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Déviance et société

La fraude à l'assurance et sa prévention par les compagnies


privées
Jean-Luc Bacher

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Bacher Jean-Luc. La fraude à l'assurance et sa prévention par les compagnies privées. In: Déviance et société. 1995 - Vol. 19
- N°2. pp. 185-200;

doi : https://doi.org/10.3406/ds.1995.1572

https://www.persee.fr/doc/ds_0378-7931_1995_num_19_2_1572

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Abstract
The author proposes an examination, based on empirical data collected from courts, Swiss and
Canadian insurers and organizations dedicated to fraud prevention, of the means activated by private
insurance companies to combat insurance fraud. After firstly having depicted the prevailing situation in
Switzerland and Canada, the author then uncovers the basic tenets of the insurance companies'
general policies regarding private security in the two countries. The author then tries to discover the
guiding logic of the companies and to assess it when compared to the one governing the judicial
system. Finally, the author suggests some adaptations that seem necessary to overcome the
inconsistencies between the two.

Zusammenfassung
Die vorliegende empirische Untersuchung beruht auf Daten aus Gerichtsverfahren, von schweizer und
kanadischen Versicherungsuntemehmen sowie von Einrichtungen, die sich der Betrugsprävention
widmen. Ziel der Studie ist die Untersuchung der Mittel, die private Versicherer im Kampf gegen
Versicherungsbetrug einsetzen. Nach einer Beschreibung der allgemeinen Situation in beiden
Ländern, befasst sich der Autor mit den Grundlinien der Sicherheitspolitik von
Versicherungsunternehmen. Sodann wird versucht, die der Politik zugrundeliegende Logik
nachzuzeichnen und diese mit derjenigen des justiziellen Systems zu vergleichen. Schliesslich schlägt
der Verfasser einige Anpassungen vor, die zur Überwindung von Unvereinbarkeiten zwischen beiden
Systemen notwendig erscheinen.

De auteur stelt een onderzoek voor naar de middelen die door de private verzekeringsinstelligen
ingezet worden in de strijd tegen de verzekeringsfraude. De analyse is gebaseerd op empirische
gegevens afkomstig van rechtbanken, Zwitserse en Canadese verzekeraars en organisaties belast met
fraudepreventie. Na eerst de bestaande situatie in Canada en Zwitserland beschreven te hebben, gaat
de auteur op zoek naar de basisprincipes van het beleid van verzekeringsmaatschappijen inzake
private beveiliging in die twee landen. Vervolgens tracht de auteur de leidende logica van deze
maatschappijen te achterhalen en deze te beoordelen in vergelijking met de logica van het gerechtelijk
systeem. Tot slot stelt de auteur enkele aanpassingen voor die noodzakelijk blijken om de
onverenigbaarheden tussen deze beide te overbruggen.
Déviance et Société, 1 995, Vol. 19. No 2, pp. 185-200

LA FRAUDE À L'ASSURANCE ET SA PRÉVENTION


PAR LES COMPAGNIES PRIVÉES

J.L. BACHER*

L'auteur s'attache à examiner, sur la base de données empiriques recueillies auprès de


tribunaux pénaux, d'assureurs suisses et canadiens ainsi qu'auprès d'organismes
spécialisés dans la lutte contre la fraude, quels sont les moyens mis en œuvre par les assurances
privées pour tenter de contrer l'escroquerie à l'assurance. Après avoir, dans un premier
temps, dépeint les situations respectives de la Suisse et du Canada, l'auteur s'efforce,
dans un deuxième temps, de dégager les lignes directrices de la politique générale de
sécurité privée mise en place par les compagnies d'assurances des deux pays. Il tente de
comprendre quelle est la logique régissant cette politique et si elle est susceptible de
s'accorder avec la logique qui caractérise les institutions pénales. Pour terminer, l'auteur
évoque quelques aménagements lui semblant s'imposer pour surmonter les
incompatibilités lui étant apparues.

La prévention du crime par les compagnies d'assurances est un large thème recouvrant
avant tout la prévention mise en œuvre par les compagnies contre la criminalité qui vise
directement leurs clients et qui ne les atteint que de manière indirecte. Pour donner quelques
exemples de cette délinquance, on peut notamment citer le vol1, le vol d'usage, le brigandage,
la fraude ou l'abus de confiance qui représentent autant de risques contre lesquels il est
possible de s'assurer. Il est toutefois d'autres infractions qui devraient inciter les compagnies
d'assurances à déployer des efforts particuliers de prévention: ce sont les infractions qui les
visent directement. Et s'il est parmi ces infractions un crime qui concerne les assurances au
premier chef, c'est bien la fraude à l'assurance dès lors que cette infraction vient précisément
s'inscrire dans l'essence même de ce que sont les activités des compagnies.
La fraude à l'assurance n'est généralement pas consacrée en tant que telle par le droit
pénal. En effet, que ce soit en France, en Allemagne, en Suisse ou au Canada, la fraude à
l'assurance n'est, juridiquement parlant, qu'une escroquerie parmi tant d'autres et ne fait
donc pas l'objet d'une disposition particulière.
Une des principales caractéristiques de la fraude à l'assurance tient au fait qu'au delà
des compagnies, elle atteint aussi les assurés dans leur ensemble. En effet, puisque le
volume de la fraude influe directement sur le volume des prestations allouées et que du
volume de ces prestations dépend la somme des primes devant être perçues, la fraude à
l'assurance et sa prévention doivent intéresser les compagnies aussi bien pour elles-
mêmes que pour la clientèle dont elles dépendent.
Mais il est encore d'autres motifs de croire que la fraude à l'assurance mérite qu'on s'y
attarde quelque peu. Nous pensons en particulier au volume de la fraude que les assureurs
occidentaux s'accordent à considérer comme fort important. Bien que, de leur propre aveu,

Faculté de droit, Université de Fribourg, Suisse.


