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Livraisons d'histoire de

l'architecture

Pour une histoire de l'architecture des librairies : le Quartier latin de


1793 à 1914
Béatrice Bouvier

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Bouvier Béatrice. Pour une histoire de l'architecture des librairies : le Quartier latin de 1793 à 1914. In: Livraisons d'histoire de
l'architecture, n°2, 2e semestre 2001. pp. 9-25;

doi : https://doi.org/10.3406/lha.2001.880

https://www.persee.fr/doc/lha_1627-4970_2001_num_2_1_880

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Zusammenfassung
« Zur Architekturgeschichte der Buchhandlungen : das Quartier Latin von 1793 bis 1914 » von Béatrice
Bouvier. Bis heute haben weder die Kunsthistoriker noch die Buchwissenschaftler der Architektur von
Buchhandlungen Aufmerksamkeit geschenkt. Zu Unrecht, denn dabei handelt es sich, wie sich
herausgestellt hat, um bemerkenswerte Zeugnisse industrieller Architektur. Die im Quartier Latin
konzentrierten Buchhandlungen zeichnen ein urbanes Profil aus monumentalen Bauwerken, die zum
Ruhm der Industrie des Wissens errichtet wurden. Als Kreuzungspunkt von Wirtschaft und Intellekt
symbolisiert die Buchhandlung das Netz von Beziehungen, das zwischen der Wirtschaft, den
Intellektuellen, den Verlegern und den Architekten geknüpft wird. Man unterscheidet verschiedene
Gebäudetypen. Am Anfang des 19. Jahrhunderts lassen sich die ersten Verlage in den Hotels
particuliers des Ancien Régime nieder. Zwischen 1870 und 1900 werden neue Gebàude eingerichtet,
die in der Fassade folgende charakteristische Merkmale aufweisen : eine Grundmauer aus
Quaderstein ; hohe eisenumrahmte Glasfenster mit historistischen Säulen über mehrere Stockwerke
— eine letzte Remineszenz an die Architektur des Second Empire; monumentale Eingangsbereiche
mit den Porträts des Buchhändlers bzw. — verlegers; Verandas oder Glasdächer fur die
Lichtdruckateliers. Die Innenhöfe sind Backsteinbauten mit einem speziellen Lieferanteneingang, der
auf eine angrenzende Straße geht.

Résumé
L'architecture des librairies n'a suscité jusqu'à présent aucune curiosité de la part des historiens d'art,
ni des historiens du livre. À tort, puisqu'elle s'avère une architecture industrielle remarquable. Sa
concentration géographique dans le quartier latin dessine un profil urbain rythmé de constructions
monumentales érigées à la gloire de l'industrie vouée au savoir. Carrefour intellectuel et financier, la
librairie symbolise les réseaux relationnels qui s'établissent entre les financiers, les intellectuels, les
éditeurs et les architectes. Plusieurs typologies se distinguent. Au début du XIXe siècle, les premières
maisons d'édition s'installent dans des hôtels particuliers de l'Ancien régime. Durant les années 1870-
1900, de nouveaux locaux sont aménagés et présentent en façade des éléments caractéristiques : un
soubassement en pierre de taille ; des grandes baies vitrées à armature métallique scandées de
colonnes historiées, dernière réminiscence de l'architecture du Second empire, érigées sur plusieurs
étages ; des entrées monumentales aux effigies de l'éditeur-libraire ; des vérandas ou verrières en
toiture pour les ateliers de photogravures. Les cours intérieures révèlent des élévations en briques
avec une entrée particulière pour les livraisons donnant sur une rue voisine.

Abstract
« For a bookstore architectural history: the Latin Quarter from 1793 to 1914 », by Béatrice Bouvier.
Neither the Book Historians nor the Art Historians had manifested their interest for the bookstore's
architecture until now. Wrongly, since it provides a significant industrial architecture. Its geographic
concentration in the Latin Quarter's area draws a specific urbanity marked by monumental buildings
glorifying the Knowledge industry. Intellectual and financial cross-roads, the bookstore symbolises the
relational networks established between the financier, the intellectual, the publisher and the Architect.
Various types are to be distinguished. Early in the XIXth century the publisher firms fix themselves in
Ancien Régime private hotels. The new buildings, set up for use during the 1870-1900 period, display
several characteristic elements on their façade : ashlar masonry basement, metallic framed wide glass
panels separated by historistical columns in a late Second Empire architectural reminiscence and
repeated on several floors, monumental entrances stamped with the publisher figures and glass-
roofing for the photoengraving studios. The inner courtyard reveals brick elevations with a particular
entrance for the deliveries.
par Béatrice BOUVIER

POUR UNE HISTOIRE


DE L'ARCHITECTURE DES LIBRAIRIES
Le Quartier latin de 1793 à 1914

L'architecture du livre concerne d'abord le lieu où le livre est fabriqué ; intervient


ensuite le lieu où il est diffusé : la librairie, qui désignait sous l'ancien Régime,
l'endroit où on le conservait, la bibliothèque1. Il faut attendre la période moderne, et
surtout le XIXe siècle, pour voir apparaître une forme architecturale spécifique au
magasin ou à la boutique du libraire. Les lieux de fabrication, papeteries et
imprimeries, ont quelquefois retenu l'attention des historiens de l'architecture industrielle.
Les librairies, leurs entrepôts et leurs magasins n'occupent, quant à eux, qu'une place
marginale dans les livres d'histoire de l'architecture. Pourtant, de grands noms sont
liés à cette architecture. On peut citer les réalisations de Charles Garnier avec
l'immeuble du Cercle de la Librairie 117, boulevard Saint-Germain et l'immeuble
Hachette également boulevard Saint-Germain, au 195.*
Le commerce de la librairie donne naissance à une architecture significative2 par
la monumentalité des édifices dédiés à la gloire d'une industrie vouée au savoir ; par
l'évolution typologique de ces constructions industrielles; par leur concentration
géographique qui joua un rôle dans l'aménagement urbain du Quartier latin.
La rive gauche et, plus spécialement le Quartier latin, regroupait un nombre
considérable de libraires qui se rassemblaient autour de l'université. À l'image des
marchands d'estampes, le commerce parisien du livre se situait, en effet, depuis la fin
du XVIe siècle, sur la rive gauche de la Seine. Au siècle suivant, la rue Saint-Jacques,
du carrefour Saint-Séverin jusqu'aux Jacobins, devint le centre de la gravure et de
l'édition. Le dépouillement de XAlmanach du commerce de Paris, des départements de la
France et des principales villes du monde, de 1816 à 1850, montre que le XIe
arrondissement, situé à l'époque, sur la rive gauche de la Seine et composé des quatre
quartiers du Luxembourg, de l'école de médecine, de la Sorbonně et du palais de justice,
présentait une forte densité de librairies et distanciait de très loin tous les autres
arrondissements qui se disputaient la deuxième place : les anciens IIe et Xe arrondissements3.

' Les sources des archives de Paris situent l'immeuble Hachette au n° 145 du boulevard Saint-Germain.
La Revue générale de l'architecture de César Daly le situe au 1 97.
1. Nous laisserons de côté la « bibliothèque », à l'honneur à l'occasion du centenaire de l'achèvement
de la bibliothèque Sainte-Geneviève.
2. Cette étude fait partie d'un travail en cours consacré à l'architecture des librairies parisiennes (1790-
1950) et réalisé par Béatrice Bouvier.
3. Jean-Yves Mollier (dir.), Le Commerce de la librairie en France au XIX siècle 1789-1914, IMEC
éditions/éditions de la maison des sciences de l'homme, 1997, 450 p. ; article de Marie-Claire Boscq,
« L'implantation des libraires à Paris (1815-1848) », p. 27-50.

