Revue de projet – HEOL – Latitude 56 04 novembre 2008

Cette note d’analyse succinte fait suite à une interrogation forte du porteur de projet sur la
continuité à donner au développement de son programme. Ce projet labellisé « pôle mer »
présente sur le plan conceptuel , un intérêt certain mais doit pour se développer rencontrer
des conditions économiques favorables. L’incertitude du porteur de projet sur ces conditions
concrétes de développement nous ont conduit à le rencontrer. A la suite de différents
échanges il nous est paru opportun d’apporter au débat quelques élements de marché qui
figurent à suivre dans cette note.

Le projet Heol

Le concept Heol repose sur la capacité à pouvoir constituer une nouvelle offre de transports
à passagers sur la base d’un eco-concept de navire à passagers accessible à tous

Le projet global consiste donc à concevoir et développer un catamaran d’une capacité de 60

places particulièrement adapté à la navigation dans les espaces sensibles et accessibles au
plus grand nombre. Le concept comporte plusieurs points d’innovation : motorisation hybride,
recours aux énergies renouvelables, réduction des émissions polluantes et sonores, carène
adaptée au site et à l’environnement, nouveau concept d’aménagement pour l’accueil des
passagers.

La structure du projet.

Le projet repose sur la conception et la mise en œuvre d’un navire démonstrateur suivie
d’une exploitation opérationnelle puis d’une production industrielle une fois démontré la
viabilité économique du concept.

Pour mener à bien ce projet Mr Gauthier envisage le portage par une EURL « Latitude 56 »
dont il serait le gérant et l’unique associé.

En raison de la localisation géographique du porteur de projet la phase de validation du

concept économique sera donc assurée par l’exploitation d’un premier navire sur le Golfe du
Morbihan.

Afin d’examiner la viabilité économique du démonstrateur, il nous est paru important

de replacer ce projet dans les contextes de marché et d’investissement propres au
secteur de « transports de passagers » de petite taille.

Avant d’aller plus loin dans cette démarche les variables retenues pour le projet Héol seront
les suivantes :

Investissement prévu : 1 083 000 € décomposé en :

• Frais d’études : 143 750 €
• Construction navire : 610 270 €
• Investissement innovation : 290 470 €
• Communication : 39 400 €
Financement du projet :
• Fonds propres ou apports personnels : 57 K€
• Subventions : 76.5 K€
• Avances remboursables : 104 K€
• Prêt d’honneur : 3 K€
• Emprunt : 843 210 €

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Capacité du navire : 60 personnes
• Personnels exploitant : 2 personnes
• Tarifs : 27 € /pax (tarif fixé par Mr Gauthier après examen du secteur concurrentiel)
• CA prévisionnel : 367 578 € pour la première année sur la base de 13 614 passagers
payants et 8 mois d’exploitation.

Les ratios de comparaison utilisés

• Le Chiffre d’affaires généré par siège (représente le chiffre d’affaires total divisé par le
nombre total de sièges disponibles, ratio usité dans le transport).
• Le coût des charges d’exploitation (hors amortissement et frais financiers) pour 1
euro de chiffre d’affaires généré.
• L’ Excédent Brut d’Exploitation obtenu par euro de chiffre d’affaires réalisé.
• Le ratio Charges externes et autres charges / CA réalisé qui signe en fait
principalement le coût du poste carburant dans les comptes d’exploitation de ce type
d’entreprises.

L’échantillon de comparaison

Sur la base d’un examen de l’ensemble des entreprises de transport à passagers de la

métropole 1il a été retenu un échantillon de 32 entreprises correspondant aux
caractéristiques futures de l’entreprise « Héol » à savoir 2 salariés au maximum et un
chiffre d’affaires inférieur à 500 000 € .Certaines de ces entreprises étant d’ailleurs
localisées en Bretagne.

A partir de cet échantillon et des comptes de résultat des entreprises des ratios moyens de
charges d’exploitation ont pu être déterminés. Après retrait des valeurs trop divergentes 2
une moyenne globale a pu être calculée.

