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l'architecture
Bouvier Béatrice. Pour une histoire de l'architecture des librairies : le Quartier latin de 1793 à 1914. In: Livraisons d'histoire de
l'architecture, n°2, 2e semestre 2001. pp. 9-25;
doi : https://doi.org/10.3406/lha.2001.880
https://www.persee.fr/doc/lha_1627-4970_2001_num_2_1_880
Résumé
L'architecture des librairies n'a suscité jusqu'à présent aucune curiosité de la part des historiens d'art,
ni des historiens du livre. À tort, puisqu'elle s'avère une architecture industrielle remarquable. Sa
concentration géographique dans le quartier latin dessine un profil urbain rythmé de constructions
monumentales érigées à la gloire de l'industrie vouée au savoir. Carrefour intellectuel et financier, la
librairie symbolise les réseaux relationnels qui s'établissent entre les financiers, les intellectuels, les
éditeurs et les architectes. Plusieurs typologies se distinguent. Au début du XIXe siècle, les premières
maisons d'édition s'installent dans des hôtels particuliers de l'Ancien régime. Durant les années 1870-
1900, de nouveaux locaux sont aménagés et présentent en façade des éléments caractéristiques : un
soubassement en pierre de taille ; des grandes baies vitrées à armature métallique scandées de
colonnes historiées, dernière réminiscence de l'architecture du Second empire, érigées sur plusieurs
étages ; des entrées monumentales aux effigies de l'éditeur-libraire ; des vérandas ou verrières en
toiture pour les ateliers de photogravures. Les cours intérieures révèlent des élévations en briques
avec une entrée particulière pour les livraisons donnant sur une rue voisine.
Abstract
« For a bookstore architectural history: the Latin Quarter from 1793 to 1914 », by Béatrice Bouvier.
Neither the Book Historians nor the Art Historians had manifested their interest for the bookstore's
architecture until now. Wrongly, since it provides a significant industrial architecture. Its geographic
concentration in the Latin Quarter's area draws a specific urbanity marked by monumental buildings
glorifying the Knowledge industry. Intellectual and financial cross-roads, the bookstore symbolises the
relational networks established between the financier, the intellectual, the publisher and the Architect.
Various types are to be distinguished. Early in the XIXth century the publisher firms fix themselves in
Ancien Régime private hotels. The new buildings, set up for use during the 1870-1900 period, display
several characteristic elements on their façade : ashlar masonry basement, metallic framed wide glass
panels separated by historistical columns in a late Second Empire architectural reminiscence and
repeated on several floors, monumental entrances stamped with the publisher figures and glass-
roofing for the photoengraving studios. The inner courtyard reveals brick elevations with a particular
entrance for the deliveries.
par Béatrice BOUVIER
' Les sources des archives de Paris situent l'immeuble Hachette au n° 145 du boulevard Saint-Germain.
La Revue générale de l'architecture de César Daly le situe au 1 97.
1. Nous laisserons de côté la « bibliothèque », à l'honneur à l'occasion du centenaire de l'achèvement
de la bibliothèque Sainte-Geneviève.
2. Cette étude fait partie d'un travail en cours consacré à l'architecture des librairies parisiennes (1790-
1950) et réalisé par Béatrice Bouvier.
3. Jean-Yves Mollier (dir.), Le Commerce de la librairie en France au XIX siècle 1789-1914, IMEC
éditions/éditions de la maison des sciences de l'homme, 1997, 450 p. ; article de Marie-Claire Boscq,
« L'implantation des libraires à Paris (1815-1848) », p. 27-50.
de l'édition : Panckoucke, Didot et Bance. Son activité se manifeste par l'édition des
œuvres de Corneille, de Racine, de Voltaire, de Berquin, de Paul-Louis Courrier qu'il
publia avec un soin qui justifiait sa marque d'éditeur. Ses nombreuses publications
se distinguent par « l'Ancre surmonté du coq » placé sur leur frontispice, comme
symbole de la vigilance qui présidait aux travaux de la librairie.
L'hôtel de Brancas fut son lieu de travail et d'habitation, puis celui de ses deux
fils, Jules, libraire et, Paul, imprimeur. Antoine-Augustin Renouard avait aménagé
dans l'ancienne orangerie sa riche bibliothèque dont il publia en 1819 le catalogue
analytique en quatre volumes.
