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Professeur Michel Décaudin

Poésie impressionniste et poésie symboliste, 1870-1900


In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1960, N°12. pp. 133-142.

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Décaudin Michel. Poésie impressionniste et poésie symboliste, 1870-1900. In: Cahiers de l'Association internationale des
études francaises, 1960, N°12. pp. 133-142.

doi : 10.3406/caief.1960.2171

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1960_num_12_1_2171
POÉSIE IMPRESSIONNISTE

ET

POÉSIE SYMBOLISTE

Communication de M. Michel DÉCAUDIN.


^Toulouse)
au XIe Congrès de l'Association, le 23 juillet 1959, à Liège.

On peut définir avec une assez grande précision l'i


mpressionnisme pictural. Historiquement, la première manif
estation du groupe impressionniste est l'exposition de 1874,
la dernière celle de 1886. Du point de vue esthétique, le
peintre impressionniste s'intéresse aux tons plutôt qu'au
modelé ; il est plus attaché à la couleur qu'au dessin ; il
se défie du travail d'atelier, qui conduit à l'académisme, et
veut être, comme le disaient dès 1867 les Goncourt dans
Manette Salomon, « un peintre qui peindra dans du vrai
soleil » ; il oppose à la banalité des sujets traditionnels les
spectacles de la vie moderne ; il est sensible au mou
vement — vibration d'une lumière, galop d'un cheval, cl
ignotement d'un bec de gaz, étalement d'une fumée dans le
ciel, exercices d'une danseuse... Comme les réalistes, dont
ils procèdent, les impressionnistes se réclament de la vérité
de la nature contre les conventions de l'école ; ils pré
tendent n'être « qu'un œil, une main » et bannissent de la
peinture toute intention d'ordre intellectuel ou moral.
Rien de plus confus, au contraire, que la notion d'im
pressionnisme lorsqu'elle est appliquée à la littérature.
Quand Victor Hugo appelle Mallarmé « mon cher poète
impressionniste », on veut bien croire qu'il ne s'agit sous
sa plume que d'une simple formule approximative. Mais
les écrivains les plus avertis des problèmes littéraires et artis-
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tiques semblent eux-mêmes étrangement hésitants.


Wyzewa, par exemple, dans un essai sur L'Art tvagnérien
que publie la Revue wagnérienne en 1886, donne pour
mission à l'art de « recréer (...) la vie totale de l'Univers,
c'est-à-dire de l'Ame, où se joue le drame varié que nous
appelons l'Univers » et rejette une littérature ou une pein
ture qui seraient purement descriptives ; mais il ne craint
pas de citer les peintres impressionnistes à l'appui de ce
programme conforme à l'idéalisme symboliste. De même,
le roman d'Edouard Dujardin Les Lauriers sont coupés,
où l'auteur a tenté, selon son propre aveu, de transposer en
prose les procédés de composition musicale de Wagner,
n'en rappelle pas moins à Smart Merrill « les méthodes de
l'impressionnisme en peinture » (1) ; et il est frappant que,
toujours à propos de ce livre, Mallarmé parle, lui, ď « im
pressionnisme éperdu » (2).
Les critiques et les historiens qui se sont intéressés à
la fin du XIXe siècle n'ont pas fait preuve de plus de sûreté.
Trop souvent ils ont assimilé l'impressionnisme des pein
tres au symbolisme des poètes, oubliant l'existence d'une
école symboliste en peinture, oubliant aussi que Zola avait
défendu Manet autant que Mallarmé ou Fénéon ; ils ont
été de ce fait conduits à considérer l'impressionnisme en
littérature comme un aspect particulier, une frange indécise
du symbolisme. Caractéristiques sont à cet égard les amb
iguïtés de l'ouvrage de Ruth Moser (3), si rigoureux lors
qu'il s'agit de peinture et de musique, mais sollicité dans
les arts du langage par les références les plus disparates et
contraint de reconnaître qu'en ce domaine « les frontières
entre les deux esthétiques sont flottantes, car elles sont
parentes ».
Notons au passage qu'on pourrait tout aussi bien parler
d'une parenté entre le roman réaliste, voire naturaliste, et
l'impressionnisme : inutile de rappeler l'analogie entre la

(1) Lettre à Edouard Dujardin (1er mai 1888).