A ce risque ainsi qu'à la branche d'assurance y relative, André Lemaître consacre, dans la seconde
partie de sa récente thèse de doctorat intitulée Assurance et criminalité: gérer et prévenir, une étude très
complète.
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les assureurs ne disposent pas de chiffres précis (Voûte, 1987, 2), dans bon nombre de pays
des estimations ont été faites. En 1989, la fraude à l'assurance aurait atteint aux Etats-Unis la
somme de 17 milliards de dollars (Mooney, Salvatore, 1990, 4). En France, la fraude
absorberait annuellement 9 milliards de francs (Peres, 1989, 32). Au Canada, les assureurs estiment la
fraude à plus d'un milliard de dollars par année (doutier, 1992, 239) et en Allemagne la
fraude est estimée à 3 milliards et demi de marks (Wittkâmper, Wulff-Nienhûser, Kammer,
1990, 3). En Suisse, où les assureurs craignent énormément d'avancer des chiffres, la fraude
représenterait environ 10% des prestations d'assurance (Teuber, 1992, 50).
Avant d'aborder la question de sa prévention, il convient encore de noter que la
fraude à l'assurance est une infraction polymorphe. Elle peut intervenir au moment de la
souscription d'un contrat d'assurance et prend alors le plus souvent la forme de fausses
déclarations relativement aux circonstances permettant à l'assureur d'apprécier l'ampleur
du risque. Pour désigner ce genre d'attitude, les assureurs parlent de réticence2.
L'escroquerie peut intervenir postérieurement à la conclusion du contrat et elle est alors
susceptible de prendre notamment la forme d'une déclaration de sinistre mensongère quant aux
circonstances de celui-ci. Songeons par exemple au vol dont il est dit qu'il s'est produit
avant l'échéance de la police d'assurance alors qu'il s'est produit après l'extinction du
rapport contractuel entre l'assureur et son client. La circonstance mensongère qui est
vraisemblablement la plus fréquente porte sur l'ampleur du sinistre annoncé, nombre
d'assurés véritablement sinistrés exagérant l'ampleur des dommages qu'ils ont subis. Signalons
encore la tromperie consistant à déclarer un sinistre qui, de fait, ne s'est jamais produit.
Parmi les fraudeurs à l'assurance, on retrouve donc des escrocs de qualités et de dan-
gerosités les plus diverses. Sous la même dénomination sont regroupés tout à la fois celui
qui parvient à conclure une assurance-vie en taisant son mauvais état de santé, celui qui
obtient une indemnité pour un vrai vol dont il est tu qu'il ne se serait pas produit sans
négligence de sa part, celui qui réclame des prestations pour un sinistre qui n'a pas eu lieu,
celui qui grossit l'importance d'un sinistre bien réel et celui qui tue sa femme sur la tête de
laquelle était conclue une assurance-vie dont il est le bénéficiaire.
Face à la fraude, les compagnies sont structurellement équipées. Disposant en effet de
services chargés de sélectionner la clientèle potentielle ainsi que de services des sinistres
qui ont, entre autres, pour mission d'examiner le bien-fondé des déclarations de sinistre
leur étant soumises, les compagnies sont pourvues d'un système immunitaire naturel.
Plutôt que de décrire ici les fonctionnements de ce système, nous avons pris le parti
d'examiner quels sont les moyens qui sont expressément mis en œuvre par les compagnies
pour prévenir la fraude et qui viennent s'ajouter à leur prévention naturelle. Et c'est en
particulier au travers de deux exemples nationaux que nous avons choisi d'aborder la question:
celui de la Suisse et celui du Canada. Ces deux pays ont des assurances qui sont
fondamentalement comparables dès lors que, dans l'un comme dans l'autre, l'Etat, qui n'a pas de
participation dans les compagnies privées, n'est pas partie prenante aux choix fondamentaux de la
politique menée par les différentes compagnies. Aussi, face au crime, les compagnies privées
ont-elles toute latitude3. Toutefois, bien que comparables, les situations canadienne et suisse
sont très différentes entre elles dès lors que, comme nous le verrons, un pays est parmi les

Notons que toute réticence n'est pas forcément dolosive et que, pour pouvoir qualifier d'infraction la
seule obtention de couverture d'assurance en s'aidant de mensonges, il faut que le droit pénal étende, à
l'instar du droit suisse, sa protection du patrimoine à la simple mise en danger dolosive de celui-ci.
Ce qui n'est pas le cas notamment des compagnies françaises où le gouvernement est en situation
d'obtenir, de l'intérieur, que ses attentes en matière de politique criminelle soient prises en compte par
les entreprises qu'il co-détient.
Bâcher, La fraude A l'assurance et sa prévention 1 87

plus développés en matière de lutte contre la fraude tandis que l'autre en est encore aux
balbutiements en ce domaine. A ce titre, les exemples choisis illustrent fort bien la disparité
existant entre les moyens mis en œuvre dans les différents pays (voir Lemaître, 1993, vol. 1, 64).
Sur le plan méthodologique, nous nous appuyons sur des données recueillies au cours
d'une recherche empirique conduite à l'occasion de la préparation de notre thèse sur
l'escroquerie à l'assurance. Cette recherche comporta essentiellement trois démarches distinctes.
La première fut d'extraire, pour une période de dix ans, toute l'information contenue dans les
dossiers judiciaires des tribunaux pénaux de première instance du canton suisse de Fribourg,
qui comporte une population d'environ 190 000 habitants. Il nous fut possible de retrouver
45 dossiers sur les 50 affaires de fraude à l'assurance qui avaient donné lieu à un jugement
durant la décennie considérée. Pour en retirer toute l'information disponible, nous avons eu
recours à une grille de cueillette des données: pour chaque dossier nous avons rempli un
exemplaire de la grille au fur et à mesure que nous en prenions connaissance.
La seconde démarche, réalisée en 1992, consista en deux séries de vingt entrevues
dirigées avec des directeurs d'agence et/ou de service des sinistres, œuvrant pour le compte
d'une compagnie d'assurances. Pour la première série, nous avons choisi les compagnies,
au hasard, dans quatre cantons différents (Fribourg et trois cantons limitrophes). La
particularité de ces compagnies est qu'elles ont, parmi leurs clients, des assurés qui, compte tenu
de leur lieu de domicile (sur le sol fribourgeois), seraient, en cas d'escroquerie, jugés par les
tribunaux dont nous avons consulté les dossiers. Cela dit, il n'y a pas parfaite coïncidence
entre la clientèle des agences dont nous avons rencontré les responsables et le bassin de
population auquel appartiennent les fraudeurs dont nous avons pu consulter le dossier
judiciaire. Quoique relativement regrettable, cela fut inévitable. La raison principale en est
que certaines compagnies d'assurance centralisent, dans un canton, le traitement des cas de
sinistre des agences de plusieurs cantons. Les compagnies de la seconde série ont été
choisies au hasard de la liste des compagnies installées à Montréal, au Canada. Dans les deux
pays, nous avons fait usage, lors de nos entrevues, d'un même questionnaire, à cette
différence près que les questions faisant référence aux dispositions légales, civiles et pénales
applicables à la fraude étaient adaptées aux législations locales de chacun des deux pays.
Nous avons conduit nous-même les entrevues avec les assureurs. Aucun d'entre ceux que
nous avons rencontrés n'a refusé de répondre à quelque question. Le questionnaire en
comportait environ Imitante, réparties en cinq rubriques: des questions préliminaires
d'ordre général, des questions relatives à la perception qu'a l'assureur interrogé du
phénomène de la fraude à l'assurance, des questions relatives à la perception qu'a l'assureur de la
vulnérabilité de sa compagnie, des questions relatives à la politique des compagnies
d'assurance face à la fraude et des questions portant sur l'évolution prévisible du système de
l'assurance privée. Certaines questions appelaient une réponse chiffrée; d'autres, plus
ouvertes, avaient pour but de nous fournir des données qualitatives.
La troisième démarche fut de conduire des entrevues, à Montréal, avec des
responsables du service anti-crime des assureurs (SACA), avec la direction du Bureau
d'assurance du Canada (BAC), avec la responsable de son service juridique ainsi qu'avec bon
nombre de ceux qui, en leur qualité de chercheur ou de professionnel de l'assurance,
avaient pris une part active au colloque organisé le 26 février 1992, à Montréal et consacré
à la fraude à l'assurance. Le contenu de ces entrevues fut fonction de la qualité de
l'interlocuteur, de ses compétences et, le cas échéant, de la teneur de ses écrits sur la fraude.
Notre recherche empirique fut aussi ouverte que possible car notre intention fut, dès
le début, de procéder à une étude essentiellement exploratoire de la fraude à l'assurance.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous n'avons pas procédé à une sélection préalable
de l'information que les dossiers judiciaires étaient susceptibles de nous fournir. Plutôt
que de chercher à vérifier des hypothèses, nous avions pour projet de décrire le fraudeur,
1 88 Déviance et Société

