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Revue française de sociologie

Le viager, essai de définition


Férial Drosso

Citer ce document / Cite this document :

Drosso Férial. Le viager, essai de définition. In: Revue française de sociologie, 1993, 34-2. pp. 223-246;

http://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1993_num_34_2_4242

Document généré le 03/05/2016


Resumen
Férial Drosso : El vitalicio, intento de definición.

Aquí, presentamos la primera etapa de un trabajo sobre la venta a vitalicio de bienes inmobiliarios. De
esta transacción desconocida y mal apreciada (la ausencia de datos otros que juridicos, es
significativa a este propósito), dos aspectos han retinido la atención. Por una parte, su especificidad :
el análisis de los mecanismos juridicos muestra que esta transacción une de una manera original la
respuesta a dos preguntas cruciales que conciernen a las personas de edad avanzada, a saber :
vivienda y recursos - lo que conduce a examinar el interés de una disposición colectiva de este tipo de
contrato. De otra parte, los usos sociales que se han hecho de ella asi como las representaciones que
se vinculan : ¿ quién ? ¿ dónde ? ¿ cuánto ? ¿ porqué ? ¿ al precio de que riesgos ? ¿ con desprecio
a cuáles prejuicios ? ¿ en que logica de intercambio inter-generacionales ?

Zusammenfassung
Férial Drosso : Verkauf auf Lebensrentebasis. Versuch einer Definition.

In diesem Artikel wird die erste Stufe einer Arbeit uber den Verkauf auf Lebensrentebasis von
Immobilien vorgestellt. Aus dieser unbekannten und verkannten Transaktion (bezeichnend ist, dass
ausser juristischen, keine andere Daten vorliegen) werden zwei Aspekte berücksichtigt. Einerseits ihre
Besonderheit : die Analyse der juristischen Mechanismen zeigt, dass diese Spezifizität in eigener Art
die Antwort auf zwei Kernfragen zu älteren Personen verbindet, das heisst Wohnung und Ressourcen,
was wiederum zur Prüfung des Interesses einer Kollektiveinrichtung dieser Art Vertrag führt. Der
andere Aspekt betrifft die sozialen Verwendungen dieser Transaktionen, sowie die mit ihnen
verbundenen Vorstellungen : wer ? wo ? wieviel ? warum ? mit welchem Risiko ? Trotz welcher
Vorurteile ? in welcher Generationstauschlogik ?

Abstract
Férial Drosso : Selling real estate for a life income. In view of a definition.

This represents the first stage of a study on selling real estate for a life income. As regards this type of
transaction which is not well known and frequently misunderstood (this is explained by the absence of
information, other than legal, on the subject), there are two points which have been accorded particular
attention. On the one hand, its specificity : the analysis of legal mechanisms shows how, in an original
manner, it brings together the reply to two fundamental questions concerning elderly people, which are
housing and resources - this leads us to look into the need for a collective approach to this type of
contract. On the other hand, the social practice involved and the representations which become part of
the transaction : who ? how much ? at what risk ? disregard of which considerations ? based on which
inter-generation exchange logic ?

Résumé
On présente ici la première étape d'un travail sur la vente en viager de biens immobiliers. De cette
transaction inconnue et méconnue (l'absence de données autres que juridiques est à cet égard
significative), deux aspects ont retenu l'attention. Sa spécificité d'une part : l'analyse des mécanismes
juridiques permet de montrer qu'elle lie de façon originale la réponse à deux questions cruciales
concernant les personnes âgées, à savoir logement et ressources - ce qui conduit à examiner l'intérêt
d'un aménagement collectif de ce type de contrat. D'autre part, les usages sociaux qui en sont faits
ainsi que les représentations qui s'y rattachent : qui ? où ? combien ? pourquoi ? au prix de quels
risques ? au mépris de quels préjugés ? dans quelle logique d'échanges inter-générationnels ?
R. franc, sociol. XXXIV, 1993, 223-246

Ferial DROSSO

Le viager, essai de définition*

RÉSUMÉ
On présente ici la première étape d'un travail sur la vente en viager de biens
immobiliers. De cette transaction inconnue et méconnue (l'absence de données autres
que juridiques est à cet égard significative), deux aspects ont retenu l'attention. Sa
spécificité d'une part : l'analyse des mécanismes juridiques permet de montrer qu'elle
lie de façon originale la réponse à deux questions cruciales concernant les personnes
âgées, à savoir logement et ressources - ce qui conduit à examiner l'intérêt d'un
aménagement collectif de ce type de contrat. D'autre part, les usages sociaux qui en sont
faits 'ainsi que les représentations qui s'y rattachent : qui? où? combien? pourquoi?
au prix de quels risques ? au mépris de quels préjugés ? dans quelle logique d'échanges
inter-générationnels ?

Comment naît la curiosité à l'endroit de la vente en viager de biens


immobiliers (1), autrement dit, à l'endroit d'une vente dont le paiement
est effectué sous la forme d'une rente versée au vendeur tout au long de
sa vie (ou de celle d'un tiers désigné par lui) (2)?
L'analyse de cette pratique réputée antifamiliale nous a paru pouvoir
enrichir la réflexion sur les relations inter-générationnelles et la
transmission du patrimoine. Parce qu'elle vide totalement ou partiellement la
succession, parce qu'elle est un moyen d'accéder à l'autonomie financière, y
compris vis-à-vis de ses enfants, la vente en viager opérerait une sorte de
brouillage de la direction, du sens et du contenu des échanges. Et ce dans
un contexte où l'héritage est la norme à tout le moins statistique («près
de 70% des Français sont héritiers ou le seront un jour») (3) et où «l'im-

* Cet article est issu d'une communica- que des rentes viagères issues de règles
suction présentée à la 5e Conférence internatio- cessorales, de règles sur le partage et des
rénale de recherche sur l'habitat (Montréal, gles gouvernant la responsabilité délictuelle.
juillet 1992) avec l'appui du Plan Construe- (2) Curiosité d'une démographe ensei-
tion et architecture (Ministère de l'équipe- gnant dans un institut d'urbanisme et plus
ment, du logement et des transports). particulièrement intéressée par les questions
(1) Seule forme de viager à laquelle nous de logement. On verra que le problème du
nous intéressons ici. Outre les viagers immo- viager est au point de convergence de ces dif-
biliers, il existe des viagers financiers (un in- férentes préoccupations,
dividu confie un capital à une société (3) A. Gotman (1988, p. 4). Cf. égale-
moyennant le versement d'une rente), ainsi ment Arrondel et Laferrère (1992).

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mobilier représente 60% des biens transmis par héritage» (Gotman, 1988,
p. 7). Autrement dit, la vente en viager ou le rejet qu'elle provoque
réactualisent la question de l'obligation de transmettre et l'affinent : y a-t-il
bien, aujourd'hui encore, obligation de transmettre? que doit-on
transmettre? quand? à quelle fin? et, surtout, en contrepartie de quoi? de quoi
se délie-t-on en vendant en viager ? et qui se délie ? comment les enfants
perçoivent-ils cet acte ? y aurait-il une utilisation familiale du viager ? quel
sens aurait-elle? Réputée archaïque, la vente en viager ne serait-elle pas
au contraire, aujourd'hui, l'expression d'une conception très moderne des
rapports de transmission ? Autrement dit encore, la pratique du viager parle
surtout de celle qui lui est strictement opposée : la transmission par
héritage. Contre-héritage du point de vue des uns, usurpation d'héritage du
point de vue des autres, c'est encore et toujours d'héritage qu'il s'agit.
L'examen de cette transaction nous paraissait devoir être d'autant plus
fécond qu'elle porte sur un bien souvent chargé de valeur sentimentale et
qui tient une place à part dans l'économie familiale, dans les échanges et
leur cristallisation (4). Ainsi supposions-nous (et nos premières
vérifications semblent le confirmer) que les réticences liées à une vente en viager
sont d'autant plus fortes que le logement à vendre a pris le statut de maison
de famille parce qu'il a été lui-même acquis par héritage ou parce qu'il
a été un lieu de vie et de regroupement pour la famille. La jurisprudence
nous a enseigné que les souvenirs de famille font partie du patrimoine et
que, même lorsqu'ils sont dépourvus de valeur vénale, leur acquisition peut
paraître éminemment désirable (Reynaud-Chanon, 1987). En somme, nous
voulions faire jouer au viager un rôle de révélateur, ce qui explique que
nous nous y soyons intéressé tout en sachant qu'il ne concernait qu'un
nombre faible d'opérations.
A cette série d'interrogations, et en dépit de ce que leur seule
formulation peut déjà expliquer sur l'étroitesse du marché ainsi que sur son
déséquilibre, la demande l'emportant largement sur l'offre, s'ajoute une
certaine perplexité : comment se fait-il qu'un mécanisme permettant de
lier la réponse aux deux questions cruciales concernant les personnes
âgées, leur maintien au domicile et leurs ressources, ne fasse pas l'objet
d'une réflexion collective (5)? comment cela se fait-il, alors que l'on débat
des moyens de pallier la fragilisation des régimes de retraites et de financer

(4) Cf. notamment les travaux de С Bon- (Collot et al., 1977). Il faut également signa-
valet, A. Gotman, A. Laferrère, A. Pitrou et 1er le colloque « Droits et libertés » (20 mars
C. Topalov. 1987) au cours duquel des intervenants, y
(5) II y a bien eu une étude du cleirppa compris des notaires (le notariat français ne
(Centre de liaison, d'étude, d'information et peut être soupçonné de désinvolture à
Tende recherche sur les problèmes des personnes droit du patrimoine et de sa transmission) ont
âgées), testant, dans le cadre de la réforme présenté des arguments en faveur du viager
de l'aide au logement de 1977, des procé- (cf. Gérontologie et société, 1987). Par ail-
dures nouvelles dont le rachat en viager par leurs, l'enquête insee de 1992 sur « Les actifs
une collectivité locale de logements vétustés financiers », qui est en cours d'exploitation,
et leur réhabilitation par un organisme social traite pour la première fois du viager.

