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Pierre Evieux

André de Samosate. Un adversaire de Cyrille d'Alexandrie


durant la crise nestorienne
In: Revue des études byzantines, tome 32, 1974. pp. 253-300.

Résumé
REB 32 1974Francep. 253-300
P. Evieux, André de Samosate. — Dans le camp oriental qui refuse d'avaliser la destitution de Nestorius, désavoué en 430 par le
pape Célestin et par Cyrille d'Alexandrie, André de Samosate joue un grand rôle ; le chef des Antiochiens, Jean d'Antioche, le
charge, de concert avec Théodoret de Cyr, de réfuter la fameuse Lettre aux anathématismes du patriarche d'Alexandrie. Après
une présentation des faits qui précèdent le concile d'Ephèse de 431 et une analyse de la réaction orientale aux XII chapitres anti-
nestoriens de Cyrille d'Alexandrie (I), l'auteur rassemble les maigres données sur la vie d'André de Samosate avant 430 (II). Au
nom des évêques orientaux, celui-ci compose au début de l'année 431 sa réfutation des XII chapitres ou anathématismes de
Cyrille (III). Malade, André de Samosate ne se rend pas au concile d'Ephèse, où les Orientaux n'arrivent que le 26 juin 431, trois
jours après la déposition de Nestorius ; au terme de diverses péripéties, l'empereur Théodose II, par l'intermédiaire de son
envoyé Aristolaos, obtient la signature par les deux factions rivales d'un Acte d'Union (433) ; André de Samosate apporte une
contribution essentielle au rétablissement de la paix (iv). Mort vers 445, il fut le champion de l'unité de l'Eglise et contribua à la
formulation du dogme christologique qui devait triompher vingt ans plus tard au concile de Chalcédoine.

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Evieux Pierre. André de Samosate. Un adversaire de Cyrille d'Alexandrie durant la crise nestorienne. In: Revue des études
byzantines, tome 32, 1974. pp. 253-300.

doi : 10.3406/rebyz.1974.1488

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1974_num_32_1_1488
ANDRÉ DE SAMOSATE
Un adversaire de Cyrille d'Alexandrie
durant la crise nestorienne*

Pierre ÉVIEUX

On sait avec quel acharnement Cyrille d'Alexandrie attaque Nestorius,


lorsque ce dernier refuse l'expression Marie mère de Dieu (Théotokos)
pour lui préférer celle de Marie mère du Christ. Dans cet affrontement
général des évêques de l'empire d'Orient, au moment du concile d'Ephèse
de 431, il est intéressant de voir de quelle manière se constituent les blocs
antagonistes. Cyrille d'Alexandrie, chef incontesté de l'Egypte, commande
en maître aux évêques du diocèse et aux moines. Il en est la tête et la voix ;
mais le siège d'Alexandrie est loin de la cité impériale, et son étoile politique
pâlit de plus en plus à côté de Constantinople. Nestorius, archevêque de
Constantinople depuis 428, a sans doute le privilège d'être à proximité
de l'empereur, mais paradoxalement, cette situation comporte de nombreux
inconvénients : politiquement, Nestorius n'a d'influence que pour autant
qu'il dispose de la faveur de la cour. Par ailleurs, les métropolites des pro
vinces voisines voient d'un mauvais œil cet évêque de Constantinople qui
cherche à étendre sur eux sa juridiction. Memnon d'Ephèse, par exemple,
sera trop heureux de s'opposer à Nestorius en se rangeant parmi les Cyril-
liens.
De plus, à Constantinople, les doctrines les plus diverses, souvent sus
pectes, survivent, patronnées quelquefois par les grands de l'empire. Clercs,

* Qu'on me permette de remercier ici M. G. Dagron, qui a bien voulu revoir cet
article et y apporter des corrections et des remarques précieuses.
254 p. évieux

moines, peuple de Constantinople ne parviennent pas à former une Eglise


unie. Constantinople, principe d'unification sur le plan politique, ne peut
prétendre à ce titre sur le plan ecclésiastique. Nestorius occupe, il est vrai,
le premier siège episcopal de l'empire d'Orient, mais, ne pouvant s'appuyer
sur un soutien unanime, il est en réalité un colosse aux pieds d'argile.
La moindre défaillance, et ses adversaires se ruent sur lui pour le jeter
à terre.
Très vite le conflit qui oppose Alexandrie et Constantinople se déplace.
Ce n'est plus l'expression Marie Théotokos qui est en question, mais la
christologie adoptée par chaque camp. Lorsqu'on étudie le vocabulaire,
les expressions de Cyrille et de Nestorius, on se rend compte qu'il n'y a
pas une théologie d'Alexandrie et une théologie de Constantinople, mais
d'un côté une réflexion alexandrine et de l'autre une réflexion antiochienne.
Car le courant qui se manifeste à Constantinople n'est pas propre à la ville
impériale, mais a sa source à Antioche, où Nestorius a été formé, où il a
fait ses premières armes. Mis en difficulté par Cyrille appuyé par le pape
Célestin, l'évêque de Constantinople se tourne naturellement d'une part
vers l'empereur Théodose II qui convoque le concile, d'autre part vers
ses amis du diocèse d'Orient qui vont être les arbitres du combat. Cyrille
le sait bien, qui fait tout pour mettre Jean d'Antioche de son côté et qui,
certain de la sympathie de ce dernier pour Nestorius, n'attendra pas son
arrivée à Ephèse pour ouvrir le concile et déposer l'évêque de Constanti
nople.
Antioche, en cette première moitié du Ve siècle, ne peut rivaliser sur le
plan politique avec Constantinople ou même Alexandrie ; mais son rayon
nement culturel et théologique est considérable. Libanios a laissé des
disciples auprès de qui l'on apprend Part de bien écrire, de bien parler.
Diodore de Tarse, puis Théodore de Mopsueste (mort en 428) ont fort
ement marqué ceux qui se sont penchés sur l'Ecriture et l'expression de
la foi.
Jean d'Antioche n'a peut-être pas la stature de Cyrille ou de Nestorius,
mais il sait faciliter les échanges entre les évêques du diocèse d'Orient
sans les écraser de sa puissance et, pour le conseiller, il peut compter sur
des hommes de valeur, qu'ils s'appellent Acace de Bérée ou Syméon le
Stylite, Théodoret de Cyr ou André de Samosate. La plupart de ces per
sonnages ont fait l'objet d'études approfondies ; pourtant, curieusement,
André, l'évêque de Samosate, choisi par Jean d'Antioche pour être le porte-
parole des Orientaux, est tombé dans un oubli presque total. En le suivant
pas à pas durant la crise nestorienne, nous voudrions le faire mieux con
naître, lui rendre la renommée dont il jouissait à son époque.
ANDRÉ DE SAMOSATE 255

I. Les xii chapitres anti-nestoriens et la réaction orientale

André de Samosate intervenant surtout dans une réfutation des xn cha


pitres de Cyrille, il convient de rappeler brièvement les circonstances de
cette intervention.
Au mois d'août 430, à Rome, un synode se réunit autour du pape Céles-
tin, pour juger les thèses nestoriennes. Nestorius est condamné, et Célestin,
le 10 août1, écrit plusieurs lettres pour notifier ce jugement : à Nestorius
lui-même2, au clergé de Constantinople3, à Cyrille4, à Jean d'Antioche5,
ainsi qu'à Rufus de Thessalonique, Juvénal de Jérusalem, Flavien de Phi-
lippes. En octobre 430, le synode d'Alexandrie, condamne lui aussi Nestorius.
C'est à la suite de ce synode et fort des pouvoirs que lui délègue Célestin,
que Cyrille adresse à Nestorius la fameuse Lettre aux anathématismes6 .
La lettre de Célestin ainsi que la Lettre aux anathématismes furent remises
à Nestorius le 30 novembre 4307. Six jours plus tard, le 6 décembre8,
Nestorius prononce un sermon où il déclare :
« De même que je dis Marie mère de Dieu (Théotokos), je dis et ajoute aussi
qu'elle est mère de l'homme (anthrôpotokos)9. »
Avant que les lettres de Rome et d'Alexandrie ne parviennent à Const
antinople, une correspondance est échangée entre Jean d'Antioche et
Nestorius. Recevant les lettres de Célestin10 et de Cyrille1 1, Jean d'Antioche,

1. E. Schwartz, Acta Conciliorum Œcumenicorum (cité sous le titre ACO par la


suite), tome I, volume i, 8e partie, p. 7.
2. ACO Ι ι 1, p. 7714-8315 = ACO Ι π, p. 73-1218 (latin) = PL 50, 469-486.
3. ACO 1 1 1, p. 83-90 = ACO I n, p. 15-20 = PL 50, 485-500.
4. ACO 1 1 1, p. 75-77 = ACO Ι π, p. 5-6 = PL 50, 459-464.
5. ACO 1 1 1, p. 90-91 = ACO I n, p. 21-22 = PL 50, 465-470.
6. ACO 1 1 1, p. 33 = PG 77, 105-122 : Lettre 17 ou 3e lettre à Nestorius, commençant
par les mots Του Σωτήρος ημών.
7. Cf. ACO Ι ν, p. 3921.
8. ACO I v, p. 3919.
9. ACO I v, p. 4040"41. Le dimanche 7 décembre, il prononce encore un autre sermon :
ACO I v, p. 4523-4635. Si les termes employés par Nestorius sont acceptables, les expli
cations qu'il en donne le sont moins, par exemple : ACO I v, p. 41 34. Pour la chronologie,
voir H. du Manoir, Dogme et Spiritualité chez saint Cyrille d'Alexandrie, Paris 1944,
p. 441-447 ; A. Grillmeier-H. Bacht, Das Konzil von Chalkedon. Geschichte und Gegenw
art, II, Würzburg 1954 (réimpr. 1962), p. 946 : la chronologie de A. Schönmetzer,
qui est la mieux faite et la plus récente.
10. ACO 1 1 1, p. 90-91.
11. ACO 1 1 1, p. 92-93 ; ces lettres lui sont apportées par Poséidonios, diacre d'Alexand
rie, avec le double de la lettre de Cyrille à Nestorius : ACO 1 1 1, p. 9219"20.
256 p. évieux

entouré de nombreux évêques du diocèse d'Orient « excellant dans la foi12 »


(Archélaos, Apringios de Chalcis, Théodoret de Cyr, Hélias de Zeugma,
Mélèce de Mopsueste et Macaire de Laodicée), supplie Nestorius, au nom
de l'union des Eglises, de revenir sur ses affirmations dangereuses. Il i
nvoque même l'exemple de Théodore de Mopsueste, qui, pour ne pas rompre
l'unité, accepta de se rétracter13. Manifestement, l'évêque d'Antioche
n'a pas encore connaissance des anathématismes. Devant le danger menaç
ant, il presse son ami de lui répondre14. Nestorius reçoit la missive d'Ant
ioche peu avant le 6 décembre15. Dans sa réponse, il explique pourquoi il
a préféré nommer Marie Mère du Christ, par crainte des tendances arienne
et apollinariste. A sa lettre16 il joint ses deux sermons des 6 et 7 décembre
430 17 et la lettre de Cyrille (lettre 17), ainsi que les xn anathématismes.
Selon lui, tout semble s'apaiser à Constantinople18. Ainsi renseigné, Jean
d'Antioche écrit à Firmus de Césarée, et par lui met en garde les évêques
du Pont contre ces chapitres qui peut-être circulent déjà. Il ne veut pas

12. ACOIII, p. 9611-12·17-19. L'évêché d'Archélaos n'est pas mentionné. Cependant,


dans le Synodicon Casinense (Syn. 165 [76] : ACO I iv, p. 11328), Jean d'Antioche parle
de Yévêque Archélaos, mis à l'amende par l'augustal de Séleucie (multatus est ad octo
milia solidorum ab augustali Seleuciae). Ceci permet de penser qu'Archélaos était évêque
de Séleucie de Piérie.
13. ACO 1 1 1, p. 9428-9510. Une opinion de Théodore de Mopsueste avait semé le trou
bleautour de lui. Pour calmer les esprits, il préféra se rétracter publiquement.
14. ACO 1 1 1, p. 934-9626 (grec) = ACO I m, p. 44M713 (latin).
15. ACO I iv, p. 68.
16. ACO I iv, p. 433-610 : Synodicon Casinense 78 [3] ; cette dernière référence renvoie
à la Collectio Casinensis, appelée aussi Synodicon Casinense, publiée pour la première
fois par le savant augustin d'Ypres, Fr. Christianus Lupus (Wolf), 1. 1 : Synodicon Casi
nense ; t. II : Scholia et Notae ad variorum Patrum epistolae concernentes Acta Ephesini
et Chalcedonensis Concilii, Louvain 1682. La première numérotation couvre les deux
parties du Synodicon, la deuxième, seulement la seconde partie (n° entre crochets).
17. ACO I v, p. 3923-4521, 4523-4635 ; cf. ACO I iv, p. 84~5.
18. Cf. la lettre de Jean d'Antioche à Firmus de Césarée, sitôt reçu le courrier de
Constantinople : Syn. 79 [4] {ACO I iv, p. 733-833 = PG 84, 579-581). Sapiebat siquidem
sic prius sanctissimus episcopus Nestorius, sicut res ipsae docuerunt, cavebat vero nomen,
veluti dare posset, ut diximus, unde nos sequaces haeretici Apollinarii reprehenderent.
Quia vero sic et ante sapuerit, inde conjicimus, quia et cito consensit. Ammonentibus
enim nobis, sicut a propriis fit, et ipsum nomen accepit et in duobus sermonibus sanam
fidei expositionem et irreprehensibilem nobis direxit. Transmisit autem nobis et capitula
quaedam sive propositiones, quae circumferuntur in regia civitate ad laesionem communis
ecclesiae, tamquam quae religiosissimi episcopi sint Cyrilli ; quae quidem ejus esse non
credo eo quod ipsa compositio ab ejus discreperet charactere multumque sint peregrina
ab his qui piam doctrinam discendo nutriti sunt...
ANDRÉ DE SAMOSATE 257

croire que Cyrille en soit l'auteur19. Cette lettre à Firmus de Césarée nous
permet de répondre à deux questions :
1) Apparemment, Cyrille n'a pas joint les xn chapitres aux lettres qu'il
a adressées aux Orientaux.
Au moment même où il envoyait à Nestorius la lettre aux xn chapitres,
Cyrille d'Alexandrie écrivait à Juvénal de Jérusalem20 et à Jean d'An-
tioche21. Il n'a certainement pas joint à ces lettres les xn anathématismes ;
sinon, Jean d'Antioche n'aurait aucune raison, en écrivant à Firmus, de
douter ou de feindre de douter que ces chapitres fussent de Cyrille. Par
ailleurs, il a certainement lu la lettre de Cyrille avant de recevoir le dossier
communiqué par Nestorius et comprenant, lui, les xn chapitres. Nous en
concluons que l'évêque d'Alexandrie, peut-être par peur d'effrayer les
Orientaux, assez modérés et proches de Nestorius22, a évité de leur adresser
les xii chapitres. En revanche, ses envoyés à Constantinople ont sûrement
fait connaître les chapitres aux clercs et aux moines de la cité impériale23.
2) Nestorius a transmis la lettre et les anathématismes, sans demander
expressément à Jean de les faire réfuter par André de Samosate et
Theodoret de Cyr1*.
Lenain de Tillemont le faisait déjà remarquer25, il n'est dit nulle part
que Nestorius ait prié Jean de faire réfuter les anathématismes par écrit,
« quoi qu'on le cite de Libérât ». Or, nous lisons dans le Breviarium de
Liberatus : «... L'exemplaire de cette lettre parvenant à Jean d'Antioche,

19. ACO I iv, p. 822-23 = PG 84, 58H5"6 ; cf. la lettre de Jean à Cyrille, en 432 :
ACO I rv, p. 11580-33 = ACO 1 1 7, p. 15124-25. Théodoret aura la même attitude ; cf.
sa lettre à Jean d'Antioche en préface à sa réfutation des xii chapitres : ACO 1 1 6, p. 1082
= PG 76, 389C1.
20. ACO 1 1 1, p. 96-98 = PG 77, 103-106.
21. ACO 1 1 1, p. 92-93 = PG 77, 93-97 (cf. plus haut).
22. Cf. la lettre d'Acace de Bérée à Cyrille : ACO 1 1 1, p. 99-100 = PG 77, 99-102.
23. Au clergé et au peuple de Constantinople : ACO 1 1 1, p. 11322"23 = PG 77, 124C8 ;
aux moines : ACO 1 1 5, p. 1311 = PG 77, 128ßa. Le ton de ces lettres est nettement plus
dur à l'égard de Nestorius que dans les lettres adressées aux Orientaux.
24. On a pris l'habitude de donner à la lettre 17 (Toö Σωτηρος ημών) de Cyrille à
Nestorius, le titre de lettre aux anathématismes ; par exemple Hypatius d'Ephèse, De
collatione cum Severianis habita (Mansi 8, 822B1 = ACO IV u, p. 17319·29), où l'on expli
quepourquoi le concile de Chalcédoine n'a pas entériné la lettre aux anathématismes :
en voulant condamner les blasphèmes de Nestorius qui divisent en deux natures et hypo-
stases, et affirmer une seule personne dans le Christ, on ne pouvait citer la lettre de Cyrille
et ses chapitres où il était question de deux hypostases. Cf. P. Galtier, Les anathémat
ismes de Cyrille et le concile de Chalcédoine, RSR 23, 1933, p. 45-57 ; Théodoret,
dans une lettre à Domnus d'Antioche (PG 83, 131207-8), rappelle que l'accord s'est fait
avec Cyrille, sans que l'on mentionne ses chapitres.
25. Mémoires pour servir à Vhistoire ecclésiastique des six premiers siècles (cité sous
le titre Mémoires par la suite), XIV, Paris 1709, p. 370.
258 p. évieux

il fut choqué par les chapitres de Cyrille ; il estima que, en s 'attaquant sans
modération à Nestorius, il était tombé dans la secte d'Apollinaire. Il confia
donc à André et à Théodoret, évêques de son conseil, la mission de répliquer
par écrit aux xn chapitres qui (dans sa pensée) redonnaient vie à la doctrine
d'Apollinaire26. » La remarque de Lenain de Tillemont contredit J. Garnier
qui, dans son édition de Marius Mercator (1673), écrit : «Dès qu'il eut
reçu les lettres des deux synodes (Rome et Alexandrie), aussitôt il (Nestor
ius) en fit parvenir un exemplaire à Jean son ami, lui demandant (rogans
ut) de confier à deux évêques très savants de son conseil, André de Samosate
et Théodoret de Cyr, le soin d'écrire contre les douze anathématismes de
Cyrille27... » Nestorius n'a donc fait que transmettre la lettre aux anathé
matismes. C'est Jean d'Antioche qui a demandé à André et à Théodoret
de les réfuter.
Aussitôt les documents reçus, en effet, l'évêque d'Antioche ne reste pas
inactif. Il réagit de deux manières :
— d'une part en alertant les évêques,
— d'autre part en faisant réfuter les chapitres cyrilliens.
a) Jean d'Antioche alerte les évêques
Nous avons déjà cité la lettre de Jean à Firmus de Césarée28. Il en écrivit
bien d'autres, à de nombreux évêques29, tels Himèrios de Nicomédie,
métropolite de Bithynie, Euthérius de Tyane, métropolite de seconde
Cappadoce, Helladius de Tarse, métropolite de première Cilicie. On trouve
des traces de cette correspondance dans une lettre adressée par Euthérius
de Tyane et Helladius de Tarse au pape Sixte, au moment où la paix est
en train de se faire30. De même, bien plus tard, Théodoret fait allusion à
ces lettres de Jean31.

26. Chap, iv, 16 : ACO II v, p. 10234~31 = PL 68,


27. Cf. PL 48, 717-718. Même expression de Garnier dans sa lre dissertation sur
Théodoret : (Nestorius) rogavit ut... (PG 84, 107e).
28. ACO I rv, p. 37-38, p. 33.
29. Cf. ACO I rv, p. 834.
30. Syn. 205 [117] (ACO I iv, p. 14718s· = PG 84, 730^3-S6) : ... Ille (Johannes Antio-
chenus) enim qui antequam veniremus ad Ephesum, haereticam capitulorum repperit
fraudem et plurimis per litteras indicavit per primam Cappadociam secundamque et
per di versos locos ut ab eis se observarent, ammonuit, quasi Eunomio et Arrio et Apolli-
nario consonarent...
31. Lettre 112, à Domnus, successeur de Jean d'Antioche (PG 83, 1312^ = Azéma,
III, SC 111, p. 5016~20) : Πρό μέν γάρ της εις Έφεσον αποδημίας, ό μακάριος γέγραφεν
Ιωάννης τοις περί τον θεοφιλέστατον έπίσκοπον Εύθήριον των Τυάνων, και Φίλμον της
Καισαρείας, και Θεόδοτον της 'Αγκύρας, Άπολιναρίου διδασκαλίαν τα κεφάλαια ταΰτα
καλέσας. Cf. ACO I iv, p. 89"11 : (Capitula) consonant enim, magis vero sunt eadem
his propter quae Apollinarius a Christi est disruptus ecclesia...
ANDRÉ DE SAMOSATE 259

b) Réaction doctrinale
Jean d'Antioche ne se contente pas d'alerter les évêques ; il veut opposer
à ces chapitres de Cyrille, qu'il croit teintés d'arianisme et d'apollinarisme32,
une réponse théologique dont les arguments soient capables de redresser
les erreurs de l'Alexandrin et de convaincre les lecteurs. C'est dans ce but
que l'évêque d'Antioche s'adresse à Théodoret de Cyr et à André de Samo-
sate pour rédiger les réfutations des xn chapitres. Ces deux hommes sont
les meilleurs théologiens qu'il ait à sa disposition. Théodoret répondra en
son nom propre, André au nom des évêques orientaux33. Si, dans une
situation aussi délicate, Jean d'Antioche fait appel à André pour être
le porte-parole des évêques d'Orient, c'est que l'évêque de Samosate mérite
la confiance de tous, par sa compétence, sa sagesse et son talent.

