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Actes de la recherche en

sciences sociales

Rhétorique et réalités de la "mondialisation"


Monsieur Neil Fligstein

Citer ce document / Cite this document :

Fligstein Neil. Rhétorique et réalités de la "mondialisation". In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 119, septembre
1997. Économie et économistes. pp. 36-47;

doi : https://doi.org/10.3406/arss.1997.3228

https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1997_num_119_1_3228

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Zusammenfassung
Wort und Wirklichkeit der « Mondialisierung »
Inwiefern wirkt sich die gegenwärtig vieldiskutierte « Mondialisierung » der Wirtschaft tatsächlich auf
die staatliche Politik und die soziale Schichtung der (mehr oder weniger) fortgeschrittenen industriellen
Gesellschaften aus? Der Artikel untersucht diese Frage des Näheren für den Geltungsbereich der
OCDE und geht dabei davon aus, daß bei Zugrundelegung auch unterschiedlichster Definitionen der
Mondialisierung nicht eindeutig nachzuweisen ist, date die Zunahme des international en Handels für
die Entindustrialisierung, die wachsende Ungleichheit der Einkommensverteilung und die Reduzierung
der sozialpolitischen Matenahmen in den fortgeschrittendsten Gesellschaften verantwortlich zu
machen sei.
Wenn aber diese Tendenzen nicht durch die Mondialisierung verursacht sind, wie sind sie dann zu
erklären? Die Antwort ist in der anhaltenden Transformation der amerikanischen Wirtschaft in den 80er
Jahren zu suchen, mit der politischen Reformen einhergingen, durch die zahlreiche Regulierungen des
Handels aufgehoben worden waren, und durch die der Abbau des Wohlfahrtsstaates eingeleitet
worden war. Diese Transformation hatte auf eine Krise des amerikanischen Kapitalismus in den 70er
Jahren geantwortet und eine Welle von BetriebsZusammenschlüssen und - Schließungen und
massiver Sozialpläne, sowie eine wachsende Hinwendung der Wirtscbaftsführer zu einer kurzfristigen
Rentabilität mit sich gebracht. Der im Artikel vorgestellte Konzeptionsbegriff einer Firmenkontrolle in
Form eines « Aktionärswertes » (shareholder value, s. N. Fligstein, 1996) dient der Beschreibung
dieses Wandels. Dieser Konzeption zufolge wären einzig und allein die Aktionäre zu einer
Einblicknahme in die Aktivitäten des Unternehmens berechtigt, und das Unternehmen hätte sich einzig
und allein damit zu befassen, die Gewinne der Aktionäre zu maximieren.

Résumé
Rhétorique et réalités de la « mondialisation ».
On parle beaucoup aujourd'hui de la « mondialisation » de l'économie et de ses effets supposés sur
les politiques publiques et sur la stratification sociale dans les sociétés industrielles avancées (et moins
avancées). Cet article examine de plus près le problème dans le cas des pays de l'OCDE et suggère
que quelle que soit la définition de la mondialisation que l'on adopte, il n'existe pas de preuves
probantes que la croissance des échanges internationaux soit responsable de la désindustrialisation,
de l'inégalité croissante dans la distribution des revenus ou de la contraction des politiques sociales
dans les sociétés avancées. Si la mondialisation n'est pas responsable de ces tendances, comment
alors les expliquer? La réponse est à chercher du côté de la transformation soutenue qu'a connue
l'économie américaine pendant les années 80 et des réformes politiques qui ont déréglementé les
activités marchandes et entamé le démantèlement de l'État-providence. Cette transformation répondait
à la crise du capitalisme américain dans les années 70 et s'est traduite par une vague de fusions et de
fermetures d'entreprises, des plans sociaux massifs, et par la préoccupation croissante que les
dirigeants accordent désormais à la rentabilité à court terme. Nous avons introduit la notion de
conception du contrôle des firmes en termes de « valeur actionnaire » (shareholder value) pour décrire
cette transformation (N. Fligstein, 1996). Conception selon laquelle les seules personnes à avoir un
droit de regard sur les activités d'une entreprise sont les actionnaires et la seule préoccupation de
l'entreprise doit être de maximiser les gains de ses actionnaires.

Abstract
"Globalization" : rhetoric and realities.
There is a lot of talk today about "globalization" of the economy and the effects this is supposed to
have on public policies and on social stratification in advanced (and less advanced) industrialized
countries. The present article takes a doser look at the problem in the OECD countries and suggests
that, whatever definition of globalization one uses, there is no convincing proof that the rise in
international exchanges is responsible for de-industrialization, for the growing gap in income
distribution or for the contraction of social policies in advanced societies. But if globalization is not the
culprit, what is ? The answer lies with the sustained transformation in the American economy
throughout the 1980s and the political reforms which deregulated commercial activity and began the
dismantling of the welfare-State. This transformation came in response to the crisis in American
capitalism in the 1970s, which was reflected in a wave of company mergers and closures, massive social
projects and by decision-makers growing preoccupation with short-term profitability. To describe this
transformation, the author has introduced the notion of conceiving the assessment of companies in ternis of
"shareholder value" (N. Fligstein 1996), which means that the only people who should have the right to
judge company activities are the shareholders and that the company's sole concern should be to maximize
its shareholders' profits.
Neil Fligstein

Rhétorique et réalités

de la « mondialisation »

d'hui, on en parle comme si elle offrait une solution à


tous les problèmes de compétition censés provenir de
l'accroissement du commerce international. La
rhétorique de la mondialisation et les implications en termes
de politique publique de cette vision américaine ont
ainsi envahi le langage de la communauté mondiale
des économistes, telle qu'elle s'exprime par exemple à
travers les stratégies préconisées par la Banque
mondiale et par l'OCDE. On prétend que, pour faire face à
la mondialisation, il est impératif de réduire
l'encadrement du salariat, de permettre plus d'inégalité en
réduisant la fiscalité des capitaux et des hauts revenus, et de
promouvoir une conception du contrôle en termes de
« valeur actionnaire » en octroyant aux entreprises plus
de flexibilité dans le domaine de l'investissement et du
désinvestissement. À suivre cette optique, on exige que
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la les gouvernements démantèlent les systèmes de
protection sociale afin de promouvoir des marchés de
l'emploi plus « flexibles » , réduisent les déficits budgétaires
et les impôts, et maintiennent l'inflation et les taux
d'intérêt à des niveaux aussi bas que possible. La seule
action positive à attendre des gouvernements serait le
financement de programmes de formation permettant
aux travailleurs de s'adapter à la nouvelle organisation
économique (R. Reich, 1992).
Cette rhétorique s'est insinuée dans le débat
politique européen. Pourtant, les difficultés économiques
des Européens ne proviennent pas de la globalisation
telle qu'on l'entend habituellement, mais bien plutôt de
la faiblesse de la croissance, de la baisse tendancielle
des activités manufacturières qui s'accompagnent d'une
augmentation des activités tertiaires, et des divers
dispositifs sociétaux en faveur de la redistribution, cela
bien que les échanges internationaux aient augmenté
rapidement en Europe occidentale depuis quinze ans
Rhétorique et réalités de la «mondialisation» 37