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les besoins accrus des personnes âgées? est-il absolument certain que les
diverses formules de viager ne puissent être exploitées dans le cadre d'une
politique sociale concernant les personnes âgées ? faut-il considérer comme
intangibles les pratiques d'accumulation patrimoniale? les personnes âgées
ne peuvent-elles retirer du très important patrimoine immobilier qu'elles
détiennent (6) que des bénéfices indirects, à savoir les soins et services
prodigués par leurs enfants en échange d'un héritage escompté? ne
peuvent-elles le consommer directement et sans intermédiaires?
D'où ce constat : d'un côté une mine de questions, de pistes de
recherche voire d'action, de l'autre le silence, silence des statistiques, silence
de la sociologie. Il explique que nous nous soyons d'emblée fixé un triple
objectif : dresser un état des lieux (qui? où? combien? pourquoi?); établir
un premier inventaire des avantages, risques, garanties, conflits liés à cette
transaction; comprendre d'où nous viennent ces images de «bons» et de
«méchants», de «victimes» et d'« aigrefins» qui surgissent dès qu'on
l'évoque, et interroger leur rôle respectif.

Une pratique silencieuse

En dehors des textes législatifs, des décisions de justice et de manuels


pratiques, on ne dispose guère, en effet, d'informations sur la question de
la vente en viager, lacune sans doute partiellement imputable à la gêne,
voire à l'opprobre, qu'elle suscite.
Les manques les plus patents concernent les données quantitatives et
s'expliquent, eux, par l'étroitesse du marché : la transaction et les parties
concernées sont confondues dans des catégories plus vastes sans qu'il
paraisse valoir la peine de les isoler. Telle est la raison invoquée par la
Chambre des notaires de Paris, qui ne dispose d'aucune donnée sur la question
alors qu'elle centralise et exploite les extraits de tous les actes de vente;
même argumentation à la Conservation des hypothèques et à la Direction
générale des impôts. Rappelons que, statistiquement en tout cas, la vente
en viager est une simple vente : seule la distingue son mode de paiement.
On ne peut davantage l'isoler parmi les ventes à tempérament car
l'acquéreur ne passe par aucune institution de crédit. Enfin, il n'est pas non
plus possible de distinguer les crédirentiers dont la rente a pour origine
la vente d'un bien immobilier de l'ensemble des crédirentiers. Par ailleurs,
dans le cas, extrêmement fréquent, où la transaction implique le maintien
du vendeur dans les lieux, les statuts d'occupation de chacune des parties
entrent mal dans les nomenclatures existantes : l'acquéreur est propriétaire
mais le bien acquis n'est ni sa résidence principale, ni sa résidence se-

(6) Les retraités et les personnes âgées les résidences secondaires, alors qu'ils repré-
détiendraient 30% du marché immobilier sentent 19% de la population (cf. Thévenet,
pour les résidences principales et 32% pour 1989).

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condaire, ni un logement de rapport. Quant au vendeur, il n'est ni


propriétaire occupant, ni locataire ou sous-locataire; il est, parmi d'autres qui
le sont pour d'autres raisons, réservataire d'un droit d'usufruit ou d'un
droit d'usage et d'habitation (7).
Pour pallier ce manque de données, nous avons recouru aux
professionnels du viager de Paris et de la région Provence- Alpes-Côte d'Azur, où
se concentrent l'essentiel des ventes en viager réalisées en France (cf. infra).
Les informations présentées ici émanent de trois sources. D'une part,
il a été procédé à une enquête postale auprès de la totalité des notaires
de Paris, Nice, Cannes, Menton, Saint-Raphaël et Monaco. Il s'agissait
d'évaluer l'importance du marché et ses tendances; d'avoir le point de
vue des praticiens sur les spécificités de ce marché et de ce type de contrat,
sur les difficultés qu'il engendre, sur les modes de régulations, sur
l'adaptation du dispositif législatif, bref de comprendre quels sont les
freins, ou les incitations, à cette pratique; de commencer à dessiner le
portrait des acheteurs et des vendeurs. Avec un taux de réponses de 10%,
il n'a pas été possible d'exploiter les données quantitatives, qui étaient en
outre souvent contrastées, voire contradictoires. En revanche, d'autres
informations ont pu l'être.
D'autre part, nous avons eu une série d'entretiens avec des notaires,
les directeurs des agences immobilières spécialisées dans le viager à Paris,
les présidents des deux associations de défense des crédirentiers, l'une
ayant son siège à Paris et l'autre à Nice (8), des acheteurs et des vendeurs.
C'est ce dernier point qui s'est avéré le plus difficile à réaliser, nous aurons
à y revenir dans la suite de nos recherches. L'objectif ici était double :
essayer de recueillir de nouvelles indications quantitatives, vérifier le
caractère réputé archaïque de ce marché ou entrevoir ses possibilités de
renouvellement; décrire et analyser les représentations liées à cette
transaction.
Enfin, nous avons examiné la loi qui encadre la vente en viager de
biens immobiliers et la jurisprudence qui en fait application (9). Une
double lecture en a été faite. Nous en avons cherché l'intention pour savoir
si les dispositions qu'elle comprend peuvent expliquer le faible volume
des transactions ainsi que les représentations négatives qui y sont liées.
A l'examen des conflits et de leur règlement, nous avons demandé un accès
à la réalité du viager. En outre, loi et jurisprudence devaient permettre de

(7) Et considéré par I'insee comme logé (8) Respectivement, l'Amicale des ren-
gratuitement. Droit d'usufruit et droit d'usage tiers viagers et l'Association nationale pour
et d'habitation sont, l'un et l'autre, des dé- la défense des intérêts des rentiers viagers
membrements du droit de propriété. Le pre- (andirv). L'une et l'autre éditent des bulle-
mier confère à son titulaire le droit d'utiliser tins périodiques.
la chose et d'en percevoir les fruits, le second (9) Nous remercions vivement Karin
en limite le bénéfice aux besoins du titulaire Santoul, chargée de travaux dirigés à l'Uni-
et de sa famille. versité de Paris I, dont l'aide sur ce point
nous a été précieuse.

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situer cette pratique dans les relations familiales : qu'est-ce qui est licite
et qu'est-ce qui ne l'est pas ? qu'est-ce qui est conflictuel ? sur quels
arguments les héritiers peuvent-ils se fonder pour tenter de faire annuler
une vente? etc. A ce stade, nous pouvons présenter un état des lieux et
quelques éléments d'analyse.

Les mécanismes juridiques (10)

Un double contrat
Réglementé par les articles 1964 à 1983 du Code civil ainsi que par la
loi du 25 mars 1949, le contrat de vente en viager est, dans son principe,
un contrat écrit de vente par lequel un individu, appelé crédirentier,
échange un bien immobilier ou mobilier ou un capital contre une rente
que lui devra, jusqu'à sa mort, un individu appelé débirentier. Le paiement
de cette rente est effectué au moyen de versements périodiques, dits
«arrérages». En fait, débirentier et crédirentier peuvent être une ou plusieurs
personnes (11) et la rente peut être constituée sur la tête d'un tiers désigné
par le (ou les) crédirentier(s). La rente s'éteint avec le décès de celui (ou
ceux) sur la tête de qui elle est constituée.
Ce contrat en combine deux autres. En ce qu'il ressortit au contrat de
vente d'immeubles, il est onéreux et synallagmatique (12) ; en ce qu'il
ressortit au contrat de rente viagère, il est successif et aléatoire. Mais ce qui
en fait la spécifité, ce qui le fonde absolument, c'est son caractère
aléatoire : «Sans caractère aléatoire, il n'y a pas de rente viagère» (Cass. civ.,
5 mai 1982) (13).

Un contrat aléatoire

Dans un contrat de rente viagère, la «cause» (14) est l'aléa et non,


comme dans le contrat de vente classique, la «contre-prestation» (15). Par
conséquent, si le risque, l'aléa, n'existe pas vraiment, il y a défaut de
cause à la prestation de chacune des parties et le contrat peut être annulé.

(10) Pour traiter des mécanismes juridi- (13) Ici, comme dans la suite du texte,
ques, nous nous sommes appuyé sur les ou- cette abréviation désigne un arrêt de la Cour
vrages et documents suivants : Aubry et Rau de cassation.
(1975) ; Malaurie et Aynès (1990) ; M. et С (14) La cause en droit des contrats et des
Taithe (1988); Toussaint (1989); Le Particu- obligations est une des conditions sine qua
lier (1988 et 1991). non de la validité d'un contrat : «L'obliga-
(11) C'est par commodité que dans la tion sans cause, ou sur une fausse cause, ou
suite du texte nous continuerons à en parler sur une cause illicite, ne peut avoir aucun ef-
au singulier. fet» (art. 1131 du Code civil).
(12) Le contrat synallagmatique est un (15) Prestations de l'une et l'autre par-
contrat qui crée des obligations réciproques ties, ce qu'on reçoit en échange de...
à la charge des deux parties.