II. André de Samosate

Nous savons peu de choses sur André de Samosate. Les seuls renseigne
ments importants dont nous disposions concernent le rôle qu'il joua lors
de la crise nestorienne entre 430 et 434. Quelle fut sa vie avant 430, où
reçut-il sa formation... ? A ces questions, nous ne pouvons répondre avec
une entière certitude, même si certains documents nous permettent de for
muler quelques hypothèses. Une chose est sûre : André fut évêque de Sa
mosate, ville de la province de Syrie Euphratésienne, sur la rive droite de
l'Euphrate, dans la partie septentrionale du diocèse d'Orient34.

32. D'après les sermons et les lettres de Nestorius. Cf. aussi la lettre de Théodoret
déjà citée (PG 83, 131245-6 = Azéma, III, SC 111, p. 5019~20) : Jean d'Antioche Άπο-
λιναρίου διδασκαλίαν τα κεφάλαια ταϋτα καλέσας.
33. Comme on le verra plus loin, ce choix d'André peut être considéré comme une
preuve de son ancienneté dans l'épiscopat.
34. Samosate (l'actuelle Samsât) était l'un des principaux points de passage fortifiés
de l'Euphrate, sur la route reliant Edesse à Germanicée. Vers 450, la province de Syrie
Euphratésienne compte treize évêchés : Hiérapolis (métropole), Perrhè, Germanicée,
Samosate, Ourima, Dolichè, Zeugma, Cyr, Europos, Néocésarée, Barbalissos, Soura,
Rosafa (ou Sergiopolis). Si Hiérapolis, au centre de la province d'Euphratensis, n'est
pas à plus de quatre à cinq jours de marche d'Antioche (la route actuelle, par Bérée,
est longue d'environ 200 km), il faut au moins huit à dix jours pour se rendre d'Antioche
à Samosate : cf. le Journal de voyage d'EraÉRiE : SC 212, p. 158-163. Sur la Syrie, voir
A. H. M. Jones, The Cities of the Eastern Roman Provinces, Oxford 1937 ; V. Chapot,
La frontière de VEuphrate, Paris 1907, p. 338-339 ; R. Dussaud, Topographie historique
de la Syrie antique et médiévale, Paris 1927, p. 413-481 ; M. P. Charlesworth, Les
routes et le trafic commercial dans l'empire romain (tr. fr. G. Blumberg et P. Grimai),
Paris 1938 ; R. Devreesse, Le Patriarcat d'Antioche depuis la paix de l'Eglise jusqu'à
la conquête arabe, Paris 1944.

18
260 p. évieux

Aucun document écrit (si ce n'est une note du Chronicon Edessenum35)


ne nous renseigne sur la vie d'André avant 430. Nous en sommes donc
réduit à formuler des hypothèses. F. Pericoli-Ridolfini36 suppose qu'il
a été formé à l'Ecole d'Edesse, mais sans étayer de preuves cette affirma
tion37. Il est bien possible qu'André ait eu des contacts avec l'Ecole d'Edesse
(de langue syriaque), mais l'on ne peut affirmer qu'il y ait été formé. Sans
doute la métropole de la province d'Osroène (Edesse) n'est-elle pas éloi
gnée de Samosate38 ; et les informations qui, en 432, seront transmises
d'Edesse à André39 montrent qu'il avait là-bas des amis40. Cela ne nous
paraît pas suffisant pour en déduire qu'il reçut sa formation à Edesse.
Nous croyons au contraire qu'il fut formé à Antioche ou dans les environs
d'Antioche. Ce n'est là qu'une hypothèse. Mais la rédaction en grec de
la quasi-totalité des œuvres qu'il nous a laissées (la traduction latine des
lettres du Synodicon Casinense est faite sans aucun doute à partir du grec),
la rigueur de l'argumentation, la qualité du style41, laissent supposer
qu'André a fréquenté des rhéteurs42, disciples du maître Libanios. Son
amitié pour Théodoret, sa propre réputation de théologien dans le diocèse
d'Orient, reconnue de Jean d'Antioche lui-même, font penser que c'est
également à Antioche ou dans quelque monastère voisin (comme ce fut le
cas pour Théodoret43) qu'il étudia la théologie et l'Ecriture sainte.
D'autre part, il est certain qu'André de Samosate connaissait le syriaque,
langue que l'on parlait couramment, à Antioche même44. Sa lettre, en

35. Chronicon Edessenum, CSCΟ 1, 56, p. 73 [2, 56, p. 713] : Anno 740, Andreas Samo-
satae episcopus claruit. Dans la même chronique, le concile d'Ephèse eut lieu en 744.
André était donc évêque en 427-428. Mais claruit ne veut pas dire qu'il devint évêque
en 427. En effet, pour Cyrille, il est écrit (année 721 = 408!) : Alexandriae magnae epis
copus factus est. Nous ne pouvons donc retenir l'année 428 pour la consécration épisco-
pale d'André (contre E. Honigmann, Le couvent de Barsauma, CSCO 146, p. 30 n. 1.4).
36. La controversia tra Cirillo d 'Alessandria e Giovanni di Antiochia nelFepistolario
di Andrea di Samosata, Rivista degli studi orientali 29, 1954, p. 187-217.
37. Art. cit., p. 187.
38. Aujourd'hui, un peu plus de 90 km.
39. Syn. 132 [43] : ACO I iv, p. 8628.
40. Ibä fera appel à Jean d'Antioche contre Rabbûlâ d'Edesse, par l'intermédiaire
d'André. Cf. I. Ortiz de Urbina, Patrologia Syriacà2, Rome 1965, p. 97.
41. La comparaison précise que nous avons faite entre les styles de Cyrille et d'André
dans Γ Apologie des XII chapitres contre les évêques orientaux, nous permet d 'affirmer
qu'André est rompu aux exercices de la rhétorique.
42. Cf. P. Petit, Les étudiants de Libanios, Paris 1956 ; P. Canivet, Histoire d'une
entreprise apologétique au Ve siècle, Paris 1958 ; A.-J. Festugière, Antioche païenne et
chrétienne, Paris 1959.
43. Cf. P. Canivet, op. cit., p. 35-41.
44. Il est fort probable qu'il fut de famille syrienne. Cf. Théodoret et les entretiens
de sa mère avec le moine Makédonios : P. Cantvet, op. cit., p. 24-27.
ANDRÉ DE SAMOSATE 261

syriaque, à Rabbülä d'Edesse ne paraît pas être une traduction45. Au


confluent de deux langages, de deux cultures, en rapport à la fois avec
Antioche et Edesse, tel nous apparaît l'évêque de Samosate.
Lorsque, en décembre 430, Jean d 'Antioche lui demande de réfuter les
anathématismes de Cyrille d'Alexandrie, André doit être évêque de Samosate
depuis un certain temps46. Bien des indices nous apportent même la cer
titude qu'il accéda à la dignité épiscopale avant Théodoret de Cyr. Dans
son commentaire du Synodicon Casinense*1 , Ch. Lupus (Wolf) fait remar
querque Liberatus, attentif aux règles de préséance, nomme André avant
Théodoret. Il en conclut qu'André fut consacré avant l'évêque de Cyr48.
Dans les lettres du Synodicon, en effet, à plusieurs reprises André est
nommé avant Théodoret :
— « Propositions adressées par Acace évêque de Bérée, par l'intermédiaire
du tribun et notaire Aristolaos, à Cyrille évêque d'Alexandrie, provenant
du conseil des évêques Jean d'Antioche, Alexandre de Hiérapolis, Macaire
de Laodicée, André de Samosate et Théodoret de Cyr, au sujet de la paix
à réaliser» (Syn. 142 [53]) 49.
— « Lettre des évêques Alexandre, André et Théodoret à Helladius évêque
de Tarse » (Syn. 143 [54]) 50.
Or, si André fut évêque avant Théodoret, il le fut avant 423. En effet,
comme le démontre P. Canivet, Théodoret dut être désigné comme évêque
de Cyr en 423 51.
Un synode tenu à Antioche pour condamner les Pélagiens aurait pu nous

45. Tel est l'avis du P. F. Graffin, consulté à ce sujet.


46. Cf. n. 35.
47. Scholia et notae, p. 78.
48. Nous avons cité plus haut, p. 257, le texte de Liberatus de Carthage auquel Lupus
fait allusion (Breviarium, iv, 16 : ACO II v, p. 10224~31 = PL 68, 9764~B) : Mandavit
ergo Andreae et Theodoreto...
49. ACO I iv, p. 9228~934.
50. ACO I iv, p. 935. Cyrille d'Alexandrie, dans une lettre à Rufus de Thessalo-
nique, énumère les livres qu'il lui fait parvenir, entre autres ses apologies contre Théodoret
et André (PG 77, 224C3 ; E. Schwartz, Codex Vaticanus gr. 1431, Abh. der Bayer. Akad.
der Wiss., xxxn, 6, Munich 1927, p. 207) : Cyrille a moins de raisons de se soucier ici
de l'ordre de préséance.
51. P. Canivet, Thérapeutique des maladies helléniques, I (SC 57), Paris 1958, p. 16.
A la note 1, l'auteur renvoie à M. Richard (L'activité littéraire de Théodoret avant le
concile d'Ephèse, Revue des sciences philosophiques et théologiques 24, 1935, p. 82-106),
qui estime que, si Théodoret passait au moment du concile d'Ephèse pour le meilleur
théologien du patriarcat d'Antioche, il n'avait pu acquérir cette réputation « en moins
de deux ans ». De plus, dans la lettre 81 à Nomus (PG 83, 1261s = Azéma, II, SC 98,
p. 1969) datée de 448, Théodoret parle de ses 25 ans d'épiscopat. Et dans la lettre 113,
adressée au pape Léon, en 449, il fait allusion à ses 26 ans d'épiscopat (PG 83, 1316e =
Azéma, ΙΠ, SC 111, p. 6217).
262 p. évieux

procurer des renseignements utiles. Malheureusement, on ne peut dater


ce synode avec précision, et la liste des évêques participants ne nous est
pas parvenue ; elle nous aurait permis de savoir qui était évêque de Samo-
sate à ce moment-là52. Ce synode a pu être l'occasion, pour André, de
déployer ses qualités de théologien et d'asseoir sa réputation auprès de
l'épiscopat du diocèse d'Orient. C'est là encore une hypothèse, parmi
d'autres, qui peut nous aider à comprendre pourquoi Jean d 'Antioche
s'est adressé à André pour réfuter, au nom des Orientaux, les chapitres
cyrilliens. Une autre raison a pu guider le choix de l'évêque d'Antioche :
rares sans doute étaient les évêques qui avaient reçu une formation litté
raire et qui étaient, de ce fait, aptes à bien comprendre et juger les ouvrages
en langue grecque, et capables d'avoir une large audience dans l'empire
d'Orient53. De toutes manières, André devait être connu à Antioche et sa
réputation de théologien devait reposer sur ses interventions écrites ou
orales, non seulement dans le cadre de la province d'Euphratensis, mais
aussi dans celui, plus large, du diocèse tout entier54.

André et Théodoret
Les relations cordiales entre Théodoret de Cyr et André de Samosate,
dont témoigne la correspondance du Synodicon, durant les années 431-434,

52. La seule source mentionnant ce synode d'Antioche est le Commonitorium de


Marius Mercator, ch. 3 {PL 48, 89-90) : De condemnatione Pelagii et Caelestii et
Pelagii praesertim, turn a Romanis pontificibus Innocentio et Zosimo, tum a Patribus
Diospolitanis et Theodoto Antiochiae episcopo. Cf. A CO Ι ν, p. 6841-695. E. Schwartz
qui renvoie à Lenain de Tillemont, Mémoires, XII, p. 339, citant une lettre de Jérôme
(lettre 138, de 416), adopte la même conclusion que Tillemont (XIII, p. 1018) et situe le
concile en 417 {ACO I v, préface p. x, n° 6). Hardouin date ce synode de 423-424 ; Mansi,
qui cite Hardouin, préfère la date de 418 (4, 475-478). Pour G. de Plinval (dans l'Histoire
de l'Eglise de Fliche et Martin, IV, p. 119 n. 5), la réaction anti-pélagienne en Orient
se situe vers 422-425. Les années de l'épiscopat de Théodote pourraient nous sortir d'emb
arras. Mais R. Devreesse {Le Patriarcat d'Antioche), après avoir placé l'avènement de
Théodote dès 420-421 (p. 110 n. 4), lui accorde les années 424-428 sur le siège d'Antioche
(p. 117). V. Grumel {La chronologie, Paris 1958, p. 446) reprend sans doute les conclu
sionsde R. Devreesse et adopte ces dates de 424-428. Prenant pour référence l'épiscopat
de Théodote, nous pouvons placer le synode anti-pélagien d'Antioche entre 420 et 424.
53. Cf. R. Devreesse, Le Patriarcat d'Antioche, p. 96 et la note 4.
54. Sur tout ce qui touche à Antioche, on consultera utilement R. Devreesse, Le
Patriarcat d'Antioche, en tenant compte des critiques faites par E. Honigmann (The
Patriarchate of Antioch, a Revision of Le Quien and the Notitia Antiochena, Traditio
5, 1947, p. 135-161). Voir aussi P. Petit, Libanius et la vie municipale à Antioche au IV
siècle après J.C., Paris 1955 ; Idem, Les étudiants de Libanius. Un professeur de Faculté
sous le Bas-Empire, Paris 1957 ; P. Canivet, Histoire d'une entreprise apologétique au
Ve siècle, Paris 1958 ; A.-J. Festugière, Antioche païenne et chrétienne, Paris 1959 ;
G. Downey, A History of Antioch in Syria, from Seleucus to the Arab Conquest, Princeton
1961.
ANDRÉ DE SAMOSATE 263

peuvent nous laisser supposer que les deux évêques ont fait connaissance
en fréquentant les mêmes milieux littéraires ou religieux55. Le fait que
Théodoret appelle André maître d'orthodoxie ne nous paraît pas suffisant
pour affirmer que l'évêque de Cyr fut, à un moment, le disciple de l'évêque
de Samosate. André et Théodoret ont très bien pu se lier d'amitié lors des
synodes réunissant les évêques de la province d'Euphratensis. Leur commun
attachement à l'enseignement de Diodore de Tarse et Théodore de Mop-
sueste permet seulement de dire qu'ils sont tous deux attachés à la théologie
en honneur dans la région d'Antioche.
Nous savons que Théodoret vécut un certain temps dans un ou plusieurs
monastères56. Et, dans la correspondance du Synodicon, nous le voyons
garder une certaine nostalgie de la vie monastique. Au plus fort de la crise,
alors que l'opposition à l'union se durcit, Théodoret déclare même qu'il a
demandé à son archimandrite, venu à Cyr, de lui construire une cellule57.
Il envisageait donc de renoncer à sa charge épiscopale pour vivre tranquille
à l'ombre d'un monastère. Il n'y a pas de semblable allusion dans les écrits
d'André58.
Plusieurs documents témoignent des relations entre Théodoret de Cyr
et André de Samosate. Ce sont, pour la plupart, des lettres échangées pen
dant la crise nestorienne, de 431 à 434 :
— Lettre de Théodoret à André, écrite d'Ephèse59.
— Lettre commune de Jean d'Antioche, Alexandre de Hiérapolis,
Macaire de Laodicée, André de Samosate, Théodoret de Cyr, adressée
à Acace de Bérée60. Elle comprend les propositions d'Antioche.
— Lettre commune d'Alexandre, André et Théodoret à Helladius de
Tarse, mentionnant le synode d'Antioche et les propositions faites
en vue de la paix61.

55. On sait que l'éducation littéraire ne va pas de pair avec l'éducation religieuse,
les maîtres de rhétorique et les sophistes étant alors, la plupart du temps, des païens :
cf. P. Cantvet, op. cit., p. 37.
56. «A trois milles d'Apamée » (Lettre 119 :PG 83, 1329e = Azéma, III, SC 111,
p. 80 20). Cf. le commentaire d'Y. Azéma dans SC 111, p. 80 n. 3.
57. Syn. 155 [66] : ACO I iv, p. 10423-24.
58. Une seule fois, il songe à se retirer avec son métropolite Alexandre dans un lieu
solitaire pour y pleurer {Syn. 171 [82] : ACO I iv, p. 1183). Mais à ce moment-là, plusieurs
tiennent de tels propos, et il n'est pas du tout sûr qu'il pense à la vie monastique. En tout
cas, on ne peut déduire de cette seule phrase qu'il ait fait un séjour dans un monastère
avant d'être désigné comme évêque de Samosate.
59. Syn. 108 [20] : ACO I'iv, p. 5921 = PG 84, 613 ; autre version de cette lettre dans
ACO II v, p. 506 = Mansi 9, 293.
60. Syn. 142 [53] : ACO I IV, p. 9228.
61. Syn. 143 [54] : ACO I rv, p. 935 = PG 84, 659.
264 p. évieux

— Lettre de Théodoret à André62 : Théodoret exprime sa satisfaction


de voir Cyrille anathématiser Arius, Eunomius et Apollinaire, mais
s'indigne de ce qu'il exige la souscription à la déposition de Nestorius.
— Lettre d'André à Théodoret63 : réponse à la lettre précédente.
— Lettre de Théodoret à André64 (en grec).
— Lettre de Théodoret à André de Samosate65 (en grec) : Théodoret
remercie André pour les renseignements fournis sur le prêtre Damien66.
Dans cette correspondance, Théodoret semble en parfait accord avec
André et désireux de connaître son avis. Dans la lettre 150 [61] 67, le ton
est même plein de respect à l'égard de l'évêque de Samosate :
« Je pense que ta sainteté sera aussi du même avis, toi qui t'es montré un remar
quable défenseur de la piété, le vrai maître d'orthodoxie qu'il lui fallait68... »
D'après ces lettres, on peut dire que Théodoret de Cyr et André de Sa
mosate se respectaient, s'estimaient mutuellement et même étaient liés par
une certaine amitié. Au moment où André rejoindra le camp de Jean d'An-
tioche et des partisans de l'union, Théodoret, se refusant à une telle démarche
qui supposait la condamnation de Nestorius, n'exprimera aucune critique
personnelle à rencontre d'André. Quand on sait combien facilement, à
cette époque, le ton passe de la douceur à l'injure — Alexandre de Hiéra-
polis nous en donne de nombreux exemples — , on appréciera à leur juste
mesure les liens unissant André et Théodoret, que les différends ne par
vinrent pas à rompre.

III. La réfutation des xii chapitres de Cyrille d'Alexandrie


Avant 430, on reconnaissait donc en André de Samosate un théologien
de valeur, et cette réputation s'étendait à tout le diocèse d'Orient. Nous

62. Syn. 150 [61] : ACO I iv, p. 1024 = PG 84, 671.


63. Syn. 151 [62] : ACO I iv, p. 102 = PG 84, 672.
64. Théodoret de Cyr, Correspondance : PG 83, 1203-1206 = Azéma, II, SC 98,
p. 80-82 ; elle porte le η ° 24 ; sa date est inconnue.
65. Théodoret de Cyr, Correspondance : Azéma, I, SC 40, p. 105.
66. SC 40, p. 66. Dans son introduction à la Correspondance de Théodoret (p. 31),
Y. Azéma note : «Nos lettres 24 et xli, dans lesquelles Théodoret remercie son ami des
bonnes nouvelles reçues ou des renseignements si exacts donnés sur un prêtre venu à Cyr,
ne nous apprennent malheureusement rien sur sa vie. »
67. ACO I iv, p. 102".
68. Sur les titres que s'adressent mutuellement les évêques, voir Sr Lucilla Dinneen,
Titles of Address in Christian Greek Epistolography to 527 A.D., Washington 1929 ;
E. Schwartz, ACO II vi, p. 142 s. ; cf. H. Zilliacus, Untersuchungen zu den abstrakten
Anredeformen und Höflichkeitstiteln im Griechischen, Helsingfors 1949, cité par P. Mara-
val (Grégoire de Nysse, Vie de sainte Macrine : SC 178, p. 139 n. 5), qui donne en
appendice (p. 274-275) un répertoire des titres de politesse chez Grégoire de Nysse.
ANDRÉ DE SAMOSATE 265

l'avons vu, peu de documents nous permettent d'apprécier le fondement


d'une telle réputation. En revanche, à partir de 431, l'activité comme l'œuvre
de l'évêque de Samosate nous sont davantage connues. En effet, le nom
d'André est attaché à la réfutation des xii chapitres (ou anathématismes)
de Cyrille d'Alexandrie, rédigée au nom des évêques orientaux.