et que les sociétés européennes soient aujourd'hui humain, la stabilité politique et l'ouverture aLix
parmi les plus dépendantes du commerce mondial. capitaux étrangers (R. Wade, 1990; Y. Akruz et C. Gore,
Le capitalisme reste ancré dans le cadre national, 1996; J. Campos et H. Root, 1996; P. Evans, 1995;
même dans le cas des marchés dont les protagonistes World Bank, 1996).
opèrent à l'échelle globale du fait de la construction La troisième acception de la mondialisation insiste
:

historique des élites économiques et politiques sur le développement spectaculaire des marchés
nationales et de l'organisation sociale qui en résulte. De financiers mondiaux de l'endettement, des actions et des
plus, les entreprises capitalistes restent tributaires de devises. Les observateurs critiques de ces marchés
leurs gouvernements nationaux respectifs, qui seuls (Harvey, 1990 ; F. Block, 1996 ; M. Castells, 1996)
sont à même de leur fournir des conditions politiques considèrent que les sommes vertigineuses qui s'y échangent
stables, une infrastructure, une protection douanière, au jour le jour révèlent l'incapacité des banques
des accords commerciaux, des politiques de centrales à contrôler les flux de devises. Qui plus est, sur
concurrence, un accès privilégié au marché des capitaux, et le ces marchés, les spéculateurs peuvent attaquer la
cas échéant, une aide directe. Du fait de cette monnaie de tel ou tel pays s'ils considèrent que les
interdépendance, on peut arguer que les sociétés ont toujours politiques économiques qu'il poursuit pourraient conduire
des exigences légitimes envers leurs entreprises, la à augmenter son taux d'inflation ou ses taux d'intérêt.
notion de stakeholders' rights (soit les droits de tous Le marché mondial de la dette restreint également la
ceux qui sont concernés, à un titre olí à un autre, par politique fiscale de tout pays en augmentant le coût du
l'activité de l'entreprise) pouvant être élargie à tous les crédit. Pris ensemble, les marchés financiers mondiaux
membres d'une collectivité locale et nationale. feraient que les gouvernements se trouvent contraints
de poursuivre des politiques monétaires et fiscales
restrictives qui favorisent des taux d'inflation bas, une
Qu'est-ce que la mondialisation? croissance économique lente et la résorption des
déficits publics.
Lorsqu'on parle de mondialisation, on fait On considère généralement que la croissance de
généralement référence à trois processus. Le premier concerne l'économie mondiale et sa dépendance accrue envers
l'accroissement des échanges transnationaux de telle les technologies informatiques ont plusieurs effets
sorte que les entreprises ne rivalisent plus seulement à néfastes sur les pays industrialisés. D'abord, la désin-
l'intérieur d'un territoire national mais partout dans le dustrialisation (le déclin du secteur manufacturier par
monde. Le corollaire de cet accroissement est que la la fermeture d'usines) signifie que des emplois ouvriers
nature même de la concurrence internationale a bien rémunérés sont en voie de disparition (B. Blues-
changé. Les entreprises utilisent les nouvelles tone et B. Harrison, 1984). Ces travailleurs étant
technologies de l'information poLir répartir leurs activités souvent peu qualifiés, ils éprouvent le plus grand mal à
productives là où les prix mondiaux des facteurs sont les retrouver un emploi. Cette réserve de salariés non
plus bas (M. Castells, 1996). On peut ainsi transférer qualifiés crée les conditions d'une pression à la baisse des
des emplois des pays industrialisés vers les pays du salaires ouvriers.
Tiers-Monde parce qu'il est possible d'y contrôler les Deuxièmement, les emplois créés par l'économie
usines, de transférer les savoir-faire, et que les salaires y mondiale sont prioritairement destinés aux individus
sont suffisamment bas pour compenser les coûts jouissant d'un niveau de qualification élevé — ceux que
supplémentaires de transaction ainsi qu'une éventuelle Robert Reich (1992) appelle les « manipulateurs de
baisse de productivité (H. Shaiken, 1990). symboles » Ces travailleurs sont mieux rémunérés
.

La deuxième acception de la notion de parce qu'ils possèdent les qualifications et les savoirs
mondialisation fait référence à la montée des «Tigres »> du Sud-Est requis par la nouvelle économie des services. Leur
asiatique (Taiwan, Singapour, Corée du Sud, etc.), aux productivité étant élevée, leurs salaires augmentent
dépens des emplois dans les pays industrialisés de continûment. L'impact conjugué de ces deux tendances
l'Europe et de l'Amérique du Nord. On attribue la produit un ensemble d'effets pervers le revenu du capital
:

croissance rapide de ces économies à plusieurs humain s'accroît pour ceux situés en haut de l'échelle
facteurs des processus de développement pilotés par des qualifications tandis qu'en bas il baisse, ce qui crée
:

l'État, qui ont engendré des infrastructures, des facilités à la fois plus de revenu societal et plus d'inégalité des
d'investissement, une forte accumulation de capital salaires.
Neil Fligstein

Les gouvernements se retrouvent piégés par ces échanges mondiaux, de sorte qu'il a fallu plus de
deux aspects de la mondialisation. La demande de cinquante ans pour qu'ils retrouvent leur niveau du début
services publics augmente du fait de la montée du du siècle. Plus important, le commerce mondial
chômage et de la détérioration des bas salaires. Les représentait seulement 15 % du produit industriel brut (PIB)
gouvernements tentent de répondre à cette demande en mondial en 1994 (OCDE, 1996). Si les échanges
mettant en œuvre des politiques fiscales internationaux se sont développés plus vite que le PIB
expansionnistes, mais celles-ci se heurtent à la contrainte « planétaire au début des années 1990, ce n'est plus le cas
extérieure ». D'une part, les gouvernements ne peuvent pas en 1996. Les échanges mondiaux se sont donc bien
imposer plus les entreprises qui risqueraient alors de se développés, mais dans le contexte d'une croissance
délocaliser (ce qui aggrave la désindustrialisation en mondiale de longue durée qui ne menace guère de
décourageant la formation de capital). D'autre part, ils submerger les économies nationales (pour une analyse
doivent éviter de creuser les déficits budgétaires, car, à long terme, voir A. G. Kenwood et A.L. Lougheed,
sinon, les marchés mondiaux des devises feraient 1994).
baisser la valeur de leur monnaie nationale (ce qui a pour
effet d'augmenter les taux d'intérêt et le financement PIB MONDIAL ET EXPORTATIONS MONDIALES DE MARCHANDISES
des déficits et, partant, de ralentir l'activité (1980-1995)
économique).
Ainsi, les gouvernements nationaux se trouveraient 1980 1985 1990 1995
dans l'incapacité de répondre à la mondialisation qui
engendre la désindustrialisation en même temps qu'un PIB mondial 13 663,0 15 423,7 24 540,0 28 954,0
accroissement des inégalités. Les gouvernements Commerce mondial 920,8 848,7 3371,1 4 890,0

