Sie sind auf Seite 1von 9

Page 1

Document 3 de 3

La Semaine Juridique Edition Générale n° 2, 10 Janvier 2001, II 10452

Un revirement spectaculaire en matière de patrimonialisation des clientèles


civiles
Commentaire par François VIALLA
Maître de conférences de droit privé, Directeur de l'équipe de recherche Droit et Santé de la Faculté de droit de
Montpellier

Sommaire

Si la cession de la clientèle médicale, à l'occasion de la constitution ou de la cession d'un fonds libéral d'exercice de la profession,
n'est pas illicite, c'est à la condition que soit sauvegardée la liberté de choix du patient.

Contrats et obligations
Cession de clientèle civile
Cession de la clientèle médicale
Constitution ou cession d'un fonds libéral d'exercice de la profession
Condition de validité
Sauvegarde de la liberté de choix du patientCass. 1re civ., 7 nov. 2000 ; Woessner c/ Sigrand [arrêt n° 1723 P + B + R]
[Juris-Data n° 006729].

LA COUR - (...) Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :


Attendu que M. Woessner, chirurgien, a mis son cabinet à la disposition de son confrère, M. Sigrand, en créant
avec lui une société civile de moyens ; qu'ils ont ensuite conclu, le 15 mai 1991, une convention aux termes de
laquelle M. Woessner cédait la moitié de sa clientèle à M. Sigrand contre le versement d'une indemnité de 500 000
F ; que les parties ont, en outre, conclu une "convention de garantie d'honoraires" par laquelle M. Woessner
s'engageait à assurer à M. Sigrand un chiffre d'affaires annuel minimum ; que M. Sigrand, qui avait versé une partie
du montant de l'indemnité, estimant que son confrère n'avait pas respecté ses engagements vis-à-vis de sa clientèle,
a assigné celui-ci en annulation de leur convention ; que M. Woessner a demandé le paiement de la somme lui
restant due sur le montant conventionnellement fixé ;
Attendu que M. Woessner fait grief à l'arrêt attaqué (CA Colmar, 2 avr. 1998) d'avoir prononcé la nullité du contrat
litigieux, de l'avoir condamné à rembourser à M. Sigrand le montant des sommes déjà payées par celui-ci et de
l'avoir débouté de sa demande en paiement du solde de l'indemnité prévue par la convention, alors, selon le moyen,
d'une part, qu'en décidant que le contrat était nul comme portant atteinte au libre choix de son médecin par le
malade, après avoir relevé qu'il faisait obligation aux parties de proposer aux patients une "option restreinte au
choix entre deux praticiens ou à l'acceptation d'un chirurgien différent de celui auquel ledit patient avait été adressé
par son médecin traitant", ce dont il résultait que le malade conservait son entière liberté de s'adresser à M.
Woessner, à M. Sigrand ou à tout autre praticien, de sorte qu'il n'était pas porté atteinte à son libre choix, la cour
d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1128 et 1134 du
Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de rechercher comme elle y était invitée, si l'objet du contrat était
en partie licite, comme faisant obligation à M. Woessner de présenter M. Sigrand à sa clientèle et de mettre à la
disposition de celui-ci du matériel médical, du matériel de bureautique et du matériel de communication, de sorte
que l'obligation de M. Sigrand au paiement de l'indemnité prévue par le contrat était pour partie pourvue d'une
cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1128, 1131 et 1134 du Code civil ;
Mais attendu que si la cession de la clientèle médicale, à l'occasion de la constitution ou de la cession d'un fonds
libéral d'exercice de la profession, n'est pas illicite, c'est à la condition que soit sauvegardée la liberté de choix du
patient ; qu'à cet égard, la cour d'appel ayant souverainement retenu qu'en l'espèce, cette liberté de choix n'était pas
respectée, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, mal fondé en sa première branche, est
inopérant en sa seconde.
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi (...) .
MM. Lemontey, prés., Bargue, cons.-rapp., Mme Petit, av. gén. ; SCP Richard et Mandelkern, Me Garaud, av.

