Sie sind auf Seite 1von 4

La prise illégale d’intérêt :

Rester au-dessus de tout soupçon !

Puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, le délit de prise illégale d’intérêts
(anciennement appelé délit d’ingérence) est une infraction particulièrement grave en ce qu’elle témoigne
d’un manquement au devoir de probité. Pas si simple. D’où les interrogations d’une secrétaire de mairie,
sociétaire de la SMACL.

Employée par une structure intercommunale, Mme T. est mise à la disposition de plusieurs communes depuis
bientôt 15 ans. A l’occasion d’une réorganisation, elle souhaite travailler à temps plein sur la commune centre qui
l’emploie déjà à 80 %. Seule question qui taraude notre sociétaire : aux dernières élections municipales, son
beau-frère a été élu maire de ladite commune.

Cette élection est-elle susceptible de remettre en cause ses perspectives de carrière, voire même son emploi
actuel au sein de cette commune ?

Il est vrai que, dans sa volonté légitime de lutter contre des pratiques peu recommandables, le législateur a
ratissé large au risque de mettre malveillance et bonne foi dans le même sac... au grand dam de Mme T. dont le
sens de l’intérêt général devra aller jusqu’à mettre son mouchoir sur son plan de carrière !

Où commence la prise illégale d’intérêts ?


La philosophie générale du délit de prise illégale d’intérêts (article 432-12 du Code pénal) est de réprimer
toute collusion réelle, apparente ou même supposée d’un intérêt public avec un intérêt privé. Comme le
relève Me Régis de Castelneau (Gazette des communes du 7 février 2000), la décision publique doit être
“chimiquement pure et ne souffrir aucun soupçon de pollution par un intérêt privé”.

Dès lors, peu importe que l’élu ou le fonctionnaire concerné ait retiré ou non un avantage personnel. Et il
n’importe pas davantage que la collectivité ait ou non été effectivement lésée.
La rédaction de l’article 432-12 du Code pénal est très large, s’agissant de réprimer la prise d’un “intérêt
quelconque”. Autant dire qu’il n’y aucune limite textuelle quant à la nature et à l’intensité de l’intérêt en cause. De
fait, la Cour de cassation considère qu’un intérêt moral ou un intérêt indirect, par interposition de
personne, suffit à caractériser le délit.

A ainsi été condamné l’élu, président d’une Chambre de commerce et d’industrie, qui avait accordé une
concession du domaine public à une entreprise dans laquelle son gendre exerçait des fonctions de directeur
technique (Cass crim 5 novembre 1998, bull 289).

Dans un autre arrêt rendu la même année (Cass. Crim 22 septembre 1998), la Cour
de cassation a condamné l’élu qui avait obtenu la signature par le président de son
assemblée territoriale de deux contrats de travail en faveur de son épouse et de sa
sœur. Le fait qu’il s’agissait en l’espèce d’emplois fictifs n’a certes pas incité les
juges à la clémence mais l’on peut penser que le délit aurait été caractérisé même
sans cette circonstance aggravante.

Une incrimination tous azimuts


Est-ce que, dans l’exemple de Mme T., le lien de parenté entre la secrétaire de mairie et l’élu est suffisant
pour entacher d’illégalité le recrutement envisagé ? Qu’en serait-il si le maire était un lointain cousin de
notre sociétaire ?

Il n’existe aucune certitude sur le sujet. Tout est en effet question d’appréciation au cas par cas par le juge. Ainsi,
le très officiel Rapport de la Cour de cassation de l’année 1999 reconnaît une incrimination tous azimuts : du
conjoint au gendre en passant

par le concubin de l’enfant (situation soumise au tribunal correctionnel de Draguignan, qui, par jugement du 22
décembre 1997, a retenu le délit), jusqu’à l’ami ou la... “connaissance”, de sorte que “la situation délictueuse
s'arrête là où le soupçon n'a plus cours et qu'il appartiendra aux juges du fond de faire le partage, dans cette
dernière hypothèse, entre les cas où la décision publique ne peut être soupçonnée de partialité et ceux où elle
peut l'être. Il s'agit d'une question de fait*.”
La reconnaissance d’une telle subjectivité n’est pas forcément rassurante. En l’espèce, Mme T. redoute à juste
titre que son recrutement à temps plein soit suspecté de partialité par un collègue de travail jaloux, un candidat
évincé du poste, un contribuable de la commune ou un élu d’opposition à l’affût (voir “Qui peut porter plainte ?”).
Le simple fait qu’elle-même se soit interrogée sur la légalité de son projet professionnel n’atteste-t-il pas d’un
possible soupçon ?