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Reste à définir le contrat aléatoire : «C'est une convention réciproque


dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les
parties, soit pour l'une ou l'autre d'entre elles, dépendent d'un événement
incertain» (art. 1964) (16), lequel est ici la durée de la vie. D'où le terme
de «viager» qui désigne cette transaction: il vient du vieux français
«viage» qui signifie «temps de vie».
Autrement dit, l'acquéreur doit ignorer le montant de la rente qu'il aura
finalement versée le jour du décès de celui sur la tête de qui la rente est
constituée. L'aléa doit donc impérativement exister lors de la signature de
l'acte de vente. Aussi le législateur a-t-il prévu expressément des cas
imposant au juge l'annulation du contrat pour défaut d'aléa : «Tout contrat
de rente viagère créé sur la tête d'une personne qui était morte au jour
du contrat ne produit aucun effet» (art. 1974); «II en est de même du
contrat par lequel la rente a été créée sur la tête d'une personne atteinte
de la maladie dont elle est décédée dans les vingt jours de la date du
contrat» (art. 1975). La jurisprudence a dégagé d'autres circonstances dans
lesquelles l'absence d'aléa entraîne la nullité du contrat (17).
C'est encore ce caractère aléatoire qui suggère des précautions
particulières quant à la détermination de la valeur du bien. En effet, dans les
ventes classiques d'immeubles, le vendeur lésé de plus des 7/1 2e du prix
peut demander un supplément de prix ou l'annulation de la vente (art.
1674); tel ne peut être le cas des ventes revêtant un caractère aléatoire
(Cass. civ., 14 dec. 1959) : en principe, mais c'est un principe en recul,
l'aléa chasse la lésion. Restera au vendeur à tenter de se fonder sur la
faiblesse des arrérages pour plaider le défaut d'aléa et obtenir l'annulation
de la vente (Cass. civ. 1ère, 18 nov. 1975).
La question de l'aléa est donc centrale : elle fonde l'existence du contrat
et détermine certaines de ses modalités d'exécution (cf. infra). C'est sur
son inexistence que pourront tenter de s'appuyer les héritiers du
crédirentier ou ses créanciers pour faire annuler la vente.

Une grande liberté contractuelle

Le plus fréquemment, le vendeur exige qu'une partie du «prix» (18)


de son bien lui soit versée comptant; c'est ce que l'on appelle le
«bouquet». Le montant en est déterminé par les deux parties. Il ne peut ce-

(16) Ici, comme dans la suite du texte, vendeur était imminent, et en déduit que cette
cette abréviation désigne un article du Code circonstance enlevait tout caractère aléatoire
civil. à la vente dont le prix n'était plus ni réel ni
(17) Dont le célèbre arrêt du 2 mars 1977 sérieux».
de la lère chambre civile de la Cour de cas- (18) On hésite pour ces transactions à
sation, dit «époux Desangles», annulant une parler de prix : il est arrivé que le fait de le
vente en viager car «la Cour relève (...) que mentionner dans un acte de vente ait été
l'acquéreur n'ignorait pas, le jour de la interprété comme une remise en cause du
conclusion de cette vente, que le décès du caractère aléatoire de l'opération : «Aussi

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pendant représenter une part trop importante du prix. En effet, le contrat


de vente en viager est un contrat à exécution successive : le paiement doit
obligatoirement être acquitté sous forme de versements échelonnés
(arrérages). En outre, si ce bouquet était proportionnellement trop élevé, son
montant serait quasiment équivalent à la valeur du bien, l'aléa pourrait
alors être considéré comme accessoire et la vente annulée (Cass. civ. 2e,
25 janv. 1978).
Le reste du prix est payable sous la forme d'une rente viagère dont le
montant est déterminé en fonction de trois facteurs : la valeur du bien, le
taux de revenus hors inflation du capital ainsi que l'âge du crédirentier
et son sexe, autrement dit, son espérance de vie (où la démographie
retrouve ses origines : cette science est née de la constitution de tables de
mortalité pour des assureurs) ; le taux de la rente augmente avec l'âge (19).
Trois systèmes offrent au crédirentier le moyen de majorer sa rente et
d'éviter que s'en érode le pouvoir d'achat. Il y a d'abord l'indexation qui
présente ici une particularité remarquable : les rentes viagères étant
assimilées à des dettes d'aliments, leur indexation est libre, sans restriction
quant au choix de l'indice (loi du 13 juil. 1963, art. 4) (20) ; dans un
contrat classique, en revanche, l'indice retenu doit être en rapport avec
l'activité de l'une ou l'autre des parties ou avec l'objet du contrat. Il y
a ensuite la majoration légale forfaitaire prévue par la loi du 25 mars 1949
et fixée chaque année par la loi de finances. Elle s'applique aux rentes
non indexées (lacune grave, et rare aujourd'hui, que l'on rencontre
pourtant) ou aux rentes viagères dont l'indexation lui est inférieure. Cette
majoration se produit automatiquement : le crédirentier n'aura pas besoin
d'intenter un procès pour l'obtenir. Tel n'est évidemment pas le cas de la
révision judiciaire, troisième des moyens dont il dispose. Le fait que cette
possibilité existe pour une rente indexée est contraire au grand principe
qui continue, même s'il est considérablement battu en brèche, de régir le
droit des contrats (l'autonomie de la volonté) (21) et apporte une preuve
supplémentaire de la spécificité du contrat qui nous occupe. C'est encore
la loi de 1949 qui aménage la révision judiciaire en donnant au juge «le
pouvoir de réduire ou d'augmenter la rente en deçà ou au-delà de son
montant révisé s'il apparaît que l'équilibre des prestations réciproques est
rompu par des circonstances économiques nouvelles» {Le Particulier,
1988, p. 46). Elle ne peut intervenir qu'une fois.

( suite de la note 18) 4 % lorsque le crédirentier a 30 ans à environ


convient-il de s'abstenir d'énoncer dans 20% lorsqu'il en a 85.
l'acte un prix en capital converti aussitôt en (20> Cette disposition ne concerne que
une rente viagère; il est préférable d'utiliser les rentes viagères constituées entre particu-
la formule "La vente est consentie moyennant liers' elle s'applique sans qu'il soit nécessaire
une rente de..." » (Le Particulier, 1988, p.15). de rechercher si, effectivement, la rente a ou
La pratique notariale a du mal à admettre non un caractère alimentaire.
cette distinction. (21) Exprimé par l'article 1134 du Code
(19) Ainsi, pour un taux de capitalisation civil' alinéa l-
de 3%, le taux de la rente passe d'environ

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Signalons enfin que plusieurs modalités sont possibles concernant


l'occupation du bien. Le crédirentier peut le vendre libre, il peut aussi en
conserver l'usufruit ou un droit d'usage et d'habitation. Bien entendu, ces
réserves au profit du vendeur entraînent une minoration de la rente, plus
importante s'il s'agit d'usufruit (dans ce cas, le vendeur peut louer son
bien et l'acquéreur n'en disposera pas automatiquement à la mort de son
crédirentier).

Une transaction pérenne

II semble que l'on peut déjà faire apparaître d'une part le sens et
l'intérêt de cette pratique pour les deux parties, et d'autre part les points de
litiges ou de conflits potentiels.
La vente en viager permet à une personne âgée de se procurer des
revenus partiellement défiscalisés, tout en continuant à vivre chez elle. Même
un bien modeste peut lui procurer ces avantages (22). Face à elle,
l'acheteur acquiert un bien à tempérament sans pour autant recourir au crédit
bancaire (23) et le paye, s'il est occupé, un prix inférieur à celui du
marché; à ces avantages certains s'ajoute un intérêt escompté, à savoir gagner
le ou les paris inhérents à cette transaction : pari sur la plus ou moins
grande longévité de son crédirentier mais aussi sur l'abandon que ce
dernier fera de son droit d'usage et d'habitation.
Quant aux différends, ils surgissent entre le vendeur et ses héritiers ou
encore entre le vendeur et son débirentier. Les premiers sont dus au fait
que la vente en viager est une « aliénation à fonds perdus » : à la mort du
vendeur, il n'y a plus rien dans la succession, ni chose, ni rente. Cependant,
rien dans le droit n'interdit cette vente même s'il existe des héritiers
réservataires. Aussi les conflits de cet ordre se déplacent-ils pour prendre
la forme de litiges avec l'acquéreur autour de la validité du contrat : ou
bien le vendeur, sous la pression de ses enfants, tentera de revenir sur sa
décision et de faire annuler le contrat, ou bien, après sa mort, ses héritiers
plaideront en ce sens.
Les seconds, les plus fréquents, quand ils ne portent pas sur le défaut
de paiement des arrérages (24), s'alimentent principalement à deux
sources : la révision de la rente et la répartition des charges. Sur ce