1.
Note
:
Un revirement spectaculaire en matière de patrimonialisation des clientèles civiles.
À propos d'une banale affaire de cession de clientèle médicale, la première Chambre civile de la Cour de cassation
rompt avec une jurisprudence plus que centenaire en reconnaissant la validité de la cession de clientèle civile à
l'occasion de la constitution ou de la vente d'un fonds libéral. Le revirement de jurisprudence met fin à une position
ambiguë du droit positif à l'égard de la patrimonialité des activités libérales.
Amorcée dès la moitié du XIXe siècle, la controverse doctrinale et prétorienne relative à la patrimonialité des activités
libérales vient de prendre un tour nouveau avec un spectaculaire arrêt de revirement de la première Chambre civile de la
Cour de cassation. Cette décision remet en cause la prohibition des cessions de clientèle civile établie depuis plus de
150 ans . Au centre des réflexions, la question de la validité des cessions de clientèle apparaissait comme le point
traditionnel de confrontation entre partisans et opposants d'une patrimonialité achevée des activités libérales.
Appelée de manière récursive dans l'enceinte judiciaire, cette question a été, pour la jurisprudence, l'occasion de
développer une position ambivalente, voire ambiguë, faite d'opposition de principe associée à une grande tolérance
pratique envers ce mouvement de patrimonialisation des activités libérales. L'hostilité prenait symptomatiquement la
forme d'une invalidation des conventions de cession de clientèle. Cette position rigoureuse plongeait ses racines dans
une perception traditionnelle, voire traditionaliste, de la profession libérale. Activité intellectuelle, indépendante et
désintéressée, la relation libérale serait intrinsèquement caractérisée par l'existence d'un lien de confiance particulier
unissant praticien et client. En raison de ce caractère intuitu personae et du principe de libre choix du praticien par le
client en découlant, l'activité libérale serait naturellement rétive à toute forme de patrimonialisation .
Tirant les conclusions de cette conception figée du monde libéral, les magistrats avaient établi une règle apparemment
absolue : l'illicéité de l'objet de la convention. La clientèle n'étant attirée qu'à raison de la confiance, d'essence
personnelle, inspirée par l'homme de l'art, la chose objet de la convention de cession, la clientèle, ne serait pas dans le
commerce juridique et, par voie de conséquence, l'objet du contrat serait illicite et la convention annulable . Sanctionnée
par une nullité, la convention de clientèle entraînait, par ailleurs, dans sa chute celle des conventions satellites .
Loin d'être circonscrite aux seuls débats judiciaires, la discussion fut relayée en doctrine entre partisans du maintien de
l'interdiction de principe et défenseurs d'une position rénovée, ouverte à la notion de fonds libéral . La décision
commentée revêt dans ce contexte de querelle tant doctrinale que prétorienne une importance majeure. L'affaire portée
devant la Haute juridiction s'inscrit, en effet, dans cette conjoncture particulière où s'affrontent partisans de la stricte
orthodoxie juridique et défenseurs de l'adaptation du droit aux réalités économiques qu'il encadre.
À l'occasion d'une affaire fort classique opposant le cédant d'une clientèle à son cessionnaire quant à la validité de
l'engagement souscrit, la première Chambre civile de la Cour de cassation a procédé à un revirement de jurisprudence
en se référant expressément à la notion de fonds libéral tout en ménageant un certain nombre de garde-fous permettant
d'éviter les critiques les plus acerbes des opposants à la patrimonialité sans borne.
Après avoir créé une société civile de moyens, deux chirurgiens, désignés au contrat comme le cédant et le
cessionnaire, avaient conclu une convention au terme de laquelle était effectuée "un rachat partiel de patientèle" contre
Page 3

le versement d'une indemnité . Classiquement contestable au regard de son contenu, ce contrat l'était, encore, dans son
exécution faisant incontestablement peu de cas de la volonté du patient, violant, par là, le principe d'ordre public
déontologique de libre choix du praticien par son patient. Souhaitant remettre en cause la cession partielle de clientèle
ainsi réalisée, le cessionnaire en contestait la validité et saisissait le Tribunal de grande instance de Mulhouse. Le
cédant concluait à la validité de l'engagement et réclamait le solde de l'indemnité devant la même juridiction. Joignant
les deux demandes, le tribunal de grande instance, par jugement du 12 mai 1995, faisait droit au cessionnaire et
condamnait son partenaire contractuel à lui rembourser les sommes perçues. Interjetant appel de cette décision, ce
dernier la voyait confirmée par la Cour d'appel de Colmar dans un arrêt en date du 2 avril 1998.
À la suite du pourvoi formé par le cédant, la première chambre civile décidait de rompre de manière retentissante avec
sa jurisprudence. La Haute juridiction considère que, sous réserve que soit sauvegardée "la liberté de choix du patient",
"la cession de la clientèle médicale, à l'occasion de la constitution ou de la cession d'un fonds libéral d'exercice de la
profession, n'est pas illicite". Bien que rejetant le pourvoi, à raison d'une atteinte à la liberté de choix du praticien par le
patient, la cour rend une décision opérant sur le fond un profond bouleversement des schémas classiques de
raisonnement. La décision rendue est en rupture avec la position jusqu'alors dominante et parfois taxée d'"hypocrisie" .
L'importance de la décision ne doit pas être négligée dans la mesure où les Hauts magistrats, en effet, auraient très bien
pu valider l'opération en recourant à l'un des artifices auxquels la matière nous a habitués . Au lieu de cela, la voie
choisie est celle de l'innovation, la cour opérant une reconnaissance attendue de la notion de fonds libéral (1). Pour
autant, envisageant la portée théorique et pratique de sa décision, la Haute juridiction ne néglige pas les spécificités du
monde libéral. Elle prend, en effet, le soin de poser quelques jalons restrictifs à la cessibilité des clientèles libérales.
Pour innovante qu'elle soit, cette décision n'en reste pas moins perfectible (2), certains points portant en germe de
potentielles controverses à venir.

2. 1 - L'importance du revirement
La décision de la Cour de cassation s'inscrit dans un mouvement tant doctrinal que prétorien, allant dans le sens d'une
reconnaissance progressive de la patrimonialité des activités libérales. Depuis quelque temps, sous la pression des
réalités économiques, l'évolution des positions rendait perceptible, voire espéré (A), le revirement aujourd'hui opéré (B).