(2) Lettre à Edouard Dujardin (8 octobre 1897).
(3) L'Impressionnisme français, Droz, 1952.
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technique descriptive des Goncourt et celle des peintres ;


et l'on sait que Mallarmé tenait telle page de Zola pour un
Manet.
Mais faut-il se résigner, en poésie, à ces frontières flot
tantes ? N'est-il pas possible de déceler, à l'époque du Par
nasse et du symbolisme, des préoccupations analogues à
celles des peintres ? Et si des parentés se révèlent, de quelle
nature sont-elles ? Telles sont les questions qu'on tentera
non de résoudre dans ce bref exposé, mais d'éclaircir par
quelques références précises.
On constatera tout d'abord que Verlaine a, en 1872-
73, imité dans ses vers les procédés des peintres qu'il fr
équentait et rêvé d'une poésie impressionniste. Il suffit de se
reporter aux Paysages belges : pas de « dessin » dans
Walcourt, rien qu'une suite de notations dans une tonalité
lumineuse et gaie, sans armature grammaticale ; Bruxelles
est un paysage urbain fixé à un moment déterminé du cré
puscule ; Malines, une suite d'impressions saisies d'un
wagon en marche. Les notes des Croquis parisiens révèlent
également, comme l'a en particulier signalé M. Adam, des
préoccupations du même ordre. Allons jusqu'à son projet
de Choses : ces grands poèmes qui devaient s'appeler Vie
au grenier, Sous Veau, L'Ile, Le Sable, ces « paysages purs
et simples d'un Robinson sans Vendredi », ne font-ils pas
penser, d'après le peu que nous en savons, à ce que Monet
disait de ses premiers Nymphéas : « quelque chose d'imposs
ible, de l'eau avec des herbes qui ondulent sous les rayons
du soleil » ?
Si Verlaine n'a pas persévéré dans cette voie, pour des
raisons sur lesquelles nous reviendrons, sa tentative n'est
nullement isolée en son temps. Quelques sondages dans
les revues nous en apportent la preuve. On trouvera par
exemple dans La Renaissance des Petits Croquis pris à
Paris et dans la banlieue de Paul Arène, un sonnet de
Paul Demeny intitulé Brouillards du matin ; dans la Revue
moderne et naturaliste en 1880 des poèmes en prose de
Gustave Kahn qui s'appellent Le Banc, La Mère..., des Cro-
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quis modernes d'Henry Detouche, tels La Grue ; dans Le


Chat noir des esquisses parisiennes signées de Moréas —
un Moréas qui chante les marions de Montmartre et le
trottoir où raccroche la gouine — ou d'André Gill. Et dans
Panurge du 7 janvier 1883, Tristan Corbière donne le
titre d'Elégie impressionniste au poème qui, dans Les
Amours jaunes, deviendra A la mémoire de Zulma.
Un autre témoignage nous est fourni par un roman de
Félicien Champsaur paru en 1882, Dinah Samuel : c'est
une remarquable chronique de la vie littéraire et artistique
dont les pseudonymes transparents sont facilement déchif
frables : on n'a pas de peine à découvrir Sarah Bernhardt
en Dinah Samuel, Catulle Mendès en Tendres, Rollinat
en Michel Spleen, Alphonse Allais en Alphonse Marchais,
etc.. Or nous y voyons la question de l'impressionnisme
poétique abordée à deux reprises. C'est d'abord le bohème
Cabaner, nommé ici Rapérès et curieusement présenté
comme musicien impressionniste (4), qui évoque la diff
iculté d'exprimer par le langage la sensation pure :

« Ce qui est impossible, dit-il, c'est l'absolu. Il est imposs


iblede parler en revenant continuellement sur le chemin par
couru, à savoir, de ne pas prononcer une seule syllabe nouvelle
sans répéter toutes les syllabes prononcées auparavant. L'homme
n'est pas capable d'une puissance telle. Il n'y a que Dieu, et
je m'avance beaucoup. Il est encore impossible de faire un
poème épique, de plusieurs milliers de vers, qui serait un chef-
d'œuvre, parce qu'il donnerait au lecteur intéressé par l'intrigue
les sensations les plus diverses et les plus émouvantes, et qui,
cependant, ne serait écrit dans aucune langue connue, mais
avec des assemblages habiles de voyelles et de consonnes sans
signification. Qui sait ? Ce travail n'est pas impossible, il est
seulement difficile, puisque voici le commencement de la chan
sonde la petite pluie :

