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Un État et un espace en

recomposition : la Russie
Voici la Russie, qui était pour une bonne part l’URSS jusqu’en 1991 et dont vous savez qu’elle a été une
des deux puissances du monde bipolaire de la guerre froide. Aujourd’hui, cette phase historique est
révolue. Le système soviétique s’est effondré en peu de temps entre le 9 novembre 1989, chute du mur
de Berlin signifiant la fin de l’emprise soviétique sur l’Europe centrale et orientale et le 25 décembre
1991, où Mikhaïl Gorbatchev, dernier dirigeant de l’Union Soviétique doit constater l’incroyable : l’URSS
n’est plus qu’une coquille vide, après que les 15 Républiques qui la constituaient aient successivement
proclamé leur souveraineté et leur indépendance, y compris la République de Russie. L’URSS n’existe
plus ! Avec l’URSS, ce sont deux éléments qui se sont effondrés : un État et un système économique,
social, culturel, politique modelé par le communisme soviétique.
Un peu plus d’une quinzaine d’années après, où en est la Russie, elle qui constituait le cœur de l’État et
de l’espace soviétique et qui en fondait apparemment la puissance? C’est l’objet de ce dernier chapitre
de géographie que de chercher à répondre à cette question autour de la problématique de la recompo-
sition. Il s’agit de reconstruire un État, et derrière cette notion, une société, un système économique et
productif. Il s’agit aussi de remodeler un espace, tout à coup privé du système de gestion qui le régissait
et de territoires – celui des 14 autres républiques – avec lesquels elle formait un tout.
La recomposition apparaît sociale, économique et spatiale et la problématique vaut pour toute la Russie.
De quel poids pèse l’ancienne structure ? Quels sont les acteurs de cette nouvelle Russie ? Que sont
devenus les anciens pouvoirs ? Qui sont et où sont les nouveaux ? Qu’est-ce que la recomposition
implique dans la gestion d’un espace immense, doté de fortes contraintes (à commencer par la distance)
? Quels sont les enjeux et dynamiques actuels ?
Plus que des réponses assénées, que la situation mouvante et l’état de la documentation rendraient
fragiles, cette leçon vise à faire émerger si possible l’état des choses aujourd’hui en Russie et
à permettre de saisir les enjeux et les dynamiques actuels.
Pour ce faire, on posera d’abord les phénomènes qui sont stables ou du moins dotés d’une forte inertie ;
cela fera l’objet de la première partie. Puis on cherchera à évaluer, dans les deux champs définis par le
titre – Etat au sens large, et espace –, les éléments mouvants de la recomposition en cours, qui dépen-
dent à la fois des héritages, des éléments stables vus dans la première partie et des objectifs poursuivis
par les acteurs ; mais ceux-ci, dernière difficulté, ne sont pas nécessairement cohérents comme on le
verra, ni, de la part des autorités vraiment explicités, si ce n’est par des références à la démocratie, à
l’économie de marché et au maintien de la puissance.

A Le plus grand territoire du monde


issu de démantèlement de l’Union soviétique
Pour pouvoir travailler et raisonner efficacement sur la Russie, il faut acquérir une représentation assez
précise de son espace. Pas de meilleure méthode que de compléter une carte, en repérant les distances
(Est-Ouest / Nord-Sud), la position en latitude, la disposition des grands éléments naturels (nommer les
fleuves, les principales régions, les montagnes…), localiser et nommer les grandes villes. Vous trouverez
un fond de carte* vierge disponible pour cet indispensable travail préalable que vous pouvez mener
en représentant au fur et à mesure les éléments d’information qui vont être développés dans cette
première partie. Appuyez-vous aussi sur une carte d’atlas. À défaut, ci-dessous, la reproduction noir et
blanc d’une carte d’atlas peut vous être utile.

Séquence 10-HG00 555

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1 : AZERBAIDJAN
2 : ARMÉNIE
Océan Glacial Arctique
3 : GEORGIE
4 : TURQUIE
5 : BIÉLORUSSIE Mer de Sibérie
6 : LITUANIE
7 : LETTONIE
Orientale
8 : ESTONIE Mer de
9 : OUZBÉKISTAN
Béring
NORVÈGE
SUÈDE
Mer de Barents Mer de Laptev

FINLANDE Mer de Kara Nordvik


M

Léna
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Khatanga DE Magadan
7 V E
6 R K H O
Saint-Petersbourg Arkangelsk Ï A
Jigansk Okhotsk
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Novyi-Port

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Mer d'Okhotsk
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Ekaterinburg S O
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Volgograd Tchéliabinsk O N
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Krasnoïarsk I A
Omsk
A

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CA

Novossibirsk Tchita
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Mer Caspienne Novokouznetsk N Ï Oulan-Oude
3 ÏA
Irkoutsk
4 CHINE
A

Mer du
S

2 KAZAKHSTAN
1
Japon
1
9 MONGOLIE

En vert, les nouvelles frontières de la Russie depuis 1991 figurent approximativement. Les frontières
avec la Finlande, la Mongolie et la Chine sont inchangées.
*Fond de carte en conclusion.

 Un milieu continental entre contraintes et atouts


Appuyez-vous pour travailler cette première partie sur la carte ci-dessus et reportez progressivement
les informations sur le fond de carte ci-après.

a. Les distances
C’est un élément essentiel qu’il faut bien se représenter : 17 millions de km2, un territoire allongé en
longitude sur 11 fuseaux horaires. Lorsqu’il est midi à Saint Pétersbourg, à la porte de l’Union euro-
péenne aujourd’hui, il est déjà 23 heures sur la côte pacifique, face au Japon, à la frontière de la Corée :
9 000 kilomètres ! À peu près la distance Paris-Los Angelès. Au plus court, une dizaine d’heures d’avion,
5 jours par le train, impensable en automobile !
Les 3 000 km du Nord au Sud apparaîtront modestes.
Si la distance est une contrainte à vaincre pour toute société ayant à gérer un tel espace, on notera
qu’elle a pu être un atout… lorsque, jointe aux contraintes climatiques elle a été fatale à Napoléon et
à Hitler. De 1941 au début de 1944, l’URSS a pu continuer d’exister, de se battre (et comment !) alors
même que son territoire était occupé de Léningrad (aujourd’hui Saint Pétersbourg) à Stalingrad, sur
près de 2 000 km en profondeur.

b. Un espace continental, presque fermé


C’est un deuxième fait essentiel ; si les façades maritimes sont importantes, au Nord et à l’Est, en réalité,
elles sont de peu d’intérêt si ce n’est pour se protéger. En effet situées pour l’essentiel au delà du cercle
polaire, elles « ouvrent » sur des mers prises par la banquise plus de la moitié de l’année.
Les seules ouvertures maritimes sont ponctuelles, surtout depuis que la Russie est amputée des anciennes
républiques baltes et de l’Ukraine. Elles se limitent à quatre points :
 le fond du golfe de Finlande, qui donne accès à la Baltique, puis via le détroit du Sund entre Danemark

et Suède à la mer du Nord.

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 Mourmansk, à proximité du Cap Nord, accessible en toutes saisons sous l’influence bienfaisante des
derniers effets du Gulf stream.
 Une très courte façade sur la Mer Noire entre Géorgie et Ukraine, où se développe aujourd’hui le

port de Novorossiisk.
 Et enfin, le littoral pacifique, face au Japon, marqué en particulier par le port de Vladivostock, long-

temps stratégique et interdit du temps de l’URSS.