A. - A - L'espérance
Réalisant une cession partielle de patientèle, la convention litigieuse encourait la censure selon les canons traditionnels
en la matière. Jusqu'alors, les magistrats sanctionnaient en effet de telles opérations par une nullité . Toute convention
portant sur une clientèle libérale n'était, cependant, pas bannie du paysage juridique français. La plupart des opérations
mettant en place non une cession mais une présentation de clientèle, conjonction d'obligations de faire et de ne pas faire,
trouvaient grâce devant les plus farouches opposants à la patrimonialisation .
Compte tenu de toutes les possibilités indirectes de validation des opérations litigieuses, la voie choisie par les
magistrats de reconnaître explicitement la validité d'une opération de cession de fonds libéral sous la seule réserve de
préservation du principe de libre choix est, donc, riche d'enseignements. Elle constitue une volonté manifeste de rupture
avec la jurisprudence classique rendue en la matière.
Cette audace s'inscrit dans le prolongement d'un ample mouvement doctrinal et jurisprudentiel d'homologation
d'opérations concernant des cabinets libéraux qui laissait augurer le revirement. Depuis quelques années, en effet, les
magistrats prenaient régulièrement position en faveur de la validité de la cession de la clientèle libérale ou de manière
plus convaincante de cabinets , voire, ultime aboutissement, de fonds .

B. - B - La pertinence
En reconnaissant dans la présente décision une patrimonialité achevée des clientèles libérales, les Hauts magistrats font,
avant tout, œuvre de cohérence. La jurisprudence, en rupture avec les réalités économiques, était, en effet, devenue
anachronique et versatile. Cette inconstance du droit positif atteignait son paroxysme dans l'opposition manifeste entre
la position prétorienne et celle du législateur. En s'engageant sur la voie de la reconnaissance du fonds libéral, les Hauts
magistrats permettent de retrouver une certaine cohérence entre les positions respectives, ils ouvrent aussi la voie à une
unification de la jurisprudence permettant de mettre fin en la matière à un sentiment d'insécurité juridique chronique.
Dans sa décision, la Haute juridiction reconnaît la validité d'une cession de clientèle libérale et, partant, l'existence du
fonds libéral, en visant deux types d'opérations dont il peut être l'objet. La cession de clientèle, nous enseigne la cour,
peut avoir pour finalité la constitution d'un fonds libéral mais aussi sa cession. Focalisant le débat sur la seule question
de la clientèle, la cour s'expose à certaines critiques. Sa décision ouvre cependant des perspectives nouvelles aux acteurs
libéraux et aux rédacteurs de contrats. Il n'existe, en effet, aucune raison à limiter les actes sur fonds libéral aux seules
opérations de création et de cession. Tout comme pour ses aînés commerciaux et artisanaux, le fonds libéral est une
valeur qui, devenue bien, peut être l'objet de multiples conventions ayant pour finalité soit d'en conférer l'utilité, soit
d'en transmettre la propriété. La consécration juridique d'un fonds est, en effet, utile tant aux praticiens eux-mêmes qu'à
leurs partenaires. On peut, alors, remarquer que la plupart des opérations envisagées, loin de nécessiter une intervention
législative, peuvent d'ores et déjà trouver dans le droit commun un statut embryonnaire en permettant l'accueil.
Opérant une reconnaissance explicite du fonds libéral, la Cour de cassation n'entend, cependant, pas offrir un blanc-
seing aux praticiens souhaitant céder leur position professionnelle. Elle prend soin de fixer les contours précis et
conditions de validité de telles opérations, cession ou constitution, de fonds libéral. Sa décision, cependant, souffre
d'un certain nombre d'imprécisions, qui devront être clarifiées, sous peine d'être le prétexte à de nouvelles controverses.

3. 2 - L'insuffisance du revirement
Décidant de reconnaître en droit positif français la cessibilité des clientèles civiles et partant l'existence d'un fonds
libéral, la Cour de cassation fixe cependant certaines limites (A) à la validité d'opérations jusqu'alors annulables. En
focalisant le débat sur la question de la clientèle elle s'expose, cependant, à la critique (B).

A. - A - La limite
Tout en rompant avec une jurisprudence plus que centenaire, la Cour de cassation institue une souhaitable limite à la
cessibilité nouvelle, en posant comme condition de validité la sauvegarde de "la liberté de choix du patient". Induite en
matière médicale par les dispositions de l'article 6 du Code de déontologie, cette réserve de bon sens ne saurait être
contestée. Il reste, cependant, à en fixer les contours précis. Le principe de liberté de choix est depuis longtemps l'un des
relais privilégiés de l'invalidation d'opération sur clientèle libérale.
Laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond, cette limite n'est, toutefois, pas de nature à remettre en cause la
reconnaissance opérée du fonds libéral. Elle n'a pour finalité que de fixer des bornes au-delà desquelles les opérations
sur fonds libéral, valables par principe, pourraient être invalidées en particulier. La question se pose de savoir si cette
limite doit ou non être entendue de manière restrictive. Dans la première hypothèse, la limite serait conditionnée par
l'existence d'une règle déontologique, implicite ou explicite, garantissant la liberté de choix. Dans la seconde elle serait
une mesure de portée générale de protection des intérêts des clients. Cette limite doit, selon nous, être largement
entendue, elle ne doit, notamment, pas être circonscrite aux seules activités libérales.
Il faut à ce stade remarquer que laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond, la question de l'appréciation de la
violation du principe du libre choix pourrait être une nouvelle source d'oscillation prétorienne, voire de controverse
doctrinale. On remarquera, notamment, que l'appréciation de cette garantie peut être particulièrement fluctuante, les
magistrats se montrant parfois fort complaisants et que le principe de liberté de choix ne constitue pas une remise en
cause systématique des conventions de cession partielle de clientèle. Source d'une possible fluctuation jurisprudentielle
la question de la liberté de choix n'est pas le seul point d'interrogation suscité par la décision rapportée.