André de Samosate, auteur de la réfutation


Quelques historiens, Baronius notamment69, ont mis en doute qu'André
de Samosate fût réellement l'auteur de la réfutation à laquelle Cyrille
d'Alexandrie répond dans son Apologie contre les évêques orientaux. L'ar
gument avancé est qu'André n'est pas nommé dans l'ouvrage de Cyrille.
Cependant, de nombreux témoignages nous permettent d'affirmer avec
certitude qu'André réfuta effectivement les xn chapitres, au nom des évêques
du diocèse d'Orient, à la demande de Jean d'Antioche ; s'il n'a pas signé
son ouvrage, c'est justement parce qu'il l'avait rédigé au nom de l'ensemble
des évêques orientaux.
Voici quelques-uns de ces témoignages :
— Lettre de Cyrille à Euloge :
« Offre à sa Magnificence le Praepositus les deux livres que j'ai envoyés,
l'un contre les blasphèmes de Nestorius, l'autre contenant les actes du Concile
contre Nestorius et ses partisans, ainsi que les réponses que j'ai faites à ceux
qui ont écrit contre les chapitres ; ce sont deux évêques : André et Théodo-
ret70. »
— Lettre de Cyrille à Rufus de Thessalonique :
« Les livres ci-joints sont les suivants : un livre sur la Genèse ; deux livres
sur l'adoration en esprit et en vérité ; contre les ouvrages de Théodoret et
André concernant les chapitres71 ; un livre sur V Incarnation, contre les
blasphèmes de Nestorius72. »
— Lettre de Rabbülä d'Edesse à André de Samosate (en syriaque) :
«... Ce qui nous a forcé à écrire à ta Piété, c'est un petit traité qui est venu
entre nos mains, où se trouve la réfutation des xii chapitres qui ont été comp
osés, dit-on, par le pieux évêque Cyrille.
J'avais d'abord pensé que l'auteur en était le révérend Nestorius. Car
ce dont nous l'accusions tous communément se trouve manifestement dans
ce (traité). Mais ce qui nous étonne, c'est que des gens attachés à ta personne

69. Annales ecclesiastici, Rome 1588-1607, ad ann. 431, n° 183.


70. ACO 1 1 4, p. 375-e _ pq 77> 228C1"8.
71. Προς τα Θεοδωρήτου και Ανδρέου εις τα κεφάλαια.
72. Lettre citée plus haut : éd. Ε. Schwartz, Codex Vaticanus gr. 1431, Abh. der
Bayer. Akad. der Wiss., xxxn, 6, Munich 1927, p. 207.
266 p. évieux

vénérable l'ont signé. J'ai donc dû t 'écrire ceci et, d'après la réponse de ta
Sainteté, j'en aurai le cœur net73... »
— André de Samosate, au début de sa lettre à Rabbülä (en syriaque),
fait lui-même allusion à sa réfutation des chapitres74 :
« II y a quelques jours, quelqu'un de là-bas est venu nous trouver, en disant
que ta Paternité lance contre nous de nombreuses insultes, non seulement
en présence de quelques-uns, mais aussi publiquement, devant le peuple.
Il ajoutait que, en outre, dans l'église, tu as porté l'anathème contre ceux
qui ne partagent pas l'opinion de Cyrille d'Alexandrie et contre ceux qui
lisent ce que nous avons écrit pour réfuter les chapitres qu'il a composés7 5... »
— Hypatius d'Ephèse, au sujet des citations utilisées par Cyrille, déclare76 :
« Ces lettres et ces témoignages sont si faux que Cyrille n'en a mentionné
aucun ni dans les lettres qu'il écrivit à Nestorius... ni dans l'explication des
xii chapitres, lorsqu'il écrivit contre Théodoret et André qui les avaient
attaqués par écrit... ni contre le synode oriental qui, je ne sais à partir de quoi,
crut bon de reconnaître chez lui l'opinion d'Arius ou d'Apollinaire77. »
— Maxime, abbé et martyr78 :
« Saint Cyrille, dans Y Apologie contre André, qui avait repris son 3e chapitre,
dit ceci...» (suit une citation de Y Apologie contre les Orientaux)19.

73. J. J. ΟverBeck, S. Ephraemi Syri, Rabbulae episcopi Edesseni, Balaei, aliorumque


opera selecta e codicibus syriacis manuscriptis in Museo Britannico et Bibliotheca Bodleiana
asservatis, Oxford 1865, p. 222-223.
74. Texte syriaque édité et traduit en italien par F. Pericoli-Ridolfini, Rivista degli
studi orientait 28, 1953, p. 153-169 ; texte de la citation : p. 1543~7.
75. Même plainte dans une lettre à Alexandre de Hiérapolis (Syn. 132 [43] : ACO I
iv, p. 8633).
76. De collatione cum Severianis habita : ACO IV π, p. 1727 = Mansi 8, 820cia.
77. Ce concile oriental a-t-il, comme le veut Garnier (PG 76, cf. PL 48, 933), approuvé
la réfutation faite par André, à Antioche? Ou bien Hypatius fait-il une confusion avec le
synode d 'Antioche qui aura lieu plus tard, après le concile d'Ephèse (cf. Ch. Lupus,
Scholia et notae, p. 21)? Il est probable que, une fois reçus la lettre de Nestorius et les
anathématismes de Cyrille, Jean réunit quelques évêques à Antioche et chargea André
de Samosate, au terme de cette réunion, de rédiger leur réfutation.
78. D'après Ch. Lupus, Scholia et notae, p. 219. Il s'agit sans doute de Maxime le
Confesseur.
79. A ces documents, on peut encore ajouter d'autres éléments : 1) le manuscrit f
(Laurentianus VI 17) de Y Apologie contre les Orientaux porte en marge contre André (κατά
Ανδρέου) à côté du titre (cf. ACO 1 1 7, p. 3312~13). 2) De même dans l'édition de Marius
Mercator par Garnier, reprise par Migne {PL 48, 933), on lit le titre suivant : Sancti
Cyrilli Alexandrini episcopi apologeticus pro duodecim capitibus adversus orientales
episcopos, quorum nomine Andreas Samosatenus objectiones scripserat. Cependant ce
titre n'apparaît pas être de Marius Mercator ; on ne le trouve pas dans ACO I v, p. 116.
Il fut probablement rajouté par Garnier lui-même. 3) Dans la préface de son Pentalogion
(PG 84, 65-88 = PL 48, 1067^), Théodoret fait aussi allusion aux réfutations des chapitres
qu'ils ont faites avant le concile, mais sans nommer André. Cf. aussi la lre lettre de Sévère
d'Antioche à Sergius, ch. xi, dans le ms. syriaque du British Museum, Addit. 17154,
résumée par J. Lebon dans Le monophysisme sévérien, Louvain 1909, p. 538.
ANDRÉ DE SAMOSATE 267

Date de la réfutation
Les avis étant partagés, certains situant la réfutation et l'apologie avant
le concile d'Ephèse, d'autres après80, il nous faut citer quelques pièces
de ce dossier. Théodoret lui-même avait écrit dans la préface du
Pentalogion81 :
(( Avant que ne se tînt l'assemblée à Ephèse, nous nous sommes opposés
aux douze chapitres rapidement et ouvertement82. »
La réfutation et l'apologie des chapitres ont donc été rédigées avant
le concile. On peut cependant objecter : y a-t-il assez de temps pour placer
les réfutations et les apologies avant le début du concile, c'est-à-dire avant
le 7 juin 431 ?
Nous avons vu que Nestorius envoie à Jean d'Antioche la lettre de Cyrille
et les anathématismes, au début de décembre 43083. Cyrille arrive à Ephèse
dans les premiers jours de juin 431. Sept mois séparent ces deux dates.
C'est court, mais, étant donné la brièveté et la composition facile de ces
œuvres polémiques, ce laps de temps est néanmoins suffisant pour :
a) la communication des xii chapitres aux deux évêques André et Théo
doret (il est probable d'ailleurs que tous deux furent convoqués avec
d'autres évêques par Jean à Antioche, pour donner leur avis sur les
chapitres)

80. S'appuyant sur les lettres de Jean d'Antioche et sur le témoignage de Liberatus,
Ch. Lupus (Wolf) — d'accord avec Garnier (PL 48, 931-932 = PG 76, 313-314 : Cyrille
« ne parle point de la déposition de Nestorius » dans ses Apologies) — soutient que « les
livres d'André et Théodoret sont tout à fait achevés bien longtemps avant le Synode »
(Scholia et notae, p. 76). Lenain de Tillemont déclare au contraire que les Apologies de
Cyrille contre les Orientaux n'ont été écrites « apparemment qu'après le concile » : les
expressions de Cyrille à l'endroit de Nestorius (impiétés, inventeur de nouveaux blasphèmes)
supposent la déposition de l'évêque de Constantinople (Mémoires, XIV, p. 668 et p. 760
n. 30). Pour Baronius (Annales ecclesiastici, Rome 1588-1607, ad ann. 431, n° 183),
André, moine de Constantinople, aurait été poussé à réfuter les chapitres de Cyrille
après la fin du concile, et aurait reçu le siège de Samosate pour prix de cet ouvrage.
Garnier montre qu'il s'agit là d'une méprise de la part de Baronius, le moine auquel
écrit Théodoret étant encore moine après le rétablissement de la paix (PG 76, 313-314) ;
cf. les lettres 143 (PG 83, 1368-1369 = Azéma, III, SC 111, p. 158) et 173 (PG 83, 1487)
de Théodoret à André, moine.
81. Excerpta Theodoreti, préface et fragments : PL 48, 10674.
82. Ce texte nous apprend aussi que Théodoret écrivit après le concile un autre ouvrage
(iterum) pour réfuter les xn chapitres, plus long que le premier. Priusquam conventus
apud Ephesum celebraretur, duodecim capitulis strictim aperteque restitimus... Quia
vero se manifestum, qui ista protulit, in concilio declaravit, et plures ex his qui convenerant,
imperiti potius, nec ulla dogmatis imbuti notitia, pia haec arbitrât! sunt ; operae pretium
visum est, iterum contra niti, sermonemque distendere...
83. Nous pensons que le dossier communiqué par Cyrille à Jean ne comprenait pas
les anathématismes ; cf. plus haut, p. 257.
268 p. évieux

b) la rédaction par André et Théodoret des réfutations, leur expédition


et leur diffusion
c) les réponses de Cyrille84.
André de Samosate, selon toute probabilité, écrivit sa réfutation des
xii chapitres avant Théodoret. En effet, dans la lettre à Evoptios, servant
en quelque sorte de préface à Γ Apologie contre Théodoret85, Cyrille déclare :
« Mais puisqu'il était nécessaire, bien que nous ayons déjà écrit sur ce sujet96,
que nous lui répondions, à lui aussi, quelques mots... » Cyrille a donc déjà
répondu à une réfutation des xn chapitres, sans aucun doute celle d'André.
Au terme de cette enquête, nous pouvons énoncer les conclusions sui
vantes :
— André de Samosate, à la demande de Jean d'Antioche, réfute les xn cha
pitres de Cyrille, au nom des évêques orientaux, au début de 431.
— Cyrille y répond dans Y Apologie des XII chapitres contre les évêques
orientaux.
— Pendant ou juste après la rédaction de cette première apologie, il reçoit
d 'Evoptios de Ptolémaïs, alors à Constantinople, la réfutation de Théod
oret, de peu postérieure à celle d'André.
— Cyrille rédige une seconde défense : Y Apologie contre Théodoret, qu'il
fait parvenir à Evoptios.
Tous ces ouvrages sont rédigés, acheminés et répandus avant la fin du
mois de mai 431 87. Si l'on considère le déroulement de la crise entre dé-

84. Cyrille, dans sa lettre à Evoptios de Ptolémaïs {ACO Ι ι 6, p. Ill7 = PG 76,


388C1), fait allusion à la rédaction rapide de son Apologie contre Théodoret : Ποιήσομαι τήν
άπολογίαν, βραχυλογήσας ώς Ινι. Remarquons, en passant, l'intense activité de Cyrille
durant toute cette période : lettres à Rome, aux Orientaux, à Nestorius, à Constantinople,
à Théodose, aux reines, aux princesses, les 5 livres contre Nestorius, les 2 apologies
contre André et Théodoret.
85. ACO 1 1 6, p. 1106-lll16 = PG 76, 385-388 ; pour la place de cette lettre dans
les différentes recensions et traductions, cf. la note de E. Schwartz, ACO 1 1 6, p. 107.
86. ACO 1 1 6, p. Ill5"7 : Καίτοι γεγραφότας ήδη περί τούτων ήμδς, ολίγα καΐ προς
αυτόν ειπείν.
87. En tenant compte du fait que, de Constantinople à Antioche, il faut, par terre,
surtout en hiver, environ 30 jours (20-22 jours par le cursus publiais), que les voyages
par mer sont plus fréquents et plus rapides à partir du mois de mars, nous proposons
les dates suivantes : envoi des chapitres de Constantinople à Antioche vers le 8 décembre
430 ; ils sont reçus début janvier. A la mi-janvier 431, la réfutation d'André est envoyée
à Constantinople où elle parvient au milieu du mois de février. Evoptios — ou quelque
autre partisan de l'évêque d'Alexandrie — la communique à Cyrille qui la reçoit à la
fin du mois de février au plus tôt. Sa défense peut être acheminée d'Alexandrie à Cons
tantinople pendant le mois de mars. Théodoret n'a pas le temps de connaître la défense
de Cyrille contre André avant d'écrire sa propre réfutation. A la fin du mois de mars,
cette réfutation de Théodoret est à Alexandrie. Fin avril ou début mai, Y Apologie contre
Théodoret parvient à Constantinople. Ce ne sont là, bien sûr, que des hypothèses, mais
ANDRÉ DE SAMOSATE 269

cembre 430 et juin 431, on est frappé de voir le déplacement qui s'est opéré.
L'expression Théotokos n'est plus guère mise en question88. Nestorius lui-
même, attentif aux supplications de Jean d'Antioche89, accepte ce terme,
en ajoutant aussitôt, il est vrai, mère de Vhomme et mère du Christ. Après
l'intervention de Cyrille, ce sont ses xii chapitres qui sont au centre du débat.
Auparavant, rien n'opposait Cyrille et les évêques orientaux. Maintenant,
les xii chapitres, la théologie qu'ils reflètent90, l'ultimatum qui leur est
attaché, irritent les Antiochiens, qui spontanément se rangent du côté de
Nestorius. Tout les porte vers lui : la sympathie, la formation commune,
la répugnance devant la puissance de l'évêque d'Alexandrie, la peur de voir
resurgir les hérésies passées. Aussi peut-on dire que la véritable origine de
la crise qui oppose Cyrille et les évêques d'Orient, ce sont les xn chapitres,
que l'Alexandrin doit défendre contre les attaques d'André et de Théodoret.
Face aux Orientaux, Cyrille doit jouer le rôle non pas de l'accusateur mais
bien de l'accusé. Ces anathématismes ont rapproché Nestorius et les évêques
d'Orient, ce qui rend difficile le dénouement de la crise, car toute démarche
en vue de la paix impliquera l'abandon de Nestorius91.

IV. Du concile d'Ephèse a l'Acte d'Union

André de Samosate pendant le concile d'Ephèse


Obéissant à la convocation de l'empereur Théodose1, Jean d'Antioche
et les métropolites des provinces voisines, avec chacun deux suffragants,

que nous formulons pour montrer que les réfutations et les apologies peuvent se situer
entre décembre 430 et juin 431. — La durée des voyages en bateau est très variable, év
idemment ; cf. J. Rougé. Recherches sur l'organisation du commerce maritime en Médit
erranée sous l'empire romain, Paris 1966. Par une lettre de Cyrille se rendant à Ephèse
{ACO 1 1 1, p. 116 = PG 77, 128-129), nous savons qu'il passa à Rhodes. A cette époque
de l'année (fin mai), un vent très favorable lui permit de faire le trajet d'Alexandrie à
Rhodes en trois jours {ACO 1 1 1, p. 11614).
88. Sauf peut-être par Alexandre de Hiérapolis ; cf. Syn. 181 [93] : ACO I rv, p. 1293a ;
Syn. 182 [94] : ACO I rv, p. 13018.
89. ACO I m, p. 44-47.
90. En particulier les expressions μία φύσις, ένωσις φυσική ou κατά φύσιν.
91. L'Acte d'Union de 433 ne fera pas mention des chapitres de Cyrille, comme le
rappelle Théodoret à Domnus d'Antioche (lettre 112 : PG 83, 1309ΰι-8, 1312e3"9 =
Azéma, III, SC 111, p. 50-54), citant la lettre de Cyrille à Acace de Bérée {ACO 1 1 7,
p. 14932-39).
1. Sacra du 19 novembre : ACO 1 1 1, p. 114-116= Mansi 4, 1113-1116. Théodose
demandait à chaque métropolite de se trouver à Ephèse pour le jour de la Pentecôte,
d'y venir avec un petit nombre d'évêques choisis {ibid.f p. 11523) et au moment fixé, sans
retard ni excuse.
270 p. évieux

se réunissent pour partir à Ephèse. Ce rassemblement ne se fait pas sans


difficultés, car certaines cités sont très éloignées d'Antioche2. Au moment
où les évêques orientaux vont se mettre en route, la ville est agitée, c'est la
famine ; une pluie diluvienne provoque une crue de l'Oronte, et des inon
dations menacent Antioche. Quand Jean et les siens partent enfin, c'est avec
beaucoup de retard ; le voyage s'effectue péniblement en quarante étapes,
sans jour de repos. Après avoir demandé3 tout d'abord que l'on patiente
à Ephèse, certains évêques étant malades, Jean d'Antioche envoie en avant
Alexandre de Hiérapolis et Alexandre d'Apamée. Selon le rapport des
Cyrilliens au pape Célestin, ces évêques mandatés par Jean auraient demandé
qu'on ne diffère pas plus longtemps l'ouverture du concile ; en l'absence
de l'évêque d'Antioche, on devait faire pour le mieux4 : le rapport ajoute
que Jean avait dû retarder son arrivée, volontairement, par amitié pour
Nestorius, afin d'éviter d'avoir à le condamner. Jean se défend d'une telle
manœuvre5, comme le rappelle Evagre6.
Quand ils arrivent à Ephèse, le 26 juin 43 17, les Orientaux apprennent,
de la bouche du comte Candidien8, que la déposition de Nestorius a été
prononcée, le 23 juin, par le concile qui a siégé sans les attendre. Jean et
les siens9 se réunissent et affirment être le vrai concile. Le comte Candidien
assiste à leur réunion10, donne lecture d'une protestation contre le concile
cyrillien et de la convocation des évêques, raconte les faits des derniers jours,

2. Cf. Evagre le Scholastique, Historia ecclesiastica, i, 3 (PG 862, 2428^~B) :


'Ιωάννης δέ ό της Άντιοχέων πρόεδρος, σύν τοις άμφ' αυτόν άπελείφθη της ορισθείσης
ημέρας,
άμφ' αυτόν
οΰτεέδυνήθη,
εκών, ώςδιισταμένων
πολλοίς άπολογούμενος
των αυτών πόλεων
δοκεϊ" της
άλλ' πάλαι
Οτι μήμέν
άγεϊραι
Άντιόχου,
τάχιστανυνί
τους
δέ
Θεοΰ προαγορευομένης πόλεως, όδόν άνδρί εύζώνω, ήμερων δυοκαίδεκα, τισί δέ, και
πλέον διεστώσης δέ και της Έφεσίων εκ της Άντιόχου όδόν ήμερων μάλιστα τριάκοντα"
ένισχυριζόμενος μή ποτέ αν αυτόν φθήναι τήν κυρίαν, εί τήν καλουμένην νέαν Κυριακήν
οί άμφ' αυτόν άνα τους οικείους έπετέλεσαν θρόνους. Pâques étant le 19 avril, le diman
che après Pâques tombe le 26. En comptant 12 jours pour leur rassemblement, les évê
ques sont à Antioche le 8 mai. L'arrivée à Ephèse datant du 26 juin, on peut en conclure
que Jean et les siens ne quittèrent pas Antioche avant le 14 mai, au plus tôt.
3. ACO 1 1 2, p. 673.
4. ACO 1 1 3, p. 526-921 = Mansi 4, 1330-1332 ; cf. A CO Ι ι 2, p. 6733-68".
5. ACO 1 1 5, p. 12514"21 ; cf. ACO I rv, p. 39 (latin).
6. Cité à la note 2, ci-dessus : οοτε εκών. Néanmoins le retard ou la lenteur de Jean (So-
crate, Historia ecclesiastica, vu, 34 : PG 57, 813e3) seront très dommageables à la paix.
7. ACO 1 1 5, p. 11910 ; ACO I iv, p. 345, 4422~23.
8. Candidien, cornes domesticorum, fut chargé du maintien de l'ordre pendant le
concile. Cf. ACO I iv, p. 359 ; ACO 1 1 5, p. 12018~19.
9. Les Cyrilliens parlent d'une petite trentaine (ACO II 3, p. 723, 834) ; en réalité, ils
sont d'abord 34 (ACO 1 1 3, p. 26-27), puis 43 (ACO 1 1 5, p. 123-124 ; cf. ACO I rv,
p. 45-46).
10. ACO II 5, p. 1196~7.
ANDRÉ DE SAMOSATE 271

puis se retire. Certains rapportent alors les avanies subies, l'attitude de


Memnon d'Ephèse leur fermant les églises, les pressions de Cyrille ; on
rappelle le danger que font courir à l'Eglise les xn anathématismes... Jean,
présidant l'assemblée, dépose Cyrille et Memnon, dénonce l'hérésie des
xii chapitres et refuse la communion avec ceux qui ont adhéré aux prin
cipes hérétiques de Cyrille11. La sentence est approuvée et communiquée
par lettres à l'empereur, à Pulchérie et Eudocie, au sénat, au clergé et au
peuple de Constantinople12.
C'est dans une telle atmosphère, lourde d'intrigues et de dissensions, que
Théodoret écrit à André de Samosate pour l'informer des événements.
Celui-ci était malade et, de ce fait, n'avait pu venir à Ephèse, avec les autres
délégués du diocèse d'Orient ; Théodoret s'en réjouit pour lui :
« D'Ephèse où je t'écris, je salue ta Sainteté et bénis la maladie que l'amour
de Dieu t'a accordée, pour que tu apprennes par ouï-dire plutôt que par
expérience quels méfaits se sont commis ici, des méfaits qui dépassent tout
ce que l'on peut dire oralement, qui l'emportent sur tout ce que l'on peut
raconter par écrit13... »
Qu'André prie le Seigneur d'apaiser la tempête et de ramener la tran
quillité désirée14. Selon Garnier, cette lettre fut écrite à la fin du mois de
juillet ou au début du mois d'août 431. Il a sans doute raison, car Théodoret
fait allusion aux condamnés qui célèbrent leurs liturgies comme si de rien
n'était, alors que ceux qui les ont condamnés « siègent chez eux en gémis
sant15 ». Dans les sessions des 16-17 juillet, le parti de Cyrille dépose et
condamne Jean et trente-quatre autres évêques : voilà les faits dépassant
l'entendement auxquels Théodoret fait probablement allusion. Sa lettre
à André est cependant antérieure à l'arrivée (au début du mois d'août)
de Jean, comte des largesses sacrées, l'envoyé de Théodose, qui suspend
les conciles rivaux et qui, après avoir réuni les deux partis, arrête Nestorius,
Cyrille et Memnon, et décide d'envoyer deux groupes de huit députés à
Constantinople16. Théodoret, l'un des huit députés orientaux, en aurait
certainement fait part dans la lettre à son ami de Samosate.

