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La maîtrise de la fissuration
au jeune âge: condition de durabilité
des ouvrages en béton
Résumé
Maîtriser la fissuration au jeune âge du béton est un problème industriel pour les
structures massives, celles pour lesquelles les déformations sont gênées, celles
qui présentent des variations importantes d'épaisseurs et celles à grandes surfa-
ces libres. Avant la prise, il convient de limiter le ressuage trop important et d'évi-
ter le retrait plastique. Après prise, les effets du retrait endogène et de la
température (gradients, retrait thermique) doivent être pris en compte. Compte
tenu du caractère exothermique et thermoactivé de la réaction d'hydratation du
ciment, les élévations de température peuvent en effet être très importantes. La
prédiction de ces élévations de température est possible si le problème industriel
le justifie.
Mots-clés
JEUNE ÂGE, FISSURATION, RETRAIT PLASTIQUE, RESSUAGE, AUTODESSICCATION,
CHALEUR D'HYDRATATION, RETRAIT ENDOGÈNE, RETRAIT THERMIQUE.
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La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
Ces règles de l’art, cependant, sont anciennes, elles n’ont pas été fixées sur des
bases scientifiques (en tout cas, pas sur les connaissances dont on dispose
aujourd’hui), mais sur des bases empiriques, sur l’observation et sur l’expérience.
Pour les ouvrages courants, elles sont tout à fait efficaces. Mais l’ingénieur ne
construit pas seulement des ouvrages courants: de nouvelles applications appa-
raissent, la taille des constructions est toujours plus grande, la gamme des perfor-
mances et des formulations du matériau ne cesse de s’élargir, et on ne peut pas
toujours s’appuyer sur les seules règles de l’art. Il est alors essentiel de bien con-
naître leurs limites et, surtout, de savoir utiliser les connaissances scientifiques et
les outils de simulation qu’offre l’ingénierie moderne. Pour chaque nouvelle ap-
plication, l’ingénieur doit se poser la question de ces effets et, le cas échéant, en
refaire l’analyse quantitative.
Maîtriser la fissuration au jeune âge du béton est un problème industriel pour
les structures massives, celles dans lesquelles les déformations sont gênées, celles
qui présentent des variations importantes d’épaisseurs et celles à grandes surfa-
ces libres.
Quatre configurations sont particulièrement critiques, et sortent du domaine cou-
vert par les règles de l’art :
• celles des pièces massives, dans lesquelles la chaleur d’hydratation du ciment
conduit à des élévations de température qui peuvent atteindre, à cœur, 50 °C, ce
qui entraîne, en surface, des contraintes de traction qui vont largement dépasser
au cours du refroidissement la résistance en traction du matériau; c’est pourquoi,
quel que soit leur ferraillage, ces pièces sont toujours fissurées en surface;
• celles des pièces encastrées ou à déformation fortement gênée (chaussées et
dallages de grandes dimensions, glissière en béton armé, cf. figure 6.1, chapes
adhérentes, enduits, reprise de bétonnage sur un voile, sur une semelle continue,
sur un radier, sur des pieux bloqués par des chevêtres, dans une pile de pont, dans
un revêtement de tunnel, cf. figure 6.2…), dans laquelle la contrainte de traction
qui équilibre la somme des retraits s’ajoute aux autocontraintes de surface;
• celles des pièces ayant des parties d’épaisseurs très différentes (caissons à âme
épaisse, poutres à talon, à blochet… cf. figure 6.3) soit parce que ces différentes
parties montent à des températures différentes, soit, quand les pièces subissent
un traitement thermique, parce que les zones de moindre épaisseur refroidissent
plus vite que les autres et se trouvent alors dans la configuration des pièces
encastrées, décrite au point précédent;
• celles des pièces à grande surface libre (dalles flottantes, poutres à table de
compression, voussoirs…) dont la face supérieure n’est pas ou est insuffisam-
ment curée (dans ce cas, cependant, les fissures de dessiccation n’apparaissent
que par temps sec et vent frisant; on peut dire que, dans ces conditions, ne pas
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
faire de cure, c’est jouer aux dés avec la météo…) ; ces désordres sont spécifi-
ques aux bétons riches en fines, ce qui est systématiquement le cas des bétons à
hautes performances (BHP) et des bétons autonivelants (BAP) ; ces désordres ne
sont pas traités dans cet ouvrage, car la solution est bien connue, et elle est
simple: il s’agit de la cure (cf. figures 6.4 et 6.5).