B. - B - La critique
Sans véritablement se prononcer sur la nature de ce fonds nouveau, les magistrats nous délivrent un certain nombre
d'enseignements quant à sa composition, en précisant implicitement que la clientèle est élément de ce fonds. La décision
originale rendue par la Cour de cassation s'expose sur ce point à la critique. On peut lui reprocher de ne pas
suffisamment se démarquer de la jurisprudence rendue en matière de fonds de commerce et de procéder à un clonage
pour créer un fonds de commerce libéralisé. L'apparente identité des évolutions ayant conduit les différentes activités
économiques vers la patrimonialisation n'induisait pas nécessairement une identité de traitement. La Cour de cassation
aurait dû, selon nous, se garder de procéder à une imitation du modèle, moins en raison d'une originalité réelle ou
supposée de l'activité libérale, que du fait du caractère contestable de la construction actuelle du fonds de commerce.
On peut, notamment, craindre à la lecture de la décision que la clientèle soit elle-même considérée comme l'un des
éléments incorporels constituant le fonds. Dans cette hypothèse, le principal reproche émis à l'encontre de la
construction du fonds de commerce et du fonds artisanal pourrait à son tour être formulé à propos du fonds libéral.
Page 5

Il convient, donc, à ce stade d'interpréter le terme de clientèle, cette notion étant somme toute nouvelle dans notre Droit.
On s'aperçoit que la plupart des oppositions doctrinales sur ce terrain, mais encore la distinction de régime jusqu'alors
existant entre clientèle civile et commerciale, tient avant tout à un malentendu et à une absence de précisions sur la
définition même du terme de clientèle.
Deux acceptions distinctes de cette notion peuvent être identifiées, l'une, subjective, dans laquelle la clientèle représente
l'ensemble des clients, l'autre, plus objective, dans laquelle la clientèle représente les éléments d'attirance du client. La
première était implicitement celle jusqu'alors retenue en matière d'activité libérale et justifiait l'hostilité à l'encontre des
cessions de clientèle. La seconde, implicitement retenue en matière commerciale, permettait la pleine cessibilité de la
clientèle commerciale. L'une des originalités de la décision étudiée est de se rallier à une conception objective de la
clientèle, tout en considérant que dans le cadre d'une activité libérale, cette clientèle, objectivement entendue, peut ne
pas être exclusivement attirée par la personne du praticien mais par d'autres facteurs. Ces facteurs non personnels
d'attirance devenant essentiels dans les activités libérales justifient, dès lors, que cette clientèle objectivement entendue
soit désormais cessible sans encourir la nullité. Le fait que l'homme de l'art puisse encore être un facteur, personnel,
d'attrait du client ne suffit plus à invalider la cession, il justifie, tout au plus, un prix de cession moindre que dans une
opération où la clientèle est totalement attirée par des facteurs autres que l'humain.
Il faut alors remarquer que, quelle que soit l'acception de la clientèle finalement retenue, subjective ou objective, elle n'a
pas vocation à être considérée comme élément d'un fonds quelconque, commercial, artisanal ou libéral. Si une analyse
subjective de la clientèle prévaut, alors ce peuple d'hommes et de femmes ne peut, au nom "d'un humanisme
élémentaire" , être réifié et considéré comme élément d'un fonds . Si l'on retient une conception plus objective, alors, la
clientèle, combinaison rationnelle de facteurs d'attirance des clients, se confond avec la notion même de fonds, et ne
peut dès lors en être l'un des éléments constitutifs, elle ne saurait être fin et moyen. C'est à ce titre que la formule
employée par les Hauts magistrats nous paraît critiquable. En autorisant "la cession de la clientèle médicale, à
l'occasion de la constitution ou de la cession d'un fonds libéral", la cour semble implicitement faire de la clientèle un
élément dudit fonds, au risque de reproduire les errements reprochés à la construction du fonds de commerce.
Les magistrats pourraient mettre à profit les futures décisions qui interviendront pour préciser les contours du fonds
libéral, pour en bannir la clientèle, cette "originalité (...) récente du droit français" introduite par étourderie dans notre
Droit . Depuis plus d'un siècle, en effet, la clientèle apparue par erreur en 1872, prenant de l'importance avec la loi de
1909 au détriment de l'achalandage, ne cesse de prendre de l'ampleur et d'importuner, voire de paralyser, les juristes. La
consécration du fonds libéral est l'occasion d'en finir avec les dérives occasionnées par les raisonnements axés sur la
clientèle. Le fonds libéral, loin d'être une pâle imitation de ses aînés, pourrait, au contraire, servir d'exemple à leur
réforme.
,

L'auteur tient à remercier M. Le Conseiller P. Sargos qui lui a fait l'amabilité de lui adresser la présente décision.

V. à ce propos : obs. S. Deis : http ://www.dalloz.fr/actualité, sur la présente décision. - Pour une étude d'ensemble, V. notamment M.
Chaniot-Waline, La cession des clientèles civiles, LGDJ, coll. Bibl. dr. priv., 1994, t. 244 ; F. Vialla, L'introduction du fonds libéral en droit
positif français, Litec, coll. Bibl. dr. entr., 1999, t. 39 ; Y. Auguet, Concurrence et clientèle, LGDJ, coll. Bibl. dr. priv., 2000, t. 315, p. 210 et
s.