De sorte que la Russie forme un vaste et compact ensemble continental peu ouvert vers l’extérieur.
Au Sud les montagnes du Caucase forment une barrière, au delà de laquelle sont Géorgie, Azerbaïdjan
(limitrophe de l’Iran) et Arménie (contiguë à la Turquie).
Le Kazakhstan déploie de vastes étendues semi-désertiques jusqu’aux anciennes républiques soviétiques
d’Asie centrale, adossées à des barrières montagneuses : guère d’ouverture de ce côté.
Puis vers l’Est la frontière avec la Chine et la Mongolie suit sur des milliers de kilomètres des régions
de haute montagne, le plus souvent vides d’hommes. Ce n’est que lorsqu’elle longe le fleuve Amour
(pas toujours le bien nommé) qui la sépare de la Chine que la barrière s’efface. Encore faut-il traverser
un large fleuve…
Seule la frontière vers l’Europe est ouverte, ou du moins sans obstacles de relief, de climat ou de
position.
Quant à l’espace russe lui même, il est remarquable par sa monotonie.
On peut en ordonner la description par rapport à l’Oural, seule chaîne montagneuse à couper le pays
selon une direction méridienne, proche des Vosges ou du Massif central par son relief et qui ne constitue
pas véritablement une barrière entre l’Ouest et l’Est. À l’Ouest, plaines et plateaux de Russie1 alternent
creux et bosses, drainés par le Dniepr et la Volga, qui se jette dans la mer Caspienne. À l’Est, commence
la Sibérie avec ses trois étages : la plaine de Sibérie occidentale, marécageuse et (mal) drainée en été par
l’Ob, gelée en hiver ; elle est surmontée par le plateau de Sibérie centrale limité à l’Ouest par l’Iénisseï,
et à l’Est par la Léna. L’extrême orient sibérien est montagneux constitue le troisième étage.

c. Autre effet de la continentalité, un pays du froid


Les contraintes climatiques sont très fortes et viennent parfois accroître la contrainte de la distance.
Elles sont ainsi décrites par J. Radvanyi.

« L’hiver est connu pour sa rigueur et sa durée. Tout le territoire russe connaît des moyennes de janvier
inférieures à 0°C sauf un mince liseré de Novorossiisk sur la mer Noire à la frontière géorgienne et le littoral
caspien du Daghestan. Plus des deux tiers du territoire ont des moyennes de janvier inférieures à – 20°C et
près de six mois de gel consécutifs. La couverture de neige est relativement peu épaisse, les précipitations
hivernales ne représentent guère plus du tiers du total, mais sur les trois quarts du territoire, elle persiste
plus de 120 jours. Plus on va vers l’Est, plus il fait froid : les minima enregistrés sont de – 43°C à Moscou,
– 32 °C à Astrakhan, pourtant près de la Caspienne, – 51°C à Novosibirsk, et jusqu’à des minima absolus
de – 71° à Oïmiakon ou – 68° à Verkhoïansk.
Sur la moitié du territoire, il faut tenir compte de la nuit polaire et, plus au sud, la nuit tombe très tôt, dès
15-16 heures en plein hiver à Moscou. Fleuves et lacs sont gelés : la Volga de décembre à avril, les fleuves
sibériens dès la mi-novembre et même la fin octobre dans leur cours inférieur. Le trafic fluvial est interrompu,
mais les transports terrestres routiers et ferroviaires sont plus faciles en hiver lorsque le sol est gelé et la
neige damée qu’au printemps ou à l’automne lorsque la boue et les routes abîmées par l’alternance du gel
et du dégel rendent la circulation difficile. L’hiver, les fleuves gelés sont parfois transformés en… routes.
Le printemps est bref. Longtemps attendu, c’est une période de fête mais il est aussi redouté pour la
« raspoutitsa », la fonte brutale des neiges et des glaces. Elle entraîne la crue des fleuves mais surtout
l’apparition de la boue, d’autant plus présente dans les campagnes que peu de routes sont goudronnées,
et elle y constitue une gêne considérable pour les premiers travaux des champs.
Les étés sont typiques des climats continentaux, chauds – partout au Sud du cercle polaire, les températures
moyennes de juillet sont supérieures à 15°, et souvent pluvieux par grosses averses ou orages. Mais, les
sècheresses estivales ne sont pas rares.

1. La Russie désigne ici la région géographique qui a été le berceau de l’État russe et de la population russe. La Russie comme État a dépassé ce cadre géographique
à partir du XVIe siècle ; la conquête de la Sibérie s’est faite au XVIIe et XVIIIe siècle. L’extrême Orient pacifique face au Japon est conquis dans la deuxième moitié du
XIXe siècle.

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Au total, il est une limite climatique déterminante pour l’agriculture et longtemps la vie humaine, c’est la
limite des 120 jours sans gel : elle trace une diagonale allant de Saint Pétersbourg à Krasnoiarsk en Sibérie
occidentale ; au Sud, l’agriculture ne rencontre pas de contraintes majeures, au Nord et à l’Est, les contraintes
deviennent très fortes, et bientôt empêchent toute agriculture pérenne. »
J. Radavanyi, La nouvelle Russie,© Armand Colin.
Dégagez les informations essentielles, que vous pourrez résumer en quelques lignes.
Pour conclure provisoirement, il apparaîtra sans doute que les contraintes l’emportent sur les atouts.
Néanmoins, l’immensité du territoire peut recéler des atouts, par exemple des ressources naturelles, encore
faut-il qu’elles soient accessibles. Les distances apparaissent comme un enjeu majeur à maîtriser.

 La contradiction population – ressources naturelles


a. D’énormes ressources situées pour l’essentiel en Sibérie

La carte ci-dessous permet de faire l’inventaire des ressources considérables potentiellement disponibles
dans l’espace russe. Elle montre aussi leur dispersion et l’importance de toutes celles qui sont situées
dans l’espace du froid hivernal et la double contrainte qui en ressort pour leur exploitation : distance et
climat.
Apparemment la Russie occidentale est bien pourvue en ressources : la péninsule de Kola et l’Oural,
auxquels il faut ajouter l’AMK (gigantesque gisement de fer) sont riches en ressources métallifères
et en pétrole (Bakou 2). Mais exploitées depuis longtemps et souvent sans précaution, on le verra, ces
ressources ne fournissent plus qu’une faible part de la production.

Océan Glacial Arctique

NORVÈGE
SUÈDE
Mourmansk

Mer Péninsule
FINLANDE
Baltique de Kola
Léna

Vorkouta
Norilsk Bassin I
de la Léna R
Jenisei

Bassin
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Bassin É Océan
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Moscou
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Sibérie occidentale
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Mer Donbass Samotlor ra


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Noire
Kansk-Atchinsk
BAKOU I JAPON
Transbaïkalie
Mer Kouzbass
Caspienne CHINE
Vladivostok
KAZAKHSTAN
MONGOLIE

Ressources minières Ressources en hydrocarbures Autres ressources


Bassin métallifère Taïga
Bassin d’hydrocarbures
Or
Gisements de pétrole Terres noires fertiles
Gisements de houille
et de lignite Gisements de gaz Potentiel hydroélectrique
exploités ou en réserve fluvial

C’est la Sibérie qui est devenue le grand réservoir de ressources minières, de pétrole, de gaz,
de bois où les réserves apparaissent considérables. Qu’en est-il exactement des réserves ?

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« Les estimations des réserves de pétrole sont extrêmement variables en fonction des modes de calcul. Pour
le département américain de l’énergie, les réserves prouvées de la Russie s’élèveraient à 60 milliards de
barils, soit 5,7 % des réserves mondiales, tandis que selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), elles
seraient de 137 milliards de barils soit environ 15 % des réserves mondiales. Toutefois, la production pétrolière
russe est concentrée dans deux régions Sibérie occidentale (69 %) et Volga-Oural (26 %) dont les réserves
sont déjà très largement entamées. Les principaux gisements non exploités se situent en Sibérie orientale,
en Extrême-Orient et dans la région de Timan-Pechora (République de Komis, région des Nenets). Mais les
conditions de production y sont plus difficiles et plus coûteuses et nécessitent de lourds investissements.
Présentées comme un nouveau Moyen-Orient, les réserves de la Mer Caspienne ont fait l’objet d’estimations
les plus contradictoires et parfois fantaisistes – entre 33 et 233 milliards de barils selon les modes de calcul
et la zone géographique retenue. La vérité se situe probablement plus près de l’hypothèse basse, ce qui serait
déjà considérable d’autant que la prospection est loin d’avoir été achevée. Malheureusement pour la Russie,
sa zone caspienne est pauvre en réserves (2,7 milliards de barils de réserves prouvées). Ce qui explique en
grande partie les tensions entre les Etats riverains à propos du statut juridique de la Caspienne. »
Laurent Rucker, chargé d’études au Courrier des Pays de l’Est et Maître de conférences à l’IEP de Paris.
D.R.
La forêt offre par ailleurs des ressources en bois qui ont pu paraître quasiment illimitées ; outre la
construction et le mobilier, le bois est une ressource essentielle pour fabriquer le papier et pour l’industrie
chimique. La forêt couvre presque la moitié du territoire russe. Elle constitue la taïga qui occupe pour
l’essentiel toutes les régions qui comptent plus de 120 jours de gel annuel.
On ajoutera pour compléter ce rapide tableau que si les ressources russes paraissent à première vue
considérables, elles ne couvrent pas tous les besoins de la Russie. Certaines sont absentes : bauxite
(matière première de l’aluminium), d’autres sont aujourd’hui sur le territoire d’ex-républiques soviétiques
(charbon d’Ukraine, fer et cuivre du Kazakhstan) et certaines sont si éloignées des terres habitées que
leur exploitation est problématique.
Cela nous renvoie une autre réalité essentielle de ce territoire russe qu’il nous faut maintenant mettre
en place : le peuplement.