Jules Renouard, successeur d'Antoine-Augustin, fonda la Librairie Renouard et
Ck. Le magasin possédait une boutique et une galerie en rez-de-chaussée12. À la fin
des années 1850, Alexis Désiré Dalloz racheta aux Renouard plusieurs appartements
de l'hôtel. La famille Renouard occupait, pour sa part, tout le principal corps de logis.
Jules Renouard suivit l'exemple de son père et entretint des relations avec les
grands imprimeurs et érudits de l'Europe entière. De concert avec Charles Blanc, il
entreprit L'Histoire des peintres de toutes les écoles, en quatorze volumes. La
photographie n'existant pas et les estampes étant rares, il fallait, pour reproduire Raphaël
ou Vélasquez, employer, aux Offices et au Prado, des artistes qui fournissaient les
dessins destinés à être gravés sur bois.
En 1885, Henri Laurens13, né en 1861 à Paris, se présenta comme le successeur
de l'ancienne maison Renouard. Il se spécialisa dans l'édition des livres d'histoire de
l'art et utilisa abondamment la photogravure, qui permettait la reproduction du
dessin et de la photographie. Propriétaire depuis 1885 de la librairie d'art français,
il fonda des collections d'histoire de l'art, d'enseignement et du tourisme. Parmi ses
célèbres collections illustrées, citons Les Villes d'art célèbres', Les Grands artistes; Les
Petites monographies des grands édifices de la France, etc. L'éditeur s'efforça aussi de
personnaliser une autre branche éditoriale, celle du livre d'enfants.
Après 1922, sa librairie, demeurant toujours rue deTournon devint la propriété
de son gendre, Jean Bonnafous, qui continua les collections et en créa de nouvelles.
Il fit appel aux procédés modernes de l'héliogravure et de l'offset en noir et en
couleurs. Il s'attacha à donner des livres aussi agréables par leur présentation que
solides par leur texte.
1853. Fils d'un fabricant de gazes, il embrassa dès 1781 cette profession, que les événements politiques
lui firent momentanément abandonner; il devint en 1793, membre du conseil général de la Commune
de Paris ; et en faisait encore partie l'année suivante. Il avait fait réimprimer un certain nombre
d'ouvrages latins et français, lorsqu'en 1 795, il reprit sa première profession qu'il exerça 1 1 , rue du faubourg
Saint-Denis; mais son goût pour les livres et sur demande des éditeurs, il fut nommé, en 1796, aux
fonctions d'administrateur du onzième arrondissement et revint, l'année suivante, au commerce de la
librairie. Après 1830, il fut pendant quelques années maire du onzième arrondissement de Paris.
12. Arch, de Paris, D1P4, 6, rue de Tournon, liste des propriétaires et des locataires, valeur locative et
valeur imposable du logement. La boutique et la galerie étaient louées pour une valeur de 4 380 francs.
La boutique Renouard se trouvait à l'emplacement de la salle d'exposition de l'IFA.
13. Roger Chartier, Henri-Jean Martin, Histoire de l'édition française. Le livre concurrencé 1900- 1950, Paris,
Fayard-Cercle de la Librairie, 1986, p. 176, 348, 402, 456, 458, 484, 488.
14. Le Cercle de la Librairie, 1847-1997, 150 ans d'actions pour le livre et ses métiers, Paris Cercle de la
librairie, 1997, 63 p. Voir aussi Marie-Annonciade Bady, Le Cercle de la Librairie de 1847 à 1886,
maîtrise d'histoire contemporaine, Paris IV-Sorbonne, 1997.
15. Louis Hachette est un des membres fondateurs aux côtés de Jean-Baptiste Baillière et Caïman Lévy.
Ce groupe constitue les trois piliers du Cercle.
16. Le Cercle de la Librairie, 1847-1997, 150 ans d'actions pour le livre et ses métiers, Paris, Cercle de la
librairie, 1997, 63 p. Dans les archives de Jean- Baptiste Baillière, on peut lire: « Par acte reçu Merlin,
notaire de Paris, les 27 et 28 novembre 1 877, les époux Watel ont vendu à la société civile des
propriétaires de l'hôtel du cercle un terrain de 394 mètres 24 décimètres carrés, sis à Paris [...], moyennant
la somme de 155 724 francs et 80 centimes soit à raison de 395 francs le mètre carré ». Un ouvrage
sur la famille Baillière est actuellement en préparation par Edouard Prévost-Marcilhacy.