Livraison*) d'hutoire de l'architecture n° 2


10 BÉATRICE BOUVIER

L'hôtel de Brancas, 6, rue de Tournon: de Renouard a Laurens (1793-1960)

L'hôtel de Brancas ou de Terrât4, construit en 1710 pour Jean-Gaston-Baptiste


Terrât, marquis de Chantosme, chancelier du Régent, par l'architecte Pierre Bullet5,
entre dès le XVIIIe siècle dans l'histoire de l'imprimerie et de la librairie. Il a été
construit rue de Tournon, rue placée dans l'axe de l'entrée du Luxembourg et bordée,
depuis le XVIe siècle, de nobles demeures. Son côté pair présente une remarquable
suite de constructions du XVIIIe siècle. Une partie du numéro 6 correspond
aujourd'hui à l'emplacement de l'institut français d'architecture6, qui conserve la cour,
l'escalier, la bibliothèque des Renouard et son décor intérieur du XVIIIe siècle.
L'hôtel fut occupé7, dès 1800, par des imprimeurs libraires: de 1800 à 1805, par
Bossange, Masson et Besson; de 1802 à 1807, par le libraire Perlet; de 1806 à 1807,
par le libraire Dufour; de 1806 à 1807, par l'imprimeur en taille-douce Leblond;
et même de 1805 à 1815, par le directeur général de la Librairie, Royer-Collard. Le
libraire, commissaire en librairie, Antoine-Augustin Renouard (1765-1853) dit
l'aîné, prit possession des lieux en 1821. Auparavant, il tenait sa boutique au 55, rue
Saint-André-des-Arts dans l'hôtel Renouard de Villayer8. Renouard9 était un
personnage attaché à l'imprimerie et plus particulièrement à l'art typographique. Il publia
le Catalogue des livres imprimés par J.-B. Bodoni10 (Paris, 1795), Les Annales de
l'imprimerie des Estienne, ou l'histoire de la famille des Estienne et de ses éditions (Paris,
1837-1838). Son fils, successeur de son père en 1826, se consacra plus
spécifiquement à l'édition d'art et d'architecture.
Né en 1765 à Paris, Renouard aîné" fut d'abord fabricant de gaze, mais l'amour
qu'il avait pour les livres devait, en fait, l'érudition aidant, faire de lui un éditeur
remarquable et un bibliophile exceptionnel. Son nom apparaît aux côtés des grands

4. L'hôtel de Brancas porte également le nom d'hôtel de Montmorency-Laval. La maison appartenait


avant la Révolution au cardinal de Montmorency, émigré. Il fut ensuite occupé par un atelier d'armes
et, à partir de 1796, par Smitz et Gossuin.
5. Ancien élève de François Blondel (1670-1672).
6. L'IFA est locataire de M. Christian Prévost-Marcilhacy, propriétaire de l'hôtel de Brancas.
7. Arch, de Paris, registre Masson (23ZV) ; hôtel de Brancas, inventaire des occupants. Se reporter aux
travaux d'Edouard Prévost-Marcilhacy qui réalise une thèse de doctorat sur l'hôtel de Brancas, sous
la direction de Jean Chagniot, directeur d'études à ГЕРНЕ, section des sciences historiques et
philologiques. Je remercie tout particulièrement Edouard Prévost-Marcilhacy pour l'abondante
documentation qu'il m'a généreusement communiquée.
8. La maison Renouard fut fondée en 1793. Paul Delalain dans son ouvrage L'Imprimerie et la librairie
à Paris de 1769 à 1813, Paris, Delalain, 1899, précise que Renouard était antérieurement installé au
25 de la rue Apolline (1795), ensuite au 25 de la rue Sainte-Apolline (1797), puis 42, rue Saint-
André-des-Arts (1798-1803) et enfin au 55 de la même rue.
9. Roger Charrier, Henri-Jean Martin, Histoire de l'édition française. Le temps des éditeurs. Du
romantisme à la Belle époque, Paris, Fayard-Cercle de la Librairie, 1985, p. 124, 179, 197, 234, 333, 399.
10. Bibliographie de la France. Journal de l'imprimerie et de la librairie, L'édition française, numéro du cent-
cinquantenaire, Paris, au cercle de la librairie, sept. 1961, p. 167-168.
11. Antoine-Augustin Renouard fut maire du Xlf arrondissement de Paris. Jules Tardieu, l'un de ses
employés, rédigea sa nécrologie dans la Bibliographie de France (Paris, 1854, tiré à part). Renouard est
né à Paris le 21 septembre 1765 (et non à Guise) et mort à Saint- Valery-sur-Somme, le 15 décembre

Livrauoru d'hiàtoire de l'architecture n° 2


POUR UNE HISTOIRE DE L'ARCHITECTl 'RE DES LIBRAIRIES 11

de l'édition : Panckoucke, Didot et Bance. Son activité se manifeste par l'édition des
œuvres de Corneille, de Racine, de Voltaire, de Berquin, de Paul-Louis Courrier qu'il
publia avec un soin qui justifiait sa marque d'éditeur. Ses nombreuses publications
se distinguent par « l'Ancre surmonté du coq » placé sur leur frontispice, comme
symbole de la vigilance qui présidait aux travaux de la librairie.
L'hôtel de Brancas fut son lieu de travail et d'habitation, puis celui de ses deux
fils, Jules, libraire et, Paul, imprimeur. Antoine-Augustin Renouard avait aménagé
dans l'ancienne orangerie sa riche bibliothèque dont il publia en 1819 le catalogue
analytique en quatre volumes.
Jules Renouard, successeur d'Antoine-Augustin, fonda la Librairie Renouard et
Ck. Le magasin possédait une boutique et une galerie en rez-de-chaussée12. À la fin
des années 1850, Alexis Désiré Dalloz racheta aux Renouard plusieurs appartements
de l'hôtel. La famille Renouard occupait, pour sa part, tout le principal corps de logis.
Jules Renouard suivit l'exemple de son père et entretint des relations avec les
grands imprimeurs et érudits de l'Europe entière. De concert avec Charles Blanc, il
entreprit L'Histoire des peintres de toutes les écoles, en quatorze volumes. La
photographie n'existant pas et les estampes étant rares, il fallait, pour reproduire Raphaël
ou Vélasquez, employer, aux Offices et au Prado, des artistes qui fournissaient les
dessins destinés à être gravés sur bois.
En 1885, Henri Laurens13, né en 1861 à Paris, se présenta comme le successeur
de l'ancienne maison Renouard. Il se spécialisa dans l'édition des livres d'histoire de
l'art et utilisa abondamment la photogravure, qui permettait la reproduction du
dessin et de la photographie. Propriétaire depuis 1885 de la librairie d'art français,
il fonda des collections d'histoire de l'art, d'enseignement et du tourisme. Parmi ses
célèbres collections illustrées, citons Les Villes d'art célèbres', Les Grands artistes; Les
Petites monographies des grands édifices de la France, etc. L'éditeur s'efforça aussi de
personnaliser une autre branche éditoriale, celle du livre d'enfants.
Après 1922, sa librairie, demeurant toujours rue deTournon devint la propriété
de son gendre, Jean Bonnafous, qui continua les collections et en créa de nouvelles.
Il fit appel aux procédés modernes de l'héliogravure et de l'offset en noir et en
couleurs. Il s'attacha à donner des livres aussi agréables par leur présentation que
solides par leur texte.

