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LA FÉMINISATION
Les noms de métier dans le secteur ouvrier
(secteur du bâtiment)
Notre travail a pour sujet la féminisation des noms de métiers dans le secteur ouvrier.
Nous retraçons tout d’abord en quelques mots l’histoire des noms féminins de métiers à
travers les siècles. Nous nous penchons ensuite sur les origines du débat sur la féminisation
qui a eu lieu au XXe siècle et les différentes conséquences, en France et en Belgique
notamment. Nous abordons alors le thème central de notre travail : la féminisation des noms
de métiers dans le secteur ouvrier. Par souci de clarté et par manque de temps, nous avons
choisi de cibler notre sujet et de le réduire au secteur du bâtiment. Nous nous sommes
interrogées sur la place des femmes dans ce secteur, tant en Belgique qu’en France, et sur le
regard que porte la population en général sur les ouvrières de ce secteur. Pour étayer notre
réflexion nous avons consulté divers forums sur Internet et nous avons invité une trentaine de
personnes à répondre à un petit questionnaire.
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1. La féminisation des noms de métier au fil
du temps
Le latin, déjà, créait les formes féminines des noms de métiers en jouant sur
l’alternance des suffixes (-us / -a, -tor / -trix,…). Cette méthode est reprise au Moyen Âge et
s’étale sur toute l’échelle sociale, de la basse classe ouvrière inconsidérée, en passant par la
noblesse, les charges judicaires et ecclésiastiques, pour aboutir aux métiers valorisés. Dans le
cas des métiers manuels, qui n’étaient absolument pas valorisés à l’époque, il est parfois
malaisé de savoir si la femme évoquée est la professionnelle du secteur ou l’épouse de
l’homme exerçant le métier mentionné. Cependant, beaucoup de « petits métiers » étaient
sexués et le sont restés jusqu’à aujourd’hui. Par exemple, gastelier / gasteliere (pâtissier /
pâtissière) ou poulaillier / poulailliere (volailler / volaillère). La féminisation de ces noms ne
pose pas de réel problème de nos jours, peut-être parce que ce sont des métiers où, de tout
temps, les femmes travaillent de leurs mains ou épaulent leurs maris. Boileau fait ressortir,
dans le Livre des métiers, qu’au début du XIIIe siècle les femmes n’étaient en aucune manière
exclues et que tous les secteurs d’activité leur étaient ouverts. A cette époque, la femme était
pleinement autonome par rapport à l’homme et la forme féminine valait autant que la forme
masculine.
Cette situation fut complètement modifiée durant les Temps modernes, et plus
particulièrement à la Renaissance, période durant laquelle la femme perdit son statut et,
n’ayant pas droit à l’éducation, fut contrainte de rester chez elle. Les noms de métiers
féminins furent défavorisés au profit des noms masculins. Il y a là un total bouleversement
quant à la condition de la femme durant l’Antiquité ou le Moyen Âge.
Durant la première guerre mondiale, le nom des postes occupés par les femmes
jusqu’à ce que les hommes rentrent de la guerre furent féminisés (cheminote, livreuse,
matelote, obusière, ouvrière, ramoneuse). Vers le milieu du XXe siècle, après la seconde
guerre mondiale, l’usage des termes féminins pour désigner les femmes s’efface quelque peu
au profit des termes masculins, situation relativement paradoxale compte tenu du fait que les
femmes sont de plus en plus nombreuses à accéder au monde du travail. Cependant, un
nouveau tournant s’esquisse à partir des années 1960, d’abord en Amérique du Nord, puis en
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Europe : divers mouvements féministes dénoncent l’emploi du masculin pour renvoyer à des
femmes. Nombreuses sont les femmes à revendiquer le même statut que les hommes.
Paradoxalement, elles ne désirent pas féminiser le nom de métier pour afficher cette égalité.
Lors des dernières décennies, la hiérarchisation vers un grade plus élevé a été
indirectement proportionnelle à l’usage du féminin, car la forme masculine donne une
impression de supériorité. Les origines de cette problématique se trouvent dans la Bible. En
effet, il était interdit aux femmes une quelconque supériorité ou autorité sur les hommes car
c’est l’Homme qui est apparu en premier, et non la Femme.