la fraude et les réactions qu'elle suscite, avec pour idée première de tirer de nos données
un maximum d'information et de dégager d'éventuelles tendances, comme ambition
seconde d'évaluer les effets de la fraude et la manière dont y répondent les assureurs et,
pour intention ultime, d'ébaucher quelques propositions de politique criminelle.
Nos sources comportent d'évidentes limites. Pour ce qui est, par exemple, des données
tirées des dossiers judiciaires, elles ne rendent compte de la judiciarisation de la fraude à
l'assurance que d'un canton dont la population représente environ 3% de la population
suisse. Cela dit, elles portent sur la quasi totalité de la population qui nous intéressait
puisque nous sommes parvenus à retrouver neuf dossiers judiciaires sur dix. Les données
obtenues par le biais des sondages auprès des assureurs ne permettent pas de tirer des
conclusions définitives sur l'attitude générale des assureurs dans les deux pays dont ils sont
issus. Toutefois, elles permettent d'esquisser des attitudes qui, nonobstant Péloignement
géographique des lieux dans lesquels elles ont été mises à jour, sont au moins susceptibles
d'être comparées entre elles. Elles émanent en outre d'individus dont la position dans les
entreprises qui les occupent fait qu'ils nous ont généralement paru très bien informés des
pratiques et des attitudes de leur compagnie et relativement bien informés des attitudes de
l'industrie de l'assurance dans son ensemble. Nos entrevues avec les responsables de ces
organismes nationaux que sont le BAC et le SACA nous ont permis de recueillir beaucoup
d'information relative à la situation canadienne dans son ensemble, information qui, dans
le cas du BAC par exemple, était le fruit d'un grand travail de documentation.

I. Le cas de la Suisse

1. Situation générale
Dans ce pays, les assurances tiennent une importance considérable. En 1992, les
compagnies d'assurances employaient 50 000 personnes sur une population totale de six
millions et demi. En 1991, elles ont encaissé pour 27 milliards de francs de primes, ce qui
représente plus de 4 100 francs suisses par personne, toutes classes d'âge confondues.
Bien que devant consacrer 15% de son budget aux assurances totalement ou
partiellement obligatoires, le Suisse moyen dépense encore, de son plein gré, 2% de plus en assurances
facultatives. La Suisse est considérée comme la championne du monde, toutes catégories, de
l'assurance. Les assurances helvétiques se portent mieux encore que les banques.
Alors que la Suisse connaît un système économique fondé sur la libre entreprise et
l'économie de marché, les assurances privées de ce pays ont très longtemps fonctionné en
cartels. En effet, jusqu'en 1989, date à laquelle les assurances se sont vu intimer l'ordre
gouvernemental de démanteler les cartels, les assurances pratiquaient des tarifs
uniformes. Empêchant ainsi que les primes soient fixées selon les lois du marché, les
compagnies s'assuraient une marge bénéficiaire suffisamment substantielle pour ne pas juger
nécessaire de comprimer les dépenses par une politique concertée de prévention de la
fraude. En outre, les assureurs suisses ont longtemps pensé que la fraude était rare et qu'il
était donc peu utile de se doter de moyens préventifs spéciaux. Cela dit, les assureurs
suisses ne sont pas totalement dépourvus de moyens préventifs face à la fraude, comme
nous allons le voir ici.

2. Prévention mise en œuvre

Des résultats de l'enquête effectuée par nos soins, en 1992, auprès d'assureurs suisses,
il ressort notamment les éléments d'information suivants:
Bâcher, La fraude A l'assurance et sa prévention 189

La moitié des personnes interrogées reconnaissent que les contrats d'assurance de leur
compagnie ne comportent aucune clause dont la finalité serait exclusivement de prévenir la
fraude. Quant aux autres, elles se contentent de citer des clauses contractuelles qui
renvoient aux dispositions légales de droit privé prévues par la loi fédérale sur les contrats
d'assurance. A la lecture de cette loi, on s'aperçoit qu'une seule disposition, l'article 40,
sanctionne, civilement, la déclaration de sinistre dolosive mais que la loi règle aussi quelques
situations, comme l'aggravation du risque ou le retard dans la déclaration du sinistre, qui,
sans relever forcément de la fraude, constituent souvent les prémisses ou l'occasion de la
commission d'une fraude. Or, de l'aveu même des assureurs interrogés, les dispositions
légales qui leur permettent de se prémunir contre la réticence, le dol, les aggravations du
risque assuré ou contre les aggravations d'un sinistre réellement survenu sont ou ne sont pas
appliquées en vertu de considérations très diverses. Il est tenu compte notamment de
l'importance économique du client, des difficultés éprouvées antérieurement avec ce
dernier, de la gravité du cas, de l'opportunité d'un recours à la loi, des circonstances
commerciales, de l'importance du sinistre, de l'attitude du client ou de ses conditions sociales. Ces
éléments et critères les plus divers font en définitive que les clauses contractuelles et les
dispositions légales par l'application desquelles les assureurs devraient limiter les occasions de
frauder, et donc prévenir la fraude, sont très irrégulièrement mises en œuvre.
De l'ensemble des entretiens que nous avons eus avec les assureurs suisses, nous
sommes sorti avec la conviction qu'ils croient la loi et les contrats d'assurance fort mal
compris du grand public, qu'ils éprouvent eux-mêmes des difficultés à les expliquer et
qu'ils évitent en conséquence de susciter du mécontentement et de la frustration en les
appliquant à la lettre. Les assureurs craignent en effet de gâcher leur image de marque
auprès du public par une application trop rigoureuse du droit, qui est souvent perçu
comme le deus ex machina permettant toujours à la compagnie d'échapper à ses
engagements.
85% des assureurs interrogés avouent ne conduire aucune prévention contre la fraude
par une information ad hoc de la clientèle. Pour expliquer ce désengagement, il est utile
de savoir qu'une minorité (38%) des assureurs croit la prévention rentable et que la
majorité (57%) craint les nuisances de la prévention qu'elle estime incompatible avec une
bonne image de marque de la compagnie.
Il reste toutefois que les assureurs suisses consentent un certain effort préventif en
faisant usage de leur «système central d'information». Ce système n'est autre qu'un
fichier informatisé dans lequel sont enregistrés les preneurs d'assurance et assurés
s'étant rendus coupables, relativement à un contrat d'assurance ou à un cas de sinistre,
d'abus de confiance, de recel, d'escroquerie, de gestion déloyale ou de faux. Les
individus coupables de tentative, d'instigation ou de complicité relativement à l'une de ces
infractions sont aussi enregistrés. Il y a deux ans, figuraient encore au fichier les cas
douteux de sinistre. Cette catégorie a toutefois été supprimée pour des raisons de
protection des données.
Le système central d'information permet théoriquement aux assureurs d'éviter de
prendre pour clients des personnes représentant un risque moral particulier, soit un fort
risque de commettre une nouvelle infraction au détriment d'une compagnie. De fait, la
valeur préventive d'un tel fichier est très discutable dans la mesure où les assureurs ne
connaissent pas le taux de récidive des délinquants enregistrés. Autrement dit, il n'est pas
certain que le fichier incite les compagnies à se montrer prudentes vis-à-vis de ceux qui
sont les plus susceptibles de commettre des infractions à leur détriment. Toutefois, le
fichier permet au moins d'identifier, parmi tous ceux qui sont enregistrés, les individus qui,
s'étant déjà exposés à plusieurs condamnations, ont fait la preuve de leur propension
personnelle à violer la loi en dépit de sanctions antérieures.
1 90 Déviance et Société