Figure 6.1 : fissuration par retrait gêné d'une glissière en béton armé. La fissuration est
traversante et conduit souvent à une rupture des aciers (photo J.-M.Torrenti)
Figure 6.2 : fssuration des revêtements de tunnel en béton non armé par retrait gêné.
L'existence de cette fissuration est traversante et rend le revêtement non étanche,
ce qui conduit à la mise en place d'une étanchéité à l'intrados (photo J.-M.Torrenti).
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La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
Figure 6.3 : vue d'un voussoir. Les différences d'épaisseurs entraînent des retraits
thermiques différentiels et des variations locales des caractéristiques mécaniques qui
vont modifier la diffusion de la précontrainte (photo Eiffage).
Figure 6.4 : exemple de cure à l'eau du tablier d'un pont (photo Eiffage).
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Figure 6.5 : exemple de cure de piles. Une jupe, accrochée au coffrage grimpant, permet
de protéger du vent, du soleil et du froid le béton pendant 3 levées dans cet exemple, soit
ici 9 jours (photo Eiffage).
Les contraintes de traction qui se développent dans les trois premières configura-
tions peuvent dépasser, selon la géométrie du produit fini et, surtout, selon les
conditions d’encastrement, celles qui sont dues au chargement mécanique classi-
que (poids propre et charges de service). Si elles ne sont pas prises en compte et
traitées de manière correcte par l’ingénieur, elles conduisent alors toujours à une
fissuration du matériau.
Concernant la fissuration, le seul paramètre qui compte, à l’usage, c’est l’ouver-
ture des fissures, pour des raisons esthétiques parfois, mais surtout pour des rai-
sons de durabilité de l’ouvrage. On sait aujourd’hui que, sauf peut-être en cas
d’immersion permanente, la peau d’un béton est toujours fissurée, simplement
cette fissuration est le plus souvent invisible (lorsque son ouverture est inférieure
à 20 μm, pouvoir de résolution de l’œil humain, la fissure ne se voit pas). Mais on
sait aussi, à la fois par nos connaissances scientifiques sur la corrosion et par l’ex-
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La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
périence (un siècle de recul sur la pérennité des ouvrages en béton armé), qu’une
fissure de faible ouverture est sans conséquence sur la durabilité de l'ouvrage. En
effet, en dessous d’une certaine ouverture (de l’ordre de 0,3 mm) les forces de ten-
sion superficielle sont supérieures aux forces de gravitation et empêchent tout
mouvement d’eau en phase liquide, si bien que l’eau qui peut y pénétrer (soit par
absorption capillaire de l’eau qui peut ruisseler en surface, soit par condensation
de l’humidité de l’air ambiant), et qui va alors dissoudre certains ions, ne peut en
ressortir que par évaporation et, par conséquent, sans aucun départ d’ions (il y a
tout au plus un déplacement vers le cœur de la pièce, car l’évaporation s’accom-
pagne d’une augmentation locale de la concentration), et surtout aucun départ de
la chaux qui assure le maintien d’un pH élevé, clé de la protection des aciers con-
tre toute corrosion. C’est la raison pour laquelle les méthodes de calcul du béton
armé n’ont pas fondamentalement changé depuis l’édition des tout premiers rè-
glements, car les coefficients qui entrent dans les formules de calcul ont été fixés,
in fine, sur la base des observations expérimentales, et ces formules sont très pro-
ches des formules actuelles qui se fondent sur un critère d’ouverture maximale de
fissure. C’est aussi une des raisons de l’exceptionnel succès, d’une part, du maté-
riau de construction qu’est le béton armé, et, d’autre part, des principes qui sont à
la base de sa méthode de calcul, principes qui ont été élaborés au début du
XXe siècle et qui sont toujours valables.