11. ACO 1 1 5, p. 121-123.


12. ACO 1 1 5, p. 124-125, 131-132, 127-128, 127, 128-129 = Mansi 4, 1259 s., 1271-
1280. Pulchérie était la sœur et Eudocie l'épouse de Théodose II.
13. Syn. 108 [20] : ACO I iv, p. 5921 = PG 84, 613. Autre version latine dans la 5e
session du concile de Constantinople (553) : ACO IV i, p. 13321-1345 = PG 83, 1463^-°,
lettre 162.
14. ACO I rv, p. 5938-601.
15. Les Orientaux, les damnatores, avaient déposé Cyrille et Memnon le 26 juin.
16. Cf. la lettre des Orientaux à Rufus de Thessalonique : ACO 1 1 1, p. 4226~27.
272 p. évieux

André de Samosate était donc malade tandis que se tenait le concile


d'Ephèse. Maladie diplomatique, comme l'insinue Garnier17 ? Probable
ment pas. En tout cas, rien ne vient confirmer cette hypothèse gra
tuite ; si sa santé le lui avait permis, André serait venu en personne
au concile d'Ephèse. Point n'est besoin de supposer qu'il fit semblant
d'être malade. Mis au courant des événements d'Ephèse, André de
Samosate s'efforcera de combattre aux côtés des Orientaux, contre Cyrille
et ses chapitres.

Les entretiens de Chalcédoine et le retour des Orientaux


Sur l'ordre de Théodose, transmis par le comte Jean, chaque parti envoie
donc huit délégués d'Ephèse à Constantinople. Avant leur départ, le groupe
des Orientaux rédige des directives et une profession de foi à soutenir
devant les Cyrilliens et l'empereur18.
Finalement, au lieu de se rendre à Constantinople, les députés sont
convoqués à Chalcédoine, où Théodose va les retrouver le 11 septembre.
C'est là que le concile est dissous et que l'empereur prononce le renvoi des
évêques19. Seuls, les Cyrilliens sont invités à Constantinople pour l'élection
et le sacre du successeur de Nestorius, Maximien (25 octobre). Les évêques
orientaux que Théodose, ne retenant aucune charge contre eux, s'est refusé
à condamner, sont autorisés à rentrer chez eux. Ils prennent donc le chemin
du retour, sans être entrés à Constantinople20. Partant de Chalcédoine,
ils durent rejoindre tout d'abord Nicomédie. Nous savons qu'ils passèrent
ensuite par Ancyre. Comment arrivèrent-ils à Tarse ? Probablement en
traversant Garsaoura (plutôt que Césarée de Cappadoce, cité de leur
adversaire Firmus), puis Tyane, et en rejoignant, un peu plus au sud,

17. PG 84, 107c~ß, 108^ : ... Forsitan effectum ut... Samosatenus morbum simulaverit,
ne veniret eo, ubi nécessitas foret veritatis impugnandae.
18. ACO 1 1 3, p. 381O-39U ; cf. ACO I v, p. 369 = Mansi 5, 303 s. ; Théodoret semble
bien être à l'origine de cette profession de foi qui sera reprise par Jean d'Antioche et
Cyrille au moment de l'Union de 433. Les délégués orientaux sont : Jean d'Antioche,
Jean de Damas, Himèrios de Nicomédie, Paul d'Emèse (le remplaçant d'Acace de Bérée),
Macaire de Laodicée (porte-parole de Cyr de Tyr), Apringios de Chalcis (porte-parole
d'Alexandre d'Apamée), Théodoret de Cyr (porte-parole d'Alexandre de Hiérapolis),
Helladius de Ptolémaïs (en Phénicie) (ACO 1 1 7, p. 7740 ; ACO 1 1 3, p. 3640-378). Les
délégués cyrilliens sont : Philippe et Arcadius, légats du pape, Juvénal de Jérusalem,
Flavien de Philippes, Firmus de Césarée, Théodote d 'Ancyre, Acace de Mélitène, Evop-
tios de Ptolémaïs (Cyrénaïque) (ACO 1 1 3, p. 3330-342 = Mansi 4, 1457).
19. Sacra : ACO 1 1 7, p. 14219'33.
20. L'opposition des moines et Maximien lui-même le leur interdisent ; cf. ACO I
iv, p. 8535~36 : Lettre d'Acace de Bérée à Alexandre de Hiérapolis.
ANDRÉ DE SAMOSATE 273

la route méridionale reliant Iconium à Tarse par les portes de Cilicie21.


Durant ce retour, nous l'avons vu, ils s'arrêtent à Ancyre, en Galatie.
Or, dans cette ville, comme dans les autres cités des partisans de Cyrille,
à la demande de Firmus de Césarée, de Théodote d'Ancyre, de Maximien
de Constantinople22 qui ont envoyé des ordres dans ce sens23, ils sont
traités comme des excommuniés. Franchissant les portes de Cilicie, Jean
et ses compagnons parviennent enfin à Tarse. Cette étape est importante.
Depuis des mois, les Orientaux ont vécu loin de leur diocèse d'Orient,
dans l'insécurité, affrontés à l'hostilité des partisans de Cyrille. Les portes
de Cilicie franchies, ils peuvent enfin se reposer d'un voyage pénible,
respirer et s'exprimer librement : à Tarse, ils sont chez eux. Jean y a donné
rendez-vous aux évêques de son parti, qu'il n'a pas revus depuis son départ
d'Ephèse pour les entretiens de Chalcédoine. Au premier rang de ceux-ci,
il faut certainement compter Euthérius de Tyane, dont ils viennent de tra
verser la ville, et Helladius de Tarse, qui les reçoit chez lui. Plusieurs do
cuments mentionnent cette réunion à Tarse (le synode de Tarse), où Jean
d'Antioche, entouré de ses partisans, rédigea des lettres synodales pronon
çant à nouveau la déposition de Cyrille et de ses députés à Chalcédoine24 :
— Lettre d'Alexandre de Hiérapolis à Jean d'Antioche :
« A Tarse, tu as déposé cinq de ces hérétiques, et nous avons été d'accord
avec vous ; or maintenant, Cyrille promet que, si nous devenons hérétiques,
il nous accordera, lui, sa communion25. »

21. Quelle route ont-ils prise ? Trois grandes routes traversaient alors l'Asie Mineure
d'ouest en est : 1) celle du nord, partant de Nicomédie ; une branche se dirigeait (au
nord) vers Claudiopolis (en Bithynie), Cratia, Amasia (Pont), Comana, Nicopolis et
Satala. Une autre branche allait vers le sud, vers Juliopolis, et rejoignait la route centrale
à Ancyre ; 2) la route partant de Sardes et allant sur Philadelphie, Synnade, Pessinonte
(Galatie), Ancyre, Tavium, Megalopolis ; de là une branche menait à Nicopolis et Satala,
une autre conduisait au sud, vers Mélitène ; 3) la troisième route principale, enfin, partait
d'Ephèse et traversait les villes suivantes : Tralles, Laodicée, Apamée, Antioche de Pisidie,
Iconium, Derbé, Héraclée, Faustinopolis, les portes de Cilicie, Tarse. Elle conduisait
ensuite soit à Antioche par les portes de Syrie, soit, à travers les montagnes, par Dolichè,
à Zeugma, sur l'Euphrate. — Cette reconnaissance de l'itinéraire parcouru par les évêques
orientaux revenant chez eux ne relève pas de la seule curiosité géographique. Elle a son
importance pour comprendre l'évolution de la crise durant la période post-conciliaire.
22. Jean se refuse à la reconnaître (Syn. 127 [38] : ACO I rv, p. 79-80).
23. ACO I rv, p. 8011.
24. Ces documents datent pour la plupart de l'époque où, Jean faisant la paix avec
Cyrille, les adversaires de l'Union rappellent à l'évêque d'Antioche sa fermeté antérieure
et lui reprochent son inconstance.
25. Syn. 224 [136] : ACO I iv, p. 163-164. Remarquons au passage qu'Alexandre de
Hiérapolis ne fut pas présent à ce synode de Tarse. Il attribue la déposition, faite alors, à
Jean entouré des autres évêques : d'où l'emploi du tu (deposuisti) et du vous (vobis). Lui-
même était en accord avec cette action, bien qu'il fût absent pour la signer avec les autres.
274 p. évieux

— Lettre de Théodoret à Alexandre de Hiérapolis :


« Je pense que Monseigneur l'évêque... Jean sait plus que tous que je ne sup
porterai pas de consentir à la déposition de Monseigneur... Nestorius, parce
qu'il se souvient de ce qui s'est passé à Tarse, à Chalcédoine et à Ephèse,
et de ce que, récemment, après le retour à Antioche, nous avons dit bien
souvent26. »
— Lettre de Mélèce de Mopsueste à Néotérios, comte :
« Le même (Jean) d 'Antioche revint de Constantinople en Orient, rassembla
à nouveau à Tarse un synode, écrivit des lettres synodales où il déposa Cyrille
et les membres de son parti qui étaient montés à Constantinople, dont les
noms sont connus27. »
— Lettre de Mélèce de Mopsueste à Titus :
« 11 (Jean d 'Antioche) le (Cyrille) déposa à nouveau à Tarse et avec lui les
sept de son parti qui montèrent à Constantinople : des lettres synodales
furent faites, que nous avons tous signées 2 8. »
De retour enfin à Antioche29, la capitale du diocèse d'Orient, Jean ra
ssemble encore les évêques de la région et des provinces environnantes pour

26. Syn. 155 [66] : ACO I iv, p. 10411.


27. Syn. 229 [141] : ACO I iv, p. 16730-32.
28. Syn. 263 [174] : ACO I iv, p. 19411"13. Voir aussi la lettre d'Euthérius de Tyane
à Alexandre de Hiérapolis : Syn. 291 [201] {ACO I iv, p. 221 25-28). Les lettres synodales
de Tarse n'ont pas été conservées : cf. ACO I iv, p. 254. Ce synode de Tarse a soulevé
un problème : combien d 'évêques y furent-ils déposés ? 5 ou 7 ? On aura noté en effet
le chiffre différent donné dans Syn. 224 [136] (= 5) et dans Syn. 263 [174] (= 7). On lit
dans Mansi {Supplément, I, 1748, 313-314) le commentaire suivant : Remeans igitur
Johannes Antiochenus ad propria, concilium primo quidem Tarsi celebravit, in quo
episcopos quinque aversae factionis deposuit ; quod concilium in caeterorum seriem
Baluzius omnium primus reposuit, quanquam in eo erravit, quod quinque episcopis,
ut liquet ex cap. 136 synodici adversus tragoediam Irenaei, septem exhibuit... Lenain
de Tillemont s 'appuie sans doute sur la lettre de Mélèce à Titus {Syn. 263 [174]) pour
donner le chiffre de 7 évêques déposés à Tarse. Renvoyant à Baluze (Supplément à Labbe,
1707, 840^-843 B), il écrit : «Et dans les épîtres synodiques qu'il écrivit, et qui furent
signées de tous les évêques, nommément d'Alexandre d 'Hiérapolis et de Mélèce de
Mopsueste, il entreprit de nouveau de déposer saint Cyrille, et avec lui les sept évêques
qui avaient été députés pour lui à Chalcédoine. Théodoret et les autres Orientaux promirent
aussi à Tarse de ne consentir jamais à la déposition de Nestorius... » Cf. Socrate, Historia
ecclesiastica, vu, 34 : PG 67, 815 ; Liberatus, Breviarium, vi, 26 : A CO II ν, p. 10528"29.
Il est peu probable que Jean ait fait déposer les deux légats du pape (dont un prêtre,
Philippe). Si l'on retient le chiffre de 7, il faut ajouter aux 6 délégués Maximien de Cons
tantinople ; si l'on prend le chiffre 5, il faut excepter soit Flavien de Philippes, soit Juvé-
nal (?). Contre Lenain de Tillemont, nous ne croyons pas qu'Alexandre de Hiérapolis
fut présent à Tarse (cf. Syn. 224 [136] : ACO I iv, p. 163-164). Apparemment, il avait dû
rentrer déjà dans sa province.
29. Pour clore nos remarques sur l'itinéraire suivi par les Orientaux à leur retour du
concile, disons que les évêques de Syrie, de Phénicie et d'Euphratésie gagnèrent Antioche
par Mopsueste — Jean d 'Antioche y est reçu, comme à l'aller, par Mélèce (cf. Syn. 263
[174] : ACOl iv, p. 1952~3) —, Alexandria et les Portes de Syrie.
ANDRÉ DE SAMOSATE 275

leur rendre compte des événements et leur faire signer la déposition de


Cyrille et de quelques-uns de ses partisans. Il n'y a pas lieu^ semble-t-il,
d'opposer le synode de Tarse à celui d'Antioche ; ce sont deux phases
d'une même action : la déposition de Cyrille et des siens, la condamnation
de ses chapitres, l'affirmation de l'attachement à Nestorius. Le synode
de Tarse avait permis de rassembler les évêques du parti antiochien de
Cilicie, de seconde Cappadoce et peut-être d'autres provinces voisines ;
celui d'Antioche rassemble les évêques de Syrie, de Phénicie, d'Euphra-
tensis. Socrate et Liberatus font mention de ces assemblées30. A l'issue de
ce synode d'Antioche, Jean envoie une lettre à l'empereur, où lui-même
et tous ceux de son parti condamnent les chapitres de Cyrille et demandent
à Théodose de ne pas laisser prêcher une telle doctrine. Telle est la prin
cipale conclusion que le Synodicon31 nous permet de retenir. A leur retour
d'Ephèse et de Chalcédoine, Jean et ses compagnons ne manquèrent pas
de donner un compte rendu détaillé des faits au vieil Acace de Bérée32.

30. Socrate, Historia ecclesiastica, vn, 34 : PG 67, 815B5 ; Liberatus, Breviarium,


vi, 26 (ACO II v, p. 10528~29) : Et ita Johannes cum suis Antiochiam profectus est, ubi
colligens plurimos episcopos damnavit iterum Cyrillum, cumjam esset in Alexandria. Et
sicut Socrates dicit, cognoscens Nestorius contentionem ad quamdam perniciem pervenisse
partes Dei genetricem Mariam vocabat dicens : dicatur etiam Christi genetrix, et ea
quae ferunt tristitiam, conquiescant.
31. Syn. 128 [39] : ACO I rv, p. 80-81 ; cf. Mansi, Supplément, I, 313-314.
32. Nous ne pouvons dire avec certitude si cette visite eut lieu avant ou après le synode
d'Antioche. Il est peu vraisemblable que Jean se soit rendu immédiatement à Bérée,
sans s'arrêter à Antioche. Par ailleurs, Acace, écrivant à Alexandre, ne fait pas mention
du synode, qui dut avoir lieu, donc, après l'entrevue de Jean et d'Acace (Syn. 130 [41] :
ACO I rv, p. 85). De toutes façons la rencontre de Bérée précéda la lettre de Jean à Théo
dose (Syn. 128 [39] : ACO I iv, p. 80-81). Voici le texte de la lettre d'Acace à Alexandre
(Syn. 130 [41] : ACO I rv, p. 8520~24) : Sicut pridem nuntiavi religiositati tuae, pervenit
hue dominus meus per omnia sanctissimus Johannes episcopus cum Deo amicissimis
episcopis Alexandro Apamiae, Archelao, Theodoreto, Thalassio, Eustathio, Mari et
Maru et nuntiaverunt quae dicta sunt et quae acta postquam evocati sunt a religiosissimo
et Deo amicissimo imperatore nostro in Chalcedonam, quae talia sunt, ut ea nequeat
complecti oratio... La lettre évoquée (sicut pridem nuntiavi) est perdue ; elle n'est pas
mentionnée par E. Schwartz, indices ACO I iv, p. 254. D'après cette lettre, on peut penser
qu'Alexandre de Hiérapolis fut absent à Tarse et peut-être à Antioche. Si Alexandre
avait été à Tarse, il n'aurait pas été nécessaire de lui faire part du retour de Jean d'Ant
ioche. Acace, âgé de plus de 100 ans, ne pouvait guère se déplacer. Aussi, à plusieurs
reprises, nous voyons Jean, l'évêque d'Antioche, venir le consulter ; ainsi : Syn. 130
[41] : ACO I rv, p. 85 ; Syn. 165 [76] : ACO I rv, p. 1137 ; Syn. 195 [107| : ACO I iv,
p. 1407. La distance entre Antioche et Bérée était d'environ 2 jours de marche (cf. M. P.
Charlesworth, Les routes..., p. 59, qui cite Procope, De hello Persico, n, 7, 2). Sur l'ar
rêt des Orientaux à Bérée, au retour du concile d'Ephèse, cf. R. Devreesse, Revue des
sciences philosophiques et théologiques 18, 1929, p. 420.

