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La fonction contenante

Les troubles de l'enveloppe psychique et la fonction contenante du


thérapeute.
Françoise Decoopman
Dans Gestalt 2010/1 (n° 37), pages 140 à 153
Éditions Société française de Gestalt
ISSN 1154-5232
DOI 10.3917/gest.037.0140
© Société française de Gestalt | Téléchargé le 10/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.149.40.62)

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La fonction
contenante
Les troubles de l’enveloppe psychique
et la fonction contenante du thérapeute.

Françoise DECOOPMAN Psychologue clinicienne.


DESS de psychopathologie
et clinique. Maîtrise
de psychologie sociale
et organisation du travail.

L
Exerce dans un Centre d’Action
e travail avec les jeunes enfants souffrant de troubles graves, Médico-Sociale précoce depuis
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troubles caractériels, autisme, carences sociales ou éduca- trente ans.
tives graves, m’a fait réfléchir sur le fonctionnement précoce du Membre titulaire de la SFG.
Membre de la Commission,
jeune enfant. Certains troubles peuvent nous laisser dépourvus et Gestalt-enfants/adolescents
parmi ceux-là, j’évoquerai les troubles de l’enveloppe psychique de la SFG.
qui sont autant de failles de la fonction contenante. Cette fonc-
tion nous la possédons tous de façon plus ou moins développée
mais il arrive que des incidents souvent précoces la fragilisent
et il est alors nécessaire de la restaurer. Après avoir illustré de
quelques exemples cliniques je définirai grâce à l’apport de
quelques auteurs, ce que nous pouvons entendre par enveloppe
psychique, puis je poserai quelques repères psychopathologiques.
En utilisant l’éclairage de Régine Prat dans son travail avec les
jeunes mères carencées, je préciserai la position du thérapeute
qui peut, à son insu, être piégé dans les mêmes mécanismes
mais peut tenter de les réduire, au bénéfice de son client. La
théorie gestaltiste ne propose pas de théorie du développement
mais bon nombre de clients qui frappent à nos portes sont por-
teurs de stigmates se référant à des mécanismes archaïques,
comment mieux les comprendre pour mieux les aider ? J’ai cher-
ché un complément d’information dans la théorie analytique. Il
me semble que cet éclairage théorique laisse toute possibilité

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au thérapeute de l’utiliser ensuite comme il le souhaite dans la


rencontre relationnelle immédiate, lorsqu’il œuvre avec son client
à ce que quelque chose puisse émerger à la Frontière-Contact.

Quelques exemples cliniques.


Brad a quatre ans. C’est un enfant imprévisible. Il peut être
calme et tranquille puis aussitôt se mettre à hurler, taper… ou se
sauver. Dans sa façon de marcher et d’évoluer il ne se dirige pas
vers un objectif, mais il occupe l’espace, il s’entoure de beaucoup
d’objets. Il ne peut poursuivre une activité. Il sort un jeu mais
à peine l’a-t-il à sa disposition qu’il en prend un autre auquel il
réserve le même sort. Il ne pose pas, il cogne ou jette, les objets
sont posés en déséquilibre et tombent ; ou, à l’inverse, il accroche
ensemble des files de voitures. Il prend les bonhommes, il les lie
bien serrés. Il n’accepte aucune contrainte et s’y oppose systé-
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matiquement. Si ses projets échouent, c’est de la faute d’un autre,
il semble être toujours attaqué. Il sera tout de même possible de
mobiliser davantage son attention et son écoute simplement en
posant la main dans son dos. Nous verrons plus loin comment il
est possible de comprendre ce qui se passe alors.

Ces troubles de la fonction contenante ne sont pas toujours


aussi spectaculaires ou violents.
Quentin a cinq ans. Il s’exprime d’une petite voix fluette presque
inaudible. A chaque rencontre, il me demandait : « tu joues avec
moi ? » Cette réflexion me surprenait dans la mesure où j’étais
là disponible me semblait-il, mais un doute subsistait pour lui.
Quentin est le troisième d’une fratrie de quatre enfants. Sa mère
souffre depuis bien des années de dépression et troubles de l’hu-
meur avec tendances suicidaires. Ses troubles sont à l’origine de
bien des « absences » dans l’encadrement de ses enfants que
l’instabilité du couple parental n’a pas pu compenser. Quentin fait
depuis longtemps l’expérience de discontinuité et il est sûrement
plus sensible que d’autres aux variations de mon attention au
cours de la séance. Ces failles d’attention sont autant de failles
de contenance.