Sur la question, V. notamment M. Chaniot-Waline, op. cit., p. 30. - À propos du lien de confiance particulier unissant praticien et client
justifiant l'invalidation des conventions de clientèle : T. civ. Seine, 25 févr. 1846 : S. 1846, 2, p. 142. - J. Carbonnier, note ss T. civ. Foix, 31
mars 1948 : JCP G 1948, II, 4419. - À propos du caractère "intuitus personae" : J. Audier, Les droits patrimoniaux à caractère personnel,
LGDJ, coll. Bibl. dr. priv., 1979, t. 159, n° 33. - Sur le principe de libre choix : CA Montpellier, 8 juin 1994, inédit. - Ce principe est parfois
érigé en règle déontologique, V. par exemple : C. déont. méd., art. 6 (D. n° 95-1000, 6 sept. 1995 : Journal Officiel 8 Septembre 1995 ; JCP
G 1995, III, 67617).

G. Loiseau, Typologie des choses hors du commerce juridique : RTD civ. 2000, notamment p. 59.
Pour une étude d'ensemble de la jurisprudence, V. par exemple : M. Chaniot-Waline, op. cit. note (1) ; H. Zuelgaray, La cession des
clientèles civiles, thèse Nice, 1998 ; F. Vialla, op. cit. note (1), notamment p. 121 et s.

La nullité était prononcée sur le fondement de l'article 1128 du Code civil (V. cette année encore : CA Paris, 14 janv. 2000 : D. 2000, p. 517,
note G. Mémeteau) rarement associé à l'article 1598, V. T. civ. Seine, 25 févr. 1846, préc. note (2). - Cependant sur la validité du commodat
de clientèle civile malgré les dispositions voisines de l'article 1878 du Code civil, V. Cass. com., 12 nov. 1986 : Bull. Joly 1987, p. 1142. -
CE, 11 mai 1984 : JCP E 1986, II, 14788, note J. Monéger. - Le fondement choisi était critiqué, celui de l'article 1108 du Code civil
paraissant plus adéquat, V. par exemple : J. Mestre, obs. ss Cass. 1re civ., 27 nov. 1984 et 8 janv. 1985 : RTD civ. 1987, p. 91 et s. ; sur ces
arrêts, V. encore : D. 1986, p. 448, note J. Penneau. - B. Beignier, note ss CA Limoges, 10 mai 1993 : D. 1994, p. 163. - Cass. 1re civ., 7
févr. 1990 : Defrénois 1990, art. 34837, p. 119, note J.-L. Aubert. - Obs. F. Zénati, in RTD civ. 1991, p. 560.

Pour une SCM unissant les praticiens : CA Limoges, 10 mai 1993 : D. 1994, p. 161, note B. Beignier. - Pour la nullité d'un prêt destiné à
financer l'achat de la clientèle : Cass. 1re civ., 1er oct. 1996 : Dr. et patrimoine déc. 1996, p. 76, obs. P. Chauvel ; D. 1997, somm. p. 171,
obs. R. Libchaber ; Contrats, Conc., Consom. 1997, comm. n° 3, obs. L. Leveneur ; JCP G 1996, IV, 2247 ; Juris-Data n° 003593. - V.
encore J.-B. Seube, L'indivisibilité et les actes juridiques, Litec, coll. Bibl. dr. entr., 1999, t. 40, n° 94-1.

Ph. Lafarge et G. Algazi, Contre le "fonds libéral" : Gaz. Pal. 1997, 2, doctr. p. 1124 ; sur la question, V. encore Ph. Reigné, L'avenir d'une
fiction juridique : le particularisme des clientèles des professions libérales, in L'avenir du droit, Mélanges F. Terré, Dalloz-PUF-éd. du Juris-
Classeur 1999, p. 587.

J.-J. Daigre, Du fonds libéral en général, in Mélanges Sayag, Litec, 1997 ; Patrimonialité des clientèles civiles : du cabinet au fonds libéral :
Dr. et patrimoine déc. 1995, p. 36 ; N. Decoopman, Étude Entreprises libérales, entreprises commerciales : JCP G 1993, I, 3671 ; S. Ferré-
André, De la patrimonialisation à la commercialisation des clientèles civiles et des professions libérales : RTD com. 1995, p. 566. - F. Vialla,
op. cit. note (1).

L'acte litigieux parlait de "patientèle".

Le fait que l'arrêt commenté soit un arrêt de rejet ne nuit en rien, selon nous, à cette qualification : en effet, le rejet est opéré sur la base du
non-respect de la liberté de choix du patient, et non sur la question de fond de la validité de l'opération incriminée.

C'est à notre connaissance la première décision de la Haute juridiction reconnaissant ouvertement cette notion. Le terme de fonds libéral
avait, cependant, déjà été utilisé par des juridictions du fond, V. par exemple : CA Montpellier, ch. soc., 6 mai 1997 : Juris-Data n° 034131. -
V. encore TGI Meaux, 24 juin 1999 : JCP E 1999, p. 1589, note F. Vialla.

Les praticiens concluaient, par ailleurs, une convention de garantie de chiffre d'affaires annuel minimum.

Sa décision est, en effet, promise à publication, devant recevoir les honneurs du Bulletin et devant figurer au rapport annuel de la cour.

