacharouk, qui ont
grandes agglomérations après l’Indépendance aujourd’hui fusionné pour créer le holding
île

en se basant sur la planification des plans d’aménagement Al Omrane, le Fond social de


Prost(3) et de ses successeurs. Les extensions l’habitat et les agences urbaines. Cette nouvelle
réglementaires ont été réalisées par des opéra- politique a également apporté un cadre à la
tions de lotissement et de morcellement, essen- formation, par la création de l’École nationale
tiellement pour créer des logements, en respec- d’architecture, de l’Institut national d’aména-
U

tant globalement l’armature du réseau gement et d’urbanisme (Inau), du Centre


principal de voirie. d’études et de recherche en aménagement et
Après l’expérience des années 1970, force a été en urbanisme (Cerau) et des instituts de for-
IA

de constater que les méthodes d’urbanisation mation des adjoints techniques.


utilisées ne se basaient pas sur une politique Pendant cette période, l’État n’a cessé d’encou-
de développement urbain bien définie. Elles rager l’autoconstruction par l’encadrement de
visaient plus à atténuer la crise du logement ses programmes et par la mise en place d’une
qu’à intégrer les dimensions de la planification politique foncière permettant de mobiliser le
urbaine et de la qualité architecturale. Sur cette maximum de terrains à l’intérieur des périmè-
base, il a été nécessaire pour les autorités tres urbains.
publiques de revoir la politique suivie
jusqu’alors en matière de développement Les lois spécifiques régissant
urbain. Cela s’est traduit sur le plan institution- l’urbanisme
nel par la création du ministère de l’Habitat et Ce n’est qu’en 1992 que le Gouvernement a
de l’Urbanisme. Ce ministère a, notamment, voté deux lois relatives à l’urbanisme, aux lotis-
rendu possible l’élaboration de documents
d’urbanisme élargissant la couverture du terri- (3) Voir dans ce numéro des Cahiers, TROIN Jean-François,
toire national et touchant différentes échelles : « De la médina à la ‘ ville européenne ’ au Maroc », p 15.
schémas directeurs d’aménagement urbain (4) Établissements régionaux d’aménagement et de con-
struction.
pour les grandes agglomérations, plans d’amé- (5) Agence nationale de lutte contre l’habitat insalubre.
nagement pour les communes urbaines et (6) Société nationale d’équipement et de construction.

26
sements, morcellements et groupes d’habita- Des débats sur l’aménagement
tions, afin d’adapter l’arsenal juridique à l’évo- du territoire et le code de l’urbanisme
lution et aux problèmes de l’urbanisation. Ces Sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi
deux lois sont intervenues dans un contexte Mohammed VI, le Maroc a engagé en 2000 un
particulier, marqué par l’extension des bidon- débat national sur l’aménagement du territoire
villes et des quartiers non réglementaires qui qui a mené à l’adoption du schéma national
caractérisaient alors les zones périphériques, d’aménagement du territoire (Snat). Ce docu-
ainsi que par l’émergence de nouvelles entités ment vise à fournir un cadre de cohérence et à
urbaines issues du découpage territorial. autoriser l’action régionale via les schémas
Sur le plan institutionnel, l’État a fourni un régionaux. Un Conseil national d’aménagement
grand effort en offrant de nombreux outils spé- du territoire a été mis en place en ce sens. En
cialisés de gestion et de développement urbain effet, nous savons aujourd’hui qu’un développe-
au service des collectivités locales, notamment ment harmonieux et équilibré des villes et des

ce
par la création d’agences urbaines, d’inspec- campagnes nécessite une restructuration de
tions régionales de l’urbanisme, ainsi que d’éta- l’armature urbaine tendant à atténuer les dispa-
blissements régionaux d’aménagement et de rités régionales.
construction. Les programmes d’études ont été Un autre débat, et non des moindres, a mobilisé

an
multipliés, notamment ceux relatifs à la réali- tous les acteurs du développement pour l’éla-
sation de programmes d’habitat, à l’élaboration boration du code de l’urbanisme. Il s’est avéré,
des documents d’urbanisme, aux projets d’ag- à la lumière des changements intervenus tant à
glomérations et de territoires, et à la promotion l’échelle nationale qu’à travers le monde, que
de la qualité architecturale et du paysage l’urbanisme doit être appréhendé, avant tout, à
urbain.
Conscient de la contribution du secteur de l’ur-
banisme et de l’habitat à l’évolution des éta-
Fr
travers ses aspects économiques, financiers et
surtout sociaux. Les règles de l’urbanisme
devraient émaner, non seulement du droit et
blissements humains, l’État a opté pour une des procédures administratives, mais également
e-
meilleure articulation des politiques menées des mécanismes qui commandent le proces-
en matière d’urbanisme et d’aménagement du sus des changements intervenus dans la
territoire. Ainsi, en 1998, l’urbanisme, l’habitat, société. Le message adressé par Sa Majesté le
l’environnement et l’aménagement du territoire Roi Mohammed VI aux participants à la ren-
-d

ont été regroupés en un seul et même départe- contre nationale du lancement du grand chan-
ment, traduisant ainsi une volonté de vision tier du code de l’urbanisme remet à l’ordre du
intégrée des secteurs de l’urbanisme. jour la nécessité d’adopter une nouvelle archi-
tecture juridique : « Pour conforter les efforts
île

entrepris par notre Gouvernement, il devient

Plan directeur de Marrakech, 1990-2010 – Cabinet Michel Pinseau


U

ADAGP/Académie d'architecture/Cité de l'architecture et du patrimoine/Archives d'architecture du XXe siècle


IA

27
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le développement urbain du XXe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Retour à la planification urbaine au Maroc

nécessaire de procéder à la révision et à la pement humain (INDH), dont les composantes


modernisation du dispositif de l’urbanisme en reposent sur la qualité de vie des citoyens.
vigueur dans notre pays, qui a certes connu
quelques réformes ces dernières décennies, Vers une planification urbaine
mais celles-ci sont restées plutôt limitées, sans dans un cadre de développement durable
parler de certains textes juridiques qui remon- Tous ces processus de refonte des systèmes juri-
tent au début du siècle passé ». diques, réglementaires, institutionnels, fonciers
Le nouveau projet de code ne porte pas uni- et financiers, ont permis au Maroc de lancer de
quement sur l’élagage des aspects désuets et grands chantiers avec tous les partenaires
sur la révision des dispositions peu ou mal publics et privés (programme Villes sans bidon-
adaptées à la réalité, mais s’inscrit également villes, planification de projets urbains intégrés,
dans la continuité des grands chantiers de villes nouvelles, mise à niveau des quartiers,
réformes dans lesquelles s’est engagé le Maroc. aménagement, rénovation, restauration et

ce
Ces dernières permettront notamment l’institu- requalification urbaine).
tion du Conseil supérieur de l’aménagement Sur le plan de la mise en œuvre de la politique
du territoire et l’adoption d’une charte et du publique dans les secteurs de l’habitat, de l’ur-
Snat, le renforcement de la décentralisation et banisme et de l’aménagement de l’espace, la

an
de la déconcentration administrative et la pro- création du holding d’aménagement Al
mulgation d’une nouvelle charte communale. Omrane (2004) avec ses filiales régionales
Elles envisagent également une conception de (2007) hisse cette structure au premier rang des
l’unité de la ville comme choix politique et ins- entreprises publiques nationales. En tant
titutionnel central dans le système de mise à qu’opérateur public performant, il est considéré
Fr
niveau des villes. Elles mèneront à une gestion
déconcentrée de l’investissement et au renfor-
cement de l’offre de logements sociaux en
comme capable de relever le défi de la mise à
niveau des villes et de la promotion de l’habi-
tat social. Il applique le principe du partenariat
faveur des catégories à revenu limité. Enfin, elles public-privé, en association avec les collectivi-
e-
permettront la mise en œuvre de vastes pro- tés locales, dans un cadre conventionnel.
grammes, notamment ceux inscrits dans le Aujourd’hui, dans la mouvance du débat natio-
cadre de l’Initiative nationale pour le dévelop- nal sur l’aménagement du territoire, une nou-
velle génération de documents de planification
-d

Schéma directeur d’aménagement urbain de Tetouan 1981-2001 urbaine est en cours d’élaboration. En 2006, la
wilaya du Grand Casablanca, précurseur
comme de coutume, est la première à lancer
l’élaboration d’un plan de développement stra-
île

tégique et sa traduction spatiale et réglemen-


taire par un schéma directeur d’aménagement
urbain (Sdau) sous la houlette de l’Agence
urbaine de Casablanca. Ce Sdau est actuelle-
ment en cours de déclinaison à l’échelle locale
U

des communes par des plans d’aménagement.


Cette nouvelle génération de documents de
planification urbaine se base sur les principes
IA

du développement durable, en cherchant un


équilibre entre ses trois piliers (social, écono-
mique et environnemental), en élaborant une
vision globale à long terme, ainsi qu’en définis-
sant les outils et les moyens de mise en œuvre.
La démarche participative d’élaboration de
cette nouvelle planification urbaine associe en
amont et tout au long des travaux, les élus, les
décideurs et acteurs locaux, mais également la
société civile.
Le Maroc accorde aujourd’hui une importance
particulière à la protection de l’environnement.
D’ores et déjà, les concepts de développement
durable, d’efficacité énergétique, d’innovation
technique, économique, environnementale, cul-
Dar Al Handasah

turelle et sociale, constituent les principes de


base de la nouvelle planification des villes du
Royaume.
28
À la recherche
de la métropolisation

ce
an
Une nouvelle approche
Fr de la planification stratégique 30

Casablanca :
e-
laboratoire de l'évolution urbaine 33

Marrakech :
-d

la métropolisation d’une cité royale 37


île

Rabat-Salé, ville capitale 39


U
IA

29
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 À la recherche de la métropolisation

Une nouvelle approche


François Dugeny de la planification stratégique
Victor Said
IAU île-de-France

La mise en œuvre de la régionalisation,


l’unicité de la ville et la prise
en considération de la durabilité
du développement ont nécessité une

ce
nouvelle approche de la planification
du Grand Casablanca. À l’occasion
de la révision du schéma directeur,

an
avec l’appui de l’IAU île-de-France,
l’Agence urbaine a su créer un espace
de concertation et de construction

F. Dugeny/IAU îdF
partagée, favorisant une approche
Fr croisée.
e-
l’aube du XXIe siècle, le Maroc s’interro- 2004 atteint ses limites, l’étalement urbain en

À
Retransmission de la présentation
du schéma directeur du Grand geait sur les modalités à mettre en tache d’huile dans les zones préservées n’étant
Casablanca à Sa Majesté le Roi œuvre pour renouveler les plans d’ur- pas maîtrisé, pendant qu’une partie des urbani-
Mohammed VI au journal télévisé banisme de ses villes les plus importantes. Ces sations prévues à Zenata sous forme d’une véri-
-d

du 22 octobre 2008. plans, datant pour l’essentiel des années 1980, table ville nouvelle dans le prolongement est
arrivaient à échéance et, selon les dispositions de l’agglomération ne trouvait pas de réel
législatives et réglementaires en vigueur, deve- début de réalisation. De plus, en l’absence de
naient progressivement caducs, laissant un vide maîtrise du foncier, les plans d’aménagement
île

juridique pour l’application du droit des sols. ne pouvaient garantir la préservation des
C’est dans ce contexte qu’après avoir travaillé emplacements nécessaires à la réalisation des
depuis trente ans aux côtés des autorités maro- équipements publics, qu’il s’agisse d’équipe-
caines et de différentes agences d’urbanisme ments de proximité ou des infrastructures
des grandes villes marocaines, l’IAU île-de- nécessaires au bon fonctionnement des quar-
U

France a été mobilisé pour contribuer à renou- tiers (moins de 20 % des équipements prévus
veler l’approche planificatrice de la capitale étaient réalisés).
économique du Royaume. Cet exercice, mené De ce fait, le marché immobilier a créé des dis-
IA

en étroite relation avec l’Agence urbaine de parités importantes entre centre et périphérie et
Casablanca et les autorités responsables du ter- entre quartiers, dans un contexte de très forte
ritoire du Grand Casablanca à ses différentes pression urbaine ouvrant la voie à un système
échelles, a constitué un véritable laboratoire de fonctionnement dérogatoire sans visibilité
pour jeter les bases d’une approche renouvelée d’ensemble. De nombreux programmes dits
de la planification au Maroc. « d’investissement » concernant chacun un
nombre significatif de logements réputés
Le contexte de l’aménagement « sociaux » ont ainsi vu le jour en frange de la
et du développement de la métropole zone agglomérée, sans aucun équipement d’in-
Les grandes métropoles marocaines dispo- fra ou de superstructure.
saient toutes de schémas directeurs traçant les
grands axes de leur développement urbain Des conditions favorables
pour les vingt-cinq années suivant leur appro- pour une bonne synergie entre acteurs
bation, et de plans d’aménagement donnant Le premier facteur de synergie tient à la gouver-
une définition détaillée de l’usage et des droits nance, du fait de la délimitation d’un territoire
des sols. unique de la wilaya et de la région du Grand
À Casablanca, le schéma directeur élaboré par Casablanca, avec la mise en place progressive
le cabinet Pinseau approuvé en 1984 avait en des instances territoriales régionales, parallèle-
30
ment à celle qui va assurer l’unité de la ville au phique et d’améliorer l’image de la ville pour
travers de la constitution du conseil de la ville mieux asseoir son identité.
de Casablanca et de l’élection de son président Le temps où le développement métropolitain
(le « maire » de Casablanca). pouvait être efficacement encadré par la seule
Dès lors, l’ensemble des décideurs a souhaité planification, du fait de l’unicité de la chaîne
mener une réflexion commune en vue de faire d’acteurs et de la longueur des cycles écono-
cesser un développement de plus en plus anar- miques, est en effet révolu. La mondialisation et
chique, pour trouver les voies et moyens de la multiplication des niveaux de décisions, ainsi
structurer et d’équiper les quartiers spontanés, que le rôle du secteur privé, imposent de nou-
et surtout pour partager une vision stratégique veaux modes de faire s’appuyant sur une
et transversale du devenir de la métropole au approche stratégique partagée.
moment où des approches sectorielles dans les Cette approche s’articule autour d’un certain
domaines économique et touristique se fai- nombre de principes majeurs : dépasser la pla-

ce
saient jour. Il s’agissait enfin d’engager une véri- nification sectorielle, ne plus appréhender le
table démarche de développement durable et développement urbain par la seule gestion du
d’amélioration du cadre de vie. droit des sols et des équipements, intégrer les
moyens de mise en œuvre et l’identification
Le Sdau, support de la démarche

an
des acteurs concernés en élaborant avec eux la
stratégique(1) stratégie permettant de réaliser les projets, s’ap-
La prise de conscience des enjeux d’un déve- puyer sur une large concertation, en rupture
loppement durable assurant un juste équilibre avec les pratiques antérieures, prendre en
entre les préoccupations d’ordre économique, compte les évolutions engagées et futures. L’ap-
environnemental et d’équité sociale, ainsi
que l’arrivée à échéance des documents de
planification, ont naturellement cristallisé ces
Fr
plication de ces principes implique une sou-
plesse permettant d’accueillir évolutions et ini-
tiatives nouvelles (tout en préservant le
démarches sur la mise en œuvre d’un nouveau caractère prescriptif des dispositions majeures :
e-
schéma directeur pour le Grand Casablanca. patrimoine, risques, etc.), ce qui nécessite un
C’est le sens du projet qui a été mené de 2005 important travail de suivi-évaluation.
à 2007 par l’Agence urbaine de Casablanca, Cette démarche pose la question de la cohé-
appuyée par l’Iaurif. rence à trois niveaux : entre échelles de terri-
-d

Plutôt qu’une classique approche sectorielle, toires et entre territoires différents, entre enjeux,
ce projet a donc pris en considération une objectifs, projets et actions, et enfin entre
approche systémique croisant les différents acteurs aux différentes échelles.
champs de l’aménagement, de l’urbanisme, du
île

développement économique, de la démogra- La nécessaire prise en compte


phie, du logement, des transports, de l’environ- de la mise en œuvre
nement… et ce, aux différentes échelles territo- Comme dans toute métropole, le débat sur la
riales. Un soin particulier a donc été apporté à place des prescriptions dans la démarche stra-
évaluer les interactions entre ces champs, afin tégique s’est posé, concluant à la limitation des
U

de disposer des éléments sur lesquels asseoir contraintes réglementaires les plus fortes aux
une réelle stratégie pour la métropole. En prio- seuls espaces concernés par des enjeux de
rité, il s’est agi de définir la place de la métro- patrimoine (au sens large : espaces agricoles
IA

pole au niveau national et international, de la de grande valeur, forêts, sites et espaces naturels
conforter en tant que premier pôle écono- ou urbains de qualité, gisements de matériaux,
mique du Maroc, locomotive du développe- espaces adaptés à certaines fonctions tech-
ment régional et national, mais aussi de faire niques, etc.), d’équipements à réaliser (assiette
en sorte qu’elle relève les défis auxquels elle est foncière) et de risques naturels ou industriels
confrontée. (enjeu de sécurité et de santé publiques). En
La difficulté de la démarche résidait dans la revanche, une plus grande souplesse doit être
nécessité d’aller au-delà de l’incantation ou recherchée pour les autres espaces, où le déve-
d’un exercice de planification ne prenant pas loppement relèvera de l’élaboration concertée
en considération les moyens de sa mise en et de la contractualisation.
œuvre. C’est ce qui a mobilisé les acteurs Ainsi, c’est un véritable projet d’agglomération(2)
autour de projets identifiés comme prioritaires, qui doit être élaboré, dégageant les axes straté-
V. Said/IAU îdF

susceptibles de concrétiser les stratégies arrê-


tées dans les différents domaines, permettant (1) Voir dans ce numéro des Cahiers, SAID Victor «Grand Casa-
de doter Casablanca d’équipements structu- blanca : le Sdau en appui au projet métropolitain », p. 136.
rants majeurs, d’organiser les transports et les (2) Comme l’a fait la métropole de Lyon en engageant la De nombreux programmes
démarche Millénaire 3, qui s’appuyait sur cinq axes straté-
espaces dédiés aux activités tertiaires de haut giques très consensuels, et qui a permis de mettre en place de logements sociaux ont vu le jour
niveau, d’accueillir la croissance démogra- un « conseil de développement ». en frange de la zone agglomérée.
31
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre À la recherche de la métropolisation
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Une nouvelle approche de la planification stratégique

giques du développement métropolitain, se tra- neur directeur de l’Agence urbaine de Casa-


duisant par un plan d’actions prioritaires, par la blanca, ainsi que les gouverneurs des préfec-
délimitation des secteurs à très fortes potentia- tures et provinces de la région du Grand Casa-
lités de développement ou de redéveloppe- blanca. Ce comité, placé sous l’autorité du wali
ment, et par la promotion de véritables dé- du Grand Casablanca, regroupait aussi des

V. Said/IAU îdF
marches contractuelles. représentants du secrétaire général du minis-
Celles-ci s’inscrivent dans une charte liant les tère de l’Intérieur et de celui des Collectivités
acteurs et nécessitent une mobilisation autour locales, et du ministère de l’Habitat et de l’Urba-
La mise en place d’instances d’un ou plusieurs acteurs principaux capa- nisme.
territoriales régionales ble(s) de créer une dynamique durable. Un comité d’animation technique, placé sous
est un facteur clé de la synergie Au Maroc, l’État jouant un rôle central dans la l’autorité du gouverneur directeur de l’Agence
entre les acteurs. planification et dans l’aménagement du terri- urbaine de Casablanca (d’abord Mme Fouzia
toire, c’est à son niveau que l’initiative a jailli et Imansar, puis M. Allal Sekhroui) a regroupé les

ce
que le processus a été porté, mais c’est au directions des services techniques directement
niveau métropolitain que l’essentiel du projet a concernés par l’élaboration du schéma direc-
été construit, avec la participation de chacun teur au niveau de l’Agence urbaine, de la
des acteurs de l’aménagement et du dévelop- wilaya, de la ville, des préfectures et des pro-

an
pement de ce territoire. vinces.
L’équipe d’experts de l’IAU île-de-France s’est
La mise en place d’un espace mise aux côtés de celle de l’Agence urbaine, au
de négociation et de construction service de ce dispositif. Elle a apporté son expé-
partagée rience, son savoir-faire et un appui technique et
Fr
Les pays anglo-saxons connaissent une tradi-
tion de négociation entre les différents acteurs
de l’aménagement, amenant un consensus qui
méthodologique.
Le dispositif a été complété par la mise en
place d’ateliers thématiques (démographie,
veut trouver un équilibre entre intérêt général habitat et cadre de vie ; développement écono-
e-
et intérêts particuliers. L’exemple de ces pays mique, touristique et équipements structurants;
est difficilement transposable en France ou au environnement, écologie, paysages et infrastruc-
Maroc, pays où la gestion du droit des sols tures des réseaux divers ; mobilité et infrastruc-
s’appuie sur des documents d’urbanisme ne tures de transport ; urbanisme et aménagement
-d

présentant pas de marges de négociation territorial; approche réglementaire et juridique;


(«j’autorise/j’interdis»), avec un recours de plus système d’information géographique et expres-
en plus fréquent à l’arbitrage du juge. sion cartographique) et d’ateliers territoriaux,
Le régime dérogatoire récemment mis en place véritables chevilles ouvrières de l’élaboration
île

au Maroc aurait pu laisser penser qu’une telle du schéma directeur.


marge de négociation était ouverte. Néan- Ces ateliers ont veillé à la bonne participation
moins, faute de critères clairs quant à son appli- des partenaires techniques et professionnels,
cation, en particulier sur la définition des pro- techniques, financiers ou institutionnels : Ordre
jets d’investissement, il s’agissait plus d’une des architectes, Comité régional du tourisme,
U

brèche ouverte dans le dispositif réglementaire Caisse des dépôts et de gestion, université, ges-
que d’un espace de négociation sur des pro- tionnaires de réseaux, représentants du monde
jets qui présentent, certes, un intérêt pour la col- économique, Centre régional de l’investisse-
IA

lectivité publique, mais ne peuvent être réali- ment, etc.


sés dans n’importe quelles conditions.
Il appartenait donc aux tenants de l’aménage- Relever les défis
ment régional de trouver les relais nécessaires et créer les conditions du succès
Diffusion d’une démarche adaptée pour qu’un esprit de consensus et de négocia- L’ensemble de la démarche a permis de relever
aux métropoles marocaines tion puisse se développer. Pour l’Etat, maître les défis qui se posent à la capitale écono-
À la demande des agences urbaines d’ouvrage, ces relais étaient à trouver en décloi- mique du Royaume. En agissant comme un
de Oujda et de Marrakech(1), sonnant au sein de ses propres services, en se laboratoire des stratégies métropolitaines, elle a
l’IAU île-de-France a transposé et adapté,
dans le cadre de la coopération, rapprochant de collectivités agissant de plus mis en place les conditions visant à permettre
cette nouvelle approche de planification en plus comme des développeurs de leur terri- d’atténuer les fractures et les disparités territo-
stratégique aux contextes spécifiques toire, et de représentants de la société civile. riales, économiques et sociales, pour un amé-
de chacune de ces deux régions. nagement et un développement durables au
Ceci a permis à ces agences de lancer Un dispositif adapté et innovant bénéfice des populations actuelles et futures.
le chantier d’élaboration des nouveaux
schémas directeurs en appliquant pour le Maroc
les principes innovants de cette démarche. L’ensemble de la démarche a été mené par un
comité stratégique de pilotage réunissant le
(1) Voir dans ce numéro des Cahiers, SAID Victor,
« Marrakech, la métropolisation d’une cité royale »,
président de la région du Grand Casablanca,
p. 37. le maire de la ville de Casablanca, le gouver-
32
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 À la recherche de la métropolisation

Casablanca :
Pauline Zeiger laboratoire de l’évolution urbaine
Gwenaëlle Zunino
IAU île-de-France

Casablanca est un haut lieu


d’innovations urbaines depuis plus
d’un siècle. De nombreuses théories
avant-gardistes lui ont forgé
ce caractère unique. Elle s’est toujours

ce
distinguée par son ouverture
au monde. Aujourd’hui, elle souhaite
changer d’image pour entrer

an
dans la modernité : elle opte pour
un positionnement international fort.
Cinq architectes donnent des clés
G. Zunino/IAU îdF
pour comprendre comment développer
Fr la ville du XXIe siècle en respectant
sa tradition.
e-
travers son histoire, Casablanca a tou- une ville nouvelle autour du port, lieu fédéra-

À
Le changement d’image
de Casablanca passe notamment jours été une ville à part, symbole de teur, selon un plan radioconcentrique.
par la définition d’une nouvelle l’ouverture du Maroc sur le monde, de Le plan Prost fera date dans l’histoire de l’ur-
silhouette urbaine. modernité et d’innovation urbaine.Aujourd’hui, banisme car il offre d’importantes innovations :
-d

elle veut se positionner sur la scène internatio- la prise en compte de l’automobile dans un
nale comme une ville du XXIe siècle. Comment système hiérarchisé de voirie, le principe de
développer la ville en respectant la tradition zonage, et le désir de qualité et d’unité architec-
tout en s’inscrivant dans la modernité ? turale à travers des servitudes architecturales
île

Après une rétrospective sur l’innovation dans et des prescriptions urbanistiques. En plus il
la planification urbaine, cet article s’intéresse destine le littoral et ses plages aux loisirs et à
à l’image de métropole que Casablanca veut l’activité balnéaire.
se donner. Pour cela, des entretiens ont été réa- Afin d’ancrer la ville dans la modernité, ce plan
lisés avec les architectes Rachid Andaloussi, propose également deux grands projets : la
U

Yves Lion, Philippe Madec, Christian de Port- construction d’une nouvelle médina, les
zamparc et l’équipe chargée du projet Anfa Habous, et la réalisation d’un parc central, prin-
Place à l’agence Foster + Partners. cipal espace vert de Casablanca. Le plan Prost
IA

donne ainsi un nouveau visage à Casablanca,


L’innovation liée notamment par un cœur de ville d’architecture
à la planification urbaine Art déco.
Depuis le début du XXe siècle, l’ambition de
Casablanca d’être une ville internationale est Le plan Écochard et le souci de l’équité sociale
inscrite dans les différents documents d’urba- À la veille de l’Indépendance, la structure
nisme. Toutes les démarches de planification démographique de Casablanca se transforme.
on voulu doter la ville des attributs de la moder- Le mouvement vers le littoral s’accélère et la
nité, adaptés à chaque époque. ville absorbe le tiers de la population urbaine
du pays. La première ville du Royaume draine
Le plan Prost projette la destinée les principales énergies du pays et s’est consi-
de la capitale économique du Royaume dérablement étendue.
En 1912, à la mise en place du Protectorat, la Par sa forte vision humaniste et pour s’adapter
volonté de Lyautey(1) d’impulser le développe- au nouveau contexte de la ville, Écochard(3)
ment de la ville marque le début de l’organisa-
tion de l’espace urbain de Casablanca. Le plan
(1) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p. 172.
Prost(2) constitue la première démarche de pla- (2) Idem.
nification de la ville. Ses objectifs sont de créer (3) Idem.
33
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre À la recherche de la métropolisation
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Casablanca : laboratoire de l’évolution urbaine

marque une rupture dans l’urbanisme de Casa- sant un réseau de pôles périphériques renfor-
blanca. Il repense la ville et sa région sur les cés autour de Casablanca et de Mohammedia.
bases de l’équilibre démographique et de la Il propose une mise à niveau générale de
déconcentration industrielle. La crise du loge- Casablanca et une prise en compte globale du
ment et l’organisation du développement littoral afin de promouvoir un aménagement
industriel sont les principaux enjeux de l’ag- cohérent(7).
glomération. L’aménagement de la périphérie Pour permettre à Casablanca de rester le sym-
devient incontournable. Face à la pénurie de bole de l’ouverture du Maroc sur le monde, la
logements, Écochard innove en définissant une stratégie du Sdau repose sur l’offre métropoli-
cellule-type pour les logements(4) et offre la pre- taine intégrant les dimensions de la ville dura-
mière réponse pour un logement social de ble. Il crée une offre foncière nouvelle pour y
masse. accueillir de l’activité et de l’habitat et inscrit
Afin d’organiser la ville en mutation, Écochard dans le territoire de nouveaux équipements

ce
prône un urbanisme linéaire qui affirme une structurants. Cela se traduit à la fois par de la
réorganisation du territoire vers l’est jusqu’à restructuration de friches, de l’extension
Mohammedia, car l’extension radioconcen- urbaine et par l’urbanisation de terrains gagnés
trique de la ville a atteint la ligne de crête. C’est sur l’océan.Au niveau régional, le Sdau propose

an
une véritable rupture au niveau des ambitions, plusieurs grands projets urbains mixtes et
de la doctrine et des techniques d’aménage- denses, tels que Zenata, Errahma, le grand pro-
ment. Le littoral devient le fil conducteur du jet de Lahraouyine et une ville verte à Bous-
Les grands projets à Casablanca développement économique et urbain de la koura. À Casablanca, on distingue trois sites
Par sa taille et son ambition, le projet ville : les activités balnéaires à l’ouest et l’indus- majeurs de grands projets urbains : Anfa 03-21,
urbain Anfa 03-21, situé sur l’ancien
aérodrome au cœur de la ville(1), a
un rôle primordial dans le positionnement
stratégique de Casablanca. Conçu par
Fr
trie à l’est transforment Casablanca en une
« cité linéaire littorale »(5).
le grand projet de Sidi Moumen et le grand pro-
jet du front de mer intégrant une série de pro-
jets. Ainsi, le Sdau esquisse la nouvelle image
les architectes Reichen et Robert, Le Sdau(6) de 1984 restructure la ville de la métropole de demain.
e-
il crée une nouvelle centralité intégrant et sa périphérie
habitat, grands équipements, parc urbain Au début des années 1980, Casablanca concen- Quelle innovation pour la métropole
et pôle tertiaire. tre 50 % de l’activité économique marocaine du XXIe siècle ?
Le grand projet de Sidi Moumen et 2,3 millions d’habitants. Pour devenir une métropole mondiale, harmo-
-d

a pour ambition de renouveler et


de requalifier un quartier existant autour La démarche proposée par Pinseau a pour nieuse et durable, Casablanca doit développer
d’une amélioration de l’offre d’habitat, ambition de coordonner la progression de l’ur- certains attributs de la modernité. Plusieurs
de grands équipements et d’une meilleure banisation et des équipements publics, et de défis s’imposent à elle : comment penser les
attractivité économique, tout en respectant maîtriser les terrains à urbaniser. Pour cela, il grands projets dans la ville ? Comment offrir
île

la mixité sociale. Ce grand projet urbain préconise l’élaboration d’un schéma directeur une ville pour tous ? Comment répondre aux
du front de mer de Casablanca correspond
à une série d’opérations, notamment sur un périmètre englobant Mohammedia et besoins des Casablancais tout en améliorant la
sur le littoral ouest de la ville. les communes périphériques ainsi que la créa- compétitivité de la ville ?
De nombreux projets sont en cours tion de l’agence urbaine de Casablanca et Afin de renforcer son attractivité, elle fait le
de réalisation : le centre commercial d’une agence foncière. Pour renforcer l’identité choix d’un positionnement économique et
Morocco Mall (Design International
U

de Casablanca, de grands projets urbains sont urbain fort : elle développe principalement ses
architects) ; le quartier des temps durables
de Sindibad (Philippe Madec architecte) ; proposés : l’aménagement de la Corniche, la activités tertiaires, haut de gamme, de loisirs et
le projet d’Anfa Place (Foster + Partner réhabilitation et la mise en valeur de la médina de commerce moderne correspondant aux
IA

architects et Sens Archi) ; la Marina de et des Habous, l’aménagement de la ville euro- standards internationaux.
Casablanca (Ateliers Lion, Imadeddine péenne, la réalisation de la Grande Mosquée La métropole change de visage et incarne la
et Mountassir architectes urbanistes) Hassan II, de l’avenue Royale et de la place des modernité avec une nouvelle silhouette
et la nouvelle gare de Casa Port (Groupe 3
Architectes). À ceci s’ajoutent des secteurs Nations Unies. L’approche de Pinseau est inno- urbaine et une redécouverte de son littoral. Ces
à l’étude comme la presqu’île d’El Hank ; vante, car elle tient compte de la nécessité de mutations se traduisent par la création de nou-
la Nouvelle Corniche ; l’aménagement des transformer un paysage urbain éclaté en inté- veaux quartiers tels que la Marina, Anfa 03-21
premiers bassins du port pour qu’ils grant au mieux les quartiers périphériques et sur le site de l’ancien aérodrome et les quar-
fassent partie intégrante de la ville et la leur population. tiers durables de Sindibad ; par des équipe-
mise en valeur de la façade maritime d’Aïn
Sebaa. ments structurants comme le théâtre CasArts, et
Le projet du théâtre CasArts (Christian Le nouveau Sdau du Grand Casablanca le centre commercial de Morocco Mall ; et par
de Portzamparc et Rachid Andaloussi projette la ville durable
architectes) vient également illustrer Au début du XXIe siècle, l’ambition de Casa- (4) Cette trame a été baptisée de fait « la trame Écochard ».
la nouvelle ambition de Casablanca blanca est de devenir une grande métropole (5) La « cité linéaire littorale » reprend les principes de la
à travers la réalisation d’un grand « ville linéaire industrielle » développée par Le Corbusier en
équipement majeur de rayonnement local, internationale durable pour tous. Le Sdau du 1945.
national et international. Grand Casablanca, présenté à Sa Majesté le Roi (6) Sdau : schéma directeur d’aménagement urbain.
Mohammed VI en 2008, affirme ce positionne- (7) Voir dans ce numéro des Cahiers, SAID Victor «Grand Casa-
(1) Voir dans ce numéro des Cahiers, MAYET Pierre, blanca : le Sdau en appui au projet métropolitain », p. 136 et
SAID Victor et WARNIER Bertrand, « Casablanca :
ment international tout en proposant une arma- ZUNINO Gwenaëlle, « Quelle stratégie d’aménagement pour le
intégration du grand projet urbain d’Anfa », p. 142. ture urbaine régionale polycentrique, organi- littoral de Casablanca ? », p. 140.
34
des développements balnéaires comme Anfa plusieurs projets qui viendront ponctuer l’es-
Place. Ces grands projets offrent de nombreux pace urbain. Par leur architecture et leur carac-
pôles dédiés aux services et au commerce, ils tère novateur, ils deviendront des symboles
constituent de nouvelles centralités urbaines. pour un quartier et pour la ville. C’est le cas du
Cependant, une programmation à visée essen- théâtre CasArts ou du centre commercial
tiellement internationale, destinée aux entre- Morocco Mall.
prises et aux ménages à hauts revenus, est ris- Comme dans toutes les métropoles du monde,
quée car elle n’est pas destinée à tous les il existe une volonté de construire des tours,
Casablancais. De plus, la prolifération des cen- véritables symboles pour une ville, pour son
tres commerciaux impactera l’animation économie comme pour son image. Ainsi, à
urbaine et le commerce de proximité. Enfin, il Casablanca, la verticalité se renforce. D’une
est nécessaire que ces projets soient desservis part, elle passe par une densification en hau-
par les transports en commun et que leur acha- teur du tissu urbain, à l’image des immeubles

ce
landage soit réfléchi(8). du centre-ville, d’Anfa 03-21 ou de la Marina.
La stratégie du nouveau Sdau de conforter D’autre part, les projets de tours se multiplient
Casablanca comme pôle tertiaire international et forment des repères urbains. Le Sdau du
se traduit d’une part par le renforcement de Grand Casablanca a déterminé des sites poten-

an
cette vocation en cœur de ville à travers les pro- tiels pour ces tours et a préconisé des principes
jets de la Marina, de Casa City Center et de la de composition urbaine, de densité, d’environ-
nouvelle gare de Casa Port ; d’autre part, par la nement et de vie sociale. Cette tendance à la
réalisation d’Anfa 03-21, qui constituera un nou- verticalité contribue à façonner la nouvelle
veau pôle tertiaire au sein d’une future centra- silhouette urbaine qui, dans la lignée de la
lité urbaine.

Quelle silhouette urbaine veut-on créer ?


Fr
Grande Mosquée et des Twin Towers, permet-
tra à Casablanca de devenir internationalement
reconnaissable.
Casablanca souhaite perpétuer son image de Casablanca s’inscrit également dans un déve-
e-
ville à l’architecture audacieuse(9). Pour cela, la loppement durable à vocation internationale.
nouvelle silhouette urbaine reflète l’innovation Ainsi, le projet de quartiers durables de Sindi-
architecturale, la verticalité, le développement bad a évolué vers davantage de mixité des
durable et l’urbanisme international. fonctions, intégrant une dimension culturelle
-d

La recherche de la métropolisation pose la


question de la ville que Casablanca souhaite (8) Voir dans ce numéro des Cahiers, TAZI Kawtar, « Une arma-
devenir. Ainsi, en cohérence avec le Sdau, la ture commerciale en pleine évolution », p. 66.
« ville blanche » désire se doter de grands équi- (9) Par son patrimoine Art Déco, son architecture moderne
île

des années 1950, les Twin Towers et la Grande Mosquée


pements de rayonnement régional, national, Hassan II, Casablanca s’est toujours distinguée par une archi-
voire international. C’est pourquoi elle a lancé tecture innovante.
U
IA

Les grands projets


du centre-ville
de Casablanca
IAU îdF

35
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre À la recherche de la métropolisation
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Casablanca : laboratoire de l’évolution urbaine

et environnementale aux espaces publics et L’accès des Casablancais à l’océan, la conti-


aux bâtiments. Par leur trame urbaine et leur nuité des promenades, la préservation des
vocabulaire architectural, les projets de la espaces naturels et des espèces subissent la
Marina et d’Anfa Place reflètent l’image d’une progression de l’urbain.
métropole mondiale. Enfin, le projet d’Anfa 03-
21 affirme la position économique de Casa- Réinterpréter la tradition architecturale
blanca et se veut le symbole de la ville tertiaire et culturelle
et durable intégrée à la ville existante. Casablanca a une tradition architecturale et
À travers tous ces projets, Casablanca affirme culturelle imprégnée de métissage. Dans cette
son ambition de changement. Pour donner une lignée, Christian de Portzamparc a voulu créer
image cohérente et améliorer la visibilité de la le CasArts comme une médina culturelle. La
métropole, ils doivent être pensés en complé- réinterprétation de la ville arabe traditionnelle
mentarité. Cependant, la succession de projets, se retrouve dans l’organisation du programme,

ce
qui pensent un lieu et une facette, peut nuire à selon un système libre reprenant les ruelles des
la cohérence de l’évolution de la ville. C’est médinas, et dans le village des artistes, pensé
pourquoi il est primordial que cette volonté de comme des maisons traditionnelles à patios.
changement d’image soit adaptée : tout projet De nombreux projets, dont les quartiers dura-

an
s’inscrit dans un site, dans une ville existante bles de Sindibad et le CasArts, réinterprètent le
et s’imprègne d’une tradition et d’un savoir- vocabulaire architectural traditionnel. Ils pro-
faire. posent une « architecture blanche », un système
traditionnel de ventilation naturelle et s’inspi-
S’inscrire dans une trame urbaine rent des motifs des moucharabiehs ou des zel-
Fr
et respecter l’identité des lieux
Certains grands projets prennent en considéra-
tion la trame urbaine et l’identité des lieux qui
liges pour les claustras en façades. On constate
donc que certains grands projets s’inscrivent
dans une double démarche : ils reprennent cer-
les entourent. Pour Anfa 03-21, le site a été res- taines caractéristiques urbaines et architectu-
e-
pecté. L’histoire du lieu est préservée par l’axe rales emblématiques de Casablanca et du
de l’ancienne piste, la topographie a permis de Maroc et développent une facette de sa moder-
créer des ambiances urbaines variées. Le projet nité. Ils allient ainsi tradition et modernité pour
conçoit un tissu urbain en continuité avec les façonner la ville de demain.
-d

quartiers environnants, mais propose une archi- D’autres projets sont résolument entrés dans le
tecture contemporaine en rupture avec les XXIe siècle et se détachent des formes urbaines
quartiers résidentiels de Hay Hassani. et architecturales qui les entourent. Ainsi, Anfa
Situé sur la place emblématique de la ville Place et Morocco Mall apparaissent comme de
île

européenne et à proximité de la médina, le pro- nouveaux espaces en rupture avec leur envi-
jet CasArts s’intègre à la ville existante en réin- ronnement, consécration du futurisme et de la
terprétant l’organisation classique des bâti- modernité mondiale.
ments à ordonnancement, tout en s’inspirant
de la forme de la médina ; le théâtre vient Casablanca s’affirme comme une métropole
U

« cadrer » la place. Les quartiers durables de du XXIe siècle. Or, celle-ci se doit d’être une ville
Sindibad mettent en valeur l’identité du site durable. Cela signifie qu’elle doit être compéti-
par la réalisation d’un musée archéologique et tive au niveau international, mais aussi une ville
IA

d’un parc urbain, préconisés dans le Sdau et le pour tous, où le social et le local ont leur place.
schéma stratégique de référence du littoral. Il Enfin, l’environnement et la nature en ville sont
est important que ce projet prenne en consi- des éléments incontournables de l’aménage-
dération l’identité du lieu, au relief particulier et ment de demain, surtout du potentiel excep-
au pied d’une falaise. Enfin, il reprend le prin- tionnel de son littoral. Casablanca amorce son
cipe des quartiers du centre-ville et se base sur changement d’image par la réalisation de nom-
l’existant pour déterminer les dimensionne- breux grands projets. Même s’ils offrent un
ment des îlots. À sa manière, le projet de la visage résolument contemporain et internatio-
Marina s’inscrit dans la ville existante. Pour ce nal, ils doivent néanmoins respecter les habi-
morceau de ville ex nihilo, la trame urbaine est tants et la ville dans laquelle ils s’inscrivent. Il
V. Said/IAU îdF

prolongée et les ouvertures vers l’océan – en est nécessaire, notamment pour les projets à
dépit du relief – sont respectées. l’étude, de s’interroger sur leurs ambitions: vont-
Les projets situés sur le littoral constitueront ils dans le sens d’une ville pour tous ?
Les grands projets du littoral une nouvelle vitrine urbaine, reflet de la métro-
formeront la nouvelle vitrine de pole du XXIe siècle. Ainsi, le littoral incarne le
Casablanca. Ils portent des enjeux nouveau visage de la ville. Pourtant, ce qui fait
forts d’une ville attractive où l’accès son attrait et sa qualité urbaine est menacé. Le
à l’océan est primordial. site n’est pas pris en compte à sa juste valeur.
36
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 À la recherche de la métropolisation

Marrakech : la métropolisation
d’une cité royale
Victor Said
IAU île-de-France

De la capitale du Royaume
à la métropole touristique, Marrakech
a débordé sa médina pour empiéter
sur la palmeraie et l’espace agricole.
Impulsée par le boom touristique et

ce
immobilier, cette évolution mal maîtrisée
a engendré des déséquilibres sociétal,
économique et environnemental,

an
notamment avec l’arrière-pays.
Pour retrouver un développement
durable, une vision globale
Fr V. Said/IAU îdF d’aménagement stratégique de l’aire
métropolitaine s’avère indispensable.
e-
ans un contexte de globalisation et de Le succès économique a rendu Marrakech

D
Marrakech se dote d’équipements
métropolitains, comme ici le palais compétition mondiale entre les villes, attractif pour l’exode rural, car l’espace péri-
des Congrès, et organise Marrakech s’est distinguée pendant les phérique reste à prédominance rurale(5). Les
de l’événementiel à l’échelle deux dernières décennies, par une forte crois- bidonvilles et l’habitat non réglementaire pro-
-d

internationale. sance démographique et économique liée lifèrent dans l’espace urbain et périurbain.
principalement au développement touristique. Cette situation est aggravée par les difficultés
de promotion de programmes publics d’habi-
Une métropole victime de son succès tat, notamment en milieu rural. Ceci, malgré le
île

Cette croissance rapide s’est traduite par un développement de la ville nouvelle de Taman-
développement urbain qui a dépassé large- sourt qui intègre des opérations d’habitat
ment le périmètre de la ville. Des unités touris- social. Enfin, cette urbanisation rapide non maî-
tiques(1) ont fleuri tous azimuts, souvent par trisée alimente la spéculation foncière, dégrade
dérogation, dans un rayon de dix à vingt kilo- les paysages urbains et le milieu naturel,
U

mètres autour du centre-ville. Cette situation aggrave les fractures sociales et territoriales et
déstabilise la campagne et l’activité agricole, porte atteinte à l’environnement.
qui constitue la ressource de la population
La crise : une opportunité
IA

rurale grâce à la plaine de Doukkala et à l’Atlas,


réservoir d’eau de la région. pour une évaluation globale
Marrakech focalise sur son image touristique À l’aube du XXIe siècle, l’avenir de Marrakech et
grâce à une offre variée (climatique, culturelle, de son arrière-pays est en jeu. La forte crois-
historique et identitaire). Elle est devenue une sance urbaine impose des interrogations fonda-
référence pour l’investissement immobilier, qui mentales sur la diversification du modèle éco-
contribue aujourd’hui, avec le tourisme, à 80 %
du développement économique de la région. (1) Résidences spécialisées pour l’accueil du troisième âge,
Cette impulsion est également le résultat de programmes touristiques et résidentiels complètement fer-
l’amélioration des infrastructures(2) et de la réa- més autour d’un golf, de spas ou d’activités thématiques.
(2) L’aéroport est connecté à 40 destinations mondiales. L’au-
lisation de grands équipements(3) qui renfor- toroute la relie à Casablanca en 2 heures, et bientôt à Agadir.
cent l’intégration de la ville aux circuits touris- (3) Stade de 60 000 places, nouvelle gare ferroviaire, com-
tiques du pays. plexe hospitalier universitaire, etc.
(4) La baisse des arrivées de touristes en 2008 est de l’ordre
Depuis 2008, les effets de la crise économique de - 10 % par rapport à 2007. En 2009, la baisse du nombre de
mondiale se font ressentir. Après plusieurs nuitées est à - 12 % et celles de recettes des hôtels à - 20 %.
années de forte croissance, des baisses(4) impor- (5) Le taux moyen annuel d’accroissement de Marrakech
est resté supérieur à 5 % durant plusieurs décennies, tandis
tantes sont enregistrées traduisant la fin logique que la majorité des communes rurales situées autour enre-
d’un cycle de croissance exceptionnelle. gistre des taux faibles, parfois négatifs.
37
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre À la recherche de la métropolisation
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Marrakech : la métropolisation d’une cité royale

nomique, la rentabilité des investissements Dans ce sens, la protection des riches terres
touristiques(6), l’exploitation des ressources agricoles de la pression urbaine, la diversifica-
hydriques et énergétiques, l’accueil des flux tion et la modernisation de l’activité rurale, ainsi
migratoires (notamment en termes d’offre que le désenclavement et l’équipement de l’ar-
d’emplois, d’habitat et de mixité sociale), l’ac- rière-pays sont également des défis majeurs.
tivité en milieu rural et la valorisation du patri- Les actions dans ce domaine pourraient ren-
moine et des traditions ancestrales. trer dans le cadre de l’INDH(7).
L’accalmie de la frénésie de l’immobilier touris- Le patrimoine historique bâti et immatériel de
tique est une aubaine pour permettre aux déci- Marrakech représente l’identité et reflète la cul-
deurs de remettre à plat un système qui a ture marocaine. Sa sauvegarde et valorisation
atteint ses limites. Cette situation est à la source sont des enjeux importants, non seulement
du déséquilibre à la fois sociétal, territorial et pour les visiteurs mais aussi pour les citoyens.
V. Said/IAU îdF

environnemental, de la région de Marrakech. En matière de développement urbain, malgré

ce
les apparences d’une ville homogène, il existe,
Des défis majeurs à relever face hormis dans la médina, des déséquilibres en
Réhabilitation du patrimoine aux enjeux d’équilibre de la métropole termes d’utilisation du sol, de densité, de forme
en centre culturel. Au niveau social, l’enjeu majeur est de concilier urbaine et de hauteur des bâtiments, entre les

an
une politique de développement de l’industrie différents quartiers. L’enjeu consiste à harmoni-
Naissance et destinée de Marrakech touristique avec une forte identité locale et des ser l’ensemble, dans une vision d’intensifica-
Au XIe siècle, les Almoravides choisissent traditions ancestrales. Certes, le pays est réputé tion et de valorisation urbaine en corrélation
la plaine de Doukkala pour s’implanter pour sa tolérance et sa capacité d’adaptation à avec les transports et les équipements de proxi-
et asseoir leur pouvoir. Après avoir franchi
l’évolution mondialisée. Néanmoins, un déca- mité. L’objectif étant d’améliorer le cadre bâti,
l’Atlas, ils repèrent un emplacement neutre
entre les zones d’influence des tribus
pour installer un camp. C’est ainsi que naît
Marrakech sous le règne de Youssef Ben
Tachefine. Dès 1106, Ali Ben Tachefine,
Fr
lage persiste entre les flots de touristes et les
habitants d’une vieille cité et d’une couronne
rurale attachés à leur mode de vie. De plus, un
le paysage urbain et la qualité de vie des habi-
tants, en limitant les nuisances et la pollution
dues à la congestion de la circulation.
autre décalage existe entre la ville-centre et son Enfin, les déplacements et le stationnement liés
imprégné par la civilisation andalouse,
e-
activité touristique à grande échelle (festivals, aux circuits touristiques autour de la médina
embellit la ville par des monuments et
palais. Il fait creuser des khettaras (drains rallyes, congrès internationaux, etc.) et un devraient également faire l’objet d’une atten-
souterrains) pour l’approvisionnement arrière-pays basé sur l’économie rurale, sous- tion particulière afin d’offrir des espaces
en eau. La création de la palmeraie équipé et enclavé. publics de qualité suffisamment dimensionnés.
-d

date probablement de cette époque. L’exploitation rationalisée des ressources


Les premières murailles sont tracées
en 1126 par des savants de Cordoue
naturelles et la sauvegarde de l’environnement Vers une vision de développement
afin de faire face à la révolte des Berbères constituent également des défis majeurs. stratégique à l’échelle métropolitaine
Almohades. En 1147, Marrakech tombe Concernant l’eau, l’équilibre à maintenir entre L’étalement urbain, ainsi que les décalages et
île

aux mains des Almohades qui « purifient » les différents usages est un enjeu vital devenu les déséquilibres entre Marrakech et son envi-
la médina en détruisant palais et encore plus crucial du fait de la pénurie liée au ronnement, exigent l’élaboration d’une vision
mosquées. Aussitôt, la grande mosquée
réchauffement climatique, aux périodes de stratégique du développement dépassant les
Koutoubia est construite sur l’esplanade
du palais en rétablissant l’orientation sécheresse à répétition, à la surexploitation et à limites de la ville et intégrant les communes
vers la qibla(1). À cette époque, Marrakech la pollution des nappes phréatiques. La sauve- rurales.
U

connaît son apogée de capitale garde et la mise en valeur de la palmeraie de L’IAU îdF a été sollicité en 2009 par l’Agence
économique et culturelle de l’Occident Marrakech, symbole identitaire ancestral et urbaine de Marrakech (AUM), dans le cadre
musulman. Elle est le haut lieu d’un
poumon vert indispensable, représentent un d’une convention de coopération, pour évaluer
métissage religieux et culturel. Yakoub el
IA

Mansour double la ville en construisant autre enjeu majeur de l’équilibre écologique les approches d’élaboration des schémas direc-
la kasbah, cité autonome du pouvoir et de la valorisation du paysage aussi bien teurs. Des missions d’expertise ont abouti à
qui sera réinvestie par les dynasties urbain que naturel. définir une démarche de vision globale pour
jusqu’aujourd’hui. À l’arrivée des Mérinides Par ailleurs, le développement de la zone d’agri- un développement stratégique qui sera traduit
en 1269, la capitale est transférée à Fès
culture vivrière au nord de l’agglomération spatialement et réglementairement par un
et Marrakech décline. Ce n’est qu’au
XVIe siècle que les Saadiens la choisissent
implique la protection de l’oued qui l’alimente. schéma directeur d’aménagement urbain à
comme capitale et la font renaître Ceci permettra aussi de maintenir l’activité l’échelle de l’aire métropolitaine de Marrakech.
de ses ruines en 1510. De cette époque, dans l’espace rural et d’entretenir son paysage. Les limites territoriales ont été arrêtées en fonc-
il ne reste de la grande mosquée tion de l’attraction et de l’aire d’influence de la
que le nom de la place Jama’Al Fna.
capitale régionale. Récemment, l’AUM a lancé
Vers 1564, la ville est dotée de somptueux
monuments, dont la medersa Ben Youssef. cette démarche, avec sa déclinaison en plan
Au XVIIe siècle, le sultan alaouite Moulay d’aménagement à l’échelle de la ville. Elle
Ismaïl déménage la capitale à Meknès. devrait aboutir en 2011.
(1) Qibla signifie l’orientation vers La Mecque en
arabe. (6) La capacité d’accueil touristique a triplé en dix ans. Elle
V. Said/IAU îdF

est aujourd’hui d’environ 40 000 lits et devrait doubler d’ici


2013. Marrakech compte actuellement 23 golfs en fonction-
nement, en chantier ou en cours d’étude.
La medersa Ben Youssef. (7) Initiative nationale pour le développement humain.
38
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 À la recherche de la métropolisation

Mohamed Aouzaï(1)
Gouverneur Rabat-Salé, ville capitale
Directeur de l’Agence
urbaine de Casablanca
Jean-Pierre Palisse
IAU île-de-France

Fortes d’un passé très riche


et d’un environnement naturel
exceptionnel, les villes de Rabat
et Salé ont un destin lié, malgré

ce
leurs différences, notamment
dans la forme urbaine. Pour rester
attractive et rendre cohérents

an
les projets urbains avec la stratégie
métropolitaine, cette agglomération
doit aujourd’hui mettre en place
des politiques foncière, de transport
Fr V. Said/IAU îdF
et de protection de l’environnement.
e-
usqu’au début de ce millénaire, Rabat sem- tale mérénide, est le premier comptoir commer-

J
L’image de Rabat-Salé,
ville capitale, évolue grâce blait s’être assoupie dans son rôle de ville cial de la côte atlantique. L’émigration des
à de nombreux projets royale à l’ombre de Casablanca. En réalité, Maures andalous modifie cet équilibre condui-
d’aménagement, notamment le souffle de l’économie mondialisée et de ses sant au développement de Rabat sur les ruines
-d

celui des rives du Bouregreg. investisseurs l’a convertie à l’urbanisme de pro- du ribat. En 1755, le pont qui relie les deux villes
jet, lui ouvrant de nouvelles perspectives de est démoli par le tremblement de terre qui
développement économique et urbain. Se détruit Lisbonne. À la fin du XVIIIe siècle, Rabat-
posent alors plusieurs questions. Faut-il privilé- Salé regroupe 30 000 habitants et devient le
île

gier la dynamique des projets urbains ou la siège du Sultan du Maroc. La ville poursuit son
recherche d’un écosystème métropolitain dura- développement, atteignant 50 000 habitants en
ble ? Comment organiser la gouvernance ? La 1912, lors du traité du Protectorat et de l’instal-
croissance économique est-elle la condition lation de Lyautey(2) comme résident général. La
de la qualité métropolitaine ? Comment prépa- création de Casablanca et de son port, qui
U

rer la métropole aux évolutions climatiques et draine les échanges commerciaux, conduit à
énergétiques ? spécialiser Rabat dans son rôle de capitale du
Maroc et de ville administrative. Dès lors, une
De la ville corsaire
IA

ville nouvelle sur le modèle européen va se


à la capitale du Royaume développer principalement sur la rive gauche
Dès la préhistoire, l’embouchure du Bouregreg entourant la médina de Rabat, laissant la
sur l’Atlantique attire l’installation humaine. médina de Salé à son isolement. Après une
800 ans avant J.-C., l’ouverture sur l’océan phase d’urbanisation désordonnée dans le
conduit les Phéniciens à y ouvrir un comptoir. quartier de l’Océan, Prost(3) organise l’aménage-
500 ans plus tard, les Romains en font une ville, ment du centre-ville, entre le Palais et la
Sala Colonia, avec son forum, ses temples et ses médina, et vers le sud en direction de Temara.
thermes, visibles sur le site du Chellah. À partir En 1956, à la fin du Protectorat, la population de
de 670, la conquête arabe conduit au dévelop- l’agglomération de Rabat-Salé atteint 225 000
pement de Salé sur la rive droite du Bouregreg, habitants, cinq fois celle de 1912. Depuis lors,
et à la création d’un ribat (monastère citadelle) cette croissance n’a pas cessé : 600 000 habi-
sur la rive gauche. Le début du premier millé- tants en 1971, près d’un million en 1982 et
naire, sous les Almoravides, puis les Almohades, 1,8 million d’habitants en 2004 pour les trois
voit la domination de Salé, mais aussi la préfectures composant la métropole.
construction de la kasbah des Oudaïas et de
(1) Ancien directeur de l’Agence urbaine de Rabat-Salé.
la monumentale mosquée de la Tour Hassan à (2) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p. 172.
Rabat. Du XIIIe au XVe siècle, Salé, deuxième capi- (3) Idem.
39
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre À la recherche de la métropolisation
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Rabat-Salé, ville capitale

Les visages de la ville tiers de la rive gauche.Alors que de vastes quar-


tiers d’habitat informel se développaient dans
Rabat, ville capitale la périphérie de Salé, c’est sur la rive gauche
Deuxième agglomération du Maroc par sa qu’a été installée la ville européenne et qu’ont
population, Rabat-Salé est avant tout la ville été développés, après le Protectorat, les nou-
1902 capitale, ce qui lui confère des privilèges veaux quartiers tertiaires (Agdal, Hay Ryad), les
urbains grâce à la bienveillance du Palais et du quartiers résidentiels des cadres de l’adminis-
gouvernement marocain. La faiblesse du sec- tration marocaine, mais aussi l’université et tous
teur productif de Rabat s’explique en partie par les grands équipements métropolitains, à l’ex-
la concurrence de Casablanca, plus ouverte au ception de l’aéroport.
monde grâce à son port et son aéroport, mais
aussi par un choix politique de spécialisation Diversité urbaine
1933 de la ville dans ses fonctions résidentielles, La ville s’est développée par extensions succes-

ce
administratives et tertiaires. Aujourd’hui, Rabat- sives, constituant un pavage d’ensembles
Salé souhaite cultiver d’autres champs écono- urbains caractéristiques de leur époque et de
miques en s’appuyant sur une population rela- leur processus de construction. La kasbah et
tivement qualifiée, sur la proximité des les médinas de Rabat et de Salé présentent un

an
décideurs, et sur un cadre urbain attractif et un tissu bas et dense, percé de cours intérieures
patrimoine architectural remarquable. et pénétré d’étroites ruelles, typiques des villes
arabes traditionnelles. Au contraire, les quar-
Un site remarquable et structurant tiers modernes se composent d’un maillage
1970 L’histoire montre le rôle majeur du Bouregreg viaire généreux, souvent planté, bordé par des
Fr
dans l’identité de la ville. Le fleuve a généré sa
naissance et son développement, il a aussi
guidé son urbanisation. Pour assurer sa défense
villas ou des immeubles de quatre ou cinq
étages en alignement. Plus récemment, d’im-
portantes opérations d’aménagement urbain
et se protéger des risques d’inondation, la ville ont été lancées dans le cadre de partenariats
e-
a occupé les sites les plus élevés sur chacune public-privé sur des espaces restés naturels en
des rives. Vue du ciel, elle forme une « tache raison de leur situation. L’opération résiden-
urbaine » symétrique de part et d’autre de la tielle de la Cité royale, réalisée sur des terrains
vallée qui, jusqu’à ces derniers temps, restait offerts par le Roi, constitue un nouveau quartier
-d

presque vierge d’urbanisation. Cette nappe desservi par la rocade urbaine n° 3. Dans la val-
1987 bâtie est calée à l’ouest par les falaises lée du Bouregreg, au pied de Salé et face à la
rocheuses de l’Atlantique et à l’est par les forêts kasbah des Oudaïas et à la Tour Hassan, une
Schémas d’extension urbaine de Mamora et de Temara. Le face-à-face des vaste opération d’aménagement touristique et
île

depuis 1902 de Rabat à l’ouest deux médinas constitue un paysage unique. La résidentiel est lancée, première phase d’un pro-
et Salé à l’est. topographie tourmentée créée par les affluents jet de 6 000 hectares, dont 15 % constructibles.
Schémas extraits de : « Aménagement des berges du de l’oued contribue aussi à la qualité urbaine Pour répondre aux besoins d’habitat de la
Bouregreg », Y. El Kasmi - S. Lammrabti - École natio-
nale d’architecture - Royaume du Maroc de la ville par la diversité des tissus et des mor- population peu solvable, la ville s’est dévelop-
phologies urbaines qu’elle induit, et par les pée spontanément en dehors du cadre légal.
U

points de vue et les paysages inattendus qu’elle Des bidonvilles solidifiés ou des constructions
dessine. en dur forment, souvent à partir de douars(6),
IA

Rabat-Salé, une métropole déséquilibrée (4) Le taux d’activité (43 % à Rabat et 37 % à Salé) et le taux
La symétrie des deux villes n’est qu’apparente, de chômage (10,3 % et 12,5 %) sont des indicateurs du désé-
quilibre socio-économique entre les deux rives (chiffres
elles s’opposent par leur histoire et leur socio- 2004).
L’agglomération de Rabat-Salé logie. La rive droite est plus populaire et plus (5) Maison arabe fermée généralement sur l’extérieur, qui
est structurée autour d’un site modeste(4). Les ryads(5) de la médina de Salé ont s’organise autour d’un patio central verdoyant et souvent
doté d’une fontaine. Ryad ou riad signifie jardin au paradis en
remarquable à préserver : vu partir les familles les plus aisées qui leur ont arabe.
le fleuve Bouregreg. préféré les villas modernes des nouveaux quar- (6) Douar signifie hameau en arabe.
© B. Reichen

40
de vastes quartiers bas, très denses et sous-équi- Le Sdau de l’agglomération de Rabat-Salé de 1995
pés en infrastructures. En général, ces quartiers
se sont implantés dans des sites délaissés par
les autorités et les aménageurs, souvent des ter-
rains instables ou pollués. Pour répondre à ces
besoins, des opérations de lotissement ont été
lancées par des opérateurs publics sur des ter-
rains domaniaux, mais leur coût reste élevé et
leur localisation éloignée des lieux d’emplois.

© AURS/IAU îdF
Croissance et mutation urbaine
Selon les projections démographiques de
l’Agence urbaine de Rabat-Salé (AURS), l’ag-

ce
glomération pourrait atteindre trois millions
d’habitants à l’horizon 2020. La transformation
rapide de la ville va donc se poursuivre dans les
prochaines années. Cependant, la croissance
Planification et stratégie

an
urbaine pourrait prendre des formes assez dif-
férentes. Jusqu’à présent, l’urbanisation s’est de développement de Rabat-Salé
faite en tache d’huile, s’étalant au nord et au
sud dans un couloir limité par la mer et les Le Sdau de 1995
forêts. Ce couloir étant aujourd’hui presque Le schéma directeur de Rabat-Salé a été éla-
totalement urbanisé, la ville doit trouver de nou-
veaux espaces ou modes de développement.
Cherchera-t-elle plus loin dans sa périphérie
Fr
boré au début des années 1990 et approuvé en
1995. Ses objectifs principaux restent d’actua-
lité :
de nouveaux sites d’urbanisation ou s’enga- - freiner la spéculation foncière et favoriser la
e-
gera-t-elle dans une densification intensive de construction de logements ;
l’agglomération ? - défendre les sites et les paysages, et protéger
les ressources en eau ;
Les déplacements - améliorer la circulation et les transports.
-d

L’agglomération urbaine s’étend sur vingt kilo- Le parti d’aménagement visait un développe-
mètres environ, en incluant Temara et Boukna- ment linéaire parallèle à la côte jusqu’à deux
del. Les emplois et services étant polarisés sur villes nouvelles (Bouknadel au nord et Bouz-
Rabat, sur quelques centres secondaires nika au sud) et repérait plusieurs secteurs
île

comme Agdal ou Hay Ryad, et sur des zones d’aménagement (à Salé, Al Boustane, Akrach,
d’activités périphériques, la problématique des Temara et Skhirat). Il indiquait une volonté forte
déplacements est une question vitale pour la de protection des espaces ouverts de la vallée
métropole. Le Bouregreg est une coupure dont du Bouregreg, de la ceinture verte, des
la traversée reste difficile, malgré la création domaines forestiers, de la zone côtière et des
U

successive de trois ponts : Hassan, Al Fida et grands sites historiques. En outre, il prévoyait
Mohamed V. Bien reliée aux autres villes l’aménagement urbain de la corniche de Rabat
du Royaume par voie ferrée ou par autoroute, et de l’avenue de la Victoire, la création d’un
IA

l’agglomération de Rabat-Salé souffre, en parc industriel près de l’aéroport, l’achèvement


revanche, de la faiblesse de son réseau de trans- de la rocade routière interne et la création
port interne. Le réseau de voirie comporte de d’une rocade externe. Ce schéma directeur a
nombreux goulots d’étranglement, notamment été relativement bien respecté dans sa fonction
dans les liaisons est-ouest. Dans l’attente de de maîtrise du développement spatial de l’ag-
l’achèvement du contournement autoroutier, glomération, mais tous ses projets n’ont pu être
il doit supporter à la fois le trafic interne à réalisés. Il n’a pas suffi à structurer l’aggloméra-
l’agglomération et le trafic de transit sur un des tion et à restaurer ses équilibres. Ses projections
principaux axes d’échanges terrestres maro- avaient un peu surestimé la croissance démo-
cains. Les transports en commun, insuffisants graphique de l’agglomération. Quinze ans plus
et mal organisés, ne peuvent pas faire face à tard, il pourrait donc toujours offrir un cadre à
P. Zeiger/IAU îdF

l’augmentation des besoins et des distances de la mesure des besoins de développement.


déplacement liés à l’extension de la métropole. Cependant, il n’avait pas anticipé les mutations
L’accroissement du parc automobile aggrave économiques en cours et, face à la croissance
la situation et les investissements récents, démographique, la nécessité de renforcer et de La ville de Rabat offre une diversité
comme la rocade n° 3, n’ont pas suffi à enrayer diversifier des activités capables de créer des de tissus urbains de kasbah,
l’aggravation de la congestion du réseau. emplois et de fournir des ressources durables à de médina et de ville
la ville. contemporaine.
41
L’évolution urbaine du Maroc :
d’un siècle à l’autre À la recherche de la métropolisation
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Rabat-Salé, ville capitale

Le projet urbain de Rabat-Salé du quartier touristique et résidentiel de Bab al


Un projet urbain pour l’agglomération de Rabat Bahr sortent de terre à l’embouchure du
a été présenté par l’AURS en 2004. Il établissait Bouregreg. Ce programme immobilier de
un cadre d’actions urbaines prioritaires per- 500 000 m2 inclut une cité des arts et de l’artisa-
mettant de renforcer l’attractivité de la ville, nat, un quartier d’affaires et une marina. Ces
d’élever la qualité urbaine et d’attirer l’investis- projets contribueront à mieux relier les deux
sement. Il comportait cinq champs d’actions rives du fleuve et feront participer Salé à la nou-
majeurs : velle dynamique métropolitaine et à l’attracti-
- l’habitat, avec l’urbanisation du plateau vité internationale de Rabat. Par ailleurs, la ville
d’Akrach, d’Al Boustane, d’Aïn Aouda et les nouvelle de Tamesna (destinée à accueillir
villes nouvelles de Sidi Bouknadel et de Sidi 70 000 logements dont 30 000 logements
Yahya Zaers ; sociaux pour une population de 347 000 habi-
- la requalification et la restructuration tants), ainsi que l’opération Sidi Larbi à Aïn

ce
urbaine : résorption des bidonvilles et restruc- Aouda reçoivent leurs premiers habitants. Les
turation des quartiers d’habitat non réglemen- travaux du périphérique de Rabat – qui assu-
taire, réhabilitation des médinas, renforce- rera le raccordement des autoroutes A1, A2 et
ment ou création de centralités ; A3 et desservira Tamesna et Sidi Larbi – sont

an
- le développement économique : création de engagés, sa mise en service étant prévue pour
pôles touristiques à Sidi Bouknadel, Skhirat fin 2012. Par ailleurs, l’AURS a lancé une étude
et sur la corniche de Rabat, aménagement du pour la sauvegarde et la mise en valeur des
pôle touristique et de loisirs du Bouregreg, espaces verts, des ceintures vertes et des grands
redynamisation et création de parcs indus- espaces naturels.
triels ; Fr
- la réalisation d’infrastructures métropoli-
taines : création d’une ligne de tramway, d’une
… et d’autres qui rencontrent des difficultés
Deux grandes opérations prévues par le projet
voie de contournement autoroutière, de sta- urbain n’ont pu être lancées à ce jour pour des
e-
tions de traitement des eaux usées, création raisons différentes. Suite à la crise de 2008 et
d’une décharge intercommunale, délocalisa- aux difficultés financières qu’elle a entraînées,
tion des marchés de gros et des abattoirs ; le projet d’aménagement touristique de la cor-
- la valorisation de l’image urbaine : plan vert, niche de Rabat, partiellement concurrent de
-d

aménagement des entrées de ville, requalifica- celui du Bouregreg, est en difficulté de finance-
tion des espaces verts et des places publiques, ment. D’ailleurs, celui du Bouregreg est égale-
valorisation touristique. ment aujourd’hui en difficulté, bien que les
études se poursuivent. Il en est de même des
île

Des projets qui avancent… projets de pôles touristiques de Skhirat et de


La réalisation de plusieurs actions du projet Bouknadel, qui attendent des jours meilleurs.
urbain a modifié la physionomie de Rabat-Salé. En matière d’habitat, l’aménagement urbain du
Les travaux du tramway et la réalisation du pont plateau d’Akrach, au sud de Rabat, qui offre un
Moulay El Hassan sont bien avancés, pour une des principaux potentiels de développement
U

mise en service fin 2010. Les aménagements de la ville en pouvant accueillir 200 000 habi-
tants dans un environnement de qualité, n’a pu
être lancé faute de maîtrise foncière du site.
Projet urbain pour l’agglomération de Rabat et sa périphérie
IA

L’aménagement du quartier d’Al Boustane, qui


accueillera 65 000 habitants dans le prolonge-
ment du pôle urbain de Hay Ryad, devrait être
lancé à plus court terme ; il fait l’objet d’une
approche environnementale expérimentale. Par
ailleurs, le projet de création d’une station d’as-
sainissement et la délocalisation des abattoirs
ont des difficultés à être lancés.

Schéma directeur et projet urbain :


un infléchissement du parti d’aménagement
Le projet urbain n’avait pas vocation à se subs-
© AURS/IAU îdF

tituer au schéma directeur, mais à relayer sa


mise en œuvre. Pourtant, il a constitué un inflé-
chissement stratégique par rapport au schéma
directeur sur au moins deux points. D’une part,
il a ouvert la porte à une urbanisation de la val-
lée du Bouregreg, ce qui va modifier profondé-
42
ment son paysage – un des atouts majeurs de
l’agglomération –, et engager un processus d’ur-
banisation dans un site jusque-là préservé en
raison de son intérêt environnemental, mais
aussi des risques auxquels il peut être soumis
en cas d’accident climatique ou sismique. L’ap-
plication du principe de précaution, qui
conduisait à laisser cette vallée à l’état naturel,
ayant été jugé excessif, son aménagement devra
être mené avec la plus grande vigilance. D’au-

V. Said/IAU îdF
tre part, avec la création de la ville nouvelle de
Tamesna, le projet urbain s’est écarté du parti
d’aménagement linéaire du schéma de 1995

ce
en ouvrant un important secteur d’urbanisa- la trame verte, de la ceinture verte et des Le grand projet d’aménagement
tion nouvelle à l’est, à proximité du contourne- forêts, enrayer efficacement l’étalement du Bouregreg : positionnement
ment autoroutier en cours de construction. urbain et sauvegarder durablement les res- de la marina dans la perspective
Isolée de l’agglomération dont elle est dépen- sources naturelles. des emblématiques tour Hassan

an
dante pour l’emploi et les services métropoli- et du mausolée Mohammed V.
tains, Tamesna n’est pas desservie par les trans- Rabat-Salé a montré sa capacité à prendre une
ports en commun et ne le sera que très place significative dans la mégapole mondiali-
difficilement par un moyen lourd. Le pari est sée qui, de Kénitra à El Jadida, en passant par
d’y attirer des activités industrielles créatrices Casablanca, se constitue sur la façade atlan-
d’emplois, mais sa dépendance au bassin d’em-
ploi de Rabat restera très forte.
Fr
tique du Maroc. L’expérience de la première
décennie du XXIe siècle montre qu’un urba-
nisme de projets volontariste peut être un
Une stratégie métropolitaine à clarifier moteur puissant de son développement, en atti-
e-
En proposant des actions ciblées et concrètes, rant des moyens financiers substantiels que ne
le projet urbain a constitué une avancée vers la peuvent apporter les seuls acteurs publics. En
réalisation des objectifs du schéma directeur. même temps, elle montre la fragilité de cette
Cependant, faute de priorités et d’un plan de démarche, soumise à la conjoncture financière
-d

financement solide, il a laissé de fortes incerti- internationale et aux exigences de rentabilité à


tudes quant à ses échéances de réalisation. Le court ou moyen terme. L’objectif du dévelop-
schéma directeur de 1995 a trop vieilli pour pement économique ne doit pas faire oublier
pouvoir encore proposer le cadre stratégique les autres défis sociaux et environnementaux
île

évitant une juxtaposition de projets choisis « à auxquels la métropole doit faire face. Les diffi-
la carte » par les investisseurs. Cette carence cultés conjoncturelles appellent à repenser et à
stratégique risque d’avoir des conséquences relancer la planification stratégique métropo-
néfastes sur la cohérence, la qualité et la dura- litaine, pour que le développement porté par
bilité du développement de la métropole. Les les grands projets profite davantage à l’ensem-
U

pouvoirs publics ne peuvent imposer aux inves- ble de l’agglomération et soit l’occasion de
tisseurs une prise en charge complète des amé- corriger ses faiblesses et disparités en matière
nagements urbains d’intérêt général indispen- d’habitat, de cadre de vie et de qualité environ-
IA

sables à un développement durable. Ceux dont nementale, de transport et donc d’accès à l’em- Le développement économique
la rentabilité ne peut être attendue qu’à long ploi. Rabat-Salé renforcera ainsi son attractivité doit aller de pair avec
terme restent donc à l’état de projets, faute de et la crédibilité de ses projets urbains. une amélioration du cadre de vie
financement. Par ailleurs, pour permettre à pour rendre l’agglomération
Rabat-Salé de garantir un aménagement cohé- compétitive et attractive.
rent et durable, trois axes de politiques urbaines
complémentaires devraient être redéfinis :
- une politique foncière pour assurer, au-delà
des seules opportunités de terrains, la relance
de la construction de logements à des
niveaux de prix acceptables ;
- une politique de déplacements pour mettre
en place un réseau de transports cohérent
avec le développement urbain, afin de favori-
ser un transfert des pratiques vers des modes
© B. Reichen

de déplacement plus durables ;


- une politique de valorisation et de gestion des
espaces ouverts pour assurer la pérennité de
43
IA
U
île
-d
e-
Fr
an
ce
Le Maroc

ce
en perspective :
regards croisés

an
Fr
Le Maroc se transforme et s’adapte dans tous les domaines
aux exigences du XXIe siècle.
Six thématiques majeures sont traitées ici sous forme
de regards croisés.
e-
Dresser un bilan de la mise en œuvre des politiques
urbaines en cours, c’est mettre en lumière les réponses
aux objectifs fixés, notamment en matière de logements.
-d

Corréler le développement économique et l’aménagement


territorial, c’est à la fois faire le choix d’un rééquilibrage
national, et, au niveau local, tenter de concilier
île

les nouvelles pratiques commerciales avec le commerce


traditionnel de proximité.
S’inscrire dans une démarche de développement durable
exige des actions à plusieurs niveaux : développer
U

une mobilité durable et organiser la logistique


en enjeu national.
L’environnement, le changement climatique, les risques
IA

majeurs, l’équilibre entre espaces bâtis et ouverts,


l’exploitation rationnelle des ressources, notamment l’eau,
constituent également des préoccupations majeures
à prendre en compte dans l’aménagement de demain.
Une vision globale de la qualité de vie vient compléter cette
approche intégrée : elle place l’humain au cœur
de la démarche. L’avenir, c’est aussi moderniser et préserver
le patrimoine et la qualité architecturale légendaire du pays.
Enfin, affronter les défis du nouveau siècle consiste aussi
à adapter les outils juridiques
et institutionnels associés au mouvement de réformes pour
accompagner la dynamique en marche.