1853. Fils d'un fabricant de gazes, il embrassa dès 1781 cette profession, que les événements politiques
lui firent momentanément abandonner; il devint en 1793, membre du conseil général de la Commune
de Paris ; et en faisait encore partie l'année suivante. Il avait fait réimprimer un certain nombre
d'ouvrages latins et français, lorsqu'en 1 795, il reprit sa première profession qu'il exerça 1 1 , rue du faubourg
Saint-Denis; mais son goût pour les livres et sur demande des éditeurs, il fut nommé, en 1796, aux
fonctions d'administrateur du onzième arrondissement et revint, l'année suivante, au commerce de la
librairie. Après 1830, il fut pendant quelques années maire du onzième arrondissement de Paris.
12. Arch, de Paris, D1P4, 6, rue de Tournon, liste des propriétaires et des locataires, valeur locative et
valeur imposable du logement. La boutique et la galerie étaient louées pour une valeur de 4 380 francs.
La boutique Renouard se trouvait à l'emplacement de la salle d'exposition de l'IFA.
13. Roger Chartier, Henri-Jean Martin, Histoire de l'édition française. Le livre concurrencé 1900- 1950, Paris,
Fayard-Cercle de la Librairie, 1986, p. 176, 348, 402, 456, 458, 484, 488.

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12 BÉATRICE BOUVIER

Charles Gamier et le Cercle de la Librairie, 117, boulevard Saint-Germain

« Que chaque membre du Cercle soit convaincu, comme nous le


sommes, que tout ce qui est utile à l'intérêt général de nos
industries est nécessairement profitable à l'intérêt particulier de chacune
d'elles, à l'intérêt individuel de chacun d'entre nous », Didot,
premier président du Cercle de la librairie, 5 mai 1 847.

Le 5 mai 1 847, le Cercle de la Librairie était fondé pour renforcer la cohésion


des industries et des commerces du livre, rassembler les professionnels, faire circuler
l'information et stimuler la production. Dix-sept libraires se réunissaient au
domicile du libraire Jean Hébrard, 13, rue de Savoie, pour créer un groupement de gens
du livre. Le siège social se situait alors 5, rue des Petits-Augustins [i.e. rue Bonaparte].
Pour comprendre le mouvement fondateur, il faut replacer les mots « cercle » et
« librairie » dans l'époque14. Lors de sa constitution, le Cercle se définissait comme
un lieu de « délassement pour les uns, d'occasion de faire des affaires pour les autres ».
Plus qu'une volonté syndicale de la profession, c'est l'esprit de convivialité qui l'anime
avec ses bals, sa salle de billard, ses dîners, ses expositions et ses galas organisés
pendant de nombreuses années.
Le mot « librairie », pour sa part, recouvre au XIXe siècle l'ensemble des
activités rattachés au livre: papeterie, l'imprimerie, l'édition et le commerce du livre,
activités très souvent exercées par ces mêmes maisons. Le Cercle de la Librairie portait,
à l'origine, une dénomination plus complète : Cercle de la Librairie, de
l'imprimerie, de la papeterie. Son rôle était également de produire et de diffuser.
Le tout était encore installé rue des Petits-Augustins, au coin du quai Malaquais où
le Cercle emménagea en juillet 1856, que Louis Hachette15 proposait déjà de faire
construire un immeuble qui abriterait des salles de réunions, une bibliothèque, le bureau du
Journal de la librairie et de la Bibliographie de la France, un espace d'exposition des
produits typographiques et un comptoir de vente. Son idée se concrétisa grâce à l'aide
de son fils, Georges et de son gendre, Louis Breton. Ce dernier constitua, en 1877, une
société civile pour l'acquisition d'un terrain. Une souscription fut lancée, au départ pour
un montant de 500 000 francs qui passa rapidement à 640 000 francs, divisée en actions
de 1 000 francs. La souscription était ouverte aux membres. À l'époque, le boulevard
Saint-Germain était en cours de percement. L'emplacement retenu fut l'angle de la rue
Grégoire-de-Tours, occupé jusque-là par une maison close à l'enseigne du « Cœur
volant » : « Le Cercle de la Librairie, en acquérant pignon sur rue, assurait en même
temps l'assainissement moral d'un coin quelque peu malfamé de ce quartier16 ».

14. Le Cercle de la Librairie, 1847-1997, 150 ans d'actions pour le livre et ses métiers, Paris Cercle de la
librairie, 1997, 63 p. Voir aussi Marie-Annonciade Bady, Le Cercle de la Librairie de 1847 à 1886,
maîtrise d'histoire contemporaine, Paris IV-Sorbonne, 1997.
15. Louis Hachette est un des membres fondateurs aux côtés de Jean-Baptiste Baillière et Caïman Lévy.
Ce groupe constitue les trois piliers du Cercle.
16. Le Cercle de la Librairie, 1847-1997, 150 ans d'actions pour le livre et ses métiers, Paris, Cercle de la
librairie, 1997, 63 p. Dans les archives de Jean- Baptiste Baillière, on peut lire: « Par acte reçu Merlin,

Livra'uoiw d'huttoire de l'archàecture n° 2


POUR UNE HISTOIRE DE L'ARCHITECTURE DES LIBRAIRIES 13

L'architecte Charles Garnier fut retenu. Ce dernier résidait au 90, du boulevard


Saint-Germain. Ami de la famille Hachette, il réalisa, entre 1880 et 1882, leur
immeuble particulier au 195 du boulevard Saint-Germain et une annexe de la
librairie, 2 rue Stanislas. La première pierre du Cercle fut, quant à elle, posée le 12
juin 1878 sous la présidence de Georges Hachette et les travaux s'achevèrent en
octobre 1879. Le coût total s'éleva à 650 000 francs. Le 4 décembre, l'inauguration
officielle de l'Hôtel donna lieu à une des premières réceptions remarquées du Cercle.
Quelques mois plus tard, la première exposition des publications les plus
remarquables de cent-quinze éditeurs de Paris et de province y était présentée.
L'architecture de Garnier fut très remarquée et appréciée. Un journaliste de la revue
L'Illustration17 note : « Dans son ensemble, comme dans ses détails, sa distribution, son
ornementation, on pressent que le Cercle de la Librairie doit être l'œuvre d'un grand
maître. Il y a partout le signe de grandeur, une recherche de noblesse, qui indiquent une
personnalité puissante, originale, qui suit sa voie sans passer par les chemins battus et
imprime à tout, lignes architecturales, effets d'intérieurs, tentures, meubles, etc., la
marque de l'architecte de l'opéra, Charles Garnier ». L'architecte employa ici des
formules architecturales qui personnalisent son style: une façade surmontée d'une
rotonde composée d'une coupole de 38 mètres symbolisant la puissance industrielle
et littéraire ; une richesse ornementale digne de la prospérité bourgeoise ; une mise
en scène soucieuse des éléments décoratifs et un escalier d'honneur18. L'architecte
aménagea les lieux en fonction des nécessités des membres du Cercle : une salle de
billard pour les moments de détente et pour favoriser la discussion, alliance parfaite
du travail et du plaisir ; une salle de réception pour leur dîner hebdomadaire du
mercredi ; une salle d'exposition ; et un salon de lecture. En 1 884, une pièce fut
destinée à la mise en place d'une bibliothèque technique. L'année suivante, le Cercle
organisa la célèbre exposition consacrée à Gustave Doré, présentée avec catalogue. Les
lieux devinrent très vite trop étroits pour les ambitions du Cercle. Entre 1895 et
1932, l'hôtel19 se prolongea dans la rue Grégoire-de-Toursi0 et un nouvel immeuble
fut construit. En 1908, le Cercle mit en place des salles de cours autour des métiers
du livre : pour l'édition et pour la librairie.