1
vertueux ne peuvent qu'adopter des politiques Part du commerce 14,0 12,0 13,8 16,9
économiques visant à réduire l'inflation, les barrières dans le PIB mondial
douanières et la protection sociale, avec l'espoir d'attirer Part des pays
des investissements étrangers pour stimuler la développés dans 62,6 66,2 71,5 66,6
le commerce mondial
croissance. Part des pays
développés dans les 68,7 69,4 76,3 78,3
exportations mondiales
de produits manufacturés
Le commerce mondial,
Part des pays
un faux procès développés dans 67,7 69,2 72,5 70,6
les exportations
des pays développés
Nous savons que le changement social obéit à des
causes complexes s'articulant de manière différente Part des pays en
développement 67,9 62,8 62,0 56,6
dans le temps et l'espace. Il est donc irréaliste de dans les exportations
des pays développés
penser qu'une seule variable, la mondialisation des
échanges marchands, puisse rendre compte des Source World Economic Survey, 996, tableaux A. A. 5, .9 et 3.2.
transformations socio-économiques et des modifications des
:

I,
1
1

politiques publiques qui s'observent dans les différents Entre 1980 et 1995, les échanges mondiaux ont plus que doublé. Mais
durant la même période, le PIB mondial a lui aussi plus que doublé. Sur la
pays avancés. D'un simple point de vue logique, on période de l'après-Seconde Guerre mondiale, les échanges ont en général
doit s'attendre au moins à ce que les sociétés qui sont augmenté plus vite. Mais ce mouvement a connu des à-coups. Pendant les
années 1980, les échanges ont baissé par rapport au PIB, ont commencé à
très ouvertes au commerce mondial subissent des s'accroître nettement au début des années 1990, puis ont ralenti en 1996.
pressions plus fortes que les sociétés moins ouvertes. Les échanges mondiaux ont donc progressé, mais replacée dans la
Commençons par l'idée selon laquelle croissance économique mondiale de long terme, cette progression n'a pas
atteint des niveaux susceptibles de bouleverser les économies nationales.
l'internationalisation de l'économie s'est accrue à la fois
quantitativement et qualitativement. S'il est vrai que le
commerce mondial s'est développé durant les trois Une autre conséquence supposée de la
dernières décennies, il faut noter qu'il n'a que très mondialisation concerne le mix des produits et des emplois. On
récemment dépassé le niveau qu'il avait atteint en 1913 prétend qu'auparavant les échanges entre pays
(J. Sachs et A. Warner, 1995 ; R. Wade, 1996). En effet, industrialisés et pays du Tiers-Monde se développaient
les deux guerres mondiales ont gravement affecté les selon un schéma simple, ceux-là achetant des matières
Rhétorique et réalités de la «mondialisation» 39

STRUCTURE DES EXPORTATIONS MONDIALES DE MARCHANDISES Ainsi, certains secteurs de la société sont-ils plus
PAR RÉGIONS exposés que d'autres aux effets du commerce international,
Destination des flux : ce qui, au demeurant, n'implique nullement qu'ils
soient nécessairement perdants. En tout état de cause,
Origine des flux États-Unis Europe Asie Reste du Total
de l'Ouest monde ce ne sont pas les pays qui se font concurrence mais les
entreprises. Il y aura donc des gagnants et des perdants
États-Unis 35,6 20,2 25,0 19,2 100,0 dans toutes les sociétés, et la croissance et l'emploi
Europe de l'Ouest 8,0 68,9 8,8 14,3 100,0 dans les pays de l'OCDE dépendront du fait que
certaines industries se développent (et trouvent des clients
Asie 26,4 17,6 46,5 14,2 100,0
pour leurs produits) et d'autres pas (P. Krugman,
1995a; b).
Source WorldTrade Organization Annual Report, 996, tableau II. Il s'ensuit que la mondialisation ne saurait
:

I.

Le plus important partenaire des pays d'Europe occidentale est l'Europe déterminer des changements économiques et politiques
occidentale. 46,5% des exportations des pays d'Asie sont à destination de univoques que dans la mesure où elle touche les différents
l'Asie. L'Amérique du Nord (États-Unis et Canada) a le profil commercial
le plus diversifié. Ses exportations sont d'abord dirigées, presque à part secteurs de la société de manière différente. Ainsi,
égale, entre l'Asie, l'Europe et le reste du monde. certains pays sont-ils plus vulnérables que d'autres selon
L'image qui ressort de ces tableaux est celle d'un monde où le commerce leur degré de dépendance à l'égard des échanges
s'accroît dans l'absolu (d'environ deux milliards à environ cinq milliards en extérieurs et du succès ou non de leurs produits sur les
quinze ans), mais pas nettement en termes relatifs (de 14 % à 16,9 % du marchés mondiaux, les pays peu dépendants des
PIB mondial). La direction des échanges reste principalement tournée des
sociétés développées vers les sociétés développées, et la part du commerce échanges extérieurs étant par définition moins
de produits manufacturés originaires des sociétés développées a en fait concernés par les effets négatifs et positifs du commerce
augmenté. Alors que les exportations d'Asie ont augmenté, elles n'ont pas
accaparé de part des échanges du monde développé. Les sociétés qui n'ont international.
pas gagné autant du commerce sont celles du monde en développement.