45
Les politiques urbaines
à l’œuvre

ce
an
Villes sans bidonvilles,
Fr une priorité nationale 47

Les villes nouvelles marocaines 51


e-
Réintégration des médinas
dans la dynamique des villes 54
-d
île
U
IA
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Les politiques urbaines à l’œuvre

Villes sans bidonvilles,


une priorité nationale
Les Cahiers – Quel était le constat l’espace (MHUAE), s’est fixé comme objectif
qui a conduit à la politique Villes pour 2012 d’éradiquer la totalité des bidonvilles
sans bidonvilles ? ou du moins d’en faire un phénomène rési-
Monsieur Ahmed Taoufiq Hejira – Le Maroc duel. Ainsi, le programme VSB concerne près
a cumulé ces dernières décennies de nom- de 316 000 ménages dans 83 villes et centres
D. R.

breuses expériences dans le domaine de l’ha- urbains.


bitat social. Cependant, le secteur reste caracté- De même, les actions de prévention des pro-
Interview risé par une demande élevée en logements, grammes d’habitat social, la vigilance des pou-

ce
alimentée par une forte pression démogra- voirs publics locaux et la sensibilisation des
phique et par une urbanisation accélérée, avec populations cible devront empêcher toute
comme corollaire le développement de l’habi- extension ou formation de nouveaux bidon-
Ahmed Taoufiq Hejira, Ministre tat insalubre sous toutes ses formes. villes.

an
de l’Habitat de l’Urbanisme et Les bidonvilles regroupent des ménages dans Pour atteindre ces résultats, le MHUAE mobilise
de l’Aménagement de l’espace des abris sommaires réalisés avec des maté- des moyens financiers à travers notamment le
est titulaire d’un doctorat riaux de récupération, sur des terrains dépour- fonds de solidarité de l’habitat (FSH) et fait
en urbanisme de l’université vus d’infrastructures de base (assainissement, appel tant aux opérateurs publics (Al Omrane)
de Montréal (1983) eau potable, électri- qu’aux collectivités
et d’une licence en sciences
économiques de la faculté
de droit de Rabat (1980).
cité…).
Les quartiers d’habi-
tat non réglemen-
Fr» L’habitat social reste caractérisé
par une demande élevée, alimentée
par une forte pression démographique
locales et au sec-
teur privé. Des
contrats Villes sans
Recruté au ministère de taire sont construits bidonvilles, liant le
et une urbanisation accélérée,
e-
l’Habitat en 1983, il a occupé sans autorisation sur MHUAE, les autori-
le poste de directeur des études des terrains morce- avec comme corollaire le développement tés provinciales et
et de la communication au sein lés, sans plan d’en- de l’habitat insalubre. « les collectivités
de l’Agence nationale de lutte semble et sans infra- locales, décrivent
-d

contre l’habitat insalubre, structures de base préalables. les objectifs du programme, les rôles et la res-
avant d’être nommé inspecteur Les tissus ou bâtiments anciens ont connu une ponsabilité de chacun.
régional de l’Aménagement importante densification qui a souvent entraîné La mobilisation du foncier public pour la
du territoire, de l’Urbanisme, de des situations d’insalubrité avec des logements résorption des bidonvilles et la réalisation de
île

l’Habitat et de l’Environnement menaçant ruine. l’habitat social constitue une action majeure
de la région de Fès-Boulemane, Enfin, des poches d’insalubrité sont dissémi- de ce programme.
de 2000 à 2002. Il a ensuite nées dans le tissu urbain, dans des construc- Par ailleurs, la réalisation des objectifs ne
été nommé par Sa Majesté tions non destinées initialement à l’habitation pourra se faire sans un engagement effectif et
le Roi Mohammed VI, ministre (garages, arrière-boutiques, caves, baraques sur durable de toutes les instances gouvernemen-
U

délégué auprès du Premier les terrasses des immeubles…). tales concernées.


Ministre chargé Ainsi, et conformément aux Hautes Directives
de l’Habitat et de l’Urbanisme Royales, notamment celles du discours d’octo- L. C. – Quelles ont été les différentes
étapes de mise en œuvre et quelles sont
IA

de 2002 à 2007. bre 2003 visant la promotion de l’habitat social


En 2007, Ahmed Taoufiq Hejira et la résorption de l’habitat insalubre, le Gouver- les éventuelles difficultés rencontrées ?
a été nommé par Sa Majesté nement a arrêté une nouvelle stratégie de pré- A. T. H. – Le PVSB, lancé en juillet 2004, a
le Roi ministre de l’Habitat, vention et de résorption de l’habitat insalubre débuté par l’établissement des orientations stra-
de l’Urbanisme et de sous toutes ses formes. La résorption des bidon- tégiques et la signature des premiers contrats-
l’Aménagement de l’espace. villes, devenue priorité nationale, fait l’objet du ville. En 2005, l’élaboration des programmes
Il a été décoré en 2007 programme Villes sans bidonvilles (PVSB). locaux a permis de disposer d’une vision et
par Sa Majesté le Roi d’une maîtrise de l’exécution, ainsi que d’affi-
du Wissam du Trône de l’ordre L. C. – Quels sont les objectifs, ner la programmation par ville.
de Chevalier. les moyens et les modalités de la mise Par la suite, et pour chaque ville programmée,
en œuvre du PVSB ? les représentations provinciales du MHUAE ont
A. T. H. – Face à l’ampleur de la lutte contre constitué un plan d’exécution détaillé pour éta-
l’habitat insalubre, la priorité a été accordée à blir et/ou mettre en œuvre les clauses du
la résorption des bidonvilles qui constituent, contrat-ville. Cela implique : l’institution et les
de nos jours, des lieux d’exclusion et de pau- prérogatives du comité provincial d’identifica-
vreté. tion et de mise en œuvre (CPIMO), la mise à
Le Gouvernement, à travers le ministère de l’Ha- jour des données sur les bidonvilles (effectifs,
bitat, de l’Urbanisme et de l’Aménagement de caractéristiques socio-économiques…), le
47
Le Maroc en perspective :
regards croisés Les politiques urbaines à l’œuvre
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Villes sans bidonvilles, une priorité nationale

choix des types d’intervention et le montage Ainsi, plusieurs ateliers ont été organisés depuis
technico-financier, l’identification et l’acquisi- 1999 pour débattre des effets sociaux de ces
tion des assiettes foncières, la mise en place projets et de la meilleure manière de les pren-
des unités de gestion du programme, la propo- dre en compte tout au long du processus de
sition du schéma d’organisation de résorption résorption de l’habitat insalubre.
des bidonvilles et l’établissement du planning Cette approche, intitulée « accompagnement
d’exécution et du plan de financement du pro- social des projets » (ASP), est intégrée dans le
gramme. Par ailleurs, des instances territoriali- PVSB ; les collectivités locales, les représenta-
sées pour la mise en œuvre et le suivi ont été tions régionales du MHUAE et l’opérateur
constituées. Par la suite, les contrats-ville et les public, en l’occurrence Al Omrane, sont chargés
conventions de financement et de réalisation de sa mise en œuvre. Les mesures garantissant
ont permis de délimiter, de formaliser et de la maîtrise sociale des opérations VSB portent
coordonner les missions de chacun des interve- essentiellement sur la formation des responsa-

ce
nants et ont fait l’objet de concertation avec bles et cadres du MHUAE et de ses partenaires,
l’opérateur public (Al notamment les collectivi-
Omrane), les inspec- tés locales et la société
tions régionales et cer- » La résorption des bidonvilles, civile.

an
tains services centraux devenue priorité nationale, Par ailleurs, le MHUAE a
du MHUAE, les minis- lancé des projets pilotes
fait l’objet du programme
tères de l’Intérieur et pour élaborer une straté-
de l’Économie et des
Villes sans bidonvilles […] gie globale mettant en
Finances. Le suivi et Objectif pour 2012 : éradiquer exergue les savoirs locaux.
l’évaluation quantitatifs Fr
la totalité des bidonvilles. […] Cette expérience a été ini-
et qualitatifs du pro- La moitié est aujourd’hui réalisée. « tiée dans le cadre des
gramme sont assurés études de faisabilité
par les différentes ins- sociale lancées en 2002 à
e-
tances concernées au niveau local, le MHUAE Marrakech, Agadir et Rabat. Elles avaient pour
au niveau central et les bailleurs de fonds inter- objectif de définir les conditions de mise en
nationaux. Ce suivi, basé sur différents indica- œuvre de la maîtrise d’œuvre sociale (MOS),
teurs, devra permettre de définir les options et d’identifier – en concertation avec les popula-
-d

les mesures susceptibles d’améliorer les condi- tions des bidonvilles pilotes – les différents scé-
tions de sa poursuite. narios de résorption adaptés à leurs moyens et
En effet, ce programme connaît quelques de choisir celui ayant obtenu un consensus.
contraintes dans certaines villes, notamment la
île

discordance entre le rythme de transfert et de L. C. – Quels types d’interventions


démolition et le niveau des réalisations, l’actua- sont proposés dans le PVSB ?
lisation des listes des bénéficiaires, la difficulté A. T. H. – Dès la programmation globale, les
d’adoption du principe de la maîtrise d’ou- modes d’intervention sont définis en fonction
vrage sociale par certains opérateurs locaux, des données locales disponibles et des études
U

la réticence au principe de transfert dans les en amont précisant les actualisations et les
zones d’aménagement progressif, le manque modifications nécessaires. Les interventions ont
de contrôle, le refus du ainsi pris des formes différentes, à savoir les
IA

» La mobilisation du foncier public principe de transfert, la recasements, les relogements et les restructura-
pour la résorption des bidonvilles demande de gratuité et la tions.
demande de diminution Le recasement permet aux ménages des petits
et la réalisation de l’habitat social
des contributions des bidonvilles et de ceux ne pouvant être intégrés
constitue une action majeure. « bénéficiaires. au tissu urbain, l’accès à la propriété de lots

L. C. – En amont de la démarche,
y a-t-il eu des enquêtes sociologiques
préliminaires auprès des ménages
concernés ?
A. T. H. – Depuis la fin des années 1990, le
MHUAE intègre la dimension sociale dans les
projets de développement urbain en général
et dans les projets de résorption de l’habitat
insalubre en particulier. Plusieurs évaluations
V. Said/IAU îdF

et bilans critiques de ces projets déjà réalisés


ont été entrepris afin de mesurer leurs impacts
quantitatifs, qualitatifs et sociaux.
48
Les programmes de recasement
permettent aux ménages

ce
V. Said/IAU îdF
des bidonvilles l’accès à la propriété
de lots d’habitat social à valoriser
en auto-construction assistée.

an
d’habitat social à valoriser en auto-construc- de faisabilité est de s’assurer de l’existence de
tion assistée, dans le cadre de lotissements à ces conditions avant de programmer ce type
équipement préalable ou progressif. Le recase- d’intervention.
ment sur une zone d’aménagement progressif Le recasement sur site impose de trouver un
(Zap) permet d’accélérer les actions de résorp- terrain d’accueil (opération tiroir) permettant
tion des bidonvilles et de les adapter aux capa-
cités financières des
ménages cibles. L’État
Fr
de libérer l’emprise du bidonville afin de le lotir
et de l’équiper. Elle
» Le MHUAE intègre la dimension oblige également à
assure la propriété du sociale dans les projets recaser sur d’autres ter-
e-
terrain, l’évacuation
de développement urbain en général rains une partie des
des eaux usées, l’éclai- ménages qui ne pour-
rage public et l’ali-
et dans les projets de résorption ront trouver place dans
mentation en eau de l’habitat insalubre en particulier. « le recasement sur site.
-d

potable par bornes- Selon les possibilités


fontaines. Au fur et à mesure de la valorisation, financières des ménages et les capacités d’in-
ces travaux devront être complétés directement tervention des partenaires locaux, le recase-
par les collectivités locales, par l’intermédiaire ment pourra être réalisé sur un site entièrement
île

d’associations de quartier ou par l’opérateur. équipé ou en état de futur équipement (exem-


Les opérations de restructuration ont pour ple des Zap).
objectif de doter les grands et moyens bidon-
villes pouvant être intégrés au tissu urbain en L. C. – Lors des relogements hors site,
équipement d’infrastructures de base et de comment la proximité du bassin d’emploi
U

régulariser leur situation urbanistique et fon- a-t-elle été prise en compte dans le choix
cière. Sur le plan du financement, le branche- du nouveau site ? Des politiques
ment aux réseaux d’eau potable et d’électricité de transport adaptées ont-elles été mises
IA

sont à la charge des bénéficiaires. L’aide en place ?


publique est destinée à l’équipement en voirie A. T. H. – L’implantation des bidonvilles est sou-
et en assainissement. vent étroitement liée aux pôles d’activité éco-
Le relogement, privilégié dans les principales nomique des villes. L’existence d’emplois de
agglomérations urbaines (Casablanca, Moham- proximité constitue à ce titre une information
media, Rabat, Témara…), est envisagé essen- importante à prendre en compte lors de la
tiellement avec la participation des promoteurs décision d’intervention préconisée : maintien
privés dans le cadre d’appels à manifestation sur place ou déplacement du bidonville.Aussi,
d’intérêt. les interventions dans les bidonvilles sont étroi-
tement dépendantes des conditions socio-éco-
L. C. – Le recasement est-il effectué nomiques des habitants, très variables selon les
sur site ou hors site ? contextes. La prise en compte de cette dimen-
A. T. H. – Le recasement dépend du contexte sion suppose de mieux cibler les caractéris-
local (disponibilité foncière, existence d’équi- tiques des bénéficiaires, spécialement en
pements, comportement du marché local), de termes d’emplois, et ce pour permettre à la
la volonté des habitants de se déplacer et des population de bénéficier d’un logement aussi
conditions de leur intégration future à la ville. proche que possible de son lieu de travail. Cette
L’un des objectifs des études de définition et situation ne peut se concrétiser que lorsque
49
Le Maroc en perspective :
regards croisés Les politiques urbaines à l’œuvre
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Villes sans bidonvilles, une priorité nationale

deux conditions sont remplies : un foncier dis- liaux, et celui du lot dans le cadre de la Zap
ponible à proximité du lieu de travail et une ne doit pas dépasser 35 000 dirhams. Les aides
population disposant dans sa majorité d’un publiques accordées dans ce type d’interven-
emploi. Dans le cas contraire, c’est-à-dire des tion sont d’un montant de 25 000 dirhams pour
emplois dispersés, le site d’accueil est souvent les lots monofamiliaux et 20 000 dirhams pour
implanté dans des zones desservies en trans- les lots bifamiliaux, tant pour les lots équipés
ports ou, le cas échéant, des efforts sont fournis que pour les Zap.
pour régler les problèmes de transport et Concernant la restructuration, l’adduction
d’équipements de proximité. d’eau potable et l’électrification sont à la
Par ailleurs, le ministère a entrepris des actions charge des bénéficiaires. L’aide publique est
d’accompagnement, avec notamment la mise destinée à l’équipement en voirie et assainis-
en place d’activités commerciales à exploiter sement, pour un montant global maximal de
par la population sur site et le développement 20 000 dirhams par logement, mobilisés

ce
d’activités génératrices de revenus en faveur conjointement par l’Etat et la collectivité locale.
de la population Concernant le reloge-
« bidonvilloise » sur » Le site d’accueil est souvent implanté ment, les aides de l’État
les sites d’accueil, en dans des zones desservies en transports (FSH) représentent le

an
partenariat avec tiers de la valeur immo-
pour permettre à la population
les associations de bilière totale (VIT), soit
microcrédit. Le déve-
de bénéficier d’un logement un maximum de 40 000
loppement local aussi proche que possible dirhams par logement.
dépend de plusieurs de son lieu de travail. « Par ailleurs, dans le
dimensions : le fon- Fr
cier, le contexte urbanistique, immobilier, les
possibilités en matière d’équipements, d’infra-
cadre de la politique
de promotion du logement social et afin de
faciliter aux ménages à revenus modestes et/ou
structures de base, d’activités, de transport, etc. non réguliers l’accès à la propriété, les pouvoirs
e-
La faisabilité de toute opération doit notam- publics ont mis en place le Fogarim : un fonds
ment prendre en compte l’existence d’équipe- de garantie qui leur permettra de bénéficier de
ments, de réseaux de communication, de trans- prêts bancaires pour l’acquisition ou la
port, les caractéristiques et les possibilités du construction de leur logement.
-d

marché local.
L. C. – Aujourd’hui, quel est le niveau
L. C. – Y a-t-il des coûts et des aides de réalisation par rapport aux objectifs ?
adaptés au pouvoir d’achat du public A. T. H. – Cinq ans après le lancement du pro-
île

visé ? gramme, la moitié des villes concernées, soit


A. T. H. – Concernant le recasement, il a été 40, sont déclarées aujourd’hui « sans bidon-
estimé que, y compris les charges foncières, le villes ». Le nombre d’habitants bénéficiaires
coût du lot équipé préalablement ne doit pas remonte à 750 000. Les baraques démolies ou
dépasser 50 000 dirhams pour les lots monofa- restructurées sont de l’ordre de 149 300.Actuel-
U

miliaux et 60 000 dirhams pour les lots bifami- lement, 17 943 unités sont prêtes à accueillir
d’autres ménages dont les baraques seront
démolies et 40 218 unités sont en cours de réa-
IA

lisation.

L. C. – Quelles sont les possibilités


d’évolution et d’adaptation
de cette politique ?
A. T. H. – Le programme Villes sans bidonvilles
ayant acquis suffisamment de maturité et
devant relever des défis sur des territoires d’une
complexité croissante, surtout dans les grandes
agglomérations, ne cesse d’adopter de nou-
velles démarches dites de réajustement. C’est
ainsi qu’à Casablanca, qui concentre au niveau
national une part importante des ménages
« bidonvillois », l’unité de programmation est
S. Castano/IAU îdF

À Casablanca, devenue la préfecture et la société Idmaj


une société spécialisée Sakane, spécialisée dans la résorption des
dans la résorption des bidonvilles bidonvilles de la région, a été créée.
a été créée.
50
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Les politiques urbaines à l’œuvre

Abderrahmane Chorfi(1) Les villes nouvelles marocaines


Ministère de l’Habitat,
de l’Urbanisme
et de l’Aménagement
de l’espace

La croissance démographique urbaine


a créé une urgence de loger qu’il est
de plus en plus difficile de satisfaire,
pour les populations à faibles
et moyens revenus, au sein des villes

ce
situées dans les grandes aires
métropolitaines du pays. Des villes
nouvelles sont donc construites avec

an
pour enjeu de répondre à la demande
de logements et d’intégrer les
dimensions de l’emploi, de la mobilité,
Fr Virtual Earth du lien social et de l’environnement
en vue d’en faire des villes durables.
e-
es villes nouvelles marocaines interpel- en place dans un contexte particulier. Chaque

L
Tamesna, ville nouvelle
en cours de réalisation, lent. Elles suscitent, selon les interlocu- année, les villes marocaines doivent accueillir
a pour objectif de créer une ville teurs, respect et admiration, interroga- environ 130 000 nouveaux ménages auxquels il
dans toutes ses dimensions : tions et scepticisme. À ce stade de leur mise en faut proposer une offre adaptée. À cela, s’ajoute
-d

logements, emplois, loisirs œuvre, il est utile de mettre en perspective la un déficit estimé à environ un million de loge-
et transports. politique urbaine dont elles témoignent et de ments. 50 % des ménages urbains marocains
dresser un premier bilan. ont un revenu mensuel inférieur ou égal à
5 000 dirhams et peuvent acquérir au mieux un
île

Vocation et objectif des villes nouvelles logement d’un montant de 240 000 dirhams
Les villes nouvelles marocaines n’ont pas pour (35 % de leur revenu consacré au rembourse-
objectif de réorganiser ou de conquérir ni de ment, emprunt sur vingt ans à un taux de 6 %).
mettre en valeur de nouvelles parties du terri- Le prix du sol urbain aménagé est extrême-
toire national. Rappelons, par exemple, que la ment élevé dans les grandes villes du pays et la
U

création d’Essaouira au milieu du XVIIIe siècle spéculation foncière est toujours à l’œuvre.
par le souverain alaouite Sidi Mohamed Benab- Enfin, l’épuisement du foncier public, domaine
dallah a rééquilibré le fonctionnement du pays privé de l’État, dans ou à la limite des agglomé-
IA

au profit de la région de Marrakech. Rappelons rations importantes, est un fait avéré.


La réalisation des villes nouvelles également que d’« anciennes » villes nouvelles Ces faits conjugués indiquent qu’une seule
en marche de la première partie du XXe siècle, telles que solution permet encore de trouver, dans les
Tamansourt, ville nouvelle située Khouribga, Youssoufia ou Jerada, ont été édi- grandes métropoles du pays, des réponses au
dans la première couronne de Marrakech,
a fêté le cinquième anniversaire fiées en appui à la mise en valeur de nouveaux logement des ménages dont les revenus men-
du lancement de sa réalisation territoires par l’exploitation minière. Chacune suels sont inférieurs à 5 000 dirhams : opérer sur
par Sa Majesté le Roi Mohammed VI des villes de cette nouvelle génération est des terrains à bas coût, du foncier public, de
en janvier 2010. située au sein d’une des grandes aires métropo- superficie suffisamment importante pour faire
À Tamesna, dans la banlieue de Rabat, litaines du pays. Elles doivent être considérées baisser les prix, rapportés au mètre carré, des
les travaux sont engagés depuis trois ans.
Deux autres villes nouvelles sont à l’étude : comme des points de concentration et des ten- équipements hors site et primaires. Les opéra-
Chrafate et Lakhyayta, dans les environs tatives d’organisation d’une urbanisation débor- tions pour l’habitat se trouvent donc souvent
respectifs de Tanger et de Casablanca. dante s’invitant sur des aires urbaines de plus dans l’obligation de quitter l’enceinte des cités
en plus vastes, parfois dans des zones sensibles et de se poser sur des aires importantes d’envi-
et souvent en dehors de toute réglementation. ron 1 000 hectares. La décision de créer des
villes nouvelles est née de cette impérieuse
La politique des villes nouvelles, élaborée au
sein du ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme (1) Abderrahmane Chorfi est directeur général de l’Urba-
et de l’Aménagement de l’espace, a été mise nisme.
51
Le Maroc en perspective :
regards croisés Les politiques urbaines à l’œuvre
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Les villes nouvelles marocaines

urgence de « loger ». Cette politique, lancée et D’une ville à l’autre, l’implication d’Al Omrane
réalisée par le ministère et le groupe Al dans la réalisation des logements est différente.
Omrane, a été mise en place par touches suc- Alors qu’à Tamansourt, l’opérateur s’implique
cessives. Quelques jalons peuvent être évoqués. substantiellement en assurant la construction
des nombreuses opérations, à Tamesna, il agit
La complexité de montage comme aménageur et confie l’essentiel de la
et l’adaptation permanente réalisation à des promoteurs privés, nationaux
La décision de créer des villes a toujours été ou internationaux, dans le cadre d’un cahier
prise avec l’accord actif de l’autorité locale et des charges. Cette démarche est aujourd’hui ré-
des élus. Walis et gouverneurs jouent un rôle examinée, la maîtrise des espaces essentiels de
déterminant dans la mobilisation des assiettes la ville nécessitant peut-être une plus forte
foncières et dans la médiation entre l’opéra- implication d’Al Omrane dans la réalisation de
teur et les services déconcentrés de l’État. Les secteurs ou de lieux urbains particuliers.

ce
agences urbaines, sans jamais se départir de Les questions de mobilité et de transports col-
leur rôle de planificateur urbain garant des lectifs, notamment en direction de la « ville
équilibres du territoire, accompagnent positi- mère », s’imposent dès le début des opérations.
vement la création des villes. Elles s’impliquent Les sites choisis pour les villes nouvelles actuel-

an
aussi bien dans l’établissement des documents lement à l’étude ou en cours de réalisation sont
réglementaires – plan d’aménagement soumis situés à proximité du réseau autoroutier natio-
à l’ensemble des acteurs avant leur adoption nal. Les filiales d’Al Omrane prennent en
– que dans l’instruction des dossiers en autori- charge, seules ou en partenariat avec le minis-
sation de construire. tère de l’Équipement, les nombreux travaux sur
Fr
Très rapidement, la taille et la complexité
des opérations dont il faut assurer la maîtrise
– mobilisation du foncier, études de faisabilité,
les voies d’accès : élargissement de la voirie, re-
dimensionnement des ponts, éclairage public,
etc.Au cours des prochains mois,Tamesna sera
établissement des plans d’urbanisme, études reliée à Rabat par une nouvelle liaison directe,
e-
techniques, montages financiers, appels plus courte. Un service d’autobus et de grands
d’offres et réalisation des infrastructures, y com- taxis a été mis en place à Tamansourt et des
pris hors site, des plantations et d’opérations discussions sont en cours à Tamesna.
de logements – va conduire l’opérateur Al Toutes les villes nouvelles marocaines pré-
-d

Omrane, dont le conseil de surveillance est pré- voient dans leurs objectifs la création d’em-
sidé par le Premier Ministre, à créer des filiales plois, notamment à travers la programmation
spécialisées dédiées chacune à la réalisation de zones d’activités. Tamansourt a déjà pro-
d’une ville. grammé et commencé à réaliser une extension
île

Dans la conception des villes nouvelles, une de 737 hectares destinée quasi exclusivement
attention particulière est accordée à la nature, à promouvoir des activités industrielles, d’off-
et à la taille et au nombre des équipements shoring et de tourisme. Il reste probablement à
sociaux à programmer. L’ensemble des besoins, définir pour chaque site, dès le début des
du voisinage à la ville, est pris en considération. études, une norme « emplois créés/actifs poten-
U

Les emplacements sont prévus et les assiettes tiels », à travailler sur des mesures d’incitation
foncières réservées. La nécessité de réaliser les susceptibles d’attirer des entreprises sur des
premiers équipements avant l’arrivée des habi- sites en cours de valorisation, et à organiser le
IA

tants est vite comprise. Des partenariats s’éla- marketing.


La ville nouvelle de Tamansourt borent avec certains départements ministériels Les questions de durabilité urbaine se sont
accueillera, en plus des logements, et l’opérateur réalise parfois, sur le budget pro- imposées à la réflexion au cours des dernières
des activités d’offshoring pre de l’opération, les services qu’il juge indis- années. Les villes nouvelles marocaines ont fait
et de tourisme. pensables à l’accueil des futurs résidents. le choix de densités relativement fortes corres-
pondant aux nouveaux modèles issus des
réflexions actuelles sur le plan international.
Outre l’intérêt accordé sur tous les sites à la
végétalisation, les villes nouvelles de Chrafate et
de Lakhyayta étudient actuellement des formes
d’urbanisation peu consommatrices d’énergie.
Lakhyayta envisage même la réalisation d’équi-
pements producteurs d’énergie renouvelable
à l’échelle de la ville. D’autres initiatives sont
prises, notamment à Tamesna, pour réaliser des
V. Said/IAU îdF

constructions respectant les normes HQE.


Tamansourt compte aujourd’hui 14 000 habi-
tants, 26 000 si l’on considère la zone périphé-
52
ce
Al Omrane Sahel Lakhyayta
La ville nouvelle de Lakhyayta,
en cours de conception, intègre
les préoccupations de qualité

an
environnementale et de réduction
de la consommation d’énergie.

rique. Les questions relatives au fonctionne- tranquillité, proximité des équipements, ser-
ment de l’ensemble se sont vite imposées. La vices et lieux de travail, environnement social
filiale Al Omrane a pris en charge, pour cinq
ans et jusqu’à l’échéance de 2012 dans le cadre
d’une convention signée avec la collectivité
Fr
adéquat, espaces publics facilitant le vivre
ensemble, qualité architecturale – y compris
adaptabilité des logements à l’évolution des
locale, de nombreuses fonctions relatives à la modes de vie –, baisse des coûts et des tarifs,
e-
gestion de l’aire urbaine : éclairage public, émergence d’une histoire, d’un imaginaire,
ramassage des ordures ménagères, entretien d’une identité collective ? Au stade actuel de
des parcs et plantations… Tamesna, qui a éga- réalisation de cette nouvelle génération de
lement reçu ses premiers habitants, a établi villes, de nombreuses questions sont posées et
-d

récemment une convention de gestion parta- des solutions recherchées. Seul le tamis du
gée, signée par toutes les parties, impliquant à temps – le temps long pour une cité – permet-
côté de l’opérateur l’État et la commune, et indi- tra d’évaluer la pertinence décisionnelle.
quant avec précision l’implication des uns et Nous l’avons vu, une politique des villes nou-
île

des autres : information des habitants, sécurité, velles s’élabore dans l’action, par ajustements
éclairage public, transport urbain, entretien des successifs. L’alternative à cette démarche – qui
aires de jeu, des espaces verts, de la voirie… consiste à construire un dispositif préalable à
Une loi encadrant la création des villes nou- l’action, complet, explicitant un modèle et s’ap-
velles a été élaborée dans le cadre du nouveau puyant pour sa mise en œuvre sur des instru-
U

Code de l’urbanisme. Le texte, validé avec ments légaux, institutionnels, financiers, fiscaux
quelques réserves en conseil de Gouverne- établis – n’avait aucune chance de voir le jour
ment, est actuellement ajusté avant d’être sou- et condamnait à l’inaction.
IA

mis à nouveau à la procédure d’adoption. Il La population urbaine du pays est passée de


prévoit notamment la création des villes nou- 3,4 millions d’habitants en 1960 à 16,5 millions
velles par décret et la mise en place, sous l’au- en 2004, soit une multiplication par cinq en un
torité du Premier Ministre d’un comité intermi- peu plus de quarante ans. La pression démo-
nistériel des villes nouvelles chargé de donner graphique sur les villes marocaines va se pour-
un avis sur les nouveaux projets, mais égale- suivre au même rythme et le recours à de très
ment de mobiliser l’attention de l’ensemble des grandes opérations en dehors des tissus
départements ministériels et de s’assurer de existants va nécessairement – ce n’est pas un
leur participation aux réalisations qui leur souhait – perdurer au cours des prochaines
incombent. années.
Il nous faut donc être très attentif aux expé-
Une ville nouvelle, riences en cours, aux réussites comme aux dif-
c’est un avenir qui s’esquisse ficultés et aux échecs. Il faut éviter les juge-
Pour les résidents de ces villes, c’est l’espoir ments à l’emporte-pièce et recourir, autant que
d’une vie meilleure. La recherche de la qualité possible, aux apports des professionnels de l’ur-
doit être au cœur du projet d’une cité qui se banisme et à celui des spécialistes des sciences
conçoit et s’édifie volontairement. Mais quelles sociales, la satisfaction des hommes et des
sont les attentes des futurs résidents ? Sécurité, groupes sociaux étant au cœur des projets.
53
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Les politiques urbaines à l’œuvre

Réintégration des médinas


dans la dynamique des villes
Asmae Sedjari(1)
Direction de l’Architecture

Les tissus urbains traditionnels


marocains sont aujourd’hui menacés
par les exigences des nouveaux modes
de vie. Les médinas, les ksour
et les kasbahs, qui font partie

ce
du patrimoine culturel et identitaire
du Maroc, assument encore
de nombreuses fonctions urbaines.

an
Afin de préserver cette richesse,
l’État a mis en place des politiques
de sauvegarde adaptées et évolutives
V. Said/IAU îdF
Fr permettant de redonner aux médinas
leur place dans la ville.
e-
es médinas ont subi à travers l’histoire nas de Fès, Marrakech, Meknès, Tétouan,

L
Grâce à leurs valeurs identitaires
et culturelles et à leur patrimoine, une série de mutations économiques et Essaouira, la kasbah d’Aït Ben Haddou, la cité
les médinas, comme la kasbah sociales, aussi bien intra-muros qu’extra- portugaise de Mazagan (El Jadida), le site
des Oudayas à Rabat, réintègreront muros. Ces dernières se sont illustrées par un archéologique de Volubilis, sur la liste du patri-
-d

la dynamique urbaine. développement urbain hétérogène et par la moine mondial de l’humanité. Enfin, la place
multiplication des centres. Les médinas ont Jama’ Al Fna a été proclamée premier patri-
perdu leur rôle de centralité dans la ville. Elles moine oral et immatériel de l’humanité, ainsi
sont devenues les lieux où se conjuguent les que le moussem de Tan-Tan.
île

différentes problématiques : flux migratoires, Ce patrimoine, d’une grande qualité architectu-


densification, pauvreté, dégradation du cadre rale et urbaine, abrite une population estimée
bâti et de l’environnement. Néanmoins, elles à cinq millions d’habitants. Il compterait plus
possèdent un important potentiel de dévelop- de 200 000 édifices, dont 180 000 demeures et
pement, grâce à leur patrimoine et aux valeurs 20 000 équipements sociaux, éducatifs et cultu-
U

identitaires et culturelles qu’elles portent dans rels. Son importance est autant culturelle que
un contexte de mondialisation accrue. sociale et économique. Son rôle potentiel dans
le logement, le tourisme et l’artisanat est pri-
La richesse patrimoniale du Maroc
IA

mordial à l’échelle nationale.


Le Maroc, pays de traditions ancestrales, dis- Toutefois, sous les effets conjugués du temps et
pose d’un patrimoine architectural et urbain de l’usage, ce précieux patrimoine historique
riche et diversifié, d’une grande valeur : plus de connaît, dans certains cas, un processus de
trente médinas plusieurs fois centenaires, une dégradation affectant aussi bien ses bases struc-
vingtaine de centre-ville datant du début du turelles que son cadre architectural et portant
XXe siècle, des milliers de villages pittoresques atteinte aux valeurs patrimoniales.
en plus des ksour et des kasbahs s’étendant sur Revitaliser ce patrimoine et l’intégrer dans le
près de deux mille kilomètres carrés. Tous ces contexte urbain général constituent le fonde-
espaces témoignent de ces valeurs à travers un ment des objectifs recherchés par le ministère
patrimoine qui est le fruit du métissage de nom- de l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménage-
breuses civilisations. ment de l’espace (MHUAE). La mise en valeur
La richesse, l’étendue et la diversité de ce patri- et la gestion de ce patrimoine pour une sauve-
moine lui confèrent une dimension qui a garde de ses composantes économique, sociale
dépassé les frontières nationales pour en faire et culturelle, a nécessité le développement de
un patrimoine historique de valeur universelle.
Cela s’est traduit par le classement de villes et (1) Chef du service du Patrimoine architectural à la direction
de monuments historiques, tels que les médi- de l’Architecture.
54
nouvelles approches qui portent sur les straté- tion de l’absence d’une base juridique restait La rencontre internationale de Fès
gies d’action sur les plans institutionnel, finan- posée avec acuité. En effet, elle empêchait le en 2003(1)
cier, technique et humain. Cette démarche per- caractère obligatoire de ces études et les fai- Lors de la rencontre internationale de Fès,
organisée par l’Unesco en 2003,
met d’assurer une exploitation rationnelle et sait considérer seulement comme des études les réflexions ont porté sur la perception
optimale des moyens existants d’une part, et de de référence. et le rôle du patrimoine, notamment
définir les mesures d’accompagnement néces- Face à ce constat, une nouvelle approche a été des médinas, dans les politiques de
saires, d’autre part. développée parallèlement à la mise en place développement et de planification urbaine.
d’un cadre juridique spécifique à ces plans de Les débats se sont articulés autour
de trois axes :
De multiples tentatives sauvegarde et de réhabilitation. Une troisième - institutionnel et politique, qui représente
pour réhabiliter les médinas génération de ces études a donc été initiée et la « condition sine qua non »
Cet état de fait a donné naissance, au début des a donné lieu aux plans d’aménagement. Ceux- de toute stratégie urbaine portant
années 1980, à une première démarche de reva- ci permettaient de bénéficier d’une opposabi- sur la sauvegarde de la ville historique ;
lorisation de ces tissus, à travers ce qui a été lité aux tiers, telle que reconnue par la loi d’ur- - social, qui doit être pris en compte

ce
dans la définition des politiques urbaines
appelé « la première génération des études banisme en vigueur. Ceci s’est fait par le biais afin de répondre aux besoins
architecturales ». Ces études ont couvert les d’une refonte des termes de référence, en de la population concernée ;
médinas de Meknès, Chefchaouen et Tarou- étroite concertation avec les acteurs centraux et la mobiliser dans la mise en œuvre ;
dant. Leur objectif était d’analyser le tissu et locaux, publics et privés, qui ont acquis une - économique, afin de définir les choix et
arbitrages pour une meilleure utilisation

an
« médinien » en tant que patrimoine architec- notoriété et une expérience significative dans
des ressources publiques et privées
tural et urbanistique : développement histo- le domaine de la sauvegarde et de la réhabili- disponibles.
rique, évolution urbaine, analyse architecturale tation du patrimoine architectural national. L’importance de la dimension technique,
portant sur l’habitat, les équipements et le com- Cette troisième génération d’études architectu- qui est commune et transversale aux trois
merce. Elles permettaient également de déve- rales et de plans d’aménagement et de sauve- dimensions précitées, a été également
lopper les facteurs architecturaux de la médina
en s’appuyant sur des données socio-écono-
miques et démographiques. Ainsi, les recom-
Fr
garde concerne les médinas d’Assilah, de
Rabat, de Taza, de Tanger, de Tétouan, de Tarou-
dant, de Larache, de Ksar El Kebir, de Chef-
évoquée. Elle concerne les outils,
notamment les structures de gestion
et l’élaboration du plan de sauvegarde,
en intégrant les dimensions institutionnelle,
mandations sur le plan architectural se chaouen, d’Oujda et la kasbah de Debdou. sociale et économique.
e-
basaient sur les analyses effectuées au niveau D’autres plans d’aménagement et de sauve- La rencontre a permis de dresser une série
de la médina. garde sont actuellement lancés et suivis direc- de recommandations adressées
à tous les acteurs concernés
Ces études ont ensuite évolué pour aboutir à tement par les agences urbaines concernées. Il et à toutes les échelles, locale, nationale
une deuxième génération d’études architectu- s’agit des médinas de Beni Mellal, Demnate, Safi et internationale.
-d

rales et de plans de sauvegarde. Ceux-ci fixent et Ksar Aït Ben Haddou.


(1) Bureau de l’Unesco à Rabat, rapport « Patrimoine
les grandes orientations de réaménagement et développement durable dans les villes historiques
urbain des tissus anciens et définissent des Des chartes incitatives du Maghreb contemporain, l’enjeux, diagnostics et
recommandations », Rencontres internationales
actions à mener et leur hiérarchisation dans le À partir de 2008, de nouveaux outils d’interven-
île

de Fès, 2003.
temps et dans l’espace en se basant sur des tion dans ces tissus ont été développés dans
études sectorielles approfondies sur le terrain. un esprit de concertation et en partenariat avec
Cette nouvelle démarche s’est traduite par la les collectivités locales. Ils ont mené à l’élabo-
production de plusieurs documents. Tout ration de plusieurs chartes architecturales, urba-
d’abord, un document graphique, le plan de nistiques et paysagères. Ces chartes définissent
U

sauvegarde, et son règlement, ont été réalisés. Ils une philosophie commune sur une matière
ont été accompagnés d’un cahier de prescrip- spécifique et n’impliquent aucune obligation
tions architecturales (CPA). Il est le résultat de juridique. Ce sont des outils incitatifs et d’aide
IA

l’analyse des dispositifs architecturaux et archi- à la décision, mis à la disposition de l’ensemble


tectoniques qui, dans leurs répétitions, donnent des acteurs. Ces chartes ont une portée straté-
lieu à des ambiances architecturales spécifiant gique et un caractère opérationnel. Elles ont
chaque tissu urbain ancien. Enfin, une liste des également valeur de conseil et restent soumises
projets intégrés d’importance stratégique a été à la réglementation en vigueur.
mise en place. Ils sont en effet susceptibles de Actuellement, 51 chartes sont engagées à dif-
redonner à ces médinas la place et le rayonne- férentes phases et concernent notamment les
ment dont elles jouissaient auparavant.
Cette deuxième génération de documents a
couvert, dans un premier temps, les médinas
de Bejjaad et Azemmour, pour s’étendre ensuite
aux médinas de Safi, Essaouira, Marrakech,
Sefrou, El Bhalil et El Menzel.
L’étude du patrimoine architectural
Un cadre juridique spécifique des Ksour et de leur évolution au
V. Said/IAU îdF

Malgré la pertinence du contenu de ces études contact d’autres modèles permet de


et les efforts fournis tant par les services cen- mieux les mettre en valeur, comme
traux et locaux que par la société civile, la ques- ici dans la région de Marrakech.
55
Le Maroc en perspective :
regards croisés Les politiques urbaines à l’œuvre
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Réintégration des médinas dans la dynamique des villes

modèles et influences divers. L’objet de ces


études ne se limite pas à une reconnaissance et
à un inventaire du patrimoine à sauvegarder,
mais consiste également à élaborer des recom-
mandations susceptibles de permettre l’impli-
cation et l’intégration du patrimoine architectu-
ral dans la société contemporaine.
Ces études visent l’identification d’un certain
nombre de projets opérationnels pour une
meilleure réhabilitation. Cette dernière ne doit
pas se limiter uniquement à la sauvegarde de
l’existant, mais a pour but la revitalisation et la
revalorisation des architectures des ksour et

ce
Depuis les années 1980, kasbahs en proposant des adaptations qui s’im-
de nombreuses démarches posent aux constructions nouvelles.
de réhabiliation des médinas Les objectifs fondamentaux de ces études et
ont été mises en place. programmes sont de plusieurs natures. Ils visent

V. Said/IAU îdF

an
Pour devenir opérationnelles, à constituer un inventaire de l’ensemble des
elle se sont inscrites dans ksour. Cet inventaire constituera une somme
un cadre juridique spécifique. de connaissances majeures analysant et défi-
nissant ainsi l’aspect architectural des différents
médinas ou entités suivantes : Chefchaouen, ouvrages recensés. Il permettra de recenser
Fr
Mdiq, Fnidek, médina de Safi, Zagora, Ouazzane,
Marrakech, médina de Taza, la vallée d’Oued
Boufekren et médina de Meknès.
l’état et la valeur architecturale des construc-
tions, afin de l’investir dans le processus de
valorisation de la production actuelle, et de
dégager des propositions s’inscrivant dans une
e-
Des actions en faveur des ksour vision globale de développement, sur une base
et kasbahs culturelle et environnementale à caractère opé-
Dans sa démarche d’étude des architectures et rationnel. Enfin, il s’agira de proposer le plan
des tissus urbains spécifiques, le ministère de sauvegarde comme document de référence
-d

entreprend également un programme d’études pour toutes les interventions futures dans les
des architectures des régions présahariennes ksour.
dans le but de réhabiliter et de revitaliser les Actuellement, des études architecturales des
ksour et kasbahs. ksour et kasbahs sont en cours de finalisation
île

L’approche préconisée pour ces études vise la et couvrent la région du Tafilalet, d’Ouarzazate
connaissance de ce patrimoine architectural et de l’oasis de Figuig.
et urbain et de son évolution au contact de
U
IA

Les plans de réhabilitation


V. Said/IAU îdF

et de sauvegarde des médinas


se multiplient à travers
tout le Maroc.
56
ce
L’intégration des médinas
dans le tissu urbain passe

V. Said/IAU îdF
an
par un travail sur les liaisons,
comme ici entre la médina de
Marrakech et la ville « européenne ».

Une stratégie de développement tiques majeures à résoudre ainsi que celle de


des villes historiques
En 2009, le MHUAE, avec l’appui de la Banque
mondiale, a élaboré une stratégie de dévelop-
Fr
leur articulation avec leur environnement(2).
Cependant, la conscience nationale de l’impor-
tance du maintien de leur cadre patrimonial
pement des villes historiques, en collaboration et identitaire, tout en vitalisant leur tissu éco-
e-
avec l’ensemble des partenaires. La poursuite nomique et social, est un atout et un gage de
des objectifs spécifiques selon les contraintes et réussite pour redonner à la médina toute sa
le potentiel de chaque médina et la promotion place dans la ville de demain.
d’une culture de valorisation du cadre bâti et
-d

des infrastructures ont été reconnus comme les


principaux objectifs qualitatifs.
Au niveau du financement de la démarche, le (2) Voir dans ce numéro des Cahiers, ROMERA Anne-Marie,
développement des investissements publics SAID Victor et THIBAULT Christian, « Fès : articuler la médina
île

avec son environnement », p. 157 et TROIN Jean-


pour protéger un « bien public national » et les François, « De la médina à la ‘ ville européenne’ au Maroc »,
L’intégration du patrimoine
initiatives pour encourager les investissements p. 15. architectural dans la société
du secteur privé ont été privilégiés. contemporaine est un enjeu majeur
Sur le plan opérationnel, et grâce au finance- de la démarche du ministère.
ment mis en place par le MHUAE, la participa-
U

tion du holding d’aménagement Al Omrane


aux chantiers de réhabilitation et de revitalisa-
tion des tissus historiques s’est faite à travers
IA

plusieurs programmes. Il intervient aussi bien


dans des opérations spécifiques devant assu-
rer la préservation ou la réhabilitation des
constructions ayant un caractère historique,
telles que les médinas, les ksour et les kasbahs,
que dans l’amélioration des conditions d’habi-
tabilité des ménages concernés par des
constructions menaçant ruine et ce, en orien-
tant son action vers la réhabilitation et la mise
à niveau urbaine et architecturale.

Enfin, les médinas, qui sont à l’origine des villes


impériales et des grandes métropoles d’au-
jourd’hui au Maroc, continuent de jouer leur
rôle moteur dans la dynamique de transition
V. Said/IAU îdF

de la ruralité à l’urbanité du pays. Néanmoins,


leur adaptation aux exigences des nouveaux
modes de vie demeure une des probléma-
57
Quand l’économie
façonne le territoire

ce
an
Les enjeux territoriaux
Fr de l’économie marocaine 59

L’âme des villes,


e-
vecteur du développement touristique
du littoral 63
-d

Une armature commerciale


en pleine évolution 66
île

Retour à la Méditerranée :
Tanger Med en pointe 69
U
IA
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Quand l’économie façonne le territoire

Abdelaziz Adidi Les enjeux territoriaux


Professeur et directeur
de l’Institut national de l’économie marocaine
d’aménagement
et d’urbanisme

L’ouverture du Maroc à la mondialisation


exige une mise à niveau d’envergure
de son territoire. La polarisation,
qui a marqué la structure économique
héritée du passé, s’estompe au profit

ce
d’un développement harmonieux
basé sur une meilleure répartition
des infrastructures et des grands projets.

an
Les nouvelles interactions entre
les développements économique
et urbain impactent l’attractivité
Fr RFF/Giraud Philippe et façonnent l’organisation spatiale
et fonctionnelle des villes.
e-
es disparités régionales au Maroc trou- aussi des opportunités dont le Maroc peut tirer

L
Le Maroc change de visage
grâce à de nombreux projets vent leur explication à la fois dans le un grand profit. L’ouverture aux flux de capi-
d’équipements structurants. caractère contrasté et fracturé du terri- taux et aux investissements directs étrangers
La future ligne à grande vitesse toire marocain, mais aussi dans l’héritage de la exigent que soient réunies les conditions de
-d

entre Tanger et Marrakech période du Protectorat qui a réorganisé le ter- compétitivité, et donc d’attractivité de son sys-
est emblématique de cette stratégie. ritoire en définissant un « Maroc utile » dont les tème productif et de son territoire. Compétitivité
efforts d’équipement et de développement se et attractivité ne peuvent être atteintes que par
sont démultipliés, et, par conséquent, un la mise en œuvre d’une politique stratégique
île

« Maroc inutile », l’arrière-pays plutôt rural.Après d’équipement et de mise à niveau du territoire


l’Indépendance, l’échec de certains choix de national, d’une part, et par la mise en place
politiques publiques et l’absence d’une réelle d’un nouveau modèle de gouvernance territo-
coordination entre les différents intervenants riale, d’autre part.
viendront consacrer, voire accentuer, ces iné- Aujourd’hui, pour faire face aux défis de la
U

galités territoriales. mondialisation, le Maroc ressemble à un grand


chantier ouvert où de nombreux équipements
Transition économique et transformation structurants voient le jour. Ces méga-projets ne
territoriale
IA

manqueront pas de transformer le visage du


Aujourd’hui, le Maroc se trouve à la croisée des pays et de reconfigurer son territoire à toutes
chemins, dans la mesure où la mondialisation les échelles : nationale, régionale, urbaine et
et la globalisation des échanges exigent une intra-urbaine, et de modifier les rapports entre
mise à niveau de son territoire en renforçant la le Maroc et les pays voisins, entre le littoral
compétitivité de ses villes et de ses régions. Le et le continent, ainsi que les rapports ville/
pays traverse aujourd’hui une transition dans campagne. Le Maroc vit aujourd’hui une vérita-
tous les secteurs : démographique, social, poli- ble transition territoriale.
tique et économique.
Le Maroc a choisi depuis longtemps le principe Projets structurants et rééquilibrage
de la libre entreprise.Après avoir signé une série du territoire national
d’accords de libre-échange avec l’Union euro- Après l’Indépendance, le Maroc s’est retrouvé
péenne, les États-Unis d’Amérique, la Turquie, avec une tendance à la littoralisation et à un
l’Egypte et la Jordanie, le Maroc est en train de système urbain macrocéphalique. Plusieurs
négocier un statut dépassant l’association avec décennies après, le pays n’a pas réussi à inver-
l’Union européenne. ser les tendances et à mieux répartir ses
Ces tendances lourdes sont à la fois des richesses en rompant avec le modèle territo-
contraintes, des risques réels, des défis, mais rial imposé par la géographie physique et légué
59
Le Maroc en perspective :
regards croisés Quand l’économie façonne le territoire
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Les enjeux territoriaux de l’économie marocaine

tion portuaire forte. Le grand projet portuaire,


concernant plusieurs sites, est un levier de com-
pétitivité et un instrument structurant du déve-
loppement territorial. Il devient aujourd’hui
possible grâce à un investissement important
et à une réforme portuaire prometteuse. Le
complexe portuaire Tanger Med(1) est le fruit
d’une ambition fondée sur la foi en la vocation
maritime et méditerranéenne du Maroc. Paral-
lèlement, d’autres projets portuaires se pour-
suivent, comme le renforcement du port de
Mohammedia, la poursuite des travaux de
construction des ports de M’diq, Boujdour,

ce
V. Said/IAU îdF
Larache, Mehdia et le chantier d’un port de plai-
sance et de pêche à Nador (Marchica).

Aéroports

an
Le développement des nouvelles par une vision dépassée de l’aménagement ter- Le Maroc a mis en œuvre, dès 2004, une poli-
technologies de l’information ritorial à l’échelle de tout le pays. tique de libéralisation du secteur du transport
et de communication a transformé Néanmoins, depuis le début du XXIe siècle, le aérien et d’ouverture cadrée du ciel marocain.
le paysage urbain. Ici, les paraboles Maroc a choisi de s’engager dans une politique La fin de l’année 2006 a été marquée par la
fleurissent les toits du bâti de la volontariste d’équipement du territoire. L’ob- conclusion de l’accord Open Sky avec l’Union
médina de Rabat. Fr
jectif étant d’intensifier l’intégration du pays
aux flux économiques et humains, régionaux et
mondiaux, et d’arrimer ses infrastructures aux
européenne, qui constitue une première pour
un pays non-membre. La nouvelle politique a
très vite porté ses fruits : ruée d’opérateurs,
meilleurs standards de qualité et de perfor- explosion de l’offre, extension du marché et
e-
mance. De tels projets transforment l’écono- baisse des tarifs. D’autre part, la capacité des
mie marocaine et accroissent son potentiel de aéroports marocains a nettement augmenté en
croissance, son attractivité et sa capacité à créer dix ans et cette tendance se poursuit.
du bien-être pour l’ensemble des citoyens et
-d

du pays. Chemins de fer


Le financement a été assuré plus facilement Plusieurs projets d’envergure permettront de
grâce à une meilleure perception de l’écono- développer le réseau ferré national, notamment
mie par les bailleurs de fonds internationaux. une liaison dans la région de l’Oriental entre
île

Le fonds Hassan II a également servi de levier Taourirt et Nador et la desserte de Tanger Med.
stratégique pour le budget public. Le Maroc accèdera également aux transports
Ces projets d’infrastructures devront permettre de masse à grande vitesse grâce à la réalisation
d’effacer le déséquilibre entre les territoires et d’une ligne grande vitesse (LGV) entre Tanger,
de renforcer la compétitivité du pays. Casablanca et Marrakech.
U

Réseau routier et autoroutier Télécommunications


L’expansion du réseau autoroutier est au centre À la fin des années quatre-vingt-dix, le Maroc a
IA

de l’entreprise de développement. Le pays est connu un essor sans précédent des télécom-
rapidement parvenu à quadrupler le rythme munications et des technologies de l’informa-
des réalisations. En conséquence, les volumes tion. Il a mis en place un processus de libérali-
d’investissement ont changé de dimension. Le sation et d’équipement structurel qui a
réseau autoroutier national relie aujourd’hui complètement transformé les réseaux, amélioré
plusieurs grandes régions du Royaume. En les performances, étendu l’accès, et induit une
2015, il permettra de relier toutes les villes de valeur ajoutée importante pour l’économie
plus de 400 000 habitants : il s’agit là d’un levier nationale. Il a, en effet, connu un développe-
fort pour la compétitivité logistique du Maroc et ment fulgurant de la téléphonie fixe et mobile,
pour son développement économique et ainsi que d’Internet, accompagné d’une diver-
social. La rocade méditerranéenne entre Tan- sification de l’offre et d’une amélioration de la
ger et Saïdia, à l’échelle internationale, et les qualité de service. Grâce aux performances de
futures routes rurales, à l’échelle locale, parti- ce secteur, l’offshoring s’est rapidement déve-
ciperont largement au maillage du territoire. loppé, notamment les centres d’appel.

Infrastructures portuaires
(1) Voir dans ce numéro des Cahiers, SAIGAULT Jean-François,
Fort de ses deux façades maritimes d’environ ZEIGER Pauline, ZUNINO Gwenaëlle, « Retour à la Méditerranée :
3 500 km, le Maroc devait se doter d’une ambi- Tanger Med en pointe », p. 69.
60
L’introduction des nouvelles technologies de Évolution de l’économie urbaine
l’information et de la communication a boule- et mutation des villes
versé les rapports à l’espace. De nombreuses Auparavant, la croissance urbaine était mal per-
activités économiques, y compris informelles, çue. Aujourd’hui, la ville est considérée comme
ont vu le jour. Un espace économique virtuel un espace de création de richesses et un
s’est mis en place. Les impacts en termes de moteur de changement social. Ainsi, la gestion
raccourcissement des distances, de localisation des villes ne se réduit plus aux seules questions
des activités, de déplacements et de trajets de services urbains et de logement, mais elle
domicile-travail ne manquent pas de modifier est aussi le cadre de partenariats et de syner-
les liens entre activité et espace urbain. gies. L’urbanisation nécessite donc des modes
de gestion rénovés. Les collectivités locales sont
Plates-formes industrielles appelées à élargir leurs compétences pour
Le développement des infrastructures indus- devenir des animateurs économiques, des ges-

ce
trielles et technologiques d’accueil est, quant à tionnaires qui travaillent avec le secteur privé.
lui, nodal. Dans ce secteur, un nombre impor- Elles sont amenées à se prononcer plus fré-
tant de projets a vu le jour entre 1999 et 2008, quemment sur des projets économiques ou
sur plus de 1 000 hectares. Cette stratégie, orien- sociaux de plus en plus complexes.

an
tée vers la compétitivité du territoire marocain La ville est dorénavant perçue comme le véri-
pour l’investissement, a été suivie par la mise table levier du développement et de la moder-
en œuvre d’une nouvelle génération de plates- nisation du pays. Casablanca n’est plus appré-
formes d’infrastructures industrielles et techno- hendé comme le géant à maîtriser, mais
logiques d’accueil intégrées. comme la métropole économique capable de

Énergies renouvelables
Le Maroc est dépendant sur le plan énergé-
Fr
concurrencer les grandes villes méditerra-
néennes en attirant des investisseurs potentiels.
Ceux-ci sont de plus en plus exigeants et sélec-
tique, alors qu’il dispose de gisements éoliens tifs. Casablanca est perçue comme la véritable
e-
et solaires inépuisables. Afin de réduire sa porte d’entrée du Maroc à la mondialisation.
dépendance énergétique, il s’est engagé dans La stratégie consiste à renforcer sa capacité,
une stratégie de production d’énergies renou- son attractivité et sa compétitivité, sans négli-
velables à grande échelle. Ainsi s’est poursui- ger l’équipement et la mise à niveau du reste
-d

vie la réalisation de parcs éoliens et de cen- du pays. Les grandes métropoles du pays se
trales thermiques et électro-hydrauliques, telle métamorphosent grâce à des projets urbanis-
la centrale fonctionnant à la fois au gaz naturel tiques structurants. L’économie urbaine et la
et à l’énergie solaire à Beni Mathar. pratique de la ville par ses habitants en seront
île

Plus important encore, le Maroc a dévoilé fin influencées.


2009 un ambitieux projet de production élec-
trique d’origine solaire d’une capacité de 2 000 L’aménagement de la vallée de Bouregreg
mégawatts. Achevé en 2020, il sera installé sur Ce projet majeur a pour but de placer l’agglo-
cinq sites, permettra une économie annuelle mération de Rabat-Salé au standard des
U

d’1 million de tonnes de pétrole et évitera au grandes capitales en la conciliant avec son Le parc éolien de Tanger
Maroc l’émission de 3,7 millions de tonnes de environnement fluvial et maritime. Il s’agit prin- participe activement à la stratégie
CO2 par an. À terme, sa production représen- cipalement de faire de ce fleuve l’articulation de développement des énergies
IA

tera 42 % des besoins électriques du Maroc. organique entre les deux villes de Rabat et de renouvelables au Maroc.
En plus de ces méga-projets, qui ne manque-
ront pas d’avoir un impact direct sur l’emploi et
Direction Communication/Office National de l’Electricité – Maroc /Ph. H. Essiyad

les conditions de vie des populations, d’autres


projets d’équipements structurants à caractère
régional et local sont en cours. Toutefois, il est
important de rappeler que l’écart de dévelop-
pement et d’équipement entre les régions du
Maroc, ainsi que le clivage ville/campagne
demeurent frappants. L’effort d’équipement et
de mise à niveau du territoire doit donc se
poursuivre.
Le schéma national d’aménagement du terri-
toire reconnaît la ville comme moteur de déve-
loppement économique. La stratégie de déve-
loppement national se décline donc au niveau
local.

61
Le Maroc en perspective :
regards croisés Quand l’économie façonne le territoire
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Les enjeux territoriaux de l’économie marocaine

Salé, pour le passage d’une rive à l’autre et les réalisation de six stations balnéaires : Mediterra-
lieux publics à exploiter en commun. Ce projet nia Saïdia à proximité d’Oujda, Mazagan Beach
développera de nouvelles fonctions écono- Resort au sud d’El Jadida, Port Lixus dans la
miques dans la capitale, principalement le tou- région de Larache, Mogador Essaouira, Argana
risme et les services supérieurs. Bay près de Taghazout et Plage blanche à 40
kilomètres de Guelmim.
Le projet d’Anfa Il ressort de ce panorama que les villes maro-
Pour insuffler une nouvelle dynamique écono- caines s’ouvrent progressivement aux flux
mique et sociale à Casablanca, il a été décidé financiers étrangers, en modernisant leurs
de créer un véritable pôle urbain sur le site de structures d’accueil et en diversifiant leurs fonc-
l’ancien aéroport d’Anfa. C’est la plus grande tions. Néanmoins, l’économie marocaine et le
opération de renouvellement urbain au Maroc. territoire national fonctionnent à deux vitesses.
D’une superficie d’environ 350 hectares, ce Parallèlement à l’effort considérable de moder-

ce
nouveau pôle devrait privilégier les espaces nisation et d’insertion des grandes métropoles
verts et respecter un équilibre entre les zones marocaines sur la scène internationale, le poids
d’affaires et d’habitat. de l’économie informelle, et par conséquent
de l’occupation spontanée de l’espace, marque

an
Les villes nouvelles fortement le paysage urbain des grandes villes.
La création de villes nouvelles et l’ouverture Le chômage structurel a fait exploser ces der-
de nouvelles zones à l’urbanisation sont l’une nières années le marché de l’emploi clandes-
des actions majeures de la politique urbaine tin, composé essentiellement de petits métiers.
de l’État. Deux villes nouvelles sont en chan- Ce phénomène s’est développé en profitant de
Fr
tier : Tamansourt dans la périphérie de Marra-
kech (1 200 hectares, 300 000 habitants) et
Tamesna dans la périphérie de Rabat (840 hec-
la banalisation des technologies de l’informa-
tion et de communication (Internet et télépho-
nie mobile). La contrebande, le commerce
tares, 250 000 habitants). D’autres, à proximité informel et les activités de réparation liées à
e-
de pôles urbains majeurs, sont à l’étude : ces nouvelles technologies sont florissants dans
Lakhyayta dans la région de Casablanca (1 500 de nombreuses villes marocaines. Ainsi, cette
hectares) ; Chrafate dans la région de Tanger économie moderne et hautement capitalis-
(1 050 hectares). Parallèlement à cette politique tique se conjugue avec une « nouvelle écono-
-d

des villes nouvelles, des programmes ambitieux mie informelle », qui joue le rôle de soupape
de lutte contre l’habitat insalubre, de produc- pour le marché de l’emploi.
tion de logements sociaux et de mise à niveau
urbaine profitent principalement aux villes Vers un nouvel ordre territorial
île

petites et moyennes. performant, équilibré et durable


Les chantiers de la décennie deux-mille tradui-
Le plan Azur sent une volonté de fonder durablement le
Stratégie d’aménagement touristique lancée développement du pays sur les infrastructures,
par le Maroc pour attirer 10 millions de tou- en tentant de défier les contraintes physiques et
U

ristes à l’horizon 2010, le plan Azur prévoit la de rompre avec l’ordre territorial du passé. Ces
chantiers présentent notamment trois grands
Projets d’aménagement touristiques traits distinctifs. D’abord, le volontarisme a fait
IA

de cette décennie une période de changement


d’échelles en matière d’infrastructures ; ensuite,
les grands projets ont permis l’émergence d’un
nouveau mode de management ; enfin, ils ont
visé un équilibre entre les exigences de la com-
pétitivité et celles de l’intégration sociale et ter-
ritoriale.
Aujourd’hui, les résultats attestent de la perti-
nence de ces choix et augurent d’une nouvelle
étape dans la consolidation et le développe-
ment du pays et de ses territoires. Les infrastruc-
tures sont un levier de développement et de
répartition équitable des richesses entre les
régions, entre ville et campagne et au sein des
villes, ce n’est plus à démontrer. Néanmoins, le
chemin demeure encore long et l’engagement
doit être continu pour atteindre le développe-
ment global et durable du pays.
Royaume du Maroc, ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme,
62 de l’Habitat et de l’Environnement, Direction de l’aménagement du territoire.
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Quand l’économie façonne le territoire

L’âme des villes, vecteur du


développement touristique du littoral
Les Cahiers – Monsieur le conseiller, de l’ensemble. Bien sûr, il existe des décalages
Archives personnelles pourriez-vous développer les grands dans le degré d’avancement des différentes sta-
principes de valorisation du littoral tions balnéaires, souvent dus à la conjoncture.
marocain ? Je ne crois pas qu’il faille lire comme un
André Azoulay – Il faut partir d’un premier dogme les calendriers fixés sur le long terme. Il
postulat : le Maroc est un pays ouvert sur la mer s’agit d’un plan prévu aujourd’hui sur dix ans,
avec 3 000 kilomètres de côte sur l’Atlantique et demain peut-être sur vingt ou trente ; ce qui
Interview plusieurs centaines sur la Méditerranée, ce qui m’importe, c’est que nous ne perdions pas le

ce
représente à la fois un atout exceptionnel et sens du projet.
une très lourde responsabilité. Je crois que le
Maroc, si nous regardons ses actions pour assu- L. C. – Le tourisme international pouvant
André Azoulay est conseiller mer ce double attribut, et notamment ce qui a être menacé par une conjoncture
économique ou politique difficile,

an
de Sa Majesté le Roi du Maroc été fait sur le littoral marin méditerranéen, est
depuis 1991, d’abord auprès plutôt un bon élève. Depuis le milieu des existe-t-il une vision de complémentarité
de feu Sa Majesté le Roi années quatre-vingt, il y a une accélération du en termes de produits et d’accueil pour
Hassan II, puis de Sa Majesté développement touristique sur l’ensemble du assurer un équilibre entre un tourisme
le Roi Mohammed VI. Il avait Maroc, avec une visibilité stratégique sur le long international et un tourisme national ?
précédemment occupé
d’importantes fonctions au sein
de la direction générale
Fr
terme, une cohérence des projets et une défini-
tion rigoureuse des objectifs fixés. Ce dévelop-
pement se fait avec les garde-fous nécessaires
A. A. – Nous sommes dans une économie
ouverte et nous sommes conscients des risques
que nous prenons quand nous développons
du groupe Paribas à Paris pour résoudre cette équation, à savoir avancer l’industrie touristique en en faisant une prio-
e-
(de 1968 à 1990). sans pour autant compromettre l’écologie de rité nationale. Nous savons qu’elle dépend
Auprès du Souverain, notre patrimoine marin, et sans perdre l’âme d’aléas conjoncturels ; il faut donc que nous
il a notamment contribué des villes côtières historiques, qui pourraient trouvions la bonne formule qui permette de les
au programme de réformes souffrir du legs de l’histoire sur nos rivages. Il maîtriser autant que possible. Le Maroc est un
-d

économiques et financières s’agit d’un pari difficile, réussi à différents pays dont la première qualité est sa richesse
du Maroc et participé au suivi degrés selon les projets. Je crois cependant que, historique et humaine, sa diversité culturelle, et
du processus de paix au Moyen- globalement, nous avons pu, au cours des der- un projet de société riche par sa profondeur et
Orient. nières années, apporter la bonne réponse à son identité. Les touristes étrangers sont atta-
île

Membre du Groupe de haut cette double exigence : créer de la richesse sur chés à cette diversité. Il serait donc aberrant de
niveau des Nations-Unies nos rivages tout en préservant le patrimoine, nous priver de ce métissage et de ce levier d’ou-
pour l’Alliance des civilisations, les acquis historiques, les équilibres urbains et verture de nos espaces touristiques.
André Azoulay est président la facture architecturale.
de la fondation L. C. – Quelles sont les mesures
U

euroméditerranéenne Anna L. C. – Le plan Azur a défini plusieurs sites d’accompagnement en termes


Lindh depuis 2008. Il est de développement touristique balnéaire, d’équipement, d’artisanat, et surtout,
également membre du comité mais nous constatons que l’avancée de développement culturel et artistique,
en corrélation avec ce que vous appelez
IA

stratégique du Conseil culturel de ces projets n’est pas uniforme.


de l’union pour la Méditerranée Quel est votre sentiment concernant l’âme du pays ?
et président délégué de sa mise en œuvre et quel est son degré A. A. – De ce point de vue, je crois que l’exem-
la Fondation des trois cultures de réalisation ? ple d’Essaouira-Mogador est absolument
et des trois religions à Séville. A. A. – Le plan Azur a permis de planifier dans unique. Essaouira a une très longue histoire :
Par ailleurs, André Azoulay le temps le développement du littoral de elle était d’abord le comptoir phénicien le plus
est commandeur de l’ordre manière cohérente dans ses équilibres et com- avancé sur l’Atlantique, et a ensuite connu des
du Trône (Maroc) et plémentaire dans la définition de chacun de heures de gloire aux XVIIIe et XIXe siècles. Elle fut
commandeur de l’ordre de ses projets. Nous avons à la fois une approche le principal port de la côte occidentale afri-
la Légion d’honneur (France). stratégique, qualitative et quantitative. Je crois caine, et, de fait, presque la capitale du Maroc
que les acquis, à mi-étape, sont substantiels. Il y dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Mais la
a eu un encadrement sur le plan du développe- ville a connu ensuite un déclin qui s’est accen-
ment de l’espace, et une spécialisation dans le tué, notamment entre les années soixante et
profil de chacune des stations. Sans le plan quatre-vingt-dix, et cette belle histoire a failli
Azur, nous aurions pu assister à une sorte basculer dans la nostalgie et la « référence » his-
d’anarchie, avec des stations visant les mêmes torique. Certains d’entre nous, originaires de la
marchés en offrant des produits similaires, ce ville, ont pensé qu’il fallait redonner toutes ses
qui aurait compromis la faisabilité économique chances à Essaouira.
63
Le Maroc en perspective :
regards croisés Quand l’économie façonne le territoire
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 L’âme des villes, vecteur du développement touristique du littoral

En 1991, j’ai créé l’Association pour la promo- Le second postulat reposait sur l’idée que la
tion et la sauvegarde d’Essaouira-Mogador, et culture n’est pas simplement un moment
nous nous sommes fixé, à ce moment-là, un cer- d’émotion partagé autour d’une œuvre plas-
tain nombre de postulats autour desquels arti- tique, d’une création musicale ou d’un très
culer les stratégies de renaissance de la ville. beau film. À Essaouira, nous avons aussi consi-
Le premier était celui du développement dura- déré la culture comme un vecteur de création
ble. Nous ne voulions plus être exposés aux de richesses. Il a ainsi été décidé de donner
mêmes risques que lors des décennies du priorité à la musique par la création d’un festi-
déclin de la ville. La situation dans les années val de musiques gnawa, jazz et musiques du
soixante-dix était tellement dramatique que monde. À l’époque, les gens étaient plutôt scep-
Georges Lapassade, très grand philosophe et tiques sur la possibilité de faire jouer les Gna-
sociologue français, amoureux de la cité, avait was, anciens esclaves, avec les plus grands
écrit à l’entrée de la ville : « Essaouira, ville à musiciens de jazz dans le cadre d’un festival. Le

ce
vendre ». Nous avons décidé d’agir avec ce que pari a été pris. Le succès de ce festival a été tel
nous contrôlions, dans une vision de durabi- que les gens ont assimilé Essaouira aux Gna-
lité. L’Histoire est glorieuse et was. Même si cela est
riche, et chaque vieille pierre quelque peu démesuré, il
» Considérer la culture

an
à Essaouira a une grande s’agit d’un levier exception-
épopée à nous conter. Nous comme un vecteur nel.
avons donc voulu protéger le Nous avons ensuite créé le
de création de richesses. «
patrimoine et ses valeurs, et Printemps musical des ali-
en faire un vecteur de déve- zés, festival de musique de
Fr
loppement. Ces valeurs sont celles dont a
besoin le monde d’aujourd’hui : altérité et
témoignage au-delà de tous les possibles,
chambre et d’art lyrique. Ce festival est devenu
l’un des plus grands rendez-vous pour tous les
mélomanes du bassin méditerranéen. Nous
quand il s’agit de faire se rencontrer et s’épa- organisons maintenant sept grands festivals de
e-
nouir ensemble toutes les religions, les civilisa- musique par an, parmi lesquels le festival des
tions, les histoires et les identités. La culture Andalousies atlantiques. C’est le seul espace
d’Essaouira incarne la force de cette diversité, où se produisent sur la même scène des poètes
en y ajoutant le patrimoine oral et ses acquis. et des musiciens juifs et musulmans qui repren-
-d

Aujourd’hui, ce n’est pas un luxe d’avoir un nent les œuvres de leurs aînés écrites ensem-
espace envoyant à chacun d’entre nous les ble. Nous avons notamment le Matrouz, qui
signaux de la rencontre plutôt que du rejet, de veut dire broderie, avec un grand nombre de
la synthèse plutôt que de la fracture, et de l’al- poèmes et de chants comprenant un vers en
île

térité plutôt que de la confrontation. C’est cela arabe et un vers en hébreu. Cela est très rare
l’identité d’Essaouira. dans le contexte géopolitique actuel.
U
IA

Le festival des Gnawas,


A3 communication

attirant des milliers de visiteurs


à Essaouira, illustre que la culture
peut être un vecteur
de développement.
64
ce
an Kayaky/Wikipedia
Malgré l’affluence des festivals,
Essaouira n’a rien perdu
Fr de son cachet ni de son âme.

L. C. – Comment peut-on accueillir coup celle de New York. Nous nous sommes
e-
tant de visiteurs sans nuire à la qualité inscrits dans la lignée de cet héritage et de cette
et à la tranquillité des lieux ? richesse.
A. A. – Lorsque nous avons lancé cette straté-
gie, il y avait six ou sept hôtels à Essaouira ; il y L. C. – Ne pensez-vous pas que tous
-d

en a aujourd’hui 227. Cependant, la ville n’a ces succès, ainsi que le développement
rien perdu de son cachet, de son esprit, de son de l’aéroport et de l’autoroute, attirent
âme. Je crois que nous avons été bien inspirés beaucoup plus de visiteurs que la cité
en faisant de la culture et du patrimoine un ne peut effectivement en accueillir ?
île

vecteur de développement de qualité. Tout a A. A. – Non, l’une des fragilités de la ville était
commencé en 1992, lorsque Sa Majesté le son enclavement. Nous sommes donc lucides,
Prince héritier est venu à Essaouira pour célé- nous ne pouvons pas à la fois vouloir aller de
brer le quarantième anniversaire de la Palme l’avant et rester une presqu’île inaccessible.
d’or du film Othello, qu’Orson Welles avait L’ouverture de l’aéroport il y a quelques années
U

tourné à Essaouira. Je ne me souviens pas d’un ne constitue ni un luxe ni un risque. Il s’agit


événement qui ait eu une retombée de cette d’un atout, d’une performance et d’une victoire.
ampleur, notamment dans la presse internatio- Par ailleurs, Marrakech sera bientôt à une heure
IA

nale. Ce fut une manifestation magnifique, et d’Essaouira par la liaison autoroutière, valori-
presque vingt ans après, nous continuons dans sant la complémentarité de développement
cette voie. Sa Majesté le Roi, dans le plan Azur, des deux villes : Essaouira représente l’espace
a également choisi Essaouira-Mogador pour un balnéaire de Marrakech, et Marrakech le conti-
magnifique projet que nous prenons soin d’in- nent pour Essaouira. Je crois qu’il s’agit vrai-
tégrer dans le paysage. ment d’un atout et non pas d’un risque.