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Françoise Decoopman

Les troubles de la contenance ne sont pas propres à l’enfance.


Ce sont des troubles très précoces qui perdurent tant qu’ils n’ont
pas été résolus. On peut les retrouver à tout âge.

Dolorès a quarante-huit ans, elle est enseignante. C’est une


professionnelle appréciée mais elle doute beaucoup d’elle-même
et déplore ses multiples oublis de ce qui constitue pourtant son
propre quotidien. C’est à ce propos qu’elle dit : « Quand je suis
toute seule, je me perds, je ne vais plus me retrouver. Il faudrait
toujours quelqu’un à côté de moi pour me rattraper, je suis per-
due ». Elle échappe et s’échappe aussi beaucoup à travers des
digressions, de l’ironie ou des rires qui côtoient les pleurs. L’ex-
pression des émotions est labile et les variations sont très sur-
prenantes. Dolorès le ressent et en rit. Elle exprime très bien son
besoin de quelqu’un proche d’elle de façon permanente, quelqu’un
qui la tienne tout le temps. Ce qu’elle peut dire avec des mots et
que les enfants mettent en action, c’est son besoin de contenant.
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Voyons ce que la théorie nous dit de cette fonction de conte-
nance ou d’enveloppe psychique.

Concept et définition
Les premières inscriptions
Pendant la vie utérine, la position de repli fœtal, le dos collé à
la face interne de l’utérus, va constituer autour et au long de la
colonne vertébrale une surface de contact et de soutènement. Au
moment de la naissance, l’enfant passe brusquement du milieu
liquide au milieu aérien, les sensations changent et la pesanteur
s’impose désormais. Physiologiquement et psychiquement, c’est
à un véritable cataclysme que le bébé est exposé. Pour survivre,
il doit être porté et enveloppé. Du fait de la néoténie de l’enfant,
la fonction maternelle va comporter une grande part de contact
porteur et enveloppant indispensable.
La seule peau contenante et limitante ne suffit pas, la dimension
relationnelle est indispensable. La fonction de contenir le bébé va
donc lui permettre de lier la surface de contact – sa peau – à la
sensation de sécurité et créera la base de la future fonction conte-

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La fonction contenante

nante intégrée à son moi. C’est la possibilité pour le bébé d’inté-


rioriser le fait d’être tenu par sa mère dans un véritable échange
de regards, de sons, d’odeurs… qui lui permettra un jour d’être
autonome, indépendant, en sécurité. Perls dit : « la sécurité, c’est
la confiance en un soutien ferme, confiance qui proviendrait de
l’expérience précédente qui a été assimilée et du développement
qui a été accompli sans situations inachevées… l’individu en
sécurité ne le sait jamais, mais sent toujours qu’il peut la risquer
et qu’il saura répondre ».
D. Anzieu a développé le concept de Moi-Peau et d’enveloppe
psychique. Mais d’autres auteurs ont abordé la fonction conte-
nante sous différentes appellations.

La notion de fonction contenante


La fonction contenante est donc une fonction maternelle précoce
nécessaire au bon développement de l’enfant. Elle évoque l’idée
de support, de soutien, de contrôle, de matrice. Elle est indispen-
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sable au bébé pour qu’il puisse faire l’expérience de lui-même
comme d’un tout unifié et cohérent. Esther Bick parle de « peau
psychique ». Dans leur forme la plus primitive, les parties de la
personnalité sont ressenties comme n’ayant entre elles aucune
force liante et doivent par conséquent être maintenues ensemble.
Cette fonction interne de contenir les parties du self dépend ini-
tialement de l’introjection d’un objet externe, éprouvé comme
capable de remplir cette fonction. Bion insiste sur les fonctions
de liaison et de délimitation de l’objet externe au début de l’exis-
tence. Il définit ce qu’il appelle une relation « contenant/contenu ».
L’enfant projette dans le psychisme de sa mère des éléments
d’origine sensorielle les « éléments ß », ce sont des ­éléments non
pensables, incapables de se lier entre eux. Ces éléments sont
traités dans le psychisme de la mère, par « sa capacité de rêve-
rie », de sorte qu’ils deviennent pensables, prennent sens et se
lient entre eux pour former ce que Bion appelle une « barrière de
contact ». La transformation des éléments ß par ce contenant ex-
terne est un préalable pour que l’enfant puisse introjecter dans son
espace psychique des éléments pensables. Ce processus de for-
mation passe nécessairement par le truchement d’un objet ­externe
contenant. Bion nous en montre le rôle dynamique de « peau