17. L'Illustration, 7 février 1880.
18. En 1971, une partie de l'hôtel de Charles Garnier est inscrite sur l'inventaire supplémentaire des
monuments historiques : façade, toiture sur rue, rotonde, escalier d'honneur, cage d'escalier.
19. En 1980, l'hôtel est vendu au Gan. La RDA y établit son centre culturel et, après la réunification
allemande, l'école nationale du patrimoine s'y installe en 1992.
20. Le Cercle de la Librairie est actuellement installé au 35 de la rue Grégoire-de-Tours.
21. Jean- Yves Mollier, Louis Hachette, Paris, Fayard, 1999, 554 p.
22. Arch, de Paris, D1P4, 12, rue Pierre-Sarrazin, liste des propriétaires et locataires, valeur locative et
valeur imposable du logement.
23. Jean- Yves Mollier, op. cit., p. 215.
24. Jean- Yves Mollier, op. cit., p. 224. En 1847, la librairie Hachette employait 24 salariés.
25. Arch, de Paris, 23ZV, registre Masson, au numéro 14 se trouvait, entre 1814 et 1816, le graveur
imprimeur Richomme, oncle de l'imprimeur Ducessois.
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111.architecture,
Hachette,
Paris,
d'Piton.
01. 2B.: Bouvier.
V'
Plan.
Magasin
rueEncyclopédie
t.arrond.
IV,Pierre-Sarrazin,
de
1854,
laarchitecte
librairie
pi. 36.
26. Encyclopédie d'architecture, 1854, t. IV, pi. 36, 37, 38, 39, 40, 48, 49, 50.
hauteur ; un balcon régnant tout autour de la salle permettait d'atteindre les casiers
de la partie supérieure. La disposition des comptoirs forme deux fers-à-cheval
adossés entre lesquels Piton avait ménagé un espace où venait se placer le bureau de la
comptabilité qui pouvait ainsi être abordé par tous les côtés. Une petite grille à hauteur
d'appui joignait d'ailleurs les deux branches du fer-à-cheval avec le bureau de
l'administration d'une part, avec la balustrade de l'escalier de l'autre. Elle enfermait
ainsi le public dans le fer-à-cheval, le tenait à distance des rayons et l'empêchait de
pénétrer derrière les comptoirs. Les bureaux des commis se trouvaient dans l'entrée,
à la portée du public. Adolphe Lance, directeur de Y Encyclopédie d'architecture,
insistait sur l'important dispositif d'échelles qui conduisaient les employés devant les
rayons de la partie inférieure de la librairie (ill. 3), et sur les mécanismes à l'aide
desquels on faisait monter les paniers remplis de livres (ill. 4), de la cave dans le
magasin inférieur, et de là dans la salle supérieure ou au balcon qui la couronnait : « Ces
procédés sont à la fois simples, ingénieux et commodes27 ».
En 1856, la construction d'une galerie longue permit de faire suite au magasin.
Elle fut élevée sur le terrain du numéro 13 de la rue Hautefeuille. Deux ans plus
tard, elle fut détruite pour moitié pour de nouvelles constructions sur le boulevard
Saint-Michel. Durant les travaux, Hachette installa son siège social 22 et 24,
boulevard Sébastopol, puis, à partir de 1863, 77 et 79, boulevard Saint-Germain. L'accueil
des clients s'effectuait au 77 avec son hall en forme de fer à cheval où étaient
également situés huit bureaux d'employés. L'ensemble immobilier comprenait dès lors les
77 et 79 boulevard Saint-Germain qui communiquaient avec les 10, 12 et 14 de la
rue Pierre-Sarrazin28 et les 13 et 15 de la rue Hautefeuille. Tout ce complexe est
aujourd'hui détruit29, seules quelques façades demeurent, rue Pierre-Sarrazin et à
l'angle de la rue Hautefeuille (n° 15) et du boulevard Saint-Germain (n° 79), pour
faire place à de nouvelles constructions.