L. C. – Vous avez évoqué dans vos écrits Propos recueillis par


l’histoire de la planification de la ville. Victor Said
Pourriez-vous développer la genèse et Pauline Zeiger
du développement urbain d’Essaouira-
Mogador ?
A. A. – Il s’agit d’un point important que nous
n’avons pas le droit d’ignorer. Le Roi, dans la
deuxième moitié du XVIIIe siècle, a mis en place
une charte urbaine, dessinant la médina et défi-
nissant les couleurs, les hauteurs, la logique de
circulation de la ville, rappelant d’ailleurs beau-
65
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Quand l’économie façonne le territoire

Une armature commerciale


Kawtar Tazi (1)

Ministère du Commerce, en pleine évolution


de l’Industrie et des
Nouvelles Technologies

Le commerce marocain est en pleine


évolution. La multiplication des centres
commerciaux transforme les pratiques
quotidiennes. Les conséquences
sur le fonctionnement et l’organisation

ce
de la ville sont multiples : mobilité,
stationnement, équilibre fragile entre
animation urbaine du commerce

an
traditionnel et nouvelles centralités
des grandes surfaces. Comment
le Maroc, notamment à travers le plan
V. Said/IAU îdF
Fr Rawaj, élabore la planification de
cette mutation commerciale et urbaine ?
e-
ays de tradition commerçante, le Maroc se développent dans les grandes villes(3) et les

P
Le commerce traditionnel
participe à l’animation urbaine a toujours défendu et encouragé l’initia- kissariats traditionnelles cèdent la place à des
des centres-ville. tive privée. Il est resté ouvert à toute centres commerciaux de nouvelle génération
forme de commerce et de distribution capable alliant divertissement, distraction et confort
-d

d’enrichir l’offre commerciale, de dynamiser le d’achat(4).


marché et de répondre à l’évolution des Toutefois, à l’image de ce qu’ont connu d’autres
besoins et des attentes des consommateurs. pays dans lesquels le commerce indépendant
était bien représenté, la grande distribution, en
île

Les nouvelles formes de consommation créant de nouveaux pôles d’attractivité com-


influent sur l’armature commerciale merciale, commence à impacter négativement
Durant la dernière décennie, sous les effets le commerce traditionnel. Cette tendance est
conjugués de l’élévation du niveau de vie et de d’autant plus préoccupante que les grands de
la mutation des comportements d’achat, le pay- la distribution alimentaire intègrent dans leur
U

sage urbain, notamment dans les grandes villes, business model le développement d’autres
a connu l’émergence du commerce en réseau formes de commerces, comme les surfaces
avec l’implantation de grandes surfaces alimen- spécialisées, les galeries et les centres commer-
IA

taires ou spécialisées et le développement des ciaux limitrophes(5), augmentant ainsi leur


franchises. Depuis le milieu des années 1990, attractivité aux dépens des commerces
le rythme moyen annuel de croissance des traditionnels.
réseaux commerciaux – que ce soit de fran- Par ailleurs, les nouvelles formes de consom-
chises ou de grandes et moyennes surfaces – mation et de distribution ne sont pas les seules
avoisine les 20 %(2).
Ce développement de nouveaux modèles de (1) Kawtar Tazi est chef de la division des Études et des inter-
ventions commerciales.
commerce, soutenu par l’engouement des (2) Les GMS (hypermarchés et supermarchés opérant en
consommateurs pour la multiplicité de choix et réseau) ont vu leur nombre passer de 10 en 2002, à 96 en
la qualité des produits et services, a eu plusieurs 2009. Le commerce en réseau compte actuellement plus de
404 enseignes, alors qu’elles ne dépassaient pas 93 en 2002.
effets sur le commerce dans les agglomérations (3) Par exemple : avenue Fal Ould Oumeir à Rabat ; boule-
urbaines, qui n’ont pas que des aspects négatifs. vard Al Massira Al Khadra, boulevard d’Anfa, rue Ain Har-
Le rythme de croissance du commerce en rouda à Casablanca ; et boulevard Mohammed V à Marra-
kech.
réseau a eu un impact positif sur le développe- (4) Par exemple : Mega Mall à Rabat ; Morroco Mall, O’Gal-
ment d’un nouveau commerce de proximité lery, Ghandi Mall à Casablanca ; Marrakech Plazza, etc.
plus moderne, sur l’embellissement des villes et (5) La superficie occupée par l’immobilier commercial de
nouvelle génération est estimée actuellement à plus de
le renforcement de l’infrastructure commer- 16 hectares. Plus de 67 hectares supplémentaires sont en pro-
ciale. Ainsi, de nouvelles artères commerciales jet à l’horizon 2010.
66
à façonner le commerce dans les villes maro- tiel constituera un outil d’aide à la décision mis
caines, l’extension et le renouvellement urbain à la disposition des opérateurs et des acteurs
y contribuent. Cela donne lieu à une densifica- concernés, dans le but d’assurer une meilleure
tion de la population, élargissant ainsi l’aire de planification et organisation des espaces com-
chalandise et augmentant la clientèle de ce merciaux et de garantir aux différents bassins
type de commerce. de vie une offre commerciale adaptée à leurs
Ces mutations n’ont pas été accompagnées besoins. De plus, des règlements définiront les
d’une politique d’urbanisme commercial per- orientations et les choix stratégiques pour la
mettant d’assurer un développement harmo- planification et l’organisation des activités de
nieux des différentes composantes du secteur commerce dans le cadre des documents d’ur-
du commerce et de la distribution. La planifica- banisme et ce, dans l’objectif de veiller à une
tion et l’affectation des espaces dédiés à ces meilleure intégration de ces espaces dans leur
activités, à différentes échelles – l’aggloméra- environnement urbain et de les inscrire dans

ce
tion, la ville, le quartier ou l’îlot –, n’obéissent à une vision de développement durable.
aucune règle ou critère prédéfinis, à l’excep- En parallèle, des schémas régionaux de déve-
tion des plans d’urbanisme qui fixent la desti- loppement du commerce et de la distribution
nation générale des sols et la détermination (SRDCD) sont en cours de réalisation dans cer-

an
des zones commerciales. En effet, ces docu- taines régions du Royaume. Ces schémas
ments ne portent aucune indication sur la constitueront également des outils d’aide à la
nature des commerces ni sur les critères devant décision pour tous les acteurs et identifieront
orienter les implantations commerciales. De des projets commerciaux structurants et priori-
même, dans ces plans, les espaces réservés au taires pour la région, ainsi qu’une meilleure pla-
commerce, qui doivent obéir à des logiques de
proximité et d’accessibilité, ne sont pas toujours
affectés avec les dimensions spatiales requises
Fr
nification de l’évolution de toutes les compo-
santes du tissu commercial.

et ne prennent pas toujours en considération Comment préserver le commerce


e-
l’évolution des flux de déplacements, créant traditionnel de proximité ?
ainsi des problèmes de circulation et de sta- La planification de l’implantation commerciale
tionnement dans les axes commerciaux de reste insuffisante, d’autant que les impacts de sa
grand achalandage. mise en œuvre ne seront visibles qu’à moyen et
-d

Ceci induit également des phénomènes long termes. Aussi, le plan Rawaj prévoit d’au-
comme le squat des espaces publics (places, tres mécanismes pour préserver le commerce
rues, trottoirs) par du commerce dit « ambu- de proximité et l’encourager à se moderniser.
lant », ou l’existence de locaux de commerce Ces mécanismes visent à améliorer la compé-
île

non exploités à cause de la cherté de l’immo-


bilier commercial ou de l’inexistence d’une
demande de consommation nécessaire au
développement de l’activité, etc.
U

Comment concilier le commerce


traditionnel et moderne dans l’espace
urbain ?
IA

Pour pallier ces insuffisances, les départements


ministériels chargés du commerce et de l’ur-
banisme envisagent, dans le cadre de la mise
en œuvre du plan Rawaj Vision 2020, de mettre
en place une nouvelle stratégie d’urbanisme
commercial permettant d’assurer un équilibre
dynamique entre les différentes formes de com-
merce et au niveau des différents bassins de
vie. Il s’agit d’intégrer des critères socio-écono-
miques d’implantation commerciale dans les
différents documents d’urbanisme.
À cet effet, les deux ministères ont lancé une
étude pour la définition d’un référentiel per-
mettant d’appréhender l’offre commerciale en
mesure de répondre aux besoins des consom- Cohabitation du commerce
P. Zeiger/IAU îdF

mateurs, en tenant compte de leur diversité de proximité et du commerce


socio-économique et de la vocation des diffé- ambulant dans une galerie
rents quartiers et artères de la ville. Ce référen- commerçante.
67
Le Maroc en perspective :
regards croisés Quand l’économie façonne le territoire
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Une armature commerciale en pleine évolution

titivité du commerçant à travers l’adoption d’un


système de labellisation permettant d’attester
de la qualité des services et des produits. Cela
permet de mettre en valeur les atouts du com-
merce individuel et de l’initier à plus de pro-
fessionnalisme par l’approche qualité. De plus,
la mise en réseau et la création de centrales
d’achat permettront d’augmenter la rentabilité
économique et financière du commerce de
proximité à travers la mutualisation des efforts
et du savoir-faire.
En outre, un accompagnement spécifique est
prévu pour soutenir les petites et moyennes

ce
entreprises disposant d’un « concept maro-
cain » et souhaitant développer leurs réseaux
commerciaux aux niveaux local, national ou
international. Ceci, dans l’objectif de favoriser

V. Said/IAU îdF

an
l’émergence d’opérateurs leaders nationaux.
En effet, le développement de concepts maro-
cains est un levier important de modernisation
Les structures du commerce moderne transforment profondément le paysage urbain. du paysage commercial urbain et de maintien
du commerce de proximité.

Vers un schéma de développement de l’activité commerciale de l’agglomération de Fès :


une mission de préfiguration de l’IAU îdF
Fr En adoptant une démarche plus intégrée, le
ministère de l’Industrie, du Commerce et des
Nouvelles Technologies incite et accompagne
les acteurs locaux, à travers le plan Rawaj, dans
e-
À Fès, les souks, mais surtout la médina, sont les lieux historiques et majeurs de la fonction commerciale. les projets visant la réhabilitation d’espaces
Durant le Protectorat, des formes plus modernes de commerce se sont développées dans les principaux axes
de la « ville nouvelle ». Plus récemment, des grandes surfaces, telles Marjane ou Metro, se sont installées, le plus commerciaux urbains. Ces projets doivent s’ins-
souvent en périphérie de la ville. Fès n’en est qu’au démarrage de ce processus, comparé à d’autres villes crire dans le cadre d’une politique d’aména-
marocaines comme Casablanca, Rabat, Tanger ou Marrakech, mais il est certain que cette tendance va s’amplifier gement urbain homogène et équilibrée. Cette
-d

dans les années à venir. Parallèlement, le commerce informel est présent partout dans la ville, traduisant politique prend en compte l’environnement et
les difficultés économiques et le chômage qui touchent une partie importante de la population. la vocation future de la réhabilitation et privilé-
Quelle stratégie adopter par rapport au développement du grand commerce dans les années à venir ? gie la rénovation du bâti et des infrastructures
Comment mieux prendre en compte le développement durable dans une ambition d’expansion ? de base, la piétonisation des rues et ruelles
île

Comment valoriser le potentiel unique que représente la médina de Fès, tout en lui conservant son authenticité ? commerciales, la création d’esplanades, de pro-
Comment redynamiser les axes commerciaux en perte de vitesse de la ville nouvelle ? menades, de parkings et, bien évidemment, la
Comment développer une offre de services adaptée aux besoins des différentes catégories de populations modernisation des locaux de commerce.
présentes et à venir ? Comment arriver à mieux faire cohabiter activités commerciales, artisanales,
fonctions résidentielles et déplacements ? Comment maîtriser le commerce informel ? Enfin, il convient de préciser que la mise en
œuvre de toutes ces actions de planification
U

Avec le lancement du grand programme national d’actions pour le développement et la modernisation du secteur ou d’accompagnement des commerces de
du commerce, le plan Rawaj, et les réflexions en cours sur l’aménagement de la ville de Fès (révision du plan proximité nécessite l’adhésion de tous les
d’aménagement, élaboration du plan de déplacements urbains, etc.), l’Agence urbaine et de sauvegarde de Fès acteurs au niveau de la ville, qu’ils soient
a souhaité engager une réflexion sur le devenir des activités commerciales, artisanales et de services, à Fès
IA

et dans son agglomération. acteurs de l’intérêt collectif ou opérateurs de


Répondant à l’invitation de l’Agence, l’IAU îdF a effectué une mission en novembre 2009 qui a permis de cerner commerce.
les problématiques locales et d’avoir un premier contact avec les acteurs et les administrations concernés
par ces problématiques.
À l’issue de cette mission, l’IAU îdF propose d’accompagner l’Agence urbaine dans l’élaboration d’un schéma
de développement des activités commerciales, artisanales et de services. Ce document, dont la vocation première
est de déterminer l’organisation spatiale de ces activités, à moyen terme et à l’échelle de l’agglomération,
servira aussi de cadre de référence pour guider l’action publique dans ses interventions sur ces activités
et leur environnement. Cette démarche nécessitera en préalable la mise en place d’un observatoire des activités
commerciales, artisanales et de services qui capitalisera, organisera et actualisera la connaissance sur l’offre
en commerces, artisanat et services, sur les grands projets d’équipements commerciaux en cours de réalisation
et projetés, sur la demande des ménages et son évolution, et sur les projets d’aménagement ayant un impact
sur l’activité commerciale.
Ce travail se fera dans un cadre partenarial qui associera les acteurs intervenant dans ce domaine : direction
régionale du Commerce et de l’Industrie, ville, chambre de commerce et d’industrie, Centre régional
V. Said/IAU îdF

d’investissement, etc.
L’Agence assurera la mise en cohérence et la traduction des orientations du schéma dans les documents
d’urbanisme locaux.

Carole Delaporte-Bollérot Commerce traditionnel et activités de service


IAU île-de-France moderne se côtoient dans les médinas.
68
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Quand l’économie façonne le territoire

Retour à la Méditerranée :
Jean-François Saigault
Pauline Zeiger Tanger Med en pointe
Gwenaëlle Zunino
IAU île-de-France

Le Maroc du XXe siècle s’est développé


sur sa façade atlantique. Aujourd’hui,
le pays rééquilibre le développement
de son territoire et s’ouvre

ce
sur la Méditerranée. Des projets
portuaires et économiques d’envergure
mondiale se concrétisent, comme

an
Tanger Med et bientôt Nador West Med.
Cette démarche permet
de renforcer la position stratégique
Virtual Earth/IAU îdF
du Maroc, d’organiser son territoire
Fr et d’impulser une dynamique régionale.
e-
ongtemps assoupis et légués à leur his- passe notamment par son intégration dans un

L
Le complexe portuaire de Tanger
Med permet de développer toire mouvementée, Tanger et sa région réseau complet d’infrastructures nationales et
toute la région du Nord se mettent en marche, grâce à une poli- internationales voué à se développer.
et participe au rééquilibrage tique volontariste nationale, pour entrer réso- Tanger deviendra à terme une nouvelle centra-
-d

du territoire. lument dans la mondialisation du XXIe siècle. lité nationale, moteur du développement éco-
Cette impulsion dynamise l’ouverture du Maroc nomique, social et urbain de toute une région.
sur la Méditerranée.
Tanger Med dans la course mondiale
île

Une nouvelle stratégie d’équilibre des ports méditerranéens


économique et territorial Un tiers du commerce mondial transite en
La volonté royale de rééquilibrer le territoire Méditerranée et l’offre portuaire s’y accroît prin-
marocain en développant les provinces du cipalement sur les rives sud. Cette tendance
Nord s’inscrit dans la stratégie de positionne- contribue à contrebalancer la prédominance
U

ment du Maroc sur l’échiquier économique des ports de l’Europe du Nord dans la desserte
mondial. Cette vision se met en œuvre par le de l’hinterland(1) européen et modifie les stra-
lancement de plusieurs projets majeurs d’infra- tégies maritimes nationales. Celle du Maroc
IA

structures et d’équipements d’envergure. Le prend un nouvel essor à travers le grand projet


grand projet de complexe portuaire Tanger de Tanger Med.
Med est le fer de lance de cette politique. L’ambition de Tanger Med est de devenir une
Ainsi, après avoir fortement développé le litto- des plus grandes plates-formes de transborde-
ral atlantique avec le port de Casablanca, le ment du monde, mais aussi un grand port d’hin-
Maroc s’oriente vers la Méditerranée, carrefour terland. Sa situation exceptionnelle permet au
d’enjeux économiques et géostratégiques mon- Maroc de bénéficier de l’explosion du trans-
diaux, afin de créer une impulsion nouvelle au port conteneurisé, qui a reconfiguré l’armature
Nord. Cette démarche s’inscrit donc dans une du système portuaire mondial. En effet, l’organi-
volonté de renforcement de l’espace méditer- sation logistique moderne nécessitant l’utilisa-
ranéen, avec les pays des deux rives, et notam- tion de grands hubs(2), ceux-ci se multiplient au
ment avec l’Union européenne. Tanger Med sud de la Méditerranée.
participera, avec le projet portuaire de Nador
West Med, à impulser un nouvel élan écono- (1) Dans le domaine du transport maritime, l’hinterland est
mique et territoriale. Ce rayonnement attendu, l’arrière-pays continental d’un port, que ce dernier approvi-
qui s’inscrit dans la dynamique des échanges sionne et dont il tire les marchandises qu’il expédie.
(2) Les hubs sont des zones de concentration et d’éclate-
mondiaux, est accompagné d’une politique de ment des conteneurs à l’échelle d’un pays, voire d’un conti-
mise à niveau globale de la région du Nord qui nent.
69
Le Maroc en perspective :
regards croisés Quand l’économie façonne le territoire
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Retour à la Méditerranée : Tanger Med en pointe

Un port nouvelle génération La situation exceptionnelle de Tanger Med emplois, qui s’ajouteront aux 120 000 emplois
Le port en eaux profondes de Tanger Med 1, Tanger Med est situé entre Tanger et Tétouan, au liés aux zones franches.
en fonctionnement depuis 2008 niveau du détroit de Gibraltar, en face du port
et d’une superficie de 80 hectares,
a une capacité de trois millions d’EVP(1) d’Algésiras. Il est sur une des voies maritimes les Prise en compte des dimensions
et est constitué de deux terminaux plus fréquentées au monde, au carrefour des environnementale et sociale
d’un linéaire de 1 800 mètres, routes de commerce de quatre continents. Il Une étude d’impact environnemental a été réa-
avec des tirants d’eau de 16 et 18 mètres. jouit d’une position stratégique exceptionnelle lisée en amont du projet afin de l’inscrire dans
Il est équipé de 50 portiques à roue pour capter une partie du trafic mondial de une démarche de développement durable. Elle
et de 16 portiques à quai, ce qui permet de
traiter en même temps 4 porte-conteneurs marchandises. Le projet est donc conçu a étudié les conséquences possibles de l’en-
géants. De plus, Tanger Med 2, en cours comme une « cité portuaire », porte d’entrée du semble portuaire sur une zone littorale fragile.
de réalisation, portera la capacité totale Maroc pour les activités portuaires, logistiques La plate-forme portuaire a été conçue pour
du complexe portuaire à 8 millions d’EVP. et industrielles. limiter son déploiement sur le littoral (sept kilo-
Tanger Med a fait le choix d‘une offre mètres) et les tracés routiers et ferroviaires ont

ce
diversifiée, composée d’un terminal
passager et roulier – conçu pour traiter Un projet qui s’inscrit été implantés loin du littoral. Un plan de gestion
7 millions de passagers et 700 000 camions dans une démarche globale environnemental, mis en place dès 2006, porte
par an, qui permet de compléter l’offre Le projet de Tanger Med représente une oppor- sur la sécurisation du domaine forestier et la
logistique par la traversée du détroit – ; tunité majeure pour le Maroc et lui permet de prévention des incendies, la lutte contre l’éro-
d’un terminal hydrocarbure ;

an
s’inscrire dans une démarche globale, associant sion et la diversification des pratiques agropas-
et d’un terminal vrac et divers. À terme,
le complexe portuaire aura une superficie à un important développement économique torales. Enfin, un plan de restauration paysager
de 1 000 hectares, avec 8 kilomètres les problématiques d’aménagement du terri- de l’ensemble du site permet de mettre en
de quais et 8 kilomètres de digues. toire et d’environnement. valeur le patrimoine floristique et de « renatu-
rer » le site.
(1) Équivalent vingt-pieds : unité de mesure standard
d’un conteneur permettant d’élaborer des
statistiques.
Fr
Infrastructures et industrie :
supports du développement de la région
Dès le départ, le développement territorial est
Par ailleurs, l’Agence spéciale Tanger Méditerra-
née (TMSA) finance et réalise, en collaboration
avec la Région, des programmes de dévelop-
un enjeu majeur pour Tanger Med. L’État en a pement socio-économique pour la population
e-
fait une priorité nationale et a investi près de locale. À travers la Fondation Tanger Med pour
deux milliards d’euros pour les infrastructures le développement humain, elle soutient des
d’appui permettant de relier le port au terri- actions locales portant sur la santé, l’éducation
toire. Cela se traduit par l’intégration du port et la formation professionnelle.
-d

aux réseaux routiers vers Casablanca, Rabat,


Marrakech et Agadir, ainsi que Fès et Meknès, Un système de gouvernance
d’une part ; vers l’Algérie via Nador et Oujda et des outils adaptés
par la future rocade méditerranéenne, d’autre Le complexe portuaire de Tanger Med néces-
île

part. Le réseau ferroviaire sera également site un investissement global d’environ trois
étendu, notamment par une ligne à grande milliards d’euros, réparti à parts quasi égales
vitesse. Enfin, Tanger Med intégrera le réseau entre les secteurs public et privé. Les activités
transeuropéen de transport. portuaires sont orchestrées par des opérateurs
Afin d’initier un développement régional de mondiaux qui investissent dans les superstruc-
U

long terme, ce nouveau pôle s’articule autour tures et les équipements portuaires, dans le
d’une plate-forme portuaire et logistique, et cadre de concessions à durée déterminée.
d’une plate-forme industrielle. Pour attirer les Afin d’aménager et de gérer Tanger Med, la
IA

entreprises, plusieurs structures visant à favori- TMSA a été créée par l’État en 2003, avec l’ap-
ser leur implantation ont été mises en place : un pui de la Fondation Hassan II. Sa première mis-
centre tertiaire intermodal, une zone franche sion est d’assurer l’autorité portuaire, la
industrielle et une autre logistique.Tanger Med deuxième est d’aménager, de gérer et de com-
est un véritable tremplin pour l’emploi local. À mercialiser les zones d’activités. Elle est actrice
terme, il permettra la création de 28 500 dans l’aménagement du territoire autour du
projet, par la concrétisation d’un schéma
d’aménagement complémentaire aux docu-
ments d’urbanisme réglementaires.

Tanger Med est un complexe portuaire, logis-


tique et industriel de renommée mondiale. Il
Tanger Med est situé constitue une formidable opportunité de déve-
© TMSA/Port Tanger Med

sur une des voies maritimes loppement économique pour le Maroc, avec
les plus fréquentées au monde. des retombées sur l’ensemble de la région du
Il est la porte d’entrée au Maroc Nord. Cette cité portuaire constitue une nou-
des activités portuaires, velle centralité et rééquilibre substantiellement
logistiques et industrielles. le territorial national.
70
Vers une mobilité
durable

ce
an
Articulation urbanisme-transports
Fr dans le Grand Rabat 72

Rabat-Salé :
e-
le tramway pilote du Maroc 74

Trame urbaine de Casablanca


-d

et mobilité durable 76
île

Mobilité et urbanité :
les défis du PDU de Casablanca 78

Le Maroc face au défi logistique 80


U
IA

71
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Vers une mobilité durable

Articulation urbanisme-transports
Mohamed Aouzaï (1)

Gouverneur dans le Grand Rabat


Directeur de l’Agence
urbaine de Casablanca

L’agglomération de Rabat-Salé-Témara
met en place une politique de transport
en cohérence avec son développement
urbain et économique.

ce
Elle comporte plusieurs objectifs :
relier les pôles existants à conforter
avec les pôles urbains à créer, planifier

an
les infrastructures routières et le réseau
de transports en commun en fonction
des projets urbains, et améliorer
la qualité urbaine autour des axes
V. Said/IAU îdF
Fr de transport et des gares.
e-
a conurbation de Rabat-Salé-Témara les différents quartiers longeant le littoral et les

L
Le futur tramway permettra de relier
les pôles majeurs de Rabat et Salé (RST) se trouve sur un important carre- nouveaux pôles de services et d’emplois (Hay
et renforcera l’armature urbaine four du transit national. C’est un passage Riad, Agdal…) font nettement défaut.
existante. obligé pour la majorité du trafic nord-sud et est-
-d

ouest. Son réseau de voirie est relié au réseau L’exigence d’adaptation des transports
national par les autoroutes de Casablanca et à la dynamique urbaine
de Tanger via Kénitra-Larache, ainsi que par Les problématiques d’articulation entre urba-
l’autoroute de Mekhnès-Fès et la route des nisme et transports sont multiples. L’avènement
île

Zaërs. La route côtière mène vers les mêmes de la périurbanisation et l’apparition de nou-
directions. Cette ossature principale est dotée veaux enjeux dans la périphérie ont transformé
d’une rocade urbaine qui part de l’autoroute et les rapports au sein de la conurbation RST.
traverse ou contourne les villes de Témara, La nouvelle organisation des espaces de pro-
Rabat et Salé, puis rejoint à nouveau les auto- duction, la délocalisation des activités indus-
U

routes de Fès et de Tanger. La toile de fond est trielles et l’apparition d’activités de services ont
complétée par quelques artères principales conduit à de nouvelles pratiques du territoire,
reliant la commune de Hassain à Salé, les com- parfois en contradiction avec les objectifs d’un
IA

munes de Youssoufia, Agdal-Riad, et Yacoub El développement urbain durable.


Mansour à Rabat, puis Témara. L’étalement peu homogène de l’urbanisation
sur le territoire a entraîné une perte de cohé-
Des flux qui convergent vers le cœur rence au niveau des infrastructures de liaison et
de l’agglomération des synergies et complémentarités programma-
La dynamique urbaine demeure très localisée tiques. La constitution de pôles hétérogènes
sur Rabat, sans pour autant répondre aux aspi- inadaptés à la mobilité collective nécessite
rations et aux attentes des acteurs et des donc des points de connexion majeurs du
citoyens en matière de structuration de l’es- réseau de transports urbains. Dès lors, la requa-
pace et de création d’emplois. Le développe- lification des axes de transports en commun
ment urbain est généralement pensé et réalisé en site propre comme armature du développe-
indépendamment des grandes infrastructures ment de l’agglomération devient nécessaire.
routières et de transports en commun. Les Elle constituera une structure autour de
déplacements d’un point à un autre de la laquelle s’implanteront les grands équipe-
conurbation se font par des passages quasi obli- ments, les nouveaux pôles d’emplois et les
gés (les carrefours du Kamra, Ibn Sina,Assouak pôles urbains structurants. Elle permettra de
Salam, Losko et les deux ponts à l’entrée de
Salé). De même, l’articulation et la liaison entre (1) Ancien directeur de l’Agence urbaine de Rabat-Salé.
72
réduire la sous-densification et la grande dis- tion du réseau de bus dans les préfectures de Quelques données de base
persion des sites tertiaires qui entravent la per- Rabat, Salé et Skhirat-Témara à un groupement • Part modale des transports en commun :
formance des futures lignes fortes de transports d’opérateurs franco-marocains. L’objectif est de l’ordre de 15 %, dont 12 %
pour les bus et 3 % pour les grands
en commun. de proposer une offre complémentaire à celle taxis.
Une enquête sur les flux origine/destination a du tramway et d’améliorer les conditions de • Taux de motorisation des ménages :
démontré que la majorité des déplacements se transport. Cette démarche se traduit par la mise 37 %.
fait à l’intérieur de chacune des trois villes. À en place d’un réseau cohérent composé de • Période de pointe : entre 7 h et 9 h

Témara, Salé et Rabat, ils sont respectivement 40 lignes, d’une organisation du réseau struc- le matin. Dans cette plage horaire,
74 % des déplacements ont un motif
de 58 %, 60 % et 91 %. On constate également turée autour de 6 lignes de bus à haut niveau domicile-travail.
que la principale destination dans l’aggloméra- de service, par l’aménagement de sites propres • Multimodalité : le nombre de voyageurs
tion est le centre de Rabat : 30 % des trajets de et par le renouvellement du matériel. descendant des trains et prenant
Témara et 35 % de ceux de Salé se font à desti- les transports en commun est très faible,
nation d’Agdal Hay Ryad et de l’arrondisse- La mobilité, vecteur et catalyseur de l’ordre de 10 % à 15 %.

ce
• Marche à pied : 66 % des déplacements.
ment de Hassan. À Rabat, 40 % des déplace- de développement
ments se font vers le centre-ville et 24 % vers la La desserte du sud-ouest et de l’est de la conur-
zone industrielle de Youssoufia. bation est un enjeu majeur. Elle permettra
d’améliorer l’équilibre population-emploi,
Le lancement d’un plan de déplacements

an
notamment par la liaison avec la zone de logis-
urbains tique identifiée dans le Sofa(3) entre Tamesna,
Afin de planifier l’évolution du système de Aïn Attig, la zone industrielle de Témara et la
transports dans son ensemble et de l’articuler technopolis de Salé.
avec le développement urbain et économique Ainsi, une rocade autoroutière de 37 kilomè-
de l’agglomération, les autorités locales ont
lancé une étude pour la réalisation d’un plan
de déplacements urbains (PDU). Il vise à redi-
Fr
tres contournera l’agglomération de RST et des-
servira le sud-ouest de la conurbation. Elle
offrira d’importantes potentialités de dévelop-
riger les flux de circulation entre les villes en pement. Cette offre autoroutière devra s’accom-
e-
tenant compte des nouveaux pôles de déve- pagner d’une viabilisation de la desserte en
loppement. Il doit permettre de remédier aux transports en commun.

P. Zeiger/IAU îdF
problèmes de circulation et de stationnement La restructuration du réseau ferré constitue un
à l’intérieur des villes. Le PDU doit également axe majeur de la politique de transport de
-d

apporter des solutions aux déplacements des Rabat-Salé. Elle s’intègre dans la stratégie natio-
piétons et réorganiser l’armature des transports nale et bénéficiera de la future ligne à grande La modernisation de la gare
en commun grâce à une meilleure implanta- vitesse (LGV) entre Tanger et Casablanca. Des de Rabat s’inscrit dans la politique
tion des gares routières et des relais. études sur le tracé et sur une gare pouvant de transport de l’agglomération,
île

La volonté est d’instaurer une politique accueillir les TGV sont en cours. en accord avec ses ambitions
de déplacements équitable offrant une À l’échelle de l’agglomération, la politique de de développement urbain
complémentarité entre les différents modes transports en commun lourds comprend plu- et économique.
de transport. Une stratégie d’«urbanisme de cor- sieurs projets d’envergure : un réseau express
ridors » peut être développée, présentant une régional sera mis en place, deux gares seront
U

structure urbaine dense le long des lignes fortes créées, trois rénovées ou restructurées, et le ser-
de transports et des centres d’échanges vice urbain sera renforcé. Le doublement des
majeurs. L’articulation des tramways, des bus et voies et la création de nouvelles gares entre
IA

des trains permettrait de limiter la congestion Rabat et Salé sont aussi envisagés. Enfin, des
de la circulation et l’étalement urbain. aménagements urbains autour des gares et des
voies ferrées sont étudiés afin de réduire les
Le renforcement des transports coupures urbaines.
en commun
Les objectifs de ce PDU se traduisent déjà par L’agglomération de Rabat-Salé-Témara a mis en
de nombreux projets. Ainsi, les transports en place une politique de transport en adéqua-
commun seront renforcés par les deux pre- tion avec ses ambitions de développement
mières lignes du tramway(2) de l’agglomération urbain et économique. Ce choix lui permet
de RST, actuellement en travaux pour une mise d’anticiper les problèmes de circulation et de
en service fin 2010. Un nouveau pont, Moulay El congestion, de modifier les pratiques des habi-
Hassan, est également en cours de réalisation ; tants vis-à-vis de la voiture et ainsi, de devenir
V. Said/IAU îdF

franchissant le Bouregreg, il est destiné à une métropole plus durable.


accueillir, en plus du tramway, des modes doux
(vélos, piétons).
Un nouveau service de transport public collec- Le chantier du tramway avance
(2) Voir dans ce numéro des Cahiers, BOUTALEB Loubna,
tif a été mis en place. Début 2009, la wilaya, « Rabat-Salé : le tramway pilote du Maroc », p. 74. pour assurer l’intermodalité
avec l’accord des communes, a délégué la ges- (3) Schéma d’organisation fonctionnelle et d’aménagement. avec la gare centrale de Rabat.
73
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Vers une mobilité durable

Rabat-Salé :
Loubna Boutaleb(1) le tramway pilote du Maroc
Société du tramway
de Rabat-Salé

La région capitale, fortement urbanisée


et en développement croissant,
subit une crise des transports
qui impacte la mobilité de ses habitants.
À l’occasion du lancement du projet

ce
structurant de l’aménagement

Chakib Ouazzani/Images d'insertion : conception Ilex


de la vallée du Bouregreg, la mise
en place du premier réseau de tramway

an
du Royaume s’est imposée.
L’objectif est double : assurer
une mobilité durable entre les deux rives
Fr de Rabat et Salé, et accompagner
le projet par une valorisation urbaine.
e-
epuis 2007, l’agglomération de Rabat- Une congestion importante du trafic est obser-

D
La pression accrue sur les transports
sera allégée par l’arrivée du tramway Salé s’est lancée dans la réalisation vée, particulièrement sur les ponts de franchis-
renforçant les liens entre Rabat du premier tramway moderne du sement du fleuve Bouregreg, véritables points
et Salé. Royaume, en phase avec la volonté du pays de noirs routiers. La circulation est devenue pro-
-d

s’inscrire dans un processus de développement blématique pour les citoyens et freine le déve-
et de mobilité durables. Ce nouveau mode de loppement économique de la région.
transport structurant reliera les deux rives du Pour répondre à ces enjeux, les travaux de
fleuve Bouregreg; il sera mis en service fin 2010. réalisation du tramway et du nouveau pont
île

Moulay El Hassan qui lui est dédié ont été lan-


Le contexte de mise en œuvre du projet cés en décembre 2007 par Sa Majesté le Roi
La région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaër est par- Mohammed VI. Cette démarche s’inscrit dans
ticulièrement urbanisée, avec plus de 2,5 mil- le projet d’aménagement de la vallée du Bou-
lions d’habitants, pour une densité moyenne regreg, composante indissociable du grand
U

de 207 hab/km2. Les deux villes de Rabat et dessein visant à hisser la capitale et l’ensem-
Salé concentrent respectivement 26 % et 35 % ble de l’agglomération au niveau des métro-
de sa population. La principale vocation de poles internationales.
IA

Rabat, capitale du Royaume, est sa fonction


administrative, qui contribue activement à son Une organisation institutionnelle
rayonnement. L’enseignement universitaire, la et opérationnelle dédiée
recherche, les centres hospitaliers, les activités En 2006, les communes de Rabat et de Salé ont
commerciales, touristiques et de loisirs connais- mandaté l’Agence pour l’aménagement de la
sent un véritable essor. La ville de Salé a une vallée du Bouregreg afin de démarrer la réalisa-
fonction plutôt industrielle et résidentielle pour tion du projet. En 2009, une société anonyme, la
une majorité de personnes travaillant à Rabat. Société du tramway de Rabat-Salé (STRS) a été
Ces deux villes sont unies par le même destin créée avec pour objectif d’assurer une bonne
économique, mais séparées par un obstacle gouvernance du projet, de mieux gérer son
géographique difficilement franchissable, l’es- financement et de faire intervenir les pouvoirs
tuaire du fleuve Bouregreg. publics compétents dans le transport urbain.
L’ampleur du développement urbain de l’ag- La STRS est chargée de la conception, de la réa-
glomération de Rabat-Salé depuis dix ans s’est lisation, du financement et de l’exploitation,
traduit par une pression accrue sur les trans-
ports. La situation devient inquiétante : densifi-
(1) Loubna Boutaleb est directrice générale déléguée de la
cation et congestion de la circulation, perte de Société du tramway de Rabat-Salé, filiale de l’Agence pour
parts de marché par les transports en commun. l’aménagement de la vallée du Bouregreg.
74
directe ou indirecte, du tramway, à court terme soient les usagers actuels des bus, des taxis ou Le tramway :
sur le territoire des communes de Rabat et Salé les personnes qui pratiquent la marche à pied. investissement et qualité de service
• L’investissement de la première tranche
et à long terme sur le territoire des autres com- Un important report modal des usagers de la
du tramway est de 3,8 milliards
munes de l’agglomération. voiture particulière est attendu. Pour cela, trois de dirhams.
Plus de la moitié de l’investissement de la pre- parkings relais seront réalisés, au terminus, • Prêt d’aide lié au financement
mière tranche a été financée grâce aux fonds offrant des services intégrés de stationnement du matériel roulant auprès
propres de l’Agence pour l’aménagement de et de déplacement. du fournisseur Alstom.
• D’une longueur de 65 mètres, le tramway
la vallée du Bouregreg. Des bailleurs de fonds Cette dynamique autour du projet structurant
est constitué de rames doubles
internationaux, dont l’Agence française de du tramway s’est accompagnée d’une réflexion couplées, ayant une capacité
développement, la Banque européenne d’in- des institutions publiques sur l’intermodalité de transport de 560 passagers
vestissement et le gouvernement français ont des moyens de transport. Elle a donné nais- par véhicule.
également participé au financement. sance à une restructuration des réseaux de bus • Fréquentation prévue :

et de voirie à l’échelle de l’agglomération. On 180 000 voyageurs par jour

ce
dès sa mise en service.
Un maillage de cinq lignes à long terme observe d’ores et déjà une requalification de • La fréquence de desserte est de huit
Le premier réseau de tramway, constitué de certaines avenues autour du tracé afin de minutes et quatre minutes pour
deux lignes d’une longueur de près de 20 kilo- réorienter les véhicules vers les grands axes et la traversée du fleuve Bouregreg.
mètres et de 31 stations, sera réalisé afin de de soulager les centres-ville. • Sa vitesse commerciale moyenne
est de 20 km/h.

an
relier les villes, desservir les principaux équipe-
ments structurants et les quartiers de Rabat et Une valorisation urbaine en marche
Salé. Il correspond aux besoins de déplace- Par sa configuration, le réseau du tramway par-
ments les plus importants et dessert les secteurs ticipera à la restructuration des deux villes,
les plus densément peuplés. notamment en protégeant les zones centrales
La ligne 1, dite ligne structurante du réseau,
relie les pôles émetteurs/attracteurs majeurs de
l’agglomération. La ligne 2 répond à la forte
Fr
de plus en plus polluées par la circulation auto-
mobile. Ce projet s’accompagne d’une revalo-
risation des quartiers traversés qui ont le plus
demande de traversée du Bouregreg (en dou- souffert pendant la période des travaux, mais
e-
blant le service offert par la ligne 1) et dessert qui bénéficieront d’un réaménagement urbain.
aussi les quartiers denses. Ainsi, plusieurs avenues ou places importantes
Le tramway, qui entrera en service à l’échelle des deux villes seront réaménagées afin de les
intercommunale en 2010, couvrira à moyen et désengorger. Le meilleur exemple est la transfor-
-d

long terme les territoires d’autres communes mation de la place Al Joulane à Rabat, désor-
de l’agglomération et comptera cinq lignes. Une mais espace d’échanges entre les deux lignes.
première extension du réseau, côté Rabat, est Libérée d’une trop forte pression automobile,
programmée à l’échéance 2012. elle privilégiera les piétons et le tramway, dans
île

Le centre de maintenance et d’exploitation du une ambiance « rafraîchie » par des espaces


réseau est situé au terminus de la ligne 1 à Salé dégagés et plantés.
et s’étend sur 7,5 hectares. Une dynamique d’attractivité et de valorisation
foncière est donc enclenchée le long du tracé,
Des objectifs ambitieux notamment avec le développement de projets
U

pour une meilleure mobilité multifonctionnels à proximité. Par ailleurs, Autour du tracé du tramway,
L’objectif premier du tramway est de servir les toutes les améliorations urbaines, en termes de certaines avenues seront requalifiées
usagers : réduire les temps de transport et amé- mobilité, de qualité de vie ou de revalorisation afin de soulager les centres-ville.
IA

liorer le confort et la régularité du service. des quartiers, profiteront à l’activité touristique Place Al Joulane, face à la cathédrale
La fréquentation du tramway de Rabat-Salé est de l’agglomération, déjà en plein essor. de Rabat.
estimée à environ 60 millions de voyageurs par
an, dès sa mise en service ; les véhicules ont été
dimensionnés en fonction de ces prévisions.
Le tramway est le seul transport en commun
adapté pour répondre aux problèmes actuels
de saturation du trafic routier de Rabat-Salé. Il
permet d’accroître la capacité de transport,
d’améliorer la fréquence de desserte, la rapi-
dité et la régularité des déplacements.
Le tracé du réseau a été étudié de manière à
desservir les grands équipements de l’agglomé-
ration tels que les hôpitaux, les facultés, les cen-
tres commerciaux, les pôles administratifs, ainsi
Chakib Ouazzani

que les gares ferroviaires et routières. Au final,


environ 110 sites majeurs seront desservis.
Il est prévu que 80 % des futurs utilisateurs
75
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Vers une mobilité durable

Trame urbaine de Casablanca


et mobilité durable
Pierre Mayet(1)
Président d’URBA 2000

La beauté des grands boulevards plantés


fait la réputation de la trame urbaine
de Casablanca. L’enjeu consiste
à perpétuer cette image de qualité

Maîtrise d’œuvre : Systra, CID, Richez_Associés/Perspective : Rives


en assurant le développement urbain

ce
et des transports, ainsi que le partage
de la voirie entre les différents modes
de déplacement. L’auteur développe

an
les caractéristiques de la mobilité
durable et décline, dans la lignée
du plan de déplacements urbains,
Fr les mesures à prendre
pour une meilleure qualité de vie.
e-
es urbanistes du XXe siècle ont dessiné la tion automobile (et du stationnement), et de

L
La trame urbaine est un atout
majeur de Casablanca. Elle doit ville de leurs rêves… et ont donné nais- répondre plus attentivement à la mobilité
permettre le développement sance à Casablanca. L’image que reflète douce, notamment la marche, ainsi qu’aux dif-
des transports et de l’agglomération le cœur de Casablanca, celle de la ville blanche férentes activités dépendantes de l’accessibi-
-d

tout en préservant sa qualité. avec ses avenues et boulevards ornés de magni- lité et de l’animation urbaine de la rue.
fiques plantations d’alignement, incarne l’héri-
tage et le patrimoine de la métropole en deve- La perspective des transports en commun
nir, composante essentielle de son identité et Les transports urbains de Casablanca ne sont
île

de son attractivité. pas aujourd’hui à la hauteur des réalités et des


ambitions métropolitaines. Certes, des lignes de
La qualité de la trame urbaine bus sillonnent l’agglomération, mais elles sont
contribue à l’image de Casablanca loin de constituer un réseau cohérent. Les
Des efforts de gestion sont menés pour assurer conditions contractuelles de la construction
U

la maintenance et le développement de ce d’un tel réseau commencent à être explorées,


patrimoine. Les projets d’urbanisme déclinent selon des modalités modernes de type déléga-
la valeur de cette trame urbaine en associant tion de service public. Sur cette base, un pre-
IA

les fonctions et la multiplicité des usages : mier réseau partiel a été mis en place – le
espaces publics et voirie dotée de plantations réseau M’dina bus, avec la participation de la
d’alignement, grands parcs urbains et espaces RATP. Un service ferroviaire de transports
verts de parcours. Certaines réalisations urbains, appelé Bidaoui, a par ailleurs été réa-
récentes ou en cours risquent cependant de lisé par l’Office national des chemins de fer
compromettre la qualité urbaine d’ensemble (ONCF).
offerte par cette trame. Ainsi, la réalisation de Ces initiatives récentes, stimulées par le plan
trémies(2) et de passages dénivelés sur certains de déplacements urbains (PDU), restent encore
grands carrefours urbains pour répondre à l’ex- en deçà d’une prise de position irréfutable en
clusive priorité accordée à l’automobile vient faveur d’un dispositif de transports urbains
pénaliser l’aisance et la qualité des modes de adapté à l’échelle d’une grande métropole.
déplacement doux, notamment pour les pié- Néanmoins, les travaux de mise en œuvre du
tons. Elle dégrade aussi l’attractivité commer- tramway ont démarré sous l’impulsion de l’au-
ciale et les vitrines des magasins. torité organisatrice Casatransport, récemment
Il est donc nécessaire de hiérarchiser les prio-
rités à accorder à la multiplicité des usages éco- (1) Ancien directeur de l’Aménagement foncier et de l’Urba-
nisme, ministère de l’Équipement et du Logement en France.
nomiques et sociaux de la trame de voirie. Il (2) La trémie désigne un tunnel court permettant à une voie
s’agit de relativiser l’unique usage de la circula- de circulation de passer en dessous d’une autre.
76
créée pour sa réalisation et son exploitation. La 1• Le déplacement automobile individuel s’op-
mise en service de la première tranche est pré- pose au modèle de la ville durable. Il ne peut
vue fin 2012. prétendre à de nouveaux investissements ni à
Par ailleurs, une décision de première impor- l’occupation de nouveaux espaces urbains.
tance stratégique a été prise récemment : la réa- 2• Le transport collectif doit répondre aux
lisation du nouveau lien ferroviaire traversant le besoins de déplacements de masse sur des dis-
centre actuel (desservi en impasse par la gare tances d’échelle métropolitaine. Il soulève des
de Casa-Port), le nouveau centre urbain du enjeux de gouvernance moderne des trans-
grand projet d’Anfa et la ligne actuelle au sud ports urbains et d’investissements sur de nou-
de l’agglomération.Ainsi, en 2014, date de mise velles infrastructures spécialisées.
en service, cette ligne ferroviaire pourrait être la 3• La mobilité douce et durable doit être forte-
colonne vertébrale des transports collectifs ment développée, notamment pour les échan-
urbains lourds à l’échelle de toute la métropole, ges de proximité, mais elle est aujourd’hui négli-

ce
V. Said/IAU îdF
par la mise en place d’un puissant service de gée dans les préoccupations de gestion. Elle
réseau express métropolitain. Le PDU s’appuie comprend la marche à pied, qui doit être effec-
sur cette colonne vertébrale, autour de laquelle tuée dans les meilleures conditions, le vélo, et
s’organiseront les autres lignes de transports en les engins de motorisation électrique légère, à Les avenues et boulevards plantés,

an
site propre, notamment un réseau de tramways même de répondre à l’autonomie des dépla- emblématiques de la trame urbaine
ou de bus à haut niveau de service. La réalisa- cements individuels avec un faible coût et un de Casablanca, sont à préserver.
tion à l’échéance assignée par la plus haute faible impact environnemental.
autorité publique est un gage décisif de crédi- Une des clefs de la cohérence opérationnelle
bilité pour l’ambition de Casablanca. de cette nouvelle mobilité sera l’intermodalité

Une adaptation du renouvellement


urbain à la trame urbaine préexistante
Fr
permettant d’établir les continuités entre
les échanges de proximité et les échanges
d’échelle métropolitaine. L’information multi-
Les réalisations récentes de quartiers d’habitat modale jouera une rôle essentiel car elle offre
e-
social répondant aux politiques publiques de de nouveaux services de mobilités diversifiés.
modernisation et de développement urbain Les pôles d’échanges intermodaux s’organise-
(Villes sans bidonvilles et Initiative nationale ront à partir et autour des gares, qui devien-
pour le développement humain) correspon- dront des lieux majeurs de la centralité.
-d

dent bien aux qualités de densité moyenne et La grande majorité de la mobilité de la ville
de mixité d’activités et d’habitat. Elles permet- durable de demain s’effectuera dans l’espace
tent une vie sociale de proximité « acceptable » public de voirie d’aujourd’hui. La compatibi-
en palliant à des carences en équipements. lité des différents usages sera l’enjeu majeur : la
île

Cette densité moyenne, obtenue grâce à des première condition est d’exclure les déplace-
formes correspondant assez bien aux modes ments rapides, qui créent des risques pour les
de vie marocains, devrait permettre de limiter autres usages. Les politiques de transports de
l’étalement urbain qui détruit de précieux demain permettront l’accès d’un plus grand
espaces agricoles et établit le monopole de nombre de citoyens à des modes de déplace-
U

l’automobile pour le déplacement (enjeu ment moins coûteux et moins dommageables


déterminant de la lutte contre l’effet de serre et à la qualité de vie.
coût inaccessible pour l’usager). Plus générale- Le projet de vie urbaine du futur peut être un
IA

ment, le tissu urbain des zones centrales de projet de développement humain bénéfique à
Casablanca comporte de nombreux secteurs tous. La ville durable ne pourra naître que si on
en friche ou mal occupés, propices au renou- sait en faire un projet « désirable », un projet
vellement urbain. Ses possibilités de développe- pour tous.
ment peuvent bénéficier à toutes les fonctions
urbaines : résidentielles, commerciales, activi-
tés de service, équipements publics et sociaux.
Cependant, la trame urbaine est déjà consti-
tuée et ne peut guère être développée, sauf
dans les emprises des grands projets urbains. Le
concept du tout-automobile n’est plus possible
aujourd’hui, l’espace public est à partager avec
les transports collectifs et les modes doux.
B. Etteinger/IAU îdF

Une vision de la mobilité urbaine durable Le partage de la trame urbaine


Dans un objectif de durabilité, la mobilité entre les différents modes
urbaine d’aujourd’hui et de demain se cons- de déplacement, notamment doux,
truit autour de trois caractéristiques : est le gage d’une mobilité durable.
77
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Vers une mobilité durable

Mobilité et urbanité :
les défis du PDU de Casablanca
Paul-Richard Marsal(1)
PRM consultant

L’élaboration du plan de déplacements


urbains du Grand Casablanca
a été concomitante au lancement
du chantier du nouveau schéma directeur

Maîtrise d’œuvre : Systra, CID, Richez_Associés ; perspective : InCube


d’aménagement urbain.

ce
Cela a permis de conjuguer la volonté
de mise en place d’une mobilité durable
et l’intégration des enjeux d’urbanisme

an
et d’environnement. Les transports
collectifs sont mis à l’honneur
et les premières actions sont en cours
Fr de réalisation, notamment la ligne
de tramway.
e-
e plan de déplacements urbains (PDU) la rare utilisation de l’autoroute interurbaine,

L
La région du Grand Casablanca lie
sa vision du développement urbain du Grand Casablanca a été engagé en trop éloignée et à péage.
au système de transport. février 2004 dans le contexte d’un rôle Le réseau principal a de nombreux points de
La première ligne de tramway accru donné aux collectivités, notamment à la conflits (plus de 100 carrefours critiques) où
-d

en témoigne. Région, par la charte régionale de 2003. Le l’état des équipements d’exploitation est défi-
recensement général de la population, le cient. En outre, l’offre de stationnement sur voi-
schéma d’organisation fonctionnelle et d’amé- rie est de 41 places/hectare, niveau plus élevé
nagement de l’aire métropolitaine centrale que dans les métropoles européennes (25
île

Casablanca-Rabat (Sofa) et l’élaboration du places/hectare à Paris ou à Barcelone).


nouveau schéma directeur d’aménagement
Les caractéristiques de la mobilité urbain du Grand Casablanca (Sdau) étaient, Des perspectives de développement
à Casablanca(1) par ailleurs, engagés. prises en compte dans le PDU
• Taux de mobilité moyen en 2004 : En 2004, le ministère de l’Intérieur procédait Le PDU a élaboré des perspectives de dévelop-
2,9 déplacements/jour/personne.
U

• Croissance de la mobilité entre 1975 également à la fermeture de la Régie autonome pement urbain pour 2009 et 2019, en cohérence
et 2004 : 79 %. Ce taux s’explique des transports de Casablanca (RATC) et prépa- avec le Sdau(2). Les grandes tendances démon-
par une participation accrue des citadines rait le lancement d’un appel d’offres pour délé- trent un étalement urbain vers la seconde cou-
aux activités (84 % en 2004, contre 46 %
IA

guer la gestion des transports collectifs. ronne de la Région et la mise en œuvre de pro-
en 1975). L’urgence d’améliorer le système de transport jets spécifiques, tels le pôle urbain de
• Mode de déplacement dominant :
la marche à pied. Cette particularité était motivée par des éléments contextuels : Nouaceur, celui d’Anfa et la ville nouvelle de
est liée à une offre de transport réduite - un fort développement urbain en périphérie Zenata, qui devraient absorber une part impor-
et à faible capacité. pour résorber l’habitat insalubre ; tante de la croissance des ménages et des
• Variation de l’utilisation des modes de - une motorisation en forte progression ; emplois dans l’agglomération. Ces tendances
transport motorisé (1975-2004) : - une insuffisance des infrastructures et des sont cohérentes avec celles retenues par le nou-
- deux roues : 4 % des déplacements
(13 % en 1975) ; moyens de transports collectifs qui n’ont pas veau Sdau.
- transports collectifs urbains : 13 % répondu au développement de la Région. La croissance démographique retenue, en
des déplacements (18 % en 1975) ; De fait, la Région cherchait à lier sa vision poli- cohérence avec le nouveau Sdau, conduirait à
- voitures particulières : 14,5 % tique du développement urbain au développe- une population de 4,9 millions d’habitants en
des déplacements (17 % en 1975) ; ment du système de transport. 2024, en augmentation d’environ 1,5 million par
- taxis : 15 % des déplacements contre
1 % en 1975. Cette progression est liée rapport au dernier recensement de 2004.
à la desserte insuffisante des extensions La saturation du réseau primaire
d’urbanisation par les transports Les voies primaires supportent des volumes
publics. journaliers élevés (130 000 véhicules/jour) et
(1) Paul-Richard Marsal est économiste et gérant de PRM
(1) Ces résultats sont issus de la collecte de
sont saturées aux périodes de pointe. Cela s’ex- consultant.
données réalisée pour le PDU. plique notamment par l’absence de rocades et (2) Cette démarche s’est achevée en 2007.
78
Des scénarios et des orientations basés la situation. Les textes réglementaires seront Une croissance démesurée du parc
sur les perspectives de développement repris pour être adaptés au contexte : définition automobile de Casablanca
de zones de trafic rapide ou de stationnement, Le recensement de 2004 montre
Quatre scénarios ont été étudiés, à l’aide d’un
que le parc automobile exploité
modèle de planification des transports, sur la modération du trafic des camions, règlement de Casablanca comptait 335 000 véhicules
base des hypothèses de développement sur le contrôle technique des véhicules, etc. Des (+ 273 % par rapport à 1975)
urbains préparées dans le cadre du PDU et recommandations ont été faites en matière de et que l’équipement des ménages est lié
cohérentes avec les perspectives du Sdau. C’est construction de passages piétons sur les carre- au type d’habitat (corrélé au niveau de
fours et sur les voies à aménager, et en matière revenus). Il varie entre 1,4 voiture/ménage
le scénario volontariste en matière de transport
pour la catégorie d’habitat « luxe »,
collectif qui a été retenu par les autorités, sur la d’aménagement de couloirs de bus et de carre- à 0,14 voiture/ménage pour les catégories
base d’une analyse multicritères. Plusieurs fours jugés critiques. Cette étude vise également d’habitat « nouvelle médina », « précaire »
grandes orientations en découlent à moyen à améliorer l’accessibilité des grands généra- ou « informel ».
terme. L’usage des modes de transport sera pro- teurs de trafic (port de Casablanca et gare rou- Le parc de transports publics présentait
fondément modifié, en s’appuyant sur un déve- tière Ouled Ziane), ainsi que la sécurité. Elle moins de 1 000 autobus de 90 places,

ce
exploités par 16 concessionnaires ;
loppement sensible des transports collectifs et définit enfin un plan d’exploitation de la voi- 7 630 taxis urbains ; 5 238 taxis régionaux.
une prise en compte accrue des modes doux rie primaire dans l’arrondissement de Sidi La « valeur sociale » des coûts
(en particulier de la marche). Le parc automo- Belyout. des déplacements effectués montre
bile sera sensiblement amélioré afin de modé- la variation des coûts en dirham/passager/
Les actions déjà mises en œuvre km de 1 (autobus urbain) à 12 (voiture

an
rer les émissions de polluants, et la sécurité des
particulière).
déplacements urbains sera accrue. Les prestations se sont achevées en 2009, à leur
réception définitive. L’autorité organisatrice des
La part belle aux transports collectifs transports dans la Région a été créée et passe
Ces orientations tiennent compte de l’absence maintenant à la phase opérationnelle. Les pro-
d’investissements importants dans le secteur
des déplacements urbains depuis le schéma
directeur de transport de Casablanca en 1976.
Fr
positions à court terme issues du PDU ont été
financées dans le cadre du programme de mise
à niveau des infrastructures de Casablanca
Elles s’inscrivent dans une démarche pragma- (2,6 milliards de dirhams). Enfin, la première
e-
tique de réhabilitation qui innove avec la mise ligne de tramway préconisée a fait l’objet
en œuvre de modes de transports collectifs de d’études d’avant-projet en 2008 et d’exécution
grande capacité. en 2009, les travaux devant être engagés en
Pour atteindre l’objectif d’un usage accru des 2010 pour une mise en service en 2012. Dans le
-d

transports en commun, une modélisation de la cadre des études d’exécution en cours, un soin
demande et de l’offre a été effectuée pour l’ho- particulier est porté à l’insertion de la ligne
rizon 2020. Elle a permis de dresser la structure dans le tissu urbain et à la rénovation des
des principaux projets de développement des abords du corridor desservi par ce tramway.
île

transports collectifs en site propre.


Réseau de transport à l’horizon 2030 : cohérence du Sdau et du PDU
La structure du réseau à terme
Le développement du réseau de voirie primaire
est consécutivement limité à des aménage-
U

ments de capacité pour les principales péné-


trantes en périphérie (prolongement de l’auto-
route urbaine en direction du sud-ouest, voie
IA

structurante de 50 mètres au sud et rocade sud-


ouest) et au franchissement de carrefours
importants en créant des passages dénivelés.
Ces orientations générales à court terme ont
été traduites dans deux études de référence. La
première, sur la restructuration des transports
collectifs, a eu pour objectif l’amélioration
immédiate de l’exploitation du réseau en cor-
rigeant les principaux défauts et en adoptant
différents principes : non-concurrence entre les
AUC, ONCF, IAU îdF, 2008

opérateurs, couverture des lignes en périphé-


rie et desserte optimale. Pour atteindre ces
objectifs et améliorer la vitesse commerciale, il
a été recommandé de mettre en place 17 kilo-
mètres de couloirs réservés au seul usage des
autobus.
La seconde, sur le plan de circulation, a pro-
posé des mesures immédiates pour améliorer
79
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Vers une mobilité durable

Le Maroc face au défi logistique


Lydia Mykolenko
IAU île-de-France

Depuis plusieurs années, le Maroc


a lancé des réformes
et des investissements qui visent

ce
à renforcer la compétitivité
de son secteur logistique
et de son positionnement portuaire.

an
Pour accompagner ces mutations,
il faudra prendre en compte
leur impact urbain tant à l’échelle

G. Zunino/IAU îdF
nationale que locale.
Fr
e-
ouverture du Maroc sur les grands flux aujourd’hui de plus en plus de la performance

L’
Le port de Casablanca :
véritable porte d’entrée du monde d’échanges internationaux de mar- des corridors de transport qui les desservent, le
dans la ville, il est un enjeu majeur chandises, son positionnement dans port de Tanger Med bénéficiera d’une desserte
du développement et de l’attractivité l’économie mondialisée et la croissance conti- multimodale de son hinterland(2). Le maillage
-d

de la métropole économique. nue de la demande de transport, aussi bien d’un réseau d’autoroutes vers Casablanca et
pour les flux internationaux et nationaux que vers Tétouan est en cours de construction et le
pour la distribution régionale et locale, placent port sera surtout desservi par le réseau ferré
le Royaume face à un défi d’une ampleur nou- national. Ce projet portuaire, qui accueille
île

velle. Conscient de l’atout que représente la depuis 2007 les navires-mères de Maersk et
proximité de l’Europe, du rôle déterminant de depuis fin 2008 les super porte-conteneurs de
la logistique en tant que facteur de compétiti- CMA CGM, s’accompagne de la création de
vité nationale, mais aussi des faiblesses struc- quatre zones d’activités intégrées. La première
turelles du secteur du transport de marchan- est, par ailleurs, une zone franche logistique de
U

dises et de la logistique, le pays a engagé 130 hectares adossée au port et dédiée aux
plusieurs réformes et entrepris des investisse- activités logistiques.
ments importants dans les domaines portuaire, Tanger Med a été créé dans une perspective
IA

autoroutier et ferroviaire. d’aménagement du territoire pour être un


levier de développement économique, notam-
Les ports, entre concurrence ment pour dynamiser les régions nord du pays.
et complémentarité Cependant, sur ce secteur très concurrentiel du
Avec ses deux façades maritimes, le Maroc trafic de conteneurs, le port de Casablanca
affirme une présence croissante sur la carte devrait faire face et être plutôt complémentaire.
mondiale des grandes places portuaires. Une Casablanca est le premier port du Maroc. Son
politique portuaire ambitieuse est menée trafic total s’est établi à 24 millions de tonnes en
depuis quelques années. Elle porte tant sur les 2008 (26,3 MT en 2007) et son trafic de conte-
ports traitant des trafics de vrac que, plus neurs à près de 800 000 équivalent vingt pieds(3)
récemment, sur ceux traitant les trafics conte- (EVP) en 2008. Il s’agit là d’atouts incontourna-
neurisés. La construction d’un nouveau termi- bles. C’est, en effet, dans les régions métropoli-
nal à Jorf Lasfar, le plus grand port minéralier
(1) Le nouveau port pourrait, à l’horizon 2015, traiter 8 mil-
d’Afrique, ou la réalisation, engagée en 2001, lions d’équivalent vingt pieds.
du nouveau port en eaux profondes Tanger (2) L’hinterland, dans le domaine du transport maritime, est
Med(1), situé à 40 kilomètres à l’est de la ville en l’arrière-pays continental d’un port que ce dernier approvi-
sionne ou dont il tire les marchandises qu’il expédie.
témoignent. (3) Unité de mesure standard d’un conteneur permettant
L’avantage concurrentiel des ports relevant d’élaborer des statistiques.
80
taines où s’implantent les activités à forte valeur s’agira pour le Maroc de renforcer dans les
ajoutée et les fonctions de commandement, années à venir le recours à ce mode de trans-
que se localisent les principaux nœuds des port massifié. Cela permettra d’éviter que le
réseaux internationaux de marchandises et les réseau routier n’atteigne un niveau de conges-
services qui les accompagnent. Les enjeux liés tion et de saturation au niveau de la desserte
au port de Casablanca sont donc stratégiques. des ports et des agglomérations urbaines, mais
Sa modernisation fait l’objet d’un plan à court également de prévenir des dysfonctionnements
terme (2010-2012), portant notamment sur dans les chaînes logistiques, tout comme des
l’amélioration des accès portuaires et sur l’aug- impacts environnementaux inacceptables.
mentation de sa capacité. Il est également au Certes, l’émergence de nouveaux schémas d’or-
centre d’un plan à moyen terme (2013-2015), ganisation des flux s’appuiera sur des transports
portant en particulier sur le développement rapides, souples et efficaces, et renforcera iné-
de l’activité conteneurs.Tanger Med a toutefois vitablement la pertinence du mode routier.

ce
été conçu pour les navires porte-conteneurs Celui-ci est déjà le mode de transport large-
nouvelle génération, ce qui n’est pas le cas du ment dominant (les trois quarts des flux de
port historique de Casablanca. Ce dernier est marchandises, hors phosphates, sont transpor-
confronté à deux problèmes : celui de son tés par ce mode), bien que les entreprises maro-

an
adaptation à la montée en puissance de la caines soient encore loin des standards de
conteneurisation à grande échelle et celui de fonctionnement internationaux(5). Néanmoins,
son fonctionnement en milieu urbain.Tout l’en- le mode ferroviaire est encore fortement utilisé
jeu consiste à faire coexister à Casablanca les pour le transport de marchandises qui repré-
déplacements liés au transport de fret et ceux sente 75 % de l’activité de l’Office national des
liés aux déplacements des personnes, et de
résoudre la question difficile de l’aménage-
ment de son territoire métropolitain en valori-
Fr
chemins de fer (ONCF) ; 50 % du chiffre d’af-
faires étant constitué par le transport des phos-
phates, 25 % par l’activité fret (céréales, char-
sant l’atout exceptionnel que constitue son port
e-
maritime, porte d’entrée du monde dans la (4) Compte-tenue de la croissance du trafic entre les États
ville. membres, l’Union européenne a adopté dès 1990 un premier
plan d’actions, qui englobe tous les modes de transport, sur
les réseaux transeuropéens de transport (RTE-T). Une révi-
Des plates-formes multimodales sion du RTE-T a été effectuée en 2004 et a abouti à une liste
-d

pour l’hinterland de trente axes et projets prioritaires. Les Journées mention-


nées ci-dessus procèdent de ces discussions en vue de la
Incontestablement, les ports maritimes sont future révision, prévue en 2014.
devenus les principales portes d’entrée et de (5) Conscient de cet enjeu, le Maroc a entrepris en mars 2003
sortie des marchandises ; leur rôle dans la struc- une réforme en faveur de la libéralisation des transports rou-
île

tiers de marchandises et s’est doté d’un nouveau cadre légis-


turation des flux terrestres est désormais déter- latif. Ceci devrait inciter les entreprises à s’aligner progressi-
minant. De fait, l’optimisation de l’articulation vement sur les pratiques de la concurrence.
des différents types de flux – depuis les grands
flux internationaux et nationaux structurés par Les grands corridors de fret
les grandes plates-formes multimodales jusqu’à
U

la desserte des cœurs d’agglomération – et


celle des interfaces entre les modes sont inhé-
rentes à l’amélioration de l’organisation du
IA

transport de marchandises.
S’agissant des grands flux internationaux, l’en-
jeu principal se situe dans le développement
souhaité des échanges économiques entre le
Maroc et l’Union européenne (UE). La partici-
pation du Maroc en 2009 aux Journées du
réseau transeuropéen de transport(4) (RTE-T)
témoigne de l’importance de cet enjeu. Parmi
les sujets évoqués pour l’extension du RTE-T
au voisinage de l’UE, figurent deux projets : la
liaison fixe entre le Maroc et l’Espagne par
Gibraltar, déjà présentée à la Commission
européenne en juin 2007 et l’axe ferroviaire
Algésiras-Tanger-Casablanca-Agadir. Ces projets
auront des conséquences importantes sur les
échanges entre le Maroc et l’Europe et donne-
ront toute sa pertinence à la desserte ferroviaire ONCF, Iaurif, édition 2006
du port de Tanger Med. Dans ce contexte, il réactualisé par l’IAU îdF, 2010

81
Le Maroc en perspective :
regards croisés Vers une mobilité durable
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Le Maroc face au défi logistique

bon, bois, matériaux de construction, voirie à grande capacité (autoroutes ou routes


engrais…) et 25 % par l’activité voyageurs. Cette nationales), ainsi que les nuisances sur le voisi-
situation est une grande chance pour le Maroc nage.
qui doit tout faire pour la maintenir.
Les difficultés que rencontrent les économies Inventer une logistique urbaine moderne
développées qui ont misé sur le tout-routier au et exemplaire
cours des trente dernières années pour favori- Si la distribution urbaine est encore majoritai-
ser le report d’une partie des flux de marchan- rement assurée par les souks et les petits com-
dises sur le mode ferroviaire, prouvent à quel merces, la grande distribution se développe
point la préservation de l’existant est essen- progressivement(7) en captant une part de plus
tielle. Les autorités marocaines l’ont bien inté- en plus importante de la consommation. Cette
gré et ont inauguré en juillet 2008 la plate-forme évolution s’appuie sur une nouvelle organisa-
ferroviaire Casablanca-Mita(6), première du tion des flux logistiques avec, notamment, le

ce
genre. D’autres suivront à Fès, Marrakech et Tan- passage des marchandises par des plates-
ger en vue de la constitution d’un réseau de formes d’échange.
plates-formes multimodales rail-route. Or, les grandes agglomérations marocaines ne
disposent pas aujourd’hui de tels sites – qui ne
Une nécessaire articulation des flux

an
sont pas des lieux d’entreposage, mais des lieux
Ce réseau devra reposer sur la mise en œuvre de passage entre un transport de masse et des
de liaisons ferroviaires massifiées au départ des véhicules de livraison de taille plus réduite –
grands ports maritimes de Casablanca, Moham- spécialement conçus pour accueillir ces activi-
media, Jorf Lasfar, Safi et Tanger Med, permet- tés. Bien plus, compte tenu de la rapidité des
Fr
tant l’acheminement et l’évacuation des mar-
chandises. S’agissant des conteneurs, le réseau
ferroviaire devra permettre de connecter les
mutations urbaines en cours, l’action des pou-
voirs publics est indispensable pour en favori-
ser l’implantation au plus près des zones à des-
zones logistiques prévues à proximité immé- servir. En effet, la pression foncière croissante
e-
diate des ports de Tanger Med et de Casablanca induira l’éviction des fonctions logistiques loin
(ce qui est déjà le cas avec la plate-forme Casa- des cœurs d’agglomération. Elles s’implante-
blanca-Mita) et avec les grandes plates-formes ront en fonction des opportunités qui se pré-
régionales dont la vocation est la desserte du senteront, sur des sites peu ou pas adaptés,
-d

bassin de consommation et de production entraînant une augmentation des trajets. Le


S. Castano/IAU îdF

industrielle des grandes agglomérations du « dernier kilomètre », celui de la livraison des


pays. commerces et des marchés, s’allongera sur plu-
Mieux articuler les flux passe donc par la créa- sieurs kilomètres, voire sur plusieurs dizaines
île

tion de quelques grandes plates-formes logis- de kilomètres, entraînant congestion, pollution


Une réflexion organisationnelle tiques qui, à partir des ports maritimes, oriente- et coût supplémentaire de transport.
innovante doit être menée, ront et structureront d’autant plus les flux de Pourtant, il est intéressant de noter qu’il existe
notamment sur « le dernier marchandises qu’elles seront multimodales. encore aujourd’hui, dans le cœur des villes, de
kilomètre » de livraison, Ces grandes plates-formes dédiées aux flux nombreux espaces de stockage. Pour vétustes
U

pour contribuer au développement internationaux et nationaux doivent être qu’ils soient souvent, ces espaces dont la logis-
d’une distribution moderne connectées aux plates-formes de distribution, tique urbaine a besoin (qui sont des petits
au service de l’attractivité situées idéalement en périphérie immédiate espaces, de quelques hectares au maximum)
IA

des centres urbains. des agglomérations. La demande pour de tels sont particulièrement stratégiques et doivent
sites, qui peuvent intégrer une fonction de être préservés. Leur mutation en véritables
stockage plus ou moins importante, se dévelop- plates-formes logistiques urbaines, c’est-à-dire
pera fortement dans les années à venir, à se caractérisant par une utilisation du sol com-
mesure de l’externalisation de cette fonction patible avec les densités urbaines, s’insérant de
par les chargeurs. Leur localisation doit être manière harmonieuse dans le tissu urbain et
orientée par les schémas d’aménagement afin mutualisant les flux pour le dernier kilomètre,
de ne pas laisser les multiples acteurs – char- est à inventer. C’est en effet au prix d’une solu-
geurs, transporteurs, organisateurs du transport, tion immobilière et organisationnelle inno-
distributeurs – les mettre en œuvre en fonction vante qu’ils pourront contribuer au développe-
de leur seule logique. ment d’une distribution moderne au service
Seule une implantation raisonnée en fonction de l’attractivité des centres urbains.
d’une articulation optimale et hiérarchisée des
flux et des plates-formes minimisera les effets (6) Casablanca Mita est le premier « port sec » sous douane
négatifs en termes de congestion et de nui- du Maroc. Situé à 6 kilomètres du port, il se compose d’un
sances environnementales qui pourraient résul- chantier multimodal de 8 hectares et d’une zone logistique
de 32 hectares.
ter d’accès routiers insuffisamment dimension- (7) Voir dans ce numéro des Cahiers, TAZI Kawtar, « Une arma-
nés ou de mauvaises connexions au réseau de ture commerciale en pleine évolution », p. 66.
82
L’environnement :
l’enjeu de l’aménagement

ce
de demain

an
Les villes marocaines face
Fr au changement climatique 84

Une réglementation parasismique


e-
pour le Maroc 88

Les défis de l’eau :


-d

le bassin du Souss 89
île

Des plans verts


pour les villes marocaines 91

Développement et gouvernance
U

des services publics urbains 94


IA

83
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain

Les villes marocaines


face au changement climatique
Anthony Gad Bigio(1)
Banque mondiale

Le changement climatique
et les émissions de gaz à effet de serre
auront de plus en plus d’impacts
sur le territoire, notamment sur les villes

ce
et le littoral marocains. C’est pourquoi
il est indispensable d’anticiper au mieux
les conséquences et d’identifier

an
les mesures d’adaptation nécessaires.