b. La population est concentrée sur une étroite bande de « Russie utile »

J. Radvanyi, La nouvelle Russie © Armand Colin.

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La carte ci-avant montre clairement l’essentiel. Le peuplement de la Russie est extrêmement inégal et
faible dans son ensemble. La densité générale est inférieure à 9 habitants au km2 ; donnée évidemment
sans valeur comme la carte le montre.
La majorité de la population est regroupée selon une sorte d’entonnoir dont la partie large irait de Saint
Pétersbourg au Caucase et qui va en se rétrécissant vers le Sud de l’Oural, jusqu’à former un pointillé
au delà du lac Baïkal.
Une inégalité majeure oppose la partie européenne qui regroupe 80 % des 145 millions d ‘habitants de
la Russie sur 25 % du territoire (Oural compris) et la partie asiatique formant l’immense Sibérie.
Mais il faut noter que la partie peuplée ne l’est elle même qu’assez faiblement : il n’y a que la région
de Moscou, le piémont caucasien et les rives de la mer Noire, et le bassin de la Volga où les densités
dépassent 50 habitants au km2. Seules les grandes agglomérations urbaines et industrielles ont des
densités de population élevées.
Si l’on compare cette carte avec celle des contraintes climatiques, la corrélation est évidente : les fortes
densités sont situées dans l’espace comptant moins de 120 jours de gel par an, et où l’agriculture de
tous temps a été possible ; elles épousent par ailleurs les lignes de transport (fleuves et grands axes
routiers et ferroviaires, y compris en Sibérie, avec notamment l’axe majeur du chemin de fer transsi-
bérien construit à la fin du XIXe siècle par les Tsar pour contrôler leur territoire et en faire l’axe d’un
développement pionnier, ce que le pouvoir soviétique a repris).

 Un espace et un État « mosaïques » issus de l’URSS

Océan Glacial Arctique

Mer Baltique

 
Biélorussie
Moscou RUSSIE
 Ukraine

Mer Noire

Mer Caspienne

Kazakhstan


Ouzbékistan
Turkménistan Kirghizstan
Tadjikistan

Républiques indépendantes frontières issues 1 : Estonie 2 : Lettonie 3 : Lituanie 4 : Moldavie


de l’étranger proche Russie de l’éclatement 5 : Géorgie 6 : Arménie 7 : Azerbaïdjan

a. La république de Russie qui constituait la plus grande partie et le cœur de l’Union Soviétique
s’est trouvée en 1991 brusquement coupée de territoires auxquels elle était intimement lié. De multi-
ples problèmes en ont immédiatement résulté, qui ont contribué à accroître le traumatisme. Quelques
exemples :

 Les réseaux de circulation : une bonne partie de l’accès à la mer a été interrompu (Baltique, Mer
noire) ; des réseaux de chemin de fer se sont retrouvés coupés (une partie du transsibérien se trou-
vait en territoire kazakh), des oléoducs et gazoducs transportant le pétrole et le gaz sibériens se

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sont trouvés aboutir dans les pays baltes, en terres étrangères avec lesquelles, il a fallu négocier de
difficiles droits de passage.
 Le système productif : par exemple, les régions minières et industrielles d’Ukraine qui constituaient
un pilier du système soviétique de production se sont trouvées coupées de leur relation sans obstacle
avec la Russie ; des chaînes productives ont été coupées : telle usine a perdu son approvisionnement,
telle autre a perdu une partie de son marché.
 Les populations elles-mêmes ont été affectées. Beaucoup de Russes vivaient dans les Républiques
non-russes (environ 25 millions) où ils occupaient souvent des positions élevées dans la société et
l’économie : la plupart, dans le climat fortement nationaliste qui a suivi l’indépendance, ont du émigrer
vers une Russie qu’ils ne connaissaient pas constituant ceux que l’on a appelé « les pieds rouges ».
 Curiosité : le petit territoire de Kaliningrad, entre Pologne et Lituanie, qui faisait partie de la républi-
que de Russie du temps de l’URSS, s’est retrouvé comme formant une enclave entre des pays désor-
mais étrangers. Elle est aujourd’hui une enclave russe, au milieu de… l’Union européenne depuis le
1er mai 2004. Qui eût dit il y a quinze ans, qu’un morceau de l’URSS se trouverait aujourd’hui enclavé
au milieu de l’Union européenne, cette construction de l’Europe occidentale conçue pour partie comme
une antidote au communisme soviétique ?

b. Plus largement, on aperçoit par là le bouleversement géopolitique

La Russie nouvelle s’est affirmée « l’unique héritière de l’URSS » ; à ce titre, les ambassades d’URSS
à travers le monde se sont muées en ambassades de Russie, le siège de l’Union soviétique à l’ONU et
son droit particulier au Conseil de Sécurité ont été transférés à la Russie, l’arsenal nucléaire est revenu
à la Russie2, le rouble est resté la monnaie russe, etc. À ces titres, elle a prétendu garder le statut de
grande puissance.
Avec les anciennes républiques soviétiques qui constituent ce qu’on appelle en Russie « l’étranger
proche » (à l’exception des États baltes) la Russie a signé un traité plein d’ambiguïtés instituant une
Communauté des États Indépendants (C.E.I.) : instrument d’un nouvel impérialisme russe sur les ancien-
nes dépendances soviétiques ? – c’est sans doute l’arrière-pensée russe. Simple commission de divorce
chargée de régler la séparation à l’amiable ? – c’était l’idée de l’Ukraine. Elle fonctionne aujourd’hui
cahin-caha pour gérer les intérêts communs.
Quant à l’Europe de l’Ouest, que le glacis soviétique d’Europe centrale et orientale mettait à distance,
elle se trouve être aujourd’hui contiguë de la Russie. Mieux (ou pire), l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie,
la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie, tous États contigüs de la Russie sont aujourd’hui
membres de… l’OTAN, cette machine de guerre construite contre l’Union Soviétique.

c. La nouvelle République de Russie est elle-même loin d’être un espace homogène du point de
vue institutionnel et humain.

Elle est officiellement une Fédération regroupant des territoires très inégaux quant à leurs statuts,
superficies, capacités économiques, populations. Chacun de ces territoires forme selon l’expression
officielle un « sujet » de la Fédération. Il y en 89 considérés officiellement comme membres égaux.
La carte ci-dessous permet d’apercevoir l’architecture de l’ensemble.