27. Adolphe Lance, « Librairie de M. Hachette à Paris », Encyclopédie d'architecture, 1854, t. IV, p. 49-51.
28. Théodore de Banville précise dans son ouvrage Le Quartier Latin et la bibliothèque Sainte-Geneviève
(Paris, 1865), qu'il se trouvait à cet emplacement, un ancien cimetière des juifs, vendu en 131 1 aux
religieuses de Poissy, qui s'étendait au nord de la rue Pierre-Sarrazin jusqu'à la rue Hautefeuille. Jean-
Yves Mollier indique qu'au moment des travaux d'agrandissement de la librairie, Hachette « dut
patienter, en 1858, parce que les travaux mettaient à nu des ossements humains, des pierres
tombales et des vestiges archéologiques » {Louis Hachette, Paris, Fayard, p. 362). Certaines de ces pierres
tombales sont aujourd'hui conservées au musée de Cluny. Marcel Poëte localise également l'ancien
cimetière des juifs à proximité de la rue de la Harpe: « Une maison est indiquée en 1321 rue de la
Harpe et attenante à l'ancien cimetière des juifs » (M. Poëte, Une Vie de Cité. Paris, de sa naissance à
nos jours, Paris, A. Picard, 1924, vol. I, p. 237). Quant à la rue Pierre-Sarrazin, qui existe, après 1850,
entre le boulevard Saint-Michel et la rue Hautefeuille, elle se rattachait en partie, selon Poëte, à une
propriété du grand bourgeois du même nom. « On trouve en tout cas une maison appelée Pierre
Sarrazin sise à Paris, outre Petit-Pont, dans la rue de Hautefeuille » (p. 214) qui est vendue en 1252,
par la veuve de Jean Sarrazin, aux Prémontrés.
29. Ce lot d'immeubles appartenait à l'actif immobilier du Crédit Lyonnais. Suite aux problèmes financiers
de la banque, les bâtiments furent vendus pour être ensuite détruits fin 1999. Les entreprises de
bâtiment Bouygues y construisent aujourd'hui un ensemble de logements « haut standing » conservant
uniquement quelques morceaux de façades sur le boulevard Saint-Germain et sur la rue Pierre-Sarrazin.
111. 3 : Magasin
Encyclopédie d'architecture,
de la librairie
t. IV,Hachette,
1854, pi.rue
37.Pierre-Sarrazin,
Cl. B. Bouvier. Paris, Ve arrond. architecte Piton. Coupe.
commis. Г
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L'architecte du Cercle de la Librairie, 1.
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Charles Garnier, établit des liens durables Í
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avec la famille Hachette. La société
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30. La maison de campagne des Hachette se trouvait à Châtillon, aujourd'hui « sous Bagneux ». Louis
Hachette acheta une seconde propriété rue de Bagneux. On n'en connaît pas l'architecte.
111. 5 : Ancienne maison d'édition Quantin, 5, rue Saint-Benoît, Paris, VI' arrond. Entrée principale. Cl.
B. Bouvier.
31. Paul Chemetov et Bernard Marrey ont été les seuls à consacrer une notice sur cette construction dans
Architectures à Paris 1848-1914, Paris, Dunod, 1980, 206 p., p. 163.
32. Béatrice Bouvier, La Librairie d'architecture à Paris au XIX' siècle: les maisons Bance et Morel et la presse
architecturale, Paris, H. Champion, à paraître. Se reporter à la thèse de doctorat du même auteur:
L'Encyclopédie d'architecture ( 1 8 50- 1 892) : un miroir de l'architecture de son temps, Paris, 1999, thèse
de doctorat de ГЕРНЕ, dir. J.-M. Leniaud, 2 vol.
33. Taillefer fut propriétaire du numéro 9 de la rue Saint-Benoît jusqu'en 1899. À cette date, Paul Firmin-
Didot racheta l'immeuble pour le revendre l'année suivante à la société des librairies-imprimeries réunies.
34. Les bureaux de Jules Claye étaient installés au numéro 2 de la rue Saint-Benoît.
35. Se reporter au travail de M. Gloc, Corroyer (1835-1904), architecte. Un historien de l'architecture
médiévale, Paris, EPHE, mémoire de DEA, dir. Jean-Michel Leniaud, 1994, p. 73: « L'état actuel des
rue36, et l'amena à y installer ses dernières acquisitions : une machine à vapeur de 100
cv et deux chaudières de 50 cv pour le fonctionnement des machines à imprimer37.