notaire de Paris, les 27 et 28 novembre 1 877, les époux Watel ont vendu à la société civile des
propriétaires de l'hôtel du cercle un terrain de 394 mètres 24 décimètres carrés, sis à Paris [...], moyennant
la somme de 155 724 francs et 80 centimes soit à raison de 395 francs le mètre carré ». Un ouvrage
sur la famille Baillière est actuellement en préparation par Edouard Prévost-Marcilhacy.
17. L'Illustration, 7 février 1880.
18. En 1971, une partie de l'hôtel de Charles Garnier est inscrite sur l'inventaire supplémentaire des
monuments historiques : façade, toiture sur rue, rotonde, escalier d'honneur, cage d'escalier.
19. En 1980, l'hôtel est vendu au Gan. La RDA y établit son centre culturel et, après la réunification
allemande, l'école nationale du patrimoine s'y installe en 1992.
20. Le Cercle de la Librairie est actuellement installé au 35 de la rue Grégoire-de-Tours.

LivraLtorui ôhutoire de l'architecture n°2


14 BÉATRICE BOUVIER

Hachette de la rue Pierre-Sarrazin au 79, boulevard Saint-Germain (1826-1910)

Le 19 août 1826, le jeune Louis Hachette21, âgé de vingt-six ans, faisait


l'acquisition d'une petite boutique au 12 de la rue Pierre-Sarrazin22, la librairie Brédif. Il était
auparavant installé rue du Battoir-Saint-André où il occupait un appartement qui
faisait office de logement et de boutique. Le jeune homme se fit aussitôt une fière devise
de son métier : Sic quoque docebo ; l'histoire de la librairie Hachette commence. Installée
dans son modeste magasin, dans une rue étroite et sombre, la librairie Hachette était
destinée à devenir une société d'édition française qu'un organisme international de
statistique classa, dans les années 1960, au rang des grandes affaires mondiales.
Le 7 novembre 1826, Louis reçut son brevet de libraire; il n'avait trouvé sur les
rayons de Brédif que la traduction des Catilinaires par Burnouf et quelques ouvrages de
rassortiment; mais, en moins de quarante années, il mourra en 1864, cet homme de
progrès inventa les formules diverses de création et de diffusion qui furent à la base du
grand essor de l'édition française. Ses débuts furent pittoresques. Sa jeune femme, sa
mère, sa sœur, parfois d'anciens camarades comme Louis-Marie Quicherat et Antoine-
Augustin Cournot, travaillèrent autour de lui dans la petite boutique. Il inonda d'abord
l'université de ses éditions grecques, latines, françaises annotées. En 1832, Hachette
fonda le premier journal d'enseignement, le Manuel général de l'instruction primaire. La
loi du 18 juin 1833 organisait dans le pays l'enseignement primaire pour tous. Il put
présenter un bon catalogue de livres primaires et matériel scolaire aux écoles qui
manquaient alors de tout. Il devint le libraire attitré de l'université.
Hachette s'associa, aux débuts des années 1 840, avec deux de ses gendres : Louis
Breton et Emile Templier23, pour fonder la société Hachette, Breton et Templier,
dissoute en 1858.
La librairie Hachette occupait, dans un premier temps, le rez-de-chaussée et le
premier étage du numéro 12 de la rue Pierre-Sarrazin (ill. 1). En 1840, des travaux
furent entrepris pour permettre l'agrandissement de la boutique et des bureaux. Il
fallait également loger, au dernier étage, le nouveau personnel24. Quatre ans plus tard,
la société Hachette étendit ses locaux aux numéros 10 et 14 de la rue. Au numéro
10, la librairie loua un appartement. La même année, l'achat du numéro 1425 prouve
la volonté d'extension de la société. On perça les murs pour le faire communiquer
avec les bureaux et les magasins. Dix ans plus tard, Hachette racheta l'ensemble
immobilier du numéro 10 et prenait ainsi possession d'une maison élevée sur cave
et composée de cinq étages.

21. Jean- Yves Mollier, Louis Hachette, Paris, Fayard, 1999, 554 p.
22. Arch, de Paris, D1P4, 12, rue Pierre-Sarrazin, liste des propriétaires et locataires, valeur locative et
valeur imposable du logement.
23. Jean- Yves Mollier, op. cit., p. 215.
24. Jean- Yves Mollier, op. cit., p. 224. En 1847, la librairie Hachette employait 24 salariés.
25. Arch, de Paris, 23ZV, registre Masson, au numéro 14 se trouvait, entre 1814 et 1816, le graveur
imprimeur Richomme, oncle de l'imprimeur Ducessois.

Livrautoru) d'huttoire de l'architecture n° 2


POl -R UNE HISTOIRE DE L'ARCHITECTURE DES LIBRAIRIES 15

La librairie Hachette entreprit des


travaux de modernisation des magasins
rue Pierre-Sarrazin (ill. 2), achevés en
1854 et réalisés par l'architecte Piton. La
revue Y Encyclopédie d'architecture publia
huit planches-0, dont deux qui
reproduisent des magasins, celui du rez-de-
chaussée et celui du premier et le plan Illustration non autorisée à la diffusion
du magasin du premier, celui qui est
ouvert au public. Un troisième magasin,
placé dans les caves, n'est pas reproduit
dans la revue. Dans le magasin ouvert au
public, Piton disposa deux escaliers qui
donnaient accès dans la salle supérieure,
l'un pour les personnes extérieures,
l'autre pour le personnel. Apparaît ensuite
une grande nef, abondamment éclairée
111. 1 : Librairie Hachette, 12-14 rue Pierre-Sarrazin, Paris V'
par un comble, qui constitue à arrond. architecte Piton. État actuel de l'immeuble, seules les
proprement parler, la librairie. Elle était divisée façades ont été conservées. Cl. B. Bouvier.
verticalement en deux parties d'inégale

Г:"»

Illustration non autorisée à la diffusion

111.architecture,
Hachette,
Paris,
d'Piton.
01. 2B.: Bouvier.
V'
Plan.
Magasin
rueEncyclopédie
t.arrond.
IV,Pierre-Sarrazin,
de
1854,
laarchitecte
librairie
pi. 36.