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Françoise Decoopman

mentale », c’est-à-dire une fonction d’organisation des éléments


du psychisme.Tant que les fonctions contenantes n’ont pas été
introjectées, l’expérience, la certitude d’un espace à l’intérieur du
self, ne peut apparaître. L’introjection, c’est-à-dire la construction
d’un objet dans un espace intérieur, est par conséquent perturbée.
En son absence, le fonctionnement en identification projective va
nécessairement continuer sans relâche et toutes les confusions
d’identité qui en découlent se manifesteront. 
Winnicott décrit la fonction de « holding ». Le terme de maintien
est utilisé pour dénoter que l’on porte physiquement l’enfant, mais
il désigne aussi tout ce que l’environnement fournit. Winnicott fait
dépendre l’intégration du Moi de cette fonction de holding. L’inté-
gration est étroitement liée à la fonction de maintien exercée par
l’environnement. Une intégration réussie est l’unité.
Tous ces auteurs montrent combien l’expérience première est
fondée sur un vécu corporel en relation avec un  environnement
« suffisamment bon ». Ce vécu est le support de l’expérience men-
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tale et son intégration est nécessaire pour une bonne évolution
psychique. C’est aussi en ce sens que D. Anzieu développe son
concept de Moi-Peau puis d’enveloppe psychique.

Le concept de Moi-Peau et d’enveloppe psychique


Ce modèle fait le lien entre la construction de l’appareil psy-
chique et l’expérience du corps. Il permet de comprendre certains
états dépressifs, mais aussi de perte de cohérence du fonction-
nement psychique des états chaotiques.
Le Moi-Peau, correspond à une expérience corporelle et tactile
fondamentale : tout comme la peau limite, protège et contient le
corps, le Moi-Peau est un espace fermé par une limite assimilable
à une peau psychique différenciant deux espaces séparés, l’inté-
rieur et l’extérieur,de l’espace psychique.

L’enveloppe psychique peut être assimilée métaphori­quement


à une membrane qui, dans une première fonction, différencie
les domaines du dedans et du dehors tout en permettant des
échanges entre ces espaces. L’enveloppe psychique devient le
support, le lieu de passage entre différents phénomènes, elle per-
met de filtrer puis de différencier monde interne et monde externe.

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La fonction contenante

La limite n’est pas matériellement existante comme la peau. Elle


apparaît à travers l’utilisation d’objets frontières support de pro-
jections, qui ont un pouvoir organisateur sur l’appareil psychique.
Winnicott en fournit un exemple avec l’objet transitionnel qui n’est
ni dedans, ni dehors, donné par la mère et créé par l’enfant,
support de la projection mais résistant à celle-ci. Il décrit bien un
phénomène d’interface.
L’enveloppe psychique est une notion proche de celle de Fron-
tière-Contact telle qu’elle est décrite par Perls : « La Frontière-
Contact où se situe l’expérience ne sépare pas l’organisme
de son environnement… ; au contraire, elle limite l’organisme,
le contient et le protège, et en même temps touche l’environ­
nement ». Mais Perls définit la Frontière-Contact comme « un
­processus », « une expérience », alors que l’enveloppe psychique
serait une structure.