En principe, le fichier est alimenté et utilisé pas tous les assureurs. Comme il est
cependant informatisé depuis peu et que nous ne savons rien du zèle avec lequel les assureurs
l'alimentent, il est très difficile de juger de son efficacité.
La prévention de la fraude dépend aussi de la détection et de la répression de cette
infraction dans la mesure où la répression peut avoir des effets dissuasifs sur les fraudeurs
potentiels. En Suisse, la détection de la fraude incombe encore quasi exclusivement aux
services des sinistres des compagnies. Rares sont celles qui se sont dotées de spécialistes
de la fraude. Il n'y en a que deux à ce jour. Les assureurs ont toutefois récemment annoncé
à grands renforts d'articles divers qu'ils allaient recourir aux services d'un réseau d'une
dizaine de détectives privés pour les aider dans leur tâche. Mais pour l'instant, rien ne
permet de dire quelle sera l'efficacité de ce réseau, ni surtout dans quelle mesure les
compagnies d'assurances feront appel à ses services.
Pour ce qui est de la collaboration des assureurs avec la police, elle est peu structurée
puisqu'elle ne donne lieu qu'à une concertation informelle qui tient principalement aux
relations personnelles existant entre certains policiers et certains employés de services
des sinistres. Le caractère informel de tels contacts comporte sans doute des avantages,
comme celui de permettre aux assureurs d'accéder occasionnellement à des informations
que la police n'est pas censée divulguer. Cela dit, en France, les assureurs ont fait la
preuve qu'il était possible d'instaurer très officiellement une bonne collaboration entre
les assureurs et la police. C'est ainsi que le ministère de l'Intérieur français a détaché un
commissaire de police auprès de l'Agence pour la lutte contre la fraude à l'assurance
(ALFA), une association à but non lucratif, dont les tâches sont notamment de détecter
la fraude, de la prévenir et de favoriser la réflexion sur le problème de la fraude. Ce
commissaire, qui sert d'intermédiaire officiel entre les compagnies d'assurances et la police
judiciaire, a aussi pour mission de détecter des crimes et des délits sur la base des
informations transitant par ALFA et de celles émanant des banques de données de la police.
Le président d'ALFA a pu dire à son propos qu'il a permis des avancées très concrètes
dans la voie d'une collaboration sérieuse, non seulement dans le domaine proprement dit
de l'enquête, mais également en matière de prévention, de formation et d'information.
(Florin, 1990, 198). En bref, on peut constater que le système français est très riche
d'enseignements en ce qu'il démontre qu'une collaboration officielle entre police et
assureurs permet aux deux interlocuteurs de faire un travail beaucoup plus suivi et
coordonné, sans qu'ils aient à se demander constamment où se situent les limites légales
d'une collaboration purement informelle.

3. Prévention d'avenir

A la teneur des propos que nous avons recueillis auprès des assureurs suisses, nous
avons pu constater qu'ils envisagent d'apporter à la fraude les remèdes les plus divers.
De l'avis de certains, il faudrait cesser de couvrir les risques les plus exposés à la
fraude, comme c'est notamment le cas du vol simple (sans effraction) ou de l'assu-
rance-parking qui couvre les dégâts causés aux véhicules à moteur en stationnement.
D'aucuns préconisent la généralisation du système dit du bonus-malus qui consiste à
fixer les primes en fonction des sinistres antérieurs de l'assuré et qui permet d'exiger
davantage de primes de celui qui a eu le plus de sinistres.
Certains assureurs avancent l'idée de généraliser les franchises pour décourager ceux
qui sont prêts à frauder mais qui n'osent pas aller au delà de certaines sommes. Grâce au
système de la franchise, les assureurs seraient au moins dispensés d'avoir à traiter de cas
de sinistres dont le faible enjeu maintient très bas le seuil de non-rentabilité des enquêtes.
Bâcher, La fraude A l'assurance et sa prévention

D'autres assureurs suggèrent des mesures de prévention d'ordre technique. C'est


ainsi qu'en matière d'assurance automobile, l'idée a été lancée de faire obligation aux
propriétaires de véhicule de faire tatouer leur auto.
La grande diversité des solutions proposées par les assureurs témoigne de ce qu'ils
réfléchissent au problème de la fraude mais également de ce que la réflexion se fait
sans concertation, sans souci de coordination entre les compagnies et sans fondement
scientifique. Pour l'instant, les assureurs en sont encore au stade des «bonnes idées»
plus ou moins personnelles, ce qui explique qu'en l'état actuel de la réflexion, les
solutions qu'ils proposent soulèvent encore beaucoup de questions très importantes que
l'on ne saurait éluder.
Ainsi, par exemple, avec le système du bonus-malus, outre que l'on risque de taxer et
la malchance et la fraude dans un seul et même mouvement, ne va-t-on pas accréditer
l'idée qu'il suffit de payer des primes en suffisance pour gagner le droit de frauder? De
plus, ce système, qui sanctionne la malchance, est-il vraiment compatible avec le projet
premier de l'assurance qui est précisément de venir en aide aux individus les moins
favorisés par le sort?
Quant à la généralisation de la franchise, ne risque-t-elle pas de susciter un certain
nombre de fraudes de la part de ceux qui la ressentent comme une injustice et qui sont
tentés d'y réagir par une adaptation à la hausse de leurs prétentions ?
Malgré les quelques idées qui sont émises isolément par les organes responsables des
compagnies, les assureurs sont peu enclins à mettre leurs efforts en commun pour tenter
de trouver de meilleurs moyens de lutte contre la fraude.
Pour ce qui est de la seule véritable nouveauté récemment mise sur pied et annoncée
à grands renforts de publicité par les assureurs, - la création d'un réseau de détectives
privés -, il y a peu de chances qu'elle joue un rôle déterminant. Les détectives rendent en
effet des services plutôt onéreux, ce qui laisse à penser qu'on ne fera appel à eux que dans
quelques rares cas d'une particulière importance4.
Même si les assureurs, par l'intermédiaire de leur centre d'information, ont
récemment fait savoir à la presse qu'ils entendaient revoir leur stratégie face à la fraude, le
directeur adjoint dudit centre en était encore à envisager de lancer une campagne
d'information qui pourrait se faire sous la forme d'une brochure5.
Dès lors, si les assureurs suisses accordent aujourd'hui à la fraude la gravité et
l'ampleur qu'ils prétendent, il est pour le moins remarquable qu'ils n'aient pas mis plus de
moyens en commun pour se prémunir contre cette infraction et qu'ils ne soient pas
parvenus à unir leurs forces de manière plus significative.
A nos yeux, si tant est que les assureurs vont se doter de moyens préventifs
supplémentaires, leur attitude actuelle laisse présager que cette dotation va sans doute se faire
individuellement, pour chaque compagnie séparément. Et cette perspective nous paraît
d'autant plus prévisible que la récente décartellisation de l'industrie de l'assurance suisse
va très certainement durcir encore la mentalité du «chacun pour soi».