26. Encyclopédie d'architecture, 1854, t. IV, pi. 36, 37, 38, 39, 40, 48, 49, 50.

LivraLioru à'hùitûire de l'architecture n° 2


16 BÉATRICE BOUVIER

hauteur ; un balcon régnant tout autour de la salle permettait d'atteindre les casiers
de la partie supérieure. La disposition des comptoirs forme deux fers-à-cheval
adossés entre lesquels Piton avait ménagé un espace où venait se placer le bureau de la
comptabilité qui pouvait ainsi être abordé par tous les côtés. Une petite grille à hauteur
d'appui joignait d'ailleurs les deux branches du fer-à-cheval avec le bureau de
l'administration d'une part, avec la balustrade de l'escalier de l'autre. Elle enfermait
ainsi le public dans le fer-à-cheval, le tenait à distance des rayons et l'empêchait de
pénétrer derrière les comptoirs. Les bureaux des commis se trouvaient dans l'entrée,
à la portée du public. Adolphe Lance, directeur de Y Encyclopédie d'architecture,
insistait sur l'important dispositif d'échelles qui conduisaient les employés devant les
rayons de la partie inférieure de la librairie (ill. 3), et sur les mécanismes à l'aide
desquels on faisait monter les paniers remplis de livres (ill. 4), de la cave dans le
magasin inférieur, et de là dans la salle supérieure ou au balcon qui la couronnait : « Ces
procédés sont à la fois simples, ingénieux et commodes27 ».
En 1856, la construction d'une galerie longue permit de faire suite au magasin.
Elle fut élevée sur le terrain du numéro 13 de la rue Hautefeuille. Deux ans plus
tard, elle fut détruite pour moitié pour de nouvelles constructions sur le boulevard
Saint-Michel. Durant les travaux, Hachette installa son siège social 22 et 24,
boulevard Sébastopol, puis, à partir de 1863, 77 et 79, boulevard Saint-Germain. L'accueil
des clients s'effectuait au 77 avec son hall en forme de fer à cheval où étaient
également situés huit bureaux d'employés. L'ensemble immobilier comprenait dès lors les
77 et 79 boulevard Saint-Germain qui communiquaient avec les 10, 12 et 14 de la
rue Pierre-Sarrazin28 et les 13 et 15 de la rue Hautefeuille. Tout ce complexe est
aujourd'hui détruit29, seules quelques façades demeurent, rue Pierre-Sarrazin et à
l'angle de la rue Hautefeuille (n° 15) et du boulevard Saint-Germain (n° 79), pour
faire place à de nouvelles constructions.

27. Adolphe Lance, « Librairie de M. Hachette à Paris », Encyclopédie d'architecture, 1854, t. IV, p. 49-51.
28. Théodore de Banville précise dans son ouvrage Le Quartier Latin et la bibliothèque Sainte-Geneviève
(Paris, 1865), qu'il se trouvait à cet emplacement, un ancien cimetière des juifs, vendu en 131 1 aux
religieuses de Poissy, qui s'étendait au nord de la rue Pierre-Sarrazin jusqu'à la rue Hautefeuille. Jean-
Yves Mollier indique qu'au moment des travaux d'agrandissement de la librairie, Hachette « dut
patienter, en 1858, parce que les travaux mettaient à nu des ossements humains, des pierres
tombales et des vestiges archéologiques » {Louis Hachette, Paris, Fayard, p. 362). Certaines de ces pierres
tombales sont aujourd'hui conservées au musée de Cluny. Marcel Poëte localise également l'ancien
cimetière des juifs à proximité de la rue de la Harpe: « Une maison est indiquée en 1321 rue de la
Harpe et attenante à l'ancien cimetière des juifs » (M. Poëte, Une Vie de Cité. Paris, de sa naissance à
nos jours, Paris, A. Picard, 1924, vol. I, p. 237). Quant à la rue Pierre-Sarrazin, qui existe, après 1850,
entre le boulevard Saint-Michel et la rue Hautefeuille, elle se rattachait en partie, selon Poëte, à une
propriété du grand bourgeois du même nom. « On trouve en tout cas une maison appelée Pierre
Sarrazin sise à Paris, outre Petit-Pont, dans la rue de Hautefeuille » (p. 214) qui est vendue en 1252,
par la veuve de Jean Sarrazin, aux Prémontrés.
29. Ce lot d'immeubles appartenait à l'actif immobilier du Crédit Lyonnais. Suite aux problèmes financiers
de la banque, les bâtiments furent vendus pour être ensuite détruits fin 1999. Les entreprises de
bâtiment Bouygues y construisent aujourd'hui un ensemble de logements « haut standing » conservant
uniquement quelques morceaux de façades sur le boulevard Saint-Germain et sur la rue Pierre-Sarrazin.

Livrauonô d'hLttoire de l'architecture n° 2


POUR UNE HISTOIRE DE L'ARCHITECTURE DES LIBRAIRIES 17

Illustration non autorisée à la diffusion

111. 3 : Magasin
Encyclopédie d'architecture,
de la librairie
t. IV,Hachette,
1854, pi.rue
37.Pierre-Sarrazin,
Cl. B. Bouvier. Paris, Ve arrond. architecte Piton. Coupe.

Les Hachette possédaient également une


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maison à la campagne, près de Bagneux30, ■i "I
où Louis avait coutume de recevoir au
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déjeuner dominical, ses amis, mais aussi ses


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commis. Г
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L'architecte du Cercle de la Librairie, 1.
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Charles Garnier, établit des liens durables Í
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avec la famille Hachette. La société
\

Hachette lui commanda la réalisation de [—


Illustration non autorisée à la diffusion
leur immeuble particulier, 195, boulevard
Saint-Germain. Les façades de cet 1
immeuble de rapport s'inscrit parfaitement dans le 1Л Ji

prolongement des immeubles du boulevard.


Le numéro 195 abritait les appartements
parisiens de Georges Hachette qui occupait
tlil
le bâtiment sur cour, le reste de l'immeuble
étant réservé aux parties locatives.
L'aménagement des écuries et des garages
conçus par Charles Garnier fut particulière- IU. 4 : Magasin de la librairie Hachette, rue
ment remarqué. Pierre-Sarrazin, Paris, V' arrond. architecte
Piton. Machine servant à enlever et descendre
les livres. Encyclopédie d'architecture, t. IV,
1854, pi. 39. Cl. B. Bouvier.

30. La maison de campagne des Hachette se trouvait à Châtillon, aujourd'hui « sous Bagneux ». Louis
Hachette acheta une seconde propriété rue de Bagneux. On n'en connaît pas l'architecte.

Livraiâorui d'histoire de l'architecture n° 2


18 BÉATRICE BOUVIER

La société anonyme des librairies-imprimeries réunies


5, 7, 9 et 11, rue Saint-Benoît (1830-1906)

On connaît peu de choses de cet édifice31, sinon qu'une partie, au numéro 9 de


la rue Saint-Benoît, fut aménagée pour abriter les ateliers de l'ancienne imprimerie
de Jules Claye32, qui date des environs de 1830. En 1840, elle imprimait les premiers
numéros de la Revue des Deux Mondes. Les ateliers Claye furent rachetés par
l'éditeur imprimeur Albert Quantin. À la différence de son successeur, Claye ne fut jamais
propriétaire de locaux. L'imprimeur Taillefer possédait l'immeuble du 7" et du 9 de
la rue, et Claye louait le rez-de-chaussée du numéro 9 pour sa boutique et quelques
pièces pour ses ateliers de presses au numéro 7M.
Albert Marie Jérôme Quantin35, de formation juridique, commença le métier
d'éditeur, d'abord à Tours, puis à Paris. Il prit, en 1873, la direction de l'imprimerie
Claye. Trois ans plus tard, son habileté dans les affaires lui permit de racheter
l'atelier Claye, 7 et 9, rue Saint-Benoît et de l'agrandir aux 5 (ill. 5) et 1 1, de la même

Illustration non autorisée à la diffusion

111. 5 : Ancienne maison d'édition Quantin, 5, rue Saint-Benoît, Paris, VI' arrond. Entrée principale. Cl.
B. Bouvier.