R. Savatier, L'introduction et l'évolution du bien clientèle..., in Mélanges Maury, t. 1, p. 566 ; J. Viatte : Journ. not. 1961, p. 500 ; R.
Perruchot-Triboulet, Cession de clientèle : Rev. crit. législ. et jurispr. 1935, p. 220, l'auteur parle de position "jésuistique" ; P. Julien, Les
clientèles civiles : RTD civ. 1963, p. 222 et s. ; contra Ph. Reigné, art. préc. note (7), p. 599 : "En cette matière, la jurisprudence, assurant un
minimum d'équité par le recours à une fiction juridique, n'est ni hypocrite, ni aveugle, ni schizophrène ; elle est subtile".

Ainsi des contrats expressément qualifiés, comme en l'espèce, de cession de clientèle échapperont à la censure, les magistrats n'hésitant pas à
les requalifier en conventions de présentation : CA Lyon, 6 janv. 1958 : Gaz. Pal. 1958, 1, p. 192. - V. encore B. Beignier, note ss Cass. 1re
civ., 7 juin 1995 : D. 1995, p. 561.

Soit sur le terrain de l'illicéité de l'objet, soit sur le terrain plus convaincant de l'absence d'objet et de cause, V. supra note (5).

Dans un premier temps, la réalisation globale du cabinet du vivant du praticien fut autorisée (Cass. req., 13 mai 1861 : S. 1861, 1, p. 638. -
Cass. 1re civ., 7 oct. 1997 : D. 1998, p. 78, note B. Beignier ; JCP G 1997, IV, 2273 ; Juris-Data n° 003852). Ce furent, dans un second
temps, les réalisations partielles de cabinets qui furent tolérées (Longtemps suspectes [Cass. 1re civ., 23 janv. 1968 : D. 1969, p. 177, note R.
Savatier. - T. civ. Seine, 27 juin 1956 : JCP G 1956, II, 9624, note J. Savatier], ces conventions sont, aujourd'hui, validées [Cass. 1re civ., 8
janv. 1985 : D. 1986, p. 448, note J. Penneau]). Les magistrats validèrent, ensuite, les présentations réalisées par les héritiers du
professionnel décédé (CA Pau, 4 oct. 1954 : JCP G 1955, II, 8470, note J. Savatier. - Cass. 1re civ., 9 mai 1961 : RTD civ. 1963, p. 213, obs.
Julien ; - 17 mai 1961 : RTD civ. 1962, p. 132, obs G. Cornu). Les magistrats faisaient souvent preuve en pratique d'une grande
complaisance à l'égard d'opérations litigieuses (CA Pau, 26 sept. 1955 : Gaz. Pal. 1955, 2, p. 301. - Cass 1re civ., 22 oct. 1975 : JCP G 1976,
Page 7

II, 18230, note R. Savatier ; - 7 févr. 1990, préc. note (5). - V. encore supra note [15]).

Déjà : CA Paris, 10 mars 1910 : S. 1910, 2, p. 198. - CA Agen, 20 juill. 1988, cassé par Cass. 1re civ., 7 févr. 1990, préc. note (5). - V. aussi
R. Perruchot-Triboulet, art. préc. note (14), p. 230.

Cass. 1re civ., 5 mai 1993 : Defrénois 1993, art. 35691, p. 125, note M.-C. Forgéard ; JCP G 1994, II, 22279, note G. Mémeteau ; - 3 déc.
1996 : D. 1997, p. 151, rapp. Y. Chartier, note Y. Serra ; JCP G 1997, II, 22799, note J.-J. Daigre.

TGI Meaux, 24 juin 1999, préc. note (11).

On rappellera que depuis la loi du 29 novembre 1966 les apports de "droits incorporels" en SCP sont considérés comme des apports en
nature. Sur la question, V. notamment A. Lamboley, La société civile professionnelle..., Litec, coll. Bibl. dr. entr., 1975, t. 3, notamment p.
205, n° 241 ; M. Chaniot-Waline, op. cit. note (1), p. 305, n° 364 ; F. Maury, L'exercice d'une profession réglementée sous la forme d'une
société, thèse Bordeaux, 1998, nos 366 et s. - V. encore CGI, art. 719 et 720. - J.-P. Le Gall, Histoire d'une "position avancée"... : JCP CI
1980, II, 13403 ; C. David, Les conventions de successeur : BF Lefebvre nov. 1990, chron. p. 711. - Cass. com., 3 mai 1984 : Bull. civ. IV,
n° 147 ; - 8 nov. 1983 : RJF juill. 1984, n° 913.

V. infra 2, B.

J.-M. Mousseron, Valeur, bien, droit, in Mélanges A. Breton et F. Derrida, Dalloz, 1998, p. 278.

On songe, notamment, au commodat, au louage de fonds. Sur cette question, V. M.-H. Monsérié-Bon, Utilisation des contrats de location et
de commodat par les professions libérales : Dr. et patrimoine 1999, p. 28. - F. Vialla, op. cit. note (1), p. 381 et s.

La consécration de ce fonds permettrait une intégration facilitée des jeunes praticiens par le recours à des outils juridiques de type location-
gérance ; valeur stabilisée, le cabinet devenu fonds pourrait, par ailleurs, constituer l'assiette d'une sûreté nouvelle permettant d'asseoir le
crédit des praticiens : A. Pélissier, Possession et meubles incorporels, thèse Montpellier, 2000, Dalloz, coll. Nouvelle Bibl. de thèses, 2001 (à
paraître) ; C. Lisanti, Les sûretés conventionnelles sur meubles incorporels, thèse Montpellier, 2000 ; F. Vialla, op. cit. note (1), p. 320 et s.
L'avènement du fonds libéral permettrait, en outre, de clarifier certaines dispositions législatives existant en matière de régimes
matrimoniaux. On songe notamment à la notion d'exploitation faisant partie ou dépendant de la communauté envisagée aux articles 1404 et
1424 du Code civil. Le fonds libéral constitue sans conteste une telle exploitation.