Lors d'un entretien, que nous avons eu, en 1992, avec l'un des membres du réseau alors en gestation, le
détective nous a appris que lorsqu'il avait eu à travailler sur des cas de fraude à l'assurance, il s'était en
général agi d'infractions en série, commises par des organisations criminelles internationales.
Les compagnies vont intensifier la lutte contre les fraudeurs, Journal de Genève et Gazette de
Lausanne, 1993, 21 juin, 17.
192 Déviance et Société

IL Le cas du Canada

1. Situation generate

Au contraire de la Suisse, le Canada n'a jamais eu d'organisation cartellaire en matière


d'assurance. La concurrence y est très vive. Chaque année, des compagnies doivent mettre la
clé sous le paillasson. Au Canada, la fraude est perçue comme un phénomène important
depuis longtemps déjà. Depuis 1923, les assureurs canadiens sont organisés pour lutter contre
la criminalité. Ils bénéficient, en commun, de différents services d'investigation qui sont
financés par les compagnies, tout en étant organiquement distincts de celles-ci. En 1923 a été
créé le Fire Underwriters' Investigation Bureau qui est spécialisé en matière d'incendies puis,
en 1926, le Canadian Automobile Theft Bureau qui est spécialisé dans le vol de véhicules.

2. Prévention collective

Ces services sont aujourd'hui chapeautés par le SACA. Près de 190 compagnies y ont
adhéré. Le SACA emploie environ 200 personnes dont une soixantaine d'agents spéciaux
formés à la fois aux méthodes d'enquêtes policières et à celles de l'assurance.
En 1991, le SACA a entrepris 3 480 enquêtes qui auraient permis aux assureurs de
réaliser une économie directe de 27,6 millions de dollars (Rapport annuel du SACA,
1991-1992, 19). Cette même année, 700 personnes auraient été traduites en justice grâce
au SACA (Rapport annuel du SACA, 1991-1992, 18).
Par l'ensemble de ses activités et pour la seule année 1991, le SACA aurait permis aux
assureurs d'épargner globalement la somme de 35,6 millions de dollars, ce qui représente
plus du triple du budget annuel de l'organisme (Rapport annuel du SACA, 1991-1992, 5).
Malgré ces quelques chiffres pour le moins impressionnants, le SACA est jugé assez
sévèrement par les assureurs canadiens. Au terme d'une enquête effectuée en 1991,
auprès d'assureurs canadiens, il s'est notamment avéré que, pour 55% des personnes
interrogées, le premier motif d'insatisfaction relativement aux enquêtes conduites par le
SACA tenait au délai dans lequel elles sont commencées, au manque de personnel et à la
surcharge de travail du SACA. Ce motif d'insatisfaction fut retenu comme second motif,
par ordre d'importance, par 27% des répondants et comme troisième motif par 25%
(Tremblay, Massé, Clermont, 1992, 198-199).
Parmi les quelques avantages que reconnaissent les assureurs au SACA, il y a l'accès à
l'information et la collaboration avec les services policiers. A propos de l'information
dont dispose le SACA, il faut mentionner des banques de données fort bien fournies qui
portent sur les automobiles, les sinistres et les personnes ayant déjà fraudé.
C'est en particulier à l'aide de ses banques que le SACA parvient à faire un certain
travail de prévention contre la fraude puisqu'elles lui permettent de prévenir la double
assurance et d'identifier les individus dont la fréquence des déclarations de sinistres
justifie des restrictions de couverture ou, du moins, la prise de certaines précautions. Le
SACA s'efforce en outre de faire de la prévention par de l'information au public, par la
publicité dont il entoure ses activités ainsi que par la tenue de conférences.
Le SACA démontre à quel point il est utile, en matière de prévention du crime, que
les compagnies d'assurances mettent leurs moyens en commun et là nous songeons en
particulier aux banques de données qui, pour être vraiment utiles doivent être alimentées par
un maximum de compagnies. Conscients qu'ils sont en outre de l'internationalisation
d'une certaine part des activités délictueuses, les responsables du SACA pratiquent
également l'échange d'informations avec leurs homologues américains.
Bâcher, La fraude à l'assurance et sa prévention 1 93

3. Prévention particulière

II n'empêche qu'au Canada il y a encore, malgré l'ancienneté et l'expérience des


institutions destinées à lutter contre la criminalité visant les assurances, des compagnies qui
se refusent à participer financièrement au SACA et qui se passent donc de ses services.
Ces compagnies comptent sur leurs propres forces pour lutter contre la fraude et elles
déploient, pour certaines d'entre elles, des stratégies préventives fort intéressantes. C'est
ainsi qu'une compagnie québécoise a introduit le dédommagement des assurés sinistrés
en nature. Celui qui, par exemple, s'est fait voler son téléviseur se le verra remplacer par
sa compagnie qui fait ainsi «d'une pierre trois coups»: premièrement, elle se distingue
des autres compagnies par un service personnalisé. Deuxièmement, elle épargne de
l'argent sur les téléviseurs qu'elle achète au prix de gros. Troisièmement, elle dissuade de
frauder tous ceux qui simulent un vol de téléviseur pour obtenir de l'argent.
En faisant cavalier seul, les compagnies qui ne participent pas au SACA rendent un
bien mauvais service à celui-ci. Privant en effet les banques du SACA d'une partie des
données qui lui seraient nécessaires pour avoir une connaissance exhaustive de la clientèle et de
ses sinistres, ces compagnies constituent des zones franches de la fraude où peuvent trouver
refuge ceux qui, par leurs agissements, risqueraient d'attirer l'attention du SACA en restant
client d'une compagnie lui étant affiliée et qui souhaitent plutôt échapper à son contrôle.
La situation canadienne nous enseigne donc que, dans un contexte de libre
concurrence entre les compagnies d'assurances, les intérêts communs à ce qu'une politique
préventive soit mise en œuvre se heurtent à la sauvegarde des intérêts particuliers de chaque
compagnie, malgré l'apparente efficacité des organes collectifs de prévention. Elle met en
évidence que, plus que toute autre entreprise préventive, c'est celle qui profite à sa propre
compagnie qui intéresse le plus l'assureur. La raison en est que, dans un cadre
économique de libre concurrence, il importe plus aux compagnies de prendre un avantage sur
les compagnies concurrentes que de se lancer dans une œuvre préventive profitant
invariablement à tous les assureurs.

III. Les constantes de la prévention

Bien qu'étant très différentes entre elles, les situations canadienne et helvétique nous
permettent malgré tout de dégager quelques constantes dans la politique préventive des
assurances privées qui ont la liberté de se mouvoir en ce domaine sans contrainte étatique.

1. Une prévention axée sur les effets de la fraude

Plutôt que les causes de la fraude, ce sont ses effets que les compagnies s'efforcent en
priorité de prévenir. Il ressort du sondage effectué en 1991 au Canada que la première
stratégie mise en œuvre contre la fraude consiste à hausser les primes d'assurances: sur les six
attitudes différentes qui ont été proposées à titre de réponse aux assureurs, 64% d'entre
eux ont affirmé que la hausse des primes était la première réaction des compagnies à une
progression anormale des fraudes à l'assurance, 8% ont dit que c'était la deuxième réaction
en importance et 8% que c'était la troisième (Tremblay, Massé, Clermont, 1992, 182). En
Suisse, la solution consistant à réagir à l'escroquerie par une hausse des primes s'imposait,
jusqu'il y a peu, d'autant plus naturellement que les assurances respectaient les ententes
cartellaires et que, s'interdisant de pratiquer des prix plus avantageux que ceux de la
concurrence, elles n'avaient pas pour objectif de réduire leurs coûts pour pouvoir faire à
194 Déviance et Société