Abdelhak Senna/AFP/Getty Images


Le défi est donc de concevoir,
dès aujourd’hui, une urbanisation
adaptée au climat et aux modes de vie
Fr des usagers.
e-
e changement climatique en cours, ainsi l’Agence des Nations-unies chargée du chan-

L
Les séismes, comme ici en 2004
à Al Hoceima, endommagent que son accélération dramatique due à gement climatique, préparée par le secrétariat
fortement l’espace urbain l’intensité croissante des émissions de d’État à l’Eau et l’Environnement avec l’appui
et nécessitent des mesures gaz à effet de serre (GES), est désormais incon- du Programme des Nations unies pour le déve-
-d

de prévention. testable. L’envergure de ce changement, dont loppement (PNUD) avant la conférence de


les impacts se manifestent déjà de multiples Copenhague de décembre 2009(2).
manières à travers le globe, dépendra essentiel- Selon ces travaux, d’ici 2030, le Maroc ferait face
lement dans l’avenir de la capacité de limiter à une diminution de 8 % à 14 % de sa pluviomé-
île

ces émissions. Le degré de concentration des trie et à une augmentation d’au moins 1,6 °C de
GES dans l’atmosphère provoque, en effet, une sa température ambiante moyenne. Ces chan-
augmentation sensible de la température gements auront des conséquences importantes
ambiante. Selon les scientifiques, si cette aug- sur les écosystèmes, sur les activités produc-
mentation se limite à deux degrés, il sera possi- tives, sur la population, ainsi que sur les établis-
U

ble de limiter les dégâts et d’adapter la vie de sements humains, urbains et ruraux du pays.
la planète à ce nouveau régime climatique.Au- La variabilité régionale de ces transformations
delà de ce seuil, les conséquences seront très est assez large, en fonction des différentes zones
IA

sévères voire, pour certaines régions du monde, climatiques du Maroc. Cependant, les opéra-
catastrophiques. tions de « descente d’échelle », c’est-à-dire de
rapprochement des données globales avec les
Les prévisions du changement climatique conditions climatiques particulières d’un site
au Maroc spécifique conduites par Météo Maroc, permet-
De par sa position géographique, le Maroc fait tent de préfigurer d’une façon approximative
très certainement partie des régions qui seront le climat à venir dans les différentes zones du
les plus affectées par le changement clima- pays, y compris dans les villes. Il apparaît que
tique. Les modèles de circulation globale et les zones côtières marocaines seront affectées
régionale, ainsi que des travaux détaillés de par l’augmentation du niveau de la mer, esti-
Météo Maroc, l’agence nationale de météorolo- mée entre dix et vingt centimètres à l’horizon
gie, en collaboration avec la Banque mondiale, 2030, ainsi que par l’intensification de l’érosion
confirment que le pays devra faire face à une
forte baisse de la pluviométrie et à une hausse (1) Anthony Gad Bigio est spécialiste principal en urbanisme
importante de la température ambiante dans à la Banque mondiale.
les décennies à venir. Ces données, dans leurs (2) Secrétariat d’État à l’Eau et l’Environnement, Seconde
communication nationale du Maroc sur les changements cli-
estimations actuelles, sont consignées dans la matiques, Convention-cadre des Nations unies sur les chan-
seconde communication nationale du Maroc à gements climatiques, Rabat, 2009.
84
côtière et des effets de houle. Les phénomènes trages entre usages ruraux et usages urbains.
maritimes se manifestent déjà de manière Cela se traduira par une pression pour une uti-
importante et préoccupante sur plusieurs par- lisation plus rationnelle de la ressource et par
ties du littoral. la réduction des gaspillages et des pertes sur
les réseaux. La baisse des nappes réduira le
Des impacts qui menacent les villes débit des forages et des puits et accroîtra le
marocaines risque d’infiltration d’eau saumâtre à proximité
Toutes les villes marocaines risquent d’être tou- de la mer.
chées par les impacts du changement clima-
tique, mais à différents degrés selon leur zone Les vulnérabilités du littoral
climatique d’appartenance, leur position géo- Les villes côtières subiront les impacts de l’élé-
graphique, leur taille et leur morphologie vation du niveau de la mer, de l’érosion côtière
urbaine. Certaines vulnérabilités sont, cepen- et des effets de houle sur les infrastructures por-

ce
dant, communes à la plupart des villes et ris- tuaires, les plates-formes logistiques, les
quent de se manifester fortement au cours des défenses côtières, les espaces naturels tels que
prochaines décennies. plages ou zones vertes, et les écosystèmes des
estuaires fluviaux. Ces impacts sont souvent

an
Les inondations urbaines intensifiés par les effets des houles maritimes.
Dans un contexte de diminution de la pluvio- Ce fut le cas lors des inondations de Moham-
métrie totale annuelle, le changement clima- media en 2003 : l’évacuation dans la mer de
tique induit une concentration de la distribu- gros volumes d’eau pluviale transportés par le
tion temporelle de la pluviométrie. Des système de drainage et l’arrivée de vagues vio-
épisodes extrêmes de pluies torrentielles
concentrées dans un temps très limité sont de
plus en plus fréquents, avec le risque de dépas-
Fr
lentes empêcha l’évacuation rapide. L’érosion
côtière, déjà marquée dans plusieurs zones
urbaines et notamment à Casablanca – causée
ser la capacité des systèmes de drainage par le prélèvement de sable maritime ou par
e-
urbain. La pression de l’urbanisation ainsi que les courants – sera sans doute intensifiée par
la présence d’habitat informel limitent actuel- l’élévation du niveau de la mer.
lement la capacité de préserver, à l’intérieur des Un premier travail sur ce sujet a été finalisé en
villes, des espaces libres de construction pour 2007 dans le cadre d’un projet financé par le
-d

absorber une partie de la pluviométrie excé- PNUD sur les impacts possibles de l’élévation
dentaire en cas d’orages prolongés. Les inon- du niveau de la mer sur la ville de Tanger et sur
dations de novembre 2008 dans plusieurs villes le littoral côtier de Saïdia(3). Il répondait à une
marocaines ont augmenté la visibilité de ce inquiétude croissante quant à la vulnérabilité
île

risque urbain majeur. des villes et des zones côtières marocaines qui
connaissent actuellement d’importants inves-
Une température ambiante plus élevée tissements touristiques. Depuis 2009, une nou-
L’augmentation de la température ambiante velle étude régionale de la Banque mondiale(4)
sera plus importante encore dans les agglomé- couvre la zone métropolitaine de Casablanca,
U

rations urbaines qui sont normalement affec- ainsi que la vallée du Bouregreg entre Rabat et
tées par un « îlot de chaleur », c’est-à-dire par Salé. Elle a pour objectifs de prévoir les impacts
un différentiel de température entre la ville et
IA

son espace rural avoisinant. Celui-ci est dû à (3) SNOUSSI M., M’HAMMEDI N., BOUTAYEB, KHATTABI A., BOUMEAZA
l’importance des surfaces minéralisées T. et OUCHANI T., « Évaluation de l’impact et de l’adaptation
des zones côtières marocaines face aux changements cli-
urbaines et à la rétention de chaleur par les matiques », Matee/Unep, 2007.
bâtiments. L’augmentation de température res- (4) Vulnérabilité et adaptation des villes d’Afrique du Nord
sentie en plein été dans certaines villes maro- au changement climatique et aux désastres naturels, étude
régionale de la Banque mondiale couvrant le Maroc, la
caines, comme Tanger et Ourzazate, pourra Tunisie et l’Egypte, menée par un groupement composé de
ainsi atteindre 4 °C ou 5 °C. En outre, les vagues l’IAU îdF, Egis-BCEOM international et BRGM, Paris, 2009.
de chaleur saisonnières pourront se produire
plus fréquemment et la pollution atmosphé-
rique de l’air empirera.

Des ressources en eau en diminution


La baisse de la pluviométrie attendue au niveau
national se répercutera sur le débit des bassins
B. Cauchetier/IAU îdF

versants qui alimentent les villes, soit directe-


ment, soit par le biais d’un réservoir important L’élévation du niveau de la mer
ou d’un barrage. La rareté relative de la res- intensifie le phénomène d’érosion
source en eau augmentera la nécessité d’arbi- côtière.
85
Le Maroc en perspective :
regards croisés L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Les villes marocaines face au changement climatique

du changement climatique et les risques de évidentes, est devenue plus urgente dans ce
désastres naturels à l’horizon 2030, et d’identi- contexte de risques accrus. Les villes maritimes
fier les mesures d’adaptation nécessaires. Le devront être en mesure de prévoir et de réaliser
secrétariat d’État à l’Eau et l’Environnement, la surélévation des structures portuaires et des
chargé des études sur le changement clima- défenses maritimes, ainsi que la protection des
tique, souhaite d’ailleurs poursuivre cette ressources naturelles et des zones humides, pre-
réflexion avec des études similaires sur Tanger, mière barrière de défense des zones habitées
Mohammedia, Agadir et Nador. contre les nouvelles menaces. La mise en place
Dans le contexte des villes marocaines, il est ou le renforcement de systèmes d’alerte, d’infor-
important de souligner le lien entre la vulnéra- mation et de préparation de la population rési-
bilité urbaine et la présence d’habitat informel. dente, et d’intervention d’urgence en cas de
Les bidonvilles sont souvent construits dans crise sont aussi essentiels pour réduire la vulné-
des ravines ou sur des pentes accentuées, donc rabilité urbaine.

ce
sur des sites plus vulnérables que d’autres aux
inondations et aux glissements de terrains. Les Les émissions urbaines de gaz à effet
quartiers lotis irrégulièrement, malgré la qua- de serre et leur atténuation
lité souvent correcte des constructions, sont Les villes consomment en moyenne jusqu’à

an
dépourvus de réseaux, et notamment de sys- 70 % de l’énergie d’un pays et produisent la
tèmes de drainage, ce qui les rend plus vulné- plus grande partie de son PIB. À défaut de don-
rables aux inondations urbaines. nées spécifiques concernant le Maroc à cet
égard, on peut supposer qu’indirectement les
L’adaptation des villes marocaines villes marocaines contribuent à la majorité des
au changement climatique Fr
L’identification des mesures d’adaptation aux
vulnérabilités susmentionnées passe par une
émissions de GES liées à la production d’éner-
gie par des sources non-renouvelables. Toute-
fois, le Maroc a lancé ces dernières années des
analyse basée sur des projections les plus fia- investissements importants dans la génération
e-
bles possibles concernant l’importance future éolienne et solaire d’électricité, ce qui contri-
des impacts du changement climatique pour bue à réduire le volume total des émissions,
chacun des sites. Les études prospectives sur le ainsi que la facture pétrolière nationale.
climat souffrent d’une grande incertitude liée, Pour atteindre ces deux objectifs stratégiques
-d

d’une part, à la difficulté d’obtenir pour un site d’importances globale et nationale, il est néces-
spécifique des données fiables venant des saire de se tourner également vers les « gise-
modèles de circulation globale ou régionale ments » urbains d’efficacité énergétique, dans
et, d’autre part, aux évolutions possibles du cli- les domaines de la production industrielle, de
île

mat selon le niveau d’émissions de GES à venir. la mobilité, de la distribution d’eau potable et
Néanmoins, certaines mesures peuvent être du traitement des eaux usées, de la gestion des
considérées comme appropriées et nécessaires déchets et du bâtiment. Chacun de ces sec-
malgré l’incertitude actuelle des projections. teurs, dans son fonctionnement actuel, offre
Le renforcement des systèmes de drainage des opportunités importantes pour l’introduc-
U

urbain en fait certainement partie, vu la ten- tion et l’utilisation d’énergies renouvelables et


dance confirmée à l’augmentation de la fré- pour une plus grande efficacité énergétique.
quence et de l’intensité des précipitations Le ministère de l’Énergie et des Mines œuvre,
IA

extrêmes. La mise en place d’un « urbanisme avec les autres ministères concernés, pour l’éta-
précautionnaire» qui tiendrait bien compte des blissement de programmes innovants, notam-
risques naturels et des vulnérabilités clima- ment par le biais du Centre pour le développe-
tiques des sites à urbaniser paraît également ment d’énergies renouvelables (CDER). La
essentielle. La résorption de l’habitat insalubre, majorité de ces programmes touche à l’espace
qui a déjà des motivations sociales et urbaines urbain, et le ministère de l’Habitat, de l’Urba-
nisme et de l’Aménagement de l’espace tra-
vaille à la mise en place d’incitations appro-
priées dans les domaines de l’urbanisme et de
la construction. Le holding Al Omrane, principal
groupe public d’aménagement urbain et de
réalisation de programmes publics d’habitat
À Agadir, social, œuvre également pour l’introduction
des quartiers d’habitat informel d’approches innovantes dans ses projets. Il est
construits dans des ravines important de rappeler le travail du Fonds
V. Said/IAU îdF

ou sur de fortes pentes, d’équipement communal (Fec) qui gère, sur


sont plus exposés aux inondations une base internationale, la commercialisation
et aux glissements de terrain. des « crédits carbones » marocains issus de pro-
86
jets d’utilisation des énergies renouvelables et Schéma directeur d’aménagement de l’aire urbaine de Nador
d’efficacité énergétique dans tous les secteurs
de l’économie.

L’urbanisation à l’horizon 2030 :


un défi et une opportunité
Selon l’étude prospective « Maroc 2030 » du
Haut-commissariat au Plan (HCP), le pays
comptera alors dix millions de citoyens urbains
de plus (66 % de la population). L’ensemble de
la croissance démographique nationale à l’ho-
rizon 2030 sera donc concentré dans les villes.
Ceci représente un défi supplémentaire, mais

ce
aussi une opportunité quant à la relation des
villes à l’égard du changement climatique.
Tout d’abord, il sera important de préfigurer la
localisation de cette croissance urbaine. Si la

an
consolidation de la dorsale atlantique urbaine,
d’El Jadida au sud jusqu’à Kénitra au nord en
passant par Casablanca et Rabat-Salé, paraît un
acquis, tout comme la croissance urbaine du
pôle urbain de Tanger-Tétouan, plusieurs scé-
narios sont possibles pour les capitales régio-
nales et les villes moyennes de l’intérieur. La
vulnérabilité de ces centres urbains dépendant
Fr
notamment de leur localisation géographique,

Dar Al Handasah
e-
elle mérite d’être mesurée comme un des fac-
teurs favorisant le développement de certaines
villes plutôt que d’autres. En outre, les prévi-
sions d’urbanisation du HCP devront probable-
-d

ment être revues à la hausse en raison de l’ac- denses et compacts offrent généralement plus Les villes côtières comme Nador
célération du dépeuplement rural due aux de qualités urbaines et sont bien moins développées autour d’une sebkha
impacts futurs du changement climatique. consommateurs d’énergie que les quartiers (lagune) sont les plus exposées
« modernes », composés d’immeubles isolés de aux phénomènes du changement
île

Concevoir une urbanisation plus grand volume. Ces derniers induisent la climatique.
mieux adaptée au climat suprématie de la circulation véhiculaire et sont
Pour traduire le défi de cette production plus exposés à l’ensoleillement direct.
urbaine pour dix millions de Marocains urbains Traditionnellement, au Maroc, le bien-être et le
supplémentaires d’ici 2030 en opportunité, des confort intérieur des habitations étaient obte-
U

changements profonds devront s’opérer dans la nus grâce à une conception architecturale et
manière de concevoir la ville et de la réaliser à à un usage de matériaux adaptés au climat, et
toutes ses échelles de la part des autorités res- non par climatisation artificielle. Si l’objectif de
IA

ponsables de l’aménagement du territoire et protéger les constructions d’un climat plus


de la planification, des promoteurs immobi- agressif, tout en minimisant la consommation
liers, des architectes et des usagers. d’énergie électrique, devient une source d’ins-
En premier lieu, la localisation des villes nou- piration pour les concepteurs, apparaîtra une
velles et des extensions urbaines devra davan- nouvelle génération d’architecture bioclima-
tage tenir compte des contraintes climatiques tique, insérée dans des éco-quartiers adaptés
et des vulnérabilités de chaque site. Si d’autres au contexte culturel et social marocain.
considérations d’ordre foncier, de planification Finalement, la modernisation des infrastruc-
régionale et d’accès aux infrastructures princi- tures urbaines, et leur extension qui accompa-
pales interviendront forcément dans ces choix, gnera la croissance des villes, devront prendre
il sera désormais essentiel de garantir que les en compte les soucis de l’efficacité énergétique
investissements de long terme seront réalisés pour contribuer à la création de villes durables.
dans des localités moins affectées par les Ces mêmes préoccupations devront se traduire
impacts du changement climatique. par des choix appropriés de matériaux de
En second lieu, des choix de morphologie construction, par la généralisation de l’isolation
urbaine appropriée devront être faits à chaque thermique et par l’utilisation systématique
fois qu’un plan d’aménagement ou de lotisse- d’énergies renouvelables et de systèmes d’effi-
ment sera conçu et approuvé. Les tissus urbains cacité énergétique dans la construction.
87
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain

Hayat Sabri(1)
Une réglementation parasismique
Ministère de l’Habitat,
de l’Urbanisme
pour le Maroc
et de l’Aménagement
de l’espace
À l’échelle internationale, les séismes font partie de la problématique générale
des catastrophes naturelles les plus graves. Elles voient leur fréquence
et leur intensité s’accroître avec le changement climatique. Afin de prévenir
les conséquences majeures des séismes sur les espaces urbains et les populations,
le Maroc a mis en place une réglementation parasismique évolutive.

ce
L’impact des séismes vrant le territoire national ont été rédigés, mais
sur les constructions n’ont pu être approuvés pour des raisons tech-
Les dégâts liés aux séismes affectant le secteur niques ou réglementaires.
de la construction dépassent 50 % des pertes En 2000, le projet de règlement RPS 2000 appli-

an
totales. La sismicité au Maroc est considérée cable aux bâtiments a été commandé par le
comme «modérée à faible», malgré des séismes département de l’Habitat. Négocié avec les
très destructeurs, comme celui d’Agadir en experts nationaux et internationaux, il a été pré-
1960, de magnitude 5,8. Il a causé plus de 12 000 senté à la communauté scientifique et tech-
morts et détruit 70 % des constructions, cau- nique nationale, ainsi qu’aux professionnels de
Fr
sant 290 millions de dollars de dégâts.
Plus récemment, le séisme d’Al Hoceima, sur-
venu en février 2004, a montré qu’en milieu
la construction et de l’habitat. En 2002, le RPS
2000 instituant le Comité national du génie
parasismique (CNGP) a été rendu obligatoire
urbain, seules les constructions non réalisées par le décret n° 2-02-177 du 9 hija 1422
e-
suivant les règles de l’art n’ont pas résisté aux (22 février 2002). Ce document fixe les règles
secousses. La médiocrité et la fragilité des de calcul et de dimensionnement des struc-
constructions traditionnelles en milieu rural tures pour renforcer la tenue des bâtiments aux
ont engendré d’énormes pertes humaines et secousses sismiques. Il édicte également des
-d

matérielles. Les dégâts ont été très lourds en dispositions techniques de génie civil et de
termes de coûts de reconstruction pour la pro- conception architecturale permettant aux bâti-
vince d’Al Hoceima. ments de résister à toutes les intensités de
secousses. Il s’applique aux constructions nou-
île

La réglementation parasismique : velles et aux bâtiments subissant des modifica-


un précieux moyen de prévention ? tions importantes, telles que des changements
On ne peut pas éviter l’exposition au risque de d’usage, des transformations pour des raisons
séisme, mais on doit essayer de l’anticiper et de sécurité publique ou d’extension.
de s’y préparer.Ainsi, à chaque tremblement de Le domaine d’application du RPS 2000 couvre
U

terre, la réglementation parasismique est enri- les structures en béton armé et en acier. Il répar-
chie et modifiée. Cette dernière, basée sur le tit le Maroc en trois zones sismiques homo-
génie parasismique, permet d’évaluer les forces gènes présentant le même niveau de risque. Les
IA

sismiques latérales à prendre en compte dans bâtiments sont classés suivant leur importance,
le dimensionnement des bâtiments. et les sols en fonction de leur nature.
Au Maroc, cette réglementation n’a pris nais- Sept ans après son entrée en vigueur, le RPS
sance qu’après 1960 : le premier règlement 2000 est en cours de révision par le ministère
parasismique (RPS), qui couvrait uniquement de l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménage-
la région d’Agadir, s’intitulait « normes Agadir ment de l’espace, en partenariat avec l’univer-
1960 ». Depuis, plusieurs projets de RPS cou- sité Mohammed V Agdal de Rabat.
Suite à une enquête menée auprès des utilisa-
teurs (bureaux d’études, de contrôle, archi-
tectes, promoteurs, entreprises, laboratoires), le
Le séisme d’Al Hoceima projet de RPS 2000 révisé a été élaboré pour
a montré que, en milieu urbain, faciliter son utilisation grâce à deux cartes sis-
© Thierry Dudoit/Express-Réa

seules les constructions miques (accélération et vitesse du séisme), à


n’ayant pas respecté les normes de nouvelles données, à l’affinage du zonage
n’ont pas résisté aux secousses. sismique par site, et à l’amélioration du classe-
Le règlement parasismique permet ment des constructions.
donc de réduire considérablement
les pertes dues aux séismes. (1) Directrice adjointe à la direction technique de l’Habitat.
88
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain

Les défis de l’eau :


le bassin du Souss
Christian Thibault
IAU île-de-France

Le Maroc a connu, depuis 1980,


des périodes de sécheresse pouvant
atteindre cinq années consécutives.
La situation de la région du Souss
est emblématique des défis à relever.

ce
La consommation d’eau accompagnant
la croissance a considérablement
augmenté, et les prélèvements dépassent

an
largement la capacité naturelle
de renouvellement. Les perspectives
de développement sont conditionnées
Fr V. Said/IAU îdF par un partage et une gestion
plus rationnelle de la ressource.
e-
e bassin du Souss-Massa couvre une plus des trois quarts des volumes utilisés. Le

L
L’embouchure de l’oued Souss
a été récemment réhabilitée grâce superficie de 28 000 km2, réunissant qua- niveau de la nappe du Souss baisse depuis les
à la mise en service de la station tre bassins versants principaux classés années 1970 à cause de sa surexploitation et
d’épuration d’Agadir. par ordre d’importance : l’oued Souss, l’oued de sa réalimentation aléatoire. Les prélève-
-d

Massa, les oueds côtiers Tamraght et Tamri, et ments d’eau souterraine ont été multipliés par
la plaine de Tiznit-Sidi Ifni. Entre l’océan Atlan- plus de trois en trente ans, alors que le climat
tique et les montagnes du Haut Atlas et de s’asséchait. Sur cette période, des rabattements
l’Anti-Atlas qui l’isolent du Sahara, ce bassin est de nappe de 10 mètres ont été couramment
île

composé d’un quart de zones de plaines et de observés, allant jusqu’à 65 mètres dans certains
trois quarts de zones montagneuses. Cette secteurs(3). La réduction de la nappe entraîne
région se singularise par une formation végé- des pertes de terres agricoles, et accroît le stress
tale naturelle spécifique : l’arganeraie, dominée hydrique des couverts végétaux, notamment de
par un arbre endémique(1) du Sud-Ouest maro- l’arganeraie. L’agriculture traditionnelle en zone
U

cain, l’arganier. La capitale régionale du Grand bour(4) des piémonts et de la montagne pâtit de
Agadir est implantée juste au nord de l’embou- la sécheresse, ce qui pousse la population à
chure de l’oued Souss. La population du Grand l’exode rural.
L’agriculture et le tourisme :
IA

deux secteurs majeurs de l’économie Agadir a été multipliée par 2,6 entre 1982 La construction de grands barrages-réservoirs,
régionale et 2004, pour atteindre 678 600 habitants(2). comme le barrage Youssef Ben Tachfine, per-
Les productions agricoles se répartissent en met une certaine régulation entre les années
valeur comme suit : 34 % de maraîchage, Une ressource limitée humides et les années sèches. Ces barrages de
28 % d’élevage, 25 % d’agrumes Malgré des précipitations faibles, le bassin du rétention des eaux superficielles jouent un rôle
et 10 % de céréales. La superficie irriguée
s’étend sur plus de 134 000 hectares. Souss est alimenté en eau grâce aux hautes important dans l’alimentation en eau potable
Elle est consacrée au maraîchage montagnes adjacentes. C’est le plus important des villes et villages, dans le développement
des primeurs et aux agrumes, réservoir phréatique du Maroc, ce qui en a fait rural, ainsi que dans l’écrêtement des crues. Ils
qui représentent respectivement 70 % et une des régions les plus fertiles du pays. Cette permettent d’irriguer environ 34 000 hectares
50 % de la production et des exportations ressource a favorisé la prospérité d’Agadir, tout et d’apporter une recharge artificielle à la
marocaines. L’industrie est dominée
par le secteur agroalimentaire qui dispose autant que sa position de carrefour maritime nappe du Souss. Ils sont complétés par de petits
d’un fort potentiel de développement. et terrestre. Mais ce bassin est aujourd’hui sou- barrages et des lacs collinaires.
Par ailleurs, Agadir pèse considérablement mis à des pressions conjuguées – sécheresse et
dans le tourisme international au Maroc : augmentation des prélèvements d’eau – ren- (1) Espèce dont la répartition est circonscrite à un lieu. 80 %
première ville touristique du pays, dant la situation critique. de l’arganeraie se trouve dans le Souss.
elle représente plus de 30 % de la capacité (2) Soit un taux d’accroissement annuel de 4,5 %.
d’hébergement. L’arrière-pays recèle un fort Compte tenu de la rareté des eaux superfi-
(3) Cette baisse de niveau est estimée à 0,5 à 2 mètres par an
potentiel de développement du tourisme cielles, le développement repose sur l’exploita- en moyenne.
rural et de l’écotourisme. tion des eaux souterraines qui représentent (4) Au Maroc, le terme désigne une zone de culture sèche.
89
Le Maroc en perspective :
regards croisés L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Les défis de l’eau : le bassin du Souss

Les bassins versants de Souss-Massa ré-alimentation des nappes), de sa rationalisa-


tion et de son économie (réduction de la
consommation). Différents scénarios à l’hori-
zon 2020 ont été étudiés dans le cadre du plan
directeur d’aménagement intégré des res-
sources en eau. Dans tous les cas, la demande
en eau ne pourra être satisfaite que par la pour-
suite d’une surexploitation des nappes et par
des restrictions en période de sécheresse. Le
scénario le moins pessimiste réclame la mobi-

Direction de l’Hydraulique, Agence du bassin hydraulique du Souss-Massa


lisation maximale des eaux de surface en mul-
tipliant les barrages et en réutilisant des eaux
usées pour l’arrosage non agricole, ainsi que le

ce
plafonnement des prélèvements.

Des actions à tous les niveaux


Les activités, particulièrement agricoles et tou-

an
ristiques, doivent réduire leurs prélèvements et
leurs rejets polluants. Les produits agricoles
actuels exportent l’eau d’une région où elle est
rare. Des évolutions sont nécessaires afin de
l’économiser par la généralisation de la micro-

Un contexte climatique semi-aride


Les précipitations sont très irrégulières
Fr
Le dessalement de l’eau de mer, devenu
irrigation, voire par la reconversion vers des
productions moins gourmandes en eau. Le
fonctionnement des complexes touristiques
techniquement abordable, pourra réduire cer- sont également interpellés (xeriscaping(7) des
e-
à la fois pendant l’année et d’une année taines tensions d’approvisionnement, mais ne espaces extérieurs, gestion des piscines et des
sur l’autre. Les régimes hydrologiques
sont caractérisés par l’alternance dédouane pas d’une recherche permanente terrains de golf).
de périodes de sécheresse et de forte d’économies d’eau et du maintien des res- Le défi le plus difficile à relever est d’enrayer la
pluviométrie, voire d’inondations. sources en eau douce, cruciales pour un amé- tendance générale à la dégradation des sols et
-d

Les précipitations sont, par ailleurs, nagement équilibré du territoire. du couvert végétal afin de favoriser le renouvel-
inégalement réparties entre les régions, lement de la ressource. Les aménagements des
la moyenne annuelle dépassant
1 000 millimètres dans les zones Une gestion à rationaliser bassins versants et les modes de gestion de l’es-
montagneuses du Nord ou se limitant Les activités économiques locales sont tribu- pace propres à réduire les vitesses d’écoule-
île

à 300 millimètres dans le Sud, taires des ressources naturelles difficilement ment des eaux pluviales et l’érosion des sols
comme dans le Souss-Massa. renouvelables que sont l’eau et l’arganier. L’aug- sont à généraliser. Depuis 1998, la mise en place
mentation des prélèvements d’eau est due au de la réserve de biosphère de l’Arganeraie par
développement de l’agriculture irriguée(5) et au l’Unesco est un atout à valoriser pour concilier
développement urbain et touristique. développement rural et maîtrise des pressions
U

Le développement durable de la région du anthropiques.


Souss-Massa est conditionné par une gestion Il faut également veiller à la préservation du lit
rationnelle de l’offre et de la demande en eau. majeur des oueds, qui sont des surfaces privilé-
IA

Cette gestion concerne tous les territoires giées d’infiltration des eaux. L’accroissement
(urbains/ruraux, plaine/montagne) qui doivent de la sécheresse fait perdre la mémoire du lit
C. Thibault/IAU îdF

être solidaires, et mobilise de très nombreux des oueds. Conjuguée à la pression urbaine,
acteurs. Les défis de l’eau rejoignent ceux de elle conduit à des occupations urbaines ina-
l’aménagement du territoire, ce qui a notam- daptées qui font obstacle à l’écoulement natu-
ment motivé l’élaboration du schéma d’amé- rel des eaux et augmente les risques de pertes
Le barrage Youssef Ben Tachfine nagement de l’aire métropolitaine d’Agadir humaines et de dégâts matériels.
sur l’oued Massa permet de retenir (Satama)(6). En effet, les enjeux et les champs
les eaux superficielles, en d’intervention sont multiples : favoriser l’infil-
complément des eaux souterraines. tration et freiner le ruissellement, éviter l’enva-
sement des barrages, économiser l’eau, préser-
Références bibliographiques ver sa qualité, concilier les usages, desservir (5) L’agriculture irriguée consomme près de 95 % des res-
équitablement les populations en eau potable sources en eau mobilisées sur le bassin.
(6) Voir dans ce numéro des Cahiers, LASLAMI Abdelillah, SAID
• Site Internet de l’Agence du bassin et assainissement. Victor, « Satama : référentiel pour la métropole d’Agadir »,
hydraulique du Souss-Massa (ABHSM) : La durabilité de l’exploitation de la ressource, p 145. Lire également « Agadir, une vision territoriale inté-
www.abhsm.ma grée », Les Cahiers n° 152, Composer avec l’environnement,
• Site Internet du secrétariat d’État chargé
dans un contexte naturel défavorable, dépend
octobre 2009.
de l’Eau et de l’Environnement du à la fois de son renouvellement et de sa mobi- (7) Technique de jardinage nécessitant peu d’eau et peu
Royaume du Maroc : www.water.gov.ma lisation (construction de nouveaux barrages, d’entretien.
90
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain

Des plans verts


pour les villes marocaines
Nelly Barbieri(1)
Architecte urbaniste

La direction de l’Urbanisme du Maroc


a sollicité l’appui technique de l’Iaurif
pour la définition du concept
de « plans verts » et pour le lancement

ce
des études afin d’établir des références
et des normes propres au contexte
marocain. Quatre missions(2)

an
ont été effectuées sur ce thème
dans le cadre de la coopération
franco-marocaine, avec le concours
P. Louchart/IAU îdF
du service de coopération
Fr de l’ambassade de France au Maroc.
e-
a demande de la direction de l’Urba- plans verts. Elles constituent un document de

L
Les espaces verts permettent
d’assurer un équilibre nisme était fondée sur plusieurs référence appelé à s’enrichir progressivement
avec les espaces bâtis constats : une carence généralisée des en établissant une typologie d’espaces verts
dans le tissu urbain et répondent villes en espaces verts, leurs difficultés à en existants, ainsi que des normes et des recom-
-d

à des besoins vitaux de vie sociale créer de nouveaux ou à maintenir ceux qui mandations qualitatives adaptées au contexte
et de santé publique. existent, et les besoins de la population. Ce diag- marocain pour la création de nouveaux
nostic soulignait également la complexité de espaces verts. Cette démarche a mené à l’élabo-
la préservation des terrains non bâtis dans l’es- ration de recommandations concernant la réa-
île

pace périurbain des villes. En effet, le rythme lisation de plans verts.


soutenu de la croissance urbaine et les exten-
sions d’urbanisation irrégulières, malgré l’effort La typologie des espaces verts existants
d’élaboration de plans d’urbanisme, tendent à Ainsi, la typologie des espaces verts se déduit
consommer les terrains non bâtis. Le diagnostic de relevés et d’états descriptifs des espaces exis-
U

précisait enfin que, jusqu’alors, les espaces verts tants, reconnus ou de fait, renseignant sur leur
existants n’avaient pas fait l’objet d’études par- localisation, leurs caractéristiques physiques et
ticulières. paysagères, leur fréquentation et leurs usages,
IA

L’expérience de l’Iaurif dans l’élaboration des ainsi que leur situation administrative et finan-
plans verts en France était un atout majeur. Le cière. En l’occurrence, ces relevés seraient réa-
plan vert de la région Île-de-France, ainsi que lisés sur plusieurs communes, dans des agglo-
d’autres plans à des échelles communales et mérations différentes, représentatives de la
intercommunales, ont fait l’objet de présenta- diversité géographique du Maroc et à des
tions et d’échanges techniques lors de la pre- stades de développement et d’urbanisation
mière mission. Cette dernière a abouti à l’élabo- plus ou moins avancés. Ces états seraient
ration d’une proposition pour l’établissement complétés par des informations relatives aux
des termes de référence des études prioritaires aspirations de la population – notamment des
à lancer. Elle a pris en compte le contexte maro- jeunes – recueillies dans les quartiers.
cain en termes d’espaces géographiques et de Deux grandes catégories d’espaces seraient
moyens réglementaires, fonciers et financiers. ainsi analysées. La première concerne les
espaces verts urbains ouverts au public et les
En effet, des études préalables à la réalisation espaces d’accompagnement d’équipements,
de plans verts doivent être effectuées pour four-
nir des outils de connaissance et de réflexion (1) Ancienne chargée d’études à l’IAU îdF.
(2) Ces missions ont été réalisées par Nelly Barbieri en
aux collectivités et aux techniciens en charge novembre 2000, en octobre 2001 et en mai 2002, et par
de la mise en place de l’élaboration de ces Corinne Legenne en octobre 2003.
91
Le Maroc en perspective :
regards croisés L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des plans verts pour les villes marocaines

notamment routiers, qui se présentent comme La deuxième mission a servi à examiner le pro-
des îlots non construits imbriqués dans le tissu jet de termes de référence préparé par la direc-
urbain, et qui pourraient jouer un rôle primor- tion de l’Urbanisme pour réaliser le guide d’éla-
dial comme équipements de loisirs. La seconde boration des plans verts. Le programme de cette
comprend les espaces verts et naturels péri- étude comprenait également la réalisation d’un
urbains multifonctionnels dont le rôle écolo- plan vert expérimental sur la ville de Safi. Le
gique et de protection des ressources naturelles choix s’est porté sur cette ville en raison des
ou contre les risques serait important à préciser. graves risques naturels et industriels auxquels
Il peut s’agir d’espaces verts de fait et non offi- elle a été confrontée. Ils obligeaient à une réha-
ciels. bilitation du site, à laquelle l’aménagement
Pour les espaces périurbains, leur connaissance d’espaces verts devrait contribuer. Les termes
E. Roche

passe par une cartographie spécifique de l’oc- de référence de l’étude à engager ont été pré-
cupation des sols, complétée par d’autres don- cisés et l’intérêt de Safi comme site pour l’étude

ce
Une politique nationale d’espaces nées d’environnement sur les sols, l’hydrologie, expérimentale d’un plan vert a été confirmé.
verts permettrait de donner etc. La typologie résultante pourrait combiner À la suite de la deuxième mission, l’étude du
un cadre aux actions en faveur l’occupation du sol et l’intérêt variable qu’ils guide d’élaboration des plans verts comportant
de la nature et de l’environnement. présentent au regard de la protection de l’envi- le plan vert expérimental de Safi a été confiée,

an
ronnement ou de leur valeur économique. Elle par la direction de l’Urbanisme, à un groupe-
nourrirait la réflexion des collectivités dans le ment d’architectes. Parallèlement, l’agence
choix de ceux qui seraient à aménager pour urbaine de Kenitra-Sidi Kacem se proposait de
les loisirs et la détente des habitants. réaliser l’étude du plan vert de sa ville.
La typologie déduite de ces relevés sera Ainsi l’examen du Rapport d’établissement de
Fr
confrontée aux indications en matière d’es-
paces verts figurant dans les documents d’urba-
nisme. Les données relatives aux coûts de créa-
la démarche, première phase de l’étude faite
par les architectes chargés du guide et celui du
plan de travail de l’agence de Kenitra, a permis
tion et aux coûts d’entretien seront ensuite de souligner les points importants de la
e-
reliées avec leur conception, leur fonction et démarche à suivre.
leur fréquentation. Le choix des villes pilotes est un enjeu majeur.
Cette approche permettra d’orienter la concep- Il devra représenter la diversité des villes du
tion des espaces verts à créer, afin de la rendre Maroc, du point de vue géographique – ville
-d

cohérente avec les usages attendus et de limi- côtière, montagnarde, saharienne – et du point
ter les coûts de gestion souvent très élevés. La de vue urbanistique, en prenant en compte les
disposition des surfaces minérales et végétales différents stades de développement et les diffé-
doit rendre l’entretien facile, sans diminuer la rents tissus urbains : médina, quartiers euro-
île

qualité des usages, et doit donner la primauté péens et post-Indépendance, franges péri-
à l’espace végétal. urbaines.

Les normes et les recommandations Considérer la ville dans son ensemble


qualitatives pour la création Tous les espaces existants devront être analy-
U

des espaces verts sés. Il faudra également tenir compte des


Une fois le référentiel et la typologie des espaces situés en couronne périurbaine – utili-
espaces verts constitués, il s’agira d’en tirer des sés de fait par les jeunes pour les jeux de bal-
IA

conclusions en termes de politique d’espaces lon –, qui présentent des opportunités pour de
verts à généraliser à l’échelle nationale, poli- futurs espaces verts de loisirs.
tique qui devrait s’inscrire dans un cadre plus L’importance du référentiel des espaces verts a
large d’actions pour la nature et l’environne- été rappelée. Il devra présenter, décrire et ana-
ment. Cette politique comporterait des objec- lyser tous les espaces verts, les jardins remar-
tifs et des normes globales concernant essen- quables comme les jardins historiques, mais
tiellement les espaces verts urbains et aussi les jardins plus modestes des périodes
périurbains. Devront également y être traités les contemporaines et les espaces non aménagés
moyens de sa mise en œuvre, en termes de qui servent actuellement d’espaces de jeux et
règles d’urbanisme et de politique foncière. de détente. En plus de leur description spatiale,
À la suite de ces travaux préliminaires, un guide leurs équipements devront être mentionnés,
d’élaboration de plans verts sera réalisé. Il sera ainsi que les modalités de leur fréquentation
destiné à servir d’instrument technique d’ap- et leurs usages.
plication de la politique des espaces verts. Sur Dans un contexte de carence, les plantations
la base d’un premier projet de guide, un plan de l’espace public (rues et places) devront éga-
vert expérimental serait à réaliser afin de vali- lement être relevées. Elles assurent une pré-
der la démarche avant de la diffuser au niveau sence végétale dans la ville où elles apportent
national. ombre et fraîcheur et peuvent être, selon leur
92
configuration, des espaces de détente en aménagée en espaces verts afin d’être ouverts
période chaude. au public en fin de journée et pendant les fins
Ces espaces reliés en réseau par des voiries de semaine, dans le cadre d’une convention.
plantées d’alignements d’arbres constitueront, Ces études de terrain d’espaces verts ou ouverts
par leur complémentarité, un véritable plan vert existants utilisés par les habitants pour leur
d’agglomération. De cette façon, les carences détente sont indispensables pour construire la
en espace vert d’un quartier pourront être com- typologie de référence. Même si le nombre de
pensées par d’autres à proximité dont l’acces- villes étudiées est limité, il est fondamental de
sibilité sera facilitée par le réseau vert ainsi recueillir les données sur tous les espaces et
constitué. non pas sur un échantillon de cas jugés à priori
signifiants, et de faire apparaître la situation glo-
Le niveau de dégradation des espaces verts bale dans sa réalité en plus des caractéristiques
existants sera abordé. Cette détérioration peut de chacun des espaces.

ce
provenir d’une défaillance dans la gestion, mais Les autres missions ont servi à poursuivre la
aussi de la conception des espaces dont les démarche et à apporter un regard extérieur sur
coûts d’entretien sont élevés lorsque les amé- l’avancement des travaux du projet pilote de
nagements ne sont pas en adéquation avec la Safi et sur l’évolution des travaux de l’agence

an
fréquentation prévisible. urbaine de Kenitra.
La localisation des espaces verts est importante
pour mettre en évidence l’inégalité de la des- Aujourd’hui, la problématique des plans verts
serte par rapport aux densités de population. au Maroc est complètement intégrée dans les
L’exemple de Rabat montre que les espaces réflexions et les démarches des décideurs et
verts se trouvent dans un environnement
urbain de densité moyenne et rarement à proxi-
mité des zones d’habitat populaire à forte den-
Fr
des acteurs de l’aménagement et de l’urba-
nisme. Cette question est d’ailleurs évoquée
clairement dans les nouveaux textes des pro-
sité. jets de réforme actuellement en cours dans ce
e-
domaine. Elle est abordée non seulement pour
Les opportunités foncières assurer l’équilibre et l’harmonie entre les
sont à préserver pour la création espaces bâtis et les espaces végétaux dans le
d’espaces verts tissu urbain, mais surtout en termes de besoin
-d

La problématique majeure pour créer de nou- vital pour la vie sociale et la santé publique,
veaux espaces verts est celle du foncier dispo- dans une vision de développement durable.
nible et de son coût. Parmi les terrains disponi- Enfin, il est à signaler que la tradition maro-
bles figurent les carrières, mais d’autres caine de création d’espace végétalisé au cœur
île

opportunités sont envisageables. Par exemple, des maisons traditionnelles trouvera sûrement
les emprises d’équipements publics, notam- son écho dans l’espace public avec l’évolution
ment d’équipements scolaires, offrent des pos- du mode d’habitat et la modernisation du pays.
sibilités pour qu’une partie des terrains soit
U
IA

Les espaces verts


et les jnanates (jardins)
sur les collines autour de la médina
de Fès sont des atouts majeurs
pour assurer un équilibre
et un contraste avec la densité
des espaces bâtis.
Ils dégagent de grands horizons
F. Rousseau

depuis et vers la médina


et font partie de la trame verte.
93
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain

Développement et gouvernance
Claude de Miras(1) des services publics urbains
Institut de recherche
pour le développement

Pour accompagner une urbanisation


active, le Maroc développe une stratégie
de mise à niveau généralisée des
infrastructures et des services urbains.
Dans cette démarche, l’enjeu est triple :

ce
assurer le développement humain
en luttant contre la pauvreté, organiser
une gouvernance multi-acteurs

an
pour articuler contraintes publiques
et recouvrement des coûts, et assurer

Claude de Miras/© IRD


la coordination des projets
Fr de développement territorial
dans le cadre de la décentralisation.
e-
urbanisation rapide(2) du Maroc prend lation urbaine à un réseau d’assainissement

L’
Les services urbains sont un enjeu
majeur pour la population majoritairement la forme d’une exten- assurant un taux d’épuration de 60 %. Le renfor-
et l’environnement. Dans ce sens, sion périurbaine des différents types cement et la réhabilitation des réseaux exis-
un programme national d’habitat, du haut standing international à l’ha- tants constituent un objectif connexe.
-d

d’assainissement et d’épuration bitat social, avec des poches persistantes de Ce plan constitue un cadre permettant des sub-
des eaux usées a été mis en place. bidonvilles en cours de traitement(3). ventions importantes de l’investissement. Il illus-
La référence aux Objectifs du millénaire et au tre le réengagement de l’État comme concep-
développement durable et humain a mis au teur et assembleur des composantes d’une
île

jour la nécessité de retisser le maillage de l’ac- stratégie d’assainissement. L’Office national de


tion publique urbaine au Maroc. Engagé dans l’eau potable (Onep) assurera 80 % des projets
une dynamique de transition économique et 50 % des investissements(4) du PNA. Celui-ci
rapide, le Royaume a entrepris ou étendu devrait générer une ressource fiscale de
depuis quelques années la mise à niveau secto- 380 millions de dirhams et induire la création
U

rielle et territoriale des infrastructures des ser- de 10 000 emplois dans le secteur du BTP dans
vices en réseaux : électricité, eau potable, assai- 260 villes(5). Une taxe d’assainissement sera
nissement, transports, mais aussi salubrité
IA

publique, embellissement urbain, etc. Une


(1) Économiste, directeur de recherche de l’Institut de
volonté politique, appuyée par Sa Majesté le recherche pour le développement.Affecté auprès de la direc-
Roi Mohammed VI, est à l’origine de l’exten- tion générale des Collectivités locales/direction de la Plani-
sion de ces biens communs, qui sont la clé pour fication de l’équipement du ministère de l’Intérieur, Hay Riad
Rabat.
aborder un développement urbain durable. (2) La population marocaine croît de 1,48 % par an. Le taux
Deux exemples illustrent particulièrement cette d’urbanisation est évalué en 2008 à 56 % et évolue à la hausse
stratégie nationale. en moyenne de 1,8 % par an (estimation 2005-2010). Les deux
tiers de la population urbaine marocaine sont concentrés
dans les villes de plus de 100 000 habitants.
Le plan national d’assainissement (3) Le programme Villes sans bidonvilles (2004-2010), en rela-
Le rattrapage des retards considérables en tion avec l’INDH, concerne 83 villes, 1 000 bidonvilles et
280 000 ménages pour un investissement total de 21,4 mil-
matière d’assainissement et de dépollution liards de dirhams. Les ressources proviennent du fonds
industrielle a imposé le soutien de l’État. Dans public de solidarité habitat (financé entre autres par une
cette perspective, la commission interministé- taxe prélevée sur les ventes de ciment) et de contributions
de bailleurs ou donateurs étrangers. Les bénéficiaires sont
rielle de l’Eau (CIE) avait recommandé, en mis à contribution.
2002, la mise en œuvre d’un programme natio- (4) Les investissements du PNA s’élèvent à 43 milliards de
nal d’assainissement (PNA) et d’épuration des dirhams sur la période 2006-2020.
(5) Le PNA ne concernait pas les villes en régime de conces-
eaux usées. L’objectif de ce PNA est de permet- sion avec des opérateurs privés, mais ce principe semble
tre, à l’horizon 2020, l’accès de 80 % de la popu- s’assouplir.
94
demandée aux usagers en vertu du principe tique de la coordination intra et inter-territo-
du recouvrement des coûts. Le bouclage défini- riale devient centrale. Si la région et l’autorité
tif du financement est à l’étude. des walis sont le lieu stratégique de cette fonc-
tion, le renforcement des capacités techniques
L’Initiative nationale et institutionnelles de ce management régio-
pour le développement humain (INDH) nal est au centre du projet de régionalisation en
et le projet INDH-Inmae de la Lydec cours de réflexion. Cependant, le rôle de l’auto-
La Lyonnaise des eaux de Casablanca (Lydec) rité déconcentrée de l’État, dans le contexte de
a mis en place en 2005 le département Inmae(6), construction de la décentralisation, implique
dédié à l’application de l’INDH(7) à l’échelle du qu’elle combine accompagnement, autonomi-
Grand Casablanca en matière d’accès aux ser- sation et construction des compétences tech-
vices essentiels. Ce département travaille à la niques des collectivités locales. Celles-ci ont,
restructuration in situ des quartiers précaires en vertu des chartes communales de 2002 et

ce
ciblés par l’INDH, en donnant accès aux de 2008, la responsabilité des services publics
réseaux à 85 000 foyers. 69 % de l’investissement locaux. Après la question de l’électricité et de

V. Said/IAU ÎDF
concerne l’assainissement. Les ressources l’eau potable, le Maroc s’attache aujourd’hui à
mobilisées proviennent du contrat de gestion traiter celle des déchets solides et de l’assainis-

an
délégué (19 %), des bénéficiaires (12 %), des sement. Les transports publics urbains, plus
partenaires (11 %), des subventions et dons composites par la présence d’un secteur infor- Les services urbains au Maroc,
(7 %) et des communes (2 %). Ce montage mel important, évoluent de façon moins une tradition à perpétuer.
financier laisse voir un besoin de financement linéaire, même si des infrastructures de tram-
à hauteur de 49 % du coût du projet. way se mettent en place. La préoccupation
Au-delà des objectifs quantitatifs, le projet
INDH-Inmae est caractérisé par la spécificité
de sa gouvernance et de son financement.
Fr
d’hygiène et de salubrité publiques émerge
également, en réponse à des niveaux de vie en
hausse et à une exigence touristique forte. L’ar-
Références bibliographiques

« Projet INDH-INMAE, 2009. État


D’une part, en mettant en avant les enjeux ticulation entre le privé et le public reste une •
e-
sociaux stratégiques, le projet recherche, avec dimension de l’extension de ces services d’avancement des opérations », wilaya
du Grand Casablanca, Lydec, Inmae,
les administrations publiques et les instances publics locaux. Le questionnement a évolué : direction INDH-Inmae, version du
politiques territoriales, les solutions les plus effi- comment combiner régulation et efficacité 30 juin 2009.
caces. Ainsi, la gouvernance pro-active – au économique et sociale ? Avec ses capacités • MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR, MINISTÈRE DE
-d

sens de coordination d’acteurs interdépen- techniques et commerciales, le secteur privé L’HABITAT, DE L’URBANISME ET DE
L’AMÉNAGEMENT DE L’ESPACE, « Cadre
dants – devient pour l’opérateur une activité doit aller vers des PPP permettant de mettre en
d’orientation pour une stratégie
aussi stratégique que la construction technique phase les conditions contractuelles et les choix nationale de développement urbain »,
des réseaux. D’autre part, le financement est stratégiques nationaux (décentralisation et sou- forum national du développement
île

dynamique ; le projet a débuté sans disposer veraineté nationale). urbain, Skhirat, 22 et 23 janvier 2009.
de la totalité des fonds. L’adhésion des autorités Financement : au-delà de la mobilisation de • BaNQUE MONDIALE, « Revue stratégique du
et de donateurs constitue une des conditions l’aide au développement, les capacités natio- programme national d’assainissement »,
Banque mondiale, Bureau régional
de mobilisation de nouvelles sources de finan- nales de financement s’apprécient en fonction Moyen-Orient et Afrique du nord,
cement. Sur ces principes, le bouclage finan- des perspectives de croissance macro-écono- partenariat Banque mondiale/KFW,
U

cier sera assuré à l’échéance du projet, mais il mique qui agissent sur le recouvrement des mai 2008.
y a sans doute des enseignements réplicables à coûts auprès des clients et sur les recettes • BaNQUE MONDIALE, « Royaume du Maroc :
tirer de cette expérience unique por poor dont publiques. Mécanismes et flux de financement du
secteur de l’eau », Banque mondiale,
IA

le financement – en régime de concession – bureau régional Moyen-Orient et Afrique


est principalement de la responsabilité de En conclusion, la dynamique d’émergence du du nord, groupe développement
l’opérateur privé. Maroc n’est plus seulement une conséquence durable, avril 2008.
L’INDH confirme ainsi le rôle d’interface de de ses choix de croissance ouverte : elle peut • DE MIRAS Claude, « Initiative nationale
l’État et de ses relais institutionnels. Elle atteste aussi être un puissant facteur d’évolution en pour le développement humain et
économie solidaire au Maroc. Pour un
que la pleine efficacité des partenariats public- contribuant aux transformations structurelles accès élargi à l’eau et à
privé (PPP) suppose un engagement de l’ac- de développement. Cette combinaison entre l’assainissement », revue Tiers Monde
tion publique pour assurer le fonctionnement stabilité sociale et institutionnelle, et dyna- n° 190, août 2007, pp. 357-378.
des administrations concernées, ceci afin de misme, favorisé par l’ouverture à l’internatio- • DE MIRAS Claude et LE TELLIER Julien, avec
limiter les coûts des transactions de type insti- nal et la hausse des revenus, font l’identité du la collaboration de SALOUI Abdelmalik,
Gouvernance urbaine et accès à l’eau
tutionnel. Cette stratégie nationale de mise à Maroc en reflétant une évolution progressive potable au Maroc. Partenariat public-privé
niveau urbaine multisectorielle et multi-acteurs du contrat social. à Casablanca et Tanger-Tétouan,
vise la lutte contre la pauvreté, la stabilité L’Harmattan, coll. « Villes et entreprises,
sociale et l’attractivité internationale. Elle doit Isted », 2005.
affronter trois défis majeurs : la coordination • DE MIRAS Claude, Intégration à la ville et
services urbains au Maroc, Institut
des projets de développement territoriaux, leur national d’aménagement et
gouvernance et leur financement. (6) Inmae signifie développement en arabe. d’urbanisme, Institut de recherche pour
Coordination et gouvernance : la probléma- (7) Initiative nationale pour le développement humain. le développement, novembre 2005.
95
Vers une approche
globale de la qualité

ce
de vie

an
La qualité urbaine face
aux enjeux de la ville de demain
Fr 97

La qualité architecturale,
e-
une tradition qui se perpétue 100

La place des quartiers Art déco


-d

dans les villes d’aujourd’hui 104


île

Le patrimoine au Maroc :
l’enjeu identitaire à travers l’histoire 107
U
IA
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Vers une approche globale de la qualité de vie

Allal Sakrouhi(1) La qualité urbaine face


Wali, directeur général
des collectivités locales aux enjeux de la ville de demain
Ministère de l’Intérieur

Enjeu majeur d’un aménagement


équilibré, la qualité urbaine implique
une réflexion globale sur l’espace,
l’écologie, la gouvernance et l’usager.
Avec des ressources limitées, réaliser

ce
des espaces de qualité répondant
aux besoins croissants et favorisant
la cohésion sociale et spatiale relève

an
parfois de l’exploit. Pour améliorer
l’appropriation de l’espace et l’attractivité
des villes, le Wali évoque différentes
Fr V. Said/IAU îdF facettes de la qualité urbaine à travers
le concept de durabilité.
e-
a qualité urbaine représente un enjeu pression, de communication et d’intégration.

L
Le réaménagement de la corniche
de Casablanca participe stratégique pour le développement La durabilité écologique se traduit par l’apti-
à l’amélioration de la qualité urbain durable car elle met l’accent sur tude du sol à l’accueil des différentes occupa-
urbaine de l’ensemble de la ville. les durabilités économique, sociale, écologique tions et par la pression que la cité exerce sur les
-d

et culturelle. ressources naturelles et l’environnement de


La durabilité économique, perçue sous un manière générale.
angle urbain, est une quête assidue de crois- La durabilité culturelle est engendrée par la
sance économique soutenue, pourvoyeuse valorisation de la diversité culturelle, atout et
île

d’emplois urbains et de richesses. Cependant, richesse des villes composites.


dans un contexte de rareté, cette quête vise la Les villes marocaines sont conscientes que
mise en place d’un système de production et l’avenir se fera inévitablement dans un souci
de consommation économe, notamment en de qualité urbaine. Elles ont déjà investi le
termes d’énergie et de ressources, aussi bien monde de l’entreprise en terme de fonctionne-
U

financières que naturelles. De même, en abor- ment, chassant l’improvisation et imposant une
dant la durabilité économique, on ne peut volonté de bien faire dans la maîtrise du temps,
négliger la question de la mise en œuvre de et une adéquation entre les ressources et les
IA

tout projet urbain ni les retombées attendues coûts.


sur le développement économique local. Le pouvoir public reconnaît, pour sa part, l’uti-
La durabilité sociale évoque surtout le niveau lité d’une politique urbaine bâtie sur la qualité
des prestations et des services rendus au des lieux au service des « faiseurs » de ces lieux,
citoyen. Elle soulève la question de l’accessibi- à savoir de ceux qui les pratiquent quotidienne-
lité aux différents lieux de la ville, aux multi- ment, les usagers.
ples services (éducation, santé, assainissement,
etc.), au logement, notamment à l’accès à la La qualité des espaces :
propriété et à toutes les composantes spatiales des facteurs multiples
de la ville. Ceci sans ostracisme ni discrimina- La qualité des espaces dépend tout d’abord
tion pour ne pas exacerber les distances entre d’une organisation spatiale bien conçue et
couches sociales et donner l’impression que répondant aux normes techniques. Elle relève
la ville est faite pour certains et non pour l’en- aussi d’un ensemble de facteurs qualitatifs tels
semble de la population. que la proximité, la mixité des fonctions et la
La durabilité spatiale passe par une réduction pluralité des usages. L’aménagement harmo-
des disparités entre les différentes parties de la
ville. Elle crée une cohésion urbaine par l’es- (1) Ancien Gouverneur, directeur de l’Agence urbaine du
pace public, ouvert ou fermé, comme lieu d’ex- Grand Casablanca.

97
Le Maroc en perspective :
regards croisés Vers une approche globale de la qualité de vie
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 La qualité urbaine face aux enjeux de la ville de demain

Luc Viatour/www.lucnix.be
ce
La qualité urbaine s’apprécie
également par la cohabitation
des usages et l’appropriation

an
de l’espace par les habitants.

nieux des espaces à usage multiple permet une démarche de développement urbain dura-
d’assurer une cohésion spatiale et sociale, ainsi ble. C’est, sans doute, à ce titre que le pouvoir
qu’une articulation cohérente des différentes local essaie d’investir le champ de la planifica-

taires et non compétitives.


Fr
parties de la ville, celles-ci étant complémen-

Elle résulte enfin d’une meilleure insertion de


tion stratégique en définissant une vision et des
objectifs clairs et partagés avec tous les acteurs
couronnés par un projet urbain qui se traduit
l’espace dans le contexte urbain global. Cet par une stratégie d’actions. Pour garantir la qua-
e-
espace peut être une rue, une place, un quartier lité de ce projet, il est fait appel à des compé-
où la qualité est recherchée non seulement tences nationales et internationales aussi bien
dans le domaine de l’urbanisme, mais égale- pour l’élaboration (IAURIF pour le schéma
ment dans celui de l’architecture. Ceci afin directeur d’aménagement urbain du Grand
-d

de concilier le fonctionnel, l’esthétique et l’éco- Casablanca), que pour la mise en œuvre des
logique. projets d’envergure (des architectes et urba-
La qualité des espaces est parfois inhérente aux nistes de renommée mondiale sont sollicités
sites ou au bâti lui-même. Il suffit, pour ne pas la pour dessiner, programmer et contribuer à la
île

réinventer, de la mettre en valeur et de la « re- réalisation de ces projets(2)). Cette entreprise se


qualifier », autrement dit, de lui restituer sa qua- veut aussi associative et participative, accordant
lité originale mise à mal faute d’entretien ou un intérêt particulier à l’attitude du citoyen,
parce qu’on a voulu pousser, pour des raisons considéré comme sujet et destinataire de toute
souvent spéculatives, à la dégradation. Le cas action urbaine de qualité.
U

de l’architecture Art déco à Casablanca illus-


tre bien cette situation qui interpelle la gouver- La qualité des usagers de l’espace
nance. urbain
IA

Cet aspect met en avant le rapport du citoyen


La qualité des acteurs de l’espace urbain à l’espace urbain. La perception du lieu dans
En arrière-plan des durabilités invoquées précé- lequel il évolue influence nettement le senti-
demment, on trouve l’intérêt accordé par le ment d’appartenance au territoire. La qualité
développement urbain durable au facteur urbaine s’analyse ici comme la capacité de
temps, à la rationalisation de la ressource répondre aux demandes variées de l’usager :
publique et à la performance de l’action per- qualité de transport, de circulation et, de
çue comme nécessairement collective et inté- manière générale, accès aux services. Ces cri-
grant des politiques sectorielles. Autant tères forment la base de la grille de lecture et
d’objets qui forment ce qu’on appelle la gou- de jugement de l’action publique. Un des
vernance urbaine. apports indiscutables de l’INDH(3) est sans
La qualité urbaine exige manifestement une
bonne gouvernance urbaine, autrement dit un
(2) Voir dans ce numéro des Cahiers, ZEIGER Pauline et ZUNINO
personnel politique et technique qualifié. Ceux Gwenaëlle « Casablanca : laboratoire de l’évolution urbaine »
qui font l’espace urbain se doivent d’être ani- p. 33.
més et guidés par un souci de pertinence de la (3) Initiative nationale pour le développement humain.Voir
dans ce numéro des Cahiers, LOUCHART Philippe et SAIGAULT
décision, de performance et d’efficience de Jean-François, « Le Maroc d’aujourd’hui : dynamisme et
l’action. Ils doivent s’inscrire résolument dans ouverture » p. 8.
98
doute le bouleversement qu’il a entraîné Les limites de la qualité urbaine
autour de la notion d’équipement public. La qualité est par définition l’aptitude à répon-
En effet, l’introduction d’une nouvelle gamme dre à des besoins exprimés ou implicites d’une
d’équipements de proximité appelle une relec- façon satisfaisante. Or, l’action urbaine fait face
ture de la grille normative des équipements à l’accroissement de la pression des besoins
publics : la proximité prime désormais sur les sociaux dans un contexte d’insuffisance de res-
paramètres approximatifs de superficie et de sources. Elle ne cache pas non plus son incapa-
nombre. cité à répondre aux demandes formulées par le
Il faut souligner aussi le rapport du citoyen à citoyen, très attentif à ce qui se passe dans les
l’espace public qu’il n’arrive pas à s’approprier. pays occidentaux et dans d’autres villes du
Il est significatif de constater que le mode d’ha- pays, et qui devient de plus en plus exigeant.
biter fait prévaloir le dedans sur le dehors, rap- Une culture basée sur la qualité urbaine est en
pelant le modèle introverti des anciennes médi- train de se développer. Il n’en demeure pas

ce
nas dans la manière de construire, y compris moins que l’amélioration qualitative des
dans les agglomérations modernes. L’espace espaces urbains doit susciter, en retour, une
privatif est nettement supérieur à l’espace réactivité positive et un changement de com-
public, lieu de rejet au sens propre comme au portement du citoyen et l’inciter à une appro-

an
sens figuré du terme. priation de l’espace dans lequel il évolue.
Cependant, en se promenant dans des quar- La qualité urbaine fait donc partie du domaine
tiers d’habitat économique où la maison maro- du possible et, compte-tenu de la charge et afin
caine est dominante, on est frappé par la qua- de juguler la tension entre ressources limitées
lité de vie dans le quartier ou le derb, unité de et besoins croissants, le pouvoir politique se
voisinage très appréciée au sein de laquelle se
tissent des liens solides avec l’espace vécu et
où se déroule une vie sociale, collective très
Fr
trouve contraint de « prioriser » ses actions, opé-
rant une différenciation entre les besoins et les
réponses.
forte. C’est cette culture du quartier que les
e-
habitants des ensembles immobiliers essaient In fine, le travail sur la qualité urbaine est fon-
de réinventer. damental dans la perspective d’une meilleure
Mais de manière générale, hormis ces quelques compétitivité des villes marocaines et ne peut
cas d’appropriation de l’espace, on ne peut se réaliser indépendamment de la durabilité.
-d

échapper au constat selon lequel le citoyen se Il faut toutefois se garder de traiter la qualité
cantonne à observer l’action publique, parfois urbaine uniquement sous un aspect technique
dans l’indifférence et dans la critique ; le niveau sans considérer qu’elle est avant tout menta-
d’exigence vis-à-vis de la qualité des services lité, culture et socle de la cohésion sociale.
île

publics est croissant de la part des usagers.


Cette insatisfaction est sans doute l’une des
limites de la qualité urbaine.
U
IA

V. Said/IAU îdF

La marina d’Agadir allie


remarquablement fonctionnalité
et lieu de promenade pour tous.
99
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Vers une approche globale de la qualité de vie

La qualité architecturale,
Omar Farkhani une tradition qui se perpétue
Président de l’Ordre
national des architectes

Villes impériales, richesse artisanale,


villes nouvelles « européennes », le Maroc
a créé un lexique architectural qui
constitue un patrimoine et une tradition
reconnus. Forte d’un métissage culturel

ce
fécond, l’architecture actuelle,
sous influence internationale, s’interroge
sur le maintien de son identité

an
et sa contribution à la modernité.
Comment répondre à l’exigence
du développement, durable de surcroît,
Fr E. Roche
en faisant émerger des formes
et une qualité spécifiques ?
e-
histoire de l’architecture et de l’urba- vre marocains portent alors les idées et les

L’
La ré-interprétation des formes
architecturales anciennes illustre nisme du XXe siècle au Maroc est d’une théories dont ils se sont imprégnés durant leur
le dialogue entre tradition richesse indéniable. Les différents mou- formation. Dans les faits, pendant les premières
et modernité. vements qui se sont succédé représentent décennies de l’Indépendance, la production
-d

autant d’étapes significatives dans la recherche architecturale marocaine, fortement imprégnée


d’une écriture spatiale contemporaine maro- de « modernisme », s’inspire avec plus ou moins
caine. Libérée des grandes idéologies, il est de bonheur des œuvres de ses aînés modernes
temps que l’architecture actuelle se ressource, publiées dans les revues alors à la mode.
île

sans complexe, dans « la compétence d’édifier » La reconstruction d’Agadir(2) a représenté un


des anciens, nourrie des savoirs d’aujourd’hui. paroxysme dans l’adoption de l’architecture
moderne au Maroc. Si l’urbanisme de la ville
Un XXe siècle riche d’enseignements reconstruite a été critiqué pour son fonction-
Pendant la période du Protectorat (1912-1956), nalisme inspiré de la Charte d’Athènes(3), l’œu-
U

une partie du patrimoine marocain a bénéfi- vre des architectes est aujourd’hui encore
cié d’une grande attention des gouvernants encensée par la postérité. « […] Signe de sa
français, mais dans des conditions qui conti- force, cette architecture permet l’extravagance
IA

nuent à faire débat. Il a été reproché à l’autorité et le génie. […] Jean-François Zevaco, irréduc-
de l’époque de « muséifier » ce patrimoine. tible à tout modèle, […][et] profondément
Nonobstant ce débat, la création de villes nou- lyrique, gère avec une agilité stupéfiante, qui a
velles, destinées aux populations européennes, souvent choqué, la contradiction entre une
a offert aux architectes européens la possibi- modernité rigoureuse et un besoin de chaleur
lité de déployer la pleine mesure de leur talent très baroque. Moyen de cette recherche, un
en réinterprétant des formes architecturales et vocabulaire extrêmement volubile de formes
urbaines importées d’Europe à travers le filtre chaque fois inventées, retravaillées, combinées
d’« arabisances(1) ». Cela consistait à utiliser un
vocabulaire architectonique et une modéna-
(1) BEGUIN François, Arabisances, Paris, Dunod, 1983.
ture puisés dans le patrimoine bâti historique (2) Après le séisme de 1960.
marocain, dans une mise en scène urbaine et (3) La Charte d’Athènes, document majeur de l’urbanisme
dans des formes architecturales européennes. contemporain dans laquelle prédominent les thèses de Le
Corbusier, a été collectivement rédigée en 1933. Certains de
À partir de l’Indépendance (1956), les archi- ses articles formulent, sans doute, la thèse essentielle (qui
tectes marocains ont progressivement investi valut au mouvement le nom de fonctionnalisme) relative au
le champ de la production architecturale et partage de l'espace urbain (ou zoning), déjà conceptualisé
par Tony Garnier, selon une distinction nette entre quatre
urbaine dans leur pays. Formés en Occident, fonctions fondamentales : habiter, travailler, se récréer,
particulièrement en France, les maîtres d’œu- circuler.
100
pour donner à chaque composition une force du grand public et aux lubies des grands maî- Un patrimoine de valeur
exceptionnelle(4) ». tres d’ouvrage publics ou semi-publics. Ces der- Médina de Fès, médina de Marrakech,
Malheureusement,Agadir ne fut qu’une paren- niers sont souvent plus soucieux d’afficher sur médina de Tétouan (ancienne Titawin),
médina d’Essaouira (ancienne Mogador),
thèse heureuse dans la production architectu- leurs projets les griffes de stars mondiales de ksar d’Aït-Ben-Haddou, site archéologique
rale marocaine rendue possible par une situa- l’architecture que de contribuer au développe- de Volubilis, ville historique de Meknès,
tion d’exception : la tragédie humaine et ment d’une architecture marocaine contempo- ville portugaise de Mazagan (El Jadida) :
urbaine provoquée par le séisme déclencha raine. L’absence d’une politique architecturale autant de richesses inscrites sur la liste
une dynamique de reconstruction soutenue volontariste ne favorise pas le changement de du patrimoine mondial de l’Unesco.
Les artisans marocains détiennent
par une forte volonté politique, qui visait à sur- cet état de fait : le nombre de livres d’architec- un savoir-faire multiséculaire riche et
monter ce traumatisme national en offrant le ture publiés ces dernières années au Maroc se vivant qui s’exporte partout dans le monde
meilleur aux habitants d’Agadir. compte sur les doigts d’une main(6) ! Pour la plu- tout en s’épanouissant localement.
En 1986, feu S. M. Hassan II a prononcé un dis- part, les médias s’intéressent à l’architecture Ci-dessous, la médina de Marrakech,
cours devant le corps des architectes dans dans sa dimension économique et sociale. Le dont l’ambiance est empreinte

ce
de l’artisanat local qui se perpétue.
lequel il rappellait l’importance sociale, cultu- débat sur l’urbain et surtout sur l’architecture
relle et civilisationnelle de l’acte architectural. est absent de la scène publique.
Le discours devait notamment inaugurer une Au Maroc, comme ailleurs, le « modernisme » et
rupture avec l’architecture moderne dans sa le « traditionalisme », avatars des pensées pro-

an
version internationale. Cependant, sa mauvaise gressistes et culturalistes(7), ont cela de commun
interprétation entraîna d’autres excès, tout aussi qu’ils réduisent l’architecture à un simple réper-
dommageables que ceux de l’architecture toire de formes isolées de leur contexte histo-
internationale. Ce discours s’est traduit sur le rique, géographique et culturel, dans lequel on
terrain par une inflation de l’architecture pas- peut puiser à souhait selon le goût du jour. De
tiche où l’utilisation de la tuile verte et des
ouvertures en forme d’arcs tenait lieu d’archi-
tecture marocaine « authentique », et cela pour
Fr
ce point de vue, la nouvelle préoccupation du
développement durable est une chance pour
l’architecture marocaine. Sa mise en œuvre se
tous les types de programmes. caractérise, en effet, par une démarche plus que

V. Said/IAU îdF
e-
par des formes, par des objectifs plus que par
Une architecture contemporaine des images. L’architecture durable n’est pas
qui se cherche (encore ?) associée à des formes connotées.
Avec la création de l’École nationale d’architec- Elle puise autant dans les ressources et le La medersa Ben Youssef
-d

ture de Rabat en 1980 et l’augmentation relative savoir-faire local que dans les sciences et les à Marrakech.
du nombre d’architectes marocains d’une part,
et le développement des nouvelles technolo- (4) NADAU Thierry, «La reconstruction d’Agadir ou le destin de
gies de l’information d’autre part, l’exercice pro- l’architecture moderne au Maroc », dans Architectures fran-
île

fessionnel au Maroc, favorisé par la logique de çaises d’outre-mer, Liège, Mardaga, Institut français d’archi-
tecture, 1992.
marché, commence à gagner en maîtrise du (5) ASCHER François, Les nouveaux compromis urbains,
point de vue de la technique architecturale Lexique de la ville plurielle, La Tour d’Aigues-L’Aube, 2008. Une traduction du vocabulaire
(maîtrise des formes et des vocabulaires archi- (6) Citons, parmi ces livres, MIKOU Khalid, Riad, Modulor et de l’architecture arabisante
tatami, Casablanca, Archimedia, 2003.
tecturaux et urbains). Cependant, la quasi- (7) CHOAY Françoise, Urbanisme, utopies et réalités, Paris, Seuil, dans le quartier Art déco
U

inexistence de la production théorique dans le 1965. de Casablanca.


pays dans le champ de la pensée architectu-
rale et urbanistique pénalise fortement la qua-
IA

lité symbolique et culturelle des projets mis en


œuvre. La fin des idéologies mondiales domi-
nantes a catalysé presque partout dans le
monde le mouvement postmoderne, qui s’est
aussi propagé au Maroc dans les années 1980
et 1990. « Puisant dans un répertoire de formes
très variées, historiques, exotiques, vernaculaires
et festives(5) », le formalisme débridé du postmo-
dernisme a trouvé une terre d’élection dans un
pays « jeune » où les commanditaires sont
friands de spectaculaire et de coups d’éclats et
où l’insolite et l’inhabituel tiennent lieu de
beau.
La quasi-absence d’une pensée architecturale
et urbanistique construite localement laisse les
architectes marocains démunis face aux
O. Farkhani

assauts médiatiques de « l’architecture specta-


cle », et les livre en pâture aux goûts éclectiques
101
Le Maroc en perspective :
regards croisés Vers une approche globale de la qualité de vie
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 La qualité architecturale, une tradition qui se perpétue

technologies les plus avancées. Elle met les gares ferroviaires ou les postes. Dans ce sens,
l’Homme et l’usager au centre de ses préoccu- ces villes nouvelles doivent être étudiées avec
pations(8). autant d’intérêt que les villes anciennes, mais
pour d’autres raisons. L’étude des médinas doit
Interroger l’histoire avec un œil neuf être motivée par la volonté de renouer avec la
Aujourd’hui, il faut reposer la question de l’ar- « compétence d’édifier(11) » à l’origine des « créa-
chitecture et de l’urbain avec un œil neuf : la tions » urbaines du passé. L’objectif de l’analyse
médina, avec ses ruelles étroites ombragées et ne devrait pas se cantonner à la description de
ses fastueux espaces introvertis, publics et pri- l’objet urbain daté en vue de sa restauration et
vés, servait de réceptacle à une société maro- de sa muséification comme patrimoine. Il faut
caine qui n’existe plus depuis longtemps. C’est reconstituer les processus vivants de savoir-faire
un héritage qui doit être réinterprété à la (compétence d’édifier) des habitants qui, à tra-
lumière de nos besoins actuels, qui ne sont pas vers les siècles, ont bâti leurs espaces urbains

ce
seulement identitaires, loin s’en faut. en les adaptant constamment à leurs besoins
Les architectes du Protectorat se sont emparés en recourant aux technologies disponibles aux
de ce patrimoine et l’ont interrogé au filtre de différentes époques.
leurs propres valeurs architecturales. Ils en ont

an
retenu la dimension paysagère, comme dans le La qualité des espaces urbains, pour un Maro-
quartier Habous à Casablanca. Ils lui ont aussi cain, est d’abord une qualité d’usage avant
emprunté un art décoratif brillant, qu’on d’être une qualité d’image (dessin des façades,
retrouve par exemple dans l’architecture Art formes urbaines, etc.). Le confort de son espace
déco des nouvelles villes construites à cette de vie quotidien l’intéresse bien plus que les
Fr
époque et dont Casablanca est un fleuron mon-
dial. Cette approche « romantique » et forma-
liste des médinas a conduit à « préserver » les
prouesses architecturales formelles.
Cela ne signifie évidemment pas que l’archi-
tecture n’intéresse pas le citadin marocain ou
centres historiques(9). Notons toutefois que qu’il considère qu’elle est secondaire par rap-
e-
même les villes telles que Le Caire, avant toute port à ses autres besoins. Seulement, il ne s’en
intervention occidentale(10), ont été confrontées préoccupe pas quand l’architecture est réduite
aux mêmes problématiques d’adaptation des à un rôle de cache-misère (contorsions for-
villes traditionnelles aux besoins générés par melles, modénature(12) « bavarde », façades
-d

l’émergence des nouvelles sociétés indus- bariolées, etc.) ; quand ses gesticulations ont
trielles : urbanisation accélérée et nécessité pour seul but de plaire aux maîtres d’ouvrage
d’accueillir rapidement des populations de et aux « commissions d’esthétique » ; quand l’er-
plus en plus nombreuses, développement de satz d’architecture veut occulter l’absence d’ar-
île

nouveaux moyens de transport, réalisation de chitecture (travail sur l’espace, la lumière,


nouveaux programmes d’équipements tels que l’usage, le sens). Dans un pays tel que le Maroc,
récemment urbanisé et caractérisé par une
nombreuse population à faible pouvoir
d’achat, la question de la qualité urbaine et
U

architecturale n’est sûrement pas simple à


résoudre. C’est probablement pour cela que,
jusqu’à présent, la dimension quantitative a pris
IA

le pas sur le reste. Il s’agit d’abord pour les pou-


voirs publics de répondre à des besoins consi-
dérables en vue de loger dignement tous les
Marocains et d’en finir avec les formes d’habi-
tat insalubre. Soutenue par une forte volonté
politique, portée par la plus haute autorité de

(8) LEVY Albert, « La ‘ville durable’. Paradoxes et limites d’une


doctrine d’urbanisme émergente», Esprit n° 360, décem-
bre 2009.
(9) TAYLOR Brian, « Discontinuité planifiée, villes coloniales
modernes au Maroc », dans Les cahiers de la recherche archi-
tecturale n° 9, Paris, janvier 1982.
Un exemple d’architecture (10) ARNAUD Jean-Luc, Le Caire, mise en place d’une ville
moderne, 1867-1907, Arles, Actes Sud, 1998.
internationale traduisant (11) CHOAY Françoise, Pour une anthropologie de l’espace,
le mouvement post-moderne Paris, Seuil, 2006.
des années 1990. (12) Choix et caractère des profils et des proportions des
O. Farkhani

moulures et autres éléments en relief ou en creux qui ani-


Ici, le siège d’une banque ment les différentes parties d’un bâtiment, notamment les
à Casablanca. façades.
102
un hasard si les projets d’architecture les plus
intéressants sont issus de concours où les maî-
tres d’œuvre en compétition bénéficient de
grandes marges de liberté pour traduire avec
talent les programmes que leur soumet le maî-
tre d’ouvrage.