Le chiffre d’affaires par siège a été obtenu sur la base d’un « benchmark3 » réalisé auprès
des futurs concurrents du projet «Heol ».

Comparaison des ratios

• Le coût moyen des charges d’exploitation : 0.78 € / 1 € de CA

• L’ EBE moyen : 0.22 € /1 € de CA
• Charges externes et autres charges : 0.37 € / 1 € de CA

La comparaison des ratios

Echantillon Projet Heol

Coût moyen des charges d’exploitation pour un euro de CA
0.78 € 0.58 €
généré
EBE moyen pour un euro de CA généré 0.22 € 0.42 €
Charges externes et autres charges pour un euro de CA 0.37 € 0.19 €
Chiffre d’affaire/siége 2400 € 5800 €

La différence notable constatée sur les quatre ratios interroge et remet probablement en
cause la viabilité des éléments de ratio manipulés pour l’établissement du prévisionnel du
projet à savoir :

• Le chiffre d’affaires qui est la résultante des tarifs pratiqués et de la fréquentation.

1Sur la base de travaux réalisés sur la base de données entreprises « Diane » du bureau Van Dyck
2Valeurs situées à plusieurs écarts type des valeurs moyennes centrales
3Examen du chiffre d’affaires rapporté à l’offre en sièges

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 • Les charges d’exploitation qui sont probablement sous estimées et dont la diminution
par la baisse du poste « carburant » (lié à la propulsion mixte) semble exagérée (un
passage de 0.37 € à 0.19 € signifie que la moitié des trajets en distance soit effectuée
en propulsion électrique avec un coût d’exploitation valorisé à 0 € )
• L’EBE qui en toute logique se trouve majoré suite à la diminution du poste des
charges et fausse également une capacité de remboursement des emprunts.

Sur ces bases constatées il paraît légitime de s’interroger sur la viabilité économique du
projet tel qu’il est présenté. Afin de ne pas obérer la capacité de réalisation d’un tel
programme qui est porteur de développement il nous est apparu opportun de réexaminer les
élèments d’investissement au vu des différents éléments de ratio que nous avons mobilisés.

L es élements d’investissement et d’exploitation

En se basant sur un ratio de 2500 € de CA par siège on aboutit à un CA prévisionnel pour la

première année d’exercice de 150 000 €, sur les bases d’un tarif à 27 € celà induit une
fréquentation de 5555 pax annuels.

Ce scénario de 150 K€ peut induire à son tour 33 K€ d’ EBE qu’il est souhaitable de
confronter aux annuités de remboursement générées par un emprunt .

Selon le porteur de projet les emprunts en cours de négociation se sont établis sur la base
d’un capital emprunté de 800 K€ répartis entre deux organismes de financement, la durée
est de 12 et 15 ans , le taux de 5.2 %. Il faut y rajouter la garantie d’Oséo 0.7 % qui sera
négligée dans la suite des estimations.

Les simulations d’annuité d’emprunt figure dans le tableau à suivre

Capital
annuité d'emprunt Durée taux
emprunté
-49 548,31 € 500 000 € 15 ans 5,42%
-59 457,97 € 600 000 € 15 ans 5,42%
-69 367,64 € 700 000 € 15 ans 5,42%
-79 277,30 € 800 000 € 15 ans 5,42%

Il apparaît que les 33 K€ d’ EBE ne permettent pas de financer 500 K€ de capital emprunté,
montant qui est inférieur au simple devis de construction du navire.

Le chiffre d’affaires constitue donc la variable d’ajustement du projet.

Sur les bases du ratio d’EBE dégagé et d’une variation des tarifs et de la fréquentation
annuelle il nous est apparu opportun de calculer les fourchettes de viabilité du projet.