Flic, Floc,
Floc, Flic. »
(4) On sait que Cabaner mit en musique des poèmes de ses contempor
ains, notamment de Baudelaire et de Mallarmé.
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Un peu plus loin, un autre personnage, Patrice Mont-


clar, qui ressemble beaucoup à l'auteur, associe dans un
même jugement poésie et peinture impressionnistes, sans
que ses interlocuteurs, artistes, écrivains et journalistes, s'en
étonnent ou mettent en doute l'existence d'une telle poésie :

« Je sais, au moins, que les impressionnistes produisent des


tableaux qui semblent toujours inachevés. C'est fait, avec beau
coup de lumières, de contours vagues, de tons sans transition,
de taches brillantes, de détails indiqués par un trait brusque
ment interrompu. J'ai rimé, dans mes loisirs, à la façon impress
ionniste, une description de la Place Pigalle en août :

Au soleil chaud d'été reluit la devanture


du café gris. Là-bas, une blonde, en landau
loué, file au persil. Le cocher vu de dos.
Les arbres tachent l'air d'une sale verdure.

Autour de bocks :
— Mon cher, quelle température !
Toi qui te dis chic, être à Paris !
Un badaud
contemple, au grand soleil, le bassin. Mais pas d'eau.
Des peintres sans talent flânent à l'aventure.

Près du bassin sec sont des becs de gaz sans gaz.


Cinq heures un quart. L'heure de l'absinthe. Degas,
de son pas cadencé, débouche d'une rue.

Au coin du boulevard, un monsieur en gibus,


miss Cassatt, un caniche, un maçon, une grue
attendent le départ du prochain omnibus.

J'ai tâché de faire un tableau impressionniste. S'il est suff


isamment mauvais, c'est qu'il est réussi. Vous aurez beau vous
rabattre sur un système de circonstances atténuantes et dire qu'il
y a des états en peinture, en gravure, et qu'une vue prise par
une fenêtre de wagon ne peut en rien avoir le fini d'un paysage
peint en une longue contemplation. On note un croquis en
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wagon, mais on ne brosse pas une toile. L'impressionnisme ?


Le genre n'est pas difficile à attraper. Observez, Mesdames et
Messieurs, que je n'ai pas besoin de toiles ni de couleurs et
que mon sonnet est aussi impressionniste qu'un tableau de
Monsieur Pissarro : ceci est un effet de neige :

Quartier des Gobelins, vers le soir, une place,


en décembre. Maisons, kiosques, tout est blanc.
C'est la neige. L'air est très froid, très froid, brûlant.
Grêle et coquette, luit la fontaine Wallace.

Le crépuscule naît, crépuscule de glace,


probablement. Par ci, quelques flocons volant
encore. Pas un chat. Aucun ne circulant.
Si, là-bas, une femme. Elle va vite et passe.

Au fond, bien loin, des becs de gaz sont allumés,


six, sept, huit, neuf ou dix. Les deux sont embrumés.
Une usine à côté. Fort longue cheminée.

Tout est blanc, blanc, blanc, blanc. A droite, un


[assommoir ;
sur un refuge, une ombre, à peine dessinée,
une ombre en capuchon, sergent de ville noir. »

Une recherche systématique — et notamment un


dépouillement des revues — ferait sans doute apparaître
d'autres indices permettant de mettre au jour un courant
impressionniste dans le mouvement poétique de 1870-1885,
anlogue dans sa technique et ses ambitions à l'impression
nisme pictural qui lui sert de modèle. Mais alors que la
peinture connaît un admirable épanouissement, ce courant
littéraire reste de faible importance et, après la réussite,
d'ailleurs passée inaperçue, des Paysages belges, s'épuise en
tâtonnements et en œuvres mineures.
Pourquoi les sollicitations de l'impressionnisme n'ont-
elles pas abouti dans notre poésie ?
La nature même de cette esthétique est ici en cause. On
doutera qu'il soit permis au poète de n'être, selon la fo
rmule du peintre, qu « un œil, une main ». La réflexion de
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Rapérès que nous venons de citer pose avec force le pro