* Autrement dit, la Cour de cassation est juge du droit et non du fait : elle n’exercera donc aucun contrôle sur
cette appréciation.

Pas d’exonération par l’antériorité


Mme T. a été recrutée par voie de concours avant que son beau-frère ne soit élu maire. Cette
circonstance serait-elle de nature à écarter la mise en jeu de sa responsabilité ? Rien n’en moins sûr…
En témoignent trois récentes questions parlementaires* : un maire nouvellement élu peut-il renouveler
sans commettre une prise illégale d’intérêts le contrat de sa fille qui avant son élection était employée en
CDD par la commune comme femme de ménage ?

Les trois réponses** sont concordantes sur le fond : “Lorsqu’un agent appartenant à la famille de l’autorité
territoriale est recruté sans concours, un tel recrutement peut-être constitutif d’une prise illégale d’intérêts si l’élu
concerné est l’exécutif de la collectivité au jour où intervient la décision, qu’il s’agisse d’un recrutement initial ou
d’un renouvellement de contrat, même dans des conditions similaires de durée et de rémunération.” Quels
enseignements en tirer dans la problématique de notre sociétaire ?

On peut penser qu’un fonctionnaire en poste a droit au maintien de son emploi quand bien même l’un de ses
proches serait élu maire. En effet, il n’y a pas de nouveau contrat de travail et le maire hérite des fonctionnaires
en place que ce soit avec ou contre sa volonté (sauf pour les emplois fonctionnels où par voie de conséquence le
délit de prise illégale d’intérêts pourrait être plus facilement caractérisé).

On peut s’appuyer ici sur un arrêt de la Cour de cassation rendu le 5 juillet 1995 dans un domaine différent
(Cass. Crim 5 juillet 1995, 94-84729) : est relaxé le président d’une société d’équipement d’une collectivité
territoriale pour la vente d’un terrain à une société dirigée par son fils, dans la mesure où la décision de vendre
avait été prise avant qu’il n’entre en fonction même si l’acte de vente a été signé au cours de son mandat.

On remarquera cependant qu’à la différence d’une vente, le contrat de travail emporte des conséquences à long
terme. En effet, le rapport hiérarchique en lui-même est source potentielle de conflits d’intérêts : la secrétaire de
mairie ne sera-t-elle pas suspectée de bénéficier d’un traitement de faveur pour toute décision prise par le maire
la concernant (formation, aménagement du temps de travail, absences...) ?

Ainsi donc si l’on suit une logique répressive jusqu’au-boutiste on peut se demander s’il n’aurait pas fallu que la
secrétaire de mairie demande sa mutation dès l’élection de son beau-frère au poste de maire ! La situation de
Mme T. est en effet d’autant plus inconfortable qu’il y aura un nouveau contrat de travail laissant ainsi une place
plus grande à la volonté du maire et, par là, au soupçon d’ingérence.

* Réponses à la question n°66515 de M. Denis Jacquart publiée au JO de l’Assemblée nationale du 11 février


2002 ; à la question n°01206 de M. Jean-Louis Masson publiée au JO Sénat du 25 12 2002 ; à la question n°456
de Mme Marie-Jo Zimmermann publiée au JO de l’Assemblée nationale du 5 mai 2003.

** Les réponses aux questions parlementaires n’ont aucune valeur devant les tribunaux, d’où leurs précautions
d’usage : “Sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du fond”.

Avec ou sans concours


Contrairement à ce que laisse entendre la réponse ministérielle, le fait que notre sociétaire ait intégrée la fonction
publique territoriale par voie de concours ne devrait pas suffire à écarter la qualification de prise illégale
d’intérêts. On peut ici faire un parallèle avec les règles régissant les marchés publics : de même que la
procédure d’appel d’offres ne met pas à l’abri des poursuites pour ingérence (Cass crim 3 mai 2001, Bulletin
criminel 2001 N° 106 p. 326), l’obtention du concours n’est pas un gage d’immunité pour le recrutement d’un
proche !

La non participation du maire à la délibération n’y change rien : selon l’article L 2122-18 du Code général des
collectivités territoriales, il est en effet seul chargé de l’administration de la commune et s’il peut déléguer ses
fonctions ou sa signature (article L 2122-19 du CGCT) c’est toujours “sous sa surveillance et sous sa
responsabilité”. A moins que l’élu ne puisse démontrer qu’il rentrait dans le cadre des dérogations prévues pour
les communes de moins de 3500 habitants.

Dérogations pour les communes rurales ?


Le législateur a prévu, avec l’article 432-12 du Code pénal, un certain nombre de dérogations pour les
communes d’au plus 3500 habitants dont le maire - à condition de respecter certaines règles de forme* -
peut notamment traiter avec sa collectivité “pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers ou la
fourniture de services dans la limite d’un montant annuel fixé à 16 000 euros”.