2. Avec quelques difficultés lorsqu’une partie se trouvait en territoire étranger (au Kazakhstan, en Ukraine…).

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Océan Glacial Arctique

Tchoukotka

Kaliningrad Carélie
St-Pétersbourg
NORD-OUEST EXTRÊME-ORIENT

Komi
Moscou Sakha
Mer d'Okhotsk
CENTRE OURAL
Tatarstan
VOLGA
Mer SUD SIBÉRIE
Noire Bachkirie
Kalmoukie Bouriatie Région des juifs
Mer
Daghestan Caspienne Khakassie
République Touva Mer
Tchétchénie du Japon
d'Altaï

57 entités administratives 32 entités « nationales » 7 grandes régions

10 districts (okroug) autonomes


2 villes à statut fédéral limite
et une région autonome

49 régions (oblast) et 6 territoires (kraï) 21 républiques

Des Républiques districts ou régions autonomes : on voit que pour l’essentiel, elles occupent des espaces
périphériques, souvent peu peuplés et correspondent souvent à des territoires ou les Russes ne sont
pas majoritaires. De fait la Russie ne correspond pas à un État-nation unifié par la langue, la culture,
l’histoire : il y a les Russes proprement dits qui sont la population la plus nombreuse (environ 120 mil-
lions) : ils parlent le Russe, sont majoritairement de tradition chrétienne orthodoxe. Et il y a les autres :
presque une centaine de « nationalités » différentes : peuples du Caucase (musulmans en majorité),
de l’Oural, de Sibérie… Les plus nombreux sont les Tatars (5,5 millions), dont la majorité ne vit pas
au… Tatarstan ; les moins nombreux comptent quelques milliers d’individus (1 300 Inuit par exemple
en Sibérie). Deux de ces « sujets » ont refusé de signer le traité fédéral, précisément le Tatarstan et la
Tchétchénie, avec laquelle un conflit de type colonial est en cours.
Deux villes ont un statut particulier : Moscou et Saint Pétersbourg. La première cumule le fait d’être
un sujet parmi 89 et d’être la capitale, et de vouloir être le centre directeur, ce qui n’est pas sans poser
problème.
Le reste constitue la Russie par défaut : 49 régions ordinaires, peuplées de Russes ; on voit qu’elles
occupent les espaces les plus peuplés, et comme on le verra les mieux desservis par les communications
et de ce fait les plus proches du centre.

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B La recomposition en cours, entre héritage de la
période soviétique et « big bang libéral »
 De la catastrophe économique au renouveau ?
a. Un PIB par habitant qui est aujourd’hui le tiers de celui de la France, moins du double de celui de
la Chine, une production qui a reculé d’environ 45 % depuis 1990 : tel est apparemment le bilan chiffré
de la « transition », c’est-à-dire le passage de l’économie collectivisée, qui ne marchait plus guère, à
l’économie libérale de marché. Illustrant bien cela, la consommation de pétrole a reculé de presque 45 %
entre 1992 et 2002 passant de 4,5 MBJ à 2,45 MBJ, soit 3,5 % de la consommation mondiale, contre
25 % pour les Etats-Unis. Ce qui donne une idée de la différence de poids économique aujourd’hui
entre les deux anciens adversaires de la guerre froide.

Ce résultat est à examiner non comme un bilan mais comme un moment dans un processus. La privati-
sation accélérée de toute l’économie, d’abord dès 1992 « la petite privatisation », celle des boutiques,
des magasins, des appartements, puis surtout « la grande », celle des industries, des services à partir
de 1993-1994 ont abouti à un immense transfert de propriété et surtout à une désorganisation du
système économique. En même temps que des entreprises privées nombreuses se créaient. En dehors
d’un cadre légal qui n’existait pas, sans une autorité publique qui avait disparu, en fonction d’opérateurs
agissant en tous sens en fonction de leur intérêt immédiat, les années 90 ont été dramatiques pour le
plus grand nombre, miraculeuses pour quelques uns.
Des fortunes colossales se sont édifiées, des mafia ont prospéré, le troc a été dans bien des cas le moyen
de survivre pour les employés et de fonctionner pour les entreprises qui subsistaient.

« Au lieu d’un salaire, ils nous donnent des pommes de terre » 3

« Avec la hausse des prix, nous n’avons même pas de quoi acheter des cahiers scolaires pour nos enfants.
On ne ramène que 100 roubles [30 francs] chaque mois à la maison. Ce n’est pas notre salaire ; c’est ce
que nous tirons de la vente d’une partie des produits qu’ils nous donnent à l’usine, au lieu d’un salaire :
huile et pommes de terre. L’usine fait du troc avec d’autres usines, qui lui envoient des camions de produits
parce qu’elles n’ont pas d’argent. Quand on achète quelque chose au magasin alimentaire de l’usine, c’est
avec des coupons. Un coupon de 2 roubles pour 1 kilo de pommes de terre. La somme est inscrite pour être
retirée un jour de nos salaires, quand ont les verra...[...] »
Nathalie Nougayrède, © Le Monde, 16 septembre 1998.

b. Et en août 1998, lors du krach, c’est toute l’économie qui a semblé s’effondrer. De nombreux
observateurs occidentaux ont pronostiqué alors la fin de la Russie. Il a pourtant été l’occasion d’un
rebond spectaculaire.

Voyez les deux documents ci-dessous.

L’économie russe est devenue attractive


L’économie russe dont la croissance devrait dépasser 5 % en 2003 commence à attirer des capitaux qui
avaient jusque là davantage tendance à fuir le pays qu’à y être investis. A tel point qu’au deuxième trimes-
tre 2003, pour la première fois depuis la chute de l’URSS, les entrées de capitaux vers la Russie devraient
se révéler supérieures aux sorties. Le pays avait enregistré une sortie nette de 1,2 milliard de dollars lors
du premier trimestre. En avril, la Russie a enregistré des entrées nettes de capitaux pour un montant de
2 milliards de dollars, allant jusqu’à 4,2 milliards en mai, ce qui permet de tabler sur des entrées nettes de
6 milliards de dollars pour le deuxième trimestre en cours, a indiqué Oleg Viouguine, le vice-président de
la banque centrale de Russie (BCR).
La fuite des capitaux était jusqu’à présent l’un des grands points faibles de l’économie russe, les entreprises
préférant évacuer leurs bénéfices vers des comptes en devises à Chypre ou dans d’autres paradis fiscaux.

3. Millions de Barils/jour : c’est l’unité de mesure traditionnelle des opérateurs du pétrole.

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© Cned – Académie en ligne


Depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine il y a trois ans, le phénomène a été divisé par deux. Ces
fuites sont passées de 25 milliards de dollars en 1999 à 11,2 milliards en 2002. D’autre part, sur les cinq
premièrs mois de l’année, les investissements directs étrangers ont crû de 75 %.
© Le Figaro, 2004.

Bilan de l’économie russe en 2000 et 2001

Tableau établi par Jacques.Sapir, www.ehess.fr/centres/cemi

2000 2001
Croissance du PIB 8,3 % 5,2 / 5,5 %
Croissance de la production industrielle 11,9 % 5,2 / 5,5 %
Croissance de l’investissement 17,4 % 7,9 %
Croissance des revenus réels de la population 9,3 % 5,0 %
Inflation 20,2 % 18 / 19 %
Exportations, biens, en milliards de dollars U.S. 105,5 102 / 103
Importations, biens, en milliards de dollars U.S. 44,9 51 / 52
Chômage 10,4 % 9,7 %

Relevez et classez les principaux éléments qui indiquent le mieux économique depuis la crise de
1998.
Le document ci-dessous comparant la structure de l’emploi à 10 ans d’intervalle montre l’importance
des changements et aussi des éléments d’inertie.

Structure de l'Emploi : 1990 … … et 2002

12,6 millions
Industrie 19,2 millions
19,1 millions 17,5 millions

10 millions Agriculture

7,9 millions
Services marchands

31,8 millions 19,9 millions


Secteur public

Source : Banque mondiale, 2004.

La part de l’emploi public reste importante : c’est l’administration et les services publics, l’armée. Par
ailleurs, l’État n’a pas privatisé tout le secteur pétrolier, ni le gaz, ni l’électricité.
L’industrie a connu une véritable hémorragie : si l’on en croit ces données qui peuvent être considé-
rées comme sérieuses, compte tenu de leur source, elle a perdu presque 40 % de ses effectifs. Deux
explications à cela : une tendance générale à tous les pays industriels à voir fléchir les effectifs de
l’industrie au profit du tertiaire. Le mouvement avait commencé, avec retard et plus lentement que
dans les économies occidentales, à la fin de l’époque soviétique. Mais il a été brusquement accéléré
par le passage à l’économie de marché. Il s’est passé le même phénomène, à des degrés divers, dans
tous les pays d’économie socialiste lorsque leur industrie a été confrontée à l’économie de marché :
productivité faible, technologies peu avancées, usines polluantes, produits souvent peu adaptés au
marché ont entraîné une bonne partie de l’industrie dans la faillite et leurs salariés dans le chômage.
À noter cependant que par le troc et d’autres artifices, une partie plus importante qu’attendue (ou
redoutée) de l’industrie continue de subsister cahin-caha.