leurs clientèles des conditions plus favorables que celles des autres compagnies. Les
assureurs considéraient donc qu'aussi longtemps qu'il leur suffisait d'augmenter les primes
pour couvrir les frais de la fraude, ils n'avaient pas intérêt à chercher d'autres moyens d'y
faire face (Schiess, 1992, 44).
A certains égards, ce système consistant à reporter sur la masse des assurés une très
large partie des frais occasionnés par la fraude ressemble fort à une assurance. Il s'agit
toutefois d'une assurance singulière: les bénéficiaires de la couverture sont les
compagnies mais les payeurs de primes sont les assurés. C'est ainsi que les assurances se couvrent
contre la fraude sans avoir à payer les frais de cette couverture. En d'autres termes, les
compagnies parasitent les assurances dont jouissent leurs clients pour se prémunir elles-
mêmes contre un risque qu'elles sont les seules à courir: celui d'être escroqué.
Pour ce qui concerne le système du bonus-malus, dont nous avons évoqué l'existence
plus haut, il apparaît comme une version plus subtile mais plus ambiguë du report des
coûts de la fraude sur l'ensemble des assurés: plutôt que d'atteindre tous les assurés sans
distinction, il pénalise plus particulièrement les fraudeurs et les malchanceux, sans
marquer entre eux de distinction.

2. Une prévention placée sous le signe de la rentabilité


Le fait de réagir à la fraude par une adaptation des primes répond le plus souvent à des
critères de rentabilité. Les frais d'enquête étant élevés, les compagnies craignent
systématiquement d'avoir à mettre en œuvre, contre la fraude, des moyens de prévention plus
onéreux que l'est la fraude elle-même. Les assureurs sachant fort bien que la majeure partie
des fraudes portent sur des sommes modiques, à leurs yeux il y a peu de moyens préventifs
dont les coûts sont indéniablement compensés par une diminution suffisante des abus.
L'attitude des assurances est particulièrement révélatrice en matière de détection de
la fraude: il est tout à fait évident, du point de vue des compagnies d'assurances, qu'une
fraude dont l'enjeu est de 1 000 francs ne justifie aucunement que soient entreprises des
investigations qui pourraient coûter le double.
Le sens de la rentabilité se manifeste aussi par la réticence des compagnies à se
montrer trop rigoureuses à l'égard des clients indélicats et plus particulièrement à l'égard des
clients les plus importants. Persuadées qu'une certaine tolérance, si ce n'est même une
certaine complaisance, à l'égard des fraudeurs peut leur valoir une meilleure image de
marque auprès du public, les compagnies d'assurances aiment donner d'elles l'image d'un
certain laxisme. Sur l'ensemble des assureurs suisses que nous avons entendus, seuls 57%
ont répondu affirmativement à la question de savoir s'ils jugeaient la prévention
compatible avec une bonne image de marque de la compagnie. Au Canada, planent aussi de
sérieux doutes quant à la rentabilité de la lutte contre la fraude dont il a été très justement
remarqué qu'elle engendre des bénéfices sociaux que les entreprises considérées de façon
individuelle peuvent difficilement internaliser (Dionne, Gibbens, Saint-Michel, 1992, 92).
Ainsi, il se pourrait bien que les assureurs canadiens qui n'ont pas adhéré au SACA ne
redoutent pas tant la cherté ou l'inefficacité des services de celui-ci que l'obligation qui est
faite à tous ses membres de partager entre eux les fruits de l'information recueillie par
l'organisation. Concrètement, sous l'angle de la compétitivité, est-il préférable, pour un
assureur, de connaître, avec la majeure partie des autres assureurs, un grand nombre de
fraudeurs contre lesquels il sera possible à tous de se protéger ou plutôt de connaître un
petit nombre de fraudeurs dont il sera le seul à pouvoir se prémunir des agissements
frauduleux et dont les activités à venir se feront au détriment d'autres assureurs?
En bref, on peut remarquer que la logique économique qui régit le fonctionnement de
ces sociétés commerciales que sont les compagnies d'assurances est, dans un certain
Bâcher, La fraude A l'assurance et sa prévention 195

nombre de cas de figure, incompatible avec les exigences d'une lutte coordonnée et
systématique contre la fraude. Mais c'est là un constat qui a déjà été fait avant nous. Parmi ceux
qui l'ont fait, il y a notamment Clarke qui va même jusqu'à diagnostiquer une
incompatibilité fondamentale entre un contrôle vigoureux de la fraude et l'objectif de profit poursuivi
par l'industrie de l'assurance, qui pousse à faire des affaires et à faire rentrer les primes
(Clarke, 1989, 18)6 .

3- Une privatisation du droit pénal

Un phénomène assez inquiétant en matière de fraude à l'assurance tient au fait que


les assureurs se servent beaucoup plus volontiers du droit pénal pour arriver, avec le
fraudeur présumé, à un accord négocié que pour réprimer la fraude dans le but de la prévenir.
Bien souvent, les assureurs préfèrent au procès un compromis lors de la négociation
duquel il n'est pas rare que les assureurs évoquent la possibilité d'une dénonciation pénale
dans le seul but de parvenir plus facilement à une entente. Si les assureurs suisses
admettent assez ouvertement qu'ils recourent régulièrement à ce genre de méthode, les
assureurs du Canada, dont l'article 141 du Code criminel sanctionne la composition avec un
acte criminel, reconnaissent plus difficilement la pratique de la négociation.
Les assureurs préfèrent la négociation à la dénonciation pénale pour plusieurs
raisons. La première raison est qu'il est parfois difficile pour la victime d'une fraude de
fournir au tribunal une preuve hors de tout doute raisonnable ou de nature à emporter la
conviction des juges, selon que l'on se trouve dans un système de common law ou de droit
continental. C'est ainsi qu'il est souvent plus facile pour la compagnie d'assurances abusée
de donner au fraudeur de sérieux motifs de la croire apte à démontrer qu'il y a eu fraude,
que de vraiment démontrer cette fraude conformément aux exigences fixées par la loi. La
seconde raison est que les assureurs tiennent souvent les procédures pénales pour peu
efficaces et peu rentables. La majorité des assureurs que nous avons interrogés en Suisse
estiment en effet que les procédures pénales leur font perdre du temps et de l'argent, et
qu'en outre le dépôt d'une plainte n'accroît pas leurs chances de recouvrer l'argent
escroqué. Si, de fait, le dépôt d'une plainte amène souvent l'assureur à dépenser beaucoup de
temps et d'argent, c'est certes parce que la fraude est parfois difficile à prouver et que le
procès peut s'avérer long et compliqué, mais plus encore parce que les assureurs ont le
souci de restreindre au maximum le risque d'être désavoués par un tribunal. A ce risque
est lié, à leurs yeux, celui de prêter le flanc à la critique qui aurait beau jeu de leur
reprocher leur acharnement sur des clients innocents. Etant ainsi très sensibles aux effets
néfastes des procédures pénales sur leur image de marque (Voûte, 1987, 5), les
compagnies, pour se faire une idée précise de leurs chances de voir aboutir leurs plaintes,
procèdent généralement, au préalable, à l'examen technique et juridique des cas dont il y a heu
de penser qu'ils sont frauduleux. Au terme de cet examen, soit elles constatent que le cas
n'est pas suffisamment clair et elles renoncent alors à le déférer à la justice, soit elles sont
en mesure de présenter aux autorités l'essentiel de ce qui est nécessaire pour établir la
commission d'une fraude et elles choisissent alors d'intenter un procès civil ou pénal.
Procédant de la sorte, les assureurs s'exposent souvent à des frais - notamment d'experts
et d'avocats - avant même de dénoncer la fraude à la justice mais elles vont rarement au-
devant d'un échec judiciaire. Les chances de succès des assureurs tiennent aussi au fait, en