19
276 p. évieux

La défection de RabbulX d'Edesse. Ses différends avec André de Samosate


Au moment où, par tous les moyens, Jean d'Antioche tente de rassembler
les évêques orientaux en un groupe susceptible de peser sur les décisions
de Théodose, où, à Tarse, comme à Antioche, il renouvelle la déposition
de Cyrille et réaffirme l'opposition aux chapitres, voici que, dans ses propres
rangs, un métropolite, celui de la province d'Osroène, Rabbülä d'Edesse,
abandonne les Orientaux et se rallie au parti cyrillien. Mgr R. Devreesse33
affirme qu'il changea tout d'un coup de camp. Il ne semble pas que cela
se soit fait subitement34. Il est possible que Rabbülä ait eu des contacts
avec les Cyrilliens, à Ephèse ou ailleurs, mais qu'il ne se soit déclaré pour
Cyrille qu'une fois de retour à Edesse. Ce qui est sûr c'est que, passé dans
le camp d'Alexandrie, il attaque ouvertement Théodore de Mopsueste35,
le maître vénéré des Antiochiens. Il fait plus encore : il anathematise égale
ment ceux qui lisent les œuvres de Théodore ainsi que les ouvrages composés
par Théodoret et André contre les chapitres de Cyrille.
Voici qui nous ramène à l'évêque de Samosate. Il a des amis à Edesse
qui subissent la persécution de Rabbülä. Ce sont eux qui mettent André
au courant de la défection de leur évêque et l'interrogent pour savoir quelle
conduite ils doivent tenir. A son tour, André en réfère à son métropolite,
Alexandre de Hiérapolis :
« Ceux qui souffrent pour la défense de l'orthodoxie m'ont écrit d'Edesse
que Rabbülä s'est très ouvertement écarté de la vraie doctrine et poursuit
les défenseurs de l'orthodoxie, au point même d'anathématiser dans l'église
Théodore, le maître bienheureux justement glorifié, et de répandre contre lui
beaucoup de mal, au point d'anathématiser aussi ceux qui lisent ses ouvrages
et en outre ceux qui lisent ce que nous avons écrit, tous ceux qui possèdent
un livre de Théodore et ne l'ont pas porté au feu, et ceux dont les opinions
sont différentes de celles de Cyrille... Il me semble raisonnable que, nous

33. Le Patriarcat d'Antioche, p. 50.


34. Cf. Lenain de Tillemont (Mémoires, XIV, p. 505), qui fait remonter à l'époque
du concile la défection de Rabbülä. Il s'appuie sur la lettre d'André de Samosate à
Alexandre de Hiérapolis pour dire cela (Syn. 132 [43] : ACO I iv, p. 873~4) : Et mihi
quidem videtur quod a Constantinopolim suscipiens litteras, quas nunc usque sustinuit,
erupisset et impietatem, quam olim conceperat, clarissime peperisset. A plusieurs re
prises, Rabbülä d'Edesse est inscrit dans les listes des Orientaux à Ephèse. Si son nom
ne se rencontre pas dans la liste de ACΟ I iv, p. 123-124, on le trouve en revanche dans
les listes suivantes : Syn. 88 : ACO I iv, p. 37-38 (52e sur 53) ; Syn. 96 [13] : ACO I
iv, p. 44-46 (17e sur 53) ; Syn. 116 [28] : ACO I iv, p. 66-67 (8e sur 42) ; cf. R. Devreesse,
Le Patriarcat d'Antioche, p. 131 s.
35. Ce dernier, mort en 428, était respecté et le concile d'Ephèse avait soigneusement
évité de le nommer de peur que « cela n'eût de mauvaises suites » (Lenain de Tillemont,
Mémoires, XIV, p. 505). Mais il avait repris autrefois Rabbülä pour une faute (ibidem).
ANDRÉ DE SAMOSATE 277

aussi, nous combattions nettement celui qui, en toute confiance, se conduit


en impie et a trahi tous les Orientaux ; si certains étaient courageux, il aurait
dû en aller autrement 3 6. »
La proximité d'une fête (sans doute celle de Pâques37) empêche André
d'aller trouver Alexandre. Il attend de lui des conseils sur la manière d'agir.
Cette lettre d'André, transmise par Alexandre à Antioche, et beaucoup
d'autres plaintes incitent Jean à adresser aux évêques de la province d'Os-
roène un décret synodal, les mettant en garde contre Rabbülä d'Edesse38.
Vers la même époque, André reçoit une courte lettre de Rabbûlâ qui
lui reproche de tenir le même langage que Nestorius, dans sa réfutation
des xii chapitres ; division des natures, surtout après l'union, introduction
de deux fils au lieu d'un, voilà qui ressemble aux affirmations d'Anastase39
proclamant à Constantinople : « Je confesse le Père, le Fils et le Saint-
Esprit, et notre Seigneur Jésus Christ40. » Aussi, pour répondre aux at
taques dont il est l'objet à Edesse, et à l'accusation que lui adresse Rabbülä,
André de Samosate41 réplique par une longue lettre au métropolite d'Os-
roène42. Le ton en est très modéré. André expose longuement sa pensée

36. Syn. 132 [43] : ACO I iv, p. 86-87.


37. Le 3 avril 432. Cf. V. Grumel, La chronologie, p. 243 ; F. Pericoli-Ridolfini,
Rivista degli studi orientali 29, 1954, p. 189.
38. Syn. 133 [44] : ACO I iv, p. 876~20 ; comme au moment du concile d'Ephèse, Jean
se réfère aux règles disciplinaires en usage dans l'Eglise ; que les évêques condamnés
n'obéissent plus aux canons, voilà qui scandalise Jean d'Antioche ! Sur Rabbûlâ, voir
R. Devreesse, art. cit., p. 420 ; P. Peeters, Mélanges de Grandmaison, p. 188-192.
39. Syncelle de Nestorius, ayant prêché contre l'expression Théotokos et soutenu
ensuite par son évêque ; cf. Socrate, Historia ecclesiastica, vu, 32 : PG 67, 808c~°.
40. Nous avons déjà cité cette lettre de Rabbülä (cf. p. 265), conservée, en syriaque,
dans J. J. Overbeck, S. Ephraemi Syri, Rabbulae episcopi Edesseni, Balaei, aliorumque
opera selecta e codicibus manuscriptis in Museo Britannico et Bibliotheca Bodleiana asser-
vatis, Oxford 1865, p. 222-223. André de Samosate y fait allusion dans sa réponse
à Rabbûlâ (éd. F. Pericoli-Ridolfini, Rivista degli studi orientali 28, 1953, p. 15419).
41. Suivant peut-être le conseil d'Alexandre de Hiérapolis, comme le suggère F. Peri
coli-Ridolfini, Rivista degli studi orientali 29, 1954, p. 190.
42. Cette lettre ne nous est parvenue qu'en syriaque : à la Bibliothèque Vaticane,
Borgianus Siriacus 82, f. 317v-323r (2 mots seulement sur le dernier folio). Dans le man
uscrit, la lettre à Rabbülä est suivie d'un appendice contenant un dossier patristique
annoncé au f. 321v-322r (éd. F. Pericoli-Ridolfini, p. 1591-14). En 1865, J. J. Overbeck
(pp. cit., p. 223-224) publie des fragments de cette lettre d'André à Rabbülä, d'après
le manuscrit Mus. Brit. Addit. 12156 (f. 68v-69 et f. 91). En 1901, A. Baumstark en fait
la description, s 'attachant au problème du florilège patristique : Ein Brief des Andreas
von Samosata an Rabbula von Edessa und eine verlorene dogmatische Katene, Oriens
Christianus 1, 1901, p. 179-181. Elle est éditée enfin par les soins de F. Pericoli-Ridolf
ini : Lettera di Andrea di Samosata a Rabbülä di Edessa, Rivista degli studi orientali
28, 1953, p. 153-169. Luise Abramowski critique cette édition et commente la lettre
d'André : Zum Brief des Andreas von Samosata an Rabbula von Edessa, Oriens Chris-
tianus 41, 1957, p. 51-64.
278 p. évieux

sur l'humanité et la divinité du Christ et explique pourquoi il s'est opposé


à Cyrille, en réfutant ses xn chapitres43.

Second traité contre les xii chapitres


Ceci laisse supposer que le second traité composé par André de Samosate
contre les chapitres de Cyrille est postérieur à la lettre à Rabbülä44. Nous
ne possédons qu'un fragment de ce traité. On ne peut même dire s'il s'agit
d'une longue lettre ou d'un traité. Il nous est transmis par Anastase le
Sinaïte45. Dans ce fragment, nous voyons André attaquer Cyrille avec
véhémence46 et lui reprocher d'identifier natures, hypostases et prosôpa.
Le ton est nettement plus agressif que dans la réfutation ou la lettre à Rabb
ülä47.
A quelle date devons-nous placer le second traité d'André de Samosate
contre les xn chapitres ? La défection de Rabbülä et les réactions qu'elle
provoque sont à situer au plus tôt à la fin de 431 et de préférence dans les
premiers mois de 43248. La convocation de Jean d'Antioche à Nicomédie
par Théodose, les démarches d'Aristolaos en vue de la paix et le synode

43. Nous projetons la publication d'un article sur la théologie d'André de Samosate,
à partir de sa Réfutation des XII chapitres et de sa lettre à Rabbülä.
44. Telle est la conclusion de Luise Abramowski (art. cit., p. 58).
45. Dans YHodègos, 22 : PG 89, 292B-293S ; cf. Ch. Lupus, Scholia et notae, p. 218.
Garnier semble être le premier à avoir remarqué cet ouvrage d'André de Samosate,
cité par Anastase. Dans son édition de Marius Mercator (Opera Marii Mercatoris,
II, Paris 1673, p. 175 = PL 48, 967-970), il écrit : « Tandis que c'était sous presse, je
suis tombé par hasard sur un livre d 'Anastase le Sinaïte, qui a pour titre « Guide de route »
(Hodègos), et, tandis que je cherchais autre chose, me tombe sous les yeux le chapitre 22
où il est fait mention d'André de Samosate et où se trouve reproduit un petit fragment
d'un ouvrage concernant les anathématismes. J'ai pensé qu'il me fallait le mettre ici. »
Suit la traduction latine du fragment. On trouve le texte grec dans PG 89, 292c-293ß, et
dans l'article cité plus haut de Luise Abramowski, p. 56. Garnier, Lenain de Tillemont
(Mémoires, XIV, p. 373), l'auteur (anonyme) de l'article André de Samosate du DHGE
(2, col. 1604-1606) avaient déjà signalé l'existence de l'ouvrage dont nous parlons. Plus
récemment, Luise Abramowski (art. cit., p. 51-64), reprenant les travaux de F. Pericoli-
Ridolfini (Rivista degli studi orientait 28, 1953, p. 153-169, et 29, 1954, p. 187-217), cite
le fragment grec donné par Anastase le Sinaïte et le fait suivre de remarques judicieuses.
46. Anastase le traitera de dragon pervers (τοϋ πονηρού δράκοντος 'Ανδρέου : PG
89, 293s).
47. André cite plusieurs ouvrages de Cyrille : le De adoratione in spiritu et veritate,
le De sancta et consubstantiali Trinitate, Vad Hermiam, Y Apologie des XII chapitres contre
Théodoret, les Scholia de incarnatione Unigeniti ; ce dernier ouvrage — que Cyrille envoie,
avec d'autres, à Euloge vers 433 (ACΟ 1 1 4, p. 379~n) — fut composé après 431 (cf. Luise
Abramowski, art. cit., p. 57, après O. Bardenhewer, Geschichte der altkirchlichen Literat
ur, IV, p. 52).
48. Vers la fin mars, avant le 3 avril, fête de Pâques.
ANDRÉ DE SAMOSATE 279

d'Antioche qui s'ensuivit datent de l'été 43249. Il est difficilement pensable


qu'André, au moment où il est convoqué à Antioche pour examiner les
bases d'un accord, jette délibérément de l'huile sur le feu, en écrivant ce
traité anti-cyrillien. Il faut donc le placer avant l'été 432, c'est-à-dire entre
le 3 avril et juillet-août 432 50.

Premières tentatives de rapprochement. Le synode d'Antioche


On voit, par le second traité d'André de Samosate et par sa lutte contre
Rabbülä d'Edesse, que les choses ne s'arrangent guère. Pire, le fossé s'élargit
peu à peu entre les Cyrilliens et les Orientaux. L'empereur Théodose qui a
renvoyé dos à dos les deux partis, tout en ratifiant la déposition de Nestorius
et en acceptant Maximien comme évêque de Constantinople, cherche à
remédier à la désunion grandissante de l'Eglise. Il écrit à Jean d'Antioche
et à Cyrille pour les inviter à s'entendre51. Tous deux doivent se rendre
le plus vite possible52 à Nicomédie, seuls, pour parvenir à un accord. C'est
le tribun et notaire Aristolaos qui transmet à Jean la lettre impériale. Celui-
ci, trop faible pour effectuer à nouveau le voyage et redoutant de tomber
dans un guet-apens en cours de route53, ne sait comment décliner l'invi
tation. Aussi convoque-t-il Alexandre de Hiéra polis, lui demandant de
venir sans retard à Antioche, avec Théodoret et tous ceux qu'il pourra
trouver54.
Un synode se réunit donc à Antioche55. Plusieurs lettres du Synodicon
l'attestent. Y participaient : Jean d'Antioche, Alexandre de Hiérapolis,
Macaire de Laodicée, André de Samosate et Théodoret de Cyr56. C'est la
première fois que nous voyons mentionnée la présence d'André à une

49. Théodose envoie Aristolaos en Orient, avant d'être au courant de la mort du


pape Célestin (fin juillet 432) ; cf. E. Schwartz, ACO Ι ι 8, p. 13.
50. Pour clore ces remarques sur le Traité cité dans YHodègos, citons Lenain de
Tillemont {Mémoires, XIV, p. 373) : « Rabbülä qui était évêque d'Edesse en ce temps-ci
(cf. Théodore Lecteur, n° 40 [PG 861, 1205Λ8] : « Rabbülä, évêque d'Edesse, était
aveugle. Or il accusa André de Samosate de ce qu'il avait écrit contre les xn chapitres
de Cyrille ») écrivit contre les douze chapitres de Théodoret... On marque qu'il en fut
repris par André de Samosate, lequel en effet fit un écrit contre saint Cyrille, après que
ce saint eut répondu à Théodoret. Il le fit apparemment en son propre nom, et non au
nom des Orientaux comme le premier... »
51. ACO 1 1 4, p. 320-22.
52. Μετά πλείστης ταχύτητος (ACO 1 1 4, p. 12).
53. Lettre à Alexandre de Hiérapolis (Syn. 139 [50] : ACO I iv, p. 918-*1) ; il avait
déjà rencontré l'hostilité de ses adversaires, au retour de Chalcédoine, à Ancyre par
exemple.
54. Quoscumque reppereris (Syn. 139 [50] : ACO I iv, p. 9113).
55. E. Schwartz situe ce synode à la fin septembre 432 : ACO 1 1 8, p. 13.
56. Syn. 142 [53] : ACO I iv, p. 922»-934.
280 p. évieux

réunion d'évêques. Nous savons même qu'il fit le voyage en compagnie


de son métropolite57.
Ces cinq évêques58 examinent en commun les propositions qu'ils peuvent
faire à Cyrille en vue d'obtenir la paix. Elles sont au nombre de six59.
Les Orientaux proposent de s'en tenir à la foi de Nicée, de rester fidèles
à la lettre d'Athanase à Epictète, de supprimer les croyances (par lettres ou
chapitres) qui ont été introduites récemment. Au cours de leurs entretiens,
les évêques réaffirment en outre leur attachement et leur soutien à Nesto-
rius60. Le tribun Aristolaos, qui semble avoir suivi de près les pourparlers
d'Antioche, ne retint qu'une seule des six propositions, « celle qui voulait
que nous nous contentions de la foi de Nicée61. »
Dans l'esprit d'Alexandre, les propositions sont des conditions. L'évêque
de Hiérapolis rappelle à Théodoret ce qui a été dit à Antioche :
« Au cas où Cyrille accepte nos conditions (ne pas condamner Nestorius)
et rejette les chapitres, il convient de faire la paix62. »
Grande sera sa désillusion, quand il se rendra compte que Cyrille exige
à tout prix la condamnation de l'ancien évêque de Constantinople63.

57. Syn. 147 [58] (ACO I iv, p. 9937-1003) : Meminit enim sanctitas tua quales epistulas
olim sanctissimis episcopis destinavimus ab Antiocheno persuasi, quando, adveniente
mirandissimo Aristolao, ejus litteris convocati convenimus et euntes ad Antiochiam
consilium fecimus et multa milia pertractantes deliberavimus, ut propter ecclesiarum
perturbationes mollem quandam propositionem et habentem vel modicum pietatis vest
igium proponeremus Aegyptio.
58. Plutôt que d'un synode, il faut peut-être parler d'un conseil. Cf. Syn. 142 [53]
(ACO I iv, p. 9229) : ex consilio episcoporum Johannis Antiochiae, Alexandri Hiérapolis,
Macarii Laodiciae, Andreae Samosatae et Theodoreti Cyrri de pace facienda.
59. Cf. lettre d'Alexandre à André (Syn. 147 [58] : ACO I iv, p. 1005-6) : sex breviter
dedimus clarissimo tribuno propositiones.
60. Syn. 143 [54] (ACO I iv, p. 93 14) : Non consen tien tes his quae contra sanctissimum
episcopum Nestorium ab eis facta sunt, sed ipsum quidem sicut habuimus, habeamus.
Cf. Syn. 151 [62] (ACO I iv, p. 10231s), où André, écrivant à Théodoret, fait allusion
à cet engagement à l'égard de Nestorius : Seit tua sanctitas quia haec et ante in locutionem
venerint, quando in Antiochiam convenimus pariter.
61. Syn. 147 [58] (ACO I iv, p. 1006) : lettre d'Alexandre à André ; de même Syn. 143
[54] (ACO I iv, p. 93) : lettre d'Alexandre, André et Théodoret, évêques, à Helladius de
Tarse. Dans ces deux dernières lettres, il est question de 6 propositions primitives ; Jean
d'Antioche, dans une lettre à Alexandre au sujet de Paul d'Emèse, parle de 10 proposi
tions ; cf. Syn. 149 [77] (ACO I iv, p. 1143"4) : Propositiones enim meas illas decent, quas
communiter composuimus, portans recessit ; mais il s'agit de propositions ultérieures.
62. Syn. 198 [100] : ACO I iv, p. 1365.
63. Les lettres suivantes mentionnent également le synode d'Antioche : a) de Théodoret
à Alexandre (Syn. 155 [66] : ACO I iv, p. 10412) : allusion aux réunions de Tarse, Chalcé-
doine, Ephèse et, après le retour, à Antioche ; b) de Théodoret à Alexandre (Syn.161 [72] :
ACO I iv, p. 1096) : Haec vero et in Antiochia et in Beroea et in Hierapoli sumus saepius
collocuti ; c) de Théodoret à Alexandre (Syn. 185 [97] : ACO I iv, p. 13414) : Antioche ; d)
d'Epiphane à Maximien de Constantinople (Syn. 293 [203] : ACO I iv, p. 22236) : Antioche.
ANDRÉ DE SAMOSATE 281

En même temps qu'il écrivait à Jean d'Antioche et à Cyrille d'Alexandrie,


Théodose demandait à Syméon le Stylite et à Acace de Bérée de prier pour
la paix64 et de faciliter l'union par des colloques65. Le vieil Acace de Bérée
joue un rôle capital durant cette période critique. C'est une chose étonnante
de voir ce vieillard chargé d'années (il a plus de 100 ans), que l'âge a rendu
plus sage qu'au temps où il condamnait Jean Chrysostome, jouer un rôle
de conciliateur. L'empereur lui écrit ; Jean d'Antioche le consulte fréquem
ment. Il est venu le trouver à son retour de Chalcédoine. De même, à l'issue
du conseil d'Antioche, les propositions66 passent à Bérée, avant d'être
portées à Alexandrie, par Aristolaos67. Un peu plus tard, Maxime, un
homme d 'Aristolaos, revient, porteur d'une lettre de Cyrille à Acace de
Bérée68. L'évêque d'Alexandrie affirme sa fidélité à la foi de Nicée, mais
renier ce qu'il a écrit contre Nestorius pour la défense de la foi, ce serait
attenter à la foi elle-même. Tenant compte de ce qui plaît à Dieu et à l'em
pereur, de ce qui est utile aux Eglises, des remarques d 'Acace, Cyrille par
donne les offenses reçues et demande seulement que les Orientaux acceptent
la déposition de Nestorius et anathématisent ses blasphèmes69. De son
côté, il anathematise Arius, Eunomius et Apollinaire, confesse que le corps
du Christ est animé d'une âme raisonnable et soutient qu'il n'y a eu en lui
ni confusion, ni mélange des deux natures70.