1946 fut une année importante pour la femme car c’est à ce moment que la
Constitution française revendique les droits des femmes égaux à ceux des hommes. Ainsi, le
mouvement de répression de l’ascension sociale de la femme fut arrêté. Toutefois, à la fin du
XIXe siècle, le principe d’égalité du travail et de la rémunération fut d’application – dès 1919
pour les institutrices françaises. Il s’ensuit alors une évolution progressive du statut de la
femme jusqu’à notre époque.
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féminin : essai d’orientation de l’usage. La parution de ce rapport fait d’ailleurs écho à la
circulaire de L. Fabius, diffusée en France au même moment.
La France, au contraire, ne suit pas le mouvement, estimant que le masculin fait office
de neutre et doit par conséquent être utilisé dans les textes officiels. Le 11 mars 1986, Laurent
Fabius, premier ministre à l’époque, émet une circulaire, qui ne sera jamais appliquée à cause
d’un changement de majorité politique. Le mouvement ne reprend que sous le gouvernement
de Lionel Jospin, qui fait paraître, en 1998, une circulaire reprenant les conclusions d’une
commission et dans laquelle il recommande d’utiliser des termes dont le féminin est d’usage
courant. En 1999, le gouvernement français publie une liste de métiers, titres, grades et
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fonctions. Cette liste a été publiée sous le titre Femme, j'écris ton nom, sous la direction
Bernard Cerquiglini, alors Vice-président du Conseil Supérieur de la langue française. La
raison pour laquelle la féminisation a mis plus de temps à s’imposer en France que dans les
autres pays de la francophonie est essentiellement due aux vives tensions et polémiques que
cette féminisation a créées.
Nous allons maintenant nous pencher sur la féminisation des noms de métiers dans le
secteur ouvrier proprement dit, et nous attarder plus particulièrement sur un secteur bien
précis : le secteur du bâtiment.
Appliquons tout d’abord les règles grammaticales découlant des décrets relatifs à la
féminisation des noms de métier, grade, titre et fonction à une série de noms de métiers
appartenant au secteur du bâtiment. Cette liste n’est bien entendu pas exhaustive.
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Les règles morphologiques suivantes sont appliquées dans la féminisation des noms de
métiers :
Exemple :
- un apprenti → une apprentie
Lorsque la forme masculine se termine déjà par un –e, la forme féminine reste
identique (formes épicènes). Les formes en –esse ne sont plus créées aujourd’hui.
Exemples :
- un ébéniste → une ébéniste
- un peintre (en bâtiment) → une peintre (en bâtiment)
- un chauffagiste → une chauffagiste
Généralement, lorsque les noms au masculin se terminent par une consonne, on ajoute
un –e final à la forme masculine.
Exemple :
- un artisan → une artisane
Exemples :
- un maçon → une maçonne
Exemples :
- un ouvrier → une ouvrière
- un menuisier → une menuisière
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- un plombier → une plombière
- un grutier → une grutière
- un terrassier → une terrassière
- un ardoisier → une ardoisière
- un plâtrier → une plâtrière
- un charpentier → une charpentière
On remarque aussi des exceptions telles qu’un chef qui ne change pas lorsqu’on le met
au féminin.
Quand le nom masculin se termine par –eur, la forme féminine s’achève par –euse
lorsqu’un verbe est en rapport sémantique direct.
Exemples :
- un carreleur → une carreleuse
- un tourneur-fraiseur → une tourneuse-fraiseuse
- un zingueur → une zingueuse
- un plafonneur → une plafonneuse
Lorsque la forme masculine se termine par –teur, la forme féminine se termine par –
teuse quand un verbe correspondant qui comporte un t dans sa terminaison.
Exemples :
- un cimenteur → une cimenteuse
- un tuyauteur → une tuyauteuse
Exemple :
- un conducteur de chantier → une conductrice de chantier.