(22) Cf. infra. Notons ici que les arré- son avec l'échéancier d'un crédit à 15 ou
rages ne peuvent être inférieurs aux revenus 20 ans... Chaque fois que le crédit devient
de la chose, sans quoi nous serions dans le cher, les amateurs de viager se font plus nom-
cas d'un «défaut de prix sérieux», ce qui breux», dit le directeur de l'une des trois
peut entraîner la nullité du contrat (Chambre grandes agences immobilières parisiennes
des requêtes, 1er mai 1911). spécialisées.
(23) «II court-circuite l'intermédiaire le (24) Le vendeur dispose dans ce cas de
plus onéreux qui existe en ce monde, le ban- garanties très importantes, nous y revien-
quier. Faites le compte vous-même. La rente drons.
viagère supporte sans problème la comparai-

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Férial Drosso

deuxième point qui ne concerne que les viagers occupés, notons que la
difficulté tient à la qualification du statut d'occupation du crédirentier. La
solution la plus courante consiste à se caler sur la répartition prévalant
entre nu-propriétaire et usufruitier ou bien entre propriétaire et locataire.
Autrement dit, les grosses réparations seront à la charge du débirentier et
les dépenses courantes à celle du crédirentier, il reste alors à définir les
unes et les autres. En dehors même de la répartition des charges
obligatoires, l'entretien du bien, quand le crédirentier l'occupe, peut être source
de conflits : s'il laisse à désirer et c'est souvent le cas, l'âge entraînant
un immobilisme renforcé par l'ambiguïté du statut d'occupation, l'acheteur
voit son bien se détériorer et redoute des frais importants pour le moment
où il entrera en possession de son logement.
Deux situations particulières engendrent, elles aussi, des litiges. D'une
part, la renonciation par le crédirentier à son droit d'usage et d'habitation
qui se traduit par une augmentation de la rente; dans l'appréciation de
cette augmentation interviennent l'âge du crédirentier et le délai au bout
duquel survient la renonciation : elle est d'autant plus faible que le
crédirentier est plus âgé et que la renonciation est plus tardive. D'autre part,
la revente du viager, licite (25) mais toujours délicate compte tenu du fait
que le viager suppose ou suscite des relations personnelles entre les
parties : le nouvel acquéreur doit être agréé par le crédirentier.
Telle est la traduction effective et prosaïque d'un «contrat successif» :
«Dans une vente normale, nous expliquait un notaire, les choses se
dénouent instantanément, ici ce n'est pas le cas, il y a pérennité du rapport
entre les deux parties».
Aussi paraît-il important de rappeler que, si détaillée que soit la loi
encadrant la vente en viager, la liberté contractuelle est ici très grande,
aux réserves déjà évoquées près : « Les conventions légalement formées
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites» (art. 1134, alinéa 1).
Autrement dit, il est possible de mettre au point des contrats adaptés à des
situations très spécifiques et prévoyant toutes les éventualités sus-mention-
nées. En conséquence, leur rédaction revêt une importance capitale. Est-ce
la raison pour laquelle l'un des directeurs d'agence contactés dit avoir
renoncé à faire du viager: «C'est trop long, trop compliqué»? C'est en
tout cas ce qui explique que toutes les agences spécialisées se vendent
sur leurs compétences juridiques et leur «service après-vente» et que le
président de l'Amicale des rentiers- viagers, un avocat, déclare faire de
«l'assistance ménagère».
Au demeurant, les relations entre crédirentier et débirentier ne sont pas
toujours conflictuelles. Si le vendeur est seul, si l'acheteur éprouve quelque
sentiment de culpabilité ou de sympathie à son égard, s'il a lui-même de
jeunes enfants, il arrive que se mette en place un simulacre de relations

(25) « Le bien vendu en viager peut être librement revendu sauf convention contraire
reconnue valable.» (Cour d'appel de Saint-Nazaire, 21 oct. 1957)

231
Revue française de sociologie

familiales, que se constitue une manière de famille avec visites, cadeaux


et autres échanges rituels. On en arrive alors à des situations proches, sur
le plan psychologique, de la transmission par héritage.
En résumé, il s'agit là d'un contrat très spécifique dont l'originalité
tient à trois aspects. Deux dérivent directement de sa définition, le
troisième de la pratique. Par définition, le prix qui sera finalement acquitté
en échange du bien aliéné est inconnu et doit le rester. En toute rigueur,
la notion même de prix est inadéquate ici (26). On voit donc bien comment
se noue la pratique du viager avec les notions de hasard, de pari, de pari
sur la mort. Par définition aussi le viager est une manière de vente à crédit,
à ceci près que c'est le vendeur qui fait crédit, ce qui entraîne encore une
spécificité de ce contrat : alors que le contrat de vente « classique » protège
d'abord l'acheteur (les risques étant effectivement essentiellement de son
côté), ici c'est le vendeur, parce qu'il fait crédit et surtout parce que sa
rente est assimilée à une dette d'aliments (27), qui est protégé. Quant au
troisième facteur d'originalité, il tient dans le démembrement du droit de
propriété qui accompagne le plus souvent cette transaction alors qu'il est
extrêmement rare en cas de vente «classique».

L'état des lieux

Un petit marché
Si rares, et parfois contradictoires, que soient les informations sur la
pratique qui nous occupe, on peut établir certains points.
Avec la vente en viager de biens immobiliers, nous avons
indéniablement affaire à un marché de très faible importance (28).
Cinq agences dans la capitale, dont trois vraiment importantes, autant
dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur se partagent l'essentiel des
transactions. Il faut y ajouter un volant d'opérations directement traitées
par les notaires, surtout en province ou quand l'acheteur est un parent du
vendeur.
C'est un marché où le rôle des intermédiaires est considérable compte
tenu des parties qu'il met en présence et surtout du caractère alimentaire
que revêt ce contrat dans la plupart des cas. La négociation est souvent
très longue, les atermoiements fréquents, témoignant d'enjeux qui, pour

(26) Cf. note 18. On peut, à ce propos, tuées entre particuliers (loi n° 63-699 du 13
s'interroger sur le mode de détermination de juil. 1963, art. 4).
la rente à l'époque où la démographie n'avait (28) 1,1 % en 1984 et 0,7 % en 1988 des
pas encore mis de rationalité dans ce contrat « propriétaires récents » ont acquis leur loge-
(rappelons qu'en France il existait déjà dans ment en viager (sources : insee, enquêtes
l'Ancien Droit). «Logement», 1984 et 1988, dans Taffin,
(27) Doivent être regardées comme des 1991, p. 8).
dettes d'aliments les rentes viagères consti-

232
Férial Drosso

le vendeur, dépassent largement une vente classique. La vente en viager


est le plus souvent vécue ou perçue comme un échec : échec du projet
patrimonial, échec du projet de transmission. Qu'elle soit occasionnée par
la recherche du nécessaire ou par celle du superflu, elle est quelque peu
honteuse : on n'a pas pu ou su tenir son rang de propriétaire. Du coup,
le marché qui nous occupe est aussi un marché de l'ombre («discrétion
assurée», promettent les professionnels du viager) et, contrairement à ce
que nous supposions au début de notre travail, cette discrétion n'est pas
destinée à protéger le vendeur de ses héritiers mais de ses voisins : « Est-ce
que mes voisins le sauront? Et le syndic?»; on ne redoute pas tant les
revendications des premiers que le dédain des seconds. C'est, enfin, un
marché où, tout à la fois, on veut connaître son acheteur pour s'assurer
de sa solvabilité et de sa bonne foi, mais où l'on hésite à le rencontrer,
parce qu'on a déchu, parce qu'on déroge à la règle de la transmission,
parce qu'on ne peut prêter à cet acheteur que de mauvaises intentions. De
façon symétrique, les acheteurs ne tiennent pas à rencontrer leur vendeur :
«Vous savez, aujourd'hui, les intéressés n'ont même pas besoin de se
rencontrer», disent ces mêmes professionnels. Ce face à face des parties
concernées, avec la mort de l'un d'eux au centre des échanges, mort qui
si elle n'est pas souhaitée est quand même ce qui donne son sens à la
transaction, explique qu'il soit si difficile de bien parler du viager. Ainsi
n'y a-t-il rien, dans les œuvres de fiction, entre l'horreur sèche ou la froide
raison d'un côté (29) et la grossièreté rigolarde de l'autre (30). Dans
certains pays où la vente en viager telle qu'elle est pratiquée en France est
inconnue, il existe une formule voisine sur le plan du mécanisme, à une
différence notable près : ce sont des institutions (essentiellement des
banques et des compagnies d'assurances) qui achètent (31).
S'il ne semble pas subir de bouleversements majeurs en termes de
nombre global de transactions, ce marché a connu et connaît encore des
évolutions internes. Ainsi s'urbanise-t-il après avoir été surtout rural. Peut-être
change-t-il aussi de signification avec des acquéreurs et des vendeurs d'un
nouveau type (cf. infra). En revanche, il y a permanence du marquage
régional avec des régions de tolérance ; à celles que l'on a déjà vues, ajou-

(29) Cf. G. de Maupassant (éd. 1986), revenu n'était plus à elle (...) Cela m'a donné
nous y reviendrons; et J. Austin (éd. 1982, une telle horreur des viagers (...)"».
pp. 13-14) : « (...) "Mais alors, si Mrs Dash- (30) Cf. le film de P. Tchernia, Le viager.
wood vit cinquante ans, nous serons entière- (31) II s'agit notamment de Г «hypo-
ment liés pour tout ce temps ?" "Cinquante thèque inversée » pratiquée au Canada et de
ans ! ma chère Fanny, il faut bien en rabattre dispositifs tels que les Home income plans,
la moitié." "Certainement pas. Vous pouvez Home reversion schemes, Rolled up interest
remarquer que les gens vivent toujours éter- loan schemes en Grande-Bretagne. Dans tous
nellement quand ils ont des annuités à tou- les cas, le principe est le même : la personne
cher (...) J'ai une grande expérience des âgée tire profit du capital que représente son
ennuis que donnent ces annuités (...) Ma mère logement pour accroître ses ressources tout
en avait trois à servir à de vieux serviteurs en conservant la possibilité d'y vivre. Sur les
hors d'âge (...) Ma mère en était malade, son dispositifs ayant cours en Grande-Bretagne,
cf. Mullings (1992).