Si le calcul d'une structure en béton armé est, fondamentalement, lié au contrôle
de l’ouverture des fissures par les armatures (par celles qui constituent le ferrailla-
ge passif), il faut bien comprendre, par contre, que la fissuration dont on parle
dans ce chapitre, la fissuration due aux gradients de température ou de séchage,
est du type « déformation empêchée », et que cette fissuration ne mobilise pas les
armatures de la même manière que les sollicitations dues au chargement extérieur,
pour lesquelles la structure a été dimensionnée, pour lesquelles son ferraillage a
été conçu, dessiné, calculé et vérifié. On peut dire que la fissuration par retrait em-
pêché mobilise les aciers du béton armé de manière indirecte, en tout cas avec un
rendement mécanique nettement plus faible.
Dans la fissuration par retrait empêché, notamment, les caractéristiques de la
liaison acier-béton ne constituent plus le paramètre premier qui contrôle le pas de
fissuration (i.e. la distance moyenne entre deux fissures consécutives). Ceux qui
contrôlent in fine l’ouverture des fissures sont la géométrie locale (l’épaisseur de
la zone, notamment) et le gradient local de retrait (via le gradient de température
ou le gradient de teneur en eau, gradients qui sont toujours maximaux en surface).
Heureusement, la compréhension de ces mécanismes est aujourd’hui très avan-
cée, elle va jusqu’à la possibilité de simuler numériquement les champs de défor-
mation et de contrainte, ce qui a permis d’améliorer l’efficacité des moyens de
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1. Ce phénomène ne doit pas être confondu avec la ségrégation, phénomène au cours duquel les
grains ont un mouvement relatif entre eux. Ce phénomène dépend de la granulométrie et des condi-
tions de mise en place du béton [NEV 2000].
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La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
Ce retrait est dû aux tensions capillaires, de même que le retrait d’autodessiccation (cf.
chapitre 5), à la différence près que, dans le cas présent, il ne s’agit plus d’une dessic-
cation au sein du matériau (autodessiccation), mais d’un séchage avec départ d’eau
vers l’extérieur. Le retrait plastique est donc principalement limité à la surface du bé-
ton (quelques centimètres sur un béton HP, 10 à 20 cm dans un béton ordinaire), con-
trairement au retrait d’autodessiccation qui se manifeste dans l’ensemble de la pièce.
Le retrait plastique dépend largement des conditions climatiques et notamment de
la vitesse de dessiccation au niveau des surfaces non coffrées de l’ouvrage. Ainsi,
par exemple, un béton mis en œuvre suivant des procédures adéquates, un jour où
la vitesse du vent est relativement faible, ne sera pas ou peu affecté par ce phéno-
mène. En revanche, la couche d’eau à la surface du béton s’évaporera rapidement
par vent fort, et la déformation pourra commencer à se manifester quelques minutes
après sa mise en place. Des abaques, établis par l’ACI [ACI 99] et basés sur des
données thermodynamiques et expérimentales, permettent d’estimer le taux d’éva-
poration de l’eau à la surface du béton en fonction de la température et de l’humidité
relative de l’air, de la vitesse du vent et de la température du béton (figure 6.6).
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Figure 6.6 : abaque permettant d'estimer la perte en eau du béton jeune sans protection
à partir des données climatiques ambiantes. Au-delà de 1 kg/m2/h la cure est
indispensable. En deçà elle reste conseillée [ACI 99].
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Figure 6.7 : retrait plastique d'un béton à bas E/C sur un tablier de pont
(photo J.-M.Torrenti).