En ce qui concerne les règles syntaxiques, les déterminants se rapportant aux formes
féminines des noms de métier sont également au féminin ainsi que les adjectifs et les
participes passés.
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3.2 Apparition des femmes dans le secteur du bâtiment
1
http://www.ffbatiment.fr/information-batiment/5-Les-femmes-ont-toute-leur-place-dans-le-Batiment.htm
2
http://marcourt.wallonie.be/apps/spip2_wolwin/spip.php?article541
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3.3 Enquête sur la féminisation des noms de métiers dans
le secteur du bâtiment
Reprenons les noms féminins des métiers cités plus haut à titre d’exemples pour
illustrer les règles grammaticales. Tous sont certifiés conformes par la Communauté française
de Belgique, leur emploi est donc tout à fait correct. Mais est-il courant ? Qu’en est-il des
femmes qui travaillent dans ce secteur ? Comment sont-elles perçues ? Nous nous sommes
posé différentes questions à ce sujet et, pour tenter d’y répondre objectivement, nous avons
mené une petite enquête, en deux phases. Nous avons tout d’abord interrogé une trentaine de
personnes par le biais d’un petit questionnaire comportant quatre questions. Ensuite nous
avons consulté différents forums de discussions sur Internet.
3.3.1 Questionnaires
Outre leur âge et profession, nous avons posé aux personnes interrogées quatre
questions. La majorité de ces personnes (17 sur 30) étaient des étudiants. Nous avons
dénombré aussi plusieurs ouvriers et ouvrières (manufacture, ouvrier en bâtiment,
électricien,…), deux infirmières, plusieurs employés d’Etat (enseignante, facteur,…), un
directeur d’assurances. Voici les questions posées, suivies de la synthèse des réponses reçues.
Toutes les personnes interrogées, à l’exception d’une seule – sans avis – sont pour la
féminisation des noms de métiers. Les arguments évoqués sont les mêmes pour toutes : il faut
évoluer avec notre temps. La mixité est de plus en plus présente dans notre société, le travail
des femmes s’est généralisé, il va donc de soi, pour une égalité complète entre hommes et
femmes, que celles-ci voient le nom de leur emploi féminisé.
2° Nous avons axé notre travail sur la féminisation des noms de métiers dans le secteur
du bâtiment. Pensez-vous que l’ouverture des métiers de ce secteur aux femmes soit une
bonne chose ? Pourquoi ?
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En ce qui concerne cette question, les avis sont mitigés. Nous ne dénombrons que trois
« non » catégoriques, mais tous les « oui » sont accompagnés d’une certaine réserve,
commune à tous : la difficulté physique. La plupart des individus estiment en effet que les
femmes ont le droit d’exercer un métier dans ce secteur si elles le désirent, toujours selon le
principe d’égalité entre hommes et femmes déjà évoqué dans la question précédente. Mais la
difficulté physique est, selon eux, le principal obstacle. Les femmes étant plus fragiles,
n’ayant pas la même constitution physique que les hommes, elles sont moins aptes à supporter
de lourdes charges, de rudes conditions de travail telles que l’engendre le travail de gros
œuvre, comme la maçonnerie par exemple. Une des personnes interrogées a en outre suggéré
qu’une femme enceinte devrait prendre une plus longue période de congé qu’une femme
travaillant en milieu moins rude, situation peu rentable pour un patron.
La réponse qui domine est « pourquoi pas ? », nous n’avons récolté aucun « oui »
catégorique, mais plusieurs « non », par contre. Les arguments en faveur d’une équipe de
femmes sont les suivants : si elles ont été engagées par une entreprise, on ne peut remettre en
cause leur compétence. Certains estiment même que les femmes sont plus consciencieuses
que les hommes. Cependant, une majorité pense que les femmes sont plus lentes, moins
efficaces que les hommes en ce qui concerne les métiers plus rudes, plus physiques, et que la
construction d’une maison entièrement réalisée par des femmes risquerait de prendre plus de
temps, donc de coûter plus cher.