Part des exportations dans le PIB de quelques pays


premières et des produits de base à ceux-ci et leur INDUSTRIELS DÉVELOPPÉS (1970-1995)
vendant des biens otivrés. La mondialisation
conduirait les pays du Tiers-Monde à assumer les tâches Pays 1970 1980 1985 1990 1995
productives revenant jusque-là aux pays industrialisés.
L'étude de Bairoch (1996) réfute cette idée d'une part, États-Unis 4,2 7,9 5,1 6,7 8,0
:

le gros des échanges mondiaux (environ 60 %) Allemagne 18,5 23,6 29,4 25,9 21,0
s'effectue entre pays membres de l'OCDE, et cela depuis près lapon 9,5 12,2 13,1 9,8 8,6
d'un siècle (ce taux était de 65 % en 1913); d'autre France 12,4 16,7 18,5 17,5 18,5
part, la composition de ces échanges en termes de
matières premières et de biens finis est restée Royaume-Uni 12,3 17,4 18,5 15,5 21,2
pratiquement la même depuis 1910. S'il est vrai que les Italie 15,5 21,2 21,9 18,8 21,8
produits de l'industrie informatique occupent aujourd'hui Canada 19,0 23,8 24,5 20,8 33,5
une part plus importante, il n'en demeure pas moins
que les échanges les plus importants en volume Moyenne OCDE 17,7 22,8 26,0 23,3 23,1
concernent toujours des produits de base tels que les
céréales, le pétrole et autres matières premières, les Sources Foreign Trade by Commodities, OCDE, Paris, 994,
tableau 4. Economic Survey, OCDE, Paris, 996.
1. :

métaux, les produits chimiques et les biens industriels


1

traditionnels tels que les machines-outils, Les exportations représentent 8 % du PIB des États-Unis en 1995, contre
l'électroménager, les voitures et autres équipements de transport 4 % en 1970. C'est une augmentation significative, mais lente. Celles du
Japon ont baissé en part de PIB durant les dix dernières années. Les
(OCDE, 1996). exportateurs allemands totalisent 21 % de PIB en 1995. D'une manière
Le commerce mondial s'est certes développé, mais générale, les pays européens sont les plus dépendants, les États-Unis et le
Japon les moins dépendants. Cela implique que si les volumes croissants
sa croissance a été inégale et hétérogène. Certains d'échanges engendraient des pressions au changement, l'Europe serait la
biens et services font l'objet d'échanges volumineux - plus fortement touchée.
Les sociétés où la dépendance par rapport au commerce mondial est
c'est le cas par exemple des microprocesseurs. D'autres faible sont par définition moins soumises aux risques des échanges extérieurs
sont très peu concernés, comme la pomme de terre. et devraient être moins perméables à ses effets négatifs et positifs.
40 Neil Fligstein

La montée des technologies nomique qui en retrace l'émergence dès la Première


de l'information Guerre mondiale (A. Chandler, 1990).
Les grandes firmes qui se disputent l'économie
L'une des idées centrales des théoriciens de la mondiale sont organisées à l'échelle planétaire depuis
mondialisation est que, depuis une quinzaine un siècle au moins (M. Wilkins, 1970; 1974; R. Ver-
d'années, les échanges internationaux se sont développés, non, 1970; J. Dunning, 1984). Stopford et Wells
non seulement du point de vue quantitatif, mais aussi (1972) montrent comment un échantillon
au plan qualitatif, de sorte que nous serions entrés d'entreprises multinationales se sont réorganisées de manière
dans l'«ère de l'information» (information âgé). progressive dans les années 1950 et I960 pour
Toutefois, il est extrêmement difficile de rassembler des coordonner la production à l'échelle mondiale. Les
faits qui étayent la thèse selon laquelle les réseaux d'affaires japonais datent d'avant la Seconde
technologies informatiques auraient bouleversé les modes de Guerre mondiale et les réseaux coréens étaient
fonctionnement des entreprises capitalistes au sein de directement inspirés du modèle japonais (G. Hamilton et
l'économie mondiale et, par là, les modalités de la N. Biggart, 1988).
concurrence. L'argument de 1'« informationnalisme » présuppose
Le débat sur le développement de 1'« information- que la technologie est le moteur du changement
nalisme » ou des « réseaux » (M. Castells, 1996) est social. Or, on pourrait tout aussi aisément traiter
problématique à plusieurs titres. D'abord, les facteurs sur la technologie comme une variable dépendante,
lesquels insistent les chercheurs varient d'une étude à compte tenu de ce qui vient d'être dit des activités
une autre. Ensuite, il est presque impossible de des firmes multinationales. La demande
déterminer si les caractéristiques observées sont décisives d'équipement informatique, de télécommunications, de
ou non dans la réussite organisationnelle, puisque la formes rapides et nouvelles de transport depuis la
notion même de réussite est rarement spécifiée et que Seconde Guerre mondiale ne provient-elle pas de ce
les données d'observation nécessaires à revaluation que les plus grandes entreprises tentaient de
des multiples causes et effets de cette réussite ne sont contrôler un large éventail d'activités sur des périmètres de
pas disponibles. Enfin, la définition même de la plus en plus vastes ? Ainsi, les entreprises
nouvelle forme d'organisation mondialisée est pétrie d'équipement informatique et, plus tard, les fabricants de
d'ambiguïté. Selon Manuel Castells (1996, p. 196-197), microprocesseurs et de logiciels ont été fortement
1'« informationnalisme » est un modèle d'organisation, incités à fabriquer des produits de plus en plus
qui comprend les réseaux commerciaux liant puissants. Il est clair que cette volonté de coordonner des
fournisseurs et clients, l'utilisation de l'informatique pour activités plus efficacement à l'échelle mondiale a
redistribuer les activités des entreprises, la stimulé la production de ces technologies et que le
concurrence globale et l'État, enfin, la consolidation de « développement de ces dernières à son tour a
l'entreprise en réseaux». Il est clair qu'il ne s'agit pas là contribué à l'augmentation de la production mondiale
d'un seul mais de plusieurs phénomènes et il n'est pas (P. Krugman, 1995a).
démontré que ces tendances soient nouvelles et En tout cas, il n'est pas établi que F«
durables. informationnalisme » ait engendré un changement qualitatif dans
De fait, hormis les avancées récentes dans les l'organisation des entreprises impliquées dans les
technologies de l'information, tous les facteurs échanges internationaux, ni qu'il ait conduit à la
mentionnés par Castells sont partie intégrante de l'économie domination des firmes dites « en réseaux », même dans
mondiale depuis un siècle. C'est le cas des réseaux le cas des multinationales. On doit enfin se demander
d'approvisionnement mondialisés, de la concurrence quelles conséquences la montée de 1'«
planétaire entre grandes entreprises, de l'utilisation informationnalisme » peut bien avoir pour les 83 % de l'économie
des nouvelles technologies de la communication et du mondiale, qui ne sont pas partie prenante du
transport pour développer le commerce, enfin, de commerce mondial. Il n'est guère surprenant que les
l'intervention des États dans divers domaines pour chercheurs qui étudient la structure comparée des
faciliter les échanges extérieurs. L'idée que les entreprises entreprises concluent qu'il existe de nombreuses formes
n'auraient que très récemment découvert la organisationnelles opérant avec des logiques
sous-traitance ou la dépendance envers des chaînes intégrées différentes, y compris dans les mêmes pays et les mêmes
d'approvisionnement va à l'encontre de l'histoire industries.
Rhétorique et réalités de la «mondialisation» 41

Mondialisation aux États-Unis fussent alors dix à quinze fois plus


et desindustrialisation : élevés que chez leurs principaux concurrents
l'exemple de la sidérurgie américaine (W.T. Hogan, 1970). Car les entreprises américaines
jouissaient d'autres avantages des coûts