En l’espèce, la commune comptant 1300 habitants, le maire pourrait-il invoquer cette disposition pour recruter sa
belle-sœur ? Ce serait très hasardeux dans la mesure où la jurisprudence interprète très restrictivement ces
dérogations, lesquelles ne visent pas expressément l’emploi d’un membre de la famille.
Même si, par une interprétation extensive, on considérait qu’une telle embauche rentre dans le cadre d’une
“fourniture de services”, encore faudrait-il lever deux incertitudes majeures :

Comment calculer en l’espèce le seuil de 16 000 euros ? Sur le salaire annuel (brut ou net ?) de la
secrétaire ou sur l’ensemble de la rémunération qui lui sera versée jusqu’à sa retraite ? A moins que
l’on prenne en compte la durée restant à courir du mandat !**

Ces dérogations peuvent-elles jouer au profit de proches ? Oui, s’agissant de la fourniture de services,
répond le ministère de la justice à une question parlementaire : “Sous réserve de l’appréciation
souveraine des juges du fond, il est possible de considérer que les ascendants, descendants ou
conjoints d’élus bénéficient indirectement de la dérogation de l’alinéa 2 de l’article 432-12 du Code
pénal” (Question n°335 de Denis Jacquat, JO Assemblée nationale 16 septembre).

Les précautions de langage du rédacteur de cette réponse sont sages. Ses conclusions prennent en effet
l’exacte contre-pied de l’opinion exprimée par un haut magistrat dans le Rapport de la Cour de cassation de
l’année 1999 qui pointe la situation “quelque peu paradoxale” des parents, proches et connaissances que la
dérogation ignore et sont donc “soumis à une prohibition plus sévère que celle à laquelle est astreint le maire qui
peut, lui, sous certaines conditions, être autorisé à prendre pour lui-même un intérêt patrimonial dans les affaires
qu'il surveille”.

En suivant ce raisonnement à la lettre, les communes rurales ne pourraient pas retenir une entreprise locale pour
leurs marchés publics. Sauf à ce que l’entrepreneur du cru soit le maire lui-même. Mais surtout pas une de ses
connaissances !

* En particulier, il ne doit pas participer à la délibération et le conseil municipal ne peut pas statuer à huit clos.

** Il faut préciser que ce montant s’apprécie globalement pour l’ensemble des opérations dans lequel le maire
peut-être intéressé. Ainsi, même si on retient pour le calcul de cette dérogation le montant du salaire annuel,
encore faut-il que le maire ne soit pas porté acquéreur la même année d’un bien communal ou qu’il ait confié le
marché d’assurance de la commune (comme c’est encore fréquent...) au cabinet d’un membre de sa famille :
toutes ces opérations (à supposer qu’elles puissent rentrer dans le cadre légal des dérogations) viendront
imputer d’autant le montant global des 16 000 euros annuels.

Qui peut porter plainte ?


Il est de jurisprudence constante que la collectivité est la seule victime du délit de prise illégale
d’intérêts. C’est dire qu’elle seule est habilitée à se constituer partie civile. Si l’on ne saurait envisager
que le maire porte plainte contre lui-même (à moins que, par esprit sacrificiel, il veuille à tout prix tester
l’état de la jurisprudence sur cette question !) plusieurs hypothèses peuvent être envisagées :

il est possible que le conseil municipal se désolidarise de l’action de son maire et décide d’engager une action.

on ne peut exclure que, lors des prochaines élections municipales, le maire ne soit pas réélu et que la nouvelle
équipe en place, issue de l’opposition d’aujourd’hui, décide d’engager une action contre son prédécesseur. Une
telle action est d’autant plus envisageable que ce n’est pas la date à laquelle la secrétaire de
mairie a été recrutée qui marquerait le point de départ de la prescription mais la date
du dernier salaire qui lui a été versé. Le juge pénal considère en effet qu’il y a commission d’une
nouvelle infraction (et donc un nouveau point de départ de la prescription) à chaque ordonnancement des
rémunérations mensuelles (Cass. Crim 7 mai 1998 Bulletin n° 157).

un contribuable de la commune peut, en vertu de l’article L. 2132-5 du code général des collectivités, engager “à
ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune, et
que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer ". Un conseiller municipal a par
exemple été autorisé à agir contre un maire qui avait délivré un permis de construire dérogatoire au plan
d’occupation des sols au profit d’une société dans laquelle il aurait des intérêts (Crim 27 juin 1995, n° 93-80346).

enfin, il ne faut jamais oublier que le parquet peut, même en l’absence de plainte de la victime, décider d’office
d’engager des poursuites contre les personnes qu’il suspectent d’avoir commis une infraction. Il est à ce titre
alerté par les signalements émanant d’autorités administratives, telles la Cour des comptes ou la Direction de la
concurrence et des fraudes, ainsi que par certaines... dénonciations anonymes.
Qui risque quoi ?
Dans l’espèce qui nous est soumise, c’est le maire et non la secrétaire de mairie qui serait considéré
comme auteur de la prise illégale d’intérêts. Il encourt à ce titre une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans
d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende (article 432-12 du Code pénal).