Après 1876, les ateliers comprenaient un atelier de reproduction en taille-douce,
gravure, dessin, montage et galvanoplastie, ce qui lui assura une nette supériorité sur
les concurrents. L'activité de Quantin devint très importante: il était l'imprimeur
officiel de la chambre des députés et celui des rapports des missions de Marius
Vachon, commanditées par le ministère de l'instruction publique.
Albert Quantin se consacra aussi à l'édition et constitua un beau fonds de livres
d'art. Il édita les ouvrages des Goncourt sur le XVIir siècle, ainsi qu'une série de
collections sur les Beaux-Arts38, dont l'une se nommait la Bibliothèque de l'enseignement
des beaux-arts*4 '. De nombreux architectes et artistes participèrent à cette entreprise,
dont Edouard Corroyer, principal collaborateur de Eugène-Louis Viollet-le-Duc lors
de la parution de la Gazette des architectes et du bâtiment en 186340.
La Bibliothèque de l'enseignement des beaux-arts concurrençait la librairie centrale
d'architecture de la veuve Morel. Quantin lança, en outre, en 1 88 1 une revue mensuelle
de luxe: Le Livre qui parut jusqu'en 1891, puis en 1882 la Revue des arts décoratijs.
Durant toute sa carrière d'éditeur, Quantin se montra soucieux de progresser dans le
domaine de l'art du livre et contribua également à vulgariser les ouvrages d'art.
Rentrant dans une logique de productivité et de concurrence accrue, Albert
Quantin transforma sa maison en société anonyme lorsqu'il s'associa avec Louis Henry
May, frère de l'important actionnaire du Comptoir d'escompte, Emile May. En 1 886,
la Compagnie générale d'imprimerie et d'édition, ancienne maison Quantin, est créée
avec un capital de deux millions, divisé en quatre mille actions de cinq cents francs.
Poursuivant la politique éditoriale d'Albert Quantin, elle privilégia toujours la
publication d'ouvrages artistiques, telle la collection des Ouvrages des beaux-arts, les
monographies des maîtres de l'art et la Bibliothèque de l'Enseignement des beaux-arts qui
possédait déjà, à la fin des années 1880, vingt-huit titres vendus trois francs cinquante
recherches sur la maison d'édition Quantin ne donne pratiquement aucune indication. Albert Marie
Jérôme Quantin est d'abord un imprimeur, né à Bréhémont (Indre-et-Loire) le 18 janvier 1850. » Sa
date de décès reste inconnue.
36. Ces ateliers sont rachetés ensuite par la S.A. des imprimeries et librairies réunies lors de l'acquisition
du fonds Quantin, successeur de Claye. Actuellement, l'hôtel « Bel ami » (en remplacement de
l'hôtel « Alliance, ancien hôtel « Latitudes ») occupe la plus grande partie de l'immeuble, dont
l'emplacement des anciens ateliers. La Société nouvelle des imprimeries et librairies réunies ne possède plus
aujourd'hui qu'un bureau commercial rue Saint-Benoît, le siège social se trouvant à Ivry.
37. Jean- Yves Mollier, L'Argent et les lettres. Histoire du capitalisme d'édition 1880-1920, Paris, Fayard,
1988, 549 p., p. 150-168 [chap. « Une concentration réussie, la SA des Librairies-Imprimeries réunies
et la maison Quantin »].
38. Par exemple, Les Grands maîtres de l'art ou bien encore la Bibliothèque d'histoire illustrée, également
la Bibliothèque des sciences et de l'industrie.
39. Cette Bibliothèque de l'enseignement des beaux-arts fondée par Jules Comte ( 1 846- 1912), sous le
patronage de l'administration des beaux-arts illustrait le renouveau des « collections » ou « bibliothèques »,
qui favorisait la publication d'ouvrages d'art à bas prix. Se reporter à M. Gloc, Corroyer (1835-1904),
architecte, un historien de l'architecture médiévale, op. cit., p. 74-75.
40. B. Bouvier, op. cit.
111. 6 : Ancienne maison d'édition Quantin, 9, rue Saint-Benoît, Paris, VI" arrond. Partie haute de la façade principale.
Cl. B. Bouvier.
chacun, avec cent à deux cents gravures. La S. A de Quantin souhaitait vivement
absorber le fonds de la librairie centrale d'architecture, qui était spécialement riche
en publications des plus éminents architectes de l'époque.