:
Jusqu'ici, notre description de la mondialisation d'investis ement peu élevés, des matières premières bon marché
suggère qu'il s'agit là d'une tendance nettement plus lente, et un bon système de transport. Dans les années I960,
bien moins révolutionnaire dans son impact sur les l'écart de salaires entre les États-Unis, l'Europe de
économies comme sur les entreprises, et beaucoup l'Ouest et le Japon (les principaux rivaux sur le marché
plus inégale dans ses effets sur les modes de l'acier) s'est considérablement réduit (dans un
d'organisation des firmes et des sociétés qu'on l'affirme rapport de 3 à 1) et les coûts matériels continuaient à
couramment. Reconnaître cette complexité devrait induire à favoriser les États-Unis. Les Allemands devaient utiliser un
plus de prudence lorsqu'on évoque les deux charbon coûteux et les entreprises japonaises étaient
principaux effets négatifs, ou supposés tels, de la croissance contraintes d'importer du charbon et du minerai de fer
des échanges mondiaux, c'est-à-dire la désindustrialisa- sur de longues distances. On peut résumer ainsi la
tion (sous la forme du transfert d'emplois des pays situation sur le marché mondial de l'acier à cette
industrialisés vers le Tiers-Monde) et l'accroissement époque les désavantages salariaux américains
des inégalités de salaires et de revenus. :
décroissaient (et non pas le contraire), et les principaux
Procédons à l'examen de ces changements aux concurrents n'étaient pas des pays en voie de
États-Unis, puisque les études les plus détaillées développement mais l'Allemagne et le Japon.
portent sur ce pays. La plupart des économistes Pendant les années I960, les entreprises
s'accordent à reconnaître que 10 à 20 % seulement de la perte sidérurgiques américaines ont investi dans des technologies
d'emplois industriels en Amérique peuvent être obsolètes, pour des raisons complexes parmi
attribués à la délocalisation vers d'autres pays (B. Blues- lesquelles le fait que les nouvelles techniques de
tone, 1994; P. Gottschalk et M. Joyce, 1994; et les production n'avaient pas encore fait leurs preuves à l'échelle
articles in S. Danziger et P. Gottschalk, 1995). La industrielle (N. Fligstein, 1990 ; B. Bluestone et B.
plupart des spécialistes s'accordent également à conclure Harrison, 1985 W.T. Hogan, 1971). Les entreprises
;

qu'au moins la moitié de ces emplois se sont déplacés allemandes et japonaises, elles, se sont approprié ces
vers d'autres pays de l'OCDE, comme le Japon, et non technologies permettant une baisse substantielle des
pas vers le Tiers-Monde (P. Krugman, 1995a; b). La coûts de production, de sorte que l'avantage
cause principale de la désindustrialisation est en fait américain en termes de coûts a été éliminé. Il y a eu ensuite
bien connue il s'agit du progrès technologique. On a un surplus de production d'acier sur le marché
:

remplacé le facteur travail par des technologies plus mondial, et puisque le coût du remplacement des
efficaces qui augmentent la productivité des travailleurs technologies obsolètes était prohibitif, les entreprises
restants. Même les économistes de gauche aux États- américaines ont périclité (W.T. Hogan, 1984). C'est ainsi
Unis comme Bluestone et Harrison (1982) admettent que, pour l'acier de base, les Américains ont perdu
que la désindustrialisation s'enracine dans les leur position dominante, non pas au bénéfice du
changements technologiques. Tiers-Monde, mais au profit du Japon et de
Le récit de la mondialisation est souvent conté à l'Allemagne. La cause principale de leur déclin n'était pas
propos de l'industrie sidérurgique américaine et de son le coût du travail, mais le fait que les dirigeants de la
déclin, et il mérite à ce titre un examen approfondi. Au sidérurgie américaine avaient fait de mauvais choix
sortir de la Seconde Guerre mondiale, la sidémrgie stratégiques en matière de technologie.
étatsunienne était la plus grande et la pkis moderne du
monde. Vingt-cinq ans plus tard elle était en pleine
déliquescence. Selon la vision conventionnelle, la pro- Mondialisation et croissance
dLiction de base de l'acier fut transférée vers des pays à des inégalités
bas coût de main-d'œuvre, avec lesquels les Américains
ne pouvaient plus espérer concourir. Selon une autre affirmation courante, la
En fait, il existait déjà un marché mondial de l'acier mondialisation des échanges se traduirait mécaniquement par
dès la fin de la Seconde Guerre mondiale et les l'augmentation des salaires des travailleurs les plus
Américains dominaient ce marché, bien que les salaires réels qualifiés, tandis que les salaires des moins qualifiés bais-
42 Neil Fligstein

sent. S'il est vrai que les inégalités de salaires se sont qui fait qu'un petit nombre de médecins, avocats,
accrues dans les pays de l'OCDE, il ne semble pas que professeurs d'université, agents de change, etc.,
le degré de dépendance économique extérieure y soit s'approprient une part disproportionnée des revenus générés
pour beaucoup. par leur secteur d'activité.
Les deux pays de l'OCDE qui ont connu le Certains économistes se sont penchés sur les
développement le plus fort des inégalités de revenu depuis une facteurs sociologiques à l'œuvre dans la réorganisation
quinzaine d'années sont les États-Unis et le Royaume- du travail aux États-Unis. La réduction massive des
Uni. Les pays plus dépendants des échanges extérieurs, effectifs, le déclin accéléré des syndicats et l'essor
tels que l'Allemagne, la Hollande et la Suède ont en fait brutal du travail à temps partiel ont eu des effets
connu une réduction de l'écart des revenus dans les importants sur la distribution des revenus et l'insécurité
années 1980, suivie d'une légère augmentation dans les croissante des travailleurs. Les changements fiscaux
années 1990. Cette augmentation a été qui ont favorisé les ménages aisés ont aussi joué leur
quantitativement moins nette, vu que la distribution des revenus rôle. Les études détaillées réunies par Danziger et
dans ces pays était initialement plus égalitaire, et les Gottsehalk (1993) concluent que tous ces facteurs ont
changements observés ont été moins prononcés en contribué à l'accroissement de l'inégalité des revenus
termes de pourcentage qu'aux États-Unis (P. Gottsehalk en Amérique. Bluestone (1994) suggère que 80 à 90 %
et T. Smeeding, 1995). des changements observés n'ont aucun lien avec le
Les spécialistes de la question s'accordent à penser développement des échanges internationaux.
que l'augmentation des échanges internationaux peut, L'examen des faits confirme que les échanges
au mieux, expliquer à peine 10 % de l'accroissement mondiaux sont en augmentation, mais cette
de l'inégalité des revenus américains (P. Krugman, augmentation ne détermine pas l'évolution des économies
1995b; B. Bluestone, 1994; S. Danziger et P. industrielles avancées comme d'aucuns le prétendent.
Gottsehalk, 1993). Plutôt que de blâmer la mondialisation, Les grandes entreprises s'organisent à l'échelle
les économistes pointent une gamme variée de planétaire d'une industrie à l'autre et d'un pays à l'autre
facteurs qui relèvent de transformations internes à la depuis le début de ce siècle, et s'il est vrai que les
société américaine le changement technologique, la technologies de l'information ont accentué cette
:

désindustrialisation (dont on a vu qu'elle n'est pas tendance, la croissance soutenue de l'activité des
directement liée à la mondialisation), l'augmentation multinationales est la conséquence de l'accroissement des
de l'inégalité des salaires à l'intérieur des professions, marchés avant que d'être fille d'une révolution
le déclin des syndicats, la réduction des effectifs, le technologique.
développement du travail à temps partiel, les On arrive ainsi à une première conclusion le