64. Syn. 141 [52] (ACO I iv, p. 921-27) : à Syméon.


65. Lettre à Acace : texte grec édité par E. Schwartz, Neue Aktenstücke, Abh. der
Bayer. Akad. der Wiss., xxx, 8, p. 60 ; ACO 1 1 7, p. 1462-19 ; texte latin : Syn. 140 [51]
(ACO I iv, p. 9129-30) ; les lignes 15-19 du texte grec (ACO 1 1 7, p. 146) sont omises
dans la traduction latine.
66. Certainement portées par Alexandre, André et Théodoret ; cf. Syn. 161 [72] (ACO
I iv, p. 1096) : allusion à une réunion à Bérée.
67. Cf. Syn. 142 [53] (ACO I rv, p. 9228-934) : propositiones quae directae sunt ab
Acacio Beroensi episcopo per Aristolaum tribunum et notarium Cyrillo episcopo Alexan-
driae ex consilio episcoporum Johannis Antiochiae, Alexandri Hierapolis, Macarii
Laodiciae, Andreae Samosatae et Theodoreti Cyrri de pace facienda. Dans le texte grec
(ACO Ι ι 7, p. 14622"32), seul Jean d'Antioche est nommé. On peut considérer que les
propositions antiochiennes n'en font qu'une (cf. le grec : πρότασις έπιδοθεϊσα Άκακίφ...
και παρ' αύτοϋ σταλεΐσα), mais très explicite par son développement : attachement à
la foi des Pères de Nicée, expliquée clairement par la lettre d'Athanase à Epictète, rejet
de toute addition par lettres ou chapitres, fidélité à la législation antique des Pères. Théo
doret et Alexandre parleront plus tard de notre proposition (Syn. 150 [61] : ACO I rv,
p. 1028-9 ; Syn. 147 [58] : ACO I iv, p. 1006~8). Acace transmet le document et y ajoute
une lettre pour Cyrille. Aristolaos emporte le tout à Alexandrie.
68. Syn. 145 [56] : ACO I iv, p. 94-98 = E. Schwartz, Neue Aktenstücke, p. 61-65 ;
ACO 1 1 7, p. 14722-15038 ; cf. R. Devreesse, Revue des sciences philosophiques et théolo
giques 18, 1929, p. 423.
69. ACO 1 1 7, p. 14912-i8 ; I iv, p. 9615-20.
70. ACO 1 1 7, p. 14925-26 ; I iv, ρ. 9628"30 ; cf. la lettre de Théodoret à André : Syn.
150 [61] (ACO I iv, p. 1026~7).
282 p. évieux

Sans doute, même s'il souligne que les anathématismes étaient dirigés
essentiellement contre Nestorius71, Cyrille ne se rétracte pas, mais il accepte
volontiers d'anathématiser les hérésies dont on l'accuse, et Acace ne s'y
trompe pas : il doit être possible de parvenir à un accord. Aussi, est-ce
avec joie qu'il communique la lettre de Cyrille à Alexandre de Hiérapolis,
à Théodoret et probablement à d'autres évêques72.

RÉACTIONS DES ÉVÊQUES ORIENTAUX APRÈS LA LETTRE DE CYRILLE A ACACE


DE BÉRÉE
Alexandre de Hiérapolis se raidit ; dans sa réponse à Acace, il refuse
de prêter attention aux affirmations de Cyrille et persiste à voir en lui un
odieux Apollinariste1. On savait déjà qu'Alexandre était un partisan décidé
de Nestorius, mais, à partir de ce moment-là, on découvre à quel point
il est entêté. Toutes ses réactions, auxquelles nous ferons allusion par la
suite, sont celles d'un être borné et quelque peu dépourvu d'intelligence.
Les arguments les plus solides se briseront sur lui comme sur un mur.
La lettre de Cyrille2 ne parvient à André de Samosate que par le canal
de son métropolite, qui la commente négativement3. Ceci explique pour
quoi la première réaction d'André n'est pas du tout favorable à Cyrille :
« Trahirions-nous la foi pour obtenir la paix ? » II félicite Alexandre de
son analyse subtile et de la proposition qu'il suggère : si vraiment Cyrille
« confesse deux natures et la divinité impassible du Christ, qu'est-ce qui
l'empêche de reconnaître que le Christ est Dieu et homme et de dire qu'il
a souffert dans son humanité4 ? » Le songe qu'il a fait5 paraît se réaliser :
Jean d'Antioche entrant en communion avec Apollinaire.
Théodoret, lui, avait reçu directement d 'Acace de Bérée la lettre de
Cyrille. Après l'avoir étudiée, il donne son avis au vieil évêque : avis favo-

71. ACO I I 7, p. 14932~33 : Ή δέ γε των κεφαλαίων δύναμις κατά των Νεστορίου


δογμάτων γέγραπται μόνων ; cf. ACO I IV, p. 9636~37.
72. Syn. IAA [55] : ACO I rv, p. 93-94 = ACO 1 1 7, p. 14634-14720 ; cf. Syn. 147 [58] :
ACO I rv, p. 9935. Cet accord, comme on le verra, n'intervient pas immédiatement.
Acace et Jean répondent à cette lettre de Cyrille, en incriminant les chapitres qui ont
troublé la paix. Que l'acceptation commune de la lettre d'Athanase à Epictète suffise
à rétablir l'unité des Eglises et qu'on laisse de côté les anathématismes. Ils n'anathé-
matisent pas la doctrine et la personne de Nestorius. D'où le refus de Cyrille d'accepter
l'union dans ces conditions (Syn. 173 [85] : ACO I iv, p. 123-124 ; ACO Ii7, p. 15425).
1. Syn. 146 [57] : ACO I iv, p. 98-99.
2. ACO 1 1 7, p. 147-150 = Syn. 145 [56] : ACO I iv, p. 94-98.
3. Syn. 147 [58] : ACO I rv, p. 99.
4. Syn. 148 [59] : ACO I rv, p. IOO34-37.
5. ACO I iv, p. 10041-10118.
ANDRÉ DE SAMOSATE 283

rable. En effet, il est satisfait de voir Cyrille anathématiser Arius, Eunomius


et Apollinaire, même s'il se refuse à envisager de condamner Nestorius6.
Ecrivant à André de Samosate pour lui faire part de ses réactions, Théo-
doret reconnaît le pas fait par l'évêque d'Alexandrie7 et précise sa position :
« Ta Sainteté sait qu'anathématiser sans discernement la doctrine de...
(Nestorius), c'est la même chose qu'anathématiser la piété. Mais s'il nous faut
anathématiser quelque chose, il convient que nous anathématisions ceux qui
disent que le Christ est un pur homme ou ceux qui partagent en deux fils
l'unique Jésus Christ notre Seigneur et ceux qui nient sa divinité : cela,
en effet, tout homme pieux l'anathématise de grand cœur. Mais si l'on veut
que nous anathématisions sans discernement à la fois un homme dont nous
avons été faits juges, et sa doctrine que nous avons reconnue comme ortho
doxe, nous agirions en impies, à mon avis, si nous obéissions à une telle
(injonction). Je pense que c'est bien l'avis de ta Sainteté qui est un remar
quable défenseur de la piété, un maître authentique et sûr de l'orthodoxie8. »
Quand on sait l'attachement de Théodoret à Nestorius — il lui restera
fidèle durant de très longues années, jusqu'à ce qu'il soit contraint de le
condamner, à Chalcédoine — , sa clairvoyance et son objectivité devant
la réponse de Cyrille à Acace sont remarquables. Alors que ses amis, Alexan
dre et André, sont tout d'abord aveuglés par leurs préventions à l'égard
de l'Alexandrin, Théodoret, lui, sait discerner l'élément positif qui permett
ra de faire avancer la paix.
Nous pensons que c'est cette lettre de Théodoret qui détermina André
à changer d'attitude. Son opposition à Cyrille9 se manifeste encore dans
sa réponse à Théodoret :
« J'ai lu les lettres de l'Alexandrin et, certes, il ne s'est nullement retiré de
sa corruption10. »
Cependant, le souci de la paix de l'Eglise se fait plus pressant :
« Mais puisqu'un compromis (condescensio) est nécessaire pour faire dis
paraître le schisme de la terre, ne repoussons pas davantage l'Eglise séparée ;
peut-être en effet y aurait-il de plus grands maux, si aucun compromis ne
survenait x 1. »
Comment composer ? En anathématisant, comme le suggère Théodoret,
« ceux qui disent que le Christ est un pur homme et ceux qui partagent
un seul Dieu en deux fils », mais en évitant de souscrire à la déposition

6. Syn. 149 [60] : ACO I iv, p. 101-102.


7. Syn. 150 [61] : ACO I iv, p. 1025-8.
8. Syn. 150 [61] (ACO I rv, p. 10210"19) : lettre de Théodoret à André.
9. Alors violente : qu'on se souvienne du second traité contre les xn chapitres.
10. Syn. 151 [62] : ACO I rv, p. 10221.
11. ACO I iv, p. 10222-25.
284 p. évieux

de Nestorius12. Il suffira que quelques-uns signent cette déposition pour


contenter Cyrille13.
Dès lors, le but premier que vise André est net : l'unité de l'Eglise et
la paix. Il n'est certes pas facile, pour un homme engagé dans une lutte,
de revenir en arrière. Pourtant André n'hésite plus, au risque de passer
pour un faible : il se rallie aux partisans de la paix. Théodoret l'a aidé à
faire ce choix. Désormais, il sera lui-même le champion de l'unité auprès
des évêques d'Orient14. On s'en aperçoit aussitôt dans la lettre qu'il adresse
à son métropolite15. Comme le fait justement remarquer F. Pericoli-Ridol-
fini, André est apparemment plus proche d'Alexandre que ne l'est l'évêque
de Cyr16. Ainsi, c'est lui qui fait connaître à l'évêque de Hiérapolis les
réflexions de Théodoret, en même temps que les siennes propres (reconnais
sance de l'orthodoxie des affirmations cyrilliennes, mais opposition à la
condamnation de Nestorius). Pour faire adopter leur point de vue, André
déploie toute son habileté :
(( Je pense qu'il serait bien que nous recourions à un compromis pour la paix
de l'Eglise : repoussons la proposition de (Cyrille), comme il a refusé la
nôtre, mais anathématisons ceux qui disent deux fils (ce qu'ils sont vraiment
fous de nous reprocher), ou ceux qui font de notre Seigneur Jésus Christ
un pur homme, et, sur ces bases, acceptons de faire la paix... Notre entête
mentn'aboutira qu'à faire chasser les orthodoxes de leurs églises et à faire
disparaître totalement la vraie doctrine. Aussi, j'en prie ta Sainteté : dans
toute la mesure du possible, soyons plus accommodants... Si ta Perfection...
envisage une meilleure solution, fais-la-nous connaître 1 7. »

12. ACO I iv, p. 10228.


13. «...Je pense que Cyrille, même si nous ne souscrivons pas tous, se contentera de
la souscription de quelques-uns. Ta Sainteté sait que la question avait même été abordée
auparavant, lors de notre réunion à Antioche» (Syn. 151 [62] : ACO I iv, p. 10227-32).
14. Pour cette raison, certains ont porté sur l'évêque de Samosate des jugements
assez sévères, mais injustes, comme G. Bardy (Acace de Bérée, RSR 18, 1938,
p. 37 n. 1) : « André de Samosate semble avoir eu un caractère assez hésitant. Il commença
par répondre à Alexandre en le félicitant de sa résistance et en lui déclarant que son
attitude lui paraissait dictée par le Saint-Esprit (Syn. 148 [59] : ACO I iv, p. ÎOO26"27).
Un peu plus tard, à la suite d'une lettre de Théodoret, il se montra disposé à faire des
concessions, ce qui lui valut une lettre terrible de l'indomptable Alexandre (Syn. 153
[64] : ACOIiv, p. 103)».
15. Syn. 152 [63] : ACO I iv, p. 10234.
16. F. Pericoli-Ridolfini, Rivista degli studi orientait 29, 1954, p. 198. La science
et la supériorité intellectuelle de Théodoret paraissent impressionner Alexandre.
17. Syn. 152 [63] : ACO I iv, p. 1031-16. A la fin de sa lettre, André demande à Alexan
dre de la faire suivre à Théodoret : Hiérapolis occupe une position centrale par rapport
à Cyr et à Samosate. Alexandre a certainement davantage d'occasions de faire parvenir
un courrier à Théodoret.
ANDRÉ DE SAMOSATE 285

Alexandre de Hiérapolis s'emporte alors, contre André de Samosate


en premier lieu18 :
« En lisant ce que ta Piété a écrit, j'ai vu clairement que Satan avait cherché
à nous passer tous au crible comme du froment ; mais quand la foi est en jeu,
je ne vois en aucune manière de compromis (possible) dans la piété et je ne
donne pas le nom de paix du Christ à la communion avec des hérétiques...
Et, pardonne-moi : devant la rapidité de ton changement, j'ai prié que la
terre s'entrouvre sous mes pieds... »
Contre Théodoret également19 :
« A l'heure où j'ai reçu les lettres de ta Sainteté, j'avais reçu une lettre écrite
par Monseigneur le très religieux évêque André, qui est contraire à toutes les
précédentes... Il m'a fait parvenir aussi une lettre que ta Piété lui a écrite,
où il est dit que l'Egyptien anathematise ceux qui disent que la divinité du
Christ est passible, ainsi que ceux qui tiennent la confusion et le mélange des
deux natures. A la vérité, pour moi, je n'ai rien vu de tout cela dans la lettre
de Cyrille ; bien au contraire, j'ai trouvé qu'il combattait, au début, au milieu
et à la fin, pour ses chapitres et les autres écrits où il donne la preuve manifeste
de toute son impiété... »
On est frappé de la mauvaise foi d'Alexandre, qui ne veut pas voir dans
la lettre de Cyrille un pas vers l'unité et la paix. Le voilà maintenant qui
accuse Jean d'Antioche et qui envisage l'exil au désert20. Courageusement,
Théodoret met les choses au point :
« Je pense que Monseigneur... l'évêque Jean sait parfaitement que je ne me
résoudrai pas à accepter la déposition de Nestorius. Mais les positions doc
trinales de Cyrille, qu'il vient d'adresser par lettre à Bérée, ne me semblent
pas mauvaises, elles sont même tout à fait contraires tant aux chapitres
qu'à ses autres écrits ; voilà pourquoi, dans ma lettre à Acace..., j'ai porté
ce jugement à sa connaissance. Vraiment, si je le pouvais, je viendrais bien
sûr en conférer avec toi. Je voudrais apprendre ce qu'il pouvait y avoir de
caché dans ces lettres qui fût étranger à la doctrine évangélique. Par là, je
ne veux pas dire que cela suffise pour entrer en communion avec lui. Il faut
en effet que cette doctrine soit en accord avec la foi de Nicée et que lui et
tous ceux dont nous accepterons la communion y souscrivent. Ta Sainteté
apprendra que je suis si loin d'envisager un heureux dénouement que j'ai

18. Syn. 153 [64] : ACO I IV, p. 10319-30.


19. Syn. 154 [65] : ACO I iv, p. 10331.
20. Syn, 154 [65] (ACO I iv, p. 1045) : «Et je préfère l'oasis ou n'importe quelle
extrémité du monde à la communion d'un hérétique et de ceux qui ont trahi
l'orthodoxie. »
286 p. évieux

chargé l'archimandrite de mon monastère de me construire une cellule ;


car il s'est trouvé ici ces jours-ci21. »
Cette correspondance entre les évêques d'Euphratensis met en évidence la
scission qui commence à se dessiner au sein des Orientaux. Plusieurs se tour
nent résolument vers l'union. D'autres au contraire durcissent les positions.
Une lettre de Maximin d'Anazarbe (métropolite de seconde Cilicie) à
Alexandre22 montre que, à côté des lettres expédiées par Jean d'Antioche
pour informer les uns et les autres des tractations de paix23, des écrits
circulaient et durcissaient l'opposition contre Cyrille : ils soulignaient
que, de toutes manières, il faudrait se plier aux exigences de l'Alexandrin,
c'est-à-dire anathématiser Nestorius et sa doctrine, pour entrer en commun
ion. A la fin de sa lettre, Maximin fait allusion à un voyage d'Alexandre
à Antioche24. Il s'agit d'une réunion qui devait regrouper Jean, Alexandre
et Théodoret seulement25.
De son côté, Helladius de Tarse26 s'étonne du brusque changement
de certains « qui, nullement contraints de le faire, ont trahi l'orthodoxie,
imaginant que l'Egyptien avait déjà embrassé la foi des Pères et renié ses
erreurs passées27 ».
Ainsi donc, à ce stade des négociations, nous voyons, d'un côté, Jean
d'Antioche rechercher la paix, pressé par Aristolaos et les ordres impériaux :
il est soutenu par Acace de Bérée et écouté favorablement par Théodoret
de Cyr et André de Samosate ; de l'autre, Alexandre de Hiérapolis, Hella
dius de Tarse, Euthérius de Tyane, Maximin d'Anazarbe et quelques
autres, fermement opposés à toute tentative de rapprochement. Alexandre
déclare à qui veut l'entendre que la lettre de Cyrille à Acace est hérétique
et que l'Alexandrin n'est pas revenu sur ses xn chapitres. Théodoret qui,
malade28 ou simplement préférant la retraite, habite de façon permanente

21. Syn. 155 [66] : ACO I iv, p. 1049-23. Un peu plus tard, Théodoret se verra obligé
de se défendre contre les insinuations d'Alexandre : « Je prends Dieu à témoin, sur mon
âme, que ce ne sont, jusqu'à présent, ni la convoitise d'un siège, ni l'envie d'une cité,
ni la crainte des persécutions qui m'ont poussé (à reconnaître l'orthodoxie des lettres
de Cyrille) ; mais, lisant ces lettres sans a priori et d'un esprit objectif, j'ai estimé que
leur contenu concordait avec nos positions » (Syn. 161 [72] : ACO I iv, p. 10832) ; cf.
les lettres 145 [56] et 155 [66].
22. Syn. 156 [67] : ACO I iv, p. 104.
23. Cf. lettre de Dorothée de Marcianopolis, en Mésie seconde, à Jean d'Antioche :
Syn. 167 [78] (ACO I iv, p. 11421"22).
24. Dum vero intraverit vestra sanctitas Antiochiam (Syn. 156 [67] : ACO I iv, p. 10438).
25. Maximin, dans sa lettre, paraît quelque peu indigné de se voir, avec tous les autres,
écarté de ces tractations d'Antioche ; cf. Ch. Lupus, Scholia et notae, p. 328-329.
26. Lettre à Alexandre : Syn. 157 [68] (ACO I rv, p. 105).
27. ACO I iv, p. 1059"11. Lui aussi est prêt à se retirer dans un monastère (p. 10513).
28. Syn. 161 [72] : ACO I rv, p. 109.
ANDRÉ DE SAMOSATE 287

à Cyr29, répète aux uns et aux autres que la même lettre de Cyrille à Acace
est orthodoxe30. Et lui-même se défend d'avoir trahi la piété31. Il reste
que, pour lui, même si la doctrine de Cyrille est acceptable, la communion
n'est possible qu'à certaines conditions : ne pas avoir à condamner Nesto-
rius, voir les évêques déposés recouvrer leurs sièges32.
Une allusion de Théodoret laisse entendre qu'une réunion eut lieu dans
la province d'Euphratensis (à Arbathimilas) ; une décision y a été prise :
pas de condamnation de Nestorius pour obtenir la paix, pas de communion,
sans la réintégration des évêques dépossédés de leurs sièges, « telle est la
décision prise par tous les très saints évêques de cette région réunis en
synode33 ».
Théodoret et André, qui adopte la même ligne de conduite à ce moment-
là, désirent la paix. En acceptant les propositions cyrilliennes, ils ne trahissent
pas la piété, et s'ils agissent ainsi, c'est par souci des fidèles qui leur sont
confiés34.
Jean d'Antioche, de son côté, écrit partout pour persuader les évêques
que l'union est possible33. Il fait plus : pour sortir d'une situation un peu
ambiguë, il se rend à Bérée, auprès d 'Acace, et le décide à envoyer Paul
d'Emèse à Alexandrie36. Paul, malgré son grand âge, se met en route,
emportant une lettre de Jean d'Antioche37. Celle-ci est assez mal