Que se passe-t-il quand cette limite se rigidifie, ou lorsqu’elle


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se déchire ? On ne peut fonctionner sans limites et ces ruptures
peuvent avoir des conséquences pathologiques graves.
Du point de vue de la cohérence du sujet, toute atteinte de
l’enveloppe risque d’entraîner une confusion entre le monde in-
terne et le monde externe mais aussi entre le monde psychique
et le monde réel. Le sujet peut avoir l’impression de se vider pro-
gressivement ou brutalement et ne plus avoir de représentations.
Inversement le monde externe peut déferler et envahir l’appareil
psychique : dedans et dehors, objets et contenus psychiques de-
viennent équivalents. Une disparition des limites occasionne un
état de chaos. Le sujet vit dans un monde sans signification, il
éprouve une souffrance psychique souvent insupportable.
Le modèle de l’enveloppe psychique permet de décrire des
états instables et des transformations que l’on trouve dans des
moments de crise dans lesquelles le sujet se sent menacé de
perdre son identité, de se sentir inexistant, anéanti.

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Françoise Decoopman

Pathologies de l’enveloppe psychique


Souffrir d’un trouble de contenance, c’est perdre les limites du
Soi, perdre la cohérence des morceaux qui le constituent, perdre
le sentiment d’identité et d’unité. L’enjeu pour le patient est une
lutte pour la survie psychique. Le trouble se vit à travers des
affects archaïques qui peuvent être violents, tels que la détresse
de l’abandon et la rage destructrice, le démantèlement, l’angoisse
d’explosion ou d’anéantissement… tous ces affects sont tellement
insupportables qu’ils ne peuvent être conservés à l’intérieur du
psychisme. Ils ne peuvent qu’être rejetés.
Les troubles de la contenance ne sont pas propres à l’enfance,
mais ce sont des troubles très précoces, des situations inache-
vées, qui perdurent tant qu’ils n’ont pas été résolus. Ils peuvent
être antérieurs à l’acquisition du langage, leur poids d’imprégna-
tion sur le fonctionnement psychique est considérable. On les
retrouve chez des personnes présentant des troubles caractériels
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divers, des pathologies à expression sociale, des personnalités
carencées…
Dans la thérapie, ce n’est pas l’aspect diagnostic qui est le plus
pertinent mais les mécanismes de fonctionnement psychique. On
les retrouve en particulier chez les patients les plus fragiles et plus
sensibles aux « lâchages » du thérapeute.

Aspects cliniques
L’instabilité est au premier plan du tableau clinique, avec l’im-
possibilité de contenir les émotions. Elles sont vécues comme des
désorganisations menaçantes et sont immédiatement évacuées
dans des actes le plus souvent agressifs, des somatisations, des
désorganisations sociales…
Dans le fonctionnement psychique interne, on retrouve le même
fonctionnement dans l’incapacité à tenir des liens, de conser-
ver ou de transformer à l’intérieur de son propre psychisme. Le
mécanisme de base est l’expulsion. A l’inverse, toute expérience
de proximité est ressentie comme une attaque éminemment dan-
gereuse, risquant de faire intrusion. Selon un mécanisme complé-
mentaire, l’autre n’existe que comme support des projections, le
plus souvent négatives dont il faut s’assurer la maîtrise.

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La fonction contenante

L’attente inconsciente est de reconstruire une relation conte-


nante. Ce qui est désiré, c’est le modèle de la relation mère-bébé
comme prototypique de la relation contenante, comme un bébé
cherchant désespérément à être tenu dans les bras.

Quels sont leurs symptômes, leur expression ?


Ces troubles sont souvent agis à travers des passages à l’acte
(fuite, colère,…), des somatisations (problèmes de peau, énu-
résie…), des oublis. Bien souvent les mots sont absents, ce qui
donne une impression de vide. Dans la vie quotidienne, la régu-
larité et la stabilité seront des éléments essentiels de sécurité.
Ces personnes présentent une sensibilité particulière à tous les
changements de cadre, lieux ou horaires, absences aux périodes
de congés…
L’expression concerne les contenants plus que les contenus.
Elle utilise des termes spatiaux, de contenants ou encore de fuite.
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Lucas est actuellement placé chez une nourrice après avoir
vécu des scènes de violence et d’abandon dans sa famille d’ori-
gine. Il est instable, il court toujours, il se sauve. Il parle fort d’une
voix perçante, ou encore, il vient brutalement planter un objet
dans l’oreille ou sur la main ou tout autre endroit du corps. Il est
obnubilé par les trous des objets. Il les signale systématiquement,
il passe son doigt derrière et me demande de l’attraper. Va-t-il ou
non passer à travers ? Risque-t-il de s’échapper ? Pourrais-je le
retenir ? Tout comme il n’a pas été retenu et contenu tout petit,
Lucas tente au cours des séances de s’échapper mais aussi il
vérifie que je suis bien là pour le retenir et retenir tout ce qui risque
de lui échapper. Pour l’instant c’est ma confiance en cette capa-
cité de contenance qui le rassure et permet qu’elle se construise
progressivement en lui.
Nous avons mentionné que les troubles de la contenance se
mettent en place très tôt. Ils sont particulièrement observables
dans les situations de carence grave de la mère. C’est à ce travail
que s’est attachée Régine Prat et sa description nous aidera à
comprendre l’évolution de la fonction contenante chez la mère
mais aussi chez le thérapeute.