La majorité des personnes consultées trouvent que ces mots choquent l’oreille,
perturbent l’habitude, sans cependant refuser de les utiliser.
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3.3.2 Les différentes positions sur Internet
L’avis des gens semble partagé quant à la féminisation de certains métiers, sur un
forum3 trouvé sur Internet, nous pouvons lire cette réaction de l’un des participants : « On
comprend bien aussi que le sexe prétendu faible ne puisse fournir d’artilleur, de plombier, de
terrassier, de manœuvre, de tirailleur ». En rapport avec la présence de femmes dans les
différents milieux ouvriers, certains adoptent la position de l’Académie Française qui juge une
ségrégation entre les deux sexes si la féminisation des noms de métier est opérée et une valeur
privative ; il n’y a pas de rapport d’équivalence entre le genre grammatical et le genre naturel.
Situation paradoxale puisque l’Académie Française revendique des masculins à genre unique
pour le haut de l’échelle hiérarchique de la société et admet la féminisation pour les métiers
jugés moins importants hiérarchiquement.
3
http://forum.wordreference.com/showthread.php?t=203657
4
http://reflexions.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/12/03/feminisation-ou-femellisation.html
5
http://forum.aufeminin.com/forum/societe4/__f2721_societe4-Pour-ou-contre-les-femmes-dans-un-metier-d-
homme.html
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Conclusion
Grâce aux recherches que nous avons menées, nous avons pu nous rendre compte que
la féminisation des noms de métiers, notamment dans le secteur du bâtiment, bien qu’attestée
par des décrets, n’est pas encore ancrée dans la mentalité populaire. La plupart des gens, bien
qu’ouverte aux changements, est encore un peu rebutée par l’utilisation de certains noms de
métiers féminisés, par l’accès des femmes à certains postes. L’argument principal de cette
contestation est la rigueur du travail physique. Cette réaction est assez paradoxale, à l’heure
où l’on prône, où l’on clame haut et fort l’égalité entre hommes et femmes ! N’est-ce pas faire
un peu machine arrière et reconnaître la « supériorité » de l’homme, reconnaître que,
finalement, hommes et femmes ne seront jamais totalement égaux ? Peut-être est-il temps
d’aider vraiment les mentalités à évoluer et passer outre les barrières « métier masculin,
métier féminin », en permettant à tous, hommes et femmes, d’exercer un métier concordant
avec leurs goûts en adaptant les emplois aux capacités de chacun.
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Bibliographie
Monographies
Niedzwiecki , Patricia, Au féminin ! code de la féminisation à l’usage de la francophonie,
librairie Nizet, Paris, 1994, 285p.
Bouchard, Pierre, La féminisation des noms de métiers, fonctions, grades ou titres au Québec,
en Suisse romande, en France et en Communauté française de Belgique, Duculot, Bruxelles,
1999, 80 p.
Mettre au féminin : guide de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre,
Ministère de la Communauté française, Service de la langue française, 2000, 72p.
Sites Internet
Landroit, Henry, Article paru dans le Ligueur, 17 mars 1999,
http://users.skynet.be/Landroit/femme.html, consulté le 29/11/2007
Cerquiglini, Bernard, Femme, j’écris ton nom…, « Guide d’aide à la féminisation des noms de
métiers, titres, grades et fonctions », Centre national de la recherche scientifique, Institut
national de la langue française, 1999, 124p.
http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/ressources/feminisation.pdf, consulté le 03/12/2007
Fédération française du Bâtiment, Les femmes ont toutes leur place dans le bâtiment,
http://www.ffbatiment.fr/information-batiment/5-Les-femmes-ont-toute-leur-place-dans-le-
Batiment.htm, consulté le 03/12/2007 (site consulté dans son intégralité)
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Service de la langue française, Mettre au féminin, « Guide de féminisation des noms de
métier, fonction, grade ou titre », Site officiel de la Communauté française de Belgique,
http://www2.cfwb.be/franca/femini/feminin.htm, consulté le 12/12/2007, le 14/12/2007 et le
16/12/2007 (site consulté dans son intégralité)
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