29. Syn. 160 [71] : ACO I iv, p. 10725.


30. Syn. 145 [56]. Voir ses lettres à Helladius de Tarse (Syn. 159 [70] : ACO I iv, p.
106-107), à Himèrios de Nicomédie (Syn. 160 [71] : ACO I iv, p. 107-108), à Alexandre
(Syn. 161 [72] : ACO I iv, p. 108-109).
31. Syn. 159 [70] : ACO I iv, p. 107 ; Syn. 161 [72] : ACO I iv, p. 109.
32. Syn. 159 [70] (ACO I iv, p. 1074) : à Helladius ; Syn. 160 [71] (ACO I iv, p. 10811"12) :
à Himèrios de Nicomédie.
33. Syn. 160 [71] : ACO I iv, p. 10811·19·20-21. Ce petit synode provincial se tient au
lieu-dit Arbathimilas. Alexandre et Théodoret en font mention plus tard ; Alexandre
(mont Arbathimilas) : Syn. 184 [96] (ACO I iv, p. 13325) et Syn. 255 [167] (ACO I rv,
p. 18627) ; Théodoret (Arbathimilas ; dans un manuscrit : Arbathimas) : Syn. 187 [99]
(ACO I iv, p. 13512).
34. Syn. 159 [70] : ACO I rv, p. 1075~7.
35. Cf. Syn. 163 [74] : ACO I rv, p. 111-112 ; Syn. 164 [75] : ACO I rv, p. 112 ; Syn.
181 [93] : ACO I rv, p. 129-130.
36. Paul d'Emèse avait remplacé Acace de Bérée au concile d'Ephèse.
37. Cf. la lettre de Jean à Alexandre (Syn. 165 [76] : ACO I iv, p. 1137·17). Là encore,
c'est le souci des fidèles qui inspire Jean d'Antioche : « Le temps n'est plus à la philo
sophie ou au martyre, dit-il à Alexandre de Hiérapolis, mais il s'agit de la terre entière
qui est troublée. » La lettre de Jean à Cyrille (Syn. 169 [80] : ACO I iv, p. 11510-1177)
renferme « ces 10 propositions que nous avons composées ensemble » (cf. Syn. 166 [77] :
ACO I iv, p. 1143-8). Il ne s'agit certainement pas des premières propositions du synode
d'Antioche (6 puis 1), mais de celles dont lui-même, Alexandre, et Théodoret ont dé
battu plus récemment ; cf. lettre de Maximin d'Anazarbe à Alexandre (Syn. 156 [67] :
ACO I iv, p. 10438).
288 p. évieux

accueillie par Cyrille. Selon lui, elle ne contenait pas ce qu'il fallait38.
Tandis que se déroulent les discussions à Alexandrie entre Cyrille et
Paul d'Emèse (Aristolaos se trouve également sur place), des échos pessi
mistes parviennent jusqu'à André de Samosate. Quels sont les auteurs
des lettres qu'il reçoit, il ne le dit pas. Quant aux motifs de son pessimisme,
il ne veut pas les donner par lettre. Toujours est-il qu'il affirme à son mé
tropolite :
« L'Alexandrin, apparemment, ne veut rien changer à ses mauvais écrits,
ni sortir de son point de vue personnel. Voilà pourquoi, ceux qui sont partis
n'ont rien envoyé d'Egypte, en tant de temps39. »
André, néanmoins, ne perd pas tout espoir :
« Mais nous, même s'il persiste des milliers de fois dans une doctrine impie,
nous nous contentons de la lettre écrite naguère, dont les termes sont d'une
totale orthodoxie40. »
Quant à Théodoret de Cyr, il demande des éclaircissements sur ce qui se
passe : loin des routes où circulent les courriers, les informations lui par
viennent rarement41.
Les pourparlers entre Paul d'Emèse et Cyrille finissent par s'acheminer
vers une solution. Pour sa part, Paul, après avoir vainement essayé de
faire annuler la déposition de plusieurs évêques (Helladius de Tarse, Euthé-
rius de Tyane, Himèrios de Nicomédie et Dorothée de Marcianopolis)42,
accepte de reconnaître Maximien comme évêque de Constantinople et
d'anathématiser les erreurs de Nestorius, qu'il considère comme déposé
de son siège43. Cependant, Cyrille, tout en rendant la communion à Paul
d'Emèse44, ne le reconnaît pas comme seul porte-parole de tous les évêques
orientaux.
Pour obtenir l'adhésion de Jean d'Antioche et de son parti, Aristolaos,
qui commence à s'impatienter de la lenteur des négociations45, accompa-

38. Syn. 169 [80] : ACO I iv, p. 11510. Lettre à Théognoste, Charmosynos et Léonce
(Syn. 173 [85] : ACO I iv, p. 1245) : Nihil necessarium habentes. Même expression dans
la lettre à Acace de Mélitène (ACO 1 1 4, p. 2210) : à μέν έχρήν £χειν, ούκ Αχούσαν.
39. Syn. 171 [82] : ACO I iv, p. 11722-25.
40. Ibidem. Allusion à la lettre à Acace de Bérée : Syn. 145 [56].
41. Voir ses lettres à Himèrios de Nicomédie (Syn. 160 [71] : ACO I iv, p. 10719"20),
à Théosèbe de Cios (Syn. 176 [88] : ACO I iv, p. 12610), à Nestorius (Syn. 208 [120] :
ACO I iv, p. 149-150).
42. Sur ces dépositions, voir ACO 1 1 4, p. 3217~24 (lettre de Cyrille à Donat de Nico-
polis) et ACO 1 1 7, p. 15323~33 (lettre de Cyrille à Jean d'Antioche).
43. ACO 1 1 4, p. 6-7.
44. Paul prononce même deux sermons dans l'église d'Alexandrie, le 25 décembre 432
et le 1 " janvier 433 (ACOIi 4, p. 9-11 et 11-14).
45. ACO Ι ι 4, p. 3212. L'empereur l'a chargé d'aboutir rapidement à une solution ;
cf. A CO 1 1 7, p. 15515-16.
ANDRÉ DE SAMOSATE 289

gnant Paul d'Emèse et deux clercs d'Alexandrie46, rapporte à Antioche


un mémoire de Cyrille auquel Jean est invité à souscrire : il lui faut re
connaître l'élection de Maximien, professer la Théotokos, condamner
Nestorius et anathématiser ses erreurs. Jean d 'Antioche se plie à ces exi
gences, et Paul d'Emèse, les diacres Cassius et Amon retournent à Alexand
rie, porteurs de son acceptation47. Jean s'engage à faire adopter par tous
les évêques d'Orient l'Union ainsi conclue. Cyrille, en réponse, fait parvenir
à Jean, toujours par Paul d'Emèse, la célèbre lettre (εύφραινέσθωσαν οί
ουρανοί) où il accepte la profession de foi des Orientaux48. Un sermon
de Cyrille, daté du 23 avril 43349, annonce au peuple d'Alexandrie que
l'Union avec les évêques orientaux est restaurée. Si Jean d'Antioche fait
part de l'événement au pape Sixte, à Cyrille et à Maximien50, ainsi qu'à
Théodose, il ne manque pas d'avertir tous les évêques d'Orient, entre
autres Théodoret51.
L'évêque de Cyr se réjouit de cette paix, mais réclame auprès de Jean
que tous puissent en jouir, en particulier nos compagnons de combat, les
évêques déposés par Maximien de Constantinople, qui doivent recouvrer
leurs sièges épiscopaux52.
André de Samosate, lui, manifeste du découragement à l'annonce de
l'Union53 :
« Beaucoup, soit par lettres, soit de vive voix, nous annoncent la paix. »
II en éprouve du dégoût :
« Si l'on ne nous rapporte rien de nouveau d'Alexandrie, la paix se réalisera
au prix de la corruption de la foi. »
A nouveau, il craint de voir devenir réalité le songe où il avait vu revivre

46. ACO 1 1 7, p. 1543a ; Syn. 173 [85] : ACO I iv, p. 12413 ; ACO 1 1 4, p. 329-i°.
47. Il n'avait apporté que de légères modifications aux propositions cyrilliennes,
acceptées d'ailleurs par les deux clercs d'Alexandrie, Cassius et Amon (ACO Ι ι 7, p.
1556-9,26-27), egg modifications concernent les voix : ACO Ι ι 4, p. 95~8.
48. Il ajoute quelques explications dogmatiques : A CO Ι ι 4, p. 15-20 = PG77, 173-
181. La profession de foi des Orientaux adoptée par Cyrille avait été rédigée au moment
du concile d'Ephèse et envoyée à Théodose. Théodoret en était le principal artisan,
comme le rappelle Alexandre (Syn. 184 [96] : ACO I iv, p. 13337). Dans l'Acte d'Union,
elle est, bien sûr, amputée du début et de la fin qui étaient dirigés contre les chapitres
de Cyrille.
49. ACO 1 1 7, p. 173 (grec) ; ACO I m, p. 191-192 (latin).
50. ACO 1 1 4, p. 33.
51. Syn. 174 [86] : ACO I iv, p. 124-125.
52. Syn. 175 [87] : ACO I iv, p. 125-126. Ce sont Helladius de Tarse, Euthérius de
Tyane, Himèrios de Nicomédie, Dorothée de Marcianopolis.
53. Syn. 178 [90] : ACO 1 iv, p. 127.
290 p. évieux

Apollinaire54. Naturellement, son correspondant, Alexandre de Hiérapolis,


est au comble de l'irritation :
« La fin est venue et la communion s'est faite avec l'impie Cyrille, sans que
Cyrille abandonne l'hérésie ; c'est nous-mêmes qui entrons dans l'hérésie
par un seul mot qui se trouve dans la lettre 5 5. »
Telles sont les lignes qu'il adresse à André. Il a même rédigé un mémoire
qu'il communique aux évêques de Cyr et de Samosate56, où il déclare que,
ne reconnaissant plus Cyrille comme évêque, il se sépare de lui et de ceux
qui sont en communion avec lui. Cependant, avant de faire circuler cet
écrit, il demande l'avis d'André et de Théodoret57.
Telles sont les premières réactions à l'annonce de la paix. Mais ni André
ni Théodoret n'ont encore eu connaissance du contenu de l'Acte d'Union.
A la lecture des documents, leur attitude va se modifier. Théodoret reçoit
une nouvelle lettre d'Alexandre58, qui lui rappelle leur discussion à Arba-
thimilas et accuse Paul d'Emèse d'avoir accepté la paix sur la base de la
profession de foi orientale à Ephèse, mais amputée des passages condamnant
les chapitres cyrilliens, et non pas sur la base des propositions rédigées ensemb
le à Antioche. Dans sa réponse, Théodoret regrette que l'évêque d'Emèse
ne se soit pas servi des dites propositions et il souhaite qu'ait lieu un débat
sur l'union, au lieu que choisira Alexandre lui-même :
« Pour toutes ces raisons, je pense qu'il est nécessaire que nous nous rencont
rions où tu l'ordonneras, mais que viennent aussi l'évêque... André... et
d'autres évêques, à Hiérapolis ou à Zeugma », pour délibérer tous ensemble
sur la conduite à tenir... « Que ta Sainteté daigne donc écrire à... André et,
s'il promet de venir, que ta Sainteté m'indique le lieu où je dois me rendre :
je m'y trouverai aussitôt59. »
Alexandre convoque donc André à Zeugma60. Nous avons la réponse
d'André. Auparavant61, il a dû recevoir la copie de l'Acte d'Union, et
probablement une lettre de Théodoret. Le ton, l'attitude ne sont plus les
mêmes que par le passé. André souhaite qu'à Zeugma se réalise quelque
chose d'utile, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour toute la terre :
« Nous ne nous rassemblerons pas pour des combats de mots, des rivalités,

54. Cf. Syn. 148 [59] : ACO I iv, p. 100-101.


55. Il s'agit du mot Théotokos : Syn. 182 [94] (ACO I iv, p. 13039) et Syn. 184 [96]
(ACO I iv, p. 13327).
56. Syn. 181 [93] : ACO I iv, p. 1303-?.
57. Syn. 181 [93] : ACO I iv, p. 129-130 ; Syn. 182 [94] : ACO I iv, p. 130-131.
58. Syn. 184 [96] : ACO I iv, p. 133-134.
59. Syn. 185 [97] : ACO I iv, p. 134.
60. Au nord de Hiérapolis, au bord de l'Euphrate. La lettre est perdue.
61. Entre la lettre 178 [90] et la lettre 186 [98] (ACO I rv, p. 13430-1356).
ANDRÉ DE SAMOSATE 291

des troubles... Nous sommes prêts à acquiescer à ce que tu proposeras d'utile


selon Dieu, et je sais que, de ton côté, tu es dans de pieuses dispositions à
notre égard et que tu ne refuseras pas nos conseils, si nous paraissons suggérer
quelque chose d'utile. Au sujet de Nestorius, tu connais notre position :
je n'ai rien à dire ou à faire contre lui, pas plus que contre toi. »
Au fond, André de Samosate, qui prend ici ses distances à l'égard d'Alexand
re, n'attend pas grand-chose de cette réunion. Il espère qu'elle servira
au moins à la consolation des participants62.
Alexandre a-t-il senti cette nette réticence de l'un de ses meilleurs amis ?
En tout cas, il tarde à se rendre à Zeugma. Aussi Théodoret — qui paraît
jouer un rôle de médiateur entre Alexandre et André durant cette période —,
plein de respect et d'affection, lui écrit-il pour le presser de venir les rejoin
dre63. Alexandre lui répond en posant des conditions : il viendra à Zeugma,
si Théodoret écrit à Jean d'Antioche pour lui demander de lutter contre l'im
pieCyrille, de résister jusqu'à la mort contre ceux qui condamnent Nestorius
et sa doctrine, et si tous les évêques réunis à Zeugma signent cette lettre,
dont il lui fera parvenir la copie authentique. Autrement dit, en dépit de
la pressante invitation de l'évêque de Cyr, il refuse de se rendre à Zeugma,
sentant que plusieurs cherchent à faire la paix avec Alexandrie et Antioche64.
Les évêques d'Euphratensis, sans Alexandre, se réunissent néanmoins
à Zeugma, et Théodoret peut écrire à Jean d'Antioche65 :
« Lisant en commun les lettres égyptiennes et analysant avec minutie leur
esprit, nous avons reconnu que le contenu de la lettre est en accord avec notre
position et va à rencontre des xn chapitres. »
Théodoret relève ensuite les points de doctrine où l'accord est manifeste
(Jésus Christ est Dieu et homme parfait, deux natures unies sans confusion
et conservant toutes leurs propriétés...). Mais il refuse d'anathématiser
ou de condamner Nestorius. Pour lui, c'est Cyrille qui est revenu sur ses
positions :
« Comment celui qui en est venu à confesser la vraie doctrine pourrait-il
nous contraindre à condamner celui qui a enseigné cette doctrine même66 ?...
Pour ce qui est de signer, il est superflu d'écrire là-dessus à ta Sainteté, qui
nous a promis souvent qu'elle n'y pousserait personne contre son gré67. »
Telles sont, manifestement, les conclusions de la réunion de Zeugma.
En l'absence d'Alexandre, ce sont Théodoret et André qui ont mené les

62. Syn. 186 [98] : ACO I rv, p. 1353"5.


63. Syn. 187 [99] : ACO I rv, p. 13515"16.
64. En particulier André, Jean de Germanicée (cf. Syn. 193 [105] : ACO I rv, p. 138).
65. Syn. 183 [95] : ACO I rv, p. 13122.
66. ACO I rv, p. 13211"13.
67. ACO I rv, p. 13215~17.

20
292 p. évieux

débats et décidé de la marche à suivre. Tous deux, après en avoir délibéré,


sont tombés d'accord pour ne pas critiquer l'Union par des lettres synodales.
Ils préfèrent porter directement leurs remarques à la connaissance de l'évê-
que d'Antioche. De plus, en terminant, ils demandent à Jean d'user de
patience envers leur métropolite Alexandre, qu'ils espèrent convaincre
de l'orthodoxie de l'Acte d'Union68.
Zeugma sonne donc l'heure de la rupture entre Alexandre de Hiérapolis
et les partisans de la paix : de la rupture ou au moins du partage entre
ceux qui refusent absolument l'Union, et ceux qui reconnaissent l'orthodoxie
de Cyrille mais ne se résignent pas à condamner Nestorius69. Alexandre
entraîna derrière lui bon nombre d'évêques orientaux des provinces d'Eu-
phratensis, des deux Cilicies, de la seconde Cappadoce, de la Bithynie,
de la Thessalie et de la Mésie. Les plus connus sont Helladius de Tarse
et Euthérius de Tyane. Ils tinrent à Anazarbe un autre synode qui refusa
l'Union, déclara Cyrille hérétique et tint également pour hérétiques ceux
qui étaient en communion avec lui70. Théodoret resta un peu à l'écart de
cette tendance ; il partagea le refus de condamner Nestorius, mais persista
à reconnaître l'orthodoxie de l'Acte d'Union71.

André de Samosate après le synode de Zeugma


A son retour de Zeugma, André eut à faire face à des troubles dans son
propre évêché de Samosate. Il semble qu'un grand nombre de ses fidèles
aient été soulevés contre lui « par les calomnies de Gémellinos et de Rabbû-
lâ1 ». Il est contraint de partir et de se réfugier dans la province de Mésopo-

68. Syn. 183 [95] : ACO I iv, p. 132"-24.


69. Les événements et les conclusions de Zeugma montrent que, comme par le passé,
l'opinion qui prévaut en Euphratensis, surtout en l'absence d'Alexandre, est celle d'André
et de Théodoret. La décision de rendre compte à Jean d'Antioche, au lieu de lui communiq
uer une décision synodale, est prise par eux deux et agréée des autres évêques présents
à Zeugma.
70. Syn. 201 [113] : ACO I iv, p. 142 s.
71. Après avoir suivi pas à pas les évêques orientaux depuis le concile d'Ephèse jus
qu'à l'acceptation de l'Acte d'Union, nous laissons de côté l'histoire détaillée des dissi
dents pour ne retenir que ce qui concerne André de Samosate.
1. Syn. 189 [201] : ACO I iv, p. 13633. Il s'agit de Gémellinos de Perrhè, évêché proche
de Samosate, et de Rabbûlâ d'Edesse. R. Devreesse {Le Patriarcat d'Antioche, p. 287)
déclare que Gémellinos était l'ami de Rabbülä. C'est peut-être beaucoup dire : nous
n'avons pas trouvé de texte qui nous permette de l'affirmer. Il y a cependant un certain
lien entre les deux évêques, puisque nous est parvenue une lettre de Rabbülä à Gémelli
nos sur l'Eucharistie (dans Michel le Syrien, ix, 27 : Chabot, p. 224 s.), lettre insérée
dans la Chronique du Pseudo-Zacharie le Rhéteur (Zacharias Rhetor, χ, 24 : Brooks,
p. 121-128). Cf. Ε Honigmann (Le couvent de Barsauma, CSCO 146, Subsidia 7, Lou-
ANDRÉ DE SAMOSATE 293

tamie, au nord-est de Samosate, sur la rive gauche de l'Euphrate2. C'est


donc de son lieu d'exil qu'il invite à la paix Alexandre de Hiérapolis :
« Je prie avec insistance ta tête sainte de considérer maintenant l'utilité d'un
apaisement opportun et de songer à entrer dans la communion et la paix
avec tous les autres prêtres3. »
Décidé à entrer lui-même en communion avec Cyrille et Jean d'Antioche,
il expose les motifs qui le poussent à embrasser la paix :
« Pour nous, en effet, ce n'est pas en nous retirant de la vérité, ni en trahissant
la piété que nous avons embrassé la paix, mais parce que nous trouvons par
écrit la confession des deux natures et l'impassibilité de la divinité... ; et si
les chapitres n'ont pas été anathematises par leur auteur, la profession de foi
orthodoxe faite ultérieurement les a rejetés entièrement. Que ta parfaite
sagesse dans le Christ songe qu'il n'était pas possible qu'il devînt son propre
accusateur... »
Demeurer dans cet état de lutte et de séparation, c'est donner aux juifs
et aux hérétiques l'occasion de rire aux dépens de l'Eglise :
« C'est à cause de la grande affection que je porte à ta Sainteté que j'ose
t'écrire ainsi. Tu nous dépasses en tous points, mais tu sais bien que souvent
ce sont les membres les plus petits qui apportent le soulagement ; si tu consens
à céder un peu, selon notre conseil, tu verras en peu de temps le profit qui
en résultera4. »
Aux propositions de paix d'André, Alexandre oppose une fin de non-
recevoir :
« II est inutile ou que j'écrive ou que ta Sainteté écrive quelque chose à ce
sujet ; je veux que ta Piété sache que je n'ai aucune part avec ceux qui ac
ceptent la communion 5. »
Ne voulant pas déserter son troupeau, il attend que le bras séculier
vienne le chasser! Ces lignes parviennent à André, alors malade, dans
son lit. Il en bondit pour répondre à Alexandre et l'exhorter à ne pas perdre
confiance en Dieu. Il lui rappelle que c'est l'intérêt de l'Eglise qu'il faut

vain 1954, p. 28-29), qui note que Perrhè est l'évêché le plus proche du couvent de Bar-
sauma. Ce Gémellinos est le prédécesseur d'Athanase de Perrhè qui sera déposé quelques
années plus tard et remplacé par Sabinien. Au moment des troubles qui nous occupent,
un certain Zacharie aurait été mis à la tête de Samosate par Gémellinos et Rabbülä.
Plus tard, il aurait été lapidé par les Romains sur une place publique (cf. E. Honigmann,
op. cit., p. 30).
2. Sur le nom de Mésopotamie donné à la rive gauche de l'Euphrate, voir R. Devreesse,
Le Patriarcat d'Antioche, p. 290 n. 4 ; cf. le Journal de voyage d'ETHÉRiE, 17-18 : SC 21
(2e éd. 1957), p. 158-163.
3. Syn. 189 [101] : ACO I rv, p. 13632-35.
4. ACO I iv, p. 136-137.
5. Syn. 190 [102] : ACO I iv, p. 13724"26.
294 p. évieux

avoir en vue6. La réponse d'Alexandre est encore plus dure que dans sa
lettre précédente7. Plein de sarcasme, il répète que Cyrille est hérétique
et que ceux qui ont accepté et même offert l'Acte d'Union ont trahi la
foi orthodoxe8. André le sait bien. Qu'il cesse d'adresser à Alexandre ses
monitions : c'est perdre sa peine et ses feuilles (charta)\
« En ce qui vous concerne, vous avez poursuivi, vous vous êtes dépêchés,
vous avez couru, vous avez cherché la brebis perdue. Mais elle, elle ne veut
pas qu'on la trouve9. »
Peu de temps après, André écrit aux économes d'Alexandre à Hiérapolis,
pour mettre les choses au clair. On fait courir le bruit qu'il a vu Rabbülä
d'Edesse, qui, on s'en souvient, était considéré comme un traître à la cause
des Antiochiens. Ce n'est pas vrai, mais pourquoi ne le verrait-il pas10 ?
Puis, solennellement, il proclame qu'il est en communion avec Sixte, Cyrille,
Maximien, Rabbülä et le Méliténien (Acace), ainsi qu'avec tous ceux du
Pont. Il ajoute :
« Et je confesse que le Seigneur Christ est à la fois Dieu et homme, deux
natures, une seule personne, que les choses humbles et sublimes que l'on
trouve à son sujet dans les divines Ecritures le concernent les unes en tant
qu'homme, les autres en tant que Dieu, l'unité demeurant sans confusion,
parce qu'il n'y a qu'un seul Seigneur et Christ, comme je l'ai dit. Si, à l'avenir,
il (Alexandre) veut personnellement embrasser la paix en catholique avec les
catholiques, et arracher au scandale ceux qui font naufrage à cause de nos
discordes et de nos conflits, il fera bien ; mais s'il ne le veut pas, pour moi,
bien sûr, je serai attristé de le voir dans ces dispositions, mais Dieu est le
juge de tous. Que personne donc à l'avenir ne me pose plus de questions :