Solde EBE EBE EBE EBE EBE EBE Capital

Tarif + % Tarif base € Annuité
disponible 10000 pax 9000 pax 8000 pax 7000 pax 6000 pax
27 5,94 59 400 53 460 47 520 41 580 35 640 -49 548,31 € 500 000 €
3,70 28 6,16 61 600 55 440 49 280 43 120 36 960 -59 457,97 € 600 000 €
7,41 29 6,38 63 800 57 420 51 040 44 660 38 280 -69 367,64 € 700 000 €
11,11 30 6,6 66 000 59 400 52 800 46 200 39 600 -79 277,30 € 800 000 €
14,81 31 6,82 68 200 61 380 54 560 47 740 40 920
18,52 32 7,04 70 400 63 360 56 320 49 280 42 240
22,22 33 7,26 72 600 65 340 58 080 50 820 43 560
25,93 34 7,48 74 800 67 320 59 840 52 360 44 880
29,63 35 7,7 77 000 69 300 61 600 53 900 46 200

1. Aucun tarif compris entre 35 € et 27 € appliqué à 10 000 passagers annuels ne

permet d’assurer le remboursement d’un capital de 800 000 €

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 2. Des tarifs compris entre 32 € et 35 € appliqués à 10 000 passagers annuels
permettent d’assurer un remboursement d’emprunt de 700 000 €

3. Des tarifs compris entre 27 € et 35 € appliqués à une fréquentation de 10 000

passagers annuels permettent d’assurer le remboursement de 600 000 €.

4. Des tarifs compris entre 27 € et 35 € et une fréquentation comprise entre 9 000 et

10 000 passagers annuels permettent d’assurer le remboursement de 500 000 €.

La valeur cible d’emprunt, au vu des conditions tarifaires prédeterminées, semble se situer

autour de 600 000 € - 500 000 € sous réserve que la fréquentation soit comprise entre 9000
et 10 000 passagers ce qui induit un CA annuel compris entre 243 K€ et 270 K€ soit un CA
par siège de 4 K€ qui est encore supérieur aux 2.5 K€ constatés chez les concurrents.

Selon les chiffres constatés dans l’échantillon national et suite à un examen des offres
capacitaires proposées, la capacité d’accueil passagers des projets récemment sortis
semble avoir un seuil déterminant autour de 120 à 180 sièges.

Cette calibration augmente sensiblement les coûts afférents à la construction et à

l’exploitation du navire mais procure lors des fortes périodes de fréquentation (taux
d’occupation 100 %) une hausse significative du chiffre d’affaires qui permet d’amortir les
charges d’exploitation lors des épisodes de moindre fréquentation.

Ces différents constats nous ont incitéà mesurer l’intensité capitalistique de ce secteur
d’activité et ce au sein des entreprises recensées dans l’échantillon .Le rapport entre l’actif
brut immobilisé et le chiffre d’affaires généré peut fournir des échelles de valeur
intéressantes à considérer dans de tels projets.

Le ratio moyen AI/CA est de 1.27 pour une valeur max située à 2.6 .

En traduction : 1.27 € d’investissement est nécessaire pour générer 1 € de CA

Ce qui signifie en d’autres termes que sur la base des 2500 € de CA annuels constatés chez
les concurrents l’investissement pour un bateau de 60 places devrait être compris entre 390
K€ et 190 K€.

Ces estimations d’investissement excluent dans les deux cas l’achat de bateaux neufs pour
cette capacité de 60 places et reportent le choix sur des bateaux d’occasion à faible coût
(option constatée dans le Golfe du Morbihan).

Remarques conclusives.

En conclusion provisoire, la clef du problème se situe probablement au niveau des capacités

de transport proposées qui impactent à leur tour sur le niveau de CA pouvant être réalisé et
donc sur le modèle économique global.

Au vu des ces éléments la calibration du projet est donc probablement à reconsidérer afin de
s’assurer de sa viabilité économique.

Considérant l’intérêt de la thématique traitée à travers le concept du projet Heol,il nous paraît
opportun d’ouvrir une discussion permettant de reconsidérer les contours du projet tout en
préservant la dynamique enclenchée.

Jean-Jacques Le Norment ( en collaboration avec Yann Dollo- CCI Morbihan)

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