233
Revue française de sociologie

tons le Centre et le Nord de la France ainsi que le Sud-Ouest, et d'autres


de rejet, l'Est et la Bretagne. Cette localisation différentielle du viager
tient, d'une part, à des raisons conjoncturelles : forte concentration de
personnes âgées, marché immobilier tendu, structure de la propriété (son
relatif essor à Paris, par exemple, s'explique par l'extension de la copropriété
dans la capitale); d'autre part à des raisons culturelles sur lesquelles, à
ce stade, nous ne disposons que d'hypothèses. Dans la mesure où viager
et transmission sont liés, comme nous avons tenté de le montrer, et où,
durant l'Ancien Régime, les règles successorales «départageaient des aires
culturelles» (Le Roy Ladurie et Morineau, 1977, p. 596), on pouvait
supposer qu'il y aurait coïncidence entre les régions qui pratiquent le viager
et celles où l'Ancien Droit admettait la liberté d'avantager, ces dernières
se signalant, aujourd'hui encore, par des partages inégaux entre frères et
sœurs (Arrondel et Laferrère, 1992). Et c'est en effet, en gros, ce que l'on
peut observer. Liberté de tester et pratique du viager confirmeraient la
prééminence du droit des parents sur celui des enfants (32). Il pourrait
également y avoir corrélation entre la pratique dans certaines régions,
durant l'Ancien Régime, de certains baux perpétuels ou à longue durée (Bou-
driot, 1947) £t la pratique actuelle du viager.
C'est un marché de cas particuliers : diversité des situations familiales
et patrimoniales, diversité des intentions. Quelques traits se dégagent,
cependant. Dans la plupart des cas, le bien est vendu avec une réserve de
droit d'usage et d'habitation indiquant que le deuxième objectif du vendeur
est de pouvoir continuer à vivre chez lui, dans son quartier, «comme
avant», en conservant ses habitudes, son réseau de voisinage, voire
d'entraide, au point que la vente passe parfois inaperçue ou n'est révélée à
l'entourage qu'en raison d'un soudain mieux-être financier. Le premier
objectif est évidemment l'accroissement des ressources. Le bouquet sert, au
pire, à se libérer de son crédit bancaire (cas rare) ou à payer de gros
travaux, au mieux, à s'offrir enfin le voyage convoité : «La clientèle des
croisières du troisième âge, ce sont les crédirentiers», ou même à faire
une donation à ses enfants. Quelques exemples serviront à démontrer ce
que nous avancions plus haut, à savoir que même un bien relativement
modeste peut assurer des revenus modifiant sensiblement le niveau de vie.
Ainsi, la vente en viager d'un logement de 500 000 francs par un homme
de 70 ans lui procurera un bouquet de 50 000 francs et une rente mensuelle
de 3 700 francs s'il ne se réserve aucun droit et de 2 000 francs s'il
conserve un droit d'usage et d'habitation; la vente d'un logement de même
valeur, avec les mêmes réserves, sans bouquet, par un homme de 75 ans
lui assurera une rente mensuelle de 4 000 francs ; enfin, vendu par un
couple (homme de 75 ans et femme de 72 ans), sans bouquet, mais avec
réserve du droit d'usage et d'habitation, il fournira une rente mensuelle

(32) Aujourd'hui, la liberté de tester ne moine d'une personne dont elle peut disposer
peut évidemment s'appliquer qu'à la quotité librement par donation ou testament, en
prédisponible, à savoir à la portion du patri- sence d'héritiers réservataires.

234
Férial Drosso

de 2 000 francs (33). Cela étant, un extrait du catalogue de certaines


agences immobilières parisiennes montre bien que la vente en viager
concerne également des biens d'importance : les adresses les plus
prestigieuses y figurent, les bouquets avoisinent ou dépassent le million de francs
et les rentes, les dix mille francs par mois.
A l'objectif d'accroître ses ressources s'ajoute, depuis peu, le souci du
conjoint survivant. Pris sur deux têtes, le viager permet d'y répondre. Sur
ce point aussi, la pratique du viager s'avère bien être le révélateur que
nous espérions : elle atteste cette préoccupation nouvelle qu'ont les époux
face à une législation beaucoup plus soucieuse du droit des enfants que
de celui du conjoint survivant (34).
Les vendeurs ont-ils des enfants? C'est un point très difficile à établir.
Ce que l'on sait de l'attachement au principe de la transmission, confirmé
par une partie importante des informations recueillies, inciterait à répondre
par la négative. Mais les choses ne sont pas aussi simples (cf. infra), et
les propos entendus sur ce point tellement défensifs qu'ils nous paraissent
nécessiter vérification : « Ah, moi quand il y a des enfants, je déconseille » ;
« Moi, quand le candidat vendeur est brouillé avec ses enfants, je ne fais
pas la vente» (35).
L'âge moyen des vendeurs est de 72-75 ans; en deçà, la rente, trop
faible, n'est guère intéressante pour eux et le poids de l'aléa trop grand
pour l'acquéreur. Ce sont le plus souvent des veuves; on sait que le
veuvage des femmes se traduit en France, dans ces générations, par une perte
importante de ressources. A ce profil traditionnel du vendeur s'en ajoutent
deux autres : d'une part, les membres de professions qui permettent de
dégager des revenus importants durant la vie active mais dont les régimes
de retraite sont défavorables (il s'agit notamment des commerçants qui se
présentent tôt, trop tôt d'après les professionnels, sur ce marché et qu'il
faut souvent engager à différer leur vente) ; d'autre part, des vendeurs
relativement jeunes eux aussi, sans doute ceux qui sont appelés à
développer le marché, habitués à un train de vie important, n'entendant pas le
voir baisser, ayant établi leurs enfants et se sentant du coup «quittes»
envers eux; ils sont la cible privilégiée des agences immobilières
spécialisées et de leurs slogans : «On ne vit qu'une fois», «Vivre vieux mais
bien».

(33) Ces calculs ont été faits sur la base C'est l'aspect moral à ne pas négliger ! La
d'un taux de capitalisation de 3,5 %. question qui précède est particulièrement
(34) Un projet de loi accroissant les grave "sentimentalement", si le crédirentier
droits du conjoint survivant est à l'étude ; les a des enfants ou des petits-enfants» (p. 177) ;
problèmes de succession dans les familles « Recommandations au débirentier : (...) Ne
dites recomposées renforcent ce mouvement. pas accepter un viager de la part de gens,
(35) Cf. également M. et C. Taithe temporairement peut-être, en mauvaise intel-
(1988): « Recommandations au crédirentier : ligence avec leurs enfants (aspect moral)»
(...) N'y a-t-il pas un être cher qui accepterait (p. 179).
de servir la rente aux mêmes conditions ?

235
Revue française de sociologie

Qu'il permette seulement la survie ou assure le maintien d'un niveau


de vie élevé, le patrimoine peut se monnayer et certains de nos
interlocuteurs voient dans la vente en viager un avatar du troc (36). Quoi qu'il
en soit, avec des questions portant sur la rétention, la dilapidation ou la
transmission des biens et, en arrière-plan, celles des ressources du
troisième âge ou de la conception de la retraite, nous sommes ici au cœur
du problème.
Les débirentiers ont en commun, eux, leur âge, 40 à 50 ans, et leur
appartenance à des professions (professions libérales, cadres supérieurs,
gros commerçants) ou à des situations (les anciens coloniaux ont cédé la
place aux Français expatriés) qui permettent de dégager de fortes liquidités.
Nous l'avons vu, une rente est vite élevée et l'achat en viager se fait hors
crédit bancaire car les garanties couvrant le crédirentier priment la garantie
hypothécaire du banquier. En outre, les assurances que les acheteurs
pourraient être incités à prendre (assurance-chômage par exemple) sont pour
ce type d'achat extrêmement chères et mal conçues. On retrouve ici le
rôle des intermédiaires, ce sont eux qui se portent garants, tout au moins
moralement, du sérieux et de la solvabilité des acheteurs. En commun
aussi, une manière de goût du risque : le viager permet de concilier deux
tendances apparemment contradictoires, la tentation de la spéculation et
la recherche de sécurité si bien incarnée en France par «la pierre».
Encore faut-il distinguer, parmi les acquéreurs, les «vrais» et les
«faux» particuliers. Pour les premiers, le viager n'est qu'une commodité :
augmenter son patrimoine à moindre coût, prévoir le futur logement de
ses enfants ou acquérir sa résidence de retraite (nos interlocuteurs parlent
«d'assistance de génération à génération»), bref se comporter en bons
pères de famille «avec en plus un petit zeste de jeu». Les seconds,
nombreux proportionnellement, constituent une petite clientèle de fidèles du
viager et le considèrent tout simplement comme un produit boursier. Aussi
les accumulent-ils, le nombre gommant les effets de l'aléa. L'ANDIRV a
calculé que ses adhérents en ont en moyenne trois chacun.
Il faut enfin signaler qu'en dépit de quelques incursions sur ce marché
les marchands de biens n'y sont guère représentés : l'éparpillement du
patrimoine multiplie les difficultés de gestion et la nature de la transaction
ne permet pas vraiment de planifier la rentabilité des opérations (37).
On a parlé de marché très étroit. Il s'agit surtout d'un marché très
spécifique, présentant quelques caractères paradoxaux. Paradoxal, le fait qu'ici
les stratégies résidentielles soient du côté du vendeur. L'acheteur poursuit,