:
changements de politique fiscale en faveur des hauts développement des échanges internationaux n'est
revenus, et l'absence générale de politiques publiques de pas en soi la cause de la désindustrialisation ou de
redistribution. l'inégalité croissante des salaires et des revenus dans
La plupart des économistes insistent sur le fait que les sociétés avancées. La désindustrialisation provient
le changement technologique a des conséquences sur en premier lieu du changement technologique et non
l'économie tout entière et pas seulement sur les des écarts de coûts salariaux d'un pays à un autre. Les
secteurs ouverts aux échanges extérieurs. Au fur et à données comparatives sur l'évolution de l'inégalité
mesure que les machines remplacent les travailleurs, des revenus montrent que les changements sont peu
les salariés qui savent manier les nouvelles sensibles dans les pays d'Europe occidentale, qui
technologies (tels les ordinateurs intégrés aux tâches de sont très dépendants des échanges extérieurs, alors
production) voient leurs rémunérations augmenter, tandis que l'écart des revenus s'est fortement accusé dans
que les autres salariés en pâtissent. Pour nombre un pays qui est très peu ouvert au commerce
d'économistes, c'est l'évolution technologique, et non mondial, à savoir les États-Unis. L'étude approfondie des
pas les échanges extérieurs, qui explique en partie données étatsuniennes confirme que l'aggravation de
l'inégalité croissante des salaires (P. Krugman, 1994), l'inégalité socio-économique n'est que
une autre partie provenant de l'inégalité accrue des marginalement due au développement de l'économie
salaires à l'intérieur des professions. Selon Frank et mondiale.
Cook (1995), c'est là le résultat d'un processus
généralisé favorisant le «vedettariat» dans les professions,
Rhétorique et réalités de la «mondialisation» 43

Les gouvernements ser les rapports entre monnaies dans le court terme. La
face aux marchés financiers plupart des agents qui déplacent de l'argent tentent de
tirer profit de petits écarts dans les prix des devises sur
Nous sommes maintenant en position d'examiner les différents marchés dans le monde (on peut réaliser
l'argument selon lequel la marge de manœuvre des des profits considérables en achetant le dollar à
gouvernements nationaux serait fortement réduite par 1,50 DM sur un marché et en le revendant à 1,51 sur un
les contraintes de la mondialisation. Cet argument autre). De telles occasions ne se présentent que de
comprend deux volets le premier concerne le rôle des manière éphémère, car un nombre considérable
:

marchés financiers et leur impact sur la politique d'agents intervient de sorte que les écarts de prix
monétaire ; le deuxième a trait aux transformations s'effacent, stabilisant ainsi rapidement les prix des devises.
industrielles et à leur impact sur les programmes sociaux C'est pourquoi les changements dans la valeur relative
(V. Cable, 1995 ; G. Garrett, 1995 H. Kitschelt et al, à des monnaies ont tendance à être graduels, ce qui aide
;

paraître; H. Uusitallo, 1990; P. Pierson, 1994). les échanges et les gouvernements.


Rares sont les théoriciens de la mondialisation qui Depuis une vingtaine d'années, les banques
soutiennent que celle-ci a bouleversé les modes de centrales ont changé de rôle alors qu'elles s'efforçaient

:
financement des firmes. Le débat se situe à un autre traditionnellement d'influer sur le cycle économique
niveau d'abstraction. Il faut néanmoins noter qu'il par le biais de la masse monétaire ou des taux d'intérêt,
subsiste des différences importantes d'un pays à un autre de nos jours elles visent surtout la stabilité des prix
dans les modes d'organisation des droits de propriété (M. Dean et R. Pringle, 1995). On prétend parfois que
et dans les relations entre banques, marchés boursiers cela est révélateur de la domination des marchés de
et marchés du crédit, de sorte qu'il est hasardeux de devises, puisque les taux de change reflètent
prétendre qu'un mode unique d'organisation serait rapidement les attentes des agents en termes d'inflation et
optimal en termes de développement économique forcent les banquiers à se focaliser SLir l'inflation.
(A. Cox, 1986; N. Fligstein et R. Freeland, 1995). Suite aux chocs pétroliers des années 1970, il y a eu
Le problème des rapports entre le marché financier un ralentissement de la croissance et une forte
mondial et les politiques fiscales et monétaires des augmentation des taux d'inflation dans la plupart des pays de
gouvernements nationaux n'est pas nouveau. Pour des l'OCDE. Pour juguler cette inflation, les dirigeants de
raisons diverses, des gouvernements ont oeuvré à la banques centrales, dont Paul Volker aux États-Unis, ont
création de marchés financiers dans le but de défendre poussé à l'augmentation des taux d'intérêt et ainsi
leurs propres intérêts et ceux de leurs grandes engendré une forte récession. Les dirigeants de ces
entreprises. Ce sont des gouvernements qui ont créé le banques se sont efforcés d'assurer la stabilité des prix
marché mondial des devises au fil d'un processus qui s'est avant tout, car ils étaient convaincus que des politiques
déroulé à partir des années I960 et qui a substitué aux stimulant la masse monétaire ou l'accroissement de la
taux de change fixes des taux de change déterminés dette conduiraient inéluctablement à une inflation
par le marché (M. Dean et R. Pringle, 1995). incontrôlable des prix nationaux.
Avec l'accroissement des échanges mondiaux, les Il y a deux autres inconvénients dans le
gouvernements ne parvenaient plus à contrôler leurs fonctionnement de ces marchés. Premièrement, bon nombre
taux de change ; on peut donc voir dans la création des d'opérateurs n'utilisent pas le marché pour stabiliser les
marchés de devises l'illustration de l'incapacité des monnaies mais plutôt pour jouer contre telle ou telle
États souverains à maîtriser la valeur de leur monnaie. monnaie. On ne peut pas, dans ce cas, parler de
Mais les marchés de devises remplissent des fonctions fonction économique utile. Deuxièmement, si les
utiles pour les gouvernements et les entreprises. Ils opérateurs considèrent que telle monnaie est en difficulté, ils
permettent notamment aux multinationales de réduire leur peuvent punir ses détenteurs. Autrement dit, les
prise de risque elles peuvent effectuer leurs achats marchés ont tendance à déformer le vrai taux de change en
:

avec un ensemble de monnaies et parier tant à la baisse sous-évaluant ou en surévaluant trop rapidement une
qu'à la hausse. devise donnée. Ce sont ces comportements qui sont
On fait souvent remarquer que le pouvoir de ces visés par les critiques qui craignent que les marchés des
marchés réside dans le fait qu'ils brassent devises puissent influencer les taux d'intérêt nationaux
quotidiennement d'énormes masses d'argent. Ce qu'on ne et donc les politiques monétaires.
comprend pas toujours c'est que ce processus tend à Toutefois, la réalité de ces comportements ainsi que
44 Neil Fligstein

des interventions gouvernementales s'avère être Pourcentage des personnes en dessous du seuil de pauvreté
complexe. Presque toutes les crises monétaires récentes (revenus avant et après transfert)
sont la conséquence, voulue ou non, de politiques
gouvernementales visant des objectifs intérieurs. S'il est Pays année Revenus avant Revenus après
vrai que les marchés des devises peuvent punir telle ou transfert transfert
telle monnaie, ce n'est qu'après un laps de temps États-Unis 1991 20,9 12,6
relativement long et à la suite d'erreurs prolongées de
Allemagne 1984 21,6 2,8
politique gouvernementale.
La création de marchés mondiaux des actions et du France 1984 26,4 4,5
crédit a été utile tant aux entreprises qu'aux Grande-Bretagne 1986 27,7 5,2
gouvernements. Le développement du marché boursier a permis Canada 1991 19,2 6,6
d'augmenter les capitaux mis à la disposition des firmes
et de leurs propriétaires, tandis que le développement Source T. Smeeding et al., 995.

1
du marché obligataire a facilité les emprunts à bas taux Avant redistribution, les taux de pauvreté sont compris entre 19,2 % et
d'intérêt pour financer de nouveaux investissements. 27,7 % de la population. Après redistribution, les taux montrent qu'aux
Le marché international des obligations d'État s'est États-Unis, environ 12 % de la population reste dans des ménages en
dessous du seuil de pauvreté, alors que dans toutes les sociétés européennes
également développé, de sorte que les gouvernements ont - à l'exception de la Grande-Bretagne -, ces taux sont compris entre 2,8 %
pu emprunter à des taux plus attractifs. Les pays de et 5,2 %. Cette redistribution substantielle de revenus et de richesses
l'OCDE affichent des déficits budgétaires importants montre nettement combien les États-Unis diffèrent du reste du monde
industriel (à l'exception du Japon). Cette étude s'appuie sur des données
depuis une quinzaine d'années ; sans ces marchés antérieures à la réforme du welfare aux États-Unis.
mondiaux, le financement de ces déficits aurait sans
doute été plus difficile et plus coûteux.
Depuis toujours, États et entreprises ont recours à
l'emprunt pour financer leurs activités. Les marchés
financiers mondiaux se développent et se complexi-
fient. Mais il n'est pas avéré que la dépendance des Quelques indicateurs sociaux dans les pays de l'OCDE
DURANT LES ANNEES 1980
États envers ces marchés se soit accrue au point de
contraindre leurs politiques fiscale et monétaire. Si les Pays Inégalité % d'hommes Nombre Part des
gouvernements veulent emprunter de l'argent, libre à de revenu de 20 à 64 ans moyen dépenses
(Gini) employés à d'heures de de protection
eux de le faire, même s'il peuvent avoir à payer des temps partiel travail par an sociale
taux d'intérêt plus élevés. dans le PIB

États-Unis 34,1 11,5 746 3,6


1

La réforme de l'État-providence Japon 26,2 1,4 965 2,0


est un enjeu de politique intérieure
1

Allemagne 25,0 2,9 535 7,9


1

II nous reste enfin à explorer, du point de vue France 29,6 4,1 520 8,6
1

empirique, les liens supposés entre la mondialisation et la Italie 31,0 2,5 585 5,6
1

réduction supposée des capacités d'intervention des Grande- 32,1 6,6 604 6,8
États-providence en matière sociale. Parmi les membres Bretagne
1

de l'OCDE, la seule société à avoir révisé Canada 28,9 9,8 719 7,5
1

complètement son système de protection sociale dans un sens


restrictif est celle qui est la moins dépendante des Sources: Income Inequality, T. Smeeding et al., 1996; autres données de
échanges extérieurs, en l'occurrence les États-Unis. Par l'OCDE, Economie Outlook, Paris, 995, tableaux 2. 14, 2. 5 et 8.2.
1

contraste, la plupart des pays européens ont adapté Les dépenses américaines de protection sociale sont inférieures environ
leurs systèmes de protection sociale, mais on ne peut de moitié à celles des autres pays de l'OCDE, à l'exception du Japon. Le
manque de politique sociale redistributive aux États-Unis n'a pas seulement
pas parler dans leur cas de réduction uniforme (G. Gar- pour conséquence des taux de pauvreté plus élevés, mais aussi des niveaux
rett, 1995 H. Kitschelt et al., à paraître H. Uusitallo, plus élevés d'inégalité de revenus. C'était vrai avant que l'inégalité
commence à augmenter aux États-Unis dans les quinze dernières années.
;

1990). Les Européens travaillent de 500 à 600 heures en moyenne par an contre
Une comparaison même rapide des droits sociaux 780 pour les Américains, ce qui revient à un écart de 25 à 35 jours par an.
I

I
I
Rhétorique et réalités de la «mondialisation» 45

entre les pays fait immédiatement ressortir la spécificité La mondialisation


américaine. comme projet américain
En effet, les États-Unis se trouvent en bas de
l'échelle selon tous les indicateurs (T. Skocpol et Au coeur de l'économie américaine s'est développée
E. Amenta, 1986 G. Esping-Anderson, 1990) et ceci l'idée qu'une entreprise peut se réduire à son bilan
;

depuis plus de trente ans. Les prestations européennes annuel, et que sa fonction principale est d'assurer un
ont augmenté, dans les années I960 et 1970, en même flux de revenus à ses propriétaires et actionnaires. Ainsi
temps que les économies de ces pays se des actifs insuffisamment performants doivent-ils être
développaient les prestations ont été freinées à partir de la fin vendus à vil prix et les profits redistribués aux
;