564 Séquence 10-HG00

© Cned – Académie en ligne


L’agriculture continue de reculer, mais demeure relativement importante : plus de 12 % de l’emploi.
Le seul secteur en nette croissance est celui des services marchands dans lequel cohabitent des capitaux
et des entrepreneurs russes et des initiatives étrangères : commerce, banque, assurances, publicité,
média, dont le document de présentation (intitulé : « Une frénésie de consommation à Moscou »)
donnait bien l’image.

On notera enfin que l’emploi total a fortement régressé : 64,5 millions d’emplois, contre 73,5 10 ans
plus tôt. Autre signe que la recomposition économique est douloureuse pour les salariés qui découvrent
en nombre le chômage, cet inconnu des temps soviétiques.

c. Néanmoins si elle redémarre et si elle s’adapte en suivant les modèles des économies de marché,
l’économie russe actuelle s’appuie sur une structure très particulière. Voyez le tableau ci-dessous qui
présente ceux que l’on appelle les oligarques4. Ce sont ceux qui en quelques années ont mis la main sur
une bonne partie de l’économie russe, avant de rentrer dans le rang sous la présidence de Poutine.

Groupe fiancier Emplois contrôlés


Nom des oligarques Secteur d’activité
ou industriel directement
Oleg Deripaska, 36 ans Basovi Element 160 000 emplois en Russie Aluminium, automobile,
métaux, bois.
Roman Abramovitch, 37 ans, Millhouse (basée en 150 000 emplois en Russie Pétrole notamment
Angleterre).
Récemment classé première (possède aussi le Club de foot-
fortune de Grande Bretagne. ball anglais de Chelsea !)
Il serait en train de quitter
la Russie pour s’installer en
Angleterre.
Vladimir Kadannikov, 62 ans 117 000 Dirige la plus grande entre-
prise automobile Avtovaz à
(Ancien vice-premier ministre Togliattigrad.
en 1996)
Alexeï Mordachov, 38 ans Severstal (premier groupe 110 000 Intérêts dans le transport fer-
sidérurgique russe). roviaire, les ports, le charbon,
l’automobile.
Vladimir Potanine, 43 ans Interros 108 000 Contrôle le n° 1 mondial
du nickel (Norilsknickel) +
métallurgie, agroalimentaire,
médias
Vagit Alekperov, 53 ans Loukoïl 96 000 Pétrole
Alexandre Abramov Evrasholgin 90 000 Métallurgie
Andreï Melnitchenko et MDM 74 000 Énergie, banque, charbon,
Alexandre Mamout tubes, chimie, agriculture.
Iskander Makhmoudov UGMK 65 000 Or, zinc, argent, cuivre.
Vladimir Bogdanov Sourgoutneftegaz 59 000 Pétrole.
Mikhaïl Khodorkovski, 41 ans Ioukos 49 000 Pétrole.
(détenteur d’un passeport
américain), emprisonné
depuis 2003 pour évasion
fiscale et escroquerie.
Les 12 suivants : Vladimir Lissine (combinat sidérurgique de Novolipetsk), Igor Zuzine (Groupe sidérurgique Mechel), Ilim
Pulp (Bois et cellulose), Viktor Rachnikov (Aciéries géantes de Magnitogorsk), Viktor Vekselberg, 46 ans (aluminium, pétrole
– associé à British Petroleum), Len Blavatnik, 47 ans, détenteur d’un passeport américain (pétrole, aluminium, télécommu-
nications), Kadha Bendukidze (équipements lourds et centrales nucléaires), Mikhaïl Fridman, 41 ans gaz, pétrole, téléphonie
mobile, banque), etc.

L’analyse des informations est instructive. Beaucoup sont jeunes ; la plupart doivent à leur proximité avec
le pouvoir des années 90 d’avoir pu se rendre propriétaires à bon compte de ce qui était les fleurons
de l’industrie soviétique. Il est remarquable de noter qu’il s’agit presque uniquement d’industries du

4. L’oligarchie désignait le régime dans la Grèce antique où le pouvoir appartenait à quelques uns. Par extension les oligarques sont le petit groupe des puissants.

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secteur de l’énergie (pétrole, charbon), des minerais métalliques, de la sidérurgie et de la métallurgie,
qui constituent l’industrie lourde ou de base, à faible valeur ajoutée et qui reste aujourd’hui, une loco-
motive de l’économie russe, largement tournée vers l’exportation, et profitant au maximum
d’une conjoncture très favorable sur les marchés des matières premières, de l’énergie et de l’acier.
C’est là une situation originale par rapport aux économies développées avancées.
Il est frappant de constater qu’aucun de ces nouveaux milliardaires russes aujourd’hui ne s’intéresse
fortement aux technologies de pointe ou aux services. Seuls pointent quelques intérêts dans les médias,
les télécommunications et le téléphone, tous secteurs qui aux Etats-Unis ou en Europe tiennent le haut
du pavé.
Cela nous ramène au poids de l’héritage, qu’il convient maintenant d’examiner.

 La Russie porte le lourd héritage de la période


soviétique
Au delà de l’appareil de production que l’on vient d’évoquer avec le commentaire des deux derniers
documents, il y a un héritage culturel et spatial qui pèse fortement sur la recomposition en cours et
dont nous voulons examiner deux points.

a. Pendant des décennies, l’idée du gigantisme a symbolisé les entreprises soviétiques et ce qui
apparaissait comme leurs succès, portés au crédit du socialisme soviétique : mise en valeur pionnière
de la Sibérie, récemment encore construction du B.A.M., cette ligne de chemin de fer Baïkal Amour
Magistral qui devait être le vecteur d’un nouveau front pionnier à l’autre bout du pays, équipements
hydroélectriques gigantesques (comme le barrage de Bratsk sur l’Angara en Sibérie), combinats indus-
triels géants, productions toujours plus impressionnantes : millions de tonnes d’acier, millions de tonnes
de pétrole, de charbon… Et ce avec l’idée que les ressources étaient inépuisables : ressources
naturelles, tout autant qu’humaines, financières, techniques, toutes étaient considérées sans limites.
C’est ainsi que l’économie soviétique a fonctionné de façon prédatrice, sans aucun souci d’une
gestion raisonnée des ressources. On a parlé d’une économie extensive. Il s’agissait de produire ; mais
l’attention n’était pas portée sur l’entretien, l’amélioration, la réparation, ni beaucoup sur la qualité.
Au reste le secteur des services était naturellement considéré comme improductif. Il en allait
de même dans tous les domaines : bâtiment, industrie, exploitation pétrolière, forestière. C’est ainsi
que des dizaines de millions de logements ont été construits mais guère entretenus, que des millions
d’hectares de forêt ont été exploités sans qu’on se soucie beaucoup de replanter, que des puits de
pétrole ont été considérés comme épuisés dès lors qu’il était plus facile d’aller un peu plus loin que
d’investir dans un perfectionnement qui aurait tiré du sous-sol ses derniers barils, que des millions de
tonnes d’acier ont été sans doute fabriquées et peu ou mal utilisées, que des usines en grand nombre
ont quotidiennement craché de lourdes fumées qu’il appartenait à la nature d’absorber5.

Tout cela laisse un lourd héritage à la fois culturel et matériel qui constitue aujourd’hui un frein.

b. L’URSS a laissé des réseaux de transport saturés et mal entretenus qui ne permettent
que d’assurer une maîtrise très inégale de l’espace, alors que le besoin de transport est doublement
important :
– d’une part pour relier les espaces producteurs des matières premières et de l’énergie, (largement la
Sibérie), aux régions où sont les hommes et le gros de l’activité industrielle, alors que les distances
sont très grandes. Même si, pour résoudre en partie cette contradiction, l’URSS a cherché depuis les
années trente à bâtir des complexes de villes et d’activités productives vers l’Est pour équilibrer le
territoire et conquérir à l’activité humaine de nouveaux espaces jusque là presque vierges (au prix
du travail forcé et sans considérer les coûts comme on l’a vu plus haut) : d’abord l’Oural, puis la
Sibérie occidentale, Novosibirsk, Krasnoairsk, plus loin encore Irkoutsk et qu’elle projetait de conquérir

5. Cette économie prédatrice et extensive, si elle a été portée par l’Union soviétique à un haut degré « d’efficacité » en raison même de son système idéologique et de
son ambition de transformer l’homme et de lui soumettre la nature, et des ressources considérables qu’offrait son espace, n’est pas le propre de l’URSS. À des degrés
divers, cela a aussi été la pratique de tous les « pays neufs » au XIXe, à commencer par les Etats-Unis jusqu’aux premières décennies du XXe siècle. Encore aujourd’hui,
s’en préoccupe-t-on beaucoup aux Etats-Unis ?