La dessiccation peut parfois être aggravée par la succion de l’eau par le coffrage,
si celui-ci est poreux et absorbant, et s’il n’a pas été humidifié avant que le béton
soit coulé. Des coffrages non absorbants constituent une protection efficace con-
tre cet effet.
b) la pièce est fine. Ce type de retrait se manifeste essentiellement sur des pièces
qui présentent de grandes surfaces d’évaporation par rapport à leur volume (en-
duit, revêtement routier, dalle), donc des pièces fines, où il peut alors engendrer
une fissuration importante. Sur des surfaces horizontales larges, les fissures cons-
tituent en général un maillage, dont la maille varie de quelques centimètres à quel-
ques décimètres. À la surface des pièces verticales (voiles, poutres, longrines)
elles constituent un réseau de fissures transversales parallèles. Ces fissures n’ap-
paraissent que si les déformations sont empêchées soit par une partie de la pièce
(plus massive ou plus ancienne), soit par des conditions aux limites (cas des revê-
tements routiers ou des enduits de façade), ou si la géométrie de la pièce et sa taille
peuvent conduire à la localisation de l’endommagement en une ou plusieurs fis-
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sures principales. Ces fissures n’apparaissent pas dans une chape désolidarisée,
par exemple.
Dans des pièces plus épaisses (radier, chevêtre, semelle épaisse, tête de pieu), la
profondeur de la zone affectée par la dessiccation, et donc par le retrait, est très
faible. Par conséquent, la fissuration est peu profonde. Elle est également peu
ouverte.
c) la prise est lente et la rétention de l’eau de gâchage est mauvaise. Une tempé-
rature ambiante basse, des constituants secondaires (laitiers, cendres volantes…),
un excès d’eau de gâchage, ou encore l’utilisation d’adjuvants ayant un effet re-
tardateur, allongent la période de prise et ainsi accentuent le retrait plastique.
2.2.2. Moyens de prévention
Ce type de fissuration peut être évité :
– en assurant une cure efficace, c’est-à-dire en humidifiant la surface du béton,
en projetant un produit de cure efficace ou, encore, en recouvrant la surface du
béton d’une feuille de polyane, et ce le plus tôt possible après la mise en place du
béton;
– en fermant les ouvertures si le béton est coulé en intérieur ;
– en érigeant temporairement des paravents et des pare-soleil pour réduire res-
pectivement la vitesse du vent et la température à la surface du béton frais;
– en humidifiant les coffrages ou en utilisant des coffrages non absorbants;
– en évitant les trop forts écarts entre la température du béton et la température
de l’air ambiant.
Une technique nouvelle pour maîtriser la fissuration par retrait plastique consiste
à utiliser des fibres de polypropylène. Ces fibres (résistance à la traction de
600 MPa, module d’Young de 3,5 GPa) sont utilisées pour cette application en
faible proportion (de l’ordre de 0,1 à 0,5 % en volume). Elles réduisent l’ouvra-
bilité des bétons, mais la mise en place sous vibration peut s'effectuer normale-
ment [ALT 88]. Ces fibres réduisent le retrait dans des proportions qui ne sont pas
très importantes, tout au plus 10 % [HAN 78], mais elles diminuent considérable-
ment la fissuration qui est associée au retrait plastique. Le mécanisme est encore
mal compris, mais de nombreux essais de retrait empêché ont montré que les fi-
bres de polypropylène à la fois retardent l’apparition des fissures, mais aussi di-
minuent (jusque dans un rapport 10) l’ouverture de ces fissures [GRZ 90],
[KRA 85]. Ce dernier point, qui permet un contrôle de l’ouverture des fissures,
est particulièrement intéressant en ce qui concerne la durabilité. Ainsi, dans des
conditions climatiques sévères (température de 40 à 46 °C en surface avec une vi-
tesse de vent de 16 à 24 km/h) des échantillons possédant 0,2 % de fibres n’ont
présenté aucune fissure visible, alors que les échantillons non armés présentaient,
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béton ordinaire
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(E/C = 0,42) 2,16
béton à hautes performances
Clinker
0 Degré d'hydratation 1
Figure 6.8 : évolution des volumes relatifs (cumulés) du ciment, des hydrates, de l'eau
évaporable et de l'air au cours de l’hydratation, en fonction du taux de ciment consommé,
pour trois valeurs types du rapport E/C initial : en-dessous de 0,42, l'hydratation s'arrête
par épuisement de l'eau disponible, et les tensions dans la phase liquide génèrent un
retrait; dans un BFUP, l'hydratation et l’autodessiccation s'arrêtent très tôt.