Les locaux de la société Quantin, la Compagnie générale d'imprimerie et
d'édition, étaient répartis entre trois immeubles: aux 5, 7 et 9. Au numéro 5, elle occupait
le rez-de-chaussée et le premier étage. Une partie du rez-de-chaussée fut louée par
Quantin aux bureaux de la revue Le Monde Moderne. Le reste correspondait au
magasin et aux ateliers Quantin. Quelques appartements furent également réservés aux
employés de la société. Le premier étage servait aux bureaux. Au 7, Quantin installa
au rez-de-chaussée ses ateliers de presses manuelles (deux machines et huit ouvriers),
son imprimerie typographique avec presses mécaniques composée de trois ateliers. Le
premier étage servait d'ateliers de brochage, de composition, de corrections et de
magasins de caractères. Le deuxième et le troisième étages étaient destinés aux ateliers de
composition : trente compositeurs au deuxième et dix au troisième étage. La façade de
ce bâtiment, aujourd'hui occupée par un hôtel est dédiée à l'imprimerie. Les
références abondent (ill. 6), non seulement dans les murs de soutènement latéraux terminés
par des chapiteaux aux allures corinthiennes, ou dans les angelots joufflus et fessus, qui
serrent des presses destinées davantage à écraser le raisin qu'à serrer des feuillets, mais
aussi dans le dessin des fines colonnes de fonte et des trois arches du troisième étage.
Au numéro 9, le bâtiment surmonté d'une véranda était entièrement occupé par
Quantin : ateliers de machines et presses au rez-de-chaussée ; magasin de la librairie
au premier étage ; ateliers de composition au deuxième ; ateliers de presses à bras au
troisième et au quatrième et un atelier de photogravure41 au cinquième. La librairie
et les magasins de livres se trouvaient au numéro 1 1 .
41. Auparavant, le cinquième étage de l'immeuble était occupé par l'atelier de photographie Verdoux et C*.
Les locaux de l'ancienne maison Quantin furent rachetés par la société anonyme
des librairies-imprimeries réunies. Tout commença en 188242 sous l'impulsion des
frères de Mourgues43 (sociétaires en commandite), des imprimeurs Emile Martinet
et de Claude Motteroz. La S.A. des imprimeries réunies naquit de la mise en
commun de leurs matériels. L'imprimeur Emile Martinet, installé 2, rue Mignon à
Paris, racheta l'imprimerie de L'Illustration, ainsi qu'un atelier à Puteaux, où se
trouvaient de nombreux sièges sociaux d'imprimeries. Motteroz, pour sa part, situé rue
du Dragon, se spécialisa dans la production d'ouvrages scientifiques.
La société anonyme se destinait à « l'exploitation de fonds de commerce
d'imprimerie et de journaux ». Sa durée fut fixée à cinquante ans et son capital à six
millions divisés en actions de cinq cents francs44. C'est à ce moment qu'intervint pour
la première fois le Comptoir d'escompte. Ce dernier investit dans le capital de la
société anonyme et y plaça comme président de l'assemblée du 5 août 1882 son vice-
président, Pierre-Philippe Denfert-Rochereau. Durant les premières années de son
existence, la société anonyme put acquérir de nombreux terrains à Puteaux.
En 1886, les Imprimeries réunies absorbèrent le fonds Morel et prirent le nom
de Librairie des imprimeries-réunies (ancienne librairie centrale d'architecture). Moins
de quatre ans plus tard, le capital s'accrut de nouveau. La fusion avec la Compagnie
générale d'édition et d'imprimerie, ancienne maison Quantin45, procura à la société
un apport considérable. Elle devint, dès lors, la Société anonyme des librairies et
imprimeries réunies46 (anciennes maisons Quantin, Motteroz, Martinet et Morel).
Entre octobre 1890 et octobre 1891, Quantin céda l'ensemble de ses baux à la
société anonyme des librairies et imprimeries réunies. Cette dernière agrandit de
nouveau les ateliers de composition et de photogravure qui occupèrent l'ensemble
des étages du numéro 1 1 .