A fundamental incompatibility between the profit-oriented objective of the insurance industry, in getting
business and generating premium income, and vigorous fraud control (traduction de la rédaction).
196 Déviance et Société

Suisse notamment, qu'ils sont connus pour être prudents et qu'ils confortent ainsi les
tribunaux pénaux dans l'idée qu'ils n'y recourent qu'à bon escient. En définitive, les coûteuses
précautions dont s'entourent les assureurs leur valent au moins une certaine crédibilité.
Elles contribuent en outre à les prémunir contre les risques d'une contre-attaque de la part
du fraudeur présumé. Nous songeons ici à la contre-plainte pour diffamation ou pour
dénonciation calomnieuse. C'est là un risque dont les assureurs redoutent aussi bien les
retombées publicitaires négatives que les coûts de procédure. Pour nous convaincre de
l'importance que revêt ce risque pour les assureurs, rappelons simplement que, dans les
Etats de New- York et de la Californie, ils jouissent d'une immunité judiciaire en vertu de
laquelle il est interdit à toute personne dénoncée pour réclamation douteuse de se défendre
en intentant contre le plaignant une quelconque poursuite (Lamontagne, 1992, 263).

4. Une sécurité privée^, de cohérence

Les dispositifs de sécurité privée obéissent à une logique bien définie: une logique
pragmatique fondée sur l'impératif de rentabilité. Dans la mesure où les assureurs se
servent aussi, dans leur politique contre la fraude, des institutions pénales, il convient de se
demander si la logique qui régit celles-ci est compatible avec celle de la sécurité privée.
En restant sur le terrain des principes généraux régissant, d'une part, les institutions
pénales et, d'autre part, la politique préventivo-répressive des assureurs, on doit
spontanément répondre à cette question par la négative, car les principes respectifs sont
manifestement différents. Alors que la justice pénale s'efforce de s'en tenir aux principes de la
légalité et de l'égalité des citoyens devant la loi, la stratégie des assureurs à l'égard des
fraudeurs est volontairement sélective. En effet, si la justice doit en principe réprimer
toute fraude, grande ou petite, les assureurs ne réagissent que si cela en vaut la peine sur le
plan économique. Ainsi, dans l'hypothèse où, pour mettre à jour une fraude portant sur
un million de francs, une compagnie doit faire des investigations risquant de lui coûter
deux millions, il y a peu de chances qu'elle choisisse de faire la lumière sur le cas douteux.
Si, à l'opposé, il suffit à un assureur de lancer quelques coups de téléphone pour
démontrer qu'un de ses clients tente de lui extorquer cent francs, il y a de fortes chances qu'il se
résolve à faire les appels nécessaires. En bref, quand cela comportera pour elle un intérêt
économique suffisant, la compagnie s'opposera à la fraude mais quand il ne sera pas
rentable de s'y opposer, elle fera simplement supporter les coûts de la fraude aux assurés, au
besoin par une hausse ultérieure des primes.
Si l'on se situe par contre sur le plan de la mise en œuvre des principes évoqués
ci-dessus, il n'est pas évident que la politique des assureurs, si pragmatique soit-elle, produise des
résultats très différents de ceux d'une politique pénale conforme à ses objectifs officiels.
Nous voyons quant à nous trois raisons d'en douter.
La première tient au fait que les instances du contrôle social secondaire n'échappent
pas aux exigences d'une certaine rentabilité. Etant en effet tenues de tirer le meilleur
profit de leurs moyens limités, les instances du contrôle social formel sont également amenées
à faire des choix. Faute de pouvoir s'en prendre à tous les types de délinquance avec la
même énergie, la police et la justice portent généralement leurs efforts principaux sur les
infractions leur semblant être les plus dignes d'attention. La seconde tient au fait qu'au
nom de l'opportunité des poursuites, la police et le ministère public renoncent
fréquemment à poursuivre des infractions au motif qu'elles ne sont pas d'une gravité suffisante,
que leur impact est négligeable (de minimis) ou que la victime a déjà été pleinement
dédommagée par le délinquant. Notons que dans ce dernier cas de figure, le pénal est
également mis implicitement au service exclusif de la victime. La troisième réside dans le fait
Bâcher, La fraude A l'assurance et sa prévention 197

que, dans un nombre croissant de pays, l'Etat prend des dispositions législatives pour qu'il
soit possible de faire supporter les effets économiques du crime à la collectivité. Nous
songeons en particulier aux indemnités qui sont allouées aux victimes d'actes de violence,
indemnités qu'il incombe indirectement aux contribuables de payer.
Si la politique officielle en matière de fraude produit ainsi des résultats comparables à
ceux de la politique des compagnies d'assurances, les différences demeurent importantes.
Voici quelques éléments de réflexion qui devraient nous permettre de voir en quoi
consistent ces différences.
Tout d'abord, pour satisfaire au critère de rentabilité, les compagnies d'assurances
sont censées privilégier la prévention et la répression des fraudes les plus conséquentes,
car ce sont là les fraudes qui méritent que soient engagés les moyens les plus importants.
En effet, quand il en va de grosses sommes d'argent, le seuil de non-rentabilité des
mesures pouvant être déployées pour contrer la fraude est relativement élevé. Autrement
dit, les assureurs devraient surtout être portés à se vouer à la lutte contre les fraudeurs les
plus ambitieux. De fait, il n'en va pas forcément ainsi. Sur l'ensemble des fraudes judicia-
risées dans le canton de Fribourg, on peut constater que l'enjeu moyen de l'infraction
s'élève à 4 160 francs suisses. A titre comparatif, relevons que, selon les résultats du
sondage effectué, en 1992, par Tremblay et al., auprès des assureurs québécois, les fraudes à
l'assurance par majoration excessive portent en moyenne sur une somme de 3 855 $
canadiens , les fraudes par fausse déclaration sur une somme moyenne de 4 968 $ canadiens, les
fraudes fondées sur un sinistre intentionnel sur un montant moyen de 19 273 $ canadiens
et les fraudes par faux sinistre sur un montant moyen de 5 591 $ canadiens (Tremblay,
Massé, Clermont, 1992, 138). Compte tenu de la valeur de la devise canadienne en 1992
mais surtout du pouvoir d'achat des Canadiens, les montants articulés par leurs assureurs
sont très supérieurs au montant de 4 160 francs suisses. Ainsi, les assurances semblent
plutôt s'en prendre à des fraudeurs aux ambitions modestes. Cela peut vraisemblablement
s'expliquer du fait que les escroqueries importantes sont aussi les mieux conçues et qu'à ce
titre elles ne peuvent être mises à jour qu'à grands frais. Mais cela signifierait que le souci
d'être rentables n'incite pas forcément les assureurs à s'en prendre en priorité aux
fraudeurs dont les actes sont économiquement les plus dommageables et, en définitive, que la
politique pragmatique des assureurs n'a pas forcément les mêmes effets que ceux que
pourrait avoir une politique criminelle mettant l'accent sur la répression des infractions
les plus graves.
A cela s'ajoute que les assureurs ne se cantonnent pas dans l'attitude passive qui
consisterait à tolérer ou à classer les cas de fraude leur paraissant trop difficiles à prévenir
ou à découvrir. Ils sont au contraire toujours prompts à négocier avec le présumé fraudeur,
en se servant du pénal comme d'un simple argument, et ils sont prêts à renoncer aux
poursuites qui pourraient leur valoir trop de désagréments (désaveu du tribunal, contre-
plainte, etc.). En cela, les assureurs démontrent que, quand la défense de leurs intérêts est
incompatible avec la défense des intérêts des assurés ou du public en général, ils
choisissent ordinairement de défendre les premiers.
Enfin, les assureurs s'octroyent, dans la lutte contre la fraude, des libertés dont
l'exercice remet totalement en cause la notion même de rétribution qui sous-tend le système
pénal. Nous en voulons pour indice probant le cas réel suivant : il y a quelques années, un
assureur helvétique s'est vu annoncer un sinistre de plusieurs millions de francs. Il
s'agissait de l'incendie, très suspect, d'une ancienne bâtisse classée monument historique. Fort
de ses soupçons, l'assureur a offert publiquement la somme de 100 000 francs à qui
fournirait une information susceptible d'établir la fraude. Quelque temps plus tard, l'assureur
versait la somme promise à l'incendiaire qui, par le biais d'un intermédiaire, avait offert à
l'assureur de se dénoncer en échange de la somme promise.
1 98 Déviance et Société