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leur d’hydratation et à fort retrait endogène. Il ne faut pas confondre cette cause de
fissuration avec le mécanisme de formation différée d’ettringite (cf. chapitre 11).
4.2. Cas des bétons traités thermiquement
Les traitements thermiques sont aujourd’hui soigneusement contrôlés, car ils pré-
sentent un risque particulier: lorsque l’apport de chaleur coïncide avec la fin de la
période dormante et que la montée en température est rapide, il y a un effet de cou-
plage entre l’apport extérieur d’énergie calorifique et la chaleur d’hydratation,
couplage qui peut conduire, au cœur de la pièce, à des élévations de température
largement supérieures à la température programmée. Contrairement au cas des
bétons de masse, c’est dans les ouvrages de faible épaisseur (plus petite dimen-
sion inférieure à 15 cm, ce qui est fréquent en préfabrication) que ce risque est le
plus élevé. Dans des petits éléments préfabriqués traités à la vapeur juste avant ou
au tout début de la prise, et chauffés en une heure à 80 °C par exemple, on a me-
suré des températures à cœur supérieures à 90 °C [ACK 86].
4.3. Facteurs aggravants
Dans le cas des bétons non traités thermiquement, les principaux facteurs aggra-
vants sont les suivants.
L’augmentation de la taille des pièces en béton
Inexistantes en deçà de 50 cm d’épaisseur dans le cas de bétons non traités ther-
miquement, les fissures d’origine thermique sont pratiquement inévitables lors-
que l’épaisseur du béton est supérieure à 80 cm. Elles peuvent même apparaître
dans des ouvrages d’épaisseur plus modeste (dès 20 cm) lorsqu’une face est isolée
thermiquement, si l’ouvrage est soumis à des conditions aux limites de déplace-
ment empêché. L’expérience acquise sur les chantiers montre clairement que, dès
qu’il existe une zone de béton dont la distance à la plus proche surface refroidie
dépasse 50 cm, la température du béton peut s’y élever de 30 à 50 °C. Il est alors
indispensable de traiter les coffrages si l’on veut éviter une fissuration intense et
ouverte au cours du refroidissement, par exemple avec un flocage ou une isolation
thermique dans les zones moins épaisses, pour diminuer les écarts de température
entre zones.
Un dosage élevé en ciment et l’utilisation de ciment réactif
Ceci est caractéristique des bétons de hautes performances qui montrent souvent
des chaleurs d’hydratation plus élevées, mais aussi et surtout des cinétiques d’hy-
dratation plus rapides que celles des bétons classiques. Des observations sur chan-
tiers où sont mis en œuvre ces types de béton montrent que l’on peut avoir, avec
des bétons HP, des effets thermiques non négligeables, même pour des épaisseurs
inférieures à 30 cm.
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1. Le fait que l’on utilise un ciment à faible chaleur d’hydratation ne garantit pas que l’élévation de
température dans le béton soit modérée, les autres facteurs comme le dosage en ciment étant évi-
demment aussi importants.
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1. Un couplage existe: les dissipations mécaniques se font en partie sous forme thermique. Cet
apport est toutefois négligeable devant l’apport dû aux réactions chimiques.
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d’autre part, des calculs sur structures montrent qu’en faisant varier ces paramè-
tres, cela n’entraîne que des différences marginales sur les températures calcu-
lées. On peut donc garder constante la valeur de la conductivité thermique (autour
de 2 W/m/K).
Il est cependant un paramètre à considérer dans le calcul de la conductivité ther-
mique, c’est le pourcentage d’armatures. En effet, l’acier est beaucoup plus con-
ducteur que le béton et, dans les structures très ferraillées, il importe d’en tenir
compte (k peut atteindre jusqu’à 3 W/m/K [ACK 90]).
La capacité calorifique ρc
Elle est égale au produit de la masse volumique par la capacité thermique massi-
que du béton. Elle dépend donc de la composition du béton et, notamment, du
type de granulats, mais aussi de la teneur en eau, du degré d’avancement de la
réaction d’hydratation, de la température [WAL 00].