Le Maroc dispose aujourd’hui de nombreux


architectes talentueux et d’un véritable savoir-
faire technique, artisanal en particulier. Cela
représente une matière première, un gisement
à exploiter pour produire de la qualité urbaine
et architecturale et renouer ainsi avec la grande

ce
tradition des bâtisseurs qui nous ont légué
les médinas, les kasbahs et les ksour, dont
nous nous enorgueillissons légitimement
aujourd’hui. Pour cela, il faut que le Maroc
V. Said/IAU îdF

an
engage une politique architecturale et urbaine
volontariste et ambitieuse qui se traduise
notamment par le développement de la
Les Twin Towers de Casablanca illustrent recherche dans les écoles d’architecture et
le renouveau de l’architecture marocaine. dans les universités, la démocratisation de l’ac-

l’État, une politique de l’habitat ambitieuse a


Fr
cès à la commande par la compétition basée
sur le talent, la multiplication des prix d’archi-
tecture et d’urbanisme et l’instauration d’un
été mise en place depuis une dizaine d’années, débat national sur l’architecture et l’urbanisme.
e-
à travers notamment des incitations fiscales, Le soubassement de cette politique à venir
foncières et réglementaires (dérogations). Elle existe de manière explicite dans le discours
a abouti à la structuration et au renforcement royal de 1986 et dans le message adressé par
d’une promotion immobilière puissante, avec S.M. le Roi Mohammed VI au corps des archi-
-d

des résultats quantitatifs appréciables. De larges tectes, en janvier 2006, à l’occasion de la com-
couches de populations démunies ont pu enfin mémoration du vingtième anniversaire du dis- La médina de Marrakech,
accéder à la propriété de leur logement, dans cours de 1986. issue de la tradition des grands
des conditions d’endettement raisonnables. bâtisseurs marocains,
île

Cette politique relativement efficace sur le plan inspire encore aujourd’hui


quantitatif (augmentation de la production de de nombreux architectes.
logements et baisse des coûts de production) Medersa Ben Youssef.
a été moins heureuse sur le plan qualitatif.
Compte tenu des fortes contraintes écono-
U

miques et sociales, pouvait-il en être autre-


ment ? La question est posée et demande à être
débattue. Une certaine qualité architecturale
IA

se retrouve dans les grands projets d’équipe-


ments publics et dans les projets touristiques
bénéficiant de gros investissements. La com-
mande de qualité architecturale par les maî-
tres d’ouvrage se justifie dans le premier cas
par un besoin de représentation du pouvoir sur
la scène publique et dans le second par les exi-
gences élevées du touriste consommateur.
Ces exemples montrent que la question de la
qualité architecturale ne peut pas être appré-
hendée uniquement sur le plan formel et artis-
tique. La qualité architecturale et urbaine doit
être resituée dans une problématique globale
qui intègre d’autres facteurs, notamment socio-
économiques. La production de la qualité
V. Said/IAU îdF

architecturale est une question d’utilité


publique et nécessite donc un maître d’ou-
vrage qui se préoccupe de qualité. Ce n’est pas
103
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Vers une approche globale de la qualité de vie

La place des quartiers Art déco


dans les villes d’aujourd’hui
Abderrahim Kassou
Casamémoire(1)

Au début du XXe siècle, de nouveaux


centres urbains se développent
en extension des principales villes
marocaines. Ils sont le lieu
d’une éclosion urbaine et architecturale

ce
riche et variée. Le vocabulaire
architectural s’étend du style Art déco
au néo-mauresque et à l’architecture

an
moderne des années 1950 et 1960.
Comment ces ensembles patrimoniaux
peuvent-ils constituer un vecteur
Fr Casamémoire
de développement pour les villes
aujourd’hui ? L’exemple de Casablanca.
e-
e Maroc a connu au XXe siècle des boule- centralisme condamnant la multipolarité pré-

L
Fleuron de l’architecture Art déco,
l’immeuble Assayag (1930) versements sociaux, politiques et écono- dominante d’antan, autour de Fès et de Marra-
de Marius Boyer est un élément miques formidables. La société féodale kech essentiellement.Ainsi, «en moins de trente
structurant du patrimoine des siècles précédents a dû s’ouvrir et s’est ans, le tracé des pistes séculaires de l’écono-
-d

casablancais. confrontée à des phénomènes et enjeux nou- mie marocaine a fait place à un réseau de voies
veaux. convergentes vers un nouveau pôle unique(3) ».
Dès le milieu du XIXe siècle, le Maroc suscite Dès 1914, une véritable ruée s’opère vers le
beaucoup d’intérêt de la part des grandes puis- Maroc, et notamment vers Casablanca. La popu-
île

sances de l’époque. À partir de 1912, la pré- lation étrangère est estimée à 31 000 personnes.
sence française développe de nouveaux cen- De l’intérieur, affluent les bourgeois de Fès ainsi
tres urbains à proximité des villes existantes. que, les juifs et quelques musulmans des villes
Les villes nouvelles de Fès et de Marrakech côtières (notamment d’Essaouira) attirés par
n’ont cependant, au moment de leur création, l’essor du port. À cela s’ajoute un exode rural
U

qu’un rôle de contrôle militaire des deux de plus en plus important. La population s’ins-
anciennes capitales impériales. D’autres villes talle dans la médina au hasard des acquisitions
ont des fonctions d’usage : exploitation du foncières et dans les quartiers de Bab Marra-
IA

minerai comme Port Gentil ou relais de trans- kech et Derb Ghallef. La médina se retrouve
mission de la production locale comme Agadir. entourée d’un désordre de foundouks(4), de vil-
Une des décisions majeures du maréchal Lyau- las, d’immeubles, de souks, de campements…
tey(2), premier résident général, est de transfé- Casablanca est atteinte à cette époque d’une
rer la capitale de Fès à Rabat. Cette décision a frénésie de construction, aussi rapide qu’anar-
des conséquences importantes sur le pays et chique. Les autres villes du Maroc, en particu-
provoque une transformation majeure. Lyautey lier les villes côtières, connaissent également
décide également de créer une capitale éco- un accroissement urbain, mais de manière
nomique en favorisant le développement de moins spectaculaire.
Casablanca. Petite ville de pêcheurs sur l’Atlan- L’extension rapide et incontrôlée des villes
tique, Casablanca devient très rapidement une
grande ville, concentrant les investissements en (1) Casamémoire est une association de sauvegarde du patri-
termes d’infrastructures économiques, particu- moine du XXe siècle au Maroc.
(2) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p. 172.
lièrement ciblés sur le complexe portuaire et (3) ÉCOCHARD Michel, Casablanca, le roman d’une ville, Édi-
industriel. Au nord de Rabat est créée la ville tions de Paris, Paris, 1952.
militaire de Port-Lyautey (actuellement Kéni- (4) Généralement situé près des entrées de médina, le foun-
douk est le lieu d’étape des caravanes. Il joue le rôle de cen-
tra). Ainsi, le centre du Maroc est déplacé de tre d’échange commercial et d’hôtel, pouvant également ser-
l’intérieur des terres vers la côte et favorise un vir d’entrepôt et de lieu de transformation de marchandises.
104
marocaines, et de Casablanca en particulier, lots et autres corbeilles de fruits côtoient sur
nécessite la mise en place urgente d’une régle- les façades pilastres et chapiteaux. La troisième
mentation. Ainsi, en février 1914, Henri Prost(5), tendance essaie de puiser dans le répertoire
urbaniste, est nommé à la direction du Service architectural, décoratif et artisanal local (réel
spécial d’architecture et des plans des villes. ou mythique d’ailleurs) en y injectant des élé-
C’est la première administration dans l’histoire ments dans des formes et des espaces
de l’urbanisme français et marocain. modernes. Ceci peut aller du pastiche pur et
Un bureau central des plans des villes est alors simple à de véritables tentatives d’hybridation
créé. Il a en charge l’étude technique des pro- ou d’adaptation plus ou moins heureuses.
jets d’aménagement et d’extension. Par ailleurs, Il est à signaler que mosaïstes, ferronniers et
un bureau du plan est, au niveau de chaque autres ébénistes jouent alors un rôle fondamen-
municipalité, chargé d’appliquer les directives tal dans la création de l’identité propre à cette
de ce bureau central. Enfin, un Service des architecture casablancaise par rapport à ce qui

ce
beaux-arts et des monuments historiques s’oc- se fait en Europe. Le néo-mauresque ne fut pas
cupe de la conservation et de la restauration la seule incarnation de l’apport de l’artisanat à
des monuments existants, ainsi que de la créa- l’architecture. Des éléments puisés dans le
tion des ordonnances architecturales destinées répertoire traditionnel se retrouvent confron-

an
à certaines rues et places. tés à d’autres éléments modernes. « La rencon-
Pour Casablanca, le plan Prost délimite quatre tre des motifs des arts décoratifs marocains et
zones : la zone indigène, dont la construction des configurations Art déco produira des
est limitée à deux étages ; la zone centrale, décors de façade originaux où les éléments
constituée d’habitations et de commerces ; les ornés […], les frises ou panneaux bien délimi-
zones industrielles, réservées aux établisse-
ments insalubres, incommodes ou dangereux ;
et les zones de plaisance, pour les villas ou habi-
Fr
tés agrémentent des façades blanches et nues.
Ces motifs, dont la diffusion s’est accélérée sous
l’impact de l’Exposition des arts décoratifs de
tations particulières. Le tout maillé par un sys- 1925, n’auront aucun mal à s’imposer au Maroc,
e-
tème de voies radiales convergeant vers le port. où le jeu avec la géométrie et les inclusions
décoratives sur de grandes surfaces nues sont
Un contexte favorable à l’architecture constitutifs de la tradition architecturale(6) ».
moderne Cette frénésie de la construction qui accom-
-d

Dans ce contexte de frénésie constructive des pagne l’essor économique de la ville ne s’es-
années 1920 et 1930, l’architecture qui se déve- souffle qu’à la veille de la Seconde Guerre
loppe, riche et variée, n’a rien à envier aux mondiale et, dès le début des années 1920, le
débats stylistiques qui parcourent l’Europe. Les développement rapide de Casablanca fait
île

édifices, plus novateurs les uns que les autres, qu’on la compare à une ville américaine.
se multiplient. Les architectes, libres dans leurs La médina est le lieu
orientations, trouvent dans l’architecture tradi- d’une grande activité,
tionnelle marocaine la correspondance avec en continuité avec le centre-ville.
(5) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p. 172.
le mouvement cubiste (toits-terrasses, volumes (6) COHEN Jean-Louis, ELEB Monique, Casablanca. Mythes et Elle mérite, à ce titre,
U

dépouillés) et dans l’artisanat local (zelliges, figures d’une aventure urbaine, Paris, Hazan, 1998. d’être protégée.
fers forgés), les éléments de décoration propres
à l’architecture Art déco ou néo-mauresque. À
IA

partir des années 1930 et 1940, l’architecture


s’émancipe de plus en plus du décor et déve-
loppe un vocabulaire fait d’horizontales, de
pleins et de vides. Le mouvement moderne
trouve en Casablanca un terrain propice à son
expression.
Ainsi, les premiers bâtiments construits à partir
du début des années 1910, à l’intérieur ou à
l’extérieur des murailles de la médina, restent
sobres en façades extérieures. Puis, on voit
apparaître des édifices que l’on pourrait classer
en trois catégories. La première est un néo-
classicisme plutôt chargé, aux décorations mul-
tiples et très présentes. La deuxième peut être
apparentée à de l’Art nouveau, similaire à ce
Casamémoire

que l’on pouvait trouver en Europe à la même


époque. Certains édifices oscillent, d’ailleurs,
sans complexe entre ces deux styles. Les ange-
105
Le Maroc en perspective :
regards croisés Vers une approche globale de la qualité de vie
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 La place des quartiers Art déco dans les villes d’aujourd’hui

Le réinvestissement des quartiers enjeux dont il faudrait être conscient. Tout


Art déco d’abord, parler des quartiers Art déco est certes
Au lendemain de l’Indépendance, les centres- accrocheur, mais il faut également prendre en
ville hérités de la période du Protectorat conti- considération la production moderne des
nuent à jouer un rôle central dans le fonction- années 1950 et 1960, toute aussi intéressante.
nement des villes marocaines. Leur population Ensuite, la médina qui, pendant des décennies
change de manière progressive, la population a été abandonnée et délaissée, voire même
marocaine remplaçant la population euro- l’objet de projets de démolition, se retrouve
péenne. À la fin des années 1960, le départ de actuellement au centre d’une volonté de sauve-
la communauté marocaine israélite s’accélère. garde. La tentation est grande de voir en la
Le déclin des centres-ville ne commence réel- médina un tissu historique arabo-andalou à
lement qu’à la fin des années 1970 et au début l’image des médinas de Rabat ou de Tétouan.
des années 1980, sous l’effet conjugué de plu- Ceci est historiquement une erreur. La médina

ce
sieurs facteurs dont on peut citer la dégrada- de Casablanca date de la fin du XIXe siècle, c’est
tion des bâtiments ainsi que des espaces une médina moderne et cosmopolite qui fonc-
urbains par manque d’entretien, la naissance tionne en continuité avec le centre-ville et pas
d’une nouvelle centralité qui a éloigné la classe en parallèle, comme à Fès ou Marrakech par

an
riche de ces quartiers, les plans d’ajustements exemple. Il est important de la préserver pour
structurels successifs qui ont fait disparaître la cela, car elle est unique.
classe moyenne, etc. Le troisième élément est de considérer le cen-
Le déclin des centres-ville ne s’accompagne tre-ville comme un ensemble cohérent et un
pas d’un abandon des espaces. Ces quartiers paysage urbain formant un tout. Il ne s’agit pas
Fr
continuent à être très fréquentés, en particulier
en journée, par des masses populaires qui se
promènent, font des achats ou cherchent des
de protéger les bâtiments un par un. Quelle que
soit la valeur architecturale des édifices, la
valeur du centre-ville de Casablanca vient de
services. L’ensemble des logements est égale- son étendue, de son homogénéité, de sa cohé-
e-
ment occupé par une population importante, rence et de son paysage urbain. Et c’est cela
certes pas toujours solvable, mais qui vit et fait qu’il s’agit de préserver. Enfin, toute préserva-
vivre le centre. De plus, de nombreuses terrasses tion d’un tissu historique passe d’abord par une
et caves sont également occupées par de l’ha- connaissance, une accumulation de savoirs et
-d

bitat insalubre. Par ailleurs, le centre-ville conti- une protection des sources.
nue, en particulier à Casablanca, à servir d’es- Le momentum historique est propice à une
pace d’accueil pour les nouveaux arrivants, une réelle intégration intelligente des centres-ville
tendance favorisée par la présence de nom- hérités de la période du Protectorat dans le
île

breux hôtels bon marché. développement urbain actuel. Ces centres-ville


en général, et à Casablanca en particulier, ont
Le potentiel de l’ensemble patrimonial, largement le potentiel pour devenir des vec-
vecteur de développement teurs de développement important. De par leur
Durant les dix dernières années, les théma- situation centrale, leur polyvalence, leur qua-
U

tiques liées à la question du patrimoine lité patrimoniale et identitaire, la place qu’ils


moderne, appelé communément et de manière occupent dans la mémoire collective, ces quar-
réductrice « patrimoine Art déco », ont dépassé tiers peuvent constituer l’assise du renouveau
IA

le petit cercle des amateurs et des spécialistes urbain dont les villes marocaines ont grande-
pour toucher au domaine public, et même arri- ment besoin.Ainsi, à Casablanca, le centre-ville
ver à jouir d’une certaine présence dans les historique peut rapidement générer, par des
médias, avec toutefois une réelle inégalité entre aménagements appropriés, un développement
les villes. Ce qui est acquis à Casablanca ne l’est économique important lié au tourisme culturel
pas forcément à Meknès ou Marrakech pour notamment. Pour amorcer cette mise en valeur,
des bâtiments similaires. Ainsi, à Casablanca, un effort important devrait s’opérer au niveau
après la démolition de plusieurs édifices impor- de l’aménagement de l’espace public. Les amé-
tants dans les années 1970 et 1980 (arènes, nagements destinés à favoriser le développe-
cinéma Vox, théâtre municipal…), la reconnais- ment touristique suivront.
Casamémoire

sance locale et nationale de la valeur histo-


rique des quartiers centraux semble acquise,
sans pour autant empêcher les démolitions. On
L’immeuble villas Paquet, construit parle actuellement de la nécessité d’élargir la
en 1952, incarne l’architecture protection à l’ancienne médina d’une part, et
moderne des années 1950, de demander une inscription à la liste du patri-
tout en respectant les principes moine mondial d’autre part. Toutefois, il est
instaurés par Prost. important d’être vigilant à l’égard de certains
106
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Vers une approche globale de la qualité de vie

Le patrimoine au Maroc : l’enjeu


Salima Naji(1) identitaire à travers l’histoire
Architecte
et anthropologue

Le patrimoine marocain,
dans la diversité de ses formes
à travers les lieux et les époques,
bénéficie d’une reconnaissance

ce
croissante. Il endosse une fonction
importante de représentation
qui évolue sans cesse et pose question.

an
Aujourd’hui, il renvoie à des identités
complexes qui se cherchent,
entre tradition et progrès, histoire
Fr Salima Naji et modernité.
e-
a notion de patrimoine émerge depuis L’approche patrimoniale :

L
Au pied de l’Atlas, la kasbah Amridil
de Skoura est un très bel exemple peu au Maroc. Le désir de mémoire est conserver et agir
du particularisme architectural plus que jamais présent dans un pays qui Le Protectorat français a sauvegardé le patri-
en pisé. s’est ouvert à de grands chantiers. La diversité moine dans une vision pittoresque. La volonté
-d

des héritages apparaît soudain au grand jour conservatoire qui va très vite être promulguée
pour toute une nation qui, enfin, se regarde. pour les médinas est également issue d’une
Cette prise de conscience fait suite à un cer- conscience et d’une sensibilité appartenant à
tain nombre d’actions de mécénat privé envers une époque fascinée par l’Histoire. Les Paroles
île

des institutions culturelles ou éducatives. En d’action du maréchal Lyautey(3) retracent la


effet, certains monuments comme la mosquée position de l’époque face aux chefs-d’œuvre
des Almohades de Tinmel ou le quartier de Nej- en péril recensés, classés et souvent déclarés
jarine à Fès ont été restaurés grâce au mécé- d’utilité publique pour leur éviter toute destruc-
nat. De petites associations se sont, en outre, tion ou dépeçage. En avance sur son temps,
U

constituées pour travailler sur des microprojets cette vision intègre les notions qui ont cours
dans le domaine de l’environnement, mais alors en métropole, celle notamment du monu-
aussi de l’embellissement de quartiers histo- ment historique, mais également celles des
IA

riques. Des fondations et des organisations non urbanistes d’avant-garde, qui n’hésitent pas à
gouvernementales (ONG) s’activent également créer, avant l’heure, des zones de protection
en faveur de la mise en valeur du patrimoine et élargies(4).
de la sensibilisation du public. Par exemple, Un double mouvement se dessine alors : d’une
Casamémoire œuvre pour la « sauvegarde part, la volonté de créer des villes modernes et,
d’une mémoire commune », celle d’un urba- d’autre part, le souci de ne pas toucher à une
nisme qui a fait date et qui fait la force de la entité historique ancienne. Les maîtres mots de
ville de Casablanca.
Parallèlement, la possibilité pour les étrangers (1) Salima Naji est architecte et docteur en anthropologie de
d’acquérir un bien immobilier alimente une l’École des hautes études en sciences sociales.
(2) FREY Jean-Pierre, préface à la réédition de Jean GALOTTI
spéculation sans précédent dans les villes his- (Albert Levy, 1926), Le Jardin et la maison arabes au Maroc,
toriques(2) du royaume (médinas de Marrakech, Actes Sud-Centre Jacques Berque,Arles-Rabat, 2008, pp.35-36.
Essaouira, Fès ou Tanger notamment). (3) LYAUTEY Louis-Hubert Gonzalve, Paroles d’action, Paris,
Imprimerie nationale, réédition 1995.
Un renversement a ainsi eu lieu : le patrimoine (4) En France, la ZPPAUP (zone de protection du patrimoine
hérité du Protectorat, rejeté dans les premières architectural, urbain et paysager) qui étend, à une entité plus
décennies de l’Indépendance, est aujourd’hui large et moins systématique, la zone de 500 mètres de protec-
tion autour du monument classé (protection des abords,
considéré comme une valeur du passé. puis des secteurs sauvegardés), datent respectivement des
années 1962, 1943 et 1983.
107
Le Maroc en perspective :
regards croisés Vers une approche globale de la qualité de vie
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Le patrimoine au Maroc : l’enjeu identitaire à travers l’histoire

l’action de l’époque se résument par deux infi- à vouloir effacer ce qui peut apparaître comme
nitifs, conserver et agir : « Conserver qui, au sens indigne : les vénérables mosquées aux formes
littéral, s’oppose à détruire – et réagir à s’aban- modestes, construites en terre ou en pierre, sont
donner(5) ». L’autorité en place met ainsi en systématiquement rasées pour être remplacées
œuvre toute une série de mesures, de services, par des blockhaus prétentieux en béton peint et
et de missions pour empêcher les « désastres » à hauts minarets, mais qui illustrent mieux, pour
ou autres « sacrilèges » qui auraient défiguré le ceux qui les édifient, l’image qu’ils voudraient
Maroc des villes impériales. La même énergie renvoyer d’eux-mêmes. Ainsi, aujourd’hui, lors
est investie pour créer, à côté de ces secteurs de pratiques conservatoires, les donneurs d’or-
sauvegardés, des villes nouvelles dotées de dre peuvent se heurter à une incompréhension
toutes les qualités requises pour être des villes de la population locale expliquant qu’elle ne
dignes de celles d’Europe. Il œuvre avec beau- veut pas vivre dans des espaces connotés
coup de professionnalisme et imagine des « anciens », parce que réalisés avec les maté-

ce
développements harmonieux dont on jouit riaux traditionnels actuellement rejetés. L’aspi-
Salima Naji

encore aujourd’hui, habilement dessinés en ration à une modernité par ses artefacts est
fonction de l’héritage historique et du poten- ainsi revendiquée au point que de nombreuses
Restauration dans les règles de l’art tiel du site. La zone indigène correspond à la architectoniques locales sont actuellement

an
de l’Agadir d’Aguellouy, Amtoudi : vieille ville telle que les étrangers la découvri- détruites ou en passe de disparaître.
les doyens du village appuient rent, fascinés, au début du XXe siècle. Elle leur
des artisans plus jeunes apparut comme une entité difficile à décou- Au nom d’Islah, des rénovations
pour retrouver les formes originelles per, impossible à « moderniser », à assainir et à inadaptées
du grenier collectif. rendre viable sans destruction. On emploie actuellement, pour la conservation
Fr
Cependant, le Maroc des campagnes, le monde
berbère, va représenter un conservatoire intact
à préserver(6) ; c’est dans cet état d’esprit que
d’un bâtiment, deux mots très indicatifs de la
perception patrimoniale locale. Le mot arabe
islah porte en lui l’idée de réparation, mais
seront très tôt créés les premiers parcs natio- aussi de réforme ou de renouvellement, l’idée
e-
naux (Toubkal en 1942). de mise aux normes (d’un texte comme d’un
bâtiment). Lorsqu’un bâtiment est devenu trop
Deux mondes se côtoient ancien, qu’il menace de s’effondrer, on préfère
sans se mélanger lui substituer un nouvel édifice, neuf, en maté-
-d

Cette vision réductrice d’un monde coupé en riaux modernes et effacer du même coup cette
deux avec, d’un côté, la ville nouvelle et le « pro- ruine qui fait honte aux décideurs comme aux
grès », et de l’autre, la ville ancienne ou la cam- habitants. Le respect de l’identité locale est sou-
pagne, considérées comme l’héritage de l’his- vent nié au profit de matériaux et de formes
île

toire, va à son tour devenir une idée portée par exogènes favorisant un effacement des
la génération de l’Indépendance. mémoires et la mutilation des qualités patrimo-
La « catégorie » du monument historique, pla- niales, historiques et paysagères de certains
quée sur des médinas à préserver, et celle de ensembles historiques. L’apposition d’un crépi
conservatoire, appliquée sur les oasis ou les de paille et de terre pour recouvrir un bâtiment
U

Au cœur de l’Anti-Atlas, montagnes réduites au statut de parc national en ciment artificiellement installé dans un
sur une piste conduisant vouées au tourisme, ont un impact très négatif vieux village ou un ksar(7) de plusieurs siècles
dans une vallée enclavée sur ces sites. À l’Indépendance, le Marocain se est la seule réponse qui est souvent proposée,
IA

des Ait Abdellah, deux immeubles précipite à l’extérieur de la médina vers la ville exposant une incapacité à apprécier un patri-
sur des structures en béton armé « européenne » où, naguère, il lui était difficile moine historique.
rivalisent de hauteur. d’habiter. Et dans le monde rural, on continue Le second terme de plus en plus employé pour
la sauvegarde des bâtiments est tarmim, mot
dont la connotation technique est proche de
ce qui s’appelle en Occident « restauration »
mais sans y adjoindre un respect scrupuleux
des techniques locales. Ce mot est moins noble
que le précédent. Il devient cependant courant,
alors même qu’aucun travail de sensibilisation
et d’éducation du regard n’a été conjointement
entrepris.
(5) LYAUTEY Louis-Hubert Gonzalve, « Ouverture du Congrès
des hautes études marocaines », Rabat le 26 mai 1921 », dans
Paroles d’action, Paris, Imprimerie nationale, 1995.
(6) Voir NAJI Salima, Greniers collectifs de l’Atlas, patrimoines
Salima Naji

du Sud marocain, Edisud/La Croisée des Chemins, Aix-en-


Provence/Casablanca, 2006.
(7) Un ksar signifie un château.
108
Parce qu’on apprécie l’aspect achevé d’un bâti- sion, l’importance des greniers collectifs, l’in-
ment et que les ruines dérangent, on n’hésite térêt du patrimoine sacré qui juxtapose parfois
pas à les faire abattre au nom de la sécurité une succession de religions, la richesse du patri-
d’un lieu public (borjs(8) de la ville ancienne moine du Sud marocain jusque-là négligé, et
de Tiznit, remparts de Marrakech). On les d’autres traditions toujours vivaces. Les langues
camoufle derrière de hauts murs, ou on les vernaculaires sont également remises à
reconstruit sans tenir compte ni du matériau l’honneur avec notamment, sous l’impulsion
ni des formes originelles (remparts de Rabat, de S.M. Mohammed VI, la charte d’Ajdir (2000).
Chaouen). Tout signe de dégradation est vécu Celle-ci reconnaît la composante amazighe
comme négatif. Ceci favorise aussi une accélé- dans le contexte pluriculturel marocain, dans
ration de programmes censés sauvegarder des ses dimensions de langue, de culture et d’his-
sites et qui, dans leur mise en œuvre, en hâtent toire. Elle permet notamment la création de
la destruction(9). Par exemple, la plupart des l’Institut royal de la culture amazighe et la réuti-

ce
mosquées du Sud ont été détruites sur la base lisation de la langue vernaculaire dans son
d’une mise en « hygiène des lieux de culte » alphabet originel dans les cercles officiels. En
(ministère des Habous, dotations de 2008). 2001, l’Unesco consacrait la place Jemâa El-Fna
Tous ces exemples permettent de montrer « patrimoine oral et immatériel de l’humanité »

an
qu’au Maroc, il est certes question de patri- (l’ancienne médina de Marrakech avait été
moine – compris comme objets bâtis venus du classée patrimoine universel en 1995), rendant
passé –, mais que les réponses ne sont souvent soudain visible la richesse des conteurs et des
pas adéquates en termes de mise en œuvre. traditions si naturellement ancrés dans le quo-
D’abord, parce que cette « honte » des formes et tidien.
des matériaux traditionnels tient la terre crue
comme principale responsable des maux patri-
moniaux et parce que cette honte du matériau
Fr
Entre ces différents héritages, du patrimoine
bâti jusqu’aux notions plus immatérielles, pre-
nant également en compte le patrimoine du
cache aussi une honte de ses origines. Protectorat, une représentation tend à se mani-
e-
À tout ceci, s’ajoutent des carences dans le fester. La situation de crise que vit aujourd’hui
code de l’urbanisme (2007) : tout architecte qui le monde rural marocain, et celui du Sud en
a actuellement recours aux procédés tradition- particulier, impose, dans l’urgence, des actions
nels et qui subirait un effondrement des gouvernées par des exigences contradictoires.
-d

constructions placées sous sa responsabilité, La folklorisation de la culture dite locale et la


est passible de prison (drames de Kénitra, Casa- modernité vidée de son sens menacent des arts
blanca et Tanger pour l’année 2008) et de la de vivre déjà fragilisés par une uniformisation
perte de son agrément. Le nouveau code ne galopante. Gageons cependant que, dans les
île

tient pas compte des procédés traditionnels, années à venir, la prise de conscience de cet
pourtant multiséculaires, et exige un chaînage ensemble d’enjeux permettra de sauvegarder le
de béton dans toutes les constructions en pisé. patrimoine marocain dans toutes ses compo-
Comme cela n’est pas précisé, on croit que santes.
cette garantie doit être exercée sur les bâti-
U

ments anciens auxquels on impose ce traite-


ment qui, à terme, s’avère évidemment destruc- (8) Borj signifie tour en arabe.
(9) Ksour du Tafilalet sont actuellement restaurés avec des
teur. Les bureaux de contrôle deviennent de chaînages de ciment cachés dans un pisé séculaire ouvert et
IA

plus en plus réticents à cautionner les construc- abîmé : Goulmima, Ksar Chorfa, etc.
tions traditionnelles. Ils n’hésitent pas à imposer
– même pour des bâtiments à restaurer – une
armature en béton… cachée dans la structure
ancienne.

S’approprier et s’identifier au patrimoine


Une prise de conscience récente, liée souvent
à la fierté de sa région et à une quête identi-
taire renouvelée, se manifeste néanmoins de
plus en plus un peu partout dans le Royaume
et initie de vrais changements. Peu à peu, la
grandeur du patrimoine marocain apparaît aux
jeunes générations qui, progressivement, se l’ap-
proprient. Il commence ainsi à être convena- Au pied de la muraille de Tiznit,
blement intégré, sans être considéré comme le cimetière de Sidi-Boujebar
Salima Naji

objet de rebut ou entaché d’archaïsme. On préserve la vieille ville


découvre, au hasard d’une émission de télévi- de la densification sauvage.
109
Adaptation
des outils juridiques

ce
et institutionnels

an
Évolutions institutionnelles,
décentralisation et jeu d’acteurs
Fr 111

Aménagement du territoire :
e-
du stratégique à l’opérationnel 115

Le développement durable
-d

dans la réforme de l’urbanisme 118


île

Les statuts complexes


d’un foncier rare 120
U
IA
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Adaptation des outils juridiques et institutionnels

Évolutions institutionnelles,
Ministère de l’Intérieur
du Maroc décentralisation et jeu d’acteurs
Direction générale
des collectivités locales

Depuis le début du siècle dernier,


la réglementation sur l’urbanisme
n’a cessé de s’adapter : évolution
des espaces ruraux, création de
nouvelles villes du Protectorat et habitat

ce
irrégulier. Dysfonctionnements
et chevauchements des compétences
ont dilué les responsabilités.

an
Aujourd’hui, pour mieux encadrer
le développement des territoires

É. Jarousseau/IAU îdF
et limiter les dérogations,
Fr une décentralisation progressive et
une clarification des rôles sont à l’œuvre.
e-
arsenal juridique mis en place dès 1914 La création de lotissements a été réglementée

L’
L’Agence urbaine de Casablanca,
première structure déconcentrée a connu une évolution continue à tra- pour la première fois par le dahir du 14 juin
de l’État, mise en place vers les différentes époques traversées. 1933, qui a institué une autorisation de lotir déli-
dans le nouveau dispositif L’objectif visé par cette adaptation des lois vrée par des autorités différentes selon la loca-
-d

au service de l’urbanisme. consiste à répondre au défi de la maîtrise du lisation. Ainsi, les lotissements localisés à l’inté-
développement urbain croissant. rieur du périmètre municipal des villes étaient
sous l’autorité du chef des services municipaux
Évolution de la législation régissant tandis que ceux situés dans les banlieues des
île

l’urbanisme villes relevaient de la compétence des autorités


Le Maroc a été parmi les premiers pays au locales de contrôle, après avis conforme du
monde à se doter d’un système de planifica- chef des services municipaux. Les autres lotis-
tion urbaine réglementé. Le dahir(1) du 16 avril sements dépendaient des autorités locales de
1914, instituant les plans d’aménagement et contrôle.
U

régissant les extensions des villes a permis à Le dahir du 30 juillet 1952 a élargi le champ
l’administration de l’époque de se munir de d’application du plan d’aménagement aux cen-
moyens de contrôle et de maîtrise de l’urbani- tres des communes rurales, aux zones de ban-
IA

sation. lieue, aux zones périphériques des villes éri-


L’esprit du législateur était focalisé sur la créa- gées en municipalités et des centres délimités,
tion de villes nouvelles et l’aménagement de et aux groupements d’urbanisme.
celles existantes : une dizaine de villes nou- Quant aux lotissements, limités uniquement à
velles ont été créées entre 1915 et 1925. La pro- l’habitat en 1933, ils ont été, par les dispositions
mulgation du dahir du 12 novembre 1917 fut du dahir de 1953, étendus aux lotissements à
également une étape importante, par le pou- usage industriel et commercial. Ce dahir a éga-
voir donné au chef des services municipaux lement permis à l’État de contrôler les morcel-
de créer une association syndicale de proprié- lements et lotissements anarchiques.
taires urbains. Malgré la législation en vigueur, Au lendemain de l’Indépendance, le législateur,
de vastes quartiers d’habitat insalubre (bidon- soucieux du phénomène d’urbanisation en
villes, morcellements et lotissements clandes- milieu rural, a édicté une réglementation spéci-
tins, et surdensification des médinas) ont été fique régissant le développement des agglomé-
construits en infraction pour plusieurs raisons : rations rurales en instituant le plan de dévelop-
concentration d’activités économiques dans pement (dahir du 25 juin 1960). Ce dernier est
les villes, croissance démographique et exode homologué par le gouverneur après approba-
rural accentué par les conséquences de la crise
économique mondiale des années 1930. (1) Loi promulguée par le Sultan ou par le Roi.
111
Le Maroc en perspective :
regards croisés Adaptation des outils juridiques et institutionnels
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Évolutions institutionnelles, décentralisation et jeu d’acteurs

tion du ministre de l’Intérieur qui délègue ses mise à l’étude des plans d’aménagement, de
pouvoirs au wali. reconnaissance des voies, routes, chemins ou
Aujourd’hui, l’urbanisme est régi, outre par le rues et d’alignements (création des voies, etc.).
dahir de 1960 précité, principalement par la loi Il est responsable de la police de l’hygiène, de
n° 12-90 relative à l’urbanisme (17 juin 1992), la la salubrité et de la commodité, ainsi que du
loi n° 25-90 relative aux lotissements, groupes contrôle des infractions en matière d’urba-
d’habitations et morcellements (17 juin 1992) nisme. Par ailleurs, le conseil communal est
et le dahir portant loi instituant les agences consulté, à l’instar du public, lors de l’instruc-
urbaines (10 septembre 1993). D’importantes tion des documents d’urbanisme.
innovations ont été introduites dans les lois de La charte communale de 1976 a donc doté la
1992, notamment en matière d’élaboration des commune d’outils juridiques et institutionnels
documents d’urbanisme et de leur opposabi- lui permettant de mieux gérer les affaires
lité, de gestion urbaine, de contrôle et de locales, notamment celles liées à l’urbanisme.

ce
répression des infractions. Cependant, la promulgation du dahir du 10 sep-
tembre 1993 instituant les agences urbaines a
Évolution, décentralisation, urbanisme soumis la délivrance des autorisations d’urba-
Après l’Indépendance, il est apparu indispen- nisme à un avis conforme de l’agence urbaine :

an
sable d’engager une réforme de l’administra- le président du conseil communal, habilité à
tion centrale et locale, afin de rompre avec l’hé- délivrer lesdites autorisations, ne peut en aucun
ritage du Protectorat. C’est dans ce sens que la cas passer outre cet avis.
nouvelle institution communale est née : en
1960, la charte communale a confié aux élus La loi n° 78-00 portant sur la charte commu-
Fr
locaux des prérogatives relativement étendues.
Elles restaient, tout de même, soumises à une
tutelle complexe de l’administration territoriale
nale, telle qu’elle a été modifiée et complétée
par la loi n° 01-03 et la loi n° 17-08 (3 octobre
2002), a introduit le concept d’« unité de la
(bicéphalisme communal). Cette charte n’a ville » et a, de ce fait, précisé les attributions des
e-
investi la commune d’aucune responsabilité conseils communaux et d’arrondissements en
directe dans le domaine de l’urbanisme : l’auto- matière d’urbanisme, de même que celles de
rité déconcentrée était le maillon incontour- leurs présidents respectifs.
nable de la gestion des affaires locales. Ainsi, le conseil communal examine et adopte
-d

La charte communale de 1976 a instauré une les règlements communaux de construction. Il


nouvelle répartition des pouvoirs, notamment veille également au respect des options et des
dans le domaine de l’urbanisme, entre le prési- prescriptions des schémas directeurs d’aména-
La municipalité de l’arrondissement dent du conseil communal et l’autorité locale. gement urbain, des plans d’aménagement et
île

de Sidi Belyout à Casablanca. Le président du conseil communal est désor- de développement et de tout autre document
Le président du conseil communal mais investi d’un pouvoir exclusif de police d’aménagement du territoire et d’urbanisme,
délivre les autorisations administrative et de délivrance des permis, dans les limites du ressort territorial de la com-
d’urbanisme et veille à l’application autorisations, attestations d’urbanisme. Il a éga- mune. Il donne son avis sur lesdits documents.
des lois et règlements d’urbanisme. lement la compétence des prises d’arrêtés de Le président du conseil communal délivre les
U

autorisations d’urbanisme et veille à l’applica-


tion des lois et règlements d’urbanisme, ainsi
qu’au respect des prescriptions des documents
IA

d’urbanisme et d’aménagement du territoire.


Quant au conseil d’arrondissement, il est
consulté sur l’établissement, la révision ou la
modification des documents d’urbanisme,
lorsque ceux-ci concernent son territoire. Il
exerce un pouvoir de police administrative et
délivre des autorisations d’urbanisme. Le prési-
dent du conseil d’arrondissement est compé-
tent pour accorder les autorisations de
construire pour les bâtiments dont la hauteur
ne dépasse pas onze mètres et les permis d’ha-
biter dans les zones couvertes par un docu-
ment d’urbanisme en vigueur.

Les dysfonctionnements constatés


Malgré l’arsenal juridique régissant l’urba-
E. Roche

nisme, la pratique a démontré l’existence de


dysfonctionnements. Il existe un retard impor-
112
tant dans l’élaboration et la révision des docu- La protection et la mise en valeur
ments d’urbanisme, d’où un recours, devenu des sites sensibles
systématique, à la dérogation. Malheureuse- sont des préoccupations
ment, dans certains cas, ce système dérogatoire à intégrer dans les nouvelles
ne profite ni au paysage urbanistique ni à la réformes.
collectivité.
La réalisation des équipements publics projetés
par les plans d’aménagement est encore faible.

V. Said/IAU îdF
En outre, la procédure relative à l’instruction
des dossiers de demandes d’autorisation (mor-
cellement, lotissement et construction) est
contraignante et lourde.
L’absence de règlements généraux de construc- Les sociétés de développement local

ce
tion est à déplorer, ainsi que celle de réglemen- Par ailleurs, les collectivités locales et leurs
tation organisant les conditions d’instruction groupements peuvent procéder à la création
et de délivrance des permis d’habiter et des ou à la prise de participation dans des sociétés
certificats de conformité. dénommées « sociétés de développement

an
Par ailleurs, la multiplicité des intervenants en local », en association avec une ou plusieurs
matière de contrôle et de répression des infra- personnes morales de droit public ou privé. Ces
ctions dilue la responsabilité. structures correspondent aux sociétés d’éco-
On constate également que des communes nomie mixte françaises.
rurales ne sont pas encore érigées en centres
délimités du fait de la lenteur de la procédure,
les privant ainsi de ressources financières
conséquentes issues de la fiscalité locale.
Fr
Le code de l’urbanisme
Le code de l’urbanisme, encore en projet,
apporte des innovations portant notamment
Enfin, l’habitat insalubre a proliféré sous toutes sur la maîtrise du processus d’urbanisation, la
e-
ses formes. lutte contre la prolifération des constructions
Parallèlement à ces dysfonctionnements, on non réglementaires et la responsabilisation des
constate l’existence de régimes fonciers com- professionnels concernés.Toutefois, tel qu’il est
plexes(2), qui rendent la mobilisation de terrains conçu avec ses 500 articles, il aura des difficul-
-d

urbanisables difficile, voire impossible, et entra- tés à être promulgué rapidement selon certains
vent la constitution de réserves foncières. praticiens.
L’absence de réglementation régissant le finan-
cement de l’urbanisation rend l’ouverture de Une approche pragmatique
île

nouvelles zones problématique. par « petites touches »


Telles sont les principales étapes, en matière Une approche plus pragmatique a été adoptée,
d’urbanisme, des évolutions institutionnelles et au profit de petites lois ciblées. Le projet de loi
de la décentralisation au Maroc depuis 1914. relatif au contrôle et à la répression des infra-
ctions en matière d’urbanisme est un exemple.
U

Quelles solutions En effet, le dispositif législatif en vigueur a mon-


aux dysfonctionnements ? tré des limites : manque d’uniformité des procé-
Pour que les communes participent effective- dures de contrôle qui varient selon le statut du
IA

ment au développement territorial, le législa- territoire et la nature des projets, responsabilité


teur les a dotées de nouveaux outils de parte- diluée du fait du grand nombre d’administra-
nariat en modifiant et complétant la charte tions habilitées à contrôler et lacunes juri-
communale. diques en matière de démolition.
Le projet de loi sur le contrôle propose de com-
L’intercommunalité bler ces lacunes de plusieurs manières :
Le groupement d’agglomération, créé à l’initia- - en distinguant le contrôle administratif du
tive de communes mitoyennes situées sur un contrôle judiciaire ;
espace territorial continu dont la population - en unifiant les procédures par la suppression
est supérieure à 200 000 habitants, s’est consti- du dépôt de plainte du président du conseil
tué pour la réalisation et la gestion de services communal auprès du procureur compétent ;
d’intérêt commun.Assimilable à une intercom- - en criminalisant le non-respect des ordres
munalité, il est notamment compétent en d’interruption des travaux et de tout acte irré-
matière de planification urbaine (élaboration gulier pouvant se traduire par des morcelle-
et suivi du schéma directeur du groupement). ments illégaux ;
Il est également habilité à créer et à gérer des
équipements, des zones d’activités, ainsi que (2) Voir dans ce numéro des Cahiers, HAFIF Azzeddine « Des
des opérations d’aménagement. statuts complexes d’un foncier rare », p. 120.
113
Le Maroc en perspective :
regards croisés Adaptation des outils juridiques et institutionnels
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Évolutions institutionnelles, décentralisation et jeu d’acteurs

- en engageant des poursuites à l’encontre des Les circuits et procédures d’instruction des
professionnels ayant commis une faute pro- demandes d’autorisation de construire, de lotir,
fessionnelle ou ayant participé à la commis- de créer des groupes d’habitations et de morce-
sion d’une infraction en matière d’urbanisme; ler doivent être simplifiées. Enfin, il est néces-
- en instaurant la réalisation d’un cahier de saire de réduire les délais d’instruction et d’ap-
chantier pour le suivi et le contrôle. probation des plans d’aménagement, afin
d’éviter le recours systématique au dispositif
L’innovation dans le financement dérogatoire.
de l’urbanisation Outre les actions de rattrapage initiées par le
Un autre projet de loi sur le financement de Gouvernement (programme national Villes
l’urbanisation est en cours d’élaboration. Il sti- sans bidonvilles, mise à niveau urbaine, etc.),
pule l’instauration d’un système de reverse- les actions présentées, prises ou à prendre,
ment d’une quote-part par les propriétaires sur visent au développement des villes et des cam-

ce
le produit de la valorisation foncière engen- pagnes marocaines, dans le cadre d’une urba-
drée par l’ouverture d’une zone à l’urbanisa- nisation harmonieuse prenant en considéra-
tion ou le changement de zonage au profit des tion tous les aspects économiques, sociaux,
communes concernées. L’objectif est de per- environnementaux.

an
mettre à ces dernières de faire face à leurs obli- De ce fait, il est aujourd’hui impératif d’adopter
gations et aux charges nées de ces nouvelles une vision commune à l’ensemble des acteurs
situations. locaux pour l’élaboration d’un projet de terri-
Pour remédier aux dysfonctionnements en toire susceptible de répondre aux différents
matière d’urbanisme, plusieurs autres mesures enjeux du développement local.
Fr
devront être prises à travers la refonte des circu-
laires. Il est nécessaire d’inciter les départe-
ments ministériels concernés à proscrire tout
Cette vision doit ensuite être traduite spatiale-
ment par les documents d’urbanisme (schéma
directeur d’aménagement urbain, plan d’amé-
acte de renoncer (mainlevée) aux terrains nagement et plan de développement des agglo-
e-
réservés aux équipements publics projetés par mérations rurales), et mise en œuvre par les
les plans d’aménagement, afin d’acquérir les décideurs et gestionnaires locaux.
terrains en question et de réaliser les équipe-
ments correspondants.
-d

Il faudra, par ailleurs, préciser les conditions de


dérogation et définir l’éligibilité des projets d’in-
vestissement à l’instruction (projets créateurs
d’emplois permanents), et la non-attribution en
île

cas d’atteinte aux équipements publics. Il fau-


dra prévoir également une procédure de retrait
de l’accord de principe dérogatoire en cas de
non-respect des conditions d’octroi de la déro-
gation.
U
IA

V. Said/IAU îdF

Des opérations de projets intégrés


sont en cours de réalisation,
ici à Agadir.
114
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Adaptation des outils juridiques et institutionnels

Aménagement du territoire :
Abdelouahed Fikrat
Directeur national du stratégique à l’opérationnel
de l’Aménagement
du territoire

La politique d’aménagement
du territoire au Maroc a été traduite
par le schéma national d’aménagement
du territoire, décliné à travers
des stratégies différentes selon

ce
les territoires. Un suivi et une évaluation
ont été mis en place pour mieux
adapter cette vision stratégique

an
à l’opérationnel et permettre
la réalisation des projets.
La gouvernance et la cohérence
Fr J.-L. Pagès territoriale demeurent des défis
à relever.
e-
e processus de renouvellement de la de l’aménagement est l’unité nationale. Au

L
Le site exceptionnel de la vallée
du Bouregreg fait l’objet d’un grand politique d’aménagement du territoire niveau territorial, cela signifie avant tout l’éga-
projet stratégique d’aménagement au Maroc, engagé par le département en lité de traitement des citoyens, en tout lieu ;
du territoire à l’échelle charge de l’aménagement du territoire en 1998, - le principe d’efficacité. Il se traduit spatiale-
-d

de l’agglomération de Rabat-Salé. a permis de s’adapter aux évolutions et ten- ment dans une dimension nationale et locale.
dances territoriales et d’être à l’écoute des Tout d’abord, l’efficacité territoriale des ser-
acteurs et des territoires, marquant ainsi la vices publics et des réseaux nationaux de
phase de conception de la vision stratégique transport, de communication, de transfert
île

de l’aménagement du territoire. d’énergie et, à l’échelle locale, l’efficacité éco-


nomique des territoires urbains et ruraux ;
Genèse d’une démarche globale - le principe de durabilité. Principe universel
en tout lieu pour le développement écono-
Élaboration innovante d’une vision stratégique mique et social.
U

de développement des territoires Ces principes sont les fondamentaux du Snat.


Plusieurs actions ont concouru à l’élaboration En effet, l’aménagement du territoire consiste à
d’une vision stratégique. Le débat national sur concilier et à articuler ces principes sur le ter-
IA

l’aménagement du territoire (DNAT) fut une rain selon la règle : « à chaque territoire, selon
démarche ascendante, du local au régional, ses besoins sociaux – de chaque territoire,
puis au national. Il a permis à tout un chacun selon ses capacités économiques ». C’est en
de contribuer à une réflexion collective et quelque sorte la devise du Snat.
concertée qui s’est traduite par la charte natio- Aujourd’hui, le contexte a évolué, notamment
nale et le schéma national d’aménagement du du fait de l’émergence de nouvelles probléma-
territoire (Snat). La charte est la synthèse du tiques à très forts enjeux socio-économiques
débat citoyen et d’un consensus. Elle expose (le développement humain, la question
les enjeux territoriaux et arrête les principes de urbaine, le développement du monde rural,
base et les orientations sur lesquels doit repo- etc.), qui mobilisent différents acteurs. De plus,
ser l’aménagement du territoire. les enjeux économiques liés à l’ouverture des
Le Snat est un cadre d’orientations stratégiques marchés marocains et aux engagements de
dans lequel l’État affiche sa politique globale libre-échange exigent une mise à niveau et des
d’aménagement et de développement du terri- qualifications dans tous les secteurs. Par ail-
toire. leurs, on observe des ruptures territoriales dans
Plusieurs principes ont été pris en compte lors des zones en marge du développement et
de la définition de la vision stratégique : l’émergence de nouvelles dynamiques d’ac-
- le principe de citoyenneté. Le paradigme teurs (partenariats public/privé, participations
115
Le Maroc en perspective :
regards croisés Adaptation des outils juridiques et institutionnels
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Aménagement du territoire : du stratégique à l’opérationnel

d’ONG). Enfin, des opérateurs économiques se En ce sens, une réflexion stratégique a été
positionnent sur des créneaux de développe- menée afin de construire la vision d’avenir. Les
ment territorial et l’État s’engage dans de vastes objectifs visaient à garantir la cohérence de
réformes pour l’amélioration des conditions de l’action publique, alimenter le dispositif déci-
compétitivité et de performance de l’économie sionnel sur les grands projets structurants, veil-
nationale et des modes de gouvernance. ler à la compétitivité internationale et élaborer
Ce nouveau contexte impose à la politique des orientations territoriales stratégiques.
d’aménagement du territoire de se positionner Dans le même temps, la mise en œuvre s’est
par rapport aux besoins spécifiques d’aide au traduite par des actions de proximité et des
développement et d’aide à la décision à travers appuis aux projets de territoires. Cette
deux missions : la réflexion stratégique et démarche générique sur le plan méthodolo-
« l’opérationnalisation » au service du dévelop- gique s’est adaptée aux différentes échelles ter-
pement local. ritoriales et aux types d’acteurs.

ce
Enfin, des missions d’observation, de veille, de
Nouvelle démarche : suivi et d’évaluation ont été mises en place.
« un territoire, une stratégie, un contrat » Ainsi, la politique d’aménagement du territoire
Pour répondre efficacement aux exigences de a impulsé la réalisation d’un référentiel d’orien-

an
la nouvelle conjoncture nationale et interna- tations du Snat, de stratégies nationales de déve-
tionale et réaliser les projets ciblés dans le Snat, loppement territorial et de développement
la direction de l’Aménagement du territoire, rural, et de schémas régionaux d’aménagement
appuyée par les pouvoirs publics, s’est réorga- du territoire (Srat) en partenariat avec les
nisée pour accompagner les chantiers de conseils régionaux et le ministère de l’Intérieur.

que connaît le pays.


Fr
réformes institutionnelles et organisationnelles Elle a favorisé l’adoption de nouvelles démar-
ches territoriales, mobilisatrices d’acteurs et de
financements (démarche projet de territoire et
actions de proximité). Un savoir-faire a ainsi été
e-
développé sur les métiers de l’aménagement
du territoire (diagnostic stratégique, prospec-
tive territoriale et dispositifs d’évaluation), ainsi
que sur le système d’informations territoriales
-d

(SIT) et la consolidation des bases de données


spécifiques à la migration interne.
En stratégie de développement et d’aménage-
ment, le degré de couverture territoriale consti-
île

tue un indicateur majeur. Il permet de mesurer


l’état de réalisation des objectifs du Snat. À ce
titre, les stratégies suivantes ont été adoptées :
- la généralisation de la couverture du territoire
national par les Srat ;
U

- le développement des aires métropolitaines


ciblées par le Snat, à savoir les aires métropo-
litaines de l’axe central de Casablanca-Rabat
IA

(Sofa(1)), du bipôle Fès-Meknès et du bipôle


Tanger-Tétouan ;
- les espaces sensibles : la montagne, les oasis,
le littoral ;
- le développement rural soutenu pour sa mise
en œuvre par le levier financier (le fonds de
développement rural), en partenariat avec les
acteurs locaux ;
- des actions de proximité et de mise en œuvre
d’une démarche de planification participa-
tive, qui vise le renforcement des capacités
des acteurs locaux (agendas 21 locaux, pro-
Direction de l’aménagement du territoire

jets de territoires).

(1) Schéma d’organisation fonctionnelle et d’aménagement.


116
Du stratégique à l’opérationnel - une vision de développement territorial fon-
dée sur une analyse systémique élargie à l’en-
Le projet de territoire : d’une orientation semble de l’écosystème oasien du Tafilalet
du Snat à sa mise en œuvre (oasis, steppes, dunes et forêts). Celle-ci intè-
Le développement des territoires repose sur gre les aspects économiques, sociaux, cultu-
la capacité des acteurs territoriaux à impulser rels et environnementaux ;

V. Said/IAU îdF
et à porter des dynamiques de développement - une démarche communale « du bas vers le
dans la durée. La démarche « projets de haut », qui vise à accompagner l’élaboration et
territoires » initiée par le département de la mise en œuvre des plans communaux de
l’Aménagement du territoire dans quatre développement, tout en utilisant les données Intégration parfaite des villages
régions (Gharb-Chrarda-Beni Hssen, Chaouia- et éclairages issus des analyses systémiques. de l’Atlas dans le paysage
Ouardigha, Doukkala-Abda, Taza-Al Hoceima- Elle alimente la construction de la vision de de la région de Marrakech.
Taounate) a débouché sur l’identification d’un développement territorial ;

ce
ensemble de projets en mesure de créer une - la recherche d’intercommunalité, qui permet-
dynamique de développement durable. Cette tra de construire des plans territoriaux cohé-
approche s’inscrit dans le cadre de l’appui au rents entre les communes, intégrant les fonc-
développement local et à la promotion du par- tions écologique, économique, sociale et

an
tenariat par la mobilisation et l’accompagne- culturelle des écosystèmes oasiens.
ment des acteurs locaux. Le programme Oasis concerne, dans une pre-
Les objectifs sont de concrétiser et de permet- mière phase, le bassin de Tafilalet.
tre l’appropriation des outils de la démarche

V. Said/IAU îdF
territoriale de développement ; de mobiliser les Des acquis grâce aux différentes démarches
acteurs pour la réalisation partagée des objec-
tifs et du contenu des projets de territoire iden-
tifiés ; de développer la démarche contractuelle
Fr
L’impact de ces démarches demeure limité,
mais le processus de construction de la poli-
tique de développement territorial aura permis La problématique de l’eau
dans la mise en œuvre des projets. Il s’agit éga- d’instaurer de nouvelles pratiques de concerta- est un élément essentiel
e-
lement d’impulser et d’accompagner les tion et de participation, et de diffuser une cul- de la politique stratégique
acteurs locaux dans le montage des projets de ture d’aménagement du territoire et de ses de l’aménagement du territoire.
développement et d’ancrer la culture de l’ap- enjeux. Il aura surtout contribué à intégrer la Ici, le barrage et le lac de Tahanaourt
proche participative dans l’élaboration des pro- prise en compte de la dimension territoriale dans la région de Marrakech.
-d

jets de territoire, actuellement en phase de réa- dans la conception et le montage des diffé-
lisation avec l’appui financier du fonds de rentes stratégies d’intervention et des projets
développement rural. de développement.
Cependant, des mesures d’ordre institutionnel
île

Le projet de lutte contre la désertification doivent être prises, relevant particulièrement


et la pauvreté par la sauvegarde de la bonne gouvernance territoriale et des
et la valorisation des oasis modes opératoires. Il s’agit de chantiers lancés
Le projet de lutte contre la désertification est un dernièrement par le Maroc et qui portent sur :
programme d’actions découlant de la stratégie - la régionalisation élargie avec toutes ses impli-
U

nationale sur le développement et l’aménage- cations en termes de déconcentration et de


ment des oasis, orientation retenue par le Snat. décentralisation ;
Il fédère aujourd’hui plusieurs partenaires - une pratique normative de la contractualisa-
IA

nationaux et internationaux. Il s’articule autour tion État/région pour plus de convergence et


des axes suivants : l’optimisation de la gestion d’intégration ;
des ressources en eau ; l’organisation et l’enca- - des compétences et missions clarifiées ;
drement des populations; la promotion des cul- - un positionnement institutionnel fort de la
tures adaptées et à haute valeur ajoutée ; l’amé- structure en charge de l’aménagement du ter-
lioration des structures foncières. La mise en ritoire.
place de mécanismes d’intégration des poli-
tiques et des programmes d’intervention, et de La cohérence territoriale :
mécanismes réglementaires et financiers, est un nouveau défi à relever
également prévue pour promouvoir les projets Le partage d’une vision territorialisée du déve-
de développement adaptés à ces espaces. loppement par la prise en compte des exi-
Le projet vise à consolider, voire à créer, une gences de la démarche et de la cohérence ter-
plate-forme locale de développement durable ritoriale est un processus de longue haleine. Il
regroupant, à travers le bassin identifié, tous les nécessite une volonté politique traduite par des
acteurs du développement autour d’une réformes d’ordre institutionnel et réglemen-
« démarche de pays ». Les principales orienta- taire, et par des leviers financiers pour l’aména-
tions stratégiques du projet résident en une gement du territoire, ce qui représente un grand
approche territoriale à trois portes d’entrée : défi à relever.
117
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Adaptation des outils juridiques et institutionnels

Hafida Aarab(1) Le développement durable


Ministère de l’Habitat,
de l’Urbanisme dans la réforme de l’urbanisme
et de l’Aménagement
de l’espace

Conformément aux Hautes Instructions


Royales, le Maroc a confirmé son
adhésion aux principes internationaux
de préservation de l’environnement

ce
et son choix d’intégrer la gouvernance
environnementale, notamment à travers
la mise en œuvre de la stratégie

an
énergétique nationale et de la charte
nationale de l’environnement
et du développement durable
V. Said/IAU îdF
Fr en cours d’élaboration.
e-
a fréquence des catastrophes naturelles Le code de l’urbanisme, novateur et évolutif,

L
Application de méthodes
écologiques pour la création liées aux changements climatiques, pose les jalons d’un urbanisme adapté aux
d’espaces verts en milieu urbain conjuguée à la hausse des prix du défis de la ville marocaine, qui se veut attractive,
à Agadir. pétrole, et les impacts négatifs de ces facteurs compétitive et durable, afin de drainer de l’in-
-d

sur le développement du Maroc, ont interpellé vestissement, de créer de la richesse, de préser-


le Gouvernement. Ainsi, il a décidé de fédérer ver les ressources naturelles, ainsi que de confir-
les efforts et d’optimiser les actions, tant mer l’identité patrimoniale et culturelle. Il s’agit
« […] Il faudra prévoir, parmi les nouvelles publiques que privées, dans un cadre de déve- de s’inscrire dans un cadre mondialisé et dura-
île

priorités, l’adoption d’une nouvelle loppement durable et intégré sur le plan écono- ble, et de renforcer la démocratie locale et la
politique agricole, énergétique mique, écologique et social. gouvernance environnementale. Pour atteindre
et hydraulique, ainsi que l’élaboration
d’un plan pour le développement territorial ces objectifs, le nouveau dispositif s’accom-
urbain et rural. » Une nouvelle approche énergétique pagne d’une variété de documents d’urba-
Extrait du discours de l’urbanisme nisme et d’instruments d’aménagement urbain.
de Sa Majesté le Roi Mohammed VI
U

à l’ouverture de la 8e législature Le Maroc est tributaire des importations de pro- Ce code propose un document stratégique : le
(12 octobre 2007). duits pétroliers pour son approvisionnement schéma directeur d’agglomération (SDA), sup-
énergétique à hauteur de 95 %. Il doit donc pri- port d’une contractualisation des actions pro-
IA

vilégier les énergies renouvelables et maîtriser grammées en concertation avec les partenaires
sa consommation. Cela se traduit par des concernés, fixant les orientations stratégiques et
réformes réglementaires et opérationnelles. tenant compte de celles liées à l’aménagement
du territoire.
Renouvellement global de l’arsenal Au niveau des règles générales d’utilisation du
réglementaire sol, il propose notamment un plan d’aménage-
ment et un plan de sauvegarde et de mise en
Les préoccupations environnementales valeur. Le premier évite le recours au zonage
dans le code de l’urbanisme figé dont a souffert la ville marocaine depuis
Un nouveau dispositif de maîtrise du proces- des années et qui a laissé le champ libre aux
sus de l’urbanisation, dit code de l’urbanisme, pratiques dérogatoires qui ont nuit à la gestion
sera mis en place. Il prévoit des dispositions urbaine en rejetant les bases d’une planifica-
telles que l’obligation des études d’impact sur tion urbaine durable. Il définit les secteurs à
l’environnement pour les villes nouvelles, l’inté- partir de leur densité globale, de leur coeffi-
gration des plans verts comme outils de plani- cient d’occupation du sol et de leur vocation,
fication, et la prise en considération de l’envi- en intégrant la dimension environnementale.
ronnement dans l’élaboration des documents
d’urbanisme. (1) Directrice de la direction technique de l’Habitat.
118
Le plan de sauvegarde et de mise en valeur riaux et des procédés de construction. Enfin,
indique les mesures de protection et de valori- il proposera un système de contrôle inté-
sation à mener dans les secteurs à valeur patri- gré (intervenants, matériaux, procédés),
moniale ou écologique, ainsi que leurs possibi- ainsi que des sanctions.
lités de développement et d’aménagement.
Le nouveau code propose également des sec- Inscrire l’efficacité énergétique
teurs de projets définis par le plan d’aménage- dans le secteur du bâtiment
ment pour porter des opérations de rénovation, La consommation énergétique du secteur
de reconversion, de requalification, etc. Ces sec- du bâtiment représente environ 36 % de
teurs peuvent englober des zones sous surveil- la consommation du pays, dont 29 % dans
lance architecturale, et des zones d’interven- le résidentiel et 7 % dans le tertiaire. Cette
tion sur l’habitat insalubre ou menaçant ruine. consommation est appelée à augmenter
Les aspects sociaux, écologiques et écono- au regard de l’impératif de production de

ce
miques de ces zones sont pris en compte. plus de 200 000 logements par an, et de l’aug-

J.-L. Pagès
Concernant l’aménagement foncier, un nouvel mentation des besoins en matière de confort
instrument opérationnel a été créé : le secteur énergétique que les changements climatiques
d’aménagement concerté. Il associe le secteur a accentué. Ainsi, une stratégie énergétique Jardin andalou,

an
privé, les propriétaires fonciers et les opérateurs nationale a été mise en place avec pour objec- Kasbah des Oudayas, Rabat.
d’aménagement et de construction, pour garan- tif la réduction globale de la consommation
tir la répartition équitable des plus-values et des d’énergie d’au moins 15 % à l’horizon 2020.
coûts liés à l’urbanisation. Enfin, ce code a ins- Pour s’inscrire dans cette stratégie, le ministère Charte nationale de l’environnement
titué les opérations de remembrement urbain a initié des études d’impact environnemental et et plan climat
qui consistent à regrouper des parcelles en vue
d’une nouvelle répartition foncière permettant
une utilisation optimale des terrains.
Fr
énergétique pour les villes nouvelles de
Lakhyayta (près de Casablanca) et de Chrafate
(près de Tanger). Enfin, il a intégré ces mêmes
Plusieurs démarches ont été mises
en œuvre afin d’intégrer le développement
durable et l’environnement
dans l’aménagement. Ainsi, une charte
préoccupations dans les cahiers des charges de l’environnement et du développement
e-
Des études d’impact préalables du nouveau dispositif d’habitat social pour la durable, un plan climat et des plans
territoriaux de lutte contre le réchauffement
pour renforcer l’efficacité énergétique période 2010-2020 et introduit progressivement
climatique sont en cours d’élaboration.
Les villes nouvelles et les zones d’urbanisation des techniques et des normes d’efficacité éner-
nouvelles sont traitées actuellement comme gétique dans les programmes d’aménagement Des stratégies de développement
-d

des opérations de lotissement. Aussi a-t-il été urbain et d’habitat. territorial durable
décidé de les doter d’un cadre juridique offrant Maîtriser le développement urbain, concilier Au niveau national, six stratégies de
une gestion rationnelle des ressources natu- développement territorial ont été lancées.
les outils nécessaires à leur réalisation et inté-
Chacune s’attelle à des enjeux majeurs
grant les principes du développement durable. relles avec un développement créateur d’em-
île

du territoire marocain : les problématiques


Le projet de loi visant à renforcer l’efficacité plois, assurer des conditions de vie dignes, pré- nationales, telles que le développement
énergétique dans les secteurs-clés de l’écono- server l’environnement, et assurer une plus rural ou le renouvellement urbain ;
mie nationale et dans les villes nouvelles ren- grande égalité des chances, tels sont les défis à ou les espaces sensibles comme les oasis et
dra obligatoire la réalisation d’études d’impact relever par ces actions qui s’inscrivent dans le les massifs montagneux ou les ksour
et les kasbahs.
énergétique. L’objectif consiste à évaluer les cadre de la réforme en cours de l’habitat, de Chaque stratégie prône l’intégration sociale,
U

consommations énergétiques prévisionnelles l’urbanisme et du développement territorial. la solidarité territoriale, la préservation


et les potentiels d’efficacité énergétique en des équilibres naturels, la prise en compte
identifiant les ressources énergétiques locales, des impacts du changement climatique
et la promotion d’une économie régionale
IA

notamment renouvelables.
compétitive. Ces stratégies s’accompagnent
d’une variété d’outils opérationnels adaptés
La durabilité dans les constructions aux thématiques et aux échelles.
Un code de la construction, en projet, complète Plusieurs projets pilotes ont démarré :
le code de l’urbanisme. Son objectif est de la maîtrise du développement urbain
moderniser et de favoriser la construction dura- à El Jadida et Settat, et le renouvellement
urbain sur le secteur de Jnanate à Fès.
ble. En effet, la situation actuelle, quasi anar-
chique, met en jeu la responsabilité de l’inter-
venant, la sécurité de l’usager, la qualité et la
durabilité de la construction. Ce code permet-
tra d’identifier tous les intervenants dans l’acte
de construire, de définir clairement leurs rôles L’interpénétration du bâti
et d’offrir un système adapté d’assurance et de et des espaces verts est une qualité
garantie. Il visera à améliorer les référentiels uti- qui contribue à la durabilité
lisés en matière de normalisation et de certifi- du développement urbain
V. Said/IAU îdF

cation en analysant les dispositifs d’autres pays. au bénéfice de tous les habitants.
Il pourra intégrer les avancées sociales, écono- Ici, un espace public
miques, énergétiques ou écologiques des maté- de la municipalité de Oujda.
119
Le Maroc en perspective :
regards croisés Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Adaptation des outils juridiques et institutionnels

Les statuts complexes


Azzeddine Hafif(1) d’un foncier rare
Agence urbaine
de Casablanca

L’urbanisation croissante au Maroc


soumet le sol urbain à la pression
d’une demande accrue. Le constat

ce
est dressé de l’urgente nécessité
de refondre le système foncier.
Une situation que les politiques

an
publiques essaient de dépasser,
convaincues que la maîtrise foncière
est une condition indispensable
à une urbanisation maîtrisée.
Fr Virtual Earth
e-
a présente contribution offre un éclai- priation par l’État ou les établissements publics.

L
La maîtrise du foncier est un enjeu
majeur de l’aménagement. rage sur la complexité des différents sta- • Le guich désigne les terrains concédés aux
tuts fonciers, les contraintes liées à la soldats recrutés par le Makhzen dans certaines
mobilisation foncière, leur impact sur le déve- tribus. La nue propriété est gardée par l’État qui
-d

loppement urbain(2) et évoque les projets de cède l’usufruit.


réforme. • Les terres habous relèvent d’un acte juridique
par lequel une personne met son bien à la dis-
Une complexité issue de la multiplicité position d’une œuvre caritative ou sociale à
île

des statuts fonciers perpétuité. On distingue les habous publics


Le système se caractérise par l’existence de six (habous kobra et habous soghra), gérés par
statuts fonciers : le melk, le collectif, le guich, le des nadirs relevant du ministère des Habous et
habous, le domaine privé de l’État et le secteur des Affaires islamiques, et les habous privés
de la réforme agraire. (habous de famille ou de zaouia). Les proprié-
U

• Les terrains privés, propriétés de personnes tés habous sont imprescriptibles, insaisissables
physiques ou morales de droit privé, sont le plus et inaliénables, sauf expropriation pour cause
souvent non immatriculés et donc régis par le d’utilité publique.
IA

droit musulman (le melk), le plus important • Les terrains appartenant à l’État se composent
quantitativement (trois quarts de la surface agri- du domaine public et privé de l’État, du
cole utile). « Si les transactions sont juridique- domaine militaire, du domaine forestier et des
ment libres sur les terres melks, elles sont en terres récupérées.
fait fortement ralenties par les caractéristiques • Les terrains appartenant aux collectivités
du régime successoral de droit musulman : une locales sont constitués des domaines des com-
très grande partie des propriétés sont dans l’in- munes, préfectures, provinces et régions.
division entre cohéritiers. Même si le droit pré-
voit des sorties d’indivision, leurs mises en
œuvre sont complexe et passent par un accord
(1) Responsable de la direction foncière et de l’aménage-
ou un dédommagement des cohéritiers qui ment urbain.
bloquent ou ralentissent les transactions(3) ». (2) 55,1 % de la population vivait en milieu urbain en 2004,
• Les terres collectives, essentiellement rurales, contre 51,4 % en 1994. Le rythme de l’urbanisation va conti-
nuer à augmenter en dépit de la baisse du taux de crois-
appartiennent en pleine propriété à des collec- sance démographique, ce qui maintient la pression sur le
tivités ethniques, et sont gérées par les chefs de foncier.
famille sous la tutelle du ministre de l’Intérieur. (3) BOUDERBALA Najib, « La modernisation et la gestion du
foncier au Maroc », dans La modernisation des agricultures
Elles sont imprescriptibles, insaisissables et ina- méditerranéennes à la mémoire de Pierre Coulomb, Mont-
liénables,saufacquisition amiableou par expro- pellier, Jouve AM, CIEHAM-IAMM, 1997, p. 158.
120
Un système foncier Mais ces améliorations, limitées aux autorisa-
qui entrave la mobilisation du sol urbain tions de construire, ne traitent pas la globalité
des procédures administratives liées aux inves-
Les contraintes d’ordre juridique tissements. Ainsi, la procédure d’apurement du
Le système foncier actuel est très complexe. Il foncier, qui fait alterner des procédures tech-
est régi par deux régimes juridiques différents. niques et juridico-administratives intermina-
Un régime traditionnel, issu du droit musulman bles, n’a pas été réformée. Même dans la situa-
et coutumier, qui fonde le droit de propriété sur tion favorable d’une assiette foncière réputée
la possession paisible, à titre de propriétaire, et assainie, il faut accomplir une série de
non interrompue pendant dix ans(4). Les immeu- démarches : acquisition du terrain, enregistre-
bles soumis à ce régime se caractérisent par ment des actes d’acquisition, immatriculation
l’indivision de la propriété, issue de transmis- des terrains au nom des opérateurs, établisse-
sion successorale, et l’absence de publicité. ment des dossiers techniques cadastraux, etc.

ce
Ceci complique la circulation des biens et l’in- La situation paraît d’autant plus complexe
vestissement, eu égard à l’insécurité des tran- qu’elle manque de transparence. L’information
sactions – le droit prétendu subsistant jusqu’à produite par une multitude d’acteurs, corollaire
preuve du contraire – et à la difficulté d’accès de la diversité des statuts juridiques fonciers,

an
au crédit faute de garantie certaine. Instauré en est peu structurée, manque de cohérence, et
1913, un régime moderne s’inspirant de la loi n’est pas à jour. L’investisseur en quête de dispo-
australienne, l’Act Torrens(5), consiste à inscrire nibilités foncières est désorienté : les CRI ne
sur les livres fonciers un immeuble délimité sont utiles que sur des aspects de procédure et
juridiquement et physiquement. L’immatricula- les agences urbaines ne peuvent l’aiguiller que
tion, aboutissement du processus, crée un titre
foncier définitif et inattaquable. Ce régime offre
l’avantage de la publicité des droits immobi-
Fr
sur les documents d’urbanisme. Toutes ces
contraintes risquent d’inhiber les efforts
déployés pour promouvoir l’investissement, de
liers, de la force probante des inscriptions, et de créer une situation de rareté et de conduire au
e-
la purge des droits des tiers. Aussi favorise-t-il développement de marchés parallèles.
la mobilisation de la propriété foncière, grâce à
une transmission plus sûre, ainsi que des crédits Un foncier urbain de plus en plus rare
bancaires. Mais l’immatriculation est complexe, La rareté du foncier urbain est principalement
-d

coûteuse et lente(6). attribuée à deux phénomènes.