En 1896, cette société anonyme prit la décision de fonder une nouvelle entreprise :
la Société française d'éditions d'art47. Le fonds Morel y figura jusqu'en septembre 1906,
date à laquelle la Société française d'éditions d'art se sépara définitivement de la
branche « librairie »4S pour ne se consacrer qu'à l'imprimerie, secteur plus rentable.
42. Actes passés devant maître Portefin les 29 juillet 1882 et 1" août 1882, Arch, nat., Minutier central,
et. LXXXV 1390.
43. Actes passés devant maître Pornery le 12 décembre 1855.
44. Le nombre d'actions est fixé à 2 000. Noms des principaux actionnaires en 1883: É.-J. Laveissière
(administrateur du Comptoir d'escompte), J.-J. Laveissière (négociant), C. Edmond (bibliothécaire
en chef au Sénat), M. Démarest (ingénieur), P. Girod (directeur du Comptoir d'escompte), C. Bisson
(secrétaire général du Comptoir d'escompte) et le Comptoir d'escompte lui-même (le plus gros
actionnaire: pour 1 500 actions).
45. L'actif du capital de la S.A. Quantin s'élève en 1889 à 3 874 430, 21 francs (Arch, nat., Minutier
central, et. LXXXV 1 390).
46. L'ancienne société L.I.R. (Librairies imprimeries réunies) a été rachetée en 1985 par la Société nouvelle des
librairies-imprimeries réunies. Les anciennes archives de la L.I.R. n'ont pas été conservées par les repreneurs.
47. Acte passé devant maître Aron le 30 décembre 1 896 (cf. le Bulletin du tribunal de commerce de la Seine, art.
10 244). La société française d'éditions d'art était dirigée par May. Ses ateliers se trouvaient 37 rue Gandon.
48. Le capital de la S.A. des Imprimeries et librairies réunies a été porté à trois millions de francs divisés
en 10 000 actions de 300 francs.
Fondée en 1880 par Alexandre Hatier49, au 33, quai des Grands-Augustins à Paris,
la librairie Hatier fut orientée, dès sa création, vers l'édition scolaire. Les étapes de
publication des grandes collections qui la firent connaître à l'ensemble du monde
enseignant se succédèrent sans interruption. Six après sa création, les manuels de
Sciences physiques et naturelles de Bremant, destinés à l'enseignement primaire,
devaient rester un des grands succès de la maison pendant cinquante ans, avec une
vente annuelle de 100 000 exemplaires. En 1900, Hatier coéditait le Dictionnaire
des 8 000 verbes de Bescherelle, point de départ d'un ouvrage dont la diffusion ne
cessa de s'accroître. Dix ans plus tard, en 1910, la librairie commença à faire paraître
L'Histoire de la Littérature française, les Morceaux choisis et la série bien connue des
Auteurs français, de Granges, professeur au lycée Charlemagne. Ces volumes devaient
former des générations entières d'élèves.
En 1911, à la suite des graves inondations de 1910, le siège de la Maison était
transféré du 33, quai des Grands-Augustins au 8, rue d'Assas, propriété de la baronne
de Grovestins. Au XIXe siècle, ces locaux correspondaient au magasins et aux ateliers
de la célèbre société Fée et C'c, brocheur en livres. Depuis, la librairie s'est étendue
progressivement, d'une part, en traversant le bloc d'immeubles jusqu'aux 59 et 63
du boulevard Raspail, d'autre part, en englobant le 6 de la rue d'Assas.
49. Bibliographie de la France. Journal de l'imprimerie et de la librairie, L'édition française, numéro du cent-
cinquantenaire, Paris, au cercle de la librairie, sept. 1961, p. 149-150.
111. 7 : Maison d'édition Armand Colin, 103 place Louis-Marin. Par l'architecte J. -M. Girard, 1913. Élévation des
façades donnant sur la rue de l'abbé-de-l'Épée et la place Louis-Marin. Cl. B. Bouvier.
50. J.-M. Girard était installé 44 avenue du Maine à Paris. Son prénom n'est pas connu. Voir Manuel
officiel des affaires foncières et immobilières. Annuaire spécial des architectes et des affaires. Documents
1885 à 1903. Supplément 1902-1903.
111. 8 : Maison d'édition Armand Colin, 103 place Louis-Marin. Par l'architecte J.-M. Girard, 1913. Détail de la
façade place Louis-Marin. Cl. B. Bouvier.