Fort de ces considérations, nous ne pouvons que prendre acte de l'incohérence de


la politique de sécurité privée des assureurs face à la fraude, politique qui ne parvient
pas à concilier les objectifs « rentabilistes » des compagnies d'assurances et les buts
assignés au système pénal. Toutefois, plutôt que de jeter simplement l'anathème sur la
sécurité privée, nous croyons plus utile de trouver les moyens de la rendre compatible
avec le «bon usage» des institutions pénales. Cette préoccupation découle de ce que
les assureurs sont en mesure de mettre en place des dispositifs préventifs qui sont hors
de portée de l'Etat. Nous songeons en particulier à la somme d'informations dont
disposent les assureurs relativement aux circonstances personnelles, économiques,
géographiques et sociales du fraudeur. Nous pensons aussi aux moyens techniques
(informatiques) dont disposent les assureurs pour traiter et analyser l'information en leur
possession. Si les Américians sont déjà familiers des banques de données informatiques
sur la fraude, certains Européens ne sont pas en reste puisque quelques pays du vieux
Continent se sont déjà dotés d'outils informatiques. C'est notamment le cas des Pays-
Bas dont le système informatique (CIS) rend déjà aux assureurs de ce pays de très fiers
services (Westerman, 1989, 4).
Pour que de tels dispositifs de sécurité privée soient mis en œuvre avec un minimum
d'impartialité, sans céder à la tentation de choisir des cibles en fonction de critères
essentiellement économiques, ils doivent tendre vers l'universalité, en s'adressant à un
ensemble aussi large que possible de fraudeurs potentiels. Pour y parvenir, il faut tout
d'abord que la gestion des outils informatiques soit confiée aux bons soins d'organismes
indépendants des compagnies, d'organismes bénéficiant des services de spécialistes de
l'analyse des données. Il faut ensuite que, dans chaque pays, obligation soit faite à tous
les assureurs de contribuer au fonctionnement et au financement de tels organismes
(Munchener Riick, 1988, 68). La raison d'une telle obligation réside dans le fait que,
pour être vraiment efficace et donc dissuasive, la récolte des données doit se faire de
façon systématique. Pour obliger les assureurs à intégrer une organisation comme le
SACA, il n'est guère que les pouvoirs publics qui, pour s'assurer de ce que les droits de
la personne soient sauvegardés, devraient également exercer un certain contrôle sur la
teneur de l'information recueillie et sur l'usage qui en est fait. A cela s'ajoute que les
assurés devraient être mieux informés de l'ampleur et des effets de la fraude sur le niveau des
primes, de manière à ce qu'ils comprennent qu'il est dans l'intérêt de tous les assurés
honnêtes que la fraude soit contrée, et de façon à ce que les assureurs soient plus à l'aise, face
à leur clientèle, pour conduire une politique préventive cohérente et suivie. Il faudrait
ensuite que les assureurs confient à des services spécialisés, soustraits à l'influence des
services commerciaux, le soin d'adresser des dénonciations pénales aux autorités. Ces
services devraient adopter une ligne claire dans l'application qui est faite de l'outil pénal, en
renonçant notamment à s'en servir comme d'un instrument de négociation, en évitant de
s'accommoder de la quasi-totalité des fraudes, en refusant d'adopter avec le fraudeur des
comportements qui remettent tacitement en question la nature pénale de son acte, bref en
adoptant une attitude qui, parce qu'elle est compatible avec la rationalité propre au
système pénal (Killias, 1991, 379), ne nuit ni à la crédibilité de celui-ci, ni à la compréhension
que doit en avoir le grand public .

Jean-Luc Bâcher
7079, Christophe Colomb
Montréal P.Q.
H2S 2H4 CANADA
Bâcher, La fraude à l'assurance et sa prévention 199

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mai 1989, 5, 1-5.

Summary
The author proposes an examination, based on empirical data collected from courts,
swiss and Canadian insurers and organizations dedicated to fraud prevention, of the
means activated by private insurance companies to combat insurance fraud. After,
firstly, having depicted the prevailing situation in Switzerland and Canada, the author
then uncovers the basic tenets of the insurance companies' general policies regarding
private security in the two countries. The author then tries to discover the guiding logic
of the companies and to assess it when compared to the one governing the judicial
system. Finally, the author suggests some adaptations that seem necessary to overcome the
inconsistencies between the two.

Zusammenfassung
Die vorliegende empirische Untersuchung beruht auf Daten aus Gerichtsverfahren,
von schweizer und kanadischen Versicherungsuntemehmen sowie von Einrichtungen, die
200 Déviance et Société

sich der Betrugspravention widmen. Ziel der Studie ist die Untersuchung der Mittel, die
private Versicherer im Kampf gegen Versicherungsbetrug einsetzen. Nach einer
Beschreibung der allgemeinen Situation in beiden Lândern, befasst sich der Autor mit
den Grundlinien der Sicherheitspolitik von Versicherungsunternehmen. Sodann wird ver-
sucht, die der Politik zugrundeliegende Logik nachzuzeichnen und diese mit derjenigen
des justiziellen Systems zu vergleichen. Schliesslich schlâgt der Verfasser einige
Anpassungen vor, die zur Ûberwindung von Unvereinbarkeiten zwischen beiden
Systemen notwendig erscheinen.

Samenvattlng

De auteur stelt een onderzoek voor naar de middelen die door de private verzeke-
ringsinstelligen ingezet worden in de strijd tegen de verzekeringsfraude. De analyse is
gebaseerd op empirische gegevens afkomstig van rechtbanken, Zwitserse en Canadese
verzekeraars en organisaties belast met fraudepreventie. Na eerst de bestaande situatie in
Canada en Zwitserland beschreven te hebben, gaat de auteur op zoek naar de basisprin-
cipes van het beleid van verzekeringsmaatschappijen inzake private beveiliging in die
twee landen. Vervolgens tracht de auteur de leidende logica van deze maatschappijen te
achterhalen en deze te beoordelen in vergelijking met de logica van het gerechtelijk sys-
teem. Tot slot stelt de auteur enkele aanpassingen voor die noodzakelijk blijken om de
onverenigbaarheden tussen deze beide te overbruggen.

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