Les freins socioculturels L’amenuisement de la réserve publique


L’offre de terrains à valoriser est freinée par la Au lendemain de l’Indépendance, l’État, héri-
île

perception de la propriété foncière comme un tier d’un important patrimoine foncier dans la
placement sûr dont la valeur ne ferait qu’aug- plupart des grandes villes, a pu réaliser des opé-
menter. La vente n’intervient qu’en cas de rations d’envergure. Par crainte de s’enliser dans
nécessité impérieuse. Cette rétention est par-
fois involontaire, comme dans le cas de diffé- (4) Quarante ans lorsque la possession est invoquée à l’en-
contre des parents, d’alliés ou de copropriétaires.
U

rends entre héritiers ou de difficultés de sortie


(5) Cette loi a été adoptée par le parlement australien en
d’indivision entre copropriétaires. Ces terrains 1858. Voir DECROUX Paul, Droit foncier marocain, Rabat, La
sont propices aux morcellements irréguliers et Porte, 1977, p. 55.
(6) Voir dans ce numéro des Cahiers, BOUDERBALA Najib op cit,
IA

aux lotissements « clandestins » qui pullulent La forme du parcellaire traduit


p.161. L’auteur souligne que : « Il a fallu quatre-vingt ans pour
en zones périurbaines et rurales. immatriculer moins de 200 000 propriétés sur un total qu’on des fonciers de types différents.
peut estimer à plus de deux millions ». Exemple de Casablanca.
Les entraves administratives
Le foncier est dénoncé comme handicap rédhi-
bitoire à l’investissement. À la complexité des
statuts s’ajoute la lourdeur des procédures
administratives liées à l’investissement.
Suite à la Lettre royale de 2002 sur la gestion
déconcentrée de l’investissement, des mesures
ont été prises pour simplifier les procédures,
telles le renforcement des pouvoirs des walis
Agence urbaine de Casablanca

de région, avec la délégation des compétences


ministérielles en matière d’autorisations liées
à l’acte d’investir ; la transformation de cer-
taines commissions nationales en commissions
régionales ; et la création des centres régionaux
d’investissement (CRI).
121
Le Maroc en perspective :
regards croisés Adaptation des outils juridiques et institutionnels
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Les statuts complexes d’un foncier rare

les méandres de l’expropriation, les adminis- un leitmotiv. Cette question revêt toute son
trations et les établissements publics ont privi- importance dans les grandes villes, notamment
légié les terrains domaniaux dans des villes à Casablanca, eu égard aux nombreux défis
comme Casablanca, Fès, Marrakech, Meknès, que la métropole économique doit relever.
où la demande sociale se faisait particulière- Le sol urbain a un intérêt stratégique qui
ment sentir. À Casablanca, l’extension s’est requiert une action volontariste, énergique et
essentiellement réalisée sur le foncier rapide- innovante des pouvoirs publics. Si des réformes
ment mobilisable (85 % des constructions de sont en cours, d’autres restent à inventer.
l’agglomération en 1982) acquis au début des
années 1950 par Michel Écochard(7). Cepen- Le nouveau projet de loi foncière,
dant, cette manne s’épuise. Elle est constituée prémisse d’une véritable évolution ?
généralement de terres situées en périphérie Le système mis en place dès les années 1910
rurale, hors périmètres d’aménagement arrêtés n’a jamais été revisité en profondeur. La

ce
par les documents d’urbanisme, ce qui engen- réforme conduite par le département de l’Agri-
dre un étalement urbain dicté par l’opportu- culture peine à voir le jour (la première tenta-
nisme foncier. tive remonte à 1994), alors qu’elle est un préa-
L’amenuisement du foncier public livre la ville lable nécessaire à la réforme globale de la

an
à l’initiative privée qui décide du temps de mise question foncière.
sur le marché d’un terrain et, dans une certaine Reconnaissant la lourdeur du système, le projet
mesure, de sa valeur vénale. C’est une explica- de loi n° 14.07 modifie le dahir(9) du 12 août
tion de la flambée des prix(8) dans les grandes 1913 relatif à l’immatriculation en imposant aux
villes, qui n’a été ralentie qu’avec la crise éco- propriétaires, dans des zones délimitées, d’im-
nomique mondiale. Fr
Pourtant, les terrains ne manquent pas dans
l’absolu. Le nouveau schéma directeur d’amé-
matriculer leurs biens immobiliers dans le
cadre de procédures gratuites et en ramenant
le délai des inscriptions à trois mois, avec une
nagement urbain (Sdau) de Casablanca a amende progressive en cas de retard. Enfin, ce
e-
ouvert 25 000 hectares à l’urbanisation. Mais, projet de loi rend obligatoire l’authentification
dans le contexte juridique actuel, ceci ne pro- des actes devant notaire ou adoul(10), afin de
fite qu’aux propriétaires dont la valeur des ter- sécuriser les opérations foncières, et sanctionne
rains augmente. La rétention des terrains dans les oppositions et prénotations abusives.
-d

le Casablanca intra-muros entraîne un renché- Malgré les apports de ce texte, on est encore
rissement des prix, aggravant ainsi la ségréga- loin d’une refonte du système foncier articulée
tion sociale en rejetant les ménages à faibles avec la loi sur l’Urbanisme – dont le toilettage
revenus en périphérie. In fine, la ségrégation tarde à entrer en vigueur – et la fiscalité, trois
île

spatiale progresse, malgré des documents d’ur- secteurs clés qui aujourd’hui s’ignorent.
banisme qui s’efforcent de rétablir les équili-
bres entre les différents espaces de la ville. Contribution au financement de l’urbanisation
par les plus-values foncières
Le dilemme des marchés parallèles Un projet de code de l’urbanisme innove en
U

Ces marchés, qui prolifèrent dans les marges traitant la question foncière sous l’angle de l’ur-
urbaines où le foncier est cédé à bas prix, pro- banisme. Il ne s’agit pas de se substituer aux
duisent des situations paradoxales : les quar- dispositions de la loi sur l’Immatriculation fon-
IA

tiers auxquels ils ont donné naissance se trou- cière, mais d’en fixer les principes de base.
vent bloqués, à leur tour, par le facteur foncier. Les objectifs sont de mieux distribuer les plus-
Chassés par le marché foncier et sans crédibi- values foncières, notamment pour la prise en
lité auprès des institutions bancaires, les charge du coût de l’urbanisation, de dissocier
ménages à revenu bas ou sans revenu fixe trou- les autorisations administratives du statut de
vent refuge dans les périphéries des grandes propriété et d’établir des outils d’orientation
Agence urbaine de Casablanca

agglomérations, lieux de prédilection de l’ha- foncière. Il s’agit également de réserver du fon-


bitat dit « clandestin ». La régularisation urbaine cier pour les équipements publics dans les lotis-
comporte des opérations de restructuration et sements, de réguler le marché foncier et d’en-
de résorption de l’habitat insalubre visant à
intégrer ces tissus dans le périmètre d’aména- (7) KAIOUA Abdelkader, Casablanca, l’industrie et la ville,
gement des documents d’urbanisme. Mais elle Mohammedia, imprimerie Fedala, 1996, p.476.Voir également
Des réserves foncières bute sur le foncier car ces quartiers sont réali- la biographie de Michel Ecochard dans ce numéro des
Cahiers, p. 172 .
pour les équipements publics sés principalement sur des terrains privés. (8) Le prix du mètre carré dans le « triangle d’or » à Casa-
sont prévues dans les plans blanca dépasse les 70 000 dirhams. Dans des quartiers péri-
d’aménagement (en jaune hachuré Une réforme qui se fait attendre centraux, il excède les 10 000 dirhams.
(9) Loi promulguée par le Sultan ou par le Roi.
sur cet extrait du plan L’affirmation que la maîtrise urbaine passe for- (10) Auxiliaires des juges, ils sont 5 000 au Maroc et sont com-
d’aménagement de Mohammedia). cément par la maîtrise foncière revient comme pétents pour de nombreux actes légaux.
122
cadrer l’expropriation et la préemption.
Partant de ces principes, le projet de code sug-
gère de dissocier l’immatriculation foncière des
autorisations de lotir, et de prévoir différentes
zones d’aménagement foncier réservées dans
le plan d’aménagement et des zones de projet,
notamment celles faisant l’objet de modalités
particulières (aménagement concerté ou négo-
cié, rénovation et renouvellement urbain, etc.).
Il propose d’instaurer une contribution gratuite
du lotisseur aux réservations foncières desti-
nées aux équipements collectifs et de créer des
agences foncières régionales dotées de moyens

ce
juridiques (droit d’expropriation et droit de
préemption) et financiers adéquats pour
reconstituer des réserves foncières.

Les chantiers prioritaires à engager

an
Une urbanisation contrôlée implique une
démarche innovante, anticipatrice et intégra-

Virtual Earth
tive des différentes entités publiques. Les chan-
tiers à engager dans cette perspective doivent
privilégier :

La reconstitution de la réserve foncière


Fr
considère comme zone agricole. Enfin, la TNB
n’intègre pas non plus la valorisation des lotis-
Les agences foncières régionales
permettront une meilleure
Cette action devrait être effectuée par la col- sements qui restent longtemps sans construc- connaissance du foncier
e-
lectivité publique pour pouvoir anticiper les tion du fait de la spéculation. et faciliteront la mise en œuvre
acquisitions dans les nouvelles zones d’urba- de la planification.
nisation, à des prix raisonnables correspondant Le financement de l’urbanisation
à la valeur des terrains avant ou à la date d’ap- C’est un enjeu majeur révélé par la mise en
-d

probation des plans d’aménagement(11). œuvre des documents d’urbanisme. Il se heurte


au problème du financement des équipements
La création d’une agence foncière régionale hors site et des superstructures dans les zones
et d’un observatoire foncier ouvertes à l’urbanisation, et sans lesquels l’offre
île

L’agence foncière régionale proposée par le de terrains urbains restera théorique.


projet de code de l’urbanisme doit être dotée La ville prend du temps à se réaliser, elle se
de ressources financières conséquentes et son construit au gré d‘une juxtaposition de lotisse-
action doit être encadrée par des règles rela- ments. L’investissement hors site, généralement
tives aux zones d’aménagement différé (ZAD), très onéreux, dépasse les capacités des collec-
U

et au droit de préemption et d’expropriation tivités locales, même les plus riches. La ques-
préservant les droits des propriétaires. Elle doit tion de l’urbanisation dévoile également la fai-
pouvoir intervenir sur le marché comme un blesse des financements publics. Il incombe
IA

promoteur privé pour ne pas voir son action donc au législateur d’imaginer les mécanismes
contrariée par des commissions d’expertise et appropriés de mobilisation du sol urbain par
se voir obligée de recourir à la procédure d’ex- voie d’acquisition des terrains ouverts à l’urba-
propriation. L’agence foncière régionale doit nisation et de financement de leur équipement,
réguler le marché foncier car la réserve de ter- notamment par le développement de partena-
rains permet de peser sur les prix en mettant les riats public-privé et privé-privé ; sans oublier la
terrains sur le marché au moment opportun. fiscalité qui doit inciter à la valorisation, dissua-
Un observatoire foncier est nécessaire comme der la rétention et la spéculation foncière, et
outil d’aide à la maîtrise des acquisitions fon- pourvoir les ressources financières nécessaires
cières et à la promotion de l’investissement. à l’effort d’urbanisation.

Le réaménagement de la fiscalité foncière


La rétention est une réalité contre laquelle la
fiscalité foncière est presque inopérante. En
zone urbaine, la taxe sur les terrains non bâtis
(TNB) essaie difficilement de jouer ce rôle. Le
(11) AUBY Jean-Bernard et PÉRINET-MARQUET Hugues, Droit de
foncier en zone périurbaine voit sa valeur aug- l’urbanisme et de la construction, Paris, Montchrestien, 1998,
menter, mais il est à l’abri de la fiscalité qui le p. 293.
123
IA
U
île
-d
e-
Fr
an
ce
30 ans

ce
de coopération
avec le Maroc

an
L’éventail des actions de coopération menées par l’IAU îdF
Fr
depuis 30 ans avec les différents partenaires marocains
illustre les apports mutuels riches et fructueux.
Ces travaux démontrent l’adaptabilité du Maroc
e-
à l’innovation dans les approches intégrées et soulignent
l’évolution des pratiques de planification stratégique
et de traitement de problématiques spécifiques.
-d

Ainsi, des solutions originales et adaptées ont été


apportées à des thèmes qui sont toujours d’actualité,
qu’elles soient urbaines ou environnementales,
île

liées notamment aux médinas, à l’habitat irrégulier


ou au parcs naturels.
Des visions prospectives pour anticiper les besoins
croissants ont été définies, notamment à Agadir
avec le Satama ou à Casablanca avec le plan
U

de développement stratégique et sa traduction spatiale


et réglementaire dans le nouveau Sdau.
IA

L’IAU îdF a également participé avec ses partenaires


à l’élaboration d’une variété d’outils, notamment
de nouvelle technologie. Le développement et la montée
en puissance de façon adaptée, des systèmes d’information
géographique, des tableux de bord et des observatoires
ont largement contribué à l’amélioration des performances
de l’analyse des phénomènes urbains au service
des décideurs.
Enfin, la création du centre de ressources multimédia
de la Direction de l’urbanisme a permis de faciliter
la visibilité et l’accessibilité aux informations.
Dépassant l’échelle nationale via internet et l’adhésion
aux réseaux européens de centre de ressources,
elle a ouvert de nouvelles perspectives.
125
Des actions
partenariales adaptées

ce
aux territoires

an
Rabat-Salé
Fr La vallée du Bouregreg :
plaidoyer pour un développement durable

Plan de référence pour l’aménagement


127

129
e-
de la vallée du Bouregreg

Salé : redynamiser la médina en la sauvegardant 130


Salé : intégrer l’habitat irrégulier
-d

dans une vision d’agglomération 133


île

Casablanca
Grand Casablanca :
le Sdau en appui au projet métropolitain 136
Quelle stratégie d’aménagement
U

pour le littoral de Casablanca ? 140


Casablanca : intégration du grand projet urbain d’Anfa 142
IA

Agadir
Satama : référentiel pour la métropole d’Agadir 145
Requalification et renouvellement urbain
du centre d’Agadir 149
Le parc de Souss-Massa,
territoire d’exception à l’équilibre fragile 152
Agadir : rétrospective sur le Sdau et les cités nouvelles 155

Fès
Fès : articuler la médina avec son environnement 157
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires

La vallée du Bouregreg : plaidoyer


pour un développement durable
Jean-Louis Pagès(1)
Architecte urbaniste

La durabilité d’un développement


se juge par son contenu, mais aussi
par sa mise en œuvre et la gestion de
ses transformations. Les agglomérations
sont confrontées à des évolutions

ce
permanentes ; c’est le cas de Rabat-Salé
sur le site exceptionnel du Bouregreg.
Comment faire accepter un

an
développement à dominante naturelle
en cœur de ville ? Quelles sont
les originalités du projet pour assurer
Fr J.-L. Pagès sa réalisation et sa gestion de manière
durable ?
e-
a ville se transforme en permanence.Aux mais fragile, puisqu’elle subit de fortes pressions

L
L’embouchure de la vallée
du Bouregreg est un site naturel urbanistes et aux élus de faire en sorte d’urbanisation. Les projets de construction
exceptionnel, que l’urbanisation que ce soit toujours en s’améliorant. Pour situés dans la vallée du Bouregreg constituent
contraint peu à peu. être « durables », les transformations ne un défi majeur. Comment valoriser les rôles éco-
-d

devraient pas être partout les mêmes et le bâti logiques et paysagers majeurs de la vallée ?
ne devrait pas être systématiquement privilé- Cela impose de la considérer comme un
gié. Les agglomérations sont confrontées à ces authentique espace de nature en ville, et non
évolutions en continu, soit en leur cœur, soit à comme un « espace vert urbain ». La sacralisa-
île

leurs limites. C’est le cas de l’agglomération de tion de ce site emblématique n’étant pas sou-
Rabat-Salé sur le site naturel exceptionnel que haitable ni tenable, comment conjuguer préser-
constitue la vallée du Bouregreg. vation environnementale du site et nécessité
de développement ?
Un site exceptionnel à dominante
U

naturelle soumis à de fortes pressions La « vraie nature » au cœur


d’urbanisation d’une agglomération, une gageure ?
Le site physique du Bouregreg entre Rabat et Pourquoi est-il souvent plus difficile de préser-
IA

Salé comprend une large vallée réputée inon- ver un grand espace ouvert en cœur d’agglomé-
dable et occupée majoritairement par de l’agri- ration que de réaliser des espaces verts après
culture et des zones humides bordées de pla- urbanisation ? La nature en ville n’aurait-elle
tiers à son embouchure, tous ces milieux étant droit de cité que domestiquée ? À quelles diffi-
des sanctuaires de faune et de flore. Le Boure- cultés sont confrontés aménageurs et élus
greg serpente dans la vallée pour se jeter lorsqu’ils prônent un développement durable ?
dans l’océan et subir l’influence des marées. Plutôt que de décrire le projet, il nous semble
Jusqu’au milieu du XXe siècle, la vallée du Bou- plus intéressant d’évoquer les questions qui
regreg séparait la médina de Salé sur la rive méritent une réponse adaptée au site.
droite de celle de Rabat, avec la presqu’île for-
tifiée des Oudaïas, sur la rive gauche. Les normes, atouts ou handicaps ?
Aujourd’hui, compte tenu de l’extension consi- Il est souvent rassurant d’avoir recours à des
dérable de l’urbanisation, cette vallée se situe, normes pour mesurer des quantités. Elles sont
telle une médiatrice, au milieu de la grande des moyens de comparaison fondamentaux.
agglomération urbaine de Rabat-Salé. Cette Elles ne devraient toutefois pas dispenser d’une
agglomération bénéficie ainsi d’un large pan approche qualitative adaptée au contexte. En
de nature – une chance dont très peu de métro-
poles peuvent s’enorgueillir –, exceptionnel (1) Ancien chargé d’études à l’IAU îdF.
127
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 La vallée du Bouregreg : plaidoyer pour un développement durable

effet, une agglomération comme Rabat-Salé ouverts à cause du manque à gagner immédiat.
peut sembler, au vu de ces normes, satisfaisante Mais le temps et la durabilité sont-ils vraiment
en termes d’espaces verts. Une urbanisation pris en compte ? La valorisation aux limites ne
peu dense de la vallée pourrait même confor- pourrait-elle être mieux envisagée et compen-
ter, voire améliorer ces normes. Son maintien ser la non-constructibilité proposée ? C’est
« à dominante naturelle » ne peut se justifier à autour des grands espaces ouverts urbains que
travers des chiffres qui ne tiendraient compte ni l’on trouve les valorisations du bâti les plus
de sa rareté ni de ses utilités écologiques et pay- importantes (Central Park à New York). Les pla-
sagères. teaux bordant la vallée bénéficiant de panora-
mas sur le paysage sont des sites qui pourraient
L’écologie urbaine peut-elle s’appliquer grandement en profiter et compenser le
à Rabat-Salé ? manque à gagner en fond de vallée. En
La dimension écologique devient plus que revanche, la possibilité de développer des acti-

ce
jamais évidente à prendre en compte au niveau vités de plein air au cœur d’une agglomération
de la planète, mais elle reste très difficile à faire au fond de la vallée est une opportunité rare.
admettre au niveau d’une agglomération. Cou- Les identités et les originalités du site sont-elles
pure à l’urbanisation, couloir biologique, dépol- perçues comme des valeurs fondamentales ?

an
lution naturelle, effets sur le microclimat, autant Elles ont pour socle un contexte physique plus
d’arguments qui ont du mal à résister face au ou moins prégnant, une localisation qui leur
coût du terrain urbain potentiellement confère des conditions climatiques et une flore
constructible. Il est temps de ne plus opposer et une faune correspondantes. À cela s’ajoute,
territoire urbain et naturel, et d’admettre leur au cours de l’histoire et de l’occupation du site,
Fr
interpénétration. La vallée du Bouregreg parti-
cipe à la dépollution naturelle du fleuve. Elle
fait partie de la trame verte de l’agglomération
des caractéristiques identitaires qui se concré-
tisent par des usages du sol originaux, qu’il soit
naturel, agricole ou bâti. Il faut savoir reconnaî-
(coupure à l’urbanisation, ceinture verte) et tre celles qui méritent d’être pérennisées.
e-
abrite une faune et une flore importantes. L’identité et l’originalité du site sont en majeure
partie dues au contraste entre cette vallée
Peut-on prévenir les risques encore naturelle et agricole, et les deux cités
par des moyens techniques ? de Rabat et de Salé qui se font face, séparées
-d

La vallée du Bouregreg est inondable. Certains par ce grand espace.


de ses versants sont peu stables et sujets à des
glissements de terrain. Plutôt que d’y construire, Aujourd’hui plus que jamais, le développement
le plus sage ne serait-il pas d’y développer des durable doit s’imposer dans l’aménagement.
île

activités de plein air, d’y conserver de l’agricul- Dans cette optique, les rôles, à la fois écono-
ture, et de maintenir les zones humides qui sont miques, sociaux et environnementaux, de la
de véritables sanctuaires écologiques pour la vallée du Bouregreg au cœur de l’aggloméra-
faune et la flore ? tion ne sont pas contestables : un rôle écono-
mique très valorisant pour ses rives et pour l’en-
U

Le patrimoine paysager est-il aujourd’hui semble de l’agglomération ; un rôle social de


vraiment reconnu ? grand espace ouvert offert à tous ; un rôle envi-
La notion de patrimoine paysager, où le naturel ronnemental pour ses valeurs écologiques,
IA

et le bâti se mettent en valeur mutuellement, est patrimoniales et paysagères.


L’embouchure du Bouregreg offre trop souvent jugée subjective. Cependant, la De plus, pour affirmer une attitude respec-
un paysage de valeur grâce au presqu’île des Oudaïas, la médina de Rabat, le tueuse de l’identité et de l’originalité du site,
panorama du fleuve resté naturel. mausolée Mohammed V, les fortifications et la l’aménagement à dominante naturelle de la
médina de Salé, le site de Chellah, font de l’em- vallée s’impose. Rabat-Salé deviendra ainsi une
bouchure du Bouregreg un site d’une dimen- des capitales au monde où la nature fait « jeu
sion paysagère exceptionnelle grâce au très égal » avec le bâti.
large panorama offert de part et d’autre du lit Enfin, profitons de l’expérience des occasions
du fleuve resté naturel. ratées en imaginant Paris et la ceinture des
anciennes « fortifs » en grand espace naturel, les
Un terrain conservé non bâti pyramides d’Egypte dominant une bande de
est-il nécessairement sous-utilisé ? delta vierge de toute construction, le Nahr Bey-
Maintenir peu ou non bâtis des espaces dont le routh en jardin d’orangers jusqu’à la mer !
prix du terrain pourrait être élevé peut paraî- La nature doit devenir l’alliée du développe-
tre absurde du point de vue économique. C’est ment urbain et pas systématiquement son
d’ailleurs le principal obstacle au maintien de réceptacle.
J.-L. Pagès

zones non bâties en milieu urbain. Là encore,


les normes ne jouent pas en faveur des espaces
128
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - avril 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires

Plan de référence pour l’aménagement


de la vallée du Bouregreg

Le site exceptionnel de la vallée du Bouregreg entre Rabat et Salé est resté,


grâce au risque d’inondation, dans son état naturel, à l’abri de la pression urbaine.
Depuis la construction du barrage, la convoitise de la promotion immobilière s’est
faite sentir, incitant les autorités à intervenir. Elles ont lancé une démarche globale
d’aménagement de la vallée, afin de garantir un développement respectueux
des valeurs paysagères et patrimoniales identitaires.

ce
Agence urbaine de Rabat-Salé (AURS), Cette démarche a associé les autorités locales,

L’ consciente des enjeux majeurs que les élus, les différents départements ministé-

an
constitue l’aménagement de la vallée riels, les organismes publics et des associations
du Bouregreg, a sollicité l’appui technique de (une première au Maroc à cette époque).
l’Iaurif en 1997.
Des principes incontournables dictés
Gérer les transformations dans le temps par le site naturel et patrimonial
Fr
Le site de la vallée étant convoité pour réaliser
de nombreux projets, il faut trouver les moyens
de gérer au cours du temps cette dynamique.
Ce plan de référence a pour objectif de gérer
les transformations du site dans l’espace et
dans le temps, dans un esprit d’arbitrage et de
Un schéma d’urbanisme classique n’offrait pas complémentarité entre protection et mise en
e-
une réponse adéquate, car trop rigide pour valeur des espaces naturels et du patrimoine
s’adapter à l’évolution permanente. bâti, et satisfaction des besoins de développe-
Pour répondre de manière efficace, il a été ment urbain de l’agglomération. Pour la réalisa-
décidé d’élaborer un plan de référence pour tion des projets, des principes d’aménagement
-d

l’aménagement de la vallée du Bouregreg, sous incontournables ont été débattus avec les
la forme d’une charte qui sera mise en œuvre acteurs, en amont de toute proposition. Citons,
par une structure d’aménagement dédiée. Ce parmi ces principes : les vocations du site com-
choix fait suite aux conclusions d’une première mandent en permanence son aménagement ;
île

mission d’expertise réalisée dans le cadre de la richesse patrimoniale mérite d’être mise en
la coopération franco-marocaine. valeur (site de Chellah, mausolée Moham-
Ce plan de référence peut se décliner en partie med V, sites naturels…) ; le développement est
de façon réglementaire, mais il est surtout un conçu pour le bénéfice de toutes les catégo-
véritable guide pour l’aménageur. Il propose ries d’habitants ; le développement durable doit
U

des actions dans les domaines du développe- notamment préserver les écosystèmes et pren-
ment, de l’environnement et du patrimoine. dre en considération les risques majeurs.
Il a été élaboré à partir d’une démarche de Les propositions d’aménagement se sont
IA

concertation innovante pilotée par l’AURS. appuyées sur ces principes incontournables.
Elles ont été définies en fonction des vocations
des quatre séquences qui composent le site de
la vallée du Bouregreg : l’embouchure, la zone
intermédiaire dite de liaison, le grand site de
Chellah et la plaine agricole.
Enfin, parmi ces recommandations essentielles,
figure la mise en place d’une structure ad hoc
dédiée à l’aménagement de la vallée du Boure-
greg, disposant des compétences décision-
nelles, techniques, financières, commerciales
et opérationnelles, pour assurer la cohérence
globale du projet et sa mise en œuvre progres-
Le plan de référence de la vallée sive dans le temps et dans l’espace.Aujourd’hui,
du Bouregreg a pour objectif l’Agence d’aménagement de la vallée du Bou-
de permettre la gestion regreg joue pleinement ce rôle indispensable
les transformations du site pour assurer la réussite de ce chantier majeur
Iaurif

dans l’espace et dans le temps. de la capitale du Royaume.


129
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires

Salé : redynamiser la médina


Anne-Marie Roméra en la sauvegardant
Jean-Pierre Palisse
IAU île-de-France

Mettre sur un même plan l’intervention


sur la médina et l'urgence de traiter
l'expansion de l'habitat informel(1)
dans sa périphérie, témoigne

ce
de la clairvoyance de l’Agence urbaine
de Rabat-Salé qui a sollicité
la coopération de l’Iaurif.

an
Attendre, c'était peut-être condamner
irrémédiablement le témoignage
de l'histoire et la spécificité
V. Said/IAU îdF
Fr d'un éco-quartier avant la lettre.
e-
border une médina comme celle de l’embouchure du Bouregreg, elle fait face à la

A
Moderniser et adapter la médina
de Salé pour répondre Salé, haut-lieu de l’histoire marocaine kasbah des Oudaïas et à la muraille de la
aux attentes contemporaines : et fleuron de l’agglomération rbatie(2), médina de Rabat. Le vis-à-vis de ces deux médi-
un défi non seulement technique inspire naturellement une attitude de respect nas, la fausse symétrie de leurs silhouettes
-d

mais aussi social et culturel. et de modestie. Même si les medersas(3) et les épousant le relief et ponctuées de minarets, de
belles demeures ont beaucoup perdu de leur leurs remparts ocre et de leurs maisons
lustre d’antan, elles restent des points d’ancrage blanches, constituent un paysage unique. Les
et des repères pour la population. Comme cimetières marins offrent une image symbo-
île

toujours, le regard de l’autre fait prendre cons- lique universelle. La médina de Salé a été
cience de sa propre richesse, alors que la pra- durant des siècles, grâce à son port, le débou-
tique quotidienne n’appelle plus à l’émerveille- ché commercial du Royaume. La prospérité de
ment. C’est sur cet avantage que s’est construit la ville a permis la construction de bâtiments
le sens de l’intervention de l’Iaurif. prestigieux, medersas, Grande Mosquée, École
U

Identifier le rôle de cette médina au sein d’une de médecine.


agglomération en expansion, cadrer l’impor- Restée à l’écart des influences européennes, la
tance de cet ensemble comme élément fort du médina de Salé demeure l’un des grands quar-
IA

« Seule la médina existe… paysage urbain, miser sur une évolutivité pro- tiers vivants de l’agglomération. Á l’abri des cir-
Elle est une mémoire riche gressive en fonction des mutations spontanées, cuits touristiques, elle a gardé son âme et ses
que je traîne avec moi s’appuyer sur les initiatives locales pour rehaus- fonctions traditionnelles. Désertée par la popu-
sans pouvoir l’épuiser. »
Tahar Ben Jelloun, ser l’éclat tout en préservant la vitalité… tels lation la plus riche, elle reste un quartier attrac-
écrivain et poète sont les axes qui ont guidé l’étude. tif et populaire. Souvent qualifiée de ville-dor-
toir, elle est avant tout un lieu résidentiel offrant
La singularité d’une médina une assez grande diversité d’habitat, adapté au
S’étendant sur une centaine d’hectares et climat et au mode de vie marocain, proche du
regroupant environ 80 000 habitants, la médina centre principal de Rabat auquel elle sera, fin
de Salé pourrait n’être aujourd’hui qu’un quar- 2010, reliée par le tramway(4).
tier parmi d’autres dans la vaste métropole
capitale marocaine de Rabat-Salé. Pourtant, sa (1) Voir dans ce numéro des Cahiers, BERTHON Étienne, « Salé :
situation, son patrimoine architectural et urbain intégrer l’habitat irrégulier dans une vision d’agglomération»,
p. 133.
et son ancrage historique en font un lieu (2) Agglomération de Rabat-Salé.
majeur et structurant de la ville. (3) Medersa est un terme arabe désignant une école ou une
La médina occupe un site exceptionnel qui lui université dépendant de l’autorité religieuse dans les pays
musulmans.
permet d’être la figure emblématique de la (4)Voir dans ce numéro des Cahiers, AOUZAÏ Mohamed, « Arti-
ville, en miroir à celle de Rabat. En bordure de culation urbanisme-transport à Rabat-Salé-Témara », p.72.
130
Cette fonction résidentielle va de pair avec la attentes contemporaines en respectant ses
fonction de services aux habitants assurée par valeurs. La réponse à ce défi ne peut être seu-
les administrations, les équipements et les pro- lement technique, elle est aussi culturelle,
fessions libérales. Son rôle commercial est sociale et économique. C’est le sens de la
important, notamment par la qualité de ses démarche proposée par l’Iaurif.
marchés alimentaires et de son artisanat
(nattes, poteries). Il faut souligner aussi la fonc- Une revalorisation progressive
tion religieuse de la médina où la Grande au gré des mutations spontanées
Mosquée, les multiples édifices et les écoles Fort des constats dressés sur les qualités et la
coraniques attirent de nombreux fidèles et vitalité de la médina, le travail a consisté à envi-
concourent à sa vitalité. sager comment préserver ces atouts. La straté-
Ainsi, en restant un peu en marge du proces- gie conseillée visait à inscrire cette préserva-

V. Said/IAU îdF
sus de mondialisation de la métropole de tion dans la durée, au bénéfice des Slaouis(5)

ce
Rabat-Salé, la médina a préservé un ensemble en premier lieu, tout en gardant les équilibres
de valeurs culturelles et urbaines ancrées dans au sein de l’agglomération. L’objectif était non
ses traditions et son patrimoine. Grâce à sa seulement de restaurer le patrimoine monu- La médina de Salé présente
situation en cœur d’agglomération, elle offre mental ou paysager, mais aussi de permettre à les caractéristiques de la ville arabe

an
un potentiel de rayonnement bien au-delà de la population résidente et active de croire en traditionnelle.
ses murailles. son avenir et d’y trouver un cadre compatible
En ce début du XXIe siècle, les défis énergétiques avec une vie décente et une activité écono-
et climatiques amènent les urbanistes à recher- mique viable. Il s’agissait de revitaliser pour
cher des conceptions urbaines mieux adaptées enrayer une spirale de paupérisation, tout en
à la ville et, souvent, à retrouver les valeurs de
l’habitat vernaculaire. On peut alors se deman-
der s’il n’est pas temps de réhabiliter le modèle
et non maîtrisée.
Fr
évitant les méfaits d’une valorisation excessive

Le premier principe fixé était de s’appuyer sur


de la médina. N’est-il pas un bon exemple de les dynamiques d’évolution existant sur le site
e-
l’urbanisme bioclimatique et des quartiers sans pour requalifier le tissu urbain en maintenant
voiture recherchés par les démarches d’éco- au maximum la structure traditionnelle. Il
quartier ? De même que les centres historiques n’était pas question d’empêcher les mutations
des villes européennes retrouvent l’attractivité ni les innovations dans les domaines immobi-
-d

que l’automobile leur avait fait perdre, la lier, commercial ou culturel, mais de les orien-
médina de Salé ne peut-elle offrir demain une ter ou même de les considérer au fur et à
réponse intéressante aux enjeux urbains de la mesure de leur apparition comme des opportu-
métropole ? nités de transformation en douceur de l’espace
île

La médina de Salé présente les caractéristiques urbain.


de la ville arabe traditionnelle : une trame fon- L’enjeu de mixité de population invitait toute-
cière serrée à dimensions variées, un réseau de fois à mettre en place des actions de sensibili-
voies étroites hiérarchisées formant des îlots sation, ainsi qu’un système d’incitations (prêts
desservis par des impasses, un bâti dense et ou avantages fiscaux) en direction des proprié-
U

homogène formé de maisons sur cour offrant taires, en contrepartie de loyers raisonnables
un minimum d’ouverture vers l’espace public, après travaux.
des bâtiments et équipements publics de proxi- Un deuxième principe consistait à réaffirmer le
IA

mité nombreux et de grande qualité architectu- rôle de pôle central de la médina vis-à-vis des
rale, et une limite nettement définie par quartiers environnants en renforçant ses fonc-
l’enceinte fortifiée. Bien que sa construction se tions commerciales, culturelles, de for-
soit déroulée depuis l’époque almohade mation et de services. Ainsi, la
(XIIe siècle), l’ensemble conserve une unité et réhabilitation des com-
une cohérence dans lesquelles on discerne merces pouvait bénéficier
cependant la diversité des quartiers selon leur d’un système d’avantages
époque de construction. analogue à celui des loge-
Malheureusement, ce bâti et ce tissu de qualité ments. En revanche, une
D. R.

sont aujourd’hui négligés et menacés dans la réflexion devait s’engager


mesure où ils sont le produit d’une société et sur l’évolution des activi-
d’une économie qui ont profondément évolué. tés dans un tissu urbain
Les nouveaux comportements et besoins, ainsi contraignant pour mutuali-
que les nouvelles techniques, s’insèrent diffici- ser certains services
lement, entraînant un rejet ou une dégradation (stockage, modes de livraison, Le patrimoine
de cette forme urbaine. L’enjeu actuel est de etc.) tout en modernisant leurs architectural
moderniser et d’adapter l’urbanisme et l’archi- de la ville arabe traditionnelle
tecture de la médina pour répondre aux (5) Les habitants de la ville de Salé. est à valoriser.
131
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Salé : redynamiser la médina en la sauvegardant

phérique et le stationnement aux entrées de la


médina, l’offre de transports en commun la
reliant aux autres quartiers, étaient pointés
comme projets à développer.

Une gouvernance de projet à construire

J.-P. Palisse/IAU îdF


La médina de Salé, Afin d’assurer une cohérence globale à ce long
grand quartier vivant processus, l’implication de tous les acteurs de
de l’agglomération, a gardé son âme l’aménagement était requise. Il était par consé-
et ses fonctions traditionnelles. quent indispensable de mettre en place un
cadre de coordination. Des orientations sur le
pratiques.Afin de réintroduire des équipements long terme et des engagements assortis de pha-
et des services indispensables, était préconisée sages devaient être fixés, de même que l’arti-

ce
une valorisation systématique des éléments de culation entre les divers projets et réalisations à
patrimoine qui favorise avant tout une réutilisa- venir. Pour y parvenir, une démarche en trois
tion répondant aux besoins actuels de la popu- volets était proposée.
lation (dispensaires, bureaux de poste, annexes Contrairement aux procédures habituelles qui

an
d’administration…). Cette démarche visait à voient se succéder réflexion stratégique, plani-
contenir les développements touristiques pour fication, puis aménagement, il était suggéré de
qu’ils ne priment pas sur les pratiques quoti- mener de front l’élaboration d’une charte de
diennes, même s’il était dit que les ensembles la médina, la mise au point d’un plan d’aména-
les plus remarquables pouvaient accueillir gement détaillé et une intervention sur un sec-

bibliothèques…).
Fr
quelques fonctions prestigieuses (musée,

L’intervention sur l’espace public, déterminante


teur pilote. L’objectif était à la fois d’enclencher
rapidement des travaux pour témoigner du
volontarisme des autorités, d’enrayer le déclin
pour déclencher un processus de revalorisa- de cet ensemble patrimonial et de donner un
e-
tion, faisait l’objet de recommandations spéci- signal positif aux artisans et commerçants, et,
fiques à deux échelles. Pour les espaces à l’in- dans le même temps, de sensibiliser l’ensem-
térieur des remparts, outre l’amélioration ble des acteurs susceptibles de s’impliquer
globale de leur état et du mobilier urbain, la pour susciter des partenariats.
-d

reconquête de parcelles laissées en déshé- Ainsi, la charte devait définir les objectifs com-
rence pour gagner de nouveaux lieux était sur- muns et préciser les engagements de chacun
tout préconisée. Pour les espaces entourant les sur les actions à entreprendre. En informant sur
portes d’entrée, le traitement devait tenir la politique globale de revalorisation envisa-
île

compte de leur rôle d’accueil et de relais. En gée, elle donnait une image plus positive et
parallèle, un schéma de déplacement et de cir- dynamique de la médina.
culation était conseillé pour prévenir des dys- Le plan d’aménagement détaillé devait être
L’Iaurif a également étudié fonctionnements liés à une attractivité renouve- conçu comme un document opposable aux
la réhabilitation de la kasbah lée de la médina. L’organisation d’accès limités tiers, fixant le cadre réglementaire de la réhabi-
U

des Oudayas. à la sécurité et à l’entretien, la circulation péri- litation de la médina, avec des contraintes
modulées selon la sensibilité du site urbain.
L’intervention sur un secteur pilote devait por-
IA

ter sur un quartier témoin judicieusement


choisi pour son potentiel social, économique et
patrimonial. En concentrant les actions sur l’ha-
bitat, la restauration et la réaffectation de
monuments, l’organisation de l’activité écono-
mique, la requalification de l’espace public,
etc., il s’agissait de « donner à voir » en effec-
tuant un travail pédagogique auprès des habi-
tants. L’expérimentation devait aussi permettre
de tester et d’ajuster les méthodes et outils à
mettre en œuvre avant d’élargir le processus à
l’ensemble des quartiers.
Bien qu’un peu complexe, ce dispositif devait
offrir l’avantage de s’appuyer sur une expé-
Virtual Earth

rience concrète et quotidienne pour mettre au


point des objectifs réalistes à plus long terme.
La charte de la médina, en proposant une revalorisation globale,
permettrait d’en donner une image plus positive et dynamique.
132
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires

Salé : intégrer l’habitat irrégulier


dans une vision d’agglomération
Étienne Berthon
IAU île-de-France

L’urbanisation à Salé s’est développée


à partir des années 1960,
essentiellement en marge
de la planification réglementaire,

ce
sous forme de grands quartiers d’habitat
irrégulier. L’action de requalification
et d’équipement de ces quartiers

an
doit s’inscrire dans un projet global
de structuration d’une ville pérenne
qui comptera demain un million
Fr E. Berthon/IAU îdF d’habitants.
e-
n face de la médina de Rabat, sur la rive alors le quart des ménages marocains logés en

E
La réponse non planifiée à une forte
pression démographique et urbaine. nord de l’estuaire du Bouregreg, se situe quartiers d’habitat irrégulier, avec une densité
la médina de Salé, la rivale, longtemps de 132 ménages par hectare, quatre fois la
prospère, comptoir carthaginois puis romain, moyenne nationale.
-d

principal port marocain jusqu’au XVIIIe siècle(1), Ces chiffres montrent l’importance du travail
avec ses puissantes murailles et son port forti- de rattrapage urbain à effectuer à Salé en
fié d’où partaient les pirates barbaresques. Salé, 1996(4), lorsque l’Iaurif effectua sa première mis-
assoupie au XIXe siècle, oubliée par le Protecto- sion d’appui à l’Agence urbaine de Rabat-Salé
île

rat au profit de Rabat, la nouvelle capitale. (AURS). À l’époque, l’extension spatiale des
Alors que Rabat se développait depuis le début quartiers d’habitat irrégulier commençait à être
du XXe siècle, sous l’impulsion de Lyautey et de maîtrisée, notamment grâce à une meilleure
Prost(2), avec un urbanisme assez fortement pla- efficacité des politiques de contrôle(5) et au
nifié et contrôlé, l’essor de Salé hors de ses caractère dissuasif de démolitions effectuées
U

murailles n’a véritablement eu lieu qu’à partir pour préserver des emprises réservées pour la
des années 1960. voirie dans les plans d’aménagement. L’exten-
sion spatiale des quartiers d’habitat irrégulier
La nécessité d’un important rattrapage
IA

était, par ailleurs, en partie bloquée par des


urbain réserves constituées pour de grandes opéra-
Dans un contexte de forte croissance démogra- tions publiques (Mouhit, Sidi Abdellah). Enfin,
phique, alors que l’offre foncière et de loge- le développement d’une offre publique, notam-
ments bon marché était très insuffisante dans
l’agglomération, l’urbanisation à Salé s’est opé- (1) Rabat est connu au XVIIe siècle en Europe sous le nom de
rée très largement en marge des documents de Salé-le-Neuf.
(2) Voir dans ce numéro des Cahiers, TROIN Jean-François
planification spatiale, sous forme de plusieurs « De la médina à la ‘ ville européenne ’ au Maroc », p. 15.
centaines d’hectares de quartiers d’habitat irré- (3) Sur les mécanismes de constitution de ces quartiers, on
gulier et de quelques grands bidonvilles (abri- peut consulter l’article d’ ABOUHANI Abdelghani : « Réseaux
notabilitaires et promotion foncière clandestine, le cas de
tant environ 50 000 habitants sur 50 hectares au Tabriquet nord à Salé », Annuaire de l’Afrique du Nord,
début des années 1990(3)). tome XXV, CNRS, 1986.
La population de la préfecture de Salé est ainsi (4) Deux autres missions suivront, en 1997 et 1998. Une qua-
trième mission, en 2002, portera sur Rabat et une probléma-
passée de 80 000 habitants en 1960 à 300 000 tique spécifique : la gestion des risques dans trois quartiers
en 1982 et à 630 000 en 1994 (42 % de l’ensem- d’habitat irrégulier implantés en bordure de versants très
ble de la wilaya de Rabat-Salé), dont plus de pentus dominant la vallée du Bouregreg.
(5) Efficacité notamment rendue possible grâce à la cartogra-
60 % (environ 400 000 habitants) résidait sur phie réalisée pour les documents d’urbanisme, facilitant la
600 hectares d’habitat irrégulier. Salé abritait connaissance du terrain.
133
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Salé : intégrer l’habitat irrégulier dans une vision d’agglomération

L’habitat irrégulier au Maroc Une première vue d’ensemble sur le Grand Salé
Dès le début des années 1970, l’habitat
irrégulier prend un rôle majeur dans
les processus d’urbanisation des grandes villes
marocaines. Alors que le rythme moyen
de la croissance urbaine est de 4 %, l’habitat
irrégulier se développe au rythme de 10 %.
Les explications sont multiples :
• une forte croissance démographique ;
• une offre foncière réglementaire qui ne permet
qu’une production de logements très
insuffisante et surtout orientée vers
les tranches supérieures des classes
moyennes, une absence de programmes
et de systèmes de financement adaptés

ce
aux catégories à faible et moyen revenus ;
• des loyers trop élevés relativement aux coûts
de construction, ce qui incite à vouloir
devenir propriétaire, désir très ancré
dans la population ;

an
• le retard dans l’établissement des documents
d’urbanisme réglementaire qui auraient permis
d’ouvrir de nouveaux espaces à l’urbanisation ;
• la lourdeur des réglementations,
des démarches, du régime fiscal permettant
de lotir et de construire officiellement ;
• un manque de moyens techniques et financiers
des communes chargées d’encadrer
le développement urbain.
Un type d’urbanisation qui prend ses racines
Fr
Cette synthèse, réalisée par l’Iaurif en 1996, montre de façon indicative les zones urbaines de l’époque
ainsi que les tracés de voirie prévus dans les plans d’aménagement ou de restructuration.
e-
dans les modes d’habiter traditionnels
Les caractéristiques des quartiers d’habitat
irrégulier, qui s’organisent de façon quasi
organique autour d’une trame de voirie
très étroite, sont bien connues ainsi que ment Errahma II sur 100 hectares et Sala Al plusieurs communes) et l’échelle très détail-
-d

les problèmes qu’ils posent : maillage de voirie Jadida sur 180 hectares(6), réduisait la pres- lée des documents d’urbanisme rendaient
très insuffisant et non hiérarchisé, absence sion sur ces quartiers. Une politique de difficile une vision globale de l’espace
au départ des réseaux et des équipements
« recasement » des bidonvilles était aussi urbain en devenir et empêchaient une
qu’il est difficile et coûteux de réaliser après
engagée. bonne mobilisation des acteurs.
île

coup, surdensité, problèmes d’hygiène,


qualité médiocre des constructions… La mission permit d’avoir une vision globale Afin de repérer les grands enjeux et de défi-
Mais l’habitat irrégulier, outre le fait qu’il répond des évolutions en cours et montra la néces- nir les priorités, la réflexion sur les actions à
à une nécessité sociale fondamentale face sité d’intégrer les interventions sur les quar- mener dans les quartiers d’habitat irrégulier
à la faiblesse de l’offre du marché réglementé
tiers d’habitat irrégulier dans une approche apparaissait indissociable d’une réflexion
public ou privé et qu’il s’accompagne de moyens
de financement souples et bien adaptés, plus large sur ce « Grand Salé » qui se consti- plus large sur la trame urbaine majeure à
U

n’est pas dénué de certaines qualités tuait, de la vallée du Bouregreg à la coupure faire émerger sur le Grand Salé : voirie princi-
car il est issu du savoir-faire et des modèles verte prévue sur la commune rurale de pale et grands espaces publics, centralités,
socio-culturels profonds portés Bouknadel(7), et aurait demain un million grands équipements, infrastructures de trans-
par la population : bonne adaptation au contexte
IA

d’habitants. ports en commun, trame verte…


bioclimatique, respect des valeurs urbaines,
des modes d’habiter traditionnels auxquels est Sur Salé, il fallait gérer l’urgence au niveau
attachée la population. Il permet une évolutivité Une vision d’agglomération des quartiers d’habitat irréguliers et, pour
des tissus qui est, dans certaines limites pour définir les priorités d’actions cela, trouver les moyens d’une meilleure
de densité, intéressante. Le système constructif Pour améliorer les conditions d’habitat de la écoute des attentes et des besoins de la
utilisé, structure poteaux-poutres et remplissage
population et mieux encadrer le développe- population ; mais il fallait aussi créer la struc-
de parpaings ou de briques creuses, assure une
fiabilité généralement correcte des constructions ment urbain, des efforts importants commen- ture d’une ville qui allait se pérenniser et
et une certaine unité du paysage urbain. çaient à être effectués. La publication de donc recadrer les politiques urbaines dans
Sans sous-estimer les graves problèmes documents d’urbanisme locaux régularisait,
qu’il pose, il y a des leçons à tirer de fait, l’existence des quartiers d’habitat irré- (6) Cette opération, aussi dénommée la Cité royale car le
de la cohérence d’organisation et d’intégration site a été offert par le Roi Hassan II, accueille aujourd’hui
gulier(8). Mais ils étaient très ambitieux en près de 200 000 habitants.
des contraintes économiques qui explique
le dynamisme de ce mode d’habitat populaire ; matière de voirie, d’assainissement, de (7) Soit une bande littorale d’environ 8 kilomètres de
normes et de réserves pour équipements, long et de 3,5 kilomètres de profondeur.
d’autant qu’un minimum de planification et
(8) L’habitat irrégulier y fait habituellement l’objet d’un
d’encadrement réglementaire pourrait le rendre alors que manquaient les moyens financiers zonage spécifique (SK14e). Pour les principaux quartiers,
acceptable. Les quartiers d’habitat irrégulier et les outils fonciers et opérationnels adap- un plan de restructuration très détaillé (1/1 000), établi
ne sont d’ailleurs pas des ghettos marginalisés. en relation avec les « amicales » constituées dans les quar-
tés.
À Salé, ils abritent, en partie, une population tiers (environ 70 regroupées en quatre confédérations
de fonctionnaires, de militaires ou d’artisans, Un découpage administratif morcellé (le pour faciliter les contacts avec les autorités), est joint au
relativement solvable. Grand Salé s’étend sur deux préfectures et plan d’aménagement communal.
134
une vision d’agglomération ambitieuse. Compte
tenu de l’importance des défis et du caractère
limité des moyens, l’action de la collectivité
devait se centrer particulièrement sur la réalisa-
tion ou la préservation foncière des compo-
sants de cette trame urbaine majeure, sur les
grands éléments structurants, sur les espaces

E. Berthon/IAU îdF
de grands enjeux. C’est-à-dire notamment les Un type d’urbanisation
zones de centralité prévues ou possibles, les qui prend ses racines
gares et leurs abords où il faut rechercher la dans les modes d’habiter
création d’espaces publics majeurs, la mixité traditionnels.
des fonctions et une forte densité d’occupation
du sol ; mais aussi les grands axes structurants réunions avec les acteurs institutionnels

ce
et les terrains qui les bordent, les principales (notamment municipalités et grands orga-
réserves foncières pour équipements ou trame nismes publics d’aménagement) pour les infor-
verte, certains points liés au site(9) et les espaces mer et les sensibiliser à la démarche proposée.
naturels qui limitent l’urbanisation(10). Celle-ci a été très bien accueillie, chacun res-

an
sentant le besoin de pouvoir inscrire son action
Une démarche de planification spatiale dans un cadre plus lisible et cohérent.
et stratégique à engager
Il a donc été proposé que l’AURS engage, avec
(9) Notamment les axes offrant des perspectives lointaines,
le soutien de l’Iaurif, une démarche de planifi- par exemple sur l’océan.
cation spatiale et stratégique à une échelle
intermédiaire entre le schéma directeur de
Rabat-Salé approuvé en 1991 (1/50 000) et les
Fr
(10) Vallée du Bouregreg au sud-ouest, coulée verte sur Bouk-
nadel au nord-est, mais également tout l’espace littoral où le
maintien des espaces naturels en bord de mer et l’aménage-
ment d’un front urbain de qualité sur la corniche sont des
documents d’urbanisme communaux (généra- enjeux importants.
e-
lement au 1/2 000). Élaborée en partenariat
avec les différents acteurs de l’aménagement, Royaume du Maroc, ministère de l’Intérieur, Wilaya de Rabat-Salé, Préfecture de Salé

elle viserait à proposer un schéma global d’or-


ganisation du Grand Salé et une stratégie pour
-d

sa mise en œuvre. C’est-à-dire afficher un projet


d’ensemble, mobilisateur et lisible sur ce terri-
toire, puis définir, à partir d’une programmation
concertée, des objectifs de restructuration, de
île

développement et d’équipement à court et


moyen terme. Au-delà d’un document d’orien-
tations spatiales et stratégiques, il s’agissait donc
aussi de se doter d’un outil de communication,
de concertation et de mobilisation.
U

Un début de sensibilisation des acteurs


La troisième mission de l’Iaurif (novem-
IA

bre 1998) a permis de préciser les objectifs et le Vue aérienne, quartier de la Dayat,
contenu des études à mener et d’organiser des secteur oued Eddahab.

Dix ans après, un programme ambitieux de mise à niveau de Salé


Au Maroc, face à l’importance de la crise urbaine, à un système de gestion municipale trop atomisé, à un changement fréquent
des découpages administratifs perturbant encore davantage cette gestion, la charte communale de 2002 a cherché à définir
un cadre qui permette de mieux prendre en compte « l’unité de la ville(1) ».
Les communes des grandes villes ont été regroupées, avec un conseil communal unique et des conseils d’arrondissements
(cinq à Salé) pour gérer les affaires de proximité pour le compte et sous le contrôle du conseil communal.
La commune urbaine de Salé (CUS) a ainsi pu engager un ambitieux programme (2005-2009) de mise à niveau(2), visant
prioritairement à redynamiser la base socio-économique de la ville et à requalifier et renouveler le tissu urbain existant. Il s’agissait
aussi de mettre à niveau les infrastructures de base et d’assurer la capacité de la ville de Salé à répondre aux besoins des citoyens
et à renforcer la cohérence sociale. Un budget de 1,5 milliard de dirhams (150 M€), dont un tiers à la charge de la CUS, fut alloué à
ce projet(3).

(1) Casablanca, Rabat, Salé, Tanger et Marrakech. La charte communale a été complétée en février 2009.
(2) Appuyé par le discours du Roi de mai 2005 sur l’Initiative nationale pour le développement humain.
(3) Autres partenaires : direction générale des collectivités locales (17 %), Fonds d’équipement communal (23 %) et divers pour 27 % (conseil préfectoral de Salé,
région Rabat-Salé-Zemmour-Zaers, holding Al Omrane). Source : www.villedesale.ma
135
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires

Grand Casablanca : le Sdau


en appui au projet métropolitain
Victor Said
IAU île-de-France

Depuis le début du XXe siècle,


les pouvoirs publics considèrent
Casablanca comme la locomotive
économique nationale, le centre
d’innovation symbolisant l’ouverture

ce
sur le monde. Aujourd’hui, la ville et
sa région subissent une forte pression
urbaine, exacerbant la problématique

an
du développement humain. Avec la
mondialisation, de nouveaux défis
sont à relever. Comment permettre
au Sdau d’être l’outil de la mise
Fr AUC en œuvre d’une vision stratégique
du développement durable ?
e-
u premier rang démographique et éco- aggravant les problématiques de développe-

A
La région du Grand Casablanca
locomotive de la stratégie nationale nomique des villes marocaines, Casa- ment humain(2). Ceci s’est traduit par un étale-
de modernisation, s’est dotée d’un blanca est le point de convergence et ment urbain non maîtrisé – développement de
outil de planification métropolitaine. le lieu d’échange des flux nationaux et inter- l’habitat insalubre et d’unités de production
-d

nationaux. Malgré la politique volontariste de clandestines – dans les espaces naturels et agri-
rééquilibrage du territoire national par le déve- coles périurbains. Cette situation a engendré
loppement des régions du Nord, Casablanca des conflits d’usage des territoires, la détério-
reste le centre de commandement de l’écono- ration et la régression de la couverture végé-
île

mie marocaine. tale, l’imperméabilisation des sols (risques


d’inondation(3)), la pollution de la nappe phréa-
Des enjeux majeurs tique, et des coûts exorbitants de raccordement
impliquant de grands défis aux réseaux, y compris de transport. Deux
Le Grand Casablanca demeure le fer de lance autres conséquences sont liées au manque
U

de la stratégie nationale visant à moderniser le d’un réseau de transport performant et au fai-


pays, à attirer des investissements, à rehausser ble pouvoir d’achat des salariés : la proliféra-
durablement le niveau et la qualité de vie, tout tion des bidonvilles à proximité d’activités non
IA

en tenant compte de l’environnement et des réglementaires, et l’utilisation massive des taxis.


aléas énergétiques et climatiques. Ce mode de déplacement coûteux en énergie
La confrontation à la mondialisation a des est néfaste pour l’environnement et pose un
L’évolution de certains
indicateurs à l’horizon 2030 retombées positives – implantation d’activités problème de sécurité routière.
Situation Projections
de haute technologie (aéronautique, automo- Ces facteurs, combinés à un découpage de
2004 2030 bile) ou de services (offshoring, tertiaire) –, et Casablanca en plusieurs municipalités avant la
Habitants (million) 3,6 5,1 des effets négatifs – la concurrence internatio- loi sur l’unité de la ville, ont laissé des traces
Ménages (mille) 775 1 400 nale des pays émergents, notamment pour le
Actifs (million) 1,3 2,2
textile. Casablanca doit améliorer son urbanité (1) La population du Grand Casablanca s’accroît de 50 000
Emplois (million) 1,0 2,0 habitants par an depuis 1994. Le poids démographique de la
Véhicules particuliers pour valoriser son image et accroître son attrac-
région dans l’ensemble du Maroc reste stable (12 %).
(mille) 330 1400 tivité métropolitaine, tout en répondant aux (2) L’analphabétisme concerne un quart de la population et
Consommation d’eau besoins de ses habitants. un tiers des femmes ; la participation des femmes à l’activité
par an (million de m3) 180 305 économique représente moins du tiers des actifs ; les
Déchets ménagers ménages vivant dans l’habitat précaire représentent 16 % ;
par an (mille tonnes) 1200 2100
Décalage entre dynamique économique 28 % des ménages (212 000), sont logés dans de l’habitat insa-
et développement humain et urbain
HCP/AUC/IAURIF-SDAU

lubre (bidonvilles : 11 %). Aujourd’hui, plus de 34 000


Zones d’activités
L’appel de main-d’œuvre non qualifiée impulsé ménages sont concernés par l’Initiative nationale pour le
économique (ha) 4600 9300
développement humain.
Bureau (million de m2) 10 22 par la dynamique industrielle et les périodes (3) Les problèmes climatiques (inondations en particulier)
Zones résidentielles (ha) 15000 28000 de sécheresse a encouragé l’exode rural(1), touchent environ 15 % du parc de la région.
136
affectant le cadre de vie des habitants et l’at- gence mise sur le développement de secteurs Une approche territoriale des enjeux
tractivité de la capitale économique. porteurs, dont l’offshoring, l’aéronautique et Plusieurs territoires se distinguent
l’automobile, la distribution, le tourisme… À par les enjeux spécifiques qu’ils portent :
- l’aire métropolitaine centrale. Elle
Le plan de développement stratégique moyen et long termes, c’est un véritable regroupe les grandes villes atlantiques
et le Sdau au même diapason « modèle économique durable » qu’il faudrait définie dans le Snat(9), comme devant
Afin de maîtriser la gestion urbaine et de faire construire, fondé sur une mixité indus- être la locomotive économique
face à la multiplication de projets dérogatoires trie/tertiaire et sur le développement combiné et culturelle de tout le Maroc. L’enjeu
sans vision stratégique d’ensemble, l’Agence des exportations et du marché intérieur ; est d’organiser les synergies et les
complémentarités interrégionales afin
urbaine de Casablanca (AUC) a décidé, en - développer en urgence les transports collec-
de rivaliser avec les grandes métropoles
2004, d’élaborer un nouveau schéma directeur tifs. Le parc automobile pourrait doubler en mondiales ;
d’aménagement urbain, en partenariat avec moins de 15 ans et entraîner l’asphyxie de la - le littoral. Il revêt une importance
l’Iaurif(4). métropole. Il est très urgent de développer l’of- capitale pour l’attractivité de
La coïncidence entre la volonté des autorités fre de transports collectifs, qui n’assurent la métropole, son image internationale,

ce
le tourisme et l’environnement ;
régionales de mettre en place un plan de déve- aujourd’hui que 30 % des déplacements ;
- les villes de Casablanca et
loppement stratégique et celle du ministère de - organiser le transport des marchandises et la de Mohammedia. Les principaux enjeux
l’Intérieur, via l’AUC, d’élaborer un nouveau logistique. La croissance des échanges inter- portent sur la réussite des grands
Sdau a été l’occasion idéale de rassembler tous nationaux et internes du trafic conteneurs va projets urbains(10), sur la valorisation
du patrimoine, le traitement des tissus

an
les acteurs locaux et nationaux autour d’une aggraver les dysfonctionnements dans le
démarche unique visant à réaliser le projet transport et l’entreposage des marchandises. urbains dégradés, et le transport,
notamment collectif ;
métropolitain. Une vision globale à long terme Il conviendrait de mettre en place des plates-
- les franges des agglomérations.
pouvait enfin être définie et se traduire spatia- formes logistiques de fret dans le cadre d’un Casablanca et Mohammedia
lement et réglementairement. schéma régional cohérent, et de résoudre la se développent en tache d’huile,

Un diagnostic partagé dégageant


sept défis majeurs
Fr
problématique de la traversée de Casablanca
par les poids lourds(7) entre le port et le réseau
autoroutier ;
produisant des tissus urbains médiocres
occupant souvent des terrains
inondables ou des terres agricoles
et naturelles de grande valeur.
Sept enjeux majeurs, affinés et partagés après la - ouvrir plusieurs milliers d’hectares à l’urba- Cela nécessite de ménager des coupures
e-
concertation, ont été recensés : nisation. Les documents de planification en vertes ;
- asseoir un modèle de développement écono- vigueur ayant atteint leurs limites, il faudra - la jonction Casablanca-Mohammedia.
mique durable. Au-delà d’une décennie, les assurer, sur une durée de 25 ans, la possibilité Sur le territoire de Zenata, l’habitat
délocalisations vers les pays à faible coût et d’extension urbaine(8). De plus, la construc- devra être séparé des industries par
-d

des espaces tampons et des coupures


l’ouverture des marchés internationaux met- tion de logements pour les populations à bas vertes. Les axes de transport de transit
tront les produits marocains en concurrence. revenus exigera un important investissement et de marchandises devront être
Par ailleurs, le faible coût implique de faibles public. préservés du trafic local. La façade
revenus, donc un marché intérieur peu déve- maritime devra offrir des espaces
île

loppé et une dynamique de résignation. Pour relever ces défis, des moyens globaux sont de loisirs et de détente ;
- les pôles périphériques « à l’étroit »
L’option stratégique consiste à créer une nécessaires : les investissements publics (mieux
de Mediouna et de Tit Mellil exigent
dynamique de progrès, avec des activités planifier, mieux programmer), l’action foncière une restructuration permettant
nécessitant des qualifications élevées mobili- (acquisition de terrains publics et lutte contre des extensions urbaines de qualité.
sant le potentiel humain, et des normes res- la spéculation), l’ingénierie publique (notam- Il faudrait leur attribuer des vocations
spécifiques complémentaires ;
U

pectant les standards internationaux, y com- ment dans les transports, le développement
- les territoires « sous pression ».
pris en termes d’environnement et d’éthique ; urbain et l’observation urbaine), l’efficience
L’urbanisation linéaire le long d’un
- améliorer l’attractivité urbaine. Un grand effort administrative (délais de réponse aux usagers), certain nombre d’axes routiers peut
IA

est nécessaire pour réduire les nuisances liées et la réglementation (notamment sur le foncier, produire des villes sans identité
aux transports, et la pollution industrielle, pour l’environnement et le patrimoine). et sans qualité. Il convient de ménager
mieux gérer les déchets, et pour améliorer la des coupures et de prévenir le risque
qualité de l’eau… Tout aussi important sera d’inondation, notamment dans
les plissures du terrain ;
l’effort à consentir pour la qualité urbaine et (4) Voir dans ce numéro des Cahiers, DUGENY François et SAID - les territoires à dominante rurale et
le patrimoine : réussir les grands projets Victor, « Une nouvelle approche de la planification straté- naturelle. Certaines communes rurales
urbains d’Anfa, de Zenata, et de la façade gique », p. 30.
commencent à subir le développement
(5) On estime que plus de 500 000 ménages supplémentaires
maritime de Casablanca ; seront comptabilisés en 25 ans.
urbain, notamment Oulad Saleh, ainsi
- construire massivement des logements. Sous (6) Le nombre d’actifs (aujourd’hui 1,3 million dont 281 000 que les oueds du Maleh et de Nfifikh,
chômeurs) devrait s’accroître d’au moins 35 000 per- et la forêt de Bouskoura, poumon vert
le triple effet de la croissance démogra-
sonnes/an, bien plus si le taux d’activité féminin progresse. de la région. Il convient de proposer
phique, de la réduction de la taille moyenne (7) Le transport est assuré à 75 % par des camions (25 % par des noyaux cohérents et des espaces
des ménages(5) et de la résorption des déficits, le fer), avec des points critiques de trafic, notamment sur d’activités, tout en préservant les
ce sont 25 000 logements par an qu’il va falloir l’autoroute urbaine et sur les franchissements de la voie fer- espaces naturels et agricoles de qualité ;
rée entre le port et l’autoroute.
produire d’ici 2030 ; - les ensembles d’espaces ouverts.
(8) Le rythme de la croissance urbaine dans le Grand Casa-
- doubler l’offre d’emplois. La volonté de résor- blanca est de l’ordre de 700 à 1 000 hectares par an.
Les forêts, les oueds, les meilleures
(9) Schéma national d’aménagement du territoire, et sa décli- terres agricoles, les terres inondables,
ber le chômage actuel est aussi importante sont le support d’une trame verte
naison dans le schéma d’organisation fonctionnelle.
que celle d’offrir des emplois aux nouveaux (10) Marina, Nouvelle Corniche, site d’Anfa, quartier Sidi régionale, apportant l’équilibre
actifs(6). À court et moyen termes, le plan Émer- Moumen, etc. à l’aménagement urbain.
137
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Grand Casablanca : le Sdau en appui au projet métropolitain

Trois scénarios Une vision stratégique Le plan de développement stratégique


de développement pour un développement durable Les orientations fondamentales d’aménage-
ment, à l’origine du plan de développement
Une trame régionale des espaces ouverts : stratégique et du nouveau Sdau, ont été opérées
Cap à l’est toile de fond pour les scénarios après les arbitrages, au plus haut niveau, des
Sur la base des hypothèses de croissance, trois options et des scénarios présentés(13).
scénarios ont été soumis au débat. Le choix s’est porté sur une synthèse des trois
Le premier, Cap à l’est, basé sur une option scénarios. À court et moyen termes, le dévelop-
industrielle, prévoit un développement urbain pement industriel va continuer à se déployer ;
linéaire, le long du littoral, en particulier vers à moyen et long termes, ce sera plutôt le déve-
l’est(11). Cette option permettrait de minimiser loppement tertiaire et celui des services ; enfin
les coûts des grandes infrastructures(12). les pôles périphériques seront renforcés. L’amé-
Le deuxième scénario, Cap à l’ouest, privilégie nagement territorial sera ainsi équilibré.

ce
Cap à l’ouest un développement urbain vers l’ouest et le sud-
ouest, en s’appuyant sur la dynamique tertiaire Une stratégie intégrée
et technopolitaine. Le grand projet prévu sur le pour le projet métropolitain
site de l’aérodrome d’Anfa impulserait ce déve- La stratégie de développement du Grand Casa-

an
loppement. blanca doit se déployer simultanément sur les
Le troisième scénario, Cap vers les pôles exté- trois axes du développement durable (écono-
rieurs, propose de développer les pôles péri- mique, social et environnemental). Cette straté-
phériques. C’est un scénario d’équilibre entre gie s’appuie, en amont, sur une vision globale
les fonctions industrielle et tertiaire, entre des de ce qui est souhaitable pour le Grand Casa-
Cap sur les pôles
périphériques de se développer. Ce schéma polycentrique
Fr
territoires qui peuvent tous avoir des chances

imposerait une politique publique volontariste.


blanca à l’horizon 2030. Elle se concrétise, en
aval, par un plan d’actions immédiates, définies
dans une charte de développement. La stratégie
La volonté de protéger de l’urbanisation les de mise en œuvre passera par des mesures
e-
espaces formant une « trame régionale d’es- légales et fiscales, le tout prenant appui sur un
paces ouverts » fait partie des options incon- effort d’équipement et de cohérence de l’amé-
tournables communes aux trois scénarios : nagement de la métropole.
forêts, lits des oueds, espaces naturels côtiers, La stratégie économique consiste à être en pre-
-d

zones inondables, meilleures terres agricoles, mière ligne sur les objectifs nationaux ; faire
gisements de matériaux, ainsi que les coupures valoir les atouts de Casablanca ; améliorer l’of-
vertes, tampons entre zones industrielles et rési- fre urbaine (qualité du réseau routier et des
dentielles. transports, des zones et des services logistiques,
île

Études du Sdau de Casablanca - AUC - Iaurif etc.) ; améliorer l’offre touristique (grands équi-
pements culturels et de loisirs, patrimoine bâti
et littoral, terminal croisières, offre de shopping,
information et marketing) ; corriger les fai-
Enjeux de la trame des espaces ouverts blesses, notamment la disponibilité du foncier,
U

la performance de l’administration, le cadre de


vie (congestion, pollution), l’environnement
social (résorption des bidonvilles, etc).
IA

La stratégie sociale doit répondre aux pro-


blèmes de qualité du cadre de vie et des inéga-
lités sociales, notamment la condition des
femmes au regard du travail et de l’éducation.
Les objectifs sont les suivants : lutter contre le
chômage et l’analphabétisme ; généraliser l’en-
seignement primaire et élémentaire, améliorer
l’offre d’équipements scolaires ; tripler les effec-
tifs de l’enseignement supérieur et profession-
nel ; résorber l’habitat précaire ; produire
800 000 logements en 25 ans ; assurer les ser-

(11) Il se situe dans la continuité de ce qu’avaient prévu le


plan Écochard des années 1950 et le Sdau de 1985.
(12) Utilisation du couloir ferré et routier existant, et assainis-
sement en bord de mer.
(13) Par exemple, le transfert de l’exportation des phosphates
du port de Casablanca vers celui de Jorf Lasfar, les grands
projet tels que Sidi Moumen, la définition des réseaux de
transports en commun, etc.
Études du Sdau de Casablanca - AUC - Iaurif
138
vices urbains ; permettre une mobilité accrue Plan de développement stratégique
par le développement des transports collectifs ; de la région du Grand Casablanca
assurer l’accès aux soins de santé, aux loisirs,
aux sports et à la culture pour tous.
La stratégie environnementale consiste à
réduire la pollution de l’air par des règlements
applicables à l’industrie ; à établir un contrôle
du parc automobile et à développer les trans-
ports collectifs ; à prévenir les risques sanitaires
et réduire la pollution des sols, des nappes
phréatiques, des milieux marins et des plages,
par le traitement préalable des eaux usées
domestiques et industrielles et par un traite-

ce
ment plus efficient des déchets ; à prévenir les
risques naturels et industriels ; à démultiplier
les espaces verts et à préserver les milieux natu-
rels, notamment la forêt, le littoral, les oueds.

an
Les choix stratégiques du Sdau :
Études du Sdau de
écho du projet métropolitain Casablanca - AUC - Iaurif
Le projet de Sdau du Grand Casablanca modi-
fie fortement l’orientation du développement
urbain qui avait prévalu jusqu’ici, à travers sept
choix stratégiques visant à le hisser au rang des
grandes métropoles mondiales :
Les premières actions
Fr
et les mesures réglementaires
- l’organisation de l’armature urbaine régionale Seule une action volontaire et suivie dans le
e-
par un système polycentrique de pôles péri- temps permettra la mise en œuvre du projet
phériques renforcés autour de la capitale éco- métropolitain à travers le Sdau. Plusieurs
nomique, en assurant la mobilité par un actions sont prioritaires: le lotissement et l’équi-
réseau maillé, notamment en transports en pement de plus de 1 000 hectares par an ; la
-d

commun ; résorption de l’habitat précaire au rythme de


- le report de la croissance urbaine vers les 1 000 hectares par an ; la réalisation des trois
pôles périphériques, grâce à l’ouverture de grandes opérations phares (Anfa, Zenata, Sidi
nouvelles zones urbanisables, permettant la Moumen) ; le dédoublement de la ligne de che-
île

mise à niveau de la ville de Casablanca ; min de fer séparant ainsi le trafic urbain du tra-
- le remplacement progressif de l’activité indus- fic national et marchandises ; la réalisation des
trielle polluante de Casablanca par des activi- premières lignes de tramway, des premiers
tés non-nuisantes. Les industries lourdes iront parcs d’activités et zones logistiques de fret de Des objectifs ambitieux
notamment s’installer dans les nouveaux niveau international. pour une grande métropole
U

parcs du pôle industrialo-portuaire de Moham- Au niveau législatif et réglementaire, les Les grands objectifs, qui ont fait
media et l’axe de Mohammedia-Nouaceur ; mesures principales portent sur le foncier. La largement consensus, se résument
- le renforcement des fonctions tertiaires, législation doit s’enrichir d’outils efficaces per- aux points suivants :
• le Grand Casablanca, fidèle
IA

notamment sur l’axe vers l’aéroport et grâce mettant d’éviter les blocages dus à la hausse à sa vocation, doit assumer son rôle
au grand projet d’Anfa, tout en préservant le des prix. La préemption et ses conditions finan- de locomotive économique
cœur tertiaire historique et la création de nou- cières sont concernées. Il est nécessaire, par ail- et de premier foyer d’innovation
velles centralités, notamment à Zenata ; leurs, de créer une agence foncière régionale et de modernité du Maroc ;
- la mise en place d’une politique sociale de compétente pour la préemption, l’achat et l’ex- • le projet stratégique doit viser
à renforcer l’attractivité du Grand
rééquilibrage à l’est par la restructuration de propriation par délégation de l’État et des col- Casablanca, sa compétitivité,
l’habitat, la requalification de la façade mari- lectivités locales. Elle devrait disposer d’un et son positionnement en tant
time, le renouvellement du tissu d’activités et fonds de roulement important. Ceci afin de ren- que grande métropole internationale ;
de l’environnement ; dre plus difficile l’obtention de dérogations aux • le nouvel élan requis n’est pas
- la mise en place d’un réseau de transport documents d’urbanisme approuvés. seulement économique, mais doit
porter tout autant sur le progrès social
urbain de masse, constitué notamment d’un et la préservation de l’environnement.
RER et d’un réseau de tramways. Avec l’arri- Enfin, la démarche participative associant élus, La conjugaison de ces trois dimensions
vée du TGV, la métropole bénéficiera d’un décideurs publics et privés, ainsi que la société assurera la durabilité du
réseau à vocation internationale, nationale, civile, a assuré une large adhésion au projet développement ;
régionale et urbaine ; métropolitain. Grâce à ces acteurs, la durabilité • le développement urbain joue un rôle
crucial, car il crée l’offre métropolitaine
- l’adoption d’une trame régionale d’espaces du développement trouvera un écho favorable permettant d’accueillir, dans
ouverts non urbanisables. par une mise en œuvre respectueuse de la les conditions d’excellence requises,
cohérence spatiale et de l’harmonie urbaine. les fonctions et les activités souhaitées.
139
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires

Quelle stratégie d’aménagement


pour le littoral de Casablanca ?
Gwenaëlle Zunino
IAU île-de-France

Le littoral de Casablanca est un secteur


à enjeux majeurs. Son aménagement
contribue au changement d’image
de la ville et participe à son attractivité.
Cependant, sa qualité et son équilibre

ce
sont menacés par une forte pression
immobilière et une privatisation accrue
par les grands projets. En parallèle

an
à la démarche du Sdau, l’Iaurif a élaboré
un schéma de référence stratégique
pour l’aménagement harmonieux
G. Zunino/IAU îdF
Fr de ce littoral, en cohérence
avec l’ensemble de la ville.
e-
aménagement du littoral est fondamen- immobilière. La protection de ces espaces de

L’
Le littoral de Casablanca est le lieu
de toutes les convoitises. Il doit être tal pour Casablanca, notamment parce respiration exige une politique volontariste de
aménagé en respectant ses valeurs qu’il participe au changement d’image la part des autorités publiques. Ce défi
sociales, environnementales de la ville et parce que les trois enjeux du déve- concerne également le commerce. Comment
-d

et paysagères. loppement durable s’y conjuguent: l’économie, maintenir du commerce traditionnel face aux
le social et l’environnement. Du point de vue centres commerciaux ? Enfin, cela concerne le
environnemental, le littoral est le plus grand respect du patrimoine non mis en valeur
espace de respiration de la ville, il doit être pro- aujourd’hui face à la forte pression immobi-
île

tégé et mis en valeur au profit de tous. Au lière.


niveau urbain, l’ouverture de la ville sur l’océan Le deuxième défi est celui de la cohérence. Les
est devenue une évidence. Les projets dévelop- nombreux grands projets sur le littoral auront
pés sur le littoral sont d’autant plus sensibles un impact sur toute la ville. Deux centres com-
qu’ils sont les lieux d’enjeux stratégiques forts. merciaux sont en cours de réalisation
U

(Morocco Mall et celui de la Marina), ainsi


Les défis de l’aménagement du littoral qu’un développement résidentiel et touristique
de Casablanca (Anfa Place), et un véritable morceau de ville
IA

Afin de permettre la réalisation cohérente de la (la Marina). Certains programmes étant simi-
nouvelle façade maritime de Casablanca, plu- laires, l’offre peut dépasser la demande et la
sieurs défis sont à relever. qualité urbaine risque être délaissée sous l’ef-
Le premier est celui de la cohabitation. De nom- fet de la concurrence. Il est important d’assurer
breuses fonctions urbaines se côtoient et il est la complémentarité des projets et la cohérence
nécessaire de penser leur cohabitation afin de leur aménagement dans le temps et dans
d’éviter les conflits. La complémentarité entre l’espace.
usage privé et public est un enjeu primordial. Enfin, le troisième défi concerne les moyens à
S’il est privatisé, le littoral, n’est valorisé que mettre en œuvre pour la réalisation de ces pro-
pour un nombre limité de personnes, or à jets. Il est nécessaire de dégager des moyens
l’échelle d’une agglomération de quatre mil- financiers et, du point de vue urbain, il est indis-
lions d’habitants, cette valorisation doit être pensable de mettre en application des règles
offerte à tous, aussi bien en termes urbain que et des principes d’aménagement, de contrôler
social. Par ailleurs, il est essentiel de préserver leur respect et d’accompagner les projets du
des espaces naturels en ville. Or, ces espaces point de vue social, surtout lorsque leur réalisa-
non bâtis, particulièrement sur le littoral, sont tion implique de déloger des habitants.
considérés comme des potentiels de dévelop-
pement, et sont très convoités par la promotion
140
Le schéma de référence stratégique Le littoral présente un fort enjeu social. L’amé-
du littoral de Casablanca nagement des plages publiques et de leurs
En parallèle à l’élaboration du nouveau accès, les vues et perspectives vers l’océan, doi-
schéma directeur d’aménagement et d’urba- vent être assurés. Une promenade publique
nisme du Grand Casablanca (Sdau), un schéma large et continue sera aménagée en bord de
de référence stratégique et la définition des mer et fera le lien entre les différentes
composantes de deux plans d’aménagement séquences du littoral. Concernant le logement,
sectoriels du littoral de Casablanca ont été réa- certains habitants des bidonvilles, notamment
lisés en 2006 par l’Iaurif, répondant à la sur la pointe d’El Hank, seront relogés à proxi-
demande de l’Agence urbaine de Casablanca. mité de leur lieu de résidence actuel dans des
Les objectifs étaient d’organiser un aménage- opérations pilotes de logements sociaux. En
ment harmonieux du littoral dans un contexte outre, une politique de réhabilitation du cen-
de forte pression foncière, et de définir des tre-ville est nécessaire pour améliorer les condi-

ce
vocations par séquences pour préserver l’envi- tions d’habitat des habitants.
ronnement, d’augmenter l’attractivité de la ville Du point de vue environnemental, la préserva-
et de maintenir les activités liées au port. tion d’une coupure verte à l’ouest de la ville
Du point de vue économique, le port de Casa- est indispensable à l’équilibre écologique de

an
blanca implique toute une activité primordiale toute la région. De plus, des parcs et forêts
pour l’économie de la ville. La réorganisation devront être aménagés ou réaménagés, notam-
du port permet de diminuer la circulation de ment sur le grand site de Sidi Abderrahman. La
camions en cœur de ville et de dégager deux morphologie naturelle du littoral doit être
darses au bénéfice de la ville. Cette nouvelle conservée, les pointes rocheuses et les belvé-
interface entre la ville, le port et la nouvelle gare
de Casa-Port, va offrir plus d’urbanité à ce sec-
teur.
Fr
dères seront aménagés pour que le public pro-
fite des vues sur l’océan et sur la ville.
Pour mener à bien ce schéma stratégique, des
Le renforcement du rayonnement culturel et mesures institutionnelles doivent accompagner
e-
de l’attractivité touristique de Casablanca aux les actions, notamment dans les domaines
niveaux national et international passe par la administratif, fiscal, législatif et réglementaire.
mise en valeur de ses atouts. C’est-à-dire la loca-
lisation de zones privilégiées pour le dévelop- Le schéma de référence stratégique offre, en
-d

pement d’activités touristiques sur le littoral, la cohérence avec le Sdau, une vision d’aménage-
mise en valeur patrimoniale de la médina et ment à long terme pour un développement har-
du quartier Art Déco, la réalisation de grands monieux à l’échelle du littoral de Casablanca.
équipements tels que le grand théâtre, l’affir- Il préconise également un certain nombre de
île

mation de centralités tertiaires et commer- principes d’aménagement qui sont déclinés


çantes comme le cœur de ville, le projet de la réglementairement dans les plans d’aménage-
Marina et le nouveau morceau de ville sur le ment. Face aux opportunités de grands projets
site de l’ancien aérodrome d’Anfa. Les grands immobiliers, le potentiel naturel et les fonctions
projets, en respectant un aménagement cohé- sociales du littoral ne doivent pas être sacrifiés,
U

rent à l’échelle de la ville, participeront au leur préservation est un atout majeur pour toute
dynamisme économique du cœur de Casa- la métropole.
blanca.
IA

Schéma de référence stratégique du littoral de Casablanca


Iaurif 2006

141
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires

Casablanca : intégration
Pierre Mayet(1) du grand projet urbain d’Anfa
Victor Said
Bertrand Warnier

Le grand projet urbain d’Anfa


a des ambitions tant à l’échelle locale
qu’au niveau international
pour le rayonnement de Casablanca.
Sa composition urbaine singulière doit

ce
trouver une cohérence et une identité
pour donner une impulsion nouvelle
à la métropole. Développer un pôle

an
du XXIe siècle en synergie avec l’existant

© Reichen et Robert & Associés


et mettre en valeur un site atypique
tant par son patrimoine
Fr que par son relief : tels sont les défis
de la future centralité d’Anfa.
e-
nfa, l’ancien aérodrome de Casablanca propositions imaginatives devant un jury com-

A
Vue d’ensemble du site de l’ancien
aérodrome d’Anfa, l’assiette progressivement désaffecté de son rôle posé de représentants des autorités et institu-
de la nouvelle centralité aéronautique, est devenu une belle tions marocaines, ainsi que d’experts internatio-
du XXIe siècle de Casablanca. friche urbaine de 400 hectares située dans l’ar- naux. Des préconisations importantes, inspirées
-d

rondissement de Hay Hassini, à moins de cinq des points de convergence entre les partici-
kilomètres du centre-ville. pants et des meilleures idées, ont été retenues
dans un rapport de synthèse.
Une occasion unique, des approches Des préconisations portaient sur la définition et
île

exceptionnelles et adaptées la programmation du grand projet urbain :


Les urbanistes ont très vite considéré ce grand - affecter une grande partie de l’espace libéré
projet urbain comme une opportunité en à la création de grands parcs urbains, en fort
faveur des ambitions de la grande métropole déficit à Casablanca ;
du Maroc et de son attractivité internationale. - créer des synergies entre les activités techno-
U

La décision royale de transférer les activités politaines et l’université située à proximité ;


aéronautiques et militaires et de déclasser les - réaliser une grande infrastructure ferroviaire,
installations a permis d’affecter les terrains ainsi ouvrant la possibilité d’une ligne centrale de
IA

libérés au développement de la ville. Ils ont été transport express régional et d’une grande
transférés à la Caisse des dépôts et de gestion, gare multimodale, centralité nouvelle fonc-
en vue de la réalisation de ce grand projet tionnant en dipôle avec la centralité actuelle ;
urbain. - aménager des continuités de la trame urbaine
L’Agence urbaine de Casablanca et l’Iaurif, en de l’arrondissement de Hay Hassani,
charge de l’élaboration du schéma directeur jusqu’alors interrompue du fait de l’enceinte
d’aménagement et d’urbanisme (Sdau) de fermée de l’aérodrome, qui respectent et
Casablanca et du plan d’aménagement de l’ar- développent la remarquable qualité urbaine
rondissement de Hay Hassani, ont fait le choix de Casablanca (grandes avenues et boule-
d’appliquer la méthode d’expertise internatio- vards avec des plantations d’alignement) ;
nale proposée par les Ateliers de Cergy- - envisager une programmation d’ambition
Pontoise sur un site à enjeux majeurs. Pilotée internationale valorisant le patrimoine excep-
par l’IAU îdF et gérée par le bureau d’études tionnel et inhabituel des grandes halles tech-
Urba 2000, une session d’expertise, baptisée les niques.
Ateliers d’Anfa Casablanca, s’est déroulée en
juillet 2006. (1) Article écrit à trois mains par Pierre Mayet, président
d’Urba 2000, Victor Said de l’IAU îdF et Bertrand Warnier,
À l’issue de cette session, trois équipes de pro- architecte urbaniste, fondateur des Ateliers de maîtrise d’œu-
fessionnels pluridisciplinaires ont présenté des vre urbaine de Cergy-Pontoise.
142
La méthode, la gouvernance et la mise en Ces quartiers, de qualité urbaine honorable et
œuvre ont également été proposées ; des relativement bien adaptés au mode d’habiter,
démarches et des outils opérationnels spéci- manquent d’équipements publics de proxi-
fiques ont pu être mis en place. Ainsi, un pha- mité. Le voisinage d’un secteur de centralité
sage sur vingt ans permettra d’adapter le calen- urbaine doté d’équipements nouveaux, d’un
drier et la séquence d’ouverture de nouveaux réseau moderne de transport (trois lignes de
chantiers aux dynamiques du marché et aux tramway venant aussi desservir les quartiers
capacités de réalisation des équipements. Une existants) et de grands parcs urbains, améliore
structure ad hoc, équivalente aux établisse- donc significativement l’offre de services et
ments publics d’aménagement (Epa)(2), a été d’aménités aux populations. Elles bénéficieront
mise en place : l’Agence d’urbanisation et de également de la continuité de la trame urbaine
développement d’Anfa (Auda), filiale spéci- traversante des nouveaux quartiers.
fique de la Caisse de dépôts et de gestion De nouvelles propositions au plan d’aménage-

ce
(CDG). Enfin, un concours international d’ur- ment de l’arrondissement de Hay Hassani ont
banisme a été organisé afin de choisir l’équipe été faites pour améliorer la qualité urbaine
en charge du plan directeur du grand projet. d’ensemble. La bonne insertion du grand pro-
jet d’Anfa au sein de cet arrondissement et son
Une nouvelle centralité du XXIe siècle

an
extension sur une partie du territoire de la com-
pour Casablanca mune de Dar Bouazza est l’une des priorités.
À partir d’un cahier des charges inspiré par le L’établissement, voire le rétablissement, d’une
rapport de synthèse de la session des Ateliers, trame viaire cohérente développant les meil-
le jury du concours international d’urbanisme leurs aspects de la remarquable trame urbaine
a retenu comme lauréat l’équipe Bernard Rei-
chen et associés. L’avant-projet du plan direc-
teur présenté répondait directement aux objec-
Fr
de la partie centrale de Casablanca, figurait
parmi les principaux objectifs. Certaines voies
à réaliser à travers la coupure s’imposaient logi-
tifs et au programme définis. quement, comme la route des Préfectures ou le
e-
Le projet comprend un grand parc central orga- boulevard Omar el Khayyam. Deux nœuds
nisé sur le tracé de l’ancienne piste de l’aéro- essentiels de circulation ont été identifiés dans
drome, déclinant ainsi l’idée d’une des équipes l’organisation générale de la trame urbaine :
des Ateliers, sous la forme du Jardin andalou. - le carrefour de l’avenue El Qods avec le bou-
-d

Deux gares multimodales – l’une étant différée levard d’El Jadida commande la desserte du
dans la perspective du développement du quartier sud par la route de Bouskoura ;
réseau TGV marocain – assurent la liaison des - le carrefour complexe, en lisière du terrain de
lignes de tramway avec la grande ligne nou- l’aérodrome, où se croisent l’autoroute qui
île

velle préconisée pour un service de type RER. vient de Rabat et la route nationale reliant le
La morphologie urbaine correspond aux stan- centre-ville à l’aéroport Mohammed V.
dards internationaux : elle comprend deux Ce carrefour, désigné dans le projet comme la
niveaux de référence – ville basse et ville véritable porte sud du grand projet urbain,
haute – et deux tours à valeur de signal dans le appelle un aménagement de grande qualité.
U

panorama urbain d’ensemble de l’aggloméra- Cette dimension monumentale pourrait pren-


tion. De nouveaux quartiers, parmi lesquels dre la forme d’une large voie réalisée au sein
une centralité d’affaires et de commerces d’at- d’une palmeraie.
IA

tractivité internationale, sont prévus. Enfin, Le tracé des lignes de tramway à créer, appe-
l’équipe a formulé des propositions de valorisa- lées à s’articuler à la gare multimodale du Le grand projet urbain d’Anfa :
tion du patrimoine immobilier préservé, dont réseau express, a été un élément déterminant maintenir l’axe des pistes
les structures sont d’une qualité architecturale de l’aérodrome en les aménageant
rare, en l’adaptant à de nouvelles activités. (2) Structures mises en place en France pour réaliser des en grand jardin central et édifier
projets d’opérations d’intérêt national (OIN) d’aménagement. deux tours « signal ».
Enjeux d’image de la métropole et
articulation avec les quartiers existants
Le plan directeur est contenu dans les limites
foncières de l’aérodrome désaffecté. Un des
enjeux majeurs était d’inclure ce projet essen-
tiel dans la stratégie du Grand Casablanca et
© Reichen et Robert & Associés

dans la géographie et l’urbanisme de l’arron-


dissement de Hay Hassani, au sein duquel il
est situé. Cet arrondissement de 300 000 habi-
tants est composé de quartiers récents, avec
une importante proportion de logements
« sociaux ».
143
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Casablanca : intégration du grand projet urbain d’Anfa

B. Warnier
des choix d’em-
prise et d’aménagement
des boulevards et avenues les plus
adaptés à desservir les secteurs les plus denses Depuis le début du XXe siècle, avec ses secteurs
du tissu urbain. patrimoniaux Art déco notamment, Casablanca
est considérée comme un grand laboratoire de
La géographie élargie du site commande l’architecture et de l’urbanisme.
son aménagement Le grand projet d’Anfa, son insertion et l’effet de

ce
Le territoire de l’aérodrome est évidemment valorisation qu’il apportera, sont conçus pour
un terrain plat, une plate-forme; mais ses abords que cette tradition de laboratoire se poursuive
sud et sud-ouest comportent des reliefs signifi- au XXIe siècle.
catifs : un belvédère dans le prolongement sud La qualité d’urbanité est définie par une mixité

an
de la piste et deux collines un peu moins fonctionnelle ; la réalisation résidentielle se fait
hautes. Ces ondulations donnent des vues sur conjointement à celle des activités commer-
B. Warnier

l’horizon marin et constituent autant de sites ciales, artisanales et de service, situées en rez-
potentiels pour un aménagement urbain et de-chaussée. Cette approche bénéficiera tant à
paysager de grande qualité. La terrasse haute, l’animation des rues qu’à la vie sociale. Les
Le grand projet d’Anfa constituera
une nouvelle centralité majeure,
fonctionnant en dipôle tion de belvédère.
Fr
sur l’espace du site du grand projet urbain,
appelle un aménagement valorisant sa fonc-
quartiers préservés de villas présentent une pro-
fusion végétale qui déborde les murs de clô-
ture et agrémente les rues ou allées qui les des-
avec le centre-ville. À proximité immédiate du terrain de l’aéro- servent.
e-
drome, un site singulier avec une belle falaise, L’amélioration de la qualité des quartiers exis-
en réalité front de taille d’anciennes exploita- tants est envisagée à travers le développement
tions de carrière, présente aujourd’hui un petit de centralités secondaires définies par une den-
lac en contrebas « à fort intérêt écologique ». Le sification autour des nouvelles stations de tram-
-d

lac, l’extension au niveau bas d’un parc urbain, way. La réalisation de petits (ou très petits)
et l’aménagement du quartier situé en haut du squares avec quelques arbres et du mobilier
front de taille sous la forme du balcon d’Anfa public a également été préconisée.
permettent d’apporter à ce quartier de loge-
île

ments sociaux une position privilégiée, aussi Les quartiers d’extension :


bien pour les vues qu’il prodiguera que pour vues panoramiques sur l’océan
les relations qu’il établira avec le grand projet. Les composantes des plans d’aménagement
La géographie fait également apparaître de des quartiers d’extension (les secteurs de Dar
petits thalwegs(3), qui sont aménagés dans le Bouazza) s’efforcent d’offrir une trame urbaine
U

projet en « vallons frais », contribuant à la lisibi- verte qui mette en valeur les vues sur l’océan,
lité des délimitations des quartiers. La vallée de sur le panorama urbain d’ensemble et sur des
l’oued Bouskoura, qui traverse le site, est espaces aménagés pour créer des lieux déter-
IA

aujourd’hui soumise au risque d’inondation et minants du paysage urbain. L’ambiance propo-


doit, à ce titre, être préservée d’une urbanisa- sée est celle d’une morphologie urbaine singu-
tion inconsidérée. lière qui offre au plus grand nombre le luxe de
vues et de panoramas de qualité.
L’ambition d’une qualité d’urbanité Les ambitions de rayonnement et d’attractivité
pour Hay Hassani internationale du grand projet d’Anfa n’au-
L’image urbaine de Casablanca allie la moder- raient pas été à la hauteur du cadeau royal
nité, celle du début du XXe siècle qui lui a légué offert à Casablanca, si elles n’avaient pas rejoint
la qualité remarquable de ses boulevards et l’ambition nationale de développement
avenues largement dimensionnés avec de humain(4), en bénéficiant également aux popu-
beaux alignements de plantations, et l’identité lations des quartiers environnants.
locale ponctuant le paysage urbain de points
singuliers composés des minarets des mos-
quées.
Le tissu urbain offre une grande diversité de (3) En géographie, le thalweg est une ligne joignant les points
composition et d’architecture, dans le respect les plus bas du fond d’une vallée.
(4) Grand programme social, l’Initiative nationale pour le
B. Warnier

de principes communs de gabarits relativement développement humain (INDH) est déployée à travers tout
bas, dont la couleur blanche est emblématique. le pays.
144
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires

Satama : référentiel
Abdelillah Laslami (1)

Directeur de l‘AUSF pour la métropole d’Agadir


Victor Said
IAU île-de-France

Agadir et sa région connaissent


un développement qui a dépassé
largement la planification élaborée
pour sa reconstruction suite au séisme
de 1960. Afin d’inscrire l’essor

ce
de la ville dans la stratégie nationale
et d’en faire la base solide d’un
développement économique et humain

an
durable, l’Agence urbaine d’Agadir
a impulsé une démarche innovante
et transversale d’aménagement
Fr V Said/IAU îdF et de planification urbaine globale,
en partenariat avec l’Iaurif.
e-
e Maroc, pays émergent, est un partenaire l’architecture moderne ont été appliqués dans

L
Le Satama(2) : une planification
stratégique innovante à la hauteur privilégié de l’Union européenne. Il est, le respect de la Charte d’Athènes.
des ambitions d’une métropole de par sa situation géographique, un Cette ville balnéaire, prévue pour 50 000 habi-
majeure au Maroc. espace d’échanges entre la rive nord de la tants, a connu à travers le temps un développe-
-d

Méditerranée et l’Afrique. La conjugaison de ment tel qu’il était impossible de l’imaginer


l’élément géographique et de la volonté poli- ou de le prévoir, même avec les précautions
tique a insufflé une croissance économique d’usage dans le domaine de la planification.
importante, portée par les grandes infrastruc- Ainsi, grâce à certains choix – politiques à tra-
île

tures dont la réalisation a été initiée par l’État. vers la Marche verte pour la reconquête du
Ces grands projets publics stimulent l’écono- Sahara ; économiques par le développement
mie marocaine, dont l’essor reconfigure l’es- du tourisme et de la pêche; ou par la réalisation
pace national. S’inscrivant dans l’économie glo- d’infrastructures telles que des barrages, un
balisante, le Maroc se positionne sur un certain complexe portuaire et un aéroport internatio-
U

nombre de secteurs ayant connu une redistri- nal –, Agadir et son aire métropolitaine se sont
bution au niveau international. vues propulsées au-devant des autres agglomé-
L’une des interprétations spatiales de ces muta- rations de même taille ou plus grandes.
IA

tions traduites par le schéma national d’aména-


gement du territoire (Snat) est de faire des Un territoire à forte dynamique
grandes agglomérations marocaines des loco- créant des dysfonctionnements
motives de compétitivité. Parmi celles-ci, le L’aire métropolitaine d’Agadir est caractérisée
Grand Agadir occupe une place importante, par un relief assez diversifié(3). Elle couvre envi-
car il devrait devenir le deuxième pôle écono- ron 1 083 000 hectares et est composée de 80
mique après celui du Grand Casablanca. communes(4). Les espaces ruraux et naturels

Agadir et son aire métropolitaine : (1) Directeur de l’Agence urbaine et de sauvegarde de Fès
un destin forcé (AUSF), et ancien directeur de l’Agence urbaine d’Agadir.
(2) Schéma d’aménagement territorial de l’aire métropoli-
La ville d’Agadir est la capitale de la région taine d’Agadir.
Souss-Massa-Drâa, deuxième du Maroc en (3) Le territoire peut être réparti en trois entités géogra-
poids démographique après le Grand Casa- phiques principales : la zone montagneuse, constituée par
une partie de l’anti-Atlas et le Haut Atlas occidental ; la zone
blanca. Selon la volonté nationale, la ville a été des plaines formée par les deux plaines du Souss et de
reconstruite après le terrible séisme de 1960. Massa, et la zone littorale le long de l’océan Atlantique et
C’est la première ville nouvelle du Maroc indé- s’étendant sur près de 240 kilomètres.
(4) Les communes dont 16 urbaines sont réparties sur 2 pré-
pendant. Dans sa partie reconstruite entre 1960 fectures : Agadir–Ida–Outanane et Inezgane–Aït Melloul ; et
et 1976, tous les principes de l’urbanisme et de 3 provinces : Chtouka–Ait Baha, Tiznit et Taroudant.
145
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Satama : référentiel pour la métropole d’Agadir

niveaux: accroissement démographique impor-


tant, activité agricole intense, infrastructure tou-
ristique en développement, industrie émer-
gente, exploitation des ressources halieutiques,
urbanisation galopante. Cependant, l’absence
de planification globale a provoqué des dys-
Le développement fonctionnements de l’armature urbaine, carac-
des infrastructures touristiques, térisés par des inégalités de répartition des

V Said/IAU îdF
piliers de l’essor de la ville, équipements, des infrastructures et des
a profondément modifié emplois. Toutes ces pressions urbaines subies
la silhouette urbaine d’Agadir. par le territoire, mais d’abord par ses habitants
– souvent au détriment de la qualité de vie, du
représentent 98 % du territoire, les espaces potentiel naturel diversifié et de l’équilibre éco-

ce
urbains seulement 2 %. Elle regroupe plus d’un logique – représentent aussi une menace pour
million d’habitants, dont 40 % d’urbains. C’est l’environnement.
un territoire à forte dynamique démogra- Face à cette dynamique aux multiples acteurs,
phique, avec de grandes disparités et un impor- les actions peuvent être contradictoires et des

an
tant solde migratoire d’environ 60 %. conflits d’usages peuvent se manifester ; par
L’économie du territoire est basée essentielle- conséquent une vision transversale et multisec-
ment sur trois secteurs porteurs : les services en torielle s’impose. Devant la complexité de ce
général et le tourisme en particulier(5), l’agricul- territoire et afin d’asseoir une vision de déve-
ture et la pêche. L’agriculture est très dyna- loppement durable, l’Agence urbaine d’Agadir
Fr
mique, notamment dans les plaines du Souss et
de Massa(6). Grâce à ses deux ports majeurs
(Agadir et Sidi Ifni), la pêche est la locomotive
(AUA) a jugé nécessaire, dès 1999, d’élaborer
le schéma d’aménagement territorial de l’aire
métropolitaine d’Agadir (Satama). Cette étude,
de l’économie de la zone et emploie une main- menée dans un cadre partenarial avec l’Iaurif,
e-
d’œuvre importante. L’industrie est essentielle- vise la conciliation entre l’aménagement du
ment agroalimentaire, liée à la pêche et à l’agri- territoire et la planification urbaine, en se posi-
culture. tionnant à une échelle intermédiaire man-
L’aire métropolitaine d’Agadir connaît donc quante dans la hiérarchie des documents régle-
-d

un développement considérable à tous les mentaires de planification.

Des potentialités et des atouts


Armature et centralités dans l’aire urbaine d’Agadir à exploiter avec rationalité
île

Le territoire du Satama jouit d’une image posi-


tive. Il dispose de potentialités importantes avec
une dynamique socio-économique témoignant
de l’esprit d’entreprise de ses habitants. La
population jeune est une réserve de main-
U

d’œuvre attractive. Elle bénéficie d’une offre de


formation et d’établissements universitaires
adaptés aux activités locales(7).
IA

La multiplicité et la diversité des secteurs éco-


nomiques, notamment le tourisme(8), consti-
tuent des atouts et des potentialités importants
à développer avec rationalité. Les richesses
naturelles, écologiques(9), culturelles et bâties,
ainsi qu’un climat ensoleillé et doux en perma-
IAU îdF

(5) Agadir est la première station balnéaire du Maroc avec


une capacité hôtelière de près de 22 000 lits, soit 23 % des lits
classés du Royaume.
(6) La superficie agricole utile sur l’ensemble du territoire
régional est de l’ordre de 434 000 hectares, dont 21 % sont
consacrés à la culture irriguée.
(7) L’université d’Agadir et l’Institut agronomique et vétéri-
naire, l’Institut spécialisé de technologie des pêches mari-
times et l’Institut de technologie hôtelière et touristique.
(8) Le poids d’Agadir dans le tourisme international au
Maroc est de 41 % (Marrakech : 21 %).
(9) Voir dans ce numéro des Cahiers, THIBAULT Christian, « Le
parc de Souss-Massa, territoire d’exception à l’équilibre fra-
gile », p 152.
146
nence permettent une diversification des acti- Des actions face au défi
vités touristiques tout au long de l’année. du développement durable
La nécessité d’un développement durable et Le territoire doit relever plusieurs défis afin d’as-
maîtrisé mène à engager une réflexion appro- surer la pérennité de son développement,
fondie sur la planification et la gestion ration- nécessairement durable et donc respectueux
nelle de ce territoire. de son environnement. Les actions à mener
devront permettre de conforter l’image posi-
Une volonté nationale tive et le poids de la région en renforçant les
de positionnement stratégique d’Agadir infrastructures, en maîtrisant la croissance
Le Snat a classé Agadir parmi les huit métro- démographique urbaine, en atténuant l’exode
poles majeures du pays ; elle fait partie des qua- rural, et ce par une meilleure intégration socio-
tre grandes agglomérations littorales de la économique de la population et des territoires.
région métropolitaine du Sud-Atlantique. À ce Par ailleurs, certains choix stratégiques devront

ce
titre,Agadir constitue un espace de développe- être opérés pour une meilleure répartition de
ment privilégié et son territoire bénéficie d’une l’usage des potentialités naturelles, dont l’eau
attention particulière des pouvoirs publics qui représente l’élément majeur, notamment en rai-
l’ont doté de nombreux équipements majeurs son du poids de l’agriculture irriguée dans

an
ayant joué un rôle structurant dans son essor l’économie locale(11).
économique. En matière de développement Le rééquilibrage entre les différentes entités
touristique, le plan Azur a désigné deux sec- constitutives du territoire, au niveau des ser-
teurs : le Founty qui abritera, à terme, près de 80 vices publics, des investissements et des
unités touristiques ; et, au nord d’Agadir, la sta- grandes opérations, permettra d’atténuer les dis-
tion balnéaire en devenir de Taghazout dont la
capacité d’hébergement sera d’environ 20 000
lits et qui bénéficiera d’une liaison directe par
Fr
parités et les inégalités territoriales. Parmi les
résultats escomptés, sont visées la restructura-
tion de l’armature urbaine et la préservation
voie express à l’aéroport. Cette volonté des espaces naturels par un contrôle de l’urba-
e-
publique est également illustrée par le choix nisation en tache d’huile.
d’Agadir d’expérimenter de plusieurs projets
nationaux pilotes(10). Une démarche innovante
Pour l’Agence urbaine d’Agadir, dont le terri-
-d

Des objectifs sociaux, environnementaux toire d’intervention couvre 30000 km2, 173 com-
et économiques clairement affichés munes et 5 provinces, la production de docu-
Les grands objectifs du Satama visent en pre- ments d’urbanisme réglementaires a été
mier lieu l’amélioration des conditions et du fastidieuse puisqu’il fallait combler leur quasi-
île

cadre de vie des habitants par la maîtrise de absence. Il a alors fallu choisir les centres à cou-
l’aménagement. Suivant une logique de déve- vrir par des plans d’aménagement, hormis ceux
loppement durable, ils se traduisent au point des grandes agglomérations. L’objectif du Satama
de vue environnemental par la préservation de est de préserver de l’urbanisation
l’équilibre écologique en rationalisant la ges- (10) Parmi ces projets, le « parcours de l’investisseur », la mise les espaces naturels de grande
en place d’un SIG régional, la définition d’un agenda 21 local.
U

tion des ressources naturelles.Au niveau social, (11) Voir dans ce numéro des Cahiers, THIBAULT Christian, « Les qualité, notamment l’arganeraie
le Satama a l’ambition de reconquérir des sec- défis de l’eau : le bassin du Souss », p. 89. dans la région d’Agadir.
teurs en difficulté en s’appuyant sur la salubrité
IA

et la justice sociale, ainsi que sur la mise en


place d’une planification cohérente et d’une
politique rationnelle de programmation de pro-
jets d’équipements structurants et d’infrastruc-
tures, qu’ils soient d’initiative publique ou pri-
vée. Les liens de solidarité, d’échanges et de
complémentarité entre les différentes entités
spatiales et territoriales sont voués à être renfor-
cés. Du point de vue économique, le Satama
propose le développement de nouvelles formes
d’infrastructures touristiques, plus proches de la
nature. Enfin, le Satama doit être, pour l’ensem-
ble des acteurs de l’aménagement, un docu-
ment cadre et de référence fixant les grandes
orientations, à moyen et long terme, et garan-
V Said/IAU îdF

tissant la préservation des capacités d’investis-


sement et du potentiel naturel du territoire.

147
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Satama : référentiel pour la métropole d’Agadir

Face au manque de connaissance du territoire Vers une dynamique de projets


et de son fonctionnement, et aux limites des La démarche adoptée pour l’élaboration du
outils conventionnels de planification spatiale, Satama est enrichissante à plus d’un titre. Elle a
la réflexion s’est portée sur une nouvelle permis de se désengager du carcan classique
démarche permettant de construire une image des démarches sectorielles qui, épousant les
dynamique de ce territoire. limites administratives, ne reflètent pas toujours
Après avoir passé en revue tant le contenu que la cohérence territoriale. En outre, cette
la démarche du schéma directeur d’aménage- approche s’est inscrite dans un esprit incitatif et
ment et d’urbanisme (Sdau) et des autres outils non coercitif, par opposition aux autres outils
d’aménagement du territoire, la nécessité de de planification. Car le Satama se veut évolutif,
sortir des sentiers battus et de mettre en place souple et capable d’intégrer les évolutions du
une démarche innovante adaptée aux attentes territoire par des mécanismes de réajustement.
a été mise en exergue. L’étude a permis à tous les partenaires de par-

ce
Élaborée en collaboration entre l’AUA et l’Iau- tager une connaissance approfondie du terri-
rif cette démarche a été novatrice à plusieurs toire, et d’interagir en fonction de ses résultats.
titres. Tout d’abord, la définition de l’aire Si la démarche est intéressante, sa conduite et
d’étude a fait fi des découpages administratifs, sa mise en œuvre n’ont cependant pas toujours

an
même si elle concernait à l’origine tout le ter- été aisées, notamment sur son volet participatif
ritoire de l’agence urbaine. En effet, cette aire qui demandait de la persévérance et une veille
d’étude a été définie sur la base de territoires continue. Les résultats de l’élaboration du
entretenant des relations fonctionnelles, inter- Satama ont permis de mettre en exergue les
agissant à différents niveaux. Ensuite, l’analyse tendances lourdes du territoire et de définir les
Fr
des données n’a pas été sectorielle mais trans-
versale, afin de mettre en exergue l’interaction
des différentes composantes du territoire,
orientations stratégiques et les actions à moyen
et long terme. Ces résultats ont été confirmés
par les études et analyses ultérieures. Par exem-
qu’elles soient physiques, humaines ou écono- ple, au niveau démographique, le recensement
e-
miques. Les problématiques ont ainsi pu être général de la population de 2004 a confirmé
territorialisées par une spatialisation des don- les projections et les phénomènes relatifs au
nées, grâce au système d’information géogra- dépeuplement de certains territoires au profit
phique (SIG) mis en place parallèlement au d’autres. Au niveau du développement de l’ac-
-d

Satama. De plus, une approche participative a tivité touristique, notamment sur le littoral sud,
été mise en œuvre, en mobilisant tous les la ruée des promoteurs, notamment européens,
acteurs aussi bien pour la collecte de l’infor- se confirme.
mation, que pour le partage de son analyse. Avant-gardiste, le Satama s’inscrivait dans une
île

Cette démarche a permis la constitution d’une logique de développement durable, position


banque de données importante pour l’agence confortée aujourd’hui par le lancement de la
urbaine et ses partenaires, l’usage pour la pre- Charte nationale de l’environnement et du
mière fois d’images satellite et la mise en place développement durable, notamment par rap-
du premier noyau du SIG de l’AUA. port à la problématique de la forêt de l’Arga-
U

Cette étude se compose de trois grandes nier, dont la régénération et le rôle pour le
phases : l’établissement d’un diagnostic territo- développement humain des populations sus-
rial partagé ; la définition d’une vision straté- citent désormais davantage d’intérêt.
IA

gique basée sur des scénarios de développe- La maîtrise par les cadres de l’agence urbaine
ment; et l’arrêt des options fondamentales, ainsi d’un savoir-faire acquis à travers la coopération
que des orientations de l’aménagement spatial a permis d’élaborer cette étude sans omettre
accompagnées d’un plan d’actions et de l’introduction de nouveaux outils : SIG, interpré-
moyens de mise en œuvre. tation d’images satellite, élaboration de cartes
Le diagnostic territorial se décline en quatre d’occupation des sols, etc.
grandes parties : Dans un autre registre, l’étude du Satama a per-
- un cadrage général du territoire, effectué au mis de lancer un certain nombre de projets,
niveau de la région Souss-Massa-Drâa, ainsi dont l’agenda 21 d’Agadir, le schéma de déve-
V Said/IAU îdF

qu’au niveau national ; loppement de la région Souss-Massa-Drâa, le


- les atouts et les opportunités ; plan de déplacements urbains (PDU) du Grand
- les dysfonctionnements et les risques ; Agadir, le nouveau Sdau, qui couvrira tout le
L’arganeraie, - les enjeux majeurs et les défis à relever pour territoire du Grand Agadir et le bassin de Massa
une formation végétale unique, assurer un développement durable du terri- et enfin, tous les programmes de mise à niveau
classée réserve de biosphère. toire. urbaine concernant les quartiers périphériques
sous-équipés.

148
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires

Requalification et renouvellement
urbain du centre d’Agadir
Gérard Abadia(1)
Architecte urbaniste

Agadir a été reconstruite, suite


au séisme de 1960, selon les principes
de l’époque. La forte ségrégation des
fonctions avait distingué le centre-ville
du secteur touristique. Néanmoins,

ce
la ville dispose d’atouts pour remédier
aux dysfonctionnements aujourd’hui
constatés. L’Iaurif a proposé

an
une méthodologie adaptée à chaque
échelle, composée de trois axes :
renforcer le rôle du centre-ville, recoudre
Fr V. Said/IAU îdF le tissu urbain et valoriser l’espace
public et le patrimoine.
e-
évolution récente d’Agadir(2) a mis à dération en préservant les atouts et les qualités

L’
Le réaménagement de qualité
de l’espace public a permis l’épreuve les principes qui avaient d’un espace urbain ayant le potentiel de deve-
de donner un nouveau visage guidé sa conception, essentiellement nir un centre-ville confirmé et étendu.
de la corniche de la baie d’Agadir. tournée vers le tourisme. Elle est devenue une Agadir est une ville morcelée. Sa rapide évolu-
-d

ville à part entière et n’est plus placée au tion et sa conception basée sur une forte ségré-
second rang de la zone balnéaire. De fait, sa gation des fonctions ont fabriqué une ville écla-
population connaît des besoins croissants en tée en quartiers mal reliés, qui souffre de
équipements, services et espaces publics de l’absence de centralité et de lieux de convivia-
île

qualité. lité attractifs. Le secteur balnéaire et touristique


La demande touristique a évolué, elle aussi, et avait été conçu, au départ, comme une entité
pourrait ne plus se satisfaire d’un quartier hôte- séparée de la ville et isolée des nuisances des
lier coupé du reste de la ville. Le « produit tou- activités concentrées, à l’époque, dans le quar-
ristique » offert s’est également modifié puisque tier industriel.
U

le cadre « exotique et naturel » proposé à Le centre-ville commercial et administratif est


l’époque tend à devenir plus urbain, sans tou- devenu très excentré au regard du développe-
tefois offrir l’attrait d’une ville véritablement ment urbain qui s’est orienté vers le sud et l’est
IA

animée, composée d’équipements culturels ou de l’agglomération. Ses relations avec les autres
de loisirs suffisants. quartiers manquent de lisibilité. Il en résulte
une dévitalisation du centre actuel, qui se tra-
Une conception à adapter aux usages duit par la déshérence de certains espaces et
d’aujourd’hui par une perte d’attractivité des commerces,
Conçu de toutes pièces à la manière d’une ville assez majoritairement tournés vers le tourisme.
nouvelle, le centre-ville est aujourd’hui délaissé Les fonctions centrales s’amenuisent et com-
tant par les touristes que par les Gadiris(3) qui le mencent à quitter le centre, risquant ainsi d’ac-
traversent ou ne s’y rendent que pour y travail- centuer cette dévitalisation ; des administra-
ler. Il y a une certaine contradiction entre la tions à l’étroit sont relogées à l’extérieur de la
forme urbaine de centre-ville à l’européenne ville. Les gares routières et les stations de taxis
et sa fonction réelle qui n’en fait pas un lieu collectifs sont déplacées en raison de leurs nui-
d’animation ni de rencontre. L’objectif est d’in- sances. L’absence d’équipements centraux
verser la tendance pour faire accepter l’idée
que « ce qui sera bon pour le Gadiri, sera bon (1) Gérard Abadia est ancien chargé d’études à l’IAU îdF.
pour le touriste ». (2) Lors de la reconstruction, le centre-ville était destiné à
50 000 habitants ; la ville abrite aujourd’hui plus de 350 000
Cette évolution urbaine du centre crée des dys- habitants, soit 50 % de l’agglomération du Grand Agadir.
fonctionnements qui doivent être pris en consi- (3) Habitants d’Agadir.
149
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Requalification et renouvellement urbain du centre d’Agadir

L’architecture de l’école moderne contribue au manque d’attractivité du centre- a entraîné l’essor de commerces et de services,
influencée par Le Corbusier ville, pour la population résidente autant que constituant un véritable secteur tertiaire et
Quelques bâtiments méritent d’être cités :
pour les touristes qui restent confinés dans le diversifiant les emplois. Cet appel de main-
l’immeuble A de L. Riou et H. Tastemain,
la cité administrative, le tribunal de Elie secteur hôtelier. Ce manque est lié à l’absence d’œuvre a entraîné une forte croissance démo-
Azagury, la poste, l’école, la caserne d’équipements culturels et de loisirs, mais aussi graphique, attirant une population qui s’est ins-
des pompiers, les villas de Jean-François d’autres fonctions centrales telles qu’un centre tallée durablement. À ce solde migratoire
Zevaco, les immeubles D, 01, 02, les villas d’affaires, un palais des congrès ou un secteur s’ajoute un important solde naturel, avec des
en bande de Abdeslem Faraoui et Patrice conséquences en matière de logement, de ser-
commercial autre que les bazars touristiques.
de Mazières, le quartier industriel sud
de Jean-Paul Ichter, le marché central L’espace public, sans continuité ni lisibilité, ne vices et de fonctionnement urbain.
et le marché de gros de Verdugo, permet pas de structurer la ville. Les espaces La ville bénéficie d’un paysage remarquable.
et le nouveau Talbordj, à la volumétrie verts publics sont confidentiels et leur accès Elle est située au pied d’un plateau sur lequel
plus proche de l’architecture locale. n’est pas facile. À l’exception de la vallée des subsistent les ruines de l’ancienne kasbah et
Oiseaux, de la marina et de la corniche réamé- est bordée par une plage de plusieurs kilomè-

ce
nagées récemment, peu d’espaces incitent à la tres. Adossée aux retombées du Haut Atlas,
promenade et aux loisirs. Ainsi, faute de signa- s’ouvrant sur la plaine du Souss, elle est une
© Aga Khan Trust for Culture

lisation et de liaisons, les espaces qui relient la porte d’entrée vers le Sud marocain et sert de
corniche au centre-ville, par exemple, sont peu base de départ pour la découverte d’un arrière-

an
lisibles, malgré une fréquentation croissante. pays d’une grande qualité paysagère(4).
Enfin, les déplacements en transports en com- Le patrimoine architectural de l’école moderne
mun sont difficiles en raison de l’insuffisance est de grande qualité. La reconstruction de la
de l’offre et de la localisation des pôles de trans- ville a mobilisé toutes les compétences tech-
port, généralement excentrés. L’utilisation privi- niques et administratives. Plusieurs architectes
Fr
légiée de la voiture particulière entraîne des
embouteillages aux heures de pointe, malgré
une voirie surdimensionnée.
de renom, dont Le Corbusier, ont été invités à
concevoir ce qui devait devenir une opération
exemplaire d’urbanisme et d’architecture. Le
plan d’aménagement reflète les idées de
e-
Des potentialités existantes l’époque, en particulier la conception des
pour « recoudre » la ville espaces publics, la séparation des fonctions et
La ville d’Agadir dispose néanmoins de nom- une trame viaire largement dimensionnée.
breux atouts et qualités qui permettent d’envi- La trame de voirie orthogonale a fait ses
-d

sager une perspective favorable au développe- preuves par sa capacité à évoluer et à suppor-
ment et à la requalification de son espace ter les mutations urbaines successives. Large-
central. ment dimensionnée pour faciliter les circula-
Grâce à son climat,Agadir jouit d’un attrait tou- tions mécaniques, l’emprise de la voirie offre
île

ristique international indéniable. L’activité de aux piétons de vastes trottoirs plantés.


son aéroport permet d’imaginer un développe- La ville recèle également un très grand poten-
ment diversifié. En plus de la création de nou- tiel d’espaces publics à valoriser. Leur mise en
veaux sites balnéaires prévus au plan Azur, le réseau favorisera les déplacements doux, ou
potentiel économique de la ville s’est déve- en transports en commun, tout en reliant les
U

loppé. L’activité liée au port ou à l’agriculture principaux centres d’intérêt de la ville avec les
quartiers environnants. Les espaces publics
majeurs, et sans doute les plus fréquentés, sont
Plan-guide de restructuration et de réorganisation de la centralité
IA

ceux des plages. La corniche piétonnière bor-


d’Agadir dant la plage publique et, plus récemment, la
marina connaissent un succès considérable, en
particulier en fin de semaine.
Les importantes réserves foncières situées en
centre-ville constituent une opportunité
majeure pour sa requalification. Ces emprises,
destinées à recevoir des équipements sportifs et
à isoler les touristes des nuisances de la ville,
ont été assez peu utilisées. Néanmoins, un mail
piétonnier relie le centre-ville au secteur tou-
ristique et intègre des équipements publics,
dont un musée.

(4) Agadir est reliée à Marrakech, Taroudant, Tiznit, Ouarza-


zate et à la ville côtière voisine d’Essaouira par la route de
Iaurif l’Arganier.
150
Une approche déclinant l’aménagement
à toutes les échelles
Afin de concevoir des espaces publics cohé-
rents, l’IAU îdF a proposé une méthodologie
adaptée à toutes les échelles. Un document stra-
tégique fixant les orientations d’aménagement
sur le long terme a permis d’établir un plan-
guide pour assurer la cohérence d’actions à
court et moyen terme.
À l’échelle de l’agglomération, le Grand Agadir
comprend plusieurs centres qui auront chacun
un rôle propre à jouer. L’approche des problé-
matiques du centre au regard des autres quar-

ce
tiers suppose d’appréhender la ville dans son

G. Abadia/IAU îdF
ensemble. Ces relations sont à penser en termes
de déplacement et de complémentarité. La
question se trouve alors posée de la spécificité

an
du « centre reconstruit » et du rôle qu’il pourra
jouer au-delà de sa fonction d’origine. Le
renforcement du rôle du centre dans l’agglo- la voiture au profit du piéton, des vélos et des Le mail aménagé récemment pour
mération suppose d’y localiser des équipe- transports en commun, et d’intégrer la problé- relier le centre-ville au secteur
ments majeurs, des fonctions centrales et des matique du stationnement. touristique.
activités économiques de premier rang.
Le centre reconstruit, par sa fonction actuelle et
sa qualité urbaine et architecturale, présente
Fr
Une conscience partagée à l’aube
du cinquantenaire de la reconstruction
les qualités nécessaires pour être le fondement Au mois de février 2010, les autorités d’Agadir
e-
d’un centre-ville fort et lisible, capable de struc- ont organisé une rencontre internationale pour
turer l’agglomération d’Agadir. Dans cette le cinquantenaire de la reconstruction de la
optique, des principes d’aménagement, décli- ville. Deux thèmes majeurs y ont été débattus :
nés par thématique, ainsi qu’un phasage des la dynamique urbaine et le patrimoine urbain
-d

actions, sont présentés dans un plan-guide. Les et architectural. Le premier a dressé le bilan de
secteurs stratégiques y sont également détaillés l’absorption des noyaux périphériques non
dans des études spécifiques. Ce document réglementaires, qui s’est traduit par un espace
ayant une visée de long terme, les actions y sont urbain éclaté et contrasté. Il a dessiné des
île

organisées par ordre de priorité en fonction de perspectives en vue de l’élaboration d’un plan
leur importance stratégique. communal de développement, traduit dans les
Plusieurs orientations ont été définies concer- nouveaux documents d’urbanisme(5). La métho-
nant le positionnement du centre-ville, les dologie d’approche de la requalification du
espaces publics, les opportunités foncières, la centre-ville à toutes les échelles de l’agglomé-
U

constructibilité et les déplacements. La mise en ration apporterait ici un cadre de référence et


réseau de l’espace public de manière lisible une vision globale de l’aménagement.
pour le piéton a été recommandée. Il doit être La préservation et la protection de ce qui a fait
IA

aménagé en intégrant les espaces verts, les jar- l’identité et la qualité originale des paysages
dins, les plantations d’alignement, les places, urbains et architecturaux de la ville ont fait l’ob-
les parvis et les alignements commerciaux. jet du deuxième thème de la rencontre. Le défi
Par ailleurs, les nombreuses opportunités fon- de requalification et de valorisation de cet héri-
cières en centre-ville offrent de réelles potentia- tage moderne doit passer par un engagement
lités d’aménagement. De fait, le développement fort et des mesures adaptées. Le plan-guide,
du centre peut s’accompagner d’une certaine s’appuyant sur le potentiel et les atouts de la
densification si elle est encadrée pour préser- ville, contribuera aux préconisations néces-
ver une volumétrie des bâtiments compatible saires à la mise en valeur de l’espace public et
avec la qualité urbaine recherchée. Pour veil- des composantes patrimoniales du tissu
ler au maintien des alignements, des hauteurs urbain.
et des emprises au sol, la constructibilité et les
règles volumétriques ont été définies.
Enfin, le plan de déplacements urbains (PDU)
du Grand Agadir, lancé en 2007, vise à qualifier
les différentes voies, notamment celles du cen-
tre au regard de leur usage. L’objectif recher- (5) Schéma directeur d’aménagement urbain (Sdau) et
ché repose sur la volonté de limiter l’espace de plans d’aménagement.
151
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires

Le parc de Souss-Massa, territoire


d’exception à l’équilibre fragile
Christian Thibault
IAU île-de-France

Le parc naturel de Souss-Massa


est un laboratoire du développement
durable. Son patrimoine
est indéniablement d’intérêt national
et même international. Son territoire

ce
est habité, fréquenté et situé
à proximité de la métropole d’Agadir
en expansion. D’autant plus fragile

an
que sa superficie est réduite, il fait face
à de fortes pressions et à des conflits
d’usage auxquels le modèle français
V. Said/IAU îdF
Fr de parc naturel régional pourrait inspirer
des solutions.
e-
a région d’Agadir est un carrefour bio- con pèlerin, etc.) et une faune très diversifiée :

L
Le territoire du parc
de Souss-Massa est organisé géographique remarquable entre 46 espèces de mammifères, 40 espèces d’am-
selon différentes vocations, influences atlantiques, sahariennes et phibiens et de reptiles, 9 espèces de poissons
dont des zones de conservation montagnardes du Grand Atlas et de l’Anti-Atlas. d’eau douce et des milliers d’espèces d’in-
-d

des ressources naturelles. Elle est marquée par les bassins de deux grands sectes. Des réintroductions d’espèces animales
oueds : Souss et Massa. La zone littorale est disparues ou en danger d’extinction au Maroc
caractérisée par des espèces végétales macaro- ont été réalisées (antilopes addax et oryx,
nésiennes, spécifiques au Sud marocain et aux Gazelle dama de Mhorr, Autruche à cou rouge,
île

îles Canaries. etc.) dans deux réserves animalières aména-


gées dans le parc. Les plantes ne sont pas en
Un territoire unique, reste avec la présence de 13 espèces endé-
un réservoir de biodiversité majeur miques du Sud-Ouest marocain, dont des
Le parc de Souss-Massa est situé juste au sud de euphorbes cactiformes.
U

la métropole d’Agadir. Il occupe une bande Le parc comprend sept villages, dont Sidi R’bat
côtière humide de 65 kilomètres de long et de qui possède une plage magnifique ou encore
5 kilomètres de large en moyenne, comprise Tifnit, un village de pêcheurs. Les activités tradi-
IA

entre les villes d’Agadir et de Tiznit, et englo- tionnelles sont l’agriculture et la pêche. Ce ter-
bant les embouchures des oueds Souss et ritoire présente aussi d’importants enjeux en
Massa. terme d’aménagement du territoire, car c’est
Ce territoire porte des enjeux écologiques l’une des dernières portions de littoral naturel
exceptionnels. Le mélange des milieux d’eaux à proximité d’Agadir.
douce et salée, le voisinage de milieux humides
et semi-désertiques forment une mosaïque Un des sites protégés emblématiques
d’habitats naturels et un creuset de biodiver- du Maroc
sité. C’est une étape migratoire de premier Le parc national de Souss-Massa (PNSM) est un
ordre. Il s’agit du dernier grand habitat naturel des sites naturels protégés les plus importants
au monde de l’Ibis chauve, une espèce d’oi- du Maroc, par sa nature exceptionnelle et par sa
seau en voie de disparition dont il ne reste plus superficie (33 800 hectares). Sa création par
que quelques centaines d’individus à l’état sau- décret en 1991 a été motivée en grande partie
vage. L’Ibis chauve niche dans les parois des par la présence de l’Ibis chauve, qui fait l’objet
falaises, et se nourrit d’insectes dans les steppes d’un programme de sauvegarde. En 1998, un
voisines. Outre l’ibis, le parc accueille plus de décret complémentaire a précisé la réglemen-
275 espèces d’oiseaux (Flamant rose, Spatule tation générale du parc, ainsi que l’organisa-
blanche, avocette, cigogne, Sarcelle d’été, Fau- tion de son aménagement et de sa gestion.
152
Les embouchures des oueds Souss et Massa efforts de réhabilitation écologique ont été
sont deux zones humides majeures, dont l’im- entrepris ces dernières années.
portance internationale est reconnue au titre
de la convention de Ramsar(1) depuis 2005. L’expérience française des parcs naturels
Le parc de Souss-Massa est inclus dans la La France a créé depuis 1967, à côté des parcs
réserve de biosphère de l’Arganeraie, arbre naturels nationaux où les objectifs de conserva-
endémique du Sud-Ouest marocain, dont il tion de la nature sont prédominants, des parcs
couvre les deux tiers de la superficie forestière. naturels régionaux pour protéger et mettre en
Cet arbre est une véritable curiosité botanique, valeur de grands espaces ruraux habités. « Peut
qui dispose d’une remarquable capacité de être classé parc naturel régional un territoire à

Richard Bartz/Wikipedia
résistance aux déficits hydriques ainsi qu’aux dominante rurale dont les paysages, les milieux
températures extrêmes. Son caractère unique, naturels et le patrimoine culturel sont de
sa contribution à l’identité du territoire, ses grande qualité, mais dont l’équilibre est fragile.

ce
potentialités naturelles et son rôle socio-éco- Un parc naturel régional s’organise autour d’un
nomique ont conduit à inclure la forêt d’arga- projet concerté de développement durable,
niers (Arganeraie), dans le réseau mondial des fondé sur la protection et la valorisation de son L’Ibis chauve trouve dans le parc
réserves de biosphère de l’Unesco en 1998. patrimoine naturel et culturel(3) ». de Souss-Massa son dernier refuge

an
Le parc s’est doté d’un plan d’aménagement Même si la loi marocaine ne dispose pas naturel.
et de gestion depuis 1995. On y distingue diffé- aujourd’hui de dispositif équivalent, le parc
rentes zones qui reçoivent des objectifs de ges- naturel de Souss-Massa pourrait s’en inspirer
tion précis en fonction de leur vocation. Ses pour trouver un nouveau souffle. Les conditions
missions sont la conservation et le suivi scien-
tifique de la faune et de la flore, la sensibilisa-
tion et l’éducation à l’environnement, et de plus
en plus le développement durable de la région.
Fr
(1) La convention sur les zones humides d’importance inter-
nationale, appelée convention de Ramsar, est un traité inter-
gouvernemental qui sert de cadre à l’action nationale et à la
coopération internationale pour la conservation et l’utilisa-
tion rationnelle des zones humides et de leurs ressources. Le
e-
Une nature fragile sous pression, traité a été adopté dans la ville iranienne de Ramsar, en 1971,
un risque de banalisation et est entré en vigueur en 1975.
(2) Voir dans ce numéro des Cahiers, LASLAMI Abdelillah, SAID
L’aire métropolitaine d’Agadir connaît de fortes Victor, « Satama : référentiel pour la métropole d’Agadir »,
pressions urbaines et humaines sous l’effet de p. 145 et THIBAULT Christian, « Agadir, une vision territoriale
-d

la croissance démographique et économique intégrée », Les Cahiers n° 152, Composer avec l’environne-
ment, octobre 2009.
considérable des agglomérations. Les conflits (3) Cette définition est issue du site des parcs naturels régio-
d’usage qui en résultent, ainsi que la métropo- naux : www.parcs-naturels-regionaux.tm.fr
lisation de la région, ont motivé l’élaboration
île

du schéma d’aménagement territorial de l’aire L’emplacement du parc de Souss-Massa


métropolitaine d’Agadir (Satama), démarche dans l’aire métropolitaine d’Agadir
originale(2) de développement durable et
concerté de ce grand territoire (10 800 km2).
Cette idée est née du besoin impérieux d’ap-
U

préhender un territoire beaucoup plus large


que l’agglomération d’Agadir, et de développer
les complémentarités ville-campagne et litto-
IA

ral-plaine-montagne. Il s’agit de rééquilibrer le


développement territorial, de mieux répartir les
hommes, les équipements et les activités, et
d’éviter la congestion du littoral. Le parc de
Souss-Massa est au cœur de cette probléma-
tique.

Malgré sa protection juridique, le territoire du


parc subit de fortes pressions anthropiques et
urbanistiques. Les facteurs de dégradation sont
multiples : fréquentation incontrôlée, occupa-
tion de grottes dans les falaises côtières, surpâ-
turage, utilisation abusive des sols, surexploita-
tion de fourrages naturels et de bois, ramassage
excessif de fruits de mer, projets de complexes
touristiques qui convoitent les plages, modifi-
cation du régime des oueds du fait de la
construction de barrages en amont, etc. Des
153
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Le parc de Souss-Massa, territoire d’exception à l’équilibre fragile

Les cinq missions principales des parcs d’élaboration concertée du projet de parc natu- comme un atout et non comme une contrainte.
naturels régionaux rel régional et de gestion collégiale de sa mise Le parc de Souss-Massa a bien intégré cette
- protéger le patrimoine, notamment par en œuvre permettent de résoudre dans la obligation et a réorienté son action dans ce
une gestion adaptée des milieux naturels
et des paysages ; durée nombre de conflits d’usage, et de mobi- sens. Le modèle des parcs naturels régionaux
- contribuer à l’aménagement liser les acteurs autour des mêmes objectifs. français pourrait l’inspirer, pour consolider ses
du territoire ; En France, le projet de territoire « parc naturel acquis, récents et fragiles par la mise en place
- contribuer au développement régional » repose sur une charte et sur un plan. d’une gouvernance territoriale élargie et pour
économique, social, culturel, La charte est élaborée dans le cadre de com- progresser dans le consensus de tous les
et à la qualité de la vie ;
- assurer l’accueil, l’éducation missions thématiques (par exemple : agricul- acteurs.
et l’information du public ; ture et sylviculture, patrimoine naturel, patri- Une des pistes bien identifiée est l’écotourisme,
- réaliser des actions expérimentales moine culturel, développement local) ou pour lequel le territoire recèle un fort poten-
ou exemplaires dans les domaines cités transversales (par exemple : paysage, aménage- tiel : randonnée, observation des oiseaux… Le
ci-dessus et contribuer ment du territoire, communication), sous la pré- parc accueille depuis de nombreuses années

ce
à des programmes de recherche.
sidence d’élus locaux associant l’ensemble des des ornithologues venus du monde entier,
Source : code de l’environnement acteurs du territoire (administrations, orga- notamment pour observer l’Ibis chauve. Deux
du 20 février 2010. nismes socio-professionnels, scientifiques et circuits écotouristiques sont déjà proposés : la
universitaires, associations d’usagers, etc.). Le découverte de la faune saharienne et l’observa-

an
plan définit les vocations des différentes par- tion des oiseaux. Une convention de coopéra-
ties du territoire et les zones à protéger. Ces tion a été signée entre le parc de Souss-Massa
documents, charte et plan, font l’objet d’ajuste- et le parc ornithologique du Teich (Aquitaine).
ments successifs au fur et à mesure qu’ils sont Le développement de l’écotourisme permettra
soumis aux différents niveaux de collectivités, de proposer des produits touristiques différents,
Fr
de manière à faire consensus. L’adhésion au
parc naturel régional engage les collectivités
concernées à appliquer cette charte et ce plan.
complémentaires au tourisme balnéaire. Il
pourra constituer un juste retour de la protec-
tion du territoire si la population locale y est
Le renouvellement du parc, désormais obliga- étroitement associée.
e-
toire tous les douze ans, est soumis à obligation Le parc se préoccupe aussi de la valorisation et
de résultat au travers d’une évaluation des de la gestion durable des richesses de l’océan.
actions accomplies et de la rédaction d’une L’agriculture locale, dont les revenus ne cessent
nouvelle charte pour poursuivre ou réorienter de baisser, est un autre secteur sur lequel baser
-d

l’action. Le programme d’actions est mis en le développement. Le contexte de territoire pro-


œuvre de manière partenariale avec la dési- tégé demande une évolution vers des systèmes
gnation de pilotes pour chaque action, qui peu- de production respectueux de l’environne-
vent être le parc ou d’autres organismes. L’éla- ment, notamment biologiques. Au-delà des
île

boration du projet et son application sur le indispensables cultures vivrières, il faudrait


terrain font appel à la participation des habi- développer des cultures à haute valeur ajoutée
tants du territoire, ce qui constitue l’une des (plantes aromatiques, médicinales ou cosmé-
clés de la réussite et de la pérennité des tiques). Un autre atout des parcs naturels régio-
actions. Un autre point fort est d’inciter les asso- naux est d’apporter une « marque parc » d’ori-
U

ciations et usagers du territoire, dont les inté- gine et de qualité aux productions locales.
rêts sont parfois contradictoires, à se structurer L’intéressement direct de la population, et tout
en association des amis du parc. Les parcs natu- particulièrement des femmes rurales, à toutes
IA

rels régionaux, aujourd’hui au nombre de 46 ces activités sera une condition essentielle de
sur le territoire français, ont constitué un réseau la réussite de ce nouveau développement, ainsi
animé par une fédération et conseillent d’au- que de la préservation de l’attractivité des pay-
tres territoires qui souhaiteraient bénéficier de sages et des milieux naturels.
leur expérience, même hors de France.

Le parc de Souss-Massa,
moteur du développement local
Références bibliographiques L’enjeu fondamental est de permettre l’éléva-
tion du niveau de vie de la population locale
• Centre d’échange d’information
sur la biodiversité du Maroc : grâce à des activités respectueuses de l’envi-
http://ma.chmcbd.net/manag_cons/esp ronnement, ce qui entre tout à fait dans la voca-
_prot/manag_cons/esp_prot/stat_nat/ tion des parcs naturels régionaux. Les expé-
parc_nat/fol356194 riences de protection de l’environnement
• Fédération des parcs naturels régionaux :
naturel qui n’associent pas suffisamment les
www.parcs-naturels-regionaux.tm.fr
V. Said/IAU îdF

• Rapport schéma d’aménagement populations sont mal vécues, encourent l’échec


territorial de l’aire métropolitaine et sont très difficiles à rattraper par la suite. Le
d’Agadir (Satama) parc doit être considéré par ses habitants
154
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires

Agadir : rétrospective sur le Sdau


et les cités nouvelles
Nelly Barbieri(1)
Architecte urbaniste

L’aire urbaine d’Agadir s’est dotée


en 1978 du premier schéma directeur
d’aménagement urbain. Il a assuré
la cohérence du développement

ce
et structuré l’armature urbaine.
L’objectif était de créer des quartiers
intenses, à la fois mixtes, animés et

an
denses. La trame foncière
et l’observation des quartiers
historiques et spontanés ont servi
de base pour la conception
Fr D. R.
de trois cités nouvelles.
e-
ans les années 1970, suite à une étude supérieur à la moyenne nationale ; une détério-

D
Le schéma directeur a proposé
la création de plusieurs cités réalisée par l’Iaurif sur le développe- ration des conditions de logement et l’exis-
nouvelles, inventant des formes ment touristique du littoral d’Agadir(2), tence de nombreux bidonvilles ; ainsi qu’une
urbaines innovantes et adaptées. le Gouverneur a passé une nouvelle com- spéculation foncière profitant de la situation
-d

mande pour deux autres projets : le schéma de pénurie.


directeur de l’aire urbaine d’Agadir, destiné à À l’échelle régionale, les objectifs d’aménage-
guider la cohérence de la construction de ment consistaient à assurer une gestion équili-
grandes infrastructures en cours ou program- brée des ressources en eau pour maintenir la
île

mées, et des plans détaillés pour l’aménage- production agricole, une implantation des équi-
ment de terrains à bâtir, capables de répondre pements publics en faveur des villes secon-
aux besoins en logement de la population en daires et des centres ruraux, et des implanta-
pleine croissance, ce qui s’est traduit par le pro- tions industrielles dans les centres secondaires.
jet de trois cités nouvelles. Pour l’aire urbaine, les objectifs étaient doubles.
U

Assurer le développement économique en met-


Le premier schéma directeur tant en place une métropole régionale et ainsi
de l’aire urbaine d’Agadir confirmer le rôle d’Agadir comme « porte d’en-
IA

En 1978, Agadir avait surmonté la catastrophe trée du Sud marocain » en préservant sa fonc-
du tremblement de terre de 1960. Porte d’en- tion touristique. Le second était de permettre
trée vers le sud du pays, la ville disposait de l’accueil d’une population de 664 000 habitants
fortes infrastructures : un port, un aéroport, une en 2010, en offrant logements, emplois et facili-
voie nouvelle en direction de Marrakech. Son tés de déplacement.
développement s’appuyait sur la diversité de Le schéma adopté propose une nouvelle orien-
son économie : pêche, production agricole tation de développement fondée sur les infra-
variée et industrie touristique en pleine crois- structures. Il s’appuie sur le maillage offert par
sance. Il s’accompagnait d’une arrivée massive les deux axes complémentaires que sont la
de population, dont environ 40 % provenait de route littorale et la nouvelle route de Marra-
l’exode rural. kech. L’axe traditionnel de la RP 32 regroupe
Le schéma directeur devait prendre en compte les fonctions administratives et de services des
un contexte socio-économique relativement centres urbains, ainsi que les espaces à voca-
difficile. Il se caractérisait notamment par une tion touristique. L’essentiel des implantations
croissance importante de la population (sans
tenir compte de la politique menée sur l’ar-
(1) Ancienne chargée d’études à l’IAU îdF.
rière-pays) ; un déséquilibre marqué entre (2) Cette étude a été réalisée par Gérald Hanning, architecte
Agadir et sa périphérie ; un taux de chômage et urbaniste de l’Iaurif.

155
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Agadir : rétrospective sur le Sdau et les cités nouvelles

industrielles se situe sur l’axe nouveau vers Mar- Une nouvelle forme urbaine à inventer,
rakech, où la route sera doublée par le chemin ni médina, ni ville européenne
de fer. Cette nouvelle orientation s’enracine Le projet s’est nourri de l’observation des quar-
dans la structure urbaine traditionnelle, la com- tiers spontanés en cours d’édification dans les
plétant et ménageant ses valeurs spécifiques. bourgades voisines. Il s’agissait de rechercher
Elle permet de laisser « ouvertes » les évolutions des dispositions organiques semblables à celles
à plus long terme (urbanisation de l’aéroport, de ces quartiers. Pour le tracé des voies, la trame
densification des villes existantes, nouvelles foncière a été utilisée comme guide, sans inter-
zones d’urbanisation), tout en maintenant de dire des avenues plus rectilignes pour les axes
vastes espaces ouverts. principaux.
Selon la destination générale des sols, l’espace Il s’agissait de répondre aux demandes variées
urbain se structure en quatre unités aux voca- de la population et de concevoir un support
tions complémentaires, séparées par des physique capable d’engendrer une « véritable

ce
espaces naturels et agricoles : ville ». La diversité était recherchée à travers
- la ville d’Agadir, où les activités industrielles l’imbrication de l’habitat, des activités et des
liées au port sont renforcées et l’offre d’habi- équipements, en fonction de la typologie des
tat diversifiée ; voies et des lots.

an
- Inezgane, Dcheira,Tikiouine et la cité nouvelle Les maisons à cour intérieure dans un tissu
de Tassila, qui forment une nouvelle unité urbain dense ont été le modèle d’habitation
urbaine articulée autour de la zone indus- majoritairement adopté. Cette typologie pos-
trielle de Tassila ; sède des qualités climatiques ; adaptée au
- Aït Melloul, qui assumera la double vocation mode de vie marocain, ne nécessite pas de

culture ;
Fr
de ville industrielle et de services pour l’agri-

- enfin Tamrit et la cité nouvelle de Tama ou


larges voies de desserte. Quinze types de lots
différant par leur affectation et leur taille, répon-
dent à la variété des besoins : logement seul,
Enza, qui offriront des services pour la popu- logement et activités (artisanales, commer-
e-
lation rurale et le tourisme local. ciales, de services), activités seules. Une hiérar-
La trame foncière chie des voies a été définie, variant de voies
Sur les sites, même vierges, il existe
Les cités nouvelles d’Agadir étroites ou d’impasses à dominante piétonne
une multitude de traces (pistes, murets
de pierres) qui, reliées par des lignes L’objectif fixé par les autorités était de desservant les maisons, à des artères automo-
-d

virtuelles, dessinent un maillage : la trame construire 50 000 logements sur les terrains biles bordées de commerces et d’habitations.
foncière. Cette trame, en correspondance dont la ville disposait suite au tremblement de Des voies plus larges bordées d’immeubles col-
avec le relief, décrit la structure du site. terre. Confrontée à une pénurie de terrains à lectifs ou d’activités aux entrées de ville per-
Suivant étroitement le terrain naturel, mettent de traverser la cité. Les équipements
bâtir et à la spéculation foncière, la ville ne pou-
île

elle sert de guide pour le tracé des rues,


des collecteurs principaux et du parcellaire, vait répondre à cette demande. Deux choix sont localisés selon leur taille. Les petits équipe-
ce qui permet d’éviter les mouvements préalables ont présidé aux projets : l’aménage- ments de proximité sont insérés parmi les mai-
de sol et les terrassements pour le passage ment des structures urbaines sous forme sons, les équipements plus grands (écoles, dis-
des voies et l’enfouissement profond de lotissements et le fractionnement du pro- pensaires, etc.) sont en cœur d’îlot, limitant le
des réseaux, réduisant ainsi les coûts gramme pour amorcer la mise en œuvre de la coût des réseaux, et les grands équipements
d’équipement des terrains.
U

croissance urbaine prévue au schéma direc- sont en périphérie, faciles d’accès sans être éloi-
teur, facilitant ainsi la réalisation progressive du gnés du centre. La proportion de l’espace
programme. Le choix du lotissement permet- public comportant places et jardins varie de
IA

tait de concentrer les investissements publics 25 % à 30 % de la superficie totale. La densité


sur la structuration de l’espace urbain par les obtenue, conjuguée aux tracés de voirie et des
infrastructures et les équipements publics. Pour réseaux correspondant au relief naturel et per-
les logements, le choix consistait à s’appuyer mettant l’écoulement gravitaire des eaux, a
sur les capacités et le savoir-faire technique favorisé la réduction des coûts d’infrastruc-
des habitants. La recherche des terrains fut tures. Elle a permis de rendre ces lots accessi-
conduite selon une méthode multicritères pre- bles à une large couche de la population,
Iaurif

nant en compte les éléments naturels et la voi- répondant ainsi à la demande initiale.
rie. Le but était d’offrir un cadre de vie agréable
aux habitants et de minimiser le coût des infra- Cette démarche, innovante dans les années
structures. Trois sites furent retenus. Leur loca- 1970, nous a légué une approche rationnelle
lisation leur conférant une vocation et un basée d’une part, sur le site physique, grâce à la
caractère originaux : Tama ou Enza, pôle local trame foncière (voir encadré) et d’autre part,
d’équipement et destination touristique pour sur l’analyse des modes de vie des habitants.
les Marocains modestes ; Agadir Sud-Est, lieu Cette approche demeure toujours variable.
des grands équipements ; et Tassila, site d’ac-
cueil des habitants travaillant dans la zone
Iaurif

industrielle.
156
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Des actions partenariales adaptées aux territoires

Fès : articuler la médina


Anne-Marie Roméra
Victor Said avec son environnement
Christian Thibault
IAU île-de-France

Ville impériale, capitale religieuse,


culturelle et historique, Fès réunit tous
les symboles de l’identité marocaine,

ce
notamment par sa médina classée
patrimoine mondial de l’Unesco.
Le passage à l’échelle d’agglomération

an
soulève des problèmes de mutations
dus à la modernisation, au brassage
de populations nouvelles et aux effets
de débordements difficiles à maîtriser.
Fr V. Said/IAU îdF
e-
a ville de Fès devient une des grandes de ses différentes entités – médina, ville nou-

L
Fès : une grande agglomération
aux quartiers contrastés. agglomérations du Royaume. Elle porte velle, quartiers contemporains –, et les dyna-
le développement d’une vaste région de miques d’extensions. Une analyse des dysfonc-
l’intérieur du pays, agricole, adossée au Moyen tionnements a été conduite en parallèle. Ces
-d

Atlas. En son cœur, la médina, dont l’origine travaux ont débouché sur un constat de coor-
remonte au VIIIe siècle, a traversé le temps en dination nécessaire dans la mise en œuvre des
gardant heureusement sa vitalité. Une vitalité actions pouvant se matérialiser sous la forme
qui fait peser aujourd’hui quelques menaces… d’une charte réunissant les principaux acteurs.
île

Une médina au cœur Des dysfonctionnements liés


d’une agglomération à une attractivité croissante
Les autorités publiques ont mis en place un L’approche de l’articulation de la médina avec
ambitieux programme de réhabilitation de la son environnement et ses quartiers périphé-
U

médina, piloté par l’Ader(1). Il préserve les élé- riques est à appréhender à trois échelles
ments architecturaux uniques et maintient les (métropolitaine, de l’agglomération et de proxi-
qualités plus immatérielles que sont les mité) et selon des thématiques croisées
IA

ambiances urbaines, la convivialité des espaces (échanges sociaux, culturels et économiques,


publics… transitions urbaines entre les différents tissus,
Néanmoins, les équilibres restent fragiles. La etc.).
croissance de la population, la pression touris- Par son rayonnement historique et son poids
tique, la cohabitation avec les activités tradi- économique, Fès est le premier foyer d’attrac-
tionnelles, présentent des risques de déstabili- tion régional des flux migratoires. La crise du
sation. logement a induit le développement de plu-
C’est la problématique qui a été soumise à l’Iau- sieurs poches d’habitat insalubre et non régle-
rif par l’Agence urbaine et de sauvegarde de mentaire sur le pourtour de la médina (quar-
Fès (AUSF) : comment gérer l’évolution de la tiers Jnanates et Sahrij Gnaoua). Des ménages
médina avec celle des quartiers spontanés modestes s’y installent à proximité de leur lieu
accolés à son enceinte ? Comment organiser d’emploi (artisanat ou activités informelles de
cette articulation en termes de mobilité et de la médina).
délocalisation des activités nuisantes ? Com- Autrefois constitué de vergers, cet espace dété-
ment prévenir les atteintes environnementales riore l’esthétique urbaine légendaire de la
occasionnées ?
La démarche proposée a consisté à compren- (1) Agence de dédensification et de réhabilitation de la
dre le fonctionnement de l’agglomération et médina de Fès.
157
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Fès : articuler la médina avec son environnement

L’environnement éloigné se compose de


grands paysages offrant des cônes de vue
remarquables vers la médina et, à partir de
celle-ci, vers les horizons paysagers et naturels.
Chacun de ces secteurs se distingue par une
problématique spécifique, des potentialités pro-
pres, une vocation et un rôle distinct à jouer.