(36) Nous serions, quant à nous, tenté (37) Précisons que le vendeur en viager
plutôt de rapprocher ce dernier du bail à nour- doit nécessairement être une personne physi-
riture. Le bail à nourriture est l'échange d'un que, conséquence logique de la définition de
capital ou d'un bien contre l'obligation d'en- ce contrat : une personne morale n'est pas
tretien «tant en bonne santé qu'en maladie susceptible de décéder,
et jusqu'à la mort».

236
Férial Drosso

lui, une stratégie patrimoniale (c'est ainsi qu'il faut comprendre ses achats
multiples), même s'il entend occuper ou faire occuper, un jour, son bien.
Il joue donc avec les échéances, pour lui la durée est essentielle. Elle
importe aussi au vendeur qui peut avoir des objectifs différents à horizons
divers. Vendre son logement en viager en s'en réservant l'usufruit, c'est-
à-dire en se réservant la possibilité de le quitter et de le louer, c'est pouvoir
à court terme accroître son autonomie financière, à moyen terme se payer
des soins légers à domicile, à long terme couvrir tout ou partie des frais
d'un séjour en institution. Ajoutons que le vendeur fait lui aussi un pari,
celui de vivre assez longtemps pour profiter de sa vente et ne pas avoir
tout simplement fait un cadeau à un étranger. Paradoxal aussi le fait que
ce marché soit déséquilibré sans que les rationalités économiques
expliquent que la demande l'emporte à ce point sur l'offre et alors que la
population des vendeurs potentiels paraît a priori plus large que celle des
acheteurs potentiels. Certes, c'est un marché sur lequel pèse fortement le
poids de représentations négatives, mais celles-ci concernent autant
l'acheteur que le vendeur. La question qui se pose désormais est celle de
la part que peut avoir la législation dans ce déséquilibre et plus précisément
dans la rétention de l'offre. Répondrait-il à une asymétrie des risques?
N'oublions pas, en effet, que nous avons affaire à un contrat aléatoire.

Asymétrie des risques, le rôle du droit

S'il est difficile de dégager l'intention de la législation, on peut


néanmoins établir qu'elle prend en considération le caractère alimentaire du
contrat de rente viagère et en pousse la logique jusqu'au bout. Notons en
passant la proximité, dans toute la littérature juridique, du contrat de rente
viagère et du contrat de bail à nourriture (38).
Il nous semble que cette assimilation des rentes viagères constituées
entre particuliers à des dettes d'aliments est très utile pour comprendre la
nature de l'échange entre crédirentier et débirentier et l'imagerie
concernant les uns et les autres. C'est ce caractère alimentaire qui, au demeurant,
a amené certains juristes à passer sur leurs préventions et à défendre le
principe de ce contrat lors de la rédaction du Code civil : « Mais aussi
n'est-il pas quelquefois l'acte le plus touchant de la bienfaisance, le moyen
ingénieux de multiplier l'or charitable et nourricier, la dernière et
consolante ressource de l'infortune et de la vieillesse... Aussi remarquerez-vous

(38) Le Code civil a délaissé la réglemen- Le rapprochement des deux contrats est tel-
tation de ce contrat, et son appellation se lement légitime qu'on a vu un preneur, en
trouve seulement dans les lois fiscales. Il échange d'un immeuble, s'engager envers le
obéit aux règles générales des conventions : bailleur, à son choix, à lui servir une rente
«En principe (...), la doctrine majoritaire ap- viagère ou à le soigner (...) et que, dans cer-
plique au bail à nourriture les règles de la tains cas, le bail à nourriture peut être con-
rente viagère, en raison du but commun des verti en rente viagère » (Béraud, 1958).
deux opérations et de leur caractère aléatoire.

237
Revue française de sociologie

avec plaisir que toute la faveur de la loi est à celui des contractants qui
stipule pour l'aisance et la prolongation de la vie, toute sa sévérité pour
celui qui caresse l'espérance et calcule la proximité de la mort» (39).
Quelles sont donc les garanties dont bénéficie le crédirentier et sur quoi
portent-elles? Elles concernent, d'abord, le non-paiement de la rente. La
première d'entre elles, le privilège du vendeur, lui permettra de faire saisir
et vendre en justice le bien et de faire prélever sur le produit de la vente
la somme nécessaire au paiement des arrérages. La seconde, l'action
résolutoire, permet, si une une clause a été insérée à cet effet dans le contrat,
de faire annuler la vente. Même un retard d'un mois dans le paiement des
arrérages peut entraîner l'action résolutoire, sur laquelle le juge n'a pas
de liberté d'appréciation : il est tenu de l'accueillir quand elle est requise.
Le crédirentier pourra conserver tout ou partie des arrérages et du bouquet,
ou bien en vertu d'une clause incluse dans le contrat ou bien au titre de
dommages et intérêts.
De même, le crédirentier dispose de garanties en cas de revente du
viager. Dans cette éventualité, le premier acquéreur pourra être totalement
dégagé de ses obligations ; le plus souvent, cependant, le crédirentier
continuera à avoir comme débiteur de la rente son propre acquéreur et
bénéficiera des mêmes garanties (privilège du vendeur et éventuellement action
résolutoire) (40).
Sans doute faut-il également attribuer à ce souci le fait que, sauf
convention expresse contraire, la constitution de la rente viagère est définitive :
«Le constituant ne peut se libérer du paiement de la rente en offrant de
rembourser le capital et en renonçant à la répétition des arrérages payés.
Il est tenu de servir la rente pendant toute la vie de la personne ou des
personnes sur la tête desquelles la rente a été constituée, quelle que soit
la durée de la vie de ces personnes et quelque onéreux qu'ait pu devenir
le service de cette rente» (art. 1979).
Nous ne reviendrons ni sur la liberté d'indexation des rentes, ni sur la
révision judiciaire. Encore que l'on sorte ici de la logique du contrat
alimentaire, ajoutons que la fiscalité, elle-même, bénéficie au crédirentier :
« Les rentes viagères constituées à titre onéreux ne sont considérées comme
un revenu, pour l'application de l'impôt sur le revenu dû par le crédirentier,
que pour une fraction de leur montant. Cette fraction est déterminée for-
faitairement d'après l'âge du crédirentier lors de l'entrée en jouissance de
la rente» (art. 1581-6 du Code général des impôts) (41). C'est parce qu'une
fraction de la rente est représentative du capital aliéné et que ce capital
est lui-même imposable que la rente viagère jouit de dispositions avanta-

(39) Extraits d'un discours prononcé par (41) Cette fraction est fixée à 70% si, à
le tribun Duveyrier (Recueil complet des tra- la date considérée, l'intéressé était âgé de
vaux préparatoires du Code civil, p. 562). moins de 50 ans, 50% s'il était âgé de 50 à
(40) C'est la formule que recommandent 59 ans, 40% s'il était âgé de 60 à 69 ans et
notaires et agents immobiliers. 30 % s'il était âgé de plus de 69 ans.

238
Férial Drosso

geuses. En revanche, fiscalement, l'achat en viager n'a pas d'intérêt


particulier pour l'acquéreur (42).
Rien dans le droit ne peut donc expliquer que se soit forgée l'image
des crédirentiers comme victimes sans défense. Et, pourtant, elle a la vie
dure.