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Françoise Decoopman

Pathologies de la relation
précoce mère-bébé

La fonction maternelle contenante se construit de façon naturelle


le plus souvent, mais pour les mères gravement carencées, l’arri-
vée du bébé peut être traumatisante. Il peut se produire un renver-
sement de la fonction de contenance. Le bébé est attendu comme
celui qui doit prendre soin de la mère, la vision de dépendance est
effacée pour être remplacée par la vision d’un bébé persécuteur.
L’impact désorganisateur sur le psychisme de la mère est lourd
de conséquences pour le bébé. Régine Prat qui a travaillé dans
un service accueillant les jeunes mères en difficulté décrit ainsi
l’évolution vers la constitution d’un contenant psychique.

Schéma descriptif de Régine Prat


Chez ces mères gravement carencées, la mise en place d’une
fonction maternelle contenante suppose l’élaboration du premier
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traumatisme lié à la confrontation à l’extrême dépendance du
bébé après l’expulsion du contenant utérin. Elle schématise ainsi
les modifications de la position maternelle

(1) (2) (3) (4)

(1) englobante. In utero.


(2) objet de dépendance, plus que de tenir, il s’agit de retenir,
dans le sens d’empêcher de tomber.
(3) support constituant un appui par en dessous dans tenue-
support plus solide.
(4) contenante avec toutes les variations possibles : d’un conte-
nant plus ou moins solide, à la symbiose pathologique.

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149
La fonction contenante

Ce que nous pouvons en retenir


Reprenons chacune de ces étapes et voyons à quelle expé-
rience cela correspond pour la mère et le bébé. Nous pourrons y
retrouver certains besoins archaïques exprimés par les enfants
ou les clients adultes concernés par ces problématiques.
(1) A cette étape, le bébé est entièrement contenu, soutenu,
enveloppé sans discontinuité. Par sa position le fœtus est soumis
à la pression de la paroi utérine le long de la colonne vertébrale
à la fois contact et soutien, ce qui sera différent en (2) où il entre
dans le monde de la pesanteur.
(2) c’est le bébé qui est suspendu, dont la vie est suspendue
à un fil qui le rattache à sa mère. Il n’est plus contenu in utero,
mais suspendu à un cordon ombilical psychique, il est maintenant
soumis à la pesanteur et cette situation est obligatoirement vécue
comme précaire : il est lâché sans appui, tombé de la mère et
retenu à elle par un fil. Il n’est plus contenu, il éprouve un risque
de morcellement. Il a alors un besoin urgent d’être tenu dans les
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bras, de sentir cette limite qui l’empêche de tomber, d’éclater.
Quand cette expérience ne peut être vécue, c’est une situation
très périlleuse qui se présente pour le bébé.
Pour la mère, les vécus d’angoisse renvoient à cette impression
de précarité : crainte de laisser tomber le bébé, de l’oublier, de le
laisser tomber hors de son esprit, de sa mémoire. Les représen-
tations globales sous formes de phobies d’impulsion ont souvent
un sens de jeter (par la fenêtre, à la poubelle, abandonner).
Pour le bébé, cela correspond à l’angoisse d’être abandonné,
à l’angoisse de chute, à l’angoisse de morcellement.
Chez le client, on retrouve les rêves ou fantasmes d’abandon,
de chute sans fin, de trou qui aspire, d’éclatement.
(3) Plus que de tenir, il s’agit de retenir, dans le sens d’empê-
cher de tomber. La mère se représente elle-même comme plus
solide, en même temps qu’elle ressent son bébé comme plus
solide aussi, notamment en tenant mieux son dos, sa tête. Pour
le bébé, le vécu est celui d’un manque de colonne vertébrale :
impression de ne pas pouvoir tenir debout et recherche d’appui.
Le client dit ne pas sentir son dos, il ne sait pas se tenir droit. Il
ressent le besoin d’un appui dorsal. Brad dont nous avons parlé
plus haut se calme quand je pose la main sur son dos.