31. Paul Chemetov et Bernard Marrey ont été les seuls à consacrer une notice sur cette construction dans
Architectures à Paris 1848-1914, Paris, Dunod, 1980, 206 p., p. 163.
32. Béatrice Bouvier, La Librairie d'architecture à Paris au XIX' siècle: les maisons Bance et Morel et la presse
architecturale, Paris, H. Champion, à paraître. Se reporter à la thèse de doctorat du même auteur:
L'Encyclopédie d'architecture ( 1 8 50- 1 892) : un miroir de l'architecture de son temps, Paris, 1999, thèse
de doctorat de ГЕРНЕ, dir. J.-M. Leniaud, 2 vol.
33. Taillefer fut propriétaire du numéro 9 de la rue Saint-Benoît jusqu'en 1899. À cette date, Paul Firmin-
Didot racheta l'immeuble pour le revendre l'année suivante à la société des librairies-imprimeries réunies.
34. Les bureaux de Jules Claye étaient installés au numéro 2 de la rue Saint-Benoît.
35. Se reporter au travail de M. Gloc, Corroyer (1835-1904), architecte. Un historien de l'architecture
médiévale, Paris, EPHE, mémoire de DEA, dir. Jean-Michel Leniaud, 1994, p. 73: « L'état actuel des

Livraiioru d'hiàtoire de l'architecture n° 2


POUR USE HISTOIRE DE L'ARCHITECTURE DES LIBRAIRIES 19

rue36, et l'amena à y installer ses dernières acquisitions : une machine à vapeur de 100
cv et deux chaudières de 50 cv pour le fonctionnement des machines à imprimer37.
Après 1876, les ateliers comprenaient un atelier de reproduction en taille-douce,
gravure, dessin, montage et galvanoplastie, ce qui lui assura une nette supériorité sur
les concurrents. L'activité de Quantin devint très importante: il était l'imprimeur
officiel de la chambre des députés et celui des rapports des missions de Marius
Vachon, commanditées par le ministère de l'instruction publique.
Albert Quantin se consacra aussi à l'édition et constitua un beau fonds de livres
d'art. Il édita les ouvrages des Goncourt sur le XVIir siècle, ainsi qu'une série de
collections sur les Beaux-Arts38, dont l'une se nommait la Bibliothèque de l'enseignement
des beaux-arts*4 '. De nombreux architectes et artistes participèrent à cette entreprise,
dont Edouard Corroyer, principal collaborateur de Eugène-Louis Viollet-le-Duc lors
de la parution de la Gazette des architectes et du bâtiment en 186340.
La Bibliothèque de l'enseignement des beaux-arts concurrençait la librairie centrale
d'architecture de la veuve Morel. Quantin lança, en outre, en 1 88 1 une revue mensuelle
de luxe: Le Livre qui parut jusqu'en 1891, puis en 1882 la Revue des arts décoratijs.
Durant toute sa carrière d'éditeur, Quantin se montra soucieux de progresser dans le
domaine de l'art du livre et contribua également à vulgariser les ouvrages d'art.
Rentrant dans une logique de productivité et de concurrence accrue, Albert
Quantin transforma sa maison en société anonyme lorsqu'il s'associa avec Louis Henry
May, frère de l'important actionnaire du Comptoir d'escompte, Emile May. En 1 886,
la Compagnie générale d'imprimerie et d'édition, ancienne maison Quantin, est créée
avec un capital de deux millions, divisé en quatre mille actions de cinq cents francs.
Poursuivant la politique éditoriale d'Albert Quantin, elle privilégia toujours la
publication d'ouvrages artistiques, telle la collection des Ouvrages des beaux-arts, les
monographies des maîtres de l'art et la Bibliothèque de l'Enseignement des beaux-arts qui
possédait déjà, à la fin des années 1880, vingt-huit titres vendus trois francs cinquante

recherches sur la maison d'édition Quantin ne donne pratiquement aucune indication. Albert Marie
Jérôme Quantin est d'abord un imprimeur, né à Bréhémont (Indre-et-Loire) le 18 janvier 1850. » Sa
date de décès reste inconnue.
36. Ces ateliers sont rachetés ensuite par la S.A. des imprimeries et librairies réunies lors de l'acquisition
du fonds Quantin, successeur de Claye. Actuellement, l'hôtel « Bel ami » (en remplacement de
l'hôtel « Alliance, ancien hôtel « Latitudes ») occupe la plus grande partie de l'immeuble, dont
l'emplacement des anciens ateliers. La Société nouvelle des imprimeries et librairies réunies ne possède plus
aujourd'hui qu'un bureau commercial rue Saint-Benoît, le siège social se trouvant à Ivry.
37. Jean- Yves Mollier, L'Argent et les lettres. Histoire du capitalisme d'édition 1880-1920, Paris, Fayard,
1988, 549 p., p. 150-168 [chap. « Une concentration réussie, la SA des Librairies-Imprimeries réunies
et la maison Quantin »].
38. Par exemple, Les Grands maîtres de l'art ou bien encore la Bibliothèque d'histoire illustrée, également
la Bibliothèque des sciences et de l'industrie.
39. Cette Bibliothèque de l'enseignement des beaux-arts fondée par Jules Comte ( 1 846- 1912), sous le
patronage de l'administration des beaux-arts illustrait le renouveau des « collections » ou « bibliothèques »,
qui favorisait la publication d'ouvrages d'art à bas prix. Se reporter à M. Gloc, Corroyer (1835-1904),
architecte, un historien de l'architecture médiévale, op. cit., p. 74-75.
40. B. Bouvier, op. cit.

Livrauoiu à'biitoire de l'architecture n° 2


20 BÉATRICE BOUVIER

Illustration non autorisée à la diffusion

111. 6 : Ancienne maison d'édition Quantin, 9, rue Saint-Benoît, Paris, VI" arrond. Partie haute de la façade principale.
Cl. B. Bouvier.
chacun, avec cent à deux cents gravures. La S. A de Quantin souhaitait vivement
absorber le fonds de la librairie centrale d'architecture, qui était spécialement riche
en publications des plus éminents architectes de l'époque.
Les locaux de la société Quantin, la Compagnie générale d'imprimerie et
d'édition, étaient répartis entre trois immeubles: aux 5, 7 et 9. Au numéro 5, elle occupait
le rez-de-chaussée et le premier étage. Une partie du rez-de-chaussée fut louée par
Quantin aux bureaux de la revue Le Monde Moderne. Le reste correspondait au
magasin et aux ateliers Quantin. Quelques appartements furent également réservés aux
employés de la société. Le premier étage servait aux bureaux. Au 7, Quantin installa
au rez-de-chaussée ses ateliers de presses manuelles (deux machines et huit ouvriers),
son imprimerie typographique avec presses mécaniques composée de trois ateliers. Le
premier étage servait d'ateliers de brochage, de composition, de corrections et de
magasins de caractères. Le deuxième et le troisième étages étaient destinés aux ateliers de
composition : trente compositeurs au deuxième et dix au troisième étage. La façade de
ce bâtiment, aujourd'hui occupée par un hôtel est dédiée à l'imprimerie. Les
références abondent (ill. 6), non seulement dans les murs de soutènement latéraux terminés
par des chapiteaux aux allures corinthiennes, ou dans les angelots joufflus et fessus, qui
serrent des presses destinées davantage à écraser le raisin qu'à serrer des feuillets, mais
aussi dans le dessin des fines colonnes de fonte et des trois arches du troisième étage.
Au numéro 9, le bâtiment surmonté d'une véranda était entièrement occupé par
Quantin : ateliers de machines et presses au rez-de-chaussée ; magasin de la librairie
au premier étage ; ateliers de composition au deuxième ; ateliers de presses à bras au
troisième et au quatrième et un atelier de photogravure41 au cinquième. La librairie
et les magasins de livres se trouvaient au numéro 1 1 .