566 Séquence 10-HG00

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l’extrême orient sibérien à partir de la ligne du BAM, laborieusement construite dans les années 70
à un moment où le système soviétique s’épuisait.
– D’autre part, pour assurer les liens entre entreprises. Rien d’original à cela, sauf que la planification
soviétique avait poussé très loin la spécialisation spatiale de l’industrie. Pour fabriquer tel composant,
une usine unique et non pas plusieurs : c’était le modèle, de sorte que les besoins de transport ont
rapidement été multipliés de façon importante pour assurer la connexion de toutes ces localisations
spécialisées avec celles qui assemblaient les composants.
La route n’a quelque importance que localement, et dans la partie occidentale la plus peuplée et active.
Le transport par route ne comptait que pour 1 % à la fin des années 80 ! la médiocrité du réseau routier
mal conçu et mal entretenu (beaucoup de routes de campagne sont encore en terre et difficilement
praticables en toutes saisons) et l’insuffisance des camions en sont les causes.
Soyez attentif(ve) à la disposition du réseau de transport qui suit étroitement la disposition du peu-
plement et à l’accessibilité en réalité assez faible qui prévaut même dans la partie Ouest : le jaune
indique les régions ou une voie de communication est accessible à moins de… 25 km. Ce qui est déjà
beaucoup.

C’est le chemin de fer et les tubes (oléoducs et gazoducs) qui constituent les principaux réseaux. Mais
la vitesse des trains est lente, les lignes saturées et mal entretenues, arrêtées de même que les oléoducs
par des incidents fréquents, faute d’entretien.
La ligne maritime du Nord n’est ouverte par les brise-glaces que quelques mois par an ; encore est-elle
extrêmement coûteuse d’exploitation. Son ouverture avait constitué un exploit de prestige pour l’URSS,
qui s’est fait une spécialité de la construction des brise-glaces.
En matière de transport, les distances et le climat imposent en tout état de cause de lourdes contraintes.

 Une société nouvelle


À travers les transformations de l’économie et des mentalités, une société nouvelle émerge, loin de
l’égalité et dit-on de la passivité de la société soviétique. On peut chercher à l’appréhender d’abord
par des critères d’ensemble ; puis y regarder de plus près en cherchant à identifier les composantes
sociales et spatiales de cette société.

a. Si l’on s’en tient à des critères d’ensemble, la société russe est malade

L’IDH (Indice de Développement Humain) qui synthétise assez bien l’état global d’une société par des
critères économiques, sociaux et culturels est de 0,781 (sur une échelle allant de 0 à 1). La Russie
occupe le 60e rang mondial, derrière presque tous les pays d’Europe, y compris centrale et orientale,
derrière le Mexique.
Voici quelques indicateurs complémentaires :

1990 2001
Population (en millions) 145,5 144,7
Espérance de vie (en années) 68,5 66,16
… des hommes 60,2
… des femmes 72,5
Indice de fécondité 1,8 1,1
Mortalité infantile (en pour mille) 22,1 16,8
Scolarisation second degré (en %) 93,3 85,2
Taux d’alphabétisation des adultes 99,6

Serge CORDELLIER, Béatrice DIDIOT « l’État du monde 2003 ».


© La Découverte

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La plupart sont inquiétants : la population baisse, l’espérance de vie est en recul sensible, l’écart entre
les hommes et les femmes est énorme et est significatif de l’alcoolisme particulièrement qui sévit gra-
vement en Russie et aussi sans doute des décès accidentels dans un pays où les normes de sécurité au
travail, dans la circulation et dans la vie courante sont peu prises en compte. Inquiétant pour l’avenir :
le taux de scolarisation dans le second degré recule sensiblement ; et la natalité est très faible, bien
loin des niveaux qui assureraient le remplacement des générations.
Ces données sont très illustratives de la situation particulière et contradictoire de la Russie. À certains
égards, elles feraient penser à des situations presque de type tiers-monde : l’espérance de vie est plus
longue au Brésil, en Chine, en Algérie.
Mais le taux d’alphabétisation des adultes est celui des pays les plus développés. On pourrait ajouter
pour élargir de ce point de vue que la Russie compte un nombre important de diplômés, ingénieurs,
chercheurs, médecins. Il est vrai que tous ne trouvent pas à employer leur qualification, et que nombre
d’entre eux ont cherché à émigrer dans les années 90.
La régression de l’espérance de vie, la diminution forte de la natalité expriment bien la crise propre à la
société russe. Au reste, ces données avaient commencé à reculer avant 1991, signe de la crise silencieuse
de la société soviétique7 : perte d’efficacité des services de santé, difficultés de la vie, pessimisme quant
à l’avenir. Tous ces éléments ont manifestement augmenté avec la crise des années 90.
Toutefois, certains signes sont encourageants : la mortalité infantile, à nouveau recule.
La société russe, si l’on s’en tient à des indicateurs globaux, est inclassable dans les catégories habi-
tuelles liées au niveau de développement.

b. En réalité, elle est profondément transformée par la recomposition en cours qui l’a fortement
segmentée. C’est l’idée des contrastes et de l’inégalité et de la fragilité des positions qui domine
cette société, là où le régime communiste avait établi une certaine égalité.

Il y a une double, voire triple segmentation, dont les éléments se recoupent :


 Segmentation sociale et professionnelle en fonction de l’âge et du métier.
 Segmentation spatiale, en fonction du lieu de vie : milieu rural / milieu urbain ; à l’intérieur de celui-ci,

il faut sûrement faire une distinction forte entre Moscou et Saint Pétersbourg et les autres villes.
Il y a les perdants : c’est le plus grand nombre. Beaucoup sont ouvriers, retraités, plus ruraux qu’urbains,
parmi ceux-ci ruraux ou loin des grandes villes, âgés, fonctionnaires, professions intellectuelles.
Il y a les gagnants : en dehors des oligarques et du groupe dirigeant qui tourne autour, le plus souvent
issu des privilégiés de l’ancien régime (dans lequel il formait la nomenkatura), les gagnants de la recom-
position sont urbains, dans les grandes villes, particulièrement à Moscou, plus jeunes, travaillent dans
les services. La grande nouveauté est l’émergence d’une nouvelle classe moyenne urbaine.
Reprenez à titre d’illustration les deux documents de l’introduction, que l’on peut compléter par l’extrait
suivant qui donne une vision baroque, non dénuée d’humour de la société russe actuelle.

La nouvelle société russe par un groupe de sociologues russes (cité dans l’Humanité,
juin 2003)
« (…) Les professeurs, les fonctionnaires, les médecins, les chercheurs et les retraités sont les grands exclus
de ce boom de la consommation. Ils ont un revenu inférieur à 200 euros par mois. Ville aux mille contrastes,
Moscou est l’une des villes les plus inégalitaires au monde. Entre les 10 % de la population russe les plus
pauvres et les 10 % de la population les plus riches, l’écart des revenus était de 1 à 27 en 2000 (il est en
moyenne de 1 à 12 en Europe). Il était de 1 à 10 en 1993.

6. Cela contredit l’indication apparemment erronée donnée dans le document « Veliki Novgogorod : la « Russie profonde » qui sert d’introduction à cette leçon.
7. À partir du milieu des années 70, les autorités soviétiques n’avaient plus publié les données sur l’espérance de vie et sur la mortalité infantile, qui jusque là, comme
dans tous les pays développés, marquaient des progrès.

568 Séquence 10-HG00

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Pour appréhender la société russe, l’institut russe Interactive Research Group (IRG) parle désormais de « jet
set » pour les riches (2 %), de « jeunes lions », de « travailleurs optimistes » et de « couples conservateurs »
pour la classe moyenne (20 %), de « survivants ruraux » pour les paysans (35 %), d’« étudiants affamés »
(12 %) et pour le dernier tiers d’« intelligentsia déprimée ». »

C Une organisation spatiale qui porte la marque


des héritages
On notera d’abord qu’une organisation spatiale, faite de disposition du peuplement et des réseaux, de
position des villes, de localisation des activités est par nature dotée d’une inertie extrêmement forte.
Dès lors on ne sera pas étonné de retrouver aujourd’hui pour l’essentiel, les traits de l’organisation
spatiale qui prévalait il y a dix ans.
Si l’idée générale est celle de l’inertie, il n’en reste pas moins qu’on peut observer des évolutions et
chercher à mesurer des enjeux dans une recomposition spatiale.