Des représentations et des faits

Le soupçon

La Mère Magloire de Maupassant (éd. 1986, pp. 79-82), pour obstinée


et avisée qu'elle soit, ne peut résister aux obscurs desseins de Maître
Chicot qui d'abord la convainc de lui vendre sa ferme en viager, ensuite lui
offre force petits fûts de fine et qui, lorsqu'elle meurt «...étant tombée,
soûle, dans la neige», lui fait cette oraison : «C'te manante, si aile s'était
point boissonnée, aile en avait bien pour dix ans de plus». Et Maupassant
de mettre en scène toutes les ruses des négociateurs: «"Je n'en ai pas
pour pu de cinq à six ans pour sûr (...) L'autre soir, je crûmes que j'allais
passer. Il me semblait qu'on me vidait le corps..." "Allons, allons, vieille
pratique (...) Vous vivrez pour le moins cent dix ans. C'est vous qui
m'enterrerez, pour sûr"», ainsi que leurs fantasmes : «Trois ans s'écoulèrent.
La bonne femme se portait comme un charme et Chicot se désespérait. Il
lui semblait, à lui, qu'il payait cette rente depuis un demi-siècle, qu'il
était trompé, floué, ruiné (...) Elle le recevait avec une malice dans le
regard. On eût dit qu'elle se félicitait du bon tour qu'elle lui avait joué ;
et il remontait bien vite dans son tilbury en murmurant : "Tu ne crèveras
donc point, carcasse!"».
Plus près de nous, c'est une tentative d'homicide rapportée sous ce titre :
« Viager dangereux : les experts se renvoient les balles » {Libération du
28 août 1991). Madame M. (la victime), qui connaît bien le docteur P.
(l'accusé), n'a pas reconnu l'homme qui a tiré sur elle : «Sept témoins
ont aperçu le tueur la nuit du meurtre, aucun n'identifie formellement le
docteur» {Le Monde du 29 août 1991) et pourtant la victime déclare : «Mes
soupçons sur l'auteur, ou tout au moins l'instigateur, de cette tentative
d'assassinat sur ma personne ne font aucun doute : il ne peut s'agir que

(42) «II ne peut pas déduire de son re- tion de la résidence principale. Si l'acquéreur
venu global la rente viagère qu'il verse. S'il a conclu un viager occupé, il ne peut pas
déoccupe le bien acheté en viager, il ne peut duire les rentes versées de ses revenus fon-
pas bénéficier, pour les rentes qu'il verse au ciers, à la différence des intérêts d'un
vendeur, de la réduction d'impôts pour les in- emprunt contracté pour un investissement lo-
térêts d'emprunt applicable en cas d'acquisi- catif. » (Le Particulier, 1991, p. 42)

239
Revue française de sociologie

du docteur P. qui me règle mensuellement un viager ne reposant plus que


sur ma tête» (Libération, ibid.).
Littérature et faits divers illustrent bien tout un pan des préventions
contre le viager : il serait une incitation, sinon au meurtre, du moins aux
mauvaises pensées, «beaucoup de gens ne veulent pas vendre en viager,
ils s'imaginent qu'ils vont recevoir des vœux de mort avec chaque
mandat». Argumentation qu'ont développée certains des détracteurs de cette
vente lors de la rédaction du Code civil. C'est en effet à ce moment que
fut examinée et débattue l'opportunité de conserver dans le Code ce contrat
issu du Moyen-Age et dont nous avons vu qu'il existait dans l'Ancien
Droit. Mais les calculs louches de l'acheteur qui «caresse l'espérance et
calcule la proximité de la mort» (43) ne sont pas les seules causes de
l'hostilité des juristes. Les intentions du vendeur, sa «dissipation», son
«égoïsme» inquiètent aussi. Ainsi s'opposent les arguments en faveur de
la famille et de l'intégrité de son patrimoine à ceux des besoins de
l'individu. Et c'est «l'odieux calcul d'avarice et de cupidité, le froid conseiller
de l'égoïsme, le compagnon solitaire de la misanthropie, l'ennemi de toute
affection sociale et le spoliateur des familles» (Duveyrier, ibid., pp. 561-
562) face à «un moyen de subsistance pour un homme isolé qui n'a pas
de famille, pas d'héritier ou pour une personne âgée et infirme qui a besoin
de recourir à cet expédient de finance pour vivre » (Portalis, ibid., p. 543).
Arguments moraux contre arguments économiques qui, finalement,
l'emportèrent. Citons Portalis : «Mais parce que le débiteur d'une rente viagère
pourra, dans le secret de ses pensées, envisager ma mort comme une chance
de bonheur, faudra-t-il que je renonce au droit de me constituer créancier
de cette rente qui doit soutenir mon existence et ma vie ? » (p. 544) ; « Ici,
comme ailleurs, il faut savoir distinguer la chose de l'abus que l'on peut
en faire» (p. 543).
C'est quasiment dans les mêmes termes que s'énoncent encore
aujourd'hui les arguments pour et contre le viager.

Le viager, une pratique antifamiliale ?

Qu'en est-il de ces derniers? Le viager, «jeu funeste et ruineux» (Si-


méon, ibid., p. 255), signifie-t-il obligatoirement spoliation des familles?
Certes, il existe des cas où la question ne se pose même pas parce que
de façon ouverte le viager est utilisé pour «déshériter» ses enfants : «Vendez-
moi ça à n'importe quel prix, pourvu que mes enfants n'héritent pas» ou
bien encore : «Moi je vendrai en viager, ma fille s'est trop mal comportée
avec nous».
Avant d'examiner ce que les diverses utilisations du viager peuvent nous
fournir comme réponses à la question de la spoliation, nous voudrions faire

(43) Duveyrier, Recueil complet des travaux..., p. 562.

240
Férial Drosso

pièce à une affirmation couramment entendue : «Les enfants n'ont rien à


dire, c'est une vente comme une autre». Certes, nous l'avons déjà dit,
rien n'interdit cette transaction, les enfants n'ont pas à être consultés, ni
même avisés, certains ne la découvrent qu'à la mort de leurs parents. Peut-
on, pour autant, estimer que c'est une vente comme une autre ? Deux
raisons, au moins, inciteraient à répondre par la négative. La première est
d'ordre économique, la seconde psychologique. Dans une vente en viager,
l'essentiel du prix du bien est acquitté en versements successifs dont la
destination naturelle est d'être dépensés au fur et à mesure qu'ils sont
perçus; en revanche, lorsque le bien est payé comptant, la somme est en
général placée, à moins qu'elle ne serve à une nouvelle acquisition, le
patrimoine sera donc conservé. Par ailleurs, une vente en viager est
effectuée à un âge avancé, autrement dit à l'âge où l'on organise sa
succession, quand ce n'est pas déjà fait, il y a donc là un choix : ou bien on
«hérite de soi-même» pour reprendre le slogan publicitaire de l'une des
agences spécialisées, ou bien on transmet.
Cela étant, il existe des modalités de vente en viager qui permettent
de conserver le bien, ou les revenus que l'on peut en tirer, dans la famille.
Ainsi peut-on vendre en viager à un ou plusieurs héritier(s) proche(s)
ou éloigné(s). Rien ne l'interdit à condition que cette vente ne soit pas
une donation déguisée. Quand il s'agit d'une vente à l'un des successibles
en ligne directe, elle est assimilée à une donation (art. 918), même si
l'acquéreur peut prouver qu'il a payé les arrérages et quelle que soit la durée
durant laquelle il les a payés. Néanmoins, si tous les enfants du vendeur
donnent leur accord à l'opération, elle pourra conserver son caractère de
vente. Dans le cas contraire elle s'imputera d'abord sur la quotité
disponible (cf. note 32) et, si la valeur du bien est supérieure à cette quotité,
le surplus devra être rapporté à la succession. Différente est la vente aux
autres successibles : il ne pèse pas sur elle de présomption irréfragable de
donation (44), elle sera bien considérée comme une vente si l'acquéreur
apporte la preuve qu'il s'est acquitté du paiement de la rente. Cela étant,
la preuve peut être fictive avec des arrérages officiellement versés et
officieusement retournés. On peut signaler à ce propos que l'administration
fiscale est extrêmement méfiante à l'égard de ces ventes et tente souvent
de faire payer les droits de mutation comme s'il y avait eu succession (45).
Certains professionnels nous ont déclaré qu'avant de chercher un tiers
acquéreur ils conseillaient à leurs clients de prévenir par courrier tous les
membres de leur famille pour leur proposer la transaction.
La deuxième des possibilités permet de constituer la rente sur la tête
de l'un des héritiers du vendeur. Mais c'est une modalité extrêmement
rare qui intéresse peu l'une et l'autre parties : rente faible pour le vendeur,
engagement en principe trop long pour l'acquéreur.
(44) Une présomption est dite irréfraga- (45) Ajoutons, parmi les bénéficiaires de
ble ou absolue quand elle ne peut être ren- ces donations déguisées en ventes en viager,
versée par la preuve contraire. les concubins.