41. Auparavant, le cinquième étage de l'immeuble était occupé par l'atelier de photographie Verdoux et C*.

Livrauorut à'hidtoire de L'architecture n° 2


POUR UNE HISTOIRE DE L'ARCHITECTURE DES LIBRAIRIES 21

Les locaux de l'ancienne maison Quantin furent rachetés par la société anonyme
des librairies-imprimeries réunies. Tout commença en 188242 sous l'impulsion des
frères de Mourgues43 (sociétaires en commandite), des imprimeurs Emile Martinet
et de Claude Motteroz. La S.A. des imprimeries réunies naquit de la mise en
commun de leurs matériels. L'imprimeur Emile Martinet, installé 2, rue Mignon à
Paris, racheta l'imprimerie de L'Illustration, ainsi qu'un atelier à Puteaux, où se
trouvaient de nombreux sièges sociaux d'imprimeries. Motteroz, pour sa part, situé rue
du Dragon, se spécialisa dans la production d'ouvrages scientifiques.
La société anonyme se destinait à « l'exploitation de fonds de commerce
d'imprimerie et de journaux ». Sa durée fut fixée à cinquante ans et son capital à six
millions divisés en actions de cinq cents francs44. C'est à ce moment qu'intervint pour
la première fois le Comptoir d'escompte. Ce dernier investit dans le capital de la
société anonyme et y plaça comme président de l'assemblée du 5 août 1882 son vice-
président, Pierre-Philippe Denfert-Rochereau. Durant les premières années de son
existence, la société anonyme put acquérir de nombreux terrains à Puteaux.
En 1886, les Imprimeries réunies absorbèrent le fonds Morel et prirent le nom
de Librairie des imprimeries-réunies (ancienne librairie centrale d'architecture). Moins
de quatre ans plus tard, le capital s'accrut de nouveau. La fusion avec la Compagnie
générale d'édition et d'imprimerie, ancienne maison Quantin45, procura à la société
un apport considérable. Elle devint, dès lors, la Société anonyme des librairies et
imprimeries réunies46 (anciennes maisons Quantin, Motteroz, Martinet et Morel).
Entre octobre 1890 et octobre 1891, Quantin céda l'ensemble de ses baux à la
société anonyme des librairies et imprimeries réunies. Cette dernière agrandit de
nouveau les ateliers de composition et de photogravure qui occupèrent l'ensemble
des étages du numéro 1 1 .
En 1896, cette société anonyme prit la décision de fonder une nouvelle entreprise :
la Société française d'éditions d'art47. Le fonds Morel y figura jusqu'en septembre 1906,
date à laquelle la Société française d'éditions d'art se sépara définitivement de la
branche « librairie »4S pour ne se consacrer qu'à l'imprimerie, secteur plus rentable.

42. Actes passés devant maître Portefin les 29 juillet 1882 et 1" août 1882, Arch, nat., Minutier central,
et. LXXXV 1390.
43. Actes passés devant maître Pornery le 12 décembre 1855.
44. Le nombre d'actions est fixé à 2 000. Noms des principaux actionnaires en 1883: É.-J. Laveissière
(administrateur du Comptoir d'escompte), J.-J. Laveissière (négociant), C. Edmond (bibliothécaire
en chef au Sénat), M. Démarest (ingénieur), P. Girod (directeur du Comptoir d'escompte), C. Bisson
(secrétaire général du Comptoir d'escompte) et le Comptoir d'escompte lui-même (le plus gros
actionnaire: pour 1 500 actions).
45. L'actif du capital de la S.A. Quantin s'élève en 1889 à 3 874 430, 21 francs (Arch, nat., Minutier
central, et. LXXXV 1 390).
46. L'ancienne société L.I.R. (Librairies imprimeries réunies) a été rachetée en 1985 par la Société nouvelle des
librairies-imprimeries réunies. Les anciennes archives de la L.I.R. n'ont pas été conservées par les repreneurs.
47. Acte passé devant maître Aron le 30 décembre 1 896 (cf. le Bulletin du tribunal de commerce de la Seine, art.
10 244). La société française d'éditions d'art était dirigée par May. Ses ateliers se trouvaient 37 rue Gandon.
48. Le capital de la S.A. des Imprimeries et librairies réunies a été porté à trois millions de francs divisés
en 10 000 actions de 300 francs.

LivraúorM d'huttoire de l'architecture n° 2


22 BÉATRICE BOUVIER

La maison A. Hatier, du 33, quai des Grands-Augustins


au 8, rue dAssas (1880-1910)

Fondée en 1880 par Alexandre Hatier49, au 33, quai des Grands-Augustins à Paris,
la librairie Hatier fut orientée, dès sa création, vers l'édition scolaire. Les étapes de
publication des grandes collections qui la firent connaître à l'ensemble du monde
enseignant se succédèrent sans interruption. Six après sa création, les manuels de
Sciences physiques et naturelles de Bremant, destinés à l'enseignement primaire,
devaient rester un des grands succès de la maison pendant cinquante ans, avec une
vente annuelle de 100 000 exemplaires. En 1900, Hatier coéditait le Dictionnaire
des 8 000 verbes de Bescherelle, point de départ d'un ouvrage dont la diffusion ne
cessa de s'accroître. Dix ans plus tard, en 1910, la librairie commença à faire paraître
L'Histoire de la Littérature française, les Morceaux choisis et la série bien connue des
Auteurs français, de Granges, professeur au lycée Charlemagne. Ces volumes devaient
former des générations entières d'élèves.
En 1911, à la suite des graves inondations de 1910, le siège de la Maison était
transféré du 33, quai des Grands-Augustins au 8, rue d'Assas, propriété de la baronne
de Grovestins. Au XIXe siècle, ces locaux correspondaient au magasins et aux ateliers
de la célèbre société Fée et C'c, brocheur en livres. Depuis, la librairie s'est étendue
progressivement, d'une part, en traversant le bloc d'immeubles jusqu'aux 59 et 63
du boulevard Raspail, d'autre part, en englobant le 6 de la rue d'Assas.

La librairie Armand Colin,


103, place Louis-Marin et 12, rue de l'abbé-de-l'Épée

En 1 870, Armand Colin débuta modestement la librairie classique qui devint la


Librairie Armand Colin. Secondé par son associé, Louis Le Corbeiller, Armand, sut
rapidement développer la maison d'édition qu'il avait créée.
Concentrant tout son effort sur un seul ouvrage, il rompit avec la routine et
opposa aux livres scolaires compacts et tristes, un livre clair et souriant : la Grammaire
de Larive et Fleury, qu'il tira à un nombre d'exemplaires jusqu'alors inconnu et
répandit à profusion, gratuitement à titre de spécimen, ce qui n'avait jamais été fait, parmi
les membres de l'enseignement. Le résultat dépassa ses espérances, les éditions se
succédèrent pour atteindre des millions d'exemplaires.
Dès 1885, après de nombreuses réussites dans l'enseignement primaire, Armand
étendit son champ d'action à l'enseignement secondaire puis à la littérature
générale : ainsi apparurent des collections qui firent date dans l'histoire de l'édition
française: en 1893, l'Histoire générale de Lavissse et Rambaud, en 1896, L'Histoire de la
langue et de la littérature françaises de Petit de Julleville.

49. Bibliographie de la France. Journal de l'imprimerie et de la librairie, L'édition française, numéro du cent-
cinquantenaire, Paris, au cercle de la librairie, sept. 1961, p. 149-150.