blème : le mot est toujours chargé d'un contenu affectif
ou intellectuel, il ne se réduit pas à la pure sensation que
provoque la tache colorée ; peut-il atteindre aux mêmes
effets ? L'inspiration impressionniste de 1872-1873 n'a été
qu'une étape dans l'évolution de Verlaine et il a bien senti
que la poésie avait d'autres choses, plus profondes et plus
graves, à exprimer. L'impressionnisme pur est, dans les
arts du langage, une gageure ; c'est pourquoi on le voit si
souvent se fondre dans d'autres tendances. Tantôt il vire au
simple pittoresque et s'apparente à la branche mineure
du Parnasse qu'illustrent les dixains réalistes de Coppée :
tels sont les sonnets de Patrice Montclar, à peine parodi
ques,quand on les compare à ce que publient Le Chat noir
ou Panurge. Tantôt, il s'attache à rendre les nuances les
plus subtiles et les plus raffinées de la sensation ; il rejoint
alors certaines formes de la sensibilité décadente naissante.
Nous touchons, avec cette seconde orientation, à la
source principale des confusions que nous signalions en
commençant. C'est ainsi que pour expliquer le succès de
l'impressionnisme Patrice Montclar procède à une analyse
de l'esprit moderne qui fait penser à Des Esseintes plus
qu'à Claude Monet :

« Le siècle est aux choses excessives. Voilà pourquoi nous


sommes des artistes outranciers et fiévreux, rongés par les
maladies que nous étudions. Cette époque, avec nos corrupt
ions,nos hystéries, nos ambitions, nos grandeurs, est-elle une
époque de décadence ? Non. Le clavier humain compte, pour
un écrivain, par exemple, un plus grand nombre de touches,
parce qu'aux sentiments naturels se sont ajoutés les sentiments
artificiels. De l'observation de ces sentiments de toute sorte,
honnêtes et malsains, pourquoi ne naîtraient pas des chefs-
d'œuvre ? Après qu'adviendra-t-il ? Le vingtième siècle cou-
pera-t-il les cheveux en cinq ? »

De même, si Wyzewa peut rattacher la peinture impress


ionniste à sa conception idéaliste de l'art, c'est parce qu'il
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ne distingue pas la sensation de l'émotion et que l'origi


nalité de l'école nouvelle consiste selon lui à avoir introduit
dans la peinture un facteur émotionnel.
Dans des contaminations de ce genre, l'impressionnisme
finit par n'être plus qu'une des attitudes diverses et complé
mentaires qui constituent la vie créatrice de l'esprit. Il n'en
va pas autrement de ses rapports avec le symbolisme et
de la parenté qu'on a voulu établir entre eux. Sans doute
existe-t-il une part, quelquefois importante, d'impression
nisme dans le symbolisme. Mais s'il sait jouir des « ivresses
de l'instant particulier », le poète symboliste ne s'y attarde
pas ; il ne se laisse prendre aux séductions fugaces du monde
des sensations que pour les exorciser et aller au-delà des
apparences. Ce qui est fin en soi pour l'artiste impressionn
iste n'est pour lui qu'une étape dans la quête de l'absolu.
N'est-ce pas là le sens de l'impressionnisme de Mallarmé
ou de celui de Valéry ?
Mais en même temps qu'il l'absorbait ainsi pour le
déborder, le symbolisme s'opposait à l'impressionnisme.
Vielé-Griffin a nettement marqué cette coupure dans un
article publié par La Phalange du 15 mai 1907, La Disci
pline mallarméenne. Il y évoque le salon de Robert Caze,
romancier naturaliste qui sentait la nécessité ď « autre
chose » :

Le petit salon de la rue Condorcet, que décoraient des plâ


tres d'art et des peintures de Raffaëlli, était tout à « l'impre
ssionnisme », en peinture et en littérature ; on y voulait fixer
des « instants de vie » ; c'était déjà mieux que la « tranche de
vie » réclamée par les Zolistes ; on y aspirait à plus de déli
catesse, mais l'on n'y atteignait guère qu'à une ironie volontai
rement cruelle, à une sorte de caricature, moins lourde et qui
avait cette supériorité d'être consciente ; cependant que, de
son gros crayon, Zola déformait la vision vitale, avec l'illusion
de transcrire la vérité.