de la décennie 1970, du fait du ralentissement de la actionnaires ou réinvestis dans les secteurs où les taux de
croissance (G. Esping-Anderson, 1989). Divers profit sont plus attractifs. Cette vision de l'entreprise
ajustements ont été introduits depuis le début des années s'est cristallisée en réaction aux incertitudes des années
1990, mais qui ne remettent pas fondamentalement en 197O, décennie durant laquelle les dirigeants des
cause l'économie d'ensemble des systèmes de firmes, confrontés à des valeurs boursières en
protection sociale européens. stagnation, à des prix des actifs en hausse constante et à des
Les allocations chômage en Europe représentent en taux d'intérêt prohibitifs, ont décidé de sous-évaluer
moyenne 70 à 80 % du dernier salaire, sans plafond, et leurs actifs afin d'autofinancer le développement de
elles peuvent être versées pendant une longue durée, leurs activités (B. Friedman, 1987). Les investisseurs
mais elle sont dégressives. En Californie, par contre, les financiers se sont bien vite rendu compte qu'il était
allocations représentent au maximum 25 % du dernier possible de racheter ces entreprises, de les découper
salaire ; elles sont plafonnées à 1 000 dollars par mois, en petites unités et de les revendre avec de forts profits.
avec une durée maximale de six mois. Les coûts des Ainsi s'est amorcé le grand mouvement de fusions des
soins médicaux dans les pays européens représentent années 1980.
en moyenne entre 5 % et 10 % du PIB, dans des C'est ainsi que pendant cette décennie s'est
systèmes gérés par l'État sans restrictions d'accès. Aux développée, à partir de l'économie financière, la conception
États-Unis, où la santé obéit aux lois du marché, ces de l'entreprise en termes de «valeur actionnaire» (voir
coûts représentent près de 17 % du PIB si l'on inclut le la position polémique de M. Jensen, 1989, à ce sujet).
coût de l'assurance privée, et près de 25 % de la L'idée de base est que seule la performance financière
population ne dispose d'aucune couverture médicale doit servir de critère aux décisions stratégiques. On a
(OCDE, 1996). Les Européens travaillent en moyenne pu démontrer que bon nombre des politiques suivies
entre 170 et 190 jours par an, par rapport aux par les entreprises durant les années 1980 - fusions,
Américains qui travaillent 240 jours par an (J. Schorr, 1994). réduction de taille, rachat des actions, chasse aux
Ceci reflète fidèlement les différences en matière de syndicats, réduction des effectifs, fermetures d'usines et
législation du travail en Europe les salariés bénéficient licenciements massifs, même lorsque les unités de
:

de quatre à cinq semaines de congés payés, et jusqu'à production sont rentables - sont liées entre elles et
quatre semaines de congé maladie payées, alors que le répondent à l'ascendance de cette conception (N. Fligstein et
droit du travail américain ne stipule ni congés payés, ni L. Markowitz, 1987). Les travailleurs manuels ne sont
congés maladie. pas les seuls à en avoir pâti, puisque les cadres moyens
En bref, les pays de l'OCDE qui sont les plus ouverts et même supérieurs ont eux aussi fait l'expérience de
aux échanges extérieurs, ceux de l'Europe de l'Ouest, licenciements et de déclassements massifs.
ont les meilleures prestations sociales du monde et La politique de l'État américain est venue renforcer
relativement peu d'inégalité de salaires et de revenus, cette vision. La rhétorique conservatrice qui met
tandis que les États-Unis, très peu dépendants des l'accent sur la responsabilité individuelle et sur l'idée que
échanges extérieurs, ont entrepris une révision tout ce que fait le gouvernement est par définition
drastique de leur système de protection sociale et tolèrent néfaste (alors que tout ce que fait le « marché » est
des écarts considérables de salaire et de revenu. Le salutaire) a commencé à prédominer. L'accroissement de
taux de chômage en Europe est certes très élevé par l'inégalité des revenus, des salaires et de la richesse,
rapport à celui des États-Unis, mais une part importante conséquence directe de ces processus, a d'abord été
de cet écart provient de la faiblesse des aides sociales, niée avant d'être présentée comme Lin phénomène
qui contraint au temps partiel involontaire. naturel.
46 Neil Fligstein

Les observateurs de l'économie américaine ont tés se sont intensifiées avec la déroute du syndicalisme,
commencé à voir dans ce « nouveau modèle » la le redéploiement impitoyable des investissements et le
solution aux problèmes américains de compétitivité hérités licenciement massif de travailleurs mais aussi de
des années 1970 et le moyen de relever le défi japonais cadres.
du début des années 1980 (M. Jensen, 1989)- La
rhétorique de la concurrence mondialisée et la conception
de la « valeur actionnaire » de l'entreprise se sont Nous avons tenté ici d'examiner les faits et les
mutuellement renforcées. En mettant l'accent sur la arguments qui militent contre une acceptation hâtive de la
valeur fiduciaire de l'entreprise, on incitait celle-ci à vision néolibérale (et néomarxiste) selon laquelle la
devenir lean and mean (mince et méchante) elle mondialisation aurait ouvert une nouvelle phase du

:
deviendrait ainsi plus compétitive, non seulement sur capitalisme dans laquelle les inégalités iraient en
le marché intérieur, mais aussi dans la lutte contre les augmentant inexorablement, les gouvernements seraient
Japonais. de plus en plus redondants et la tyrannie de la
La rhétorique de la mondialisation et celle de la technocratie plus implacable.
« valeur actionnaire » de l'entreprise sont désormais La phase actuelle du capitalisme ne saurait se
étroitement liées. La mondialisation ne se limite plus au réduire à la seule mondialisation et à sa capacité
défi japonais, mais s'étend, dans la nouvelle mouture supposée de scinder la société en deux catégories simples,
de cette vision, à un «Autre» plus diffus et généralisé. les gagnants et les perdants. Les véritables problèmes
Tenant compte uniquement des actionnaires, on de structure auxquels sont confrontées les sociétés
encourage les entreprises à maximiser leurs profits et le avancées et les choix politiques qui leur correspondent,
gouvernement à ne s'occuper que de ses propres sont aujourd'hui obscurcis par la rhétorique de la
affaires. Mais cette idéologie n'est qu'une fausse mondialisation, généralisation abusive de l'expérience
universalisation de l'expérience américaine récente. Vue de américaine. Ceux qui soutiennent qu'il n'est point de salut
loin, l'économie étatsunienne semble être en pleine économique hors de la réduction massive des effectifs
expansion et créatrice d'emplois, tandis que les salariés, la précarité, l'accroissement de l'inégalité, la
économies européennes peinent. Le danger est ici que les réduction de l'accès à la santé, au logement et à
Européens mesurent mal les disparités sociales qui l'éducation, n'ont d'autre justification que leurs propres
traversent la société américaine contemporaine, le peu de convictions idéologiques.
protection que les Américains peuvent attendre de leur
gouvernement, et la manière dont inégalités et Traduction de Keith Dixon et Loïc Wacquant

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