La secrétaire de mairie pour sa part pourrait être poursuivie au titre du recel pour lequel l’article 321-1 du Code
pénal établit des peines pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende !

On peut certes penser que, dans une telle affaire, le tribunal, s’il devait entrer en voie de condamnation,
prononcerait contre les prévenus des peines symboliques reconnaissant par là que leur probité n’est pas en jeu.

Pour autant, quelle que soit la peine prononcée,


la simple déclaration de culpabilité entraînerait
pour l’un et l’autre la radiation des listes électorales pour une durée de cinq ans en
vertu de l’article L 7 du Code électoral, avec à la clef un arrêté de destitution pris par le préfet contre
le maire et la perte ipso facto de la qualité de fonctionnaire pour la secrétaire de mairie et cela sans aucune
procédure disciplinaire.

Faute pour l’élu ou le fonctionnaire de se soumettre d’eux-mêmes à cette interdiction, ils se rendraient coupables
d’une nouvelle infraction : le délit d’usurpation de fonctions puni par l’article 433-12 du Code pénal de trois ans
d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende... Seule solution pour les prévenus : demander au tribunal,
comme les y autorise l’article 132-21 du Code pénal à être relevés d’une peine qui n’a pas été prononcée ! Mais
encore faut-il qu’ils aient bien été conseillés : un avocat non spécialisé pourrait en effet complètement passer à
côté de cet aspect pourtant essentiel.

Outre les sanctions pénales, le maire et la secrétaire pourraient être condamnés solidairement à indemniser sur
leur propre deniers la collectivité. En l’espèce, on peut tout à fait envisager qu’il leur soit demandé le
remboursement intégral des salaires versés ! La Cour de cassation assimile en effet la prise illégale d’intérêts à
une faute personnelle justifiant la mise à contribution personnelle des personnes condamnées. Ce qui peut se
traduire avant tout jugement par des versements de cautionnements conséquents aux fins de provisionner le
dédommagement de la victime.
Pour exemple : voir la condamnation du président d’un syndicat intercommunal à verser 45 000 euros à titre de
cautionnement : il aurait fait effectuer des travaux aux frais de la collectivité sur un terrain de camping
appartenant à sa famille (Cass crim. 26 septembre 1995 n° 95-83184).

Et l’assurance ?
On ne saurait que trop conseiller aux élus et fonctionnaires de souscrire un contrat d’assurance couvrant leur
reponsabilité personnelle (contrats sécurité élus et sécurité fonctionnaires territoriaux de la SMACL) : c’est pour
eux la garantie non seulement de voir prendre en charge tout ou partie de leur frais de défense (une attention
toute particulière doit être à ce titre portée aux barèmes d’honoraire d’avocats qui peuvent se révéler être de
véritables pièges pour les assurés1) mais également de pouvoir être orientées vers un avocat spécialisé et
expérimenté (qui ne sont pas nécessairement les plus médiatisés).

* Voir sur ce point un article publié dans la gazette des communes du 28 janvier 2002.

Le sacrifice de Mme T.
Quelles solutions pour Mme T. ? Au regard de ses compétences et de son expérience au sein de la
commune, il est tout à fait légitime et logique dans son plan de carrière qu’elle postule à ce poste... que
le juge pénal risque fort de sanctionner.

Aurait-il fallu qu’elle demande à son beau-frère de renoncer à devenir maire sur le mode de “C’est toi ou moi” ? Il
n’est même pas certain qu’un éventuel militantisme dans l’opposition suffirait à lever le délit !

Alors ? Elle peut toujours tenter le diable en croisant les doigts pour que personne ne sollicite l’appareil
judiciaire... Mais, tout bien pesé, conclut-elle, “compte-tenu du climat politique local, je ne peux prendre aucun
risque”.
La mort dans l’âme, elle a donc décidé de sacrifier l’évolution de sa carrière sur l’autel de la sécurité juridique.

“Le comble dans cette histoire”, préfère plaisanter Mme T., “c’est que mon beau-frère est plutôt content que je
renonce au poste : pour des raisons budgétaires, il préfère employer un agent moins qualifié” !

Das könnte Ihnen auch gefallen