Pour les besoins de la pratique, on peut la considérer constante, égale à 2,4 J/cm3/°C,
ou bien la calculer à partir de la composition du béton. Le tableau 6.1 rassemble les
capacités thermiques massiques de chaque composant, issues de différentes sources.
Tableau 6.1 : capacités thermiques massiques des composants du béton (J/°C/g)
[WAL 2000].
La chaleur d'hydratation
Il faut ici s’intéresser à deux aspects du problème: la quantité finale Q(∞) de cha-
leur dégagée et Q· ( t ) qui donne la cinétique de dégagement de chaleur.
La quantité finale dépend de nombreux facteurs. Les principaux sont :
– la composition du clinker. Tous les constituants du ciment n’apportent pas la
même contribution en termes de dégagement de chaleur. On notera l’influence
du C3A et du C3S (tableau 6.2). En général, ce dernier étant prépondérant dans
les ciments, la chaleur d’hydratation en sera largement dépendante.
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La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
– les ajouts. Lorsque l’on remplace une partie du clinker par des fillers inertes,
une cendre volante, des fumées de silice, etc., la chaleur finale en est modifiée.
La valeur de Q(∞) doit alors être estimée en tenant compte des différentes réac-
tions, qui de plus peuvent être couplées [SCH 92, WAL 00] ;
– la composition du béton, le dosage en ciment et le rapport E/C, notamment. La
chaleur dégagée dépend évidemment du dosage en ciment. Dans le cas des
bétons à faible E/C, l’hydratation peut être incomplète, ce qui réduira la quantité
de chaleur dégagée;
– le pourcentage d’armatures. Pour des pièces très ferraillées, la quantité de cha-
leur dégagée peut être réduite de manière significative.
La cinétique de réaction est, quant à elle, fonction :
– de la composition du clinker: tous les composants ne réagissent pas à la même
vitesse. On notera cependant que C3S et C3A qui réagissent le plus rapidement
sont également les hydrates dont la réaction dégage le plus de chaleur [COP 60];
– de la surface spécifique du ciment. Plus cette surface est importante plus le
ciment sera réactif;
– des ajouts. Les réactions pouzzolaniques sont plus lentes que l’hydratation du
ciment. On a donc une modification de la cinétique de dégagement de chaleur;
– des adjuvants. Sans parler des accélérateurs et retardateurs de prise, les fluidi-
fiants, par exemple, ont un effet d’écran vis-à-vis de l’hydratation du ciment
[BUI 84];
– de la quantité de chaleur déjà dégagée Q(t) et de la température absolue T(t).
Cette dépendance s’exprime au moyen de la loi d’Arrhénius qui traduit le carac-
tère thermoactivé de la réaction [REG 80, BYF 80]:
Ea ⎞
Q· ( t ) = f ( Q ( t ) ) exp ⎛ – -------------
- (2)
⎝ RT ( t )⎠
où Ea est l’énergie d'activation de la réaction et R la constante des gaz parfaits.
Cette loi est fondamentale dans la modélisation du béton au jeune âge. Elle a deux
conséquences. La première est que le paramètre Q ne peut pas être éliminé entre
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. On parle ici d’un degré d’hydratation alors qu’il y a en fait plusieurs réactions liées à chaque
espèce anhydre; l'expérience montre toutefois que cette simplification n'est pas outrancière, sauf
dans le cas des ciments avec ajouts pouzzolaniques.
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La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
teindre, à 20 °C, son état actuel (mesuré par exemple par le degré d’hydratation
ξ = Q(t)/Q(∞) ):
t Ea Ea
te = ∫ exp ⎛ – -------------- -⎞ dτ
- + ----------------------------- (3)
0
⎝ RT ( τ ) R ( 273 + 20 )⎠
Suivant ce concept, on peut, à partir d’une courbe maîtresse (relation résistance-
temps équivalent) prévoir les résistances au jeune âge du béton [BYF 80,
CAR 83, TOR 92, DAL 93]. C'est ce principe qui est utilisé sur chantier dans les
maturomètres pour prédire les résistances à court terme [CHA 96].