Ce programme laisse insatisfaits les jeunes gens que


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Caze a essayé de réunir autour de lui ; et lorsque, bientôt,


ils découvrent Mallarmé, leur choix est clair :

D'une part, je ne sais quelle littérature à la Condillac, tra


duisant d'heure en heure la sensation directe et l'obligation,
par autant, d'user jusqu'à l'abus des facultés sensorielles : vivre
sans doute, mais vivre bassement et sans ordre ; d'autre part,
le devoir préconisé d'intensifier la Vie cérébrale par le tri et
le choix des sensations transposées. Bref, nous devions nous
détourner d'un art matériel d'expression plastique, vers un art
spirituel d'expression musicale : c'est le naturo-parnassisme qui
le cède au symbolisme idéo-réaliste (5).

Verhaeren avait écrit, avec une aussi grande netteté,


dès 1887 :

Aujourd'hui ?
On part de la chose vue, ouïe, sentie, tâtée, goûtée, pour en
faire naître l'évocation et la somme par l'idée. Un poète regarde
Paris fourmillant de lumières nocturnes, émietté en une infi
nité de feux et colossal d'ombre et d'étendue. S'il en donne
la vue directe, comme pourrait le faire Zola, c'est-à-dire en
le décrivant dans ses rues, ses places, ses monuments, ses rampes
de gaz, ses mers nocturnes d'encre, ses agitations fiévreuses
sous les astres immobiles, il en présentera, certes, une sensation
très artistique, mais rien ne sera moins symboliste. Si, par
contre, il en dresse pour l'esprit la vision indirecte, évocatoire,
s'il prononce : « une immense algèbre dont la clé est perdue »,
cette phrase nue réalisera, loin de toute description et de toute
notation de faits, le Paris lumineux, ténébreux et formidable.

(5) Langage analogue à celui d'Odilon Redon au sujet de la peinture :


« Vrais parasites de l'objet, (les impressionnistes) ont cultivé l'art sur le
champ uniquement visuel et l'ont fermé en quelque sorte à ce qui dépasse
et qui serait capable de mettre, en des humbles essais, même dans les
noirs, la lumière de la spiritualité. » ou de G.-Albert Aurier qui, définis
santce qu'il appelle l'art idéiste ou symboliste, l'oppose à l'impression
nisme : « L'impressionnisme, c'est et ce ne peut être qu'une variété du réa
lisme, un réalisme affiné, spiritualise, dilettantisé, mais toujours le réalisme.
Le but visé, c'est encore l'imitation de la matière, non plus peut-être avec
sa forme propre, sa couleur propre, mais avec sa forme perçue, avec sa
couleur perçue, c'est la traduction de la sensation instantanée, avec toutes
les déformations d'une rapide synthèse subjective. »
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Quant à Mallarmé, contentons-nous de rappeler la fo


rmule par laquelle il définit le nécessaire dépassement de la
pure impression :

A quoi bon la merveille de transposer un fait de nature


en sa presque disparition, vibratoire selon le jeu de la parole
cependant, si ce n'est pour qu'en émane, sans la gêne d'un pro
che ou concret rappel, la notion pure.

Ne nous laissons donc pas tromper par l'admiration


que les écrivains symbolistes éprouvèrent pour la peinture
impressionniste (6), ni par certains rapprochements superfic
iels.Les deux esthétiques ne sont pas parentes. L'une s'a
ttache au réel, fixe l'éphémère ; l'autre est tournée vers
l'absolu, « le rêve et l'idéal ». S'il est vrai que souvent
l'expérience poétique du symbolisme passe par l'impres
sionnisme, l'école symboliste s'est affirmée contre les ten
dances purement impressionnistes. Il reste que dans la quin
zaine d'années où se développe l'impressionnisme pictural,
la tentation de l'impressionnisme en poésie mériterait une
étude approfondie, dans le domaine de l'esthétique comme
dans celui de l'histoire littéraire.

Michel DÉCAUDIN.

(6) Camille Mauclair est un des rares critiques à en avoir souligné le


paradoxe dans Les Maîtres de l'Impressionnisme.

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