Après le décès prématuré de Leclerc, en 1932, son fils Jacques Leclerc le remplaça.
Avec son associé René Philippon, il entreprit le renouvellement des collections
classiques et participa ainsi aux bouleversements apportés dans ses méthodes par la
pédagogie moderne. Il enrichit parallèlement les collections littéraires.
En 1956, son fils Jean-Max Leclerc est appelé à lui succéder. Avec René Philippon
et Hélène Leclerc, sa sœur, il assura la direction de la Librairie Armand Colin et dut
faire face aux multiples problèmes d'adaptation et de croissance qui se posaient alors
à une maison traditionnelle. La librairie A. Colin sut maintenir ses activités et son
siège social dans l'immeuble construit par Max Leclerc.
La librairie catholique,
74-76, rue des Saints-Pères par Eugène Dupuis (1878-1891)
51. Le numéro 74 fut racheté en 1891 par la société anonyme immobilière de la rue des Saints-Pères.
52. P. Chemetov, B. Marrey, Architectures à Paris 1848-1914, Paris, Dunod, 1980, 206 p., p. 60.
53. Emile Rivoalen, « Causerie technologique: fers et bétons », Encyclopédie d'architecture, 1888-1889,
1. 1, p. 182-184.
Rivoalen rapporte que l'architecte avait construit des voûtes, des planchers
monolithes et des arcs surbaissés de huit mètres d'ouverture, le tout en bétons maigres de
sable et de ciment « dit Portland, mélangé d'une certaine portion de mâchefer ». Ces
parties du bâtiment étaient moulées à l'aide de coffrages, pilonnées par couches ou
par bandes formant des claveaux et des pièces de fer doubles T. Le tout faisait office
d'armature comme une sorte de carcasse métallique. La charge considérable accumulée
à la surface des planchers d'un magasin de livres nécessitait, ici, la recherche d'un mode
de structure procurant une grande rigidité aux planchers sans pour cela entraîner une
trop forte épaisseur. De cette combinaison, ajoute Rivaolen, paraissait résulter une
force incomparable par rapport à ce que pouvait donner un plancher ordinaire. Il en
conclut : « Les résultats obtenus sous le rapport de la résistance à la flexion et à la
trépidation, de l'imperméabilité et d'autres qualités diverses, semblent, avec les progrès
réalisés dans la fabrication de nouveaux ciments économiques, assurer un avenir à cette
combinaison de structure toute moderne ».
Le reste du bâtiment54 reste conventionnel et repose sur une dalle en béton. Les
étages supérieurs délimitent une cour intérieure couverte d'une verrière, ce qui se
faisait souvent dans les espaces commerciaux de l'époque. La galerie circulaire était
divisée en bureaux avec un balcon demi-circulaire sur la rue, une salle de conseil et
le cabinet du directeur. Cette organisation était reportée à l'étage supérieur, avec de
nouveaux bureaux et le service publicité de la librairie.
Architecture intimement liée à la vie des livres, la librairie présente une grande
diversité architecturale. Au début du XIXe siècle, elle se rattache encore à l'hôtel
particulier du XVIIP siècle qui, par la hauteur de ses plafonds, offre l'avantage de pouvoir
disposer de nombreux rayonnages dans une même salle. Au milieu du XIXe siècle,
s'élabore une architecture propre au librairie qui utilise les nouveaux matériaux —
métal, brique et verre —, et qui emploie de nouvelles dispositions pour faciliter la
circulation dans les rayons et l'approvisionnement des magasins. Les maisons d'édition et
les librairies développent une architecture à la fois monumentale et fonctionnelle.
Cette architecture pouvait, selon Adolphe Lance, servir d'exemple à
l'architecture des bibliothèques : « Ce magasin [Hachette] pourra servir de document pour la
construction des bibliothèques publiques ou de quelques bibliothèques privées, s'il
est encore dans notre temps des amateurs qui possèdent des collections assez
importantes pour leur offrir un aussi confortable asile ».
L'inventaire de cette architecture sur la ville de Paris et ses environs reste à faire.
Une étude est en cours55.
Béatrice BOUVIER
docteur de l'EPHE
chercheur en histoire de l'art
54. Arch, de Paris, D 1 P4, dossier sur la rue des Saints- Pères.
55. Béatrice Bouvier, op. cit. (voir note 2).