Dans la loi d’Arrhénius le paramètre fondamental est l’énergie d’activation Ea. Il
a été mis en évidence aussi bien expérimentalement que par modélisation et simu-
lations, que Ea dépend d'abord du ciment [BRE 82, DAL 02], puis de l’adjuvan-
tation, de la température, de l’avancement de la réaction d’hydratation [BRE 82,
DAL 93], de la durée de la période dormante (notamment si elle très longue)
[DAL 04].
Comme ce paramètre est absolument fondamental dans la prévision de la résistan-
ce, des efforts particuliers ont été faits pour sa détermination. Les travaux de
[DAL 04] ont permis de définir une méthode de détermination de Ea. Ce paramè-
tre peut être également déterminé sur MBE (mortier de béton équivalent) à l’aide
de calorimètres Langavant [DAL 98]. Enfin, une réflexion collective a également
abouti à des recommandations applicables aux chantiers utilisant la méthode
[DAL 04]. Ces recommandations portent sur: la régularité de la fabrication, le
choix des points de mesures de la température dans l’ouvrage, le choix de l’ins-
trumentation, l’étalonnage au laboratoire et sur chantier, et la mise en place de
contrôles de conformité. Plus récemment, des travaux ont été conduits afin d’étu-
dier l’influence de la maturité au décoffrage sur la qualité des parements en béton
et la durabilité du béton de peau [NAC 02].
Le problème thermique fait également intervenir des conditions aux limites. En
général, celles-ci s'expriment comme un flux de chaleur à travers les surfaces
d’échanges:
Q = – λ ( T s – T ext ) (4)
où Ts est la température de surface et Text la température du milieu ambiant. Le
coefficient λ modélise globalement le processus d'échange avec le milieu exté-
rieur, en caractérisant la plus ou moins grande isolation du béton en fonction du
type de coffrage choisi (bois, métal, bâche isolante, surface libre) et des données
climatiques (surface ventilée ou abritée) [LAP 82]. λ peut ainsi varier de 0,5 à
6 W/m2/K [ACK 88]. Pour des structures très élancées (comme les dalles de pont
par exemple), une estimation correcte de la valeur des coefficients d'échange est
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
5. CONCLUSION
La fissuration la plus pénalisante pour la durabilité des ouvrages en béton est la
fissuration précoce. Elle donne, en effet, des fissurations ouvertes. Elle est, en
pratique, toujours évitable. Voici cinq précautions élémentaires pour prévenir
presque toutes les fissurations précoces (il faut noter que les quatre premières re-
lèvent des règles de l’art qui devraient être toujours appliquées):
– composer le béton de manière à ce que son dosage en éléments fins (ciment
compris) soit optimal (mélange à porosité minimale), et choisir la dimension du
plus gros granulat compatible avec la dimension du coffrage et l’encombrement
de l’armature. On réduit ainsi le risque de fissures par tassement du béton frais et
on assure une rétention correcte de l’eau de gâchage;
– appliquer une brumisation ou choisir un produit de cure efficace; l’appliquer
correctement et en temps voulu au dosage recommandé. On réduit et parfois
même on supprime ainsi le risque de fissuration plastique;
– veiller à la régularité des approvisionnements et de toutes les opérations de la
chaîne de mise en œuvre;
– prendre en compte, dès la conception de l’ouvrage, le risque de retrait thermi-
que après prise dans le cas des ouvrages de masse;
– s’affranchir du risque de retrait thermique dans le cas d’ouvrages traités ther-
miquement en soignant le procédé de préfabrication et, notamment, la durée de
1. Il peut exister un écart très important entre la valeur théorique d’un coefficient d’échange et sa
valeur réelle, notamment à cause de la mise en œuvre sur chantier: du polystyrène maintenu par
des poutres métalliques tous les 20 cm ne pourra pas être aussi isolant que prévu…
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La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
Bibliographie
[ACK 86] ACKER P. – « Effets thermiques dans les bétons en cours de fabrication et ap-
plications aux ouvrages d’art : de nouveaux outils, pour une optimisation simultanée
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