 Une inertie à nuancer


a. Espaces et entreprises en recul

Il s’agit d’abord de beaucoup des établissements pionniers et des dernières entreprises lancées par le
régime soviétique dans l’Extrême Orient soviétique. Ceux là ont été lergement abandonnés ? Une carte
des mouvements de population en témoigne bien, qui montre que les soldes migratoires sont négatifs
dans la plus grande partie de la Sibérie centrale et orientale.
Il s’agit ensuite du monde des campagnes russes et de Sibérie occidentale ; le recul avait il est vrai
commencé bien avant 1991. Quelques mouvements inverses sont apparus récemment, à la faveur de
la crise de l’emploi et des revenus : des citadins se replient sur leurs lopins de terre, et même parfois
dans les villages. Mais cela n’est que conjoncturel et ne remet pas en cause la tendance de fond. Dans
bien des régions, c’est la désertification qui est la règle aujourd’hui.

b. Les lieux gagnants de la recomposition

Ce sont les villes en général, et surtout les plus grandes, en particulier Moscou, qui se distingue for-
tement de la Russie, par son activité, par l’importance de la nouvelle classe moyenne qui y travaille,
consomme, se déplace, donnant à Moscou l’image, tranchant beaucoup sur le reste de la Russie, d’une
capitale presqu’à l’heure de la mondialisation.
La Sibérie occidentale, lieu des richesses du sous sol qui font largement la fortune actuelle des
nouveaux groupes oligarchiques, connaît un développement plus intensif fondé sur un développement
massif des investissements : modernisation des réseaux, construction de nouveaux oléoducs et gazoducs
pour l’exportation, développement des villes.
Ce sont enfin les lieux plus ponctuels offrant une ouverture vers l’extérieur : autour de Saint Pétersbourg
et de la nouvelle frontière avec l’Union européenne, pourrait se développer une interface active.
Sur la mer Noire, le port de Novorossiisk, au débouché des nouveaux oléoducs venus des Républiques
caucasiennes connaît un développement spectaculaire.
Les rives de l’Amour connaissent un regain fondé sur l’échange avec la Chine qui bouillonne d’activité
et d’initiatives ; Vladivostok pourrait être le pôle d’un ancrage pacifique de l’Extrême-Orient russe.

c. Les régions centrales restent les plus actives et les plus productives autour de Moscou et
le long de l’axe de la Volga, avec des centres que sont Nijni-Novgorod (l’ex-Gorki soviétique) et Samara
à l’aval. Ce sont les régions dotés du meilleur système de transport, les plus intensément peuplées, les
plus accolées aux centres d’initiative et de décision.

Séquence 10-HG00 569

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 Enjeux actuels et incertitudes
a. Où est le centre ?

La question du centre est posée avec acuité par la recomposition en cours. La question longtemps ne se
posait pas : Moscou était le centre de tous les pouvoirs. L’espace soviétique semblait lui être soumis ;
soumission en réalité pas toujours efficace du fait des distances et de la nature du réseau de transport.
Aujourd’hui des forces contradictoires se manifestent, à partir du moment où l’effondrement du système
soviétique a été d’abord spectaculairement celui de sa tête, Moscou d’où les finances en particulier ne
sont plus venus, et d’où les ordres, s’il y en avait, n’étaient plus entendus.
De cet affaiblissement du centre est résultée d’abord une déréglementation générale pour ne pas dire
une anarchie, puis le développement de forces centrifuges aux périphéries :
– On a vu le refus du Tatarstan et surtout de la Tchétchénie d’entrer dans la Fédération de Russie avec
la conséquence d’une guerre sauvage qui s’y déroule depuis 10 ans.
– Plus subtilement, les régions les plus éloignées ont pris beaucoup d’autonomie, s’appropriant les
richesses, négociant directement les contrats, y compris de partenariat avec des entreprises ou États
étrangers, refusant d’acquitter les impôts fédéraux.
– Partout, puisqu’on ne pouvait plus compter sur le centre, se sont développés des pratiques plus ou
moins légales (mais y avait-il encore une claire légalité fiscale, judiciaire ?) pour échapper au centre
et affirmer des autonomies.
– Le développement des pouvoirs oligarchiques de quelques magnats du pétrole ou de la sidérurgie
s’analyse aussi comme une perte de contrôle du centre et la volonté de quelques uns, au sens propre
et au sens figuré de « faire la loi ».

Le diagnostic porté par l’OCDE

« La paralysie du centre incite les régions et autres acteurs infranationaux à créer leurs propres budgets
informels. Les mesures budgétaires informelles revêtent de multiples modalités notamment des accords
bilatéraux avec les gros contribuables de la région et des financements extra budgétaires occultes, souvent
au détriment des entreprises de la région. Ces activités budgétaires informelles dissimulées ont pour résultat
une forte corruption, un alourdissement (formel ou informel) de la charge fiscale pour les entreprises et une
attitude de favoritisme à l’égard des grandes entreprises industrielles qui ont les moyens de financer directe
ment des biens et services publics dans la région. »
Extrait d’un rapport de janvier 2002 sur la fédération de Russie, disponible sur le site www.oecd.org
Assez rapidement, le Centre a cherché à reprendre la main :
– Brutalement en Tchétchénie, ou d’une autre façon en mettant l’oligarque Khodorkovsky en prison.
Méthodes traditionnelles d’un pouvoir autoritaire que l’actuel Président de la Russie, Vladimir Poutine
incarne de plus en plus.
– Plus progressivement, en cherchant à remettre en place des cadres légaux de pouvoir, un système
fiscal efficace, une articulation plus claire des pouvoirs du centre et ceux des régions.
Le bilan actuel est plutôt à l’avantage du centre. Le même rapport de l’OCDE qui analysait ci-dessus
le mécanisme des budgets informels et de leurs conséquences note que « le gouvernement russe a
tiré parti des conditions économiques et politiques relativement propices pour faire avancer un certain
nombre de grands chantiers de réforme, notamment la fiscalité, l’administration budgétaire publique, les
relations budgétaires fédéralistes et l’atténuation de certains obstacles administratifs à l’entreprise. »
Cette remise en place d’un cadre juridique clair et durable, assorti d’une justice indépendante assurant
une visibilité et un cadre de sécurité à tous les acteurs économiques est un enjeu essentiel aujourd’hui,
pour stabiliser l’économie, éviter la fuite des capitaux et attirer des entreprises étrangères plus nom-
breuses. De tous ces points de vue, la situation actuelle semble encore fortement mouvante.

570 Séquence 10-HG00

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b. L’enjeu de la modernisation des transports

On a vu qu’il s’agit d’un élément clé pour assurer la maîtrise du territoire. Des progrès sont faits, mais
le nouveau cadre territorial de la Russie oblige à revoir certains schémas.

H104. La Russie, dix ans après. Revue Hérodote.


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Il en est ainsi du réseau des tubes nécessaires au transport du pétrole et du gaz. Au Nord, pour dou-
bler la capacité d’exportation du gaz, il faut négocier avec la Lituanie et la Lettonie, et plus largement
aujourd’hui avec l’Union européenne, principale destinataire du pétrole, le libre accès jusqu’aux ports
d’embarquement.
Au Sud, Novorossiisk est le nouveau terminal russe vers lequel faire converger les productions de
Sibérie, de l’Oural et de l’asie centrale. Mais il faut traverser des régions hostiles, comme la Tchétchénie,
d’où la déviation hâtivement construite, et par ailleurs un projet concurrent via l’Iran et la Turquie, ou
directement par la Turquie à partir de l’Azerbaïdjan et de la Géorgie priverait la Russie du monopole
du transport et des importantes redevances qu’elle perçoit à ce titre.
Des projets de réseaux routiers et ferroviaires nouveaux sont en discussion pour permettre une gestion
plus intensive de la Sibérie occidentale et la relier à la mer sans passer par Moscou, de même qu’un
axe multi-modal mer Noire-Baltique : un des grands enjeux est de savoir s’il desservira la Russie en
passant par Voronej et Saint Pétersbourg, ou s’il se fera à travers l’Ukraine et les États membres de
l’Union européenne, auquel cas la Russie n’en aurait aucun avantage. Des négociations sont en cours
avec l’Union européenne sur ce point.