V. Said/IAU îdF
Entre médinas L’équilibre et la complémentarité de ces
et quartiers périphériques, espaces assureront un développement harmo-
des transitions à ménager. nieux et durable, à la fois de la médina et de
son environnement proche et lointain. Ceci à
médina et son occupation crée des problèmes condition d’anticiper sur les évolutions à venir.
spécifiques.

ce
Le projet de réhabilitation de la médina, engagé Les opportunités et les menaces des espaces
par les pouvoirs publics avec l’assistance d’or- extra-muros
ganismes internationaux, ne peut aboutir sans Les zones d’extension urbaine de la médina
un aménagement préalable de son environne- sont réparties en trois secteurs : Sahrij Gnaoua,

an
ment. Jnanates et les quartiers Nord.
Sahrij Gnaoua, quartier en pleine restructura-
Dédensification et transfert d’activités tion, offre des potentialités d’absorption de la
à l’origine des quartiers périphériques dédensification de la médina par l’accueil de
Les extensions de la médina s’inscrivent dans nouvelles populations et d’activités de proxi-
Fr
des parcours d’activités et résidentiels en sauts
de puce qui, bien souvent, débutent dans la
médina intra-muros. La notion de proximité est
mité ou artisanales non polluantes. Les efforts
publics sont perceptibles sur le terrain. Ce sec-
teur n’impose pas d’actions urgentes, mais plu-
donc à prendre en compte pour tout projet de tôt un suivi permanent afin d’éviter le redéve-
e-
transfert un peu volontariste. Mais une dédensi- loppement de l’habitat non réglementaire.
fication accentuée de la médina pourrait abou- En continuité et en interpénétration avec la
tir à sa « muséification », alors qu’elle doit rester médina, Jnanates se compose de plusieurs enti-
un lieu de vie, avec ses habitants et ses services. tés ne présentant pas les mêmes symptômes.
-d

C’est pourquoi le problème doit être considéré Le plus urgent est de traiter les risques d’effon-
dans son ensemble, prenant en considération drement des constructions et les dégradations
les besoins et l’évolution nécessaire des activi- environnementales. Le développement d’habi-
tés insérées dans le tissu urbain étroit de la tat à proximité des zones d’activités polluantes
île

médina, et déployant une offre d’accueil orga- à l’est constitue également un risque majeur
Un nombre élevé de bâtiments menaçant nisée et encadrée. pour la population. De grands équipements qui
ruine
C’est une démarche qui nécessite, aux côtés font défaut au sein de la médina pourraient
Par l’ancienneté et l’étendue de sa médina
et des quartiers informels périphériques, des aménageurs, l’implication des acteurs éco- être implantés dans ces deux secteurs.
Fès est la ville marocaine la plus soumise nomiques, au premier rang desquels les princi- Les quartiers Nord sont en relation étroite avec
U

au risque d’effondrement du bâti. paux intéressés, artisans et commerçants. la médina. Si leur aménagement et leur déve-
8 000 bâtiments à risques, abritant loppement ne semblent pas requérir d’inter-
environ 24 000 ménages, ont été recensés.
Des entités spatiales jouant des rôles vention d’urgence, un suivi des évolutions, et
Ce risque est aggravé par une gestion
IA

défectueuse des eaux pluviales ou usées, spécifiques notamment de la densification, s’impose.


qui peuvent affaiblir des fondations L’analyse spatiale a distingué deux entités Les espaces naturels préservés autour de la
déjà insuffisantes. La difficulté est de faire majeures : l’environnement immédiat et celui, médina accueillent les monuments historiques
respecter les terrains impropres éloigné, de la médina. Le premier comprend protégés par des servitudes. Ils offrent un pou-
à la construction, ainsi que les normes de
plusieurs secteurs : la jonction entre la médina mon vert à la population locale. Leur préserva-
construction notamment anti-sismiques.
L’Agence nationale de lutte contre l’habitat et la ville nouvelle (boulevard Moulay Youssef tion et leur mise en valeur constituent une des
insalubre (ANHI) et l’Ader ont développé et avenue Allal Fassi, route de Meknès) qui actions prioritaires à inscrire dans la charte.
leur expérience en termes de gestion représente une problématique majeure d’ac- Les cimetières, enfin, jouent un rôle de tampon
des risques, de capacité de réponse cessibilité, de circulation et d’échanges ; les entre la médina et les quartiers périphériques.
avec des moyens limités, de participation
extensions du tissu de la médina (Sahrij Ce rôle d’espace ouvert, de coupure et de déga-
de la population et de partage
d’une culture du risque. Gnaoua, Jnanates et les quartiers Nord) ; les gement vis-à-vis de la médina devrait être
espaces naturels préservés autour de la médina confirmé et consolidé par des actions d’aména-
accueillant les éléments patrimoniaux (Borj gement et paysagères pour dégager des lieux
Nord, Borj Sud, kasbah Cherarda, vestiges de promenade.
archéologiques des Mérinides…) ; et les cime-
tières qui jouent un rôle important dans le Le tourisme : une autre forme de débordement
maintien des espaces ouverts dégageant la vue La pression touristique fait peser des menaces
AUSF

sur la médina. sur son produit d’appel puisqu’elle pousse à


158
des implantations de projets importants sur les
collines environnant la médina. Or, ce qui fait
une partie de l’attrait de cette médina, hormis
ses grandes qualités historiques et urbaines,
tient aussi à son inscription dans le site. Le
contraste entre la densité des espaces bâtis et
les perspectives des collines et des grands hori- Des systèmes anciens

V. Said/IAU îdF
zons est un atout majeur. Pour ne pas nuire irré- de répartition de l’eau
médiablement à cet atout inestimable, un très sophistiqués en fonction
schéma de protections et de secteurs autorisés de la quantité disponible.
à des installations bien intégrées s’imposerait.
aux espaces qui ne peuvent plus être considé-
Les échanges avec la médina cristallisent rés séparément les uns des autres : le maintien

ce
beaucoup d’activités sur son pourtour d’espaces ouverts dépend de l’évolution des
La ville traditionnelle est un foyer d’approvi- espaces bâtis, et réciproquement, tant en
sionnement régulier pour les Fassis(2), que ce termes de consommation d’espace que de qua-
soit pour des produits alimentaires, pour des lité des espaces. Quartiers périphériques, « nou-

an
créations ou des réparations relevant de l’arti- velle ville », médina sont en relation par leurs
sanat d’art ou de l’artisanat courant. La non- fonctions sociales, économiques et urbanis-
accessibilité automobile de la médina crée tiques. L’articulation de ces différentes entités
autour des portes une fixation de petits métiers demande à la fois une approche globale des
et d’activités liées aux arrivées de transport. grands équilibres et de la répartition des voca-
C’est là que s’effectue le transbordement des
marchandises arrivées par camions et camion-
nettes qui sont ensuite acheminées par cha-
concernés.
Fr
tions, et une approche fine des tissus urbains

Fès bénéficie d’une véritable intelligence entre


riots à bras, ânes ou mulets. Les encombre- la ville et le site exceptionnel où elle s’est édi-
e-
ments qui en résultent sont une gêne. Une fiée, marqué par sept oueds et sept collines. Ce
réflexion sur l’organisation de ces points réseau hydrographique naturel a été mis à pro-
d’échanges serait nécessaire. fit pour l’alimentation en eau et pour l’assainis-
sement de la ville.
-d

L’évolution de l’artisanat dans les murs


et hors les murs Des espaces exceptionnels, mais fragiles
La dédensification de la médina est une ten- Les qualités du grand site de la médina de Fès
dance naturelle, qui a porté d’abord sur l’habi- ont perduré dans leurs grandes lignes jusqu’à
île

tat, puis sur les activités. Certaines activités d’ar- nos jours, malgré les extensions urbaines.
tisanat quittent la médina pour aller s’installer Cependant, il faut être très attentif à des dégra-
assez loin. Ces transferts répondent aux impéra- dations qui seraient irréversibles. Les vues mul-
tifs de réduction des nuisances (pollutions, tiples depuis et vers les collines sont très sensi-
santé publique) que causent ces activités. La bles, et pourraient être facilement obérées par
U

délocalisation devrait s’accompagner des équi- des projets mal intégrés. Il est indispensable de
pements nécessaires à la maîtrise des rejets chi- maintenir et de valoriser de vastes espaces
miques et à leur traitement. ouverts de proximité – ce qui passe par un
IA

La déstabilisation du tissu artisanal de la confortement du projet de ceinture verte ins-


médina peut conduire à une récession, voire à tauré en 1991 –, et de développer des complé-
des disparitions. Une réflexion est à engager sur mentarités entres les vocations des espaces
la masse critique à maintenir sur place, sur les bâtis et des espaces ouverts, dans un objectif
évolutions à encourager pour un bon fonction- global d’amélioration du fonctionnement de
nement, sur les liens à reconsidérer au sein du l’agglomération fassie.
tissu lui-même et avec les unités transférées, et
sur la reprise des activités artisanales par les Un fort potentiel de trame verte et bleue
jeunes. jusqu’au cœur de la médina
Dans la médina, à l’exception de deux parcs, les
Réinventer l’interaction entre la ville espaces verts sont de petite taille, et liés à l’ha-
et son site naturel bitat. Les anciens vergers-jardins (Jnanates(3))
L’agglomération de Fès doit réinventer son qui ceinturaient la ville traditionnelle pour-
insertion et ses relations avec son site naturel raient être partiellement reconstitués avec un
pour maintenir – voire cultiver – son attracti-
vité et pour offrir de bonnes conditions de vie
(2) Les habitants ou les personnes originaires de Fès.
à ses habitants. (3) C’est aussi le nom du quartier spontané implanté sur les
La métropolisation forge un destin commun terrains occupés jadis par les jardins.

159
30 ans de coopération
avec le Maroc Des actions partenariales adaptées aux territoires
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Fès : articuler la médina avec son environnement

enjeu culturel et identitaire : ces vergers abri- Un risque d’inondation maîtrisable


taient des variétés très anciennes d’arbres frui- La médina de Fès, traversée par sept oueds, n’a
tiers (abricotiers, pruniers, grenadiers, etc.) jamais connu d’inondation majeure. La créa-
issues de Syrie via l’Andalousie. tion de barrages collinaires en amont de la ville
La trame bleue offre un potentiel important : apporte une certaine protection. On retrouve
de la mise en valeur du parcours des oueds ici l’importance de la remise en état du lit des
dans la médina à leurs entrées-sorties qui oueds et de la suppression des goulets afin de
constituent autant de portes naturelles à signa- préserver la circulation et l’écoulement des
ler. eaux.
Pour la mise en œuvre de ces trames vertes et
bleues, des aménagements simples et peu coû- On voit donc que les espaces ouverts internes
teux seront souvent satisfaisants et en accord ou externes (espaces verts, agricoles, forestiers,
avec l’authenticité des lieux. Il s’agit de donner naturels, en eau) jouent un rôle tampon très

ce
la priorité aux espaces et aux liaisons entre appréciable dans la réduction des nuisances
eux, en apportant un minimum de nettoyage et et des risques, à condition qu’ils soient en capa-
de sécurisation. cité de le faire, et que l’urbanisation soit adap-
tée, quartier par quartier, au potentiel des

an
Les enjeux environnementaux rejoignent ceux espaces naturels.
de santé publique
Même si la densification est aujourd’hui pré- Une charte partenariale
sentée comme une condition de la ville dura- pour une mise en œuvre opérationnelle
ble, elle accroît les possibilités d’exposition aux L’objectif d’une charte entre les différents par-
Fr
risques et aux nuisances par la concentration
des habitants et des activités. Certains services
urbains sont difficiles à assurer, comme la col-
tenaires et intervenants, concernant aussi bien
l’intra-muros que l’extra-muros de la médina,
est de créer un consensus autour d’une vision
lecte des déchets. C’est une explication de la intégrée d’un développement durable et d’un
e-
tendance des médinas à la dédensification, qui aménagement à long terme.
conduit à la dégradation et à la paupérisation
des quartiers anciens. Les préoccupations envi- Cette vision devrait apporter des améliorations
ronnementales rejoignent les préoccupations aux conditions et au cadre de vie des habitants,
-d

économiques et sociales. Des enjeux de salu- assurer la fluidité des échanges entre la médina
brité et de santé publique liés à l’assainisse- et le reste de l’agglomération, participer au pro-
ment et aux déchets, et des enjeux de pollution cessus de dynamisation de la médina, faciliter
des sols et des eaux liés à l’artisanat, sont à son accessibilité et sa connexion avec l’espace
île

prendre en compte. Cette gestion croisée de extra-muros, assurer les transitions entre les dif-
Un site exceptionnel tout cela est d’autant plus complexe en milieu férentes entités spatiales par une armature
où la ville traditionnelle confiné et patrimonial : le défi est de réa- urbaine restructurée et hiérarchisée.
s’insère parfaitement dapter l’intelligence ancienne aux exigences
dans le grand paysage. modernes. La prise en compte de l’environnement, des
U

risques et des pollutions, constitue un enjeu


majeur pour la protection et la mise en valeur
du patrimoine architectural et culturel de la
IA

médina en améliorant son espace environnant.


Enfin, la charte devrait appuyer les actions de
dédensification de la médina par la concrétisa-
tion des projets d’ouverture de nouvelles zones
d’urbanisation dans le cadre d’une vision glo-
bale et intégrée de la métropole de Fès.
V. Said/IAU îdF

160
Observer, analyser
et décider :

ce
les outils adaptés

an
Un centre de documentation
pour la direction de l’Urbanisme
Fr 162

Des observatoires urbains


e-
pour comprendre et agir 164

Les SIG au service de l’urbanisme


-d

et de l’aménagement au Maroc 166


île

Le système d’information
géographique, un outil de planification
et d’évaluation 168
U

Tableaux de bord
IA

et gestion des documents d’urbanisme 169

161
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Observer, analyser et décider : les outils adaptés

Un centre de documentation
Linda Gallet pour la direction de l’Urbanisme
Micette Hercelin(1)
IAU île-de-France

La direction de l’Urbanisme du Maroc


possède un fonds documentaire,
cartographique et photographique
d’une très grande richesse.
Au cours des années 2000, l’Iaurif

ce
a apporté son expertise pour le montage
d’un centre de ressources multimédia
performant. L’objectif était d’organiser

an
et de hiérarchiser les informations
pour favoriser leur visibilité
et leur accessibilité, notamment
S. Mariotte/IAU îdF
Fr auprès des chercheurs, tant à l’échelle
nationale qu’internationale, via Internet.
e-
a direction de l’Urbanisme(2) (DU) a Le projet a démarré par la réalisation d’un pre-

L
La mise à disposition d’un fond
documentaire peut aider mené, depuis 2000, une réflexion sur la mier bilan de l’existant, tant sur le plan de
les professionnels de l’urbanisme création d’un centre de documentation l’identification des fonds documentaires que
dans la compréhension multimédia. Les cadres de la DU, mais aussi les des moyens disponibles, afin de cibler les diffé-
-d

de l’évolution des territoires professionnels de l’aménagement et de l’urba- rentes tâches nécessaires au projet.
et inspirer des pratiques novatrices. nisme, étaient confrontés à de nouveaux
besoins liés à une volonté de planification plus Des archives patrimoniales
harmonieuse et respectueuse des territoires, et d’une grande valeur
île

à l’essor d’un pays en pleine mutation accélé- La direction de l’Urbanisme est dépositaire
rant sa modernisation. Ils réclamaient la mise à d’un important fonds d’archives, d’une valeur
disposition de fonds documentaires de réfé- patrimoniale inestimable, consacré à l’aména-
rence, à partir desquels ils puissent non seule- gement pendant la période du Protectorat. Sur
ment comprendre l’évolution, mais aussi s’ins- chacune des agglomérations marocaines, un
U

pirer de pratiques novatrices. très grand nombre de données sont disponi-


bles : population, infrastructures, finances
Un partenariat fructueux locales, plans d’aménagement et nombreux
dans le cadre de la coopération
IA

projets d’architecture et d’urbanisme.


L’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île- En 2002, en partenariat avec l’Iaurif, la DU a
de-France (Iaurif) possède, depuis sa création commencé par explorer ce fonds cartogra-
en 1960, une médiathèque, une photothèque et phique de très grande qualité, comptant des
une cartothèque riches de plusieurs dizaines grands noms de l’urbanisme (Écochard(3), etc.)
de milliers de références. Cette expérience a et comprenant notamment des plans aquarel-
conduit la direction de l’Urbanisme du Maroc lés ou coloriés au pastel. Un inventaire, un plan
à demander à l’Iaurif, dans le cadre de la coo- de classement, des préconisations sur les condi-
pération franco-marocaine, de l’appuyer dans le tions de conservation spécifiques, un travail
montage de son centre de documentation mul- d’indexation et de numérisation ont été propo-
timédia. Plusieurs missions d’échanges tech- sés. La DU a procédé à des travaux d’aménage-
niques entre les deux organismes ont été réali- ment des locaux pour mieux présenter et sécu-
sées entre 2000 et 2004. Des actions de riser les documents les plus précieux.
formation et des visites techniques en France
ont également été organisées pour familiariser (1) Responsable de la médiathèque de l’IAU îdF jusqu’en 2003.
les cadres marocains aux nouvelles techniques (2) La direction de l’Urbanisme est rattachée au ministère
chargé de l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménagement de
de traitement, de conservation, de valorisation l’espace.
et de diffusion. (3) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p. 172.

162
Un fonds de photos aériennes réalisées La multiplication des sources liée à la montée Les réseaux documentaires
périodiquement depuis les années 1950 en puissance des réseaux numériques et d’In- L’IAU îdF a une longue expérience
En outre, la DU possède un fonds très impor- ternet a orienté le projet. Dès sa genèse, le cen- dans le domaine de la documentation
et de l’organisation des centres
tant de photographies aériennes des agglomé- tre multimédia de la DU a été envisagé comme de ressources multimédia. Dès 1972,
rations marocaines réalisées régulièrement la pièce maîtresse d’un vaste réseau, favorisant il a été l’initiateur du réseau Urbamet,
depuis les années 1950. Des propositions ont à la fois l’émergence de partenariats locaux, alimenté par des centres de documentation
été faites concernant les conditions de conser- nationaux (autres ministères, École nationale volontaires spécialisés dans les thématiques
vation des clichés, leur numérisation et le repé- d’architecture, Institut national d’aménagement de l’aménagement et de l’urbanisme
et répartis sur le territoire national.
rage facile des reportages. et d’urbanisme) permettant son inscription Il inventait, dans le même temps, le premier
Les cadres et techniciens de la DU amenés à dans les réseaux internationaux. thésaurus spécifique sur l’aménagement
aller sur le terrain pour suivre des projets pren- Plusieurs projets ont ainsi vu le jour : échanges (thésaurus Urbamet), qui reste encore
nent des photos numériques, qu’il est néces- de catalogues d’acquisition, partage des infor- aujourd’hui la référence.
saire de mutualiser. Il a ainsi été proposé de mations et du travail documentaire entre les Pour offrir un ensemble encore plus large

ce
et cohérent de références bibliographiques,
mettre en place une photothèque avec une partenaires, procédures communes pour les naissait en 1995, sous l’impulsion de
notice iconographique type. La constitution traitements bibliographiques. Ainsi naissaient l’Iaurif, l’association européenne Urbandata,
d’une banque de données d’images numé- les prémisses du Réseau documentaire natio- qui rassemble, en plus d’Urbamet, le Great
riques permettra à la DU non seulement de réa- nal marocain sur l’aménagement et l’urba- London Authority, le réseau des écoles
d’architectures italiennes, le Centro

an
liser en interne des économies d’échelle, mais nisme.
de información y documentación cientifica
aussi d’échanger ces données avec les parte- (Cindoc) en Espagne, rejoints plus tard
naires et les professionnels de l’aménagement. Intégration du Maroc par le Deutsches Institut für Urbanistik
au réseau documentaire européen (Difu) et les réseaux documentaires
La montée en puissance Avec la volonté de donner un écho internatio- hongrois et roumains.
du centre multimédia
Un inventaire du fonds textuel de la biblio-
thèque du centre de documentation a recensé
Fr
nal à ce réseau, la DU a demandé en 2002, par
l’intermédiaire de l’Iaurif, son adhésion à l’asso-
ciation Urbamet. Grâce à sa participation au
la production interne de rapports, d’études de réseau européen Urbandata, Urbamet permet
e-
l’administration ou de bureaux d’études, de aussi de valoriser les travaux produits par le
documents d’urbanisme, de schémas direc- réseau marocain, puisque ces références biblio-
teurs, d’ouvrages et de collections de pério- graphiques sont désormais accessibles via le
diques. Un programme pluriannuel d’acquisi- site Internet Urbadoc. Il permet aux adhérents
-d

tion par appel d’offres doit enrichir le catalogue d’interroger près d’un million de références
de la bibliothèque de plusieurs centaines de issues des cinq banques de données euro-
références chaque année. L’Iaurif a également péennes.
participé à la constitution du fonds documen- Si ces travaux restent à consolider, le réseau
île

taire par l’envoi de documents. documentaire marocain est aujourd’hui une


Le travail partenarial avec les professionnels réalité qui, pour prendre toute sa place dans
marocains a fait évoluer la gestion documen- les réseaux internationaux, doit encore déve-
taire interne par des notices bibliographiques, lopper et valoriser son offre documentaire. Les
un bulletin régulier des nouvelles acquisitions, outils Internet, aujourd’hui accessibles à tous,
U

ou encore l’édition d’un catalogue. Pour main- doivent l’aider à mettre en valeur le travail de
tenir un service bibliographique de qualité, la modernisation en cours au Maroc.
DU doit s’équiper d’un logiciel de recherche
IA

adapté, pour échanger et être facilement iden-


tifié comme centre de ressources par les (4) Liste de mots organisés selon une arborescence théma-
tique. L’objectif est de rassembler les concepts afin de faci-
moteurs de recherche d’Internet. liter la recherche par des mots-clé spécifiques ou, au
Pour chaque type de document (iconogra- contraire, génériques.
phique, cartographique et bibliographique), la
méthode de traitement a été établie et un
Junta de Andalucia/Royaume du Maroc/AECI/Union européenne

modèle de notice défini, prenant en compte


les éléments bibliographiques d’indexation
et de gestion nécessaires au stockage, au prêt,
etc. En complément, l’Iaurif a offert à la DU
le thésaurus Urbamet(4), qui recèle environ
5 000 termes, pour aider à l’indexation des
documents (voir encadré). La direction de l’Urbanisme
Les domaines liés à l’aménagement étant extrê- possède un important fonds
mement variés, la littérature sur tous ces sujets de photographies aériennes
étant aussi très abondante, il est illusoire de vou- des agglomérations, très utiles
loir constituer une bibliothèque physique qui pour l’aménagement
couvre l’ensemble de la production. et la planification.
163
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Observer, analyser et décider : les outils adaptés

Des observatoires urbains


pour comprendre et agir
Agnès Charousset(1)
Urbaniste

Soumis à une forte croissance urbaine


et à d’importantes mutations, le Maroc
doit se doter d’outils d’observation
et de prospective. L’observation
des phénomènes urbains permet

ce
de comprendre l’évolution des territoires,
de partager une vision commune

TOURAINE (RF) - PIXLAND/JUPITERIMAGES


et d’anticiper. Ainsi, l’accessibilité

an
et la valorisation de l’information,
dans une démarche nécessairement
partenariale, constituent le socle
Fr d’une structure efficace d’aide
à la décision amenée à se développer.
e-
a croissance démographique, l’exode naires de l’espace tout en garantissant la qua-

L
Les observatoires sont des outils
d’évaluation permettant d’étudier rural, la mobilité, les marchés immobi- lité scientifique de l’observation mise en place.
l’évolution des territoires. liers, les mutations économiques et la
Ils sont indispensables dynamique urbaine interfèrent et agissent L’observatoire, un outil pour les acteurs
-d

à la planification. dans la planification urbaine. L’observation de du territoire


ces phénomènes est indispensable à l’élabora- Les ateliers mis en place entre l’administration
tion d’une vision prospective des politiques et les chercheurs ont permis d’établir les bases
publiques. Les observatoires constituent égale- d’un cahier des charges dans lequel devait
île

ment un outil d’évaluation pour l’ajustement s’inscrire le montage de l’observatoire. Le bilan


de ces politiques. des observations existantes a révélé assez rapi-
dement qu’il était difficile d’accéder aux don-
La genèse, un besoin urgent nées et d’assurer un suivi pérenne des phéno-
et une exigence de qualité mènes observés, bien que celui-ci soit capital
U

La croissance urbaine au Maroc depuis les dans la compréhension des évolutions des mar-
années 1980 et la maîtrise de l’aménagement chés et des développements territoriaux. Enfin,
du territoire nécessitent de connaître et de un temps d’échanges a été consacré à la ques-
IA

comprendre les mutations à l’œuvre, ainsi que tion de la valorisation et de la diffusion de l’in-
les mécanismes qui les régissent. La mise en formation traitée : tableaux de bord, cartogra-
place d’un système organisé et pérenne d’ob- phie, outils en ligne et bien sûr, système
servation s’est donc révélée indispensable. d’information géographique (SIG) ; ce dernier
En 1996, dans le cadre de la coopération point faisant l’objet d’une mission de coopéra-
franco-marocaine, la direction de l’Urbanisme tion ad hoc conduite en parallèle.
du Maroc, en collaboration avec l’Institut natio- Les travaux en atelier ont permis de clarifier et
nal d’aménagement et d’urbanisme (Inau) et d’analyser les besoins en détail grâce aux audi-
son centre de recherche, a décidé de lancer tions de tous les acteurs concernés, acteurs des
des ateliers pour consolider l’idée de la créa- territoires et/ou fournisseurs de données. Cette
tion d’un observatoire urbain, foncier et immo- méthode a permis une meilleure connaissance
bilier. L’échelle de l’agglomération de Rabat- des mutations à l’œuvre, l’organisation de
Salé est retenue dans un premier temps. débats fondés sur des informations partagées,
Dès le départ, la dimension partenariale entre et une élaboration plus rapide des documents
les services de l’administration, les enseignants
et les chercheurs a fondé la démarche de pro-
(1) Agnès Charousset est ancienne chargée d’études à l’IAU
jet. Celle-ci pouvait se résumer à une double îdF et actuellement directrice d’études à l’agence d’urba-
exigence : répondre aux besoins des gestion- nisme de Bordeaux.
164
d’urbanisme liée notamment à une plus grande Les prix du foncier à Casablanca en 2004
efficacité sur les diagnostics. L’échelle de l’ob-
servation reste celle de l’agglomération, tandis
que les thèmes sont très vastes : en dehors des
déplacements et de l’environnement, tous les
indicateurs relatifs à la démographie, à l’habitat,
à l’économie, aux équipements et au foncier
ont été listés. Ont alors été amorcés les débats
sur les moyens humains, matériels, financiers,
indispensables pour répondre aux objectifs. Ils
ont fait ressortir les atouts complémentaires des
partenaires – portage public, validité scienti-
fique, besoins consolidés, etc. –, mais aussi les

ce
difficultés – souplesse institutionnelle limitée
en matière de partenariat avec le privé, moyens
financiers modestes pour l’investissement de
départ, manque de compétences pointues en

an
matière d’observation pour l’exploitation sta-
tistique, dispersion des données chez un grand
nombre d’acteurs…
Toutefois, ces ateliers ont répondu aux attentes
en clarifiant le panorama et l’état des lieux, et calendrier de travail, maîtrise déléguée éven- Prix fonciers (Dh / m2)

ont même surpris par les liens qu’ils ont impli-


citement créés entre une communauté de per-
sonnes portées par une ambition commune. La
Fr
tuelle selon les difficultés d’accès à l’informa-
tion, note de synthèse pour les décideurs… La
phase opérationnelle a ensuite été amorcée :
> à 25 000
20 000 à 25 000
12 000 à 20 000
8 000 à 12 000
5 000 à 8 000
réalisation du cahier des charges, accompa- un travail très rigoureux sur les données et les 5 000 à 6 500
e-
gnée par l’Iaurif, a alors permis d’estimer les indicateurs reposant sur la collecte et souvent 4 000 à 5 000
moyens nécessaires à la mise en place d’un tel la saisie des informations, le géo-référencement 3 000 à 4 000
2 000 à 3 000
outil partagé. et l’harmonisation : il s’agit du fondement et de 1 000 à 2 000
Pour formaliser la démarche, la création d’une l’assise des deux observatoires. 500 à 1 000
-d

300 à 500
cellule chargée du montage de projets pilotes
150 à 300
a été entérinée. Elle a identifié assez rapide- Le bilan de dix ans d’observation : < 150
ment, au-delà des missions techniques, la la mise en réseau nationale Médina et zone centrale
nécessité de désigner un animateur pour assu- de rénovation urbaine
Finalement, le territoire d’observation de l’ag-
île

rer la qualité des échanges entre les partenaires glomération de Rabat-Salé couvre 3 préfectures 0 1 2 3 4 5 km

et la cellule de projet. Le lancement institution- et 22 communes. Dans le cadre de la décentra- SOFA – Ministère de l’Aménagement du Territoire
nel de l’observatoire a été acté lors d’un col- lisation, les différentes agglomérations se sont - IAU îdF – AUC

loque, sur la base des premiers résultats issus dotées des mêmes observatoires, avec le sou-
des projets pilotes sur le territoire de Rabat-Salé. tien technique et logistique des agences
U

urbaines.
La maturation des observatoires, La question de la fiabilité des séries statistiques
entre ambitions et ajustements est centrale dans les activités des observatoires;
IA

La coopération franco-marocaine s’est ainsi elle prend beaucoup de temps, mais la produc-
échelonnée sur plusieurs années. Les travaux tion de tableaux de bord est régulière. Les résul-
menés entre spécialistes français et marocains tats sont publiés chaque année et mis en ligne
ont facilité l’expertise et la conduite du projet. sur le site du ministère chargé de l’Habitat, de
Les expériences tests démontrent qu’il était l’Urbanisme et de l’Aménagement de l’espace.
plus pertinent de créer deux observatoires Néanmoins, le choix des phénomènes obser-
légers et efficaces plutôt qu’un seul, dont l’am- vés change souvent, au point de rendre la
pleur des champs de travail et l’ambition consolidation des missions d’observation par-
auraient pu nuire aux objectifs de résultat.Ainsi fois difficile. Les priorités évoluent en fonction
en 1998, un observatoire foncier et un observa- des besoins. L’idée d’un lieu de débat est moins
toire des données urbaines ont vu le jour : vive et le problème du financement demeure
petites équipes aux compétences ciblées, avec récurrent.
des partenaires impliqués directement, pour En définitive, les observatoires sont des outils
des objectifs et une motivation partagés et la d’aide à la décision. Ils facilitent les projections
création d’interfaces techniques entre ces struc- et les diagnostics partagés et restent essentiels
tures. Elles ont été créés sur la base de termes pour ajuster, infléchir, voire coordonner les poli-
de références précis : modalités de fonctionne- tiques publiques. « Ils donnent de l’épaisseur à
ment, nomination d’un animateur, programme, l’action publique », considère le ministère.
165
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Observer, analyser et décider : les outils adaptés

Les SIG au service de l’urbanisme


et de l’aménagement au Maroc
Michel Hénin
IAU île-de-France

Les systèmes d’information


géographique sont aujourd’hui
des outils indispensables
à la planification. Ils sont utilisés

ce
tout au long du processus d’élaboration
des documents d’urbanisme,
depuis le diagnostic jusqu’à la phase

Agence urbaine de Casablanca et IAU îdF

an
prospective. Ils nécessitent
des transferts de données et suscitent
des partenariats multiples afin d’avoir
Fr une vision partagée du territoire.
e-
epuis la fin des années 1990, au Maroc nisme dans le cadre de la coopération fran-

D
Les SIG permettent d’avoir
une meilleure connaissance comme en France, les systèmes d’infor- çaise ont donc privilégié une approche métho-
du territoire. Exemple : la densité mation géographique (SIG) ont pris dologique basée sur des actions de sensibilisa-
des alignements d’arbres une place centrale au sein des organismes tion, de formation et de réflexion organi-
-d

à Casablanca. publics en charge de l’aménagement et du sationnelle.


développement des territoires. Bénéficiant
d’une expérience confirmée dans le domaine La transition entre DAO et SIG
des SIG, l’Iaurif a accompagné la direction de Les deux compétences majeures des agences
île

l’Aménagement du territoire et de l’Urbanisme urbaines au Maroc sont la planification (élabo-


et plusieurs agences urbaines du Maroc pour la ration des schémas directeurs d’aménagement
prise en main de ces outils, contribuant ainsi à urbain et des plans d’aménagement) et la ges-
introduire ou à conforter les « bonnes pra- tion urbaine (instruction des autorisations de
tiques » en la matière. À cette occasion, ont été construire et délivrance des notes de rensei-
U

abordées diverses facettes de l’utilisation des gnement, l’équivalent des certificats d’urba-
SIG dans les domaines de la planification et de nisme en France). Pour mener à bien ces
l’aménagement des territoires, aux échelles tâches, les agences ont d’abord investi dans des
IA

nationale, métropolitaine, régionale et locale. logiciels de dessin assisté par ordinateur


(DAO). Elles ont, en parallèle, commandé à des
La genèse d’un partenariat fructueux géomètres des « restitutions », plans topogra-
Un séminaire SIG Maroc, organisé par l’Iaurif phiques numériques à grande échelle (du
en partenariat avec l’Inau(1) en 1996, a permis 1/500 au 1/2 000), pour les utiliser comme fond
aux responsables et techniciens marocains de cartographique.
s’informer sur les projets locaux en cours ou Ce contexte, a priori favorable à l’introduction
en préparation, d’échanger leurs expériences d’outils SIG (familiarisation à l’outil informa-
et de discuter de la disponibilité et de la fiabi- tique, expérience des logiciels de dessin), avait
lité des données de base. aussi des conséquences négatives liées au
Une bonne identification des besoins était manque de disponibilité des équipes accapa-
indispensable pour « calibrer » des projets réa- rées par les tâches de production, et à leur dif-
listes et mobilisateurs, et pour que l’acquisition ficulté à faire cohabiter les approches DAO et
ou la collecte des données, la formation des SIG. Les restitutions étant inutilisables en l’état
hommes et la réorganisation des méthodes de avec des outils SIG (polygones mal fermés, orga-
travail constituent des étapes incontournables.
Les premières missions menées par l’Iaurif (1) Institut national d’aménagement et d’urbanisme (à
auprès des agences et de la direction de l’Urba- Rabat).

166
nisation inadaptée des couches thématiques), - il a pu être comparé à des inventaires précé-
l’Iaurif a proposé un cahier des charges pour dents (9 postes, 1986, 1991 et 1999), ce qui a
adapter les marchés des restitutions aux permis de préciser le rythme, la nature et la
contraintes topologiques des SIG. L’Institut a localisation de l’urbanisation depuis une ving-
également développé avec l’Agence urbaine taine d’années.
de Rabat-Salé une application d’automatisation
de la production des notes de renseignement, Les SIG catalyseurs des partenariats
exemple concret de synergie entre DAO et SIG ! Les cartes thématiques du Satama et du Sdau
de Casablanca ont été construites à partir de
L’importance du suivi périodique l’inventaire de l’occupation du sol et de don-
de l’occupation du sol nées diverses reçues de partenaires : informa-
Les réflexions et les actions d’aménagement et tions socio-économiques (population, loge-
de développement des territoires exigent une ments, emplois, etc.), résultats de mesures

ce
connaissance précise de l’utilisation des sols (pluviométrie, trafics routiers), données spa-
et de leur évolution. Ces informations sont indis- tiales abstraites issues de la connaissance du
pensables pour appréhender de manière spa- terrain (paysage, pratiques agricoles), ou
tiale la dynamique d’un territoire. Elles permet- encore données issues de travaux complexes

an
tent de faire des constats et des bilans chiffrés croisant différents types de données (cartes des
à une date donnée, des analyses rétrospectives risques).
et des prévisions, quantifiées et géoréférencées, La production de ces cartes thématiques a
afin de fixer des objectifs. nécessité – ou a suscité – des partenariats mul-
L’Iaurif a plaidé auprès des agences urbaines tiples, rendus possibles par le rôle fédérateur
pour la mise en place d’inventaires périodiques
de l’occupation du sol, couvrant l’intégralité de
leur territoire et dotés d’une nomenclature suf-
Fr
des agences urbaines et pour lesquels l’Iaurif a
joué un rôle d’incitateur et de facilitateur. Ces
partenariats ont permis de mobiliser des don-
fisamment détaillée (l’Iaurif a proposé diffé- nées variées et des compétences complémen-
e-
rentes nomenclatures dérivées de la nomencla- taires. Ils ont aussi favorisé la diffusion des
ture européenne Corine Land Cover et adap- cartes produites, et donc la connaissance croi-
tées au contexte marocain). sée du territoire, auprès des élus, des décideurs
et du grand public.
-d

Des expériences marocaines de montage Les SIG apparaissent donc comme incontour-
et d’exploitation de SIG nables pour l’élaboration des documents de
En 2002, dans le cadre de la préparation du planification stratégiques ou réglementaires.
Satama(2), l’Agence urbaine d’Agadir a confié Outils efficaces pour la collecte, le traitement et
île

au Centre royal de télédétection spatial (CRTS) l’analyse des données, ils permettent la réalisa-
la réalisation d’une carte de l’occupation du tion de nombreuses cartes qui décrivent les ter-
sol en 20 postes de l’aire métropolitaine d’Aga- ritoires ou déclinent les propositions d’actions.
dir (10 830 km2), une première au Maroc sur un Ces cartes, représentations synthétiques des
territoire aussi vaste présentant des espaces problématiques territoriales, constituent de for-
U

naturels et d’autres fortement urbanisés. midables outils de communication qui contri-


En 2005, à l’occasion de l’élaboration du nou- buent à une vision partagée des territoires et
veau Sdau du Grand Casablanca, avec l’appui facilitent les prises de décision.
IA

technique de l’Iaurif, l’Agence urbaine de Casa-


blanca a réalisé un inventaire de l’occupation
du sol du Grand Casablanca en 37 postes, qui a
(2) Schéma d’aménagement territorial de l’aire métropoli-
donné lieu à de multiples utilisations : taine d’Agadir (2003), élaboré par l’Agence urbaine d’Agadir,
- il a permis d’établir des cartes thématiques en partenariat avec l’Iaurif.
variées (bidonvilles, espaces verts et ouverts,
principales nuisances et pollutions indus-
trielles, risques naturels et technologiques,
typologie de l’habitat, hauteur de bâti, etc.).
Ces cartes ont été très précieuses comme
outils de connaissance et de compréhension
des phénomènes, et comme supports de com-
munication pour partager un diagnostic terri- Pour permettre de livrer la note
Agence urbaine de Rabat

torial clairement illustré ; de renseignement sur les droits


- il a fourni un fonds de cartes riche et précis et conditions de construire,
permettant l’élaboration des scénarios d’amé- le croisement du plan d’aménagement,
nagement spatial pour la réalisation du plan du plan cadastral et de la vue aérienne
de développement stratégique et du Sdau ; est utlisé pour affiner la localisation.
167
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Les SIG au service de l’urbanisme et de l’aménagement au Maroc

Le système d’information géographique,


un outil de planification et d’évaluation
Sophie Foulard
IAU île-de-France Les SIG permettent d’appréhender les enjeux du territoire par thématiques
et de faciliter le choix des orientations d’aménagement.
Ils sont à la fois des outils de connaissance, d’aide à la décision, de prospective,
de suivi-évaluation et de communication du projet.

Outil de connaissance ont été remplacées. La problématique est iden-


Le SIG permet d’enregistrer, d’analyser et de res- tique pour les logements, les équipements, les

ce
tituer cartographiquement des informations infrastructures, etc.Ainsi, l’approche SIG permet
spatiales. Il doit, pour fonctionner, être alimenté de visualiser les enjeux des territoires par thé-
en données fondamentales : données cartogra- matiques ou par thématiques croisées.
phiques en deux ou trois dimensions, écono-
Outil de la prospective

an
miques, socio-démographiques, comportemen-
tales, temporelles, etc. Il offre alors la possibilité Le SIG permet de faciliter le débat contradic-
de développer une approche géographique de toire par la production de cartes qui illustrent
l’existant sur la base de données d’occupation spatialement les enjeux et les objectifs de la
du sol, indispensables pour appréhender spatia- planification. Cette approche permet de quan-

Outil d’aide à la décision


Fr
lement la dynamique d’un territoire. tifier et de localiser la répartition des différentes
fonctions sur les territoires, selon le scénario
proposé.
Il permet de créer de nouvelles données par Un suivi de l’occupation du sol, avec inventaires
e-
croisement entre approches thématiques quan- périodiques, permet à la fois d’analyser les
titatives et approche territoriale. transformations du territoire mais également
Les recensements ou les enquêtes démogra- de définir des pronostics localisés d’évolution.
phiques fournissent régulièrement des infor- L’utilisation des outils analytiques du SIG rend
-d

mations sur la population, l’emploi et le loge- possible le phasage d’un projet à différents
ment. En revanche, l’utilisation du sol est termes. Le SIG contribue à tester, en fonction
généralement mal connue et peu inventoriée. des projections de population et d’emplois à
Par exemple, le nombre d’emplois disparus ou long terme, les superficies de territoire consa-
île

apparus au cours d’une période est souvent crées aux logements, aux activités, aux équipe-
chiffré, mais il est rarement possible de locali- ments bâtis ou ouverts et aux infrastructures.
ser et de quantifier les surfaces qui ont changé
d’affectation ni de déterminer par quoi elles Outil de suivi et d’évaluation
de la mise en œuvre
Approche territoriale par thématiques croisées
U

La mise à jour régulière des données géogra-


phiques et thématiques du SIG permet d’éva-
luer les choix effectués par le passé. On peut
IA

ainsi mesurer régulièrement l’évolution de l’ur-


banisation du territoire et faire des analyses
rétrospectives quantifiées et géoréférencées.
Sur la base de ces informations, il est alors pos-
sible d’évaluer le niveau et la dynamique de
réalisation des objectifs. On peut dès lors ajus-
ter et réévaluer les moyens de mise en œuvre
de la stratégie de planification et les adapter si
nécessaire.

Outil de communication
Le SIG est de plus en plus utilisé à travers des
applications Internet partagées dont les avan-
tages sont nombreux, notamment des données
à jour et des informations mutualisées. Cela per-
met de partager de manière plus efficace et
interactive les données et les résultats d’ana-
lyse avec les partenaires.
IAU îdF
168
30 ans de coopération
avec le Maroc Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Observer, analyser et décider : les outils adaptés

Tableaux de bord et gestion


Laurie Cransac des documents d’urbanisme
Nicolas Laruelle
IAU île-de-France

La multiplication des agences urbaines


dans les agglomérations marocaines
a contribué à une meilleure maîtrise
du territoire.
Conjuguée au développement

ce
des outils informatiques, elle a permis
la constitution de banques de données
urbaines variées. Il est aujourd’hui

an
nécessaire d’ordonner et de diffuser
cette connaissance, en s’adaptant

Agence urbaine d’Agadir


à un environnement en forte mutation,
Fr afin d’exploiter d’une façon optimale
la richesse de ces informations.
e-
u cours de la dernière décennie, les de dessin et de cartographie pour les services

A
Intégrer la connaissance du terrain
dans les tableaux de bord. agences urbaines des grandes aires d’études, et plus récemment la mise en place
Ici, le cadastre d’Adagir. métropolitaines du Maroc ont accom- d’intranets, avaient préparé l’ensemble des per-
pli un mouvement majeur vers la constitution, sonnels des agences urbaines à l’utilisation
-d

l’enrichissement et l’utilisation d’importantes quotidienne d’outils informatiques.


banques de données urbaines informatisées, L’Iaurif a largement accompagné cette muta-
dans un contexte rendu favorable par la tion, notamment dans le cadre de la coopéra-
conjonction de plusieurs facteurs.Tout d’abord, tion franco-marocaine, en étant particulière-
île

les principales agences urbaines, qui avaient ment à l’écoute de la volonté des agences
accumulé depuis leur création, entre 1984 urbaines de développer des banques de don-
et 1995, une large connaissance quantitative et nées à la fois utiles, cohérentes et évolutives.
qualitative de leur territoire, arrivaient à matu- L’objectif était d’offrir aux cadres et techniciens
rité. Il s’agissait, dès lors, de valoriser leurs des gains de temps et d’énergie tout autant
U

connaissances par un effort de structuration, qu’une amélioration de la qualité de leurs pres-


de consolidation et de diffusion des données. tations. Il importait aussi d’assurer la cohérence
interne entre les différents modules des
Les diagnostics territoriaux :
IA

banques de données, ainsi qu’entre la banque


une occasion de consolider de données et les outils et pratiques actuels et
et de partager la connaissance futurs des agences urbaines. Il était également,
La réalisation d’importants diagnostics territo- indispensable d’envisager un phasage (module
riaux des aires métropolitaines, comme celui par module), une réversibilité du développe-
du Schéma d’aménagement territorial de l’aire ment et une adaptabilité aux futurs développe-
urbaine d’Agadir (Satama), avaient montré l’in- ments des agences (exploitation des banques
térêt, mais aussi parfois la difficulté, de mobili- de données urbaines au travers des systèmes
ser certaines données, tant pour l’analyse d’un d’information géographique).
territoire que pour le suivi des documents d’ur-
banisme et d’aménagement. Le développement Un exemple : la banque de données
des premiers outils informatiques de gestion urbaines à Agadir
administrative avait, par ailleurs, sensibilisé les L’organisation générale de la future banque de
services informatiques des agences urbaines données urbaines, définie suite à des échanges
aux aspects concrets de la constitution, mais entre l’Agence urbaine et l’Iaurif, devait être
aussi de la gestion de bases de données. Enfin, constituée de trois grands ensembles :
l’équipement et la formation informatiques des - le tableau de bord des documents d’urba-
cadres des agences, l’acquisition de logiciels nisme, élaboré à l’échelle géographique des
169
30 ans de coopération
avec le Maroc Observer, analyser et décider : les outils adaptés
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 154 - mai 2010 Tableaux de bord et gestion des documents d’urbanisme

centres (échelle infra-communale). Ayant Des enseignements mutuels


pour élément de base la procédure d’urba- Le cœur de la mission auprès de l’Agence
nisme, il est composé de trois modules spéci- urbaine d’Agadir (AUA) a été de définir, puis
fiques : suivi administratif, état initial et pro- de tester collectivement sur les deux princi-
jeté, suivi de la mise en œuvre ; paux modules (note de présentation commu-
- la note de présentation communale consti- nale et tableau de bord des documents d’ur-
tuant le module central du projet élaboré à banisme) le triple travail préalable nécessaire
l’échelle géographique de la commune ; pour tout nouveau module :
- un ensemble de modules thématiques - définir les objectifs, c’est-à-dire préciser les uti-
conçus, selon les cas, à l’échelle géographique lisateurs directs et finaux, identifier les parte-
des communes, des centres ou des lotisse- naires internes et externes, et surtout justifier
ments, permettant de développer certains de l’utilité pratique (économie de moyens,
thèmes spécifiques comme l’habitat, le fon- amélioration des prestations) et de l’intérêt

ce
cier ou les équipements. stratégique (image de l’agence vis-à-vis de ses
partenaires et du public) du module ;
Tous les modules de la banque de données - clarifier les échelles de travail : commune, cen-
urbaines devaient être reliés. Il aurait été ten- tre (centre doté d’un document d’urbanisme

an
tant de chercher à identifier précisément, dès le ou susceptible de l’être), agrégat de com-
début du projet, les liens pertinents à établir munes ou agrégat de centres (par territoire,
entre les modules. Il s’est avéré préférable d’en- par type…) ;
visager un développement progressif et réversi- - caractériser toutes les variables envisagées,
ble de la banque de données urbaines (possi- c’est-à-dire les définir, les nommer, en évaluer
Fr
bilité de faire machine arrière dans le
développement d’un module qui ne répondrait
pas tout à fait aux attentes ou aux pratiques de
l’intérêt intrinsèque (la variable suffit-elle à
donner une information pertinente ?) ou rela-
tif (avec quelle autre variable doit-elle être
l’agence). croisée pour donner une information perti-
e-
Un tel développement devrait se faire module nente?), en préciser les conditions techniques
par module, en précisant pour chacun de ceux et financières d’obtention initiale et de mise
qui sont en cours de développement, les liens à jour ultérieure, et identifier les personnes-
intéressants avec les modules existants. Le clés dans le dispositif (par exemple le direc-
-d

choix a été fait de privilégier la réalisation teur d’un service extérieur producteur d’une
rapide des modules les plus utiles, les plus donnée particulièrement utile ou l’interlocu-
faciles et les plus illustratifs des principes teur unique pour la récupération des données
méthodologiques élaborés lors de la mission. produites par un autre service de l’AUA).
île

L’objectif était de mobiliser plus fortement et Mené avec l’AUA, ce travail de caractérisation
durablement l’ensemble des personnes concer- des variables envisagées a été riche d’enseigne-
nées. ments pour l’Iaurif, à un moment où l’afflux de
nouvelles données statistiques en Île-de-France
rendait particulièrement nécessaire un travail
U

de qualification et de hiérachisation des varia-


bles utilisées dans les différents outils.
IA

P. Zeiger/IAU îdF

Les tableaux de bord permettent


d’assurer un meilleur suivi
des permis de construire.
170
IA
U
île
-d
e-
Fr
an
Ressources ce
Biographies
Louis-Hubert LYAUTEY (1854-1934) est nommé Michel ÉCOCHARD (1905-1985). Au lendemain
résident général au Maroc en 1912. Souvent de la seconde Guerre mondiale, il dirige le ser-
insaisissable, l’homme a plusieurs facettes : sol- vice d’urbanisme du Protectorat au Maroc. C’est
dat, pacificateur, colonial, administrateur, pro- à lui qu’est confié le soin de concevoir un plan
tecteur des arts, bâtisseur… C’est à ce dernier d’aménagement du Grand Casablanca. Il s’ins-
titre qu’il laissera une trace profonde dans la pire des principes de la Charte d’Athènes et
société et l’urbanisme marocain. Lyautey propose, en 1951, dans le rapport préliminaire
applique une doctrine urbaine tout à fait nova- sur l’aménagement et l’extension de Casa-
trice à l’époque : il impose une séparation très blanca, un plan d’extension linéaire le long de

ce
nette entre la ville nouvelle européenne et la la côte qui reliera les deux pôles portuaires de
Louis-Hubert Lyautey
cité traditionnelle. Il veut moderniser la ville, Casablanca et de Mohammedia, bordé par la
(1854-1934).
© Roger-Viollet tout en respectant les traditions existantes des création de l’autoroute Casablanca-Rabat. Il réa-
habitants des médinas. lise la percée de l’avenue des F.A.R., relançant

an
Lyautey fait appel à l’expérience de l’urbaniste le projet de quartier d’affaires proche du port,
Henri Prost, qui conçoit le plan d’urbanisme où se construisent « en peigne » de nouveaux
de Casablanca en 1915, puis ceux des autres bâtiments comme l’hôtel Marhaba d’Émile
grandes agglomération du pays : Rabat, Marra- Duhon en 1956, longtemps repère dans le pay-
kech, Fès et Meknès. À Casablanca, une partie sage de la ville.
Fr
des murs de l’ancienne médina est détruite
pour assurer le bon fonctionnement du port.
On installe les activités de l’ancienne ville dans
De 1946 à 1952, il mène la bataille contre les
bidonvilles et pour le logement social face aux
intérêts du grand capital. Ses plans de zoning
la partie européenne, qui va d’abord recher- sont approuvés en 1952.
e-
cher la proximité du port et du centre des Il est démis de ses fonctions en décembre 1952
affaires. L’administration française va favoriser par le général Guillaume. Il a exercé une grande
une organisation urbaine qui va se structurer influence sur la nouvelle génération d’archi-
en zoning avec deux centres névralgiques, la tectes qui sont entrés en scène à l’Indépen-
-d

création du port et celle de la gare ferroviaire. dance et a décrit son expérience dans un livre
De nouveaux quartiers apparaissent, comme Casablanca, le roman d’une ville.
Aïn Chock, ou les Habous, un exemple d’adap- Les réglements de 1952 seront appliqués
tation moderne des fonctions traditionnelles jusqu’en 1984, année de publication du nou-
île

d’une médina. veau schéma directeur élaboré par le cabinet


Henri Prost
De Rabat, Lyautey fait une ville verdoyante. Plu- de Michel Pinseau.
(1874-1959).
Académie d’architecture/Cité de sieurs parcs s’insèrent dans le tissu urbain de la
l’architecture et du patrimoine/
Archives d’architecture du XXe siècle ville moderne : le jardin d’Essais, le parc du
Triangle de vue, ou encore le parc du Belvé-
U

dère. De 1914 à 1947, la croissance de Rabat


sera régie par le premier plan d’aménagement
réalisé par Prost.
IA

Lyautey quitte le Maroc en 1925.

Henri PROST (1874-1959) est appelé par Lyautey


pour établir les plans directeurs d’aménage-
ment et d’extension des quatre villes impériales
du Maroc, Fès, Meknès, Marrakech, Rabat, et de
Casablanca. Il est nommé directeur du service
spécial d’Architecture et des Plans des villes en
février 1914. Le paysage est la donnée princi-
pale du plan de ville. Les villes nouvelles sont
construites à l’écart des villes traditionnelles,
les quartiers sont séparés (habitat, administra-
tion, économie…), des espaces verts sont
créés. À Casablanca, Prost crée le premier bou-
levard périphérique et aménage les quartiers
Michel Écochard
(1905-1985). modernes autour d’un point central, la future
SIAF/Cité de l’architecture et du place Mohammed V.
patrimoine/Archives d’architecture
du XXe siècle Henri Prost quitte le Maroc en 1923.
172
Bibliographie
Les références bibliographiques sont
L’ÉVOLUTION URBAINE AU MAROC : participative de l’habitat des pauvres en Boli- issues de la base de données Urbamet.
D’UN SIÈCLE À L’AUTRE vie ; le mythe de la participation et Nueve de La cote permet de localiser le ou les
Julio (Argentine) ; l’autogestion communau- centres de documentation où consulter
CATIN Maurice ; CUENCA Christine ; KAMAL Abdelhak taire à Mexico ; les stratégies communautaires à l’ouvrage.
L’évolution de la structure et de la primatie Port-au-Prince ; les évolutions et les enjeux des IA (IAU îdF) ; CDU (Centre de
urbaine au Maroc stratégies résidentielles en Guyane française ; documentation sur l’Urbanisme/
Région et développement, n ° 27, juil. 2008, pp. 215-224. Meeddat) ; CA (Isted) ;
les politiques urbaines à Bamako; les politiques
Le système urbain marocain a beaucoup évo- MA (Réseau Maroc)
officielles de relogement au Sahel.
lué depuis une cinquantaine d’années. La pre- Une bibliographie exhaustive
CA C11600 ; CDU 56624
mière partie de cet article propose une analyse est disponible sur le site Internet
descriptive des trajectoires d’évolution de la de l’IAU île-de-France.

ce
population urbaine sur la période 1950-2000.
La seconde partie montre comment les SIGNOLES Pierre (dir.) ; EL KADI Galila (dir.) ; SIDI
grandes tendances qui caractérisent l’urbani- BOUMEDINE Rachid (dir.) ; ARRIF Abdelmajid (collab.)
sation marocaine dépendent largement du L’urbain dans le monde arabe. Politiques,

an
niveau de développement économique, de instruments et acteurs
l’évolution des processus productifs et de la Paris, CNRS, 1999.
localisation des activités qui l’accompagnent. Les politiques d’habitat et d’aménagement
CA RB285 (2008:27) urbain connaissent depuis une dizaine d’an-
nées des transformations sensibles dont les
causes et les effets sont déjà repérables en
COHEN Jean-Louis ; ELEB Monique
Casablanca. Mythes et figures d’une aventure
urbaine
Fr
termes d’organisation, de structuration et de
fonctionnement des agglomérations urbaines
des pays arabes. Ni inventaire ni analyse systé-
Paris, Hazan, 2004. matique de toutes les transformations qui affec-
e-
Dans cet ouvrage abondamment illustré, les tent le champ de l’urbain, cet ouvrage propose
auteurs retracent l’évolution de Casablanca de une série d’éclairages et d’interprétations qui
1900 à 1960, période qui a vu la renaissance renouvellent l’approche de la question urbaine
d’un port et sa métamorphose en métropole. et des enjeux que représentent les villes et l’ur-
-d

Pour produire ce volumineux ouvrage, les banisation dans les territoires, les économies
auteurs se sont fondés sur une enquête de ter- et les sociétés, semblables par certains aspects,
rain, des entretiens, des recherches dans les profondément différents par d’autres.
archives, une enquête bibliographique, l’étude IA 40583 ; CA C10523 ; MA-ENA
des plans des bâtiments, l’examen des plans et
île

des documents d’urbanisme, et l’analyse du


contenu de discours étudiant notamment des TROIN Jean-François (dir.)
bâtiments significatifs. BISSON Jean ; BISSON Vincent ; BRÛLÉ Jean-Claude ;
IA 45692 ; CA C12516 ESCALLIER Robert ; FONTAINE Jacques ; SIGNOLES Pierre
Le Grand Maghreb (Algérie, Libye, Maroc,
Mauritanie, Tunisie).
U

Mondialisation et construction des territoires


DANSEREAU Francine (dir.) ; NAVEZ-BOUCHANINE Paris, Armand Colin, 2006.
Françoise (dir.) Le chapitre 1 présente le Grand Maghreb d’un
IA

Gestion du développement urbain et stratégies point de vue général et thématique, et appré-


résidentielles des habitants hende en priorité le milieu naturel et l’environ-
Paris, L’Harmattan, 2002. nement. Le chapitre 2 analyse les populations
Cette publication rassemble les contributions et les changements sociétaux en cours. Le cha-
exposées lors d’un colloque tenu à Montréal pitre 3 montre que, tout au long des récentes
en 1997 sur la notion de stratégie résidentielle. décennies, des mutations considérables ont
Cette notion a fait son apparition à la fin des affecté les villes, – leur aménagement et les poli-
années 1970 dans les travaux sur les quartiers tiques urbaines –, mais aussi les campagnes. Le
populaires des villes du tiers-monde. Qu’en est- chapitre 5 présente des portraits individualisés
il vingt ans plus tard ? Quel impact réel les stra- des différents États-nations composant le Grand
tégies résidentielles ont-elles eu sur la produc- Maghreb. Les chapitres suivants proposent une
tion et la gestion des tissus urbains ? Le bilan de analyse de la structuration des territoires :
ces recherches est exposé dans cet ouvrage col- l’Algérie, la Tunisie, le Maroc, la Libye et la Mau-
lectif à travers quatorze articles : la ville frag- ritanie. Enfin, est abordée l’échelle régionale
mentée et le cas marocain ; la réhabilitation des qui permet d’analyser les processus selon les-
médinas marocaines ; la stabilité résidentielle quels s’édifient localement les territoires, à la
au Maroc ; l’image de la ville nouvelle en fois autour des métropoles – par affirmation de
Egypte ; l’accès à la propriété à Alger ; la poli- la littoralisation par intégration aux espaces
tique urbaine algérienne; les services urbains et nationaux –, ou dans des situations atypiques.
l’exemple d’Oran ; la planification et la gestion CA C13123

173
Bibliographie
BOUMAZA Nadir (dir.) le revers de l’Atlas et les portes du désert, les
Villes réelles, villes projetées. Villes maghrébines provinces sahariennes.
en fabrication CA C12166
Paris, Maisonneuve & Larose, 2006.
Les contributions de 39 auteurs spécialistes des
villes maghrébines et de l’urbanisme sont pré-
sentées dans cet ouvrage. Ils abordent la thé- Royaume du Maroc
matique de la fabrication urbaine, aussi bien La charte nationale de l’aménagement
du point de vue de la connaissance des pro- du territoire
cessus de fabrication spontanée ou planifiée, Rabat, Okad, 2001.
Dans une première partie, cet ouvrage présente

ce
que du point de vue de la construction de nou-
velles méthodes d’action en urbanisme. Ils les forces et faiblesses du territoire marocain
livrent un ensemble de réflexions fondamen- et expose les défis du développement et de
tales à partir des principaux paradigmes l’aménagement du territoire (développement
urbains, comme ceux de l’évolution de longue rural, marché de l’emploi, croissance urbaine,
ressources hydriques, lutte contre la dégrada-

an
durée, des modèles de croissance, de la forme
urbaine, des cultures, ou de la ville nouvelle. tion des milieux naturels, insertion dans la mon-
Les nombreux cas urbains présentés couvrent dialisation). La deuxième partie expose les
l’ensemble de la région et les principales principes de base, les grands axes et les orien-
métropoles urbaines. Ils représentent un état tations spatiales de l’aménagement du terri-
des villes au XXIe siècle. toire. La troisième partie décrit le cadre juri-
IA 47800 ; CDU 60556 ; CA C12916
Fr dique, les structures et organismes impliqués
dans l’aménagement du territoire, les instru-
ments de l’aménagement du territoire et du
développement durable, les modes d’action et
e-
SOUAFI Mohamed (préface) les outils de mise en œuvre.
CDU 62345
Maroc. Ministère de l’Aménagement du territoire, de
l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement
Fenêtres sur le territoire marocain
-d

Rabat, direction de l’Aménagement du territoire, 2002.


Cette étude contribue à localiser les atouts et
les faiblesses de l’organisation du territoire LE MAROC EN PERSPECTIVE : REGARDS CROISÉS
marocain et à soulever certaines interrogations.
Elle peut aider à une meilleure prise de déci- Maroc. Programme Villes sans bidonvilles. Rapport
île

sion ou à initier des réflexions qui permettront final. Analyse d’impact social et sur la pauvreté
d’améliorer l’approche et la conception de Maroc, Banque mondiale, 2006
cette organisation du territoire. Compte-rendu d’une étude portant sur l’effica-
IA 48731 ; MA-DU MDUAT1036 cité d’un programme destiné à la résorption
des bidonvilles au Maroc, sur l’adéquation entre
la formulation du programme et ses modalités
U

d’une part, et les besoins et demandes des


TROIN Jean-François (dir.) ménages bénéficiaires d’autre part, sur le carac-
Maroc. Régions, pays, territoires tère réaliste de la participation financière atten-
IA

Paris, Maisonneuve & Larose-Rabat, Tarik, 2002. due des habitants des bidonvilles, et sur le
Basé sur des statistiques récentes, complété par caractère approprié des mécanismes d’accom-
de nombreuses cartes illustrant les thèmes pré- pagnement social et de participation de la
sentés, cet ouvrage se propose de montrer com- population. Une première partie présente le
ment le Maroc fonctionne à travers ses espaces, contexte politique et les orientations générales
ses hommes, son économie, ses aménage- de la réforme du secteur de l’habitat, les carac-
ments. L’auteur propose une approche du pays téristiques du programme Villes sans bidon-
à travers ses régions historiques, officielles et villes, son état d’exécution à la mi-2005, et les
économiques : le corridor urbain du littoral réformes du financement de l’habitat. La
moyen atlantique, les espaces satellites de Casa- seconde partie expose et commente les résul-
blanca (Chaouia et Doukkala), l’arrière-pays de tats de l’analyse d’impact social et d’impact sur
Rabat, Gharb et pays du Loukkos, la région de la pauvreté du programme et de ses instru-
Fès et celle de Meknès, le plateau des Phos- ments financiers, en se fondant notamment sur
phates et Tadla, la région sud-atlantique des une enquête menée dans six bidonvilles situés
Abda, les pays prérifains, le Moyen Atlas, l’es- à Agadir, Casablanca et Larache. Sont discutés
pace régional de Marrakech, la région de tran- les avantages probables et les impacts négatifs
sition sud-atlantique de Chiadma et Haha, la du programme. Sont enfin formulées des
péninsule de Tanger, le Rif oriental, le Souss- recommandations pour l’amélioration du pro-
Massa, le Rif central et occidental, le Haut Atlas, gramme.
le seuil oriental, les espaces steppiques de l’Est, CA C12810

174
Bibliographie
HAUW David touristique durable dans les pays du Sud. Le
Les opérations de relogement en habitat collectif cas de la mise en valeur des héritages naturels
à Casablanca. De la vision des aménageurs et construits dans la région de Fès (Maroc).
aux pratiques des habitants Apport de l’analyse environnementale et socio-
Tours, mémoire de doctorat de Géographie, université François économique à la mise en œuvre d’une stratégie
Rabelais de Tours, 2004.
du développement durable pour une région
Après avoir retracé l’histoire de Casablanca à
forestière dans la région de Sidi Bettache, pro-
travers les actions en faveur de l’habitat des
vince de Benslimane. Aménagement durable
classes les plus démunies et à travers le déve-
des territoires et réforme administrative en
loppement toujours plus rapide des quartiers
France.
insalubres dans la ville, ce mémoire développe

ce
2• Potentialités, ressources, vulnérabilité.
les procédures des projets de relogement
Évolution des formations forestières et pré-
actuels, tout en s’interrogeant sur leur carac-
forestières dans le Moyen Atlas central au cours
tère social. Enfin, les pratiques des habitants
des quarante dernières années (1962-2002). Le
sont examinées dans un environnement nou-
cas du causse de Sefrou et du Jbel Aoua sud.
veau : les complexes résidentiels.

an
IA 45997
Évolution récente de l’occupation des sols et
de la végétation dans le bassin Zraa-Tazouta
(Moyen Atlas central). Impact socio-spatial du
phénomène de désertification dans le Souss.
Rôle ambivalent de la culture du cannabis dans
LAPEZE Jean (dir.)
ALTUZARRA Amaia ; BENSAHEL Liliane ; COURLET Claude
Union européenne. Commission des Communautés
européennes
Fr
la dégradation des forêts du Rif centro-occiden-
tal. Le phénomène du pompage au Dadès : évo-
lution et impacts territoriaux. Techniques et
modes d’approvisionnement en eau domes-
Apport de l’approche territoriale à l’économie tique dans la commune de Khmiss Nagga (pro-
e-
du développement vince de Safi). Processus d’urbanisation et
Paris, L’Harmattan, coll. « La librairie des humanités », 2007.
accroissement des risques à Beni Mellal (Tadla-
Présentées à Rabat dans le cadre de la finalisa-
Azilal, Maroc) : apports des SIG et de la télédé-
tion du programme Tempus Omar et servant à
tection.
la mise en œuvre du master spécialisé Écono-
-d

3• Structures territoriales et stratégies de déve-


mie des territoires auprès de l’université
loppement durable.
Mohammed V, les contributions de cet ouvrage
La gestion participative de l’irrigation comme
traitent de divers aspects de ce type de dévelop-
stratégie de développement durable dans les
pement : théories du développement écono-
île

compagnes marocaines : le cas du projet


mique des territoires, ressources de ce dévelop-
moyen Sebou et Inaouen. Politique étatique du
pement, interactions entre ressources données
logement et développement urbain de Marra-
et ressources construites, relations réciproques
kech. Le tissu associatif de Sefrou (Maroc) :
entre culture industrielle et autres composantes
acteur territorial, potentialités et limites.
de la société, impact de la structure sociale sur
4• Patrimoine et tourisme durable.
les résultats économiques. Sont également
Patrimoine, territoires et développement dans le
U

abordés des thèmes comme l’innovation, les


Sud-Est marocain. Gestion des ressources et vul-
territoires intelligents, le développement endo-
nérabilités territoriales: l’exemple des territoires
gène, les systèmes productifs locaux et la com-
touristiques de montagne. Les maisons d’hôtes
IA

pétitivité (exemple du textile-habillement à


à Fès : évolution et étude d’impact en médina.
Casablanca), la relation entre production de
biens collectifs et innovation institutionnelle,
la participation dans les projets de développe-
ment, le tourisme et les ressources territoriali-
sées, la décentralisation, son dispositif finan- CHANSON-JABEUR Chantal (dir.)
cier. Réseaux de transport et services urbains au
CDU 61448
Maghreb : une analyse comparative des rapports
entre logiques techniques, systèmes politiques
locaux et dynamiques urbaine : les cas de la
wilaya de Casablanca et du Grand Tunis
Dynamiques territoriales : Paris, PRUD, GEMDEV-ISTED, 2004.
des potentialités au développement durable L’étude a pour objectif d’identifier et de com-
Actes du colloque organisé par l’université Paul prendre les défaillances du transport collectif
Verlaine de Metz, Cegum, Fès institutionnel, de repérer et d’analyser les
Metz, Mosella, tome XXX, n° 1-4, 2005. modes alternatifs ou de substitution initiés ou
Au cours de ce colloque, quatre thèmes ont été pratiqués par les citadins de ces villes. Les cas
prospectés. de Casablanca, de Tunis, et, dans une moindre
1• Problématique du développement durable. mesure, d’Alger, sont ici analysés.
Réflexion géopolitique sur le développement CA C12259
175
Bibliographie
MIRAS Claude de ; LE TELLIER Julien ; NAVEZ-BOUCHANINE Françoise
SALOUI Abdelmalik (collab.) La médina au Maroc : élites et habitants.
Gouvernance urbaine et accès à l’eau potable au Des projets pour l’espace dans des temps
Maroc : partenariat public-privé à Casablanca et différents
Tanger-Tétouan Annales de la recherche urbaine, n° 72, sept. 1996, pp. 15-22.
Paris, L’Harmattan, 2005. L’antinomie entre élites et habitants est à l’ori-
Ayant souligné que l’accès à l’eau potable gine de la disproportion entre les discours et les
urbaine est une problématique internationale, actes de sauvegarde du patrimoine de la
les auteurs brossent le tableau de la situation médina de Fès au Maroc. Les premières vouent
des ressources (eaux de surface, eaux souter- un culte nostalgique aux édifices les plus pres-

ce
raines, bilan hydrique) et de la disponibilité de tigieux en méconnaissant les usages des habi-
l’eau au Maroc (relations entre alimentation en tants, qui leur sont étrangers. Ces derniers trou-
eau et urbanisation, évolution institutionnelle et vent avant tout dans la médina un habitat
cadre juridique de la gestion de l’eau), puis pro- accessible à soi et à tous. Les menaces d’aban-
posent une présentation détaillée de la distribu- don matériel et de récupération touristique qui

an
tion d’eau potable en délégation de service pèsent sur le quartier poussent les habitants à
public à Casablanca, puis à Tanger et Tétouan, faire valoir leur mode de vie comme élément
en s’intéressant notamment, dans ce dernier incontournable du patrimoine urbain.
cas, à l’accès à l’eau potable des populations CDU ; IA P.70
défavorisées.
CA C12535
Fr BELKZIZ Souad ; HICHAM Abdel-Karim
Maroc. Ministère de l’Aménagement du territoire,
MOULINE Saïd (dir.) de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement.
e-
Maroc. Ministère de l’Aménagement du territoire, Direction de l’architecture
de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement. Médina de Marrakech : étude architecturale
Direction de l’architecture et plan de sauvegarde
World Heritage in Morocco - Patrimonio mundial Rabat, direction de l’Architecture, 2001.
Présentant une analyse et un diagnostic de la
-d

en Marruecos - Patrimoine mondial au Maroc


Rabat, direction de l’Architecture, 2007. médina, l’étude – fondée sur plusieurs autres
Ce document présente le patrimoine architec- publications traitant des quartiers, des activités
tural et urbain du Maroc : la médina de Fez, la économiques, de l’architecture – propose un
médina de Marrakech, Qsar Aït Ben Haddou, la plan de sauvegarde de ce patrimoine qui a été
île

médina de Meknès, la médina de Tétouan, le marqué par de profonds changements et bou-


site archéologique de Volubilis, la médina d’Es- leversements au cours du XXe siècle.
saouira, la place Jama’ Al Fna, la cité portugaise MA-DU MDUA691
de Mazagan.
CA C13226

EL ASSAL Khalid ; EL BASRI Jawad ; MALTI Hicham


U

Médina d’Essaouira : études architecturales


Maroc. Ministère de l’Aménagement du territoire, et plan de sauvegarde
de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement. Rabat, direction de l’Architecture, 1999.
IA

Direction de l’architecture Le Maroc a toujours accordé une attention par-


Place Jama’ Al Fna. Patrimoine oral et immatériel ticulière à son patrimoine architectural, urbain
de l’humanité et environnemental, en assurant la pérennité
Rabat, direction de l’Architecture, 2001. de son héritage culturel et civilisationnel. Cet
La place Jama’ Al Fna est un chef d’œuvre du ouvrage présente le projet de sauvegarde de la
patrimoine oral et immatériel de l’humanité médina d’Essaouira.
classé par l’Unesco. Elle abrite une multitude CA C13204
d’activités et d’attractions. Elle suscite des
mythes et des secrets, provoque la fascination
ou la séduction, le rejet ou l’effroi. Elle inspire
de nombreux conteurs, poètes, voyageurs, écri-
vains, photographes, etc. Cet ouvrage cherche à
recueillir un maximum de ces écrits.
CA C13203
Crédits photographiques p. 171
S. Castano/IAU îdF
B. Etteinger
Salima Naji
M.-A. Portier/IAU îdF
V. Said/IAU îdF
P. Zeiger/IAU îdF
G. Zunino/IAU îdF

176
Le site internet
de l’IAU île-de-France

www.iau-idf.fr

ce
an
Fr
e-
-d
île
U
IA

La newsletter : inscrivez-vous, restez informés et devenez privilégiés.


Derniers Cahiers parus
n° 153 n° 152 n° 151

ce
an
Le Bassin parisien, Composer avec Stratégies métropolitaines
une méga-région ? l’environnement juin 2009
février 2010
France : 18 €
Étranger : 20 €
octobre 2009
France : 18 €
Étranger : 20 €
Fr France : 18 €
Étranger : 20 €
e-
n° 150 n° 149 n° 148
-d
île
U
IA

Vers une mobilité durable Envies de villes Les solidarités territoriales


en Europe décembre 2008 septembre 2008
France : 18 € France : 18 €
mars 2009 Étranger : 20 € Étranger : 20 €
France : 30 €
Étranger : 32 €

En vente à l’IAU île-de-France


15, rue Falguière, 75740, Paris Cedex 15 - Tél. : 01 77 49 79 38

Das könnte Ihnen auch gefallen