150 Revue Gestalt - N° 37 - Juin 2010


Françoise Decoopman

(4) C’est là, le déploiement d’une véritable capacité contenante,


il s’agira de tenir ensemble dans une idée d’envelopper et d’englo-
ber. La tenue évoque quelque chose de la posture. Dans un sens
plus actif, c’est l’idée de prendre ensemble, de comprendre, de
donner du sens, de la signification et de la cohérence à un vécu
encore trop dispersé autant sur le plan corporel que psychique.

Fonction contenante du thérapeute


Confronté à cette problématique de la contenance, le psycho-
thérapeute Gestaltiste est riche de son approche relationnelle
dans le moment présent. Il accepte d’être concerné par ce qui
se passe dans la relation. Plus que jamais, il est sollicité. Son
implication et sa présence seront soumises à rude épreuve. Le
moment présent de la relation est bien le cœur du travail, et là le
Gestaltiste trouve bien sa place.
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Nous avons proposé un double éclairage avec d’une part la
notion d’enveloppe psychique et d’autre part l’évolution de la pa-
thologie de la contenance décrit par Régine Prat. Cet éclairage
croisé pourra nous aider à mieux cerner la fonction contenante
du thérapeute. La fonction contenante du thérapeute permet que
soient abandonnés les phénomènes d’identification projective
massive, que soit modulée la souffrance psychique.
Le thérapeute assailli par les attaques de son client risque d’être
contaminé par les mêmes processus qu’il cherchera à expulser
s’il n’y prend pas garde.

Risque de contagion psychique


Nous avons vu plus haut que face aux désorganisations mena-
çantes, les mécanismes mis en place sont l’instabilité, l’incapacité
à tenir des liens et l’expulsion. Face à ces mécanismes archaïques
extrêmement puissants, le thérapeute sera lui aussi soumis à rude
épreuve. Le risque pour lui est celui de la contagion psychique. Lui
aussi aura envie de lâcher et d’expulser. Cela se présente sous
des formes diverses : arrêter (ou souhaiter l’arrêt de) la thérapie,
oublier des éléments plus ou moins importants, être distrait, s’en-
dormir ou avoir envie de dormir, de sortir…

Revue Gestalt - N° 37 - Thérapie de couples


151
La fonction contenante

Prendre conscience de ces mécanismes est la première étape


pour les éviter et les dépasser. D’autres qualités lui seront aussi
nécessaires.

Qualités du thérapeute
Plus que jamais les qualités premières du thérapeute seront :
l la solidité et la constance, pour ne pas expulser ou laisser
tomber, pour « supporter » tout ce qui sera déposé en lui. Il doit
avoir développé une disposition interne à se laisser saisir et uti-
liser, sans perdre pour autant son identité. Cela suppose qu’il
se trouve en lui-même suffisamment contenu dans son propre
fonctionnement psychique.
l l’ajustement. Ce qui importe c’est le travail au niveau du conte-
nant plus que du contenu. C’est donc le cadre qui est ici visé. Le
cadre dans sa régularité, sa continuité doit assurer suffisamment
de stabilité pour devenir un repère acceptable.
l une attention bienveillante malgré les attaques répétées. Cela
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ne peut s’expérimenter que dans la durée – durée de la séance
et durée de la thérapie –. Le temps est un facteur incontournable.
C’est ce qui donne de l’épaisseur à l’enveloppe contenante.
l une disponibilité interne du thérapeute. Que cette dispo-
nibilité soit nécessaire à toute thérapie est tout à fait vrai. Mais il
importe de noter qu’ici elle est mise à mal par le client qui a besoin
inconsciemment de « tester » la présence, la constance du théra-
peute. Il a besoin aussi de s’assurer qu’il est accueilli et accepté