Séquence 10-HG00 571

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La bataille des liaisons intercontinentales

H104. La Russie, dix ans après. Revue Hérodote.


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c. Autre enjeu d’importance pour la suite, c’est celui de la capacité à sortir d’une économie de
rente8 et de productions de base, telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, conjoncturellement portée par
des prix élevés des matières premières et de l’énergie ce qui assure en bonne part le redressement
économique de ces dernières années.

Au fond, entre les services marchands qui se mettent en place dans les grandes villes à l’usage de la
nouvelle classe moyenne et des gagnants de la recomposition, et les activités rentables (pour quelques
uns) du pétrole, des mines, de la sidérurgie, il manque un maillon essentiel, celui de la production de
valeur ajoutée d’une industrie diversifiée et de services plus largement offerts. Cela renvoie à la capacité
à réintégrer dans la société et l’économie des gagnants, nombre de ceux, ménages et entreprises qui
aujourd’hui cahin-caha seulement survivent.
Et plus largement se trouve posé par là l’enjeu très géographique d’une utilisation plus intensive et
raisonnée de l’espace et des transports.

8. Économie reposant sur l’exploitation et la vente de produits du sol ou du sous-sol, et peu sur leur transformation et la production de valeur ajoutée.

572 Séquence 10-HG00

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Conclusion

Contraintes et enjeux de la maîtrise de l’espace


russe à l’heure de la recomposition
Question 2 Pour conclure ce chapitre, vous pouvez réaliser un croquis de synthèse en complétant le fond de carte
contenant quelques indications préfigurées, selon la légende suivante. Les consignes de réalisation
figurent en italiques au regard de chaque item de la légende (voir correction dans le fichier des corrigés
des activités et exercices).

Croquis géographique à réaliser

FINLANDE

POLOGNE
Saint-Petersbourg

BIÉLORUSSIE

UKRAINE MOSCOU

Nijninovgorod

Perm
Iékaterinbourg
Samara
Volgograd

Omsk
Novosibirsk

CHINE
KAZAKHSTAN Irkoutsk

TURQUIE 0 500 1000 km


Vladivostok
MONGOLIE

 Des contraintes marquées


La distance : c’est l’indication de l’échelle qui va constituer le signe.
La position en latitude : c’est la figuration du cercle polaire qui va constituer le signe.
Limite Nord de l’espace où la durée de la saison végétative permet une agriculture pérenne (au delà, la
durée et la profondeur du froid créent une contrainte qui nécessite une artificialisation) : repasser avec
un crayon de couleur orange une forte ligne préfigurée discrètement allant de la Finlande à Irkoutsk.
Limite Sud de l’espace au delà de laquelle la sécheresse constitue un obstacle à l’agriculture : repasser
en orange une ligne que vous habillerez de petites barbules pour la distinguer de la précédente.
Territoires séparés de la Russie en 1991, ex-républiques soviétiques : elles sont déjà figurées en hachures
obliques.

Séquence 10-HG00 573

© Cned – Académie en ligne


 L’écharpe du peuplement : la Russie utile
Espace peuplé de façon continue, campagnes cultivées : colorier en teinte plate orange l’espace compris
entre les deux lignes figurées dans la partie 1.
Capitale : souligner Moscou déjà figuré.
Principales villes : déjà figurées.
Régions particulièrement industrielles : repasser en rouge un cerne fort les espaces préfigurés (Moscou
– Volga, Oural, etc.) en vous aidant si nécessaire du livre.

 La Sibérie, des ressources à exploiter de façon


raisonnée dans un espace immense et vide
Espace très peu peuplé : immense ressource forestière constituée par la taïga au Sud du cercle polaire
à exploiter de façon plus raisonnée : vous pouvez figurer des astérisques ou autres formes de points
en couleur verte de place en place sur l’espace désigné.
Ressources naturelles, en particulier hydrocarbures, à exploiter de façon plus raisonnée : repasser en
couleur verte bien marquée le triangle préfiguré sur la Sibérie occidentale.
Ressources encore largement en réserve : même chose sur le triangle en ligne pointillée préfiguré sur
la Sibérie orientale.

 L’enjeu des transports


Limite des régions desservies par des réseaux assez denses et diversifiés à moderniser : la ligne pointillé
figure déjà sur le fond de carte.
Axe du Transsibérien : son tracé figure au delà de l’espace précédemment caractérisé ; vous pouvez
ajouter des petites barbules pour bien la distinguer des autres lignes figurant sur la carte.
Produits bruts à acheminer, en cherchant à privilégier des tracés utilisant le territoire russe : vous pouvez
faire deux grosses flèches vertes, l’une partant du triangle des ressources de la Sibérie occidentale et se
dirigeant vers St Pétersbourg, l’autre partant de la Caspienne et se dirigeant vers le port de Novorossiisk
sur la mer Noire.

 Des dynamiques renouvelées de gestion


de l’espace
Fronts pionniers de l’époque soviétique aujourd’hui délaissés (en particulier en Sibérie
centrale et orientale et le long du BAM). Faites figurer en violet un fort signe exprimant
une dynamique de retrait ; un petit arc de cercle d’où partent à angle droit vers l’extérieur
des flèches brisées comme ci-contre par exemple à placer sur les régions concernées.
Affaiblissement de la capacité de la capitale à diriger et contrôler l’espace : vous pou-
vez faire figurer autour de Moscou un cerne violet avec des petites dents dirigées vers
l’intérieur qui exprimeront l’idée.
Volonté d’intensifier l’utilisation de l’espace : cela concerne les espaces de la Russie utile et peuplée.
Donc la teinte plate orange qui avait été choisie pour la figurer voudra aussi exprimer l’idée de l’inten-
sification à mettre en œuvre.
Front pionnier actif en Sibérie occidentale (qui se développent en relation avec l’exploitation intensive
des ressources) : vous pouvez faire le même signe que pour les fronts pionniers abandonnés avec cette
différence que la flèche sera droite et non brisée et que la couleur sera bleu.

574 Séquence 10-HG00

© Cned – Académie en ligne


Activation d’interfaces nouvelles : cela concerne les quelques ouvertures maritimes
et quelques zones frontières avec la Chine et l’U.E. (voir cours). Couleur bleu ;
signe possible :

Pour faire la légende clairement, vous pouvez compléter la légende suivante en faisant figurer au regard
de chaque item les signes graphiques choisis.

Légende à utiliser :

 Des contraintes marquées


La distance.
La position en latitude.
Limite Nord de l’espace où la durée de la saison végétative permet une
agriculture pérenne (au delà, la durée et la profondeur du froid créent une
contrainte qui nécesssite une artificialisation).
Limite Sud de l’espace au delà de laquelle la sécheresse constitue un obstacle
à l’agriculture.

 L’écharpe du peuplement : la Russie utile


Espace peuplée de façon continue ; campagnes cultivées.
Capitale.
Principales villes.
Régions particulièrement industrielles.

 La Sibérie, des ressources à exploiter de façon


raisonnée dans un espace immense et vide
Espace très peu peuplé ; immense ressource forestière constituée par la taïga
au Sud du cercle polaire à exploiter de façon plus raisonnée.
Ressources naturelles, en particulier hydrocarbures, à exploiter de façon plus
raisonnée.

Ressources encore largement en réserve.

 L’enjeu des transports


Limite des régions desservies par des réseaux assez denses et diversifiés à
moderniser.
Axe du Transsibérien.
Produits bruts à acheminer, en cherchant à privilégier des tracés utilisant le
territoire russe.

Séquence 10-HG00 575

© Cned – Académie en ligne


 Des dynamiques renouvelées de gestion
de l’espace
Fronts pionniers de l’époque soviétique aujourd’hui délaissés (en particulier
en Sibérie centrale et orientale et le long du BAM).
Affaiblissement de la capacité de la capitale à diriger et contrôler l’espace.
Volonté d’intensifier l’utilisation de l’espace.
Front pionnier actif.
Activation d’interfaces nouvelles. ■

576 Séquence 10-HG00

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