Livraiàonà d'biitoire de l'architecture n°2


POUR UNE HISTOIRE DE L'ARCHITECTURE DES LIBRAIRIES 23

Illustration non autorisée à la diffusion

111. 7 : Maison d'édition Armand Colin, 103 place Louis-Marin. Par l'architecte J. -M. Girard, 1913. Élévation des
façades donnant sur la rue de l'abbé-de-l'Épée et la place Louis-Marin. Cl. B. Bouvier.

A partir de 1891, année de la fondation des Annales de Géographie par Vidal de


la Blache, la librairie publia plusieurs périodiques : la Revue de Métaphysique et de
morale., puis le Bulletin de la société française de philosophie notamment.
En 1900, après la mort d'Armand Colin, la direction de la librairie passa à son
gendre, Max Leclerc. Poursuivant la tâche entreprise, Leclerc donna à la librairie un
nouvel essor; en 1905, paraissait L'Histoire de l'art d'André Michel ; en 1913, L'Histoire
de la langue française de Ferdinand Brunot. La même année, il fît construire 103, place
Louis-Marin (ill. 7), un immeuble à la gloire de la maison Armand Colin, par
l'architecte J.-M. Girard50. La façade monumentale, arborant les emblèmes de la Société —
un arbre surmonté d'un « A » et d'un « С » enlacés (ill. 8) —, s'inscrit parfaitement dans
la leçon de Garnier et du Cercle de la Librairie. Par la suite, la maison d'édition acquit
une parcelle donnant sur la rue de l'abbé-de-l'Épée, avec une façade en briques.
L'annexe de la rue de l'abbé-de-l'Épée était destinée aux livraisons, avec un accès par
une entrée monumentale en métal. L'architecte associa ici plusieurs matériaux : le métal,
le verre et la brique. L'encadrement des fenêtres reprend un design industriel proche
des gares métalliques. Ce bâtiment diffère de la façade monumentale du début du
XXe siècle de la place Louis-Marin, par sa simplicité et sa fonctionnalité.

50. J.-M. Girard était installé 44 avenue du Maine à Paris. Son prénom n'est pas connu. Voir Manuel
officiel des affaires foncières et immobilières. Annuaire spécial des architectes et des affaires. Documents
1885 à 1903. Supplément 1902-1903.

Livra'uonâ ô'biàtoire de L'architecture n° 2


24 BÉATRICE BOUVIER

111. 8 : Maison d'édition Armand Colin, 103 place Louis-Marin. Par l'architecte J.-M. Girard, 1913. Détail de la
façade place Louis-Marin. Cl. B. Bouvier.

Après le décès prématuré de Leclerc, en 1932, son fils Jacques Leclerc le remplaça.
Avec son associé René Philippon, il entreprit le renouvellement des collections
classiques et participa ainsi aux bouleversements apportés dans ses méthodes par la
pédagogie moderne. Il enrichit parallèlement les collections littéraires.
En 1956, son fils Jean-Max Leclerc est appelé à lui succéder. Avec René Philippon
et Hélène Leclerc, sa sœur, il assura la direction de la Librairie Armand Colin et dut
faire face aux multiples problèmes d'adaptation et de croissance qui se posaient alors
à une maison traditionnelle. La librairie A. Colin sut maintenir ses activités et son
siège social dans l'immeuble construit par Max Leclerc.

La librairie catholique,
74-76, rue des Saints-Pères par Eugène Dupuis (1878-1891)

La société générale de la librairie catholique était propriétaire des numéros 7451 et


76 de la rue des Saints-Pères. L'accès à la boutique se faisait par une porte cochère qui
permettait l'accueil des clients au 74. La boutique de la librairie catholique52
présentait plusieurs particularités. Elle faisait partie des premières architectures qui utilisaient
le béton mélangé à du mâchefer. L'Encyclopédie d'architecture, dirigée par Anatole de
Baudot, consacre un bref article sur la construction. En 1889, le rédacteur53, Emile

51. Le numéro 74 fut racheté en 1891 par la société anonyme immobilière de la rue des Saints-Pères.
52. P. Chemetov, B. Marrey, Architectures à Paris 1848-1914, Paris, Dunod, 1980, 206 p., p. 60.
53. Emile Rivoalen, « Causerie technologique: fers et bétons », Encyclopédie d'architecture, 1888-1889,
1. 1, p. 182-184.

Livraiioná à'hûtoire de L'architecture n° 2


POUR UNE HISTOIRE DE L'ARCHITECTURE DES LIBRAIRIES 25

Rivoalen rapporte que l'architecte avait construit des voûtes, des planchers
monolithes et des arcs surbaissés de huit mètres d'ouverture, le tout en bétons maigres de
sable et de ciment « dit Portland, mélangé d'une certaine portion de mâchefer ». Ces
parties du bâtiment étaient moulées à l'aide de coffrages, pilonnées par couches ou
par bandes formant des claveaux et des pièces de fer doubles T. Le tout faisait office
d'armature comme une sorte de carcasse métallique. La charge considérable accumulée
à la surface des planchers d'un magasin de livres nécessitait, ici, la recherche d'un mode
de structure procurant une grande rigidité aux planchers sans pour cela entraîner une
trop forte épaisseur. De cette combinaison, ajoute Rivaolen, paraissait résulter une
force incomparable par rapport à ce que pouvait donner un plancher ordinaire. Il en
conclut : « Les résultats obtenus sous le rapport de la résistance à la flexion et à la
trépidation, de l'imperméabilité et d'autres qualités diverses, semblent, avec les progrès
réalisés dans la fabrication de nouveaux ciments économiques, assurer un avenir à cette
combinaison de structure toute moderne ».
Le reste du bâtiment54 reste conventionnel et repose sur une dalle en béton. Les
étages supérieurs délimitent une cour intérieure couverte d'une verrière, ce qui se
faisait souvent dans les espaces commerciaux de l'époque. La galerie circulaire était
divisée en bureaux avec un balcon demi-circulaire sur la rue, une salle de conseil et
le cabinet du directeur. Cette organisation était reportée à l'étage supérieur, avec de
nouveaux bureaux et le service publicité de la librairie.

Architecture intimement liée à la vie des livres, la librairie présente une grande
diversité architecturale. Au début du XIXe siècle, elle se rattache encore à l'hôtel
particulier du XVIIP siècle qui, par la hauteur de ses plafonds, offre l'avantage de pouvoir
disposer de nombreux rayonnages dans une même salle. Au milieu du XIXe siècle,
s'élabore une architecture propre au librairie qui utilise les nouveaux matériaux —
métal, brique et verre —, et qui emploie de nouvelles dispositions pour faciliter la
circulation dans les rayons et l'approvisionnement des magasins. Les maisons d'édition et
les librairies développent une architecture à la fois monumentale et fonctionnelle.
Cette architecture pouvait, selon Adolphe Lance, servir d'exemple à
l'architecture des bibliothèques : « Ce magasin [Hachette] pourra servir de document pour la
construction des bibliothèques publiques ou de quelques bibliothèques privées, s'il
est encore dans notre temps des amateurs qui possèdent des collections assez
importantes pour leur offrir un aussi confortable asile ».
L'inventaire de cette architecture sur la ville de Paris et ses environs reste à faire.
Une étude est en cours55.

Béatrice BOUVIER
docteur de l'EPHE
chercheur en histoire de l'art

54. Arch, de Paris, D 1 P4, dossier sur la rue des Saints- Pères.
55. Béatrice Bouvier, op. cit. (voir note 2).

Lwrauorui à'hiitoire de l'architecture n° 2

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