Ainsi les contrats cherchant à conférer la jouissance du fonds peuvent trouver un régime d'accueil dans les règles encadrant le commodat (C.
civ., art. 1875 à 1891) ou le louage de choses (C. civ., art. 1713 à 1751). Pour certaines activités cependant l'existence de règles
déontologiques expresses semblent s'opposer à l'application du droit commun. C'est le cas, par exemple, pour la profession médicale, V. C.
déont. méd., art. 89 : "Il est interdit de faire gérer son cabinet par un confrère...", cette interdiction ne semble toutefois pas absolue dans la
mesure où le même texte met en place des outils, temporaires, de gestion du cabinet par un praticien remplaçant (F. Vialla, op. cit. note [1],
nos 331 et s.). - De la même manière les contrats cherchant à conférer non la simple utilité mais la propriété du fonds trouveront refuge dans
le droit des sociétés et le droit de la vente. Pour certaines opérations destinées à assurer un financement de l'exploitation libérale, comme la
réalisation d'une sûreté, dont l'assiette serait le fonds, une intervention législative préalable semble, en revanche, nécessaire : J. Mestre, E.
Putman et M. Billiau, Traité de droit civil, sous la direction de J. Ghestin, t. 2, Droit spécial des sûretés réelles, LGDJ, 1996, p. 309, n° 871.

T. civ. Seine, 25 févr. 1846, préc. note (2). - Cass. 1re civ., 27 nov. 1984 : D. 1986, p . 448, note J. Penneau ; - 7 févr. 1990, préc. note (5). -
CA Limoges, 10 mai 1993, préc. note (6), le commentateur remarque : "Le contrat ne doit pas répartir la clientèle initiale comme on partage
un troupeau" (cette décision sera cassée par Cass. 1re civ., 7 juin 1995, préc. note [15]). - Cass. 1re civ., 19 oct. 1999 : Contrats, Conc.,
Consom. 2000, comm. n° 39.

CA Paris, 26 févr. 1991 : D. 1992, somm. p. 50, obs. Y. Serra, la cour remarque : "Une entreprise - commerciale - ne bénéficie d'aucun droit
privatif sur sa clientèle...". - Comme l'écrit le Professeur Beignier : "... le commerçant qui vend son fonds n'a pas l'obligation de transmettre
sa clientèle à son successeur mais celle de ne pas la détourner", note ss CA Limoges, 10 mai 1993 préc. note (5), p. 163.

V. pour un exemple flagrant : Cass. 1re civ., 7 juin 1995, préc. note (15), cassant CA Limoges, 10 mai 1993, préc. note (6) ; les magistrats se
contentent souvent d'une liberté négative : Cass. 1re civ., 19 janv. 1988 : JCP G 1989, II, 21298, note M. Harichaux ; - 5 mai 1993 : JCP G
1994, II, 22279, note G. Mémeteau ; - 7 oct. 1997, préc. note (17) ; Contrats, Conc., Consom. 1998, comm. n° 19, obs. L. Leveneur. Dans
cette affaire la Haute juridiction validait deux opérations successives de présentation partielle avec établissement de liste de clients : "...
attendu que la clientèle peut faire l'objet de contrats de présentation partielle, et, à cet effet, de l'établissement de liste" ! On remarquera sur
cette question que les principales atteintes au libre choix se produiront avec l'assentiment de l'État. Ainsi certaines professions libérales
bénéficient d'un monopole ou d'un quasi-monopole légal - on songe, notamment, mais non exclusivement, au fonds notarial ou à celui des
huissiers de justice - portant indéniablement atteinte au libre choix ; certaines règles d'exercice de la médecine introduite pour des raisons de
contrôle des dépenses de santé sont à ce titre potentiellement attentatoires au principe. On songe à la limitation de la possibilité de consulter
un praticien spécialiste, mais, encore, à la reconnaissance nouvelle de médecins référents.

Les conventions de cession partielle sont, en effet, l'occasion privilégiée d'atteinte à la liberté de choix. Les magistrats se montrant forts
tolérants à leur endroit : Cass. 1re civ., 7 oct. 1997, préc. note (17).

Les Hauts magistrats ne se prononçant pas sur la nature de ce fonds. Une ébauche peut en être décelée dans des décisions de juridiction du
fond, V. notamment Cass. 1re civ., 3 déc. 1996, préc. note (19). - TGI Meaux, 24 juin 1999, préc. note (11). - Ce fonds semble présenter une
nature ambivalente, à la fois complexe de biens et bien complexe. Comme ses aînés le fonds libéral paraît, alors, être une universalité de fait,
V. J. Carbonnier, Droit civil, ..., t. III, p. 82, n° 23. - P. Julien, art. préc. note (14), p. 218, n° 4. - J. Savatier, Étude juridique de la profession
libérale, LGDJ, 1947, p. 154 ; note ss CA Pau, 4 oct. 1954, préc. note (17). - J.-J. Daigre, art. préc. note (8). - Dans le jugement du TGI de
Meaux, les magistrats utilisaient la notion intéressante "d'organisation originale conçue et réalisée par le professionnel" faisant du fonds une
originalité concurrentielle. Ce qui est, alors, monnayé ce n'est pas un chiffre d'affaires passé, mais la possibilité de réitérer une réussite par la
transmission de facteurs attractifs de clientèle. Sur la question, V. F. Vialla, op. cit. note (1), n° 243.