241
Revue française de sociologie

Jusqu'ici, nous avons présenté les choses de façon assez traditionnelle


en ce sens que nous avons envisagé des situations où la question du
patrimoine se dénoue à la mort de celui qui le détient. Mais l'allongement
de l'espérance de vie, en bouleversant les besoins et les calendriers, a
aussi transformé les échanges entre générations. Il n'est que de voir
l'augmentation du nombre des donations et les nouvelles mesures fiscales les
encourageant (46). Fût-ce de façon marginale, le viager se ressent de ces
mouvements. Tout d'abord, il arrive qu'une partie du produit de la vente,
le «bouquet», serve justement à aider un enfant : «Ce n'est une pratique
antifamiliale que pour ceux qui ne la connaissent pas », nous disait le
président de I'andirv. Parmi ses adhérents, 50% auraient des enfants, lesquels
seraient, dans 90% des cas, d'accord avec cette transaction. Aussi le viager
est-il parfois présenté et perçu comme une manière d'héritage ou de
donation anticipés en ce sens qu'il permet à des personnes âgées, en
augmentant leurs revenus, de ne pas être à la charge de leurs enfants. Tous
comptes faits, ceux-ci préféreraient renoncer à un héritage intervenant
relativement tard dans leur cycle de vie plutôt que de subvenir aux besoins
de leurs parents au moment où leurs propres charges sont les plus élevées.
Et c'est peut-être ce qui paraît le plus insupportable dans l'idée du viager :
non pas tant le « pari sur la mort » ou la « spoliation » des enfants que le
consentement tacite et mutuel au «chacun pour soi», la formalisation, la
mise en évidence de l'autonomie des générations. Sont-elles, au fond, si
rassurantes, les scènes complaisamment décrites par certains de nos
interlocuteurs : enfants venant en éclaireurs pour se renseigner sur le viager,
enfants incitant leurs parents à cette transaction, entente familiale sur le
bien-fondé de cette opération? Chacun aurait admis l'idée qu'il est naturel
pour des parents d'aider financièrement et matériellement leurs enfants et
humiliant pour ces mêmes parents d'accepter leur assistance financière.
Ne parle-t-on pas d'un côté d'aides ou de dons et de l'autre d'assistance
ou de secours? «Un tel contrat (le viager) a l'avantage d'épargner aux
parents l'humiliation de mendier des secours de leurs enfants. Contrat de
responsabilité à chaque âge, le contrat viager est une garantie de la libre
détermination de son destin et de ses choix par l'homme au-delà des
pesanteurs historiques issues de la dictature balzacienne de l'héritage», écrit
le président de l'Amicale des rentiers-viagers, dans un bulletin militant.
Pour lui, ce contrat est «une nouvelle philosophie de l'existence».

Anciens et modernes

Ni ce crédirentier héraut de la modernité, ni un crédirentier impuissant


et misérable ne nous semblent conformes à ce que nous avons pu observer.
Les images de l'un et l'autre sont pétries des soupçons, craintes, sentiments
de culpabilité, propos dénégateurs et clichés que nous avons pu voir à
l'œuvre tout au long de nos entretiens. Elles sont cependant intéressantes

(46) Insee Première, n° 169 (novembre 1991), d'une part, et le projet de loi de finances
pour 1992, d'autre part.

242
Férial Drosso

l'une et l'autre et surtout l'une avec l'autre en ce qu'elles démontrent que


la pratique du viager est un champ traversé de forces contradictoires et
où se mêlent archaïsme et modernité. On peut ici rappeler quelques-uns
des éléments d'un contexte socio-économique qui donne un sens nouveau
à cette transaction.
En France, l'écrasante majorité des personnes âgées vit hors institution,
dans des ménages ordinaires (47). C'est ce qu'elles veulent, c'est ce que
prônent, depuis le rapport Laroque de 1962, les politiques successives les
concernant. C'est une population de propriétaires (48). Il faut ajouter, si
l'on s'intéresse au patrimoine immobilier comme source potentielle de
ventes en viager, que les personnes âgées, comme l'ensemble des Français,
disposent de plus en plus souvent d'une résidence secondaire. Cela étant,
il s'agit souvent d'une «propriété pauvre» et vétusté. Le maintien à
domicile des personnes âgées passe donc obligatoirement par un
accroissement de ressources leur permettant d'améliorer le confort de leur logement
et de s'offrir les services rendus nécessaires par leur état physique. Leur
solvabilité récente, dont il a beaucoup été question, concerne
essentiellement les «nouveaux retraités» : en France, 1 367 000 personnes (soit 16%
du groupe d'âge concerné) ont encore des ressources telles qu'elles
perçoivent le «minimum vieillesse» (INSEE, 1989). Régime démographique
et crise de l'emploi se conjuguant, cette solvabilité aura probablement été
de courte durée. Tout ceci mène trop souvent, contre leur gré, les personnes
âgées en institution, pratique qui a été qualifiée de « lettre de cachet des
temps modernes» par R. Moulias.
Autrement dit, «beaucoup de sujets âgés ont acquis un patrimoine,
souvent modeste (leur logement, leur retraite capitalisation) ou parfois
important, une grande part des biens de la nation se trouve entre les mains de
sujets âgés. Le sujet âgé ne sait pas et n'est pas suffisamment incité à
utiliser ce patrimoine pour son propre confort, alors que la transmission
d'un patrimoine à des enfants eux-mêmes retraités ou proches de la retraite
représente une déviation de l'intérêt historique de la transmission du
patrimoine (49). Le sujet âgé survivant lors du veuvage pourra être
légalement dépouillé d'une partie des biens qu'il aura gagnés, s'il n'a pas pris
les dispositions qui l'éviteraient» (50).

(47) 98 % des plus de 60 ans et 87 % des parents aux petits-enfants, qui entrent dans
plus de 80 ans (Recensement général de la l'âge adulte. Au demeurant, une proportion
population, 1990). importante de personnes âgées n'a pas d'en-
(48) 65 % des plus de 60 ans, contre fants (cf. Cribier, 1988). Or, le désir de trans-
54,4 % pour l'ensemble des ménages fran- mettre à ses descendants ou la crainte de ne
çais, possèdent leur résidence principale (Re- pas le faire restent les premières raisons in-
censement général de la population, 1990). voquées contre le viager.
(49) Une pratique de plus en plus cou- (50) R. Moulias, introduction au colloque
rante consiste à faire sauter l'héritage d'une «Droits et libertés» (cf. Gérontologie et so-
génération : les parents transmettent immé- ciété ).
diatement par donation l'héritage des grands-

243
Revue française de sociologie

Le problème, tel que nous venons d'en proposer une formulation, nous
paraît bien posé en ce qu'il l'est à partir des ressources propres de la
personne âgée. En effet, d'une part, les travaux sur les échanges intra-
familiaux (51) montrent que, si les flux existent aussi bien dans le sens
ascendant que descendant, la nature de ces flux est différente : des parents
vers les enfants circulent aide financière et services, des enfants vers les
parents services et soutien affectif. D'autre part, il faut savoir (Thévenet,
1989) que l'aide sociale en France est subsidiaire par rapport à l'aide de
la famille (52) et surtout qu'elle a un caractère d'avance, c'est-à-dire
qu'elle est récupérable au décès du bénéficiaire ; ce qui implique une prise
d'hypothèque légale sur les biens immobiliers des personnes âgées et
même, dans certains cas, la mise en tutelle ou en curatelle de la personne
âgée avec vente de ses biens. Autrement dit, la pratique des échanges
familiaux, d'une part, et la loi, d'autre part, imposent aux personnes âgées
d'être autonomes financièrement. A ce titre, le viager peut retenir
l'attention des pouvoirs publics et concourir à la mise en place de mesures
destinées aux personnes âgées. S'appuyant sur un mécanisme institué et sur
un parc immobilier qui, même modeste, existe, le viager peut ainsi
constituer une réponse spécifique à des besoins spécifiques en évitant le recours
au logement dit adapté.

*
* *

Nous avons vu, tout au long de ce travail, le viager fonctionner comme


une occasion de ruptures. Rupture avec un certain usage de la
propriété (53); rupture avec la «dictature de l'héritage» (plutôt que de
transmettre on préférera « hériter de soi-même ») ; rupture avec des courants de
solidarités inter-générationnelles et collectives; le tout s'ordonnant autour
de la conception du patrimoine. En effet, il est apparu que la ligne de
partage dans les représentations sur le viager ne se construisait pas tant
sur l'existence ou l'inexistence d'enfants que sur deux conceptions du
patrimoine : on le sacralise ou on l'instrumentalise («Le viager, c'est de la
bonne gestion»). La question de la transmission en serait le corollaire.
Nous avons entendu des discours très contrastés et ce ne sont pas les
positions institutionnelles de nos interlocuteurs qui peuvent rendre compte
de la divergence des points de vue. Le viager s'est donc avéré, comme
nous l'espérions, une bonne surface de projection. On y voit fonctionner

(51) Cf. notamment ceux d'Agnès Pitrou. (53) Faut-il rappeler que le démembre-
(52) Cette aide dénommée «obligation ment du droit de Propriété, exceptionnel au-
alimentaire » est instituée par le Code civil Jourd'hui, était devenu la règle sous l'Ancien
(art. 205 sq.). Est considéré comme aliment Ré8ime et 4u>l1 n У avait Pres4ue aucune P»-
tout ce qui est nécessaire à la vie et pas seu- tie du so1 4ui ne fût possédée en vertu de
lement la nourriture. baux perpétuels ou de longue durée.

244
Férial Drosso

des doublets emboîtés: propriété/jouissance; «dictature balzacienne de


l'héritage »/« biens socio-dégradables » (Gotman, 1988, p. 75);
transmission de biens matériels/transmission de biens culturels ; conception
archaïque/conception moderne de la vente. De ce dernier doublet, voici ce
qu'écrit J. Carbonnier (1983, p. 272) : «On résumerait la conception
archaïque en disant que la vente y est un événement, qu'elle y est difficile,
solennelle, importante. Sur le vendeur qui veut vendre s'exerce la double
pesanteur du milieu social et de son propre moi qui le lie à la chose et
la chose à lui-même. La complexité de la vente y reflète la complexité
de la propriété (...) Au contraire, on traduirait assez bien la conception
moderne en disant que la vente y est une affaire courante, et que le droit
s'emploie à en préserver la fluidité (...) Point de lien personnel de lui à
la chose : un simple rapport contingent et temporaire et d'utilité».

Férial DROSSO
IUP, Université Paris-Val de Marne
Avenue du Général de Gaulle, 94010 Créteil Cedex

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