6. Syn. 191 [103] (ACO I iv, p. 137-138) : pro qua re ego vinctus in lecto ad has litteras
prosilivi... non enim ita vixisti nee talia sunt quae per omnem vitam peregisti, ut despi-
ciaris a bono deo, nee sic eum coluisti, ut de te omnino non cogitet... quaeso igitur ut
neque turberis neque ab ecclesia exire disponas. Hoc enim nimis est impium et mercenarii
potius quam pastoris est opus, nee inultum tot prodere animas, sed eversionem cuncto-
rum quae prius mirabiliter operatus es, habens. Cogita vero, ut dixi, potentiam Dei et
quia ille qui et ea quae in caelo et quae in terra sunt, reconciliavit ad pacem, et membra
ecclesiae divisa conjunget et dabit tuae satisfied sanctitati, ut aliis sacerdotibus commu-
nices atque consentias, quia et nos non simpliciter nee velut si quis dicat impie ad hanc
intentionem respeximus, sed cogitantes quid expediret ecclesiis.
7. C'est la dernière pièce de cette correspondance entre l'évêque de Hiérapolis et
celui de Samosate.
8. Ailleurs (Syn. 255 [167] : ACO I rv, p. 18710), Alexandre fait allusion à une lettre
d'André lui annonçant que, dans toute la région du Pont, on prêche que Dieu est passible :
cette lettre qui est perdue doit être située avant la lettre 192 [104] et avant Zeugma.
9. Syn. 192 [104] : ACO I rv, p. 13824. Sur la brebis perdue, voir les lettres d'Alexandre
à Jean de Germanicée (Syn. 193 [105] : ACO I iv, p. 13829) et à Théodoret (Syn. 255
[167]:^COIrv,p.l86ae).
10. Syn. 194 [106] : ACO I rv, p. 139».
ANDRÉ DE SAMOSATE 295

j'ai découvert nettement ma position dès le début, et ce n'est pas une déci
sion nouvelle que j'ai prise maintenant, mais celle que j'ai adoptée dès le
commencement, aussitôt que les lettres me furent apportées11. Plût au ciel
qu'il me fût possible de joindre et d'unir à l'Eglise tous ceux qui ne donnent
pas leur assentiment, et que Dieu accordât le succès à mes efforts : je penserais
alors avoir trouvé le plus grand remède ou le plus grand soulagement pour
l'éternité12.))
Après cette dernière lettre aux économes d'Alexandre, nous ne disposons
plus de documents émanant d'André lui-même. Cependant, nous pouvons
glaner encore dans le Synodicon quelques allusions à l'évêque de Samosate.
C'est ainsi que Maximin d'Anazarbe1 3 fait part de sa confusion à Alexandre
de Hiérapolis, en apprenant la défection de Jean de Germanicée et d'André
de Samosate14. Ce même Maximin à l'issue du synode d'Anazarbe, réunis
sant les dissidents de la province de Cilicie seconde, résume les principaux
faits qui se sont produits de 431 à 434 et conclut ainsi sa lettre synodale :
« Nous, réunis maintenant dans la métropole d'Anazarbe, en raison des soucis
de l'Eglise, nous avons appris que, contrairement à ce qui avait été décidé en
commun, alors que les chapitres de Cyrille n'ont pas été rejetés par celui qui
les a exposés, quelques-uns ont reçu dans leur communion le même Cyrille,
nous qui sommes réunis (en synode), nous avons décidé de tenir Cyrille pour
condamné, comme nous l'avons tenu auparavant ; quant à ceux qui l'ont
reçu dans une communion qui ne répugne pas à souscrire à ses chapitres
hérétiques, nous les tenons pour étrangers à notre communion, jusqu'à ce
qu'ils fassent suivre d'effet ce qu'ils ont décidé en commun précédemment,
et jusqu'à ce que Cyrille anathematise ses chapitres impies et s'en tienne à la
foi des trois cent dix-huit (Pèresj rassemblés à Nicée, sans y rien ajouter ni
supprimer x 5. »
Théodoret, qui, aussitôt après avoir lu la lettre de Cyrille à Acace de
Bérée, avait reconnu l'orthodoxie de l'Alexandrin, n'acceptait toujours

11. On l'a vu, la première réaction d'André à l'annonce de l'Union n'était guère
favorable. Cependant, il est vrai qu'une fois lues les lettres et les pièces relatives à l'Union,
il a reconnu l'orthodoxie de l'évêque d'Alexandrie, même s'il refusait de souscrire à
la condamnation de Nestorius. Il semble bien que, pour la paix et l'unité de l'Eglise, il
ait finalement accepté d'anathématiser ses erreurs. Sa déclaration de communion avec
Maximien suppose la reconnaissance de la déposition de l'ancien évêque de Constanti
nople.
12. Syn. 194 [106] : ACO I rv, p. 1398-33.
13. Appelé aussi Maxime ou Maximien : métropolite de Cilicie seconde.
14. Syn. 197 [109] : ACO I iv, p. 1411.
15. Syn. 201 [113] : ACO I rv, p. 14316~25. Une lettre de Mélèce de Néocésarée (Syn.
229 [141] : ACO I rv, p. 167) au comte Néotérios donne également un résumé des événe
ments, tels que les voient les irréductibles : les démarches de paix y apparaissent comme
des manœuvres.
296 p. évieux

pas l'Acte d'Union, parce qu'il ne voulait pas condamner Nestorius. De


ce fait, il se trouve associé au groupe des opposants, bien qu'il ait des
positions différentes des leurs16. Mais, après les supplications fraternelles17,
viennent les pressions de toutes sortes : Titus menace d'intervenir par la
force ; les moines veulent contraindre Théodoret à faire la paix avec Jean
d'Antioche18. L'évêque de Cyr accepte finalement de rencontrer ce dernier
ainsi que Titus, mais pas à Antioche. La réunion a lieu à Gindaros, non
loin de Bérée19. Théodoret consent à la paix et à l'Union, après avoir reçu
l'assurance qu'on aurait la liberté de ne pas souscrire à la déposition de
Nestorius20. Désormais, il multiplie les lettres pour ramener à l'unité ceux
qui s'y refusent encore, en leur demandant de penser un peu moins à eux-
mêmes et davantage au bien de leurs fidèles21. Malheureusement, ses
efforts ne sont pas toujours couronnés de succès. Mais, quand Jean d'Ant
ioche se verra contraint de faire exiler Alexandre de Hiérapolis, Théodoret
expliquera au clergé et au peuple de cette ville qu'il a tout tenté pour ramener
leur évêque dans l'unité de l'Eglise. Ainsi, ni les raisonnements, ni l'amitié
d'André et de Théodoret ne purent venir à bout de l'entêtement d'Alexand
re22.

16. En tête de la dissidence, il y a Alexandre, puis ce sont Théodoret de Cyr, Hélias


de Zeugma, Abbib de Dolichè, Maras, David, Acylinus de Barbalissos, Mélèce de Néo-
césarée : tous d'Euphratensis ; à ceux-ci, il faut ajouter plusieurs évêques de la Cilicie
seconde qui se coalisent en quelque sorte avec ceux d'Euphratensis : Maximin, Hermogène,
Hésychius...
17. De Jean d'Antioche par exemple : Syn. 210 [122] {ACO I iv, p. 153-154).
18. Cf. Syn. 234 [146] : ACO I iv, p. 170-171. Voir F. Nau, Jean Rufus, Plérophories,
PO 8, Appendice, p. 166-167. A.-J. Festugière {Antioche païenne et chrétienne [Libanius,
Chrysostome et les moines de Syrie], Paris 1959, note additionnelle F) rassemble un petit
dossier «qui intéresse et l'histoire des moines syriens et celle de Théodoret». Il situe
l'intervention de Titus et le soulèvement des moines contre Théodoret après la mort
de Maximien (12 avril 434) et l'avènement de Proclus (p. 421).
19. Cf. lettre de Théodoret à Alexandre : Syn. 234 [146] {ACO I iv, p. 170-171).
20. Lettre de Théodoret à Helladius de Tarse : Syn. 248 [160] {ACO I iv, p. 1802β"27).
Avec beaucoup de précautions oratoires, il explique aussi à Alexandre la position de
Jean à l'égard de Nestorius : «II (Jean) n'a pas dit : anathématisons sa doctrine, mais
tout ce qu'il a, de quelque manière que ce soit, dit ou exprimé d'étranger à la doctrine apos
tolique» {Syn. 236 [148] : ACO I iv, p. 1732"4).
21. Cf. Syn. 239 [151] : ACO I iv, p. 17424.
22. Cf. Syn. 276 a : ACO I iv, p. 2032~3. Que devinrent les dissidents ? a) Sous la
menace de Titus, délégué par Denys {magister militum per Orientem), les évêques de
Cilicie seconde, avec leur métropolite Maximin d'Anazarbe, acceptèrent l'Union {Syn.
248 [160] : ACO I iv, p. 18027"28). De même Helladius de Tarse et les siens (Cilicie pre
mière ; Syn. 269 [180] : ACO I iv, p. 1995"9 ; Syn. 281 [192] : ACO I iv, p. 204-205) obéis
santaux ordres impériaux transmis par Aristolaos. b) Furent déposés et exilés : Alexandre
de Hiérapolis déposé le 15 avril 435 et exilé à Famothis en Egypte ; Abbib de Dolichè
(Euphratensis) ; Dorothée de Marcianopolis, métropolite de Mésie, exilé à Césarée
ANDRÉ DE SAMOSATE 297

Les dernières années d'André de Samosate


Les indications sur les dernières années d'André sont peu nombreuses
et certaines se contredisent. En 435, Proclus (qui a succédé à Maximien
sur le siège de Constantinople en 434) adresse à Jean d 'Antioche le Tome
aux Arméniens qu'il vient de rédiger. Une lettre de Théodose accompagne
le Tome de Proclus : elle invite les Orientaux, réunis en synode à Antioche,
à rester tranquilles et à ne plus troubler la paix23. Il est bien probable
qu'André de Samosate participa à ce synode. Plus tard, après la mort
de Jean d'Antioche24, Domnus, son successeur, assemble encore un synode
à Antioche (en 444) pour entendre la cause d'Athanase de Perrhè25. André
y est convoqué. Mais sa santé ne lui permet pas de s'y rendre26.

de Cappadoce ; Valérianus et Eudocius de Mésie ; Mélèce de Mopsueste de Glide


seconde, qui mourut exilé à Mélitène ; Zénobius de Zéphyrium, en Cilicie première,
relégué à Tibériade ; Euthérius de Tyane, métropolite de seconde Cappadoce, relégué
à Scythopolis, qui s'enfuit et mourut à Tyr ; Anastase de Ténédos (Cyclades) ; Pausianus
d'Ypata (Thessalie) ; Basile de Larissa, métropolite de Thessalie ; Julien de Sardique,
métropolite de Dacie ; Acylinus de Barbalissos en Euphratensis, qui s'enfuit, puis accepta
l'Union ; Maximin de Démétrias en Thessalie. Cf. Syn. 279 [190] : ACO I iv, p. 203-204.
23. Syn. 310 [219] : ACO I IV, p. 241 ; cf. Liberatus, Breviarium, x, 49 : ACO II v,
p. 11220 ; Facundus d'Hermiane, 8, 3 : PL 67, 715. Ce synode d'Antioche est mentionné
également dans le Synodicon (ACO I iv, p. 20826, 21 32) ; Jean refusera de condamner
Diodore de Tarse et Théodore de Mopsueste.
24. En 441 ou 442 ; cf. la lettre 83 de Théodoret qui permet de connaître la durée
des episcopate de Théodote, Jean et Domnus : PG 84, 1268e-0 = Azéma, II, SC 98,
p. 208.
25. Le successeur de Gémellinos.
26. Sur la déposition d'Athanase de Perrhè, voir Glanville Downey (A History of
Antioch in Syria from Seleucus to the Arab Conquest, Princeton New- Jersey 1961, p. 467),
qui résume les motifs ayant poussé Domnus à convoquer le synode d'Antioche pour
juger Athanase. On l'accusait de s'approprier les colonnes d'argent et les biens de l'Eglise.
28 évêques prirent part à ce synode (Mansi 6, 465 ; 7, 325-327). Dans la 15e session du
concile de Chalcédoine (et non la 14e, comme l'indique H. Leclercq, Patriarcat,
DACL 132, col. 2464), on rapporte les actes de ce synode d'Antioche (cf. ACO II ι 3,
p. 77-83). Au n° 15, dans la liste des 28 évêques, André de Samosate ne figure pas.
Mais au n° 105 (ACO II ι 3, p. 7610), nous lisons : Τατιανος διάκονος είπεν Έχω
και έπιστολας των θεοσεβεστάτων επισκόπων τοϋ κύρου "Ιβα καΐ τοϋ κύρου 'Ανδρέου,
ας απέστειλαν κληθέντες ύπό της σης όσιότητος και μή δυνηθέντες άπαντησαι. Cf.
Lenain de Tillemont, Mémoires, XIV, p. 650. Ce synode eut lieu en 444, et non pas
en 445, comme l'écrivent H. Leclercq (art. cit.) et R. Devreesse (Le Patriarcat d'Ant
ioche, p. 55). Ernest Honigmann en fait la remarque (après Karl Günther, Théodoret
von Cyrus und die Kämpfe in der orientalischen Kirche vom Tode Cyrills bis zur Einberufung
des sogenannten Raûber-Konzils, Program des K. hum. Gymnasiums Aschaffenburg
für das Schuljahr 1912-1913, Aschaffenburg 1913) dans son article : The Patriarchate
of Antioch, a Revision of Le Quien and the Notitia Antiochena (Traditio 5, 1947, p. 136).
Voici ses raisons : « While the members of this assembly called Panolbius of Hierapolis
« the late » (μακάριος) whenever he was mentioned, this epithet was never applied by
them to St. Cyril who died on June 27, 444 » (cf. Ν. Glubokovskij, Blazennij Feodorit
298 p. évieux

Théophane de Byzance rapporte la déposition d'André de Samosate


en même temps que celle d'autres évêques orientaux au Brigandage d'Ephèse
(449) :
« Dioscore déposa Théodoret, Ibas, André, Domnus d'Antioche et d'autres
évêques orientaux absents27. »
Mais ceci est impossible, car Rufin est déjà évêque de Samosate28. Il
faut donc placer la mort d'André de Samosate entre 444 et 449, plutôt
du côté de la première de ces dates, c'est-à-dire aux environs de 445.

En suivant pas à pas André de Samosate et les protagonistes de la crise


nestorienne, nous avons vu s'affronter Alexandrie et Antioche, Cyrille et
les évêques orientaux. Débat théologique, certes, mais aussi culturel et
politique.
La crise nestorienne a fait revivre l'opposition des écoles et a permis de
mesurer le fossé qui insensiblement s'était creusé entre les philosophes et
les théologiens d'Antioche et d'Alexandrie. En intervenant pour imposer
un compromis, le pouvoir politique rend un service à l'Eglise, la forçant
à conjuguer des forces en apparence opposées. Mais un tel conflit, même
s'il ne porte d'abord que sur des idées religieuses, est dangereux pour
l'empire ; car toute division risque de l'affaiblir. Qu'on ne s'étonne donc
pas que Théodose fasse exiler des évêques récalcitrants, comme Alexandre,
le métropolite de Hiérapolis : le maintenir à son poste serait favoriser la
naissance de troubles, et l'administration impériale ne peut tolérer de
faiblesse, tout près du limes oriental.
En 431, dans le champ clos d'Ephèse, bien gardé par les officiers de
l'empereur, les adversaires ont livré leurs assauts théologiques ; parmi les
champions qui s'affrontaient au premier rang, Cyrille l'a emporté, et la
tête de Nestorius est tombée. Mais derrière Nestorius, il y avait d'autres

episkop Kirrskij, I, Moscou 1890 ; K. Günther, op. cit., p. 10). On lit en effet (dans ACO
II 1 3, p. 741"4 : n° 76) : Φαίνεται ό ευλαβέστατος 'Αθανάσιος μηδέν αληθές διδάξας τους
άγιωτάτους και θεοφιλέστατους αρχιεπισκόπους τόν κύριον Πρόκλον και τόν κύριον
Κύριλλον, οπότε καΐ επί του μακαρίου Πανολβίου τοϋ γενομένου αύτοΰ μητροπολίτου
φίλου αύτοΰ τυγχάνοντος... Si donc Cyrille n'était pas mort à cette date (il aurait reçu
le titre de μακάριος), c'est que le synode est antérieur à cette date du 27 juin 444.
27. Théophane, Chronographie (De Boor, I, p. 101 u"13) : Ό δέ Διόσκορος καθηρε και
Θεοδώρητον και "Ιβαν καΐ Άνδρέαν και Δόμνον τον 'Αντιοχείας και άλλους ανατολικούς
επισκόπους άπόντας (meilleur que la variante Απαντάς).
28. Cf. Evagre, il, 18 : PG 862, 2561 B2 = Bidez-Parmentier, p. 7529-30. Cf. les r
emarques de Lupus (Scholia et notae, p. 219).
ANDRÉ DE SAMOSATE 299

combattants, et l'Acte d'Union de 433 ne marque pas le triomphe


des forces alexandrines ; il sanctionne un compromis entre les positions
antiochiennes et cyrilliennes. Compromis fragile, mais capital, car il prépare
la formulation christologique de Chalcédoine.
Avec Théodoret de Cyr, André de Samosate joue un rôle important
dans la préparation de ce compromis, non pas tant par ses démarches que
par la théologie qu'il expose dans la réfutation des xii chapitres et ne cesse
de soutenir. Plus libre que Théodoret, très attaché à la personne de Nesto-
rius, André apparaît comme le défenseur d'une position théologique mesur
ée.Sa lettre à Rabbülä, trop peu connue malheureusement des historiens
de l'Eglise, montre combien l'exposé de sa christologie est proche de celle
qui sera affirmée à Chalcédoine. Pour l'évêque de Samosate, le Verbe de
Dieu s'est fait chair, réellement. Dans le Christ, on distingue deux natures,
mais il n'y a qu'un seul fils et Seigneur Jésus Christ. Fidèle à l'Ecole d'An-
tioche, André insiste sur l'intégrité des deux natures. Sans doute a-t-il
tort d'établir une trop grande séparation entre elles, interdisant la communic
ation des propriétés de chaque nature. Cependant, il a raison de montrer
que la nature humaine du Christ, du fait de son intégrité, joue un vrai rôle
et n'est pas absorbée par la nature divine, comme les affirmations cyrilliennes
pourraient le laisser entendre.
D'un autre côté, le théologien de Samosate, tout en maintenant la distinc
tion des natures humaine et divine, accepte avec Cyrille l'unité du sujet
dans le Christ. Pour désigner cette unité, Cyrille emploie le mot hypostase,
mais aussi, dans le même sens, le mot physis, ce qui est très équivoque,
comme le souligne André à plusieurs reprises. L'évêque de Samosate,
lui, préfère l'expression un seul prosôpon, qu'il emploie, plus que nul autre,
dans la lettre à l'évêque d'Edesse, ceci donc bien avant Chalcédoine.
Dans la Réfutation des XII chapitres, comme dans la lettre à Rabbülä,
cette attention à la précision des termes et à leur contenu philosophique
manifeste la culture d'André de Samosate ; autre signe de cette culture :
la qualité du style, que Y Apologie contre les Orientaux permet de comparer
avec celui de Cyrille : après l'abondance, l'impétuosité de l'Alexandrin,
c'est la sobriété, la rigueur ; après les accumulations de termes, c'est l'harmo
nieusecomposition des figures gorgianiques, où la forme sert d'écrin à
l'argument ou à la preuve. Après le rebondissement cascadant des mots,
c'est la paisible retombée des clausules.
Héritier de la culture et de la pensée antiochiennes, théologien mesuré,
André de Samosate apporte une contribution importante à ce qui sera
l'équilibre de Chalcédoine.
300 P. ÉVIEUX

Note additionnelle

Cet article, remis en décembre 1973 à la rédaction de la REB, n'a


pu tenir compte de l'important ouvrage de Luigi Scipioni, Nestorio e il
concilio di Efeso. Storia, dogma, critica (Studia Mediolanensia 1), Milan
1974.

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