Sur une telle qualification à propos du fonds artisanal consacré en 1996 : T. Revet, Actes de commerce, commerçants et fonds de
commerce : RTD civ. 1991, p. 1008 et 1009.

Ch. Maquet, Professions libérales et patrimonialité : JCP G 1956, I, 1373 ; P. Esmein, Une clientèle de profession libérale est-elle un bien
patrimonial ? : Gaz. Pal. 1952, 1, doctr. p. 14 et s ; R. Savatier, art. préc. note (14), p. 561.

J. Audier, op. cit. note (2), p. 46, n° 39.

Sur la notion, V. J.-M. Mousseron, T. Revet et J. Raynard, De la propriété comme modèle, in Mélanges offerts à A. Colomer, Litec, 1993, p.
281.

R. Savatier, Essai d'une présentation nouvelle des biens incorporels : RTD civ. 1958, p. 351, n° 38.

Les termes de l'attendu de solution conduisent à ce constat. Cédée à l'occasion de la transmission du fonds, la clientèle est bien considérée
comme élément dudit fonds. Une telle cession est encore valable à l'occasion de la constitution du fonds, ce qui semble impliquer que la
clientèle préexiste au fonds (ce caractère préexistant pouvant s'expliquer en l'espèce à raison du caractère partiel de la cession de clientèle
envisagée).

On sait, en effet, que la construction prétorienne du fonds de commerce a été focalisée autour de la clientèle, élément essentiel voire suffisant
(Cass. req., 15 févr. 1937 : DP 1938, 1, p. 14, note Cordonnier. - P. le Floch, Le fonds de commerce, ..., LGDJ, coll. Bibl. dr. priv., 1986, t.
192, p. 110, n° 118) de cette universalité.

R. Savatier, art. préc. note (14), p. 559, n° 1.

Selon la célèbre formule du Doyen R. Savatier la clientèle est alors un "peuple d'hommes et de femmes" : R. Savatier, art. préc. note (14), p.
571. - P. Leclerq, Les clientèles attachées à la personne, LGDJ, coll. Bibl. dr. priv., 1965, t. 55, p. 8, n° 8 ; F. Zénati et T. Revet, Les biens,
PUF, coll. Droit fondamental, 2e éd. 1997, p. 44, n° 28.

Comme le remarquent, en effet, les Professeurs Zénati et Revet, à côté d'un "premier sens" où "la clientèle désigne l'ensemble des personnes
demandant les produits ou les services d'un professionnel" peut être discerné un second sens où la clientèle consiste en "... un pouvoir
attractif exercé sur des clients" : F. Zénati et T. Revet, op. et loc. cit.

Les magistrats ne semblent pas envisager d'appliquer la règle "major pars trahit ad se minorem", ce qui peut impliquer l'existence autonome
de deux courants d'attraction de clientèle. Contra : F. Zénati, obs préc. note (5). - F. Zénati et T. Revet, op. cit. note (40), p. 45, n° 29.

Citons sans prétendre à l'exhaustivité, la situation géographique, la qualité du matériel, le nom de l'activité, la qualité de l'équipe de
praticiens, souvent salariés, réunis autour du chef de l'entreprise libérale titulaire du fonds, tout ce qui fait de l'organisation mise en place une
originalité concurrentielle.

L'homme de l'art sera parfois, souvent, dans le monde libéral moderne un praticien salarié. Dans cette hypothèse c'est sa force de travail,
Page 9

objet d'une quasi-propriété, qui constitue le facteur d'attraction. Sur la question, V. T. Revet, op. cit. note (32).

Cette remarque n'est pas limitée aux seules activités libérales mais à toutes les activités titulaires d'un fonds. Ainsi certains commerces sont-
ils davantage marqués par l'"intuitus personae" (on songe, par exemple au fonds de grands restaurateurs) que des cabinets d'avocats,
d'expertise comptable regroupant plusieurs centaines de praticiens que les clients ne connaissent pas toujours, bien qu'ils participent au
traitement de leurs dossiers. Dans de telles hypothèses la confiance du client est accordée non à un praticien déterminé mais à une
organisation rationnelle, l'"intuitus personae" est alors devenu un "intuitu firmae".

Supra note (40).

R. Le Moal, Contribution à l'étude d'un droit de concurrence, thèse Rennes, 1972, p. 329.

B. Beignier, note ss CA Limoges, 10 mai 1993, préc. note (5) ; J. Savatier, note ss CA Pau, 4 oct. 1954, préc. note (17). - J. Calais-Auloy et
J.-M. Mousseron, Les biens de l'entreprise, Litec, 1972, n° 152 ; F. Zénati et T. Revet, op. cit. note (40), p. 44, n° 28. - Y. Serra, La
clientèle : Dr. et patrimoine juill./août 1996, p. 67.

R. Savatier, art. préc. note (14), p. 559, n° 1.

L. 28 févr. 1872, soumettant les fonds de commerce à un droit d'enregistrement, amendement Journault. - J. Derrupé, Clientèle et
achalandage, in Les orientations sociales du droit contemporain, Mélanges offerts à J. Savatier, 1992, p. 167 ; R. Savatier, art. préc. note
(14), p. 559, n° 1.

© LexisNexis SA

Das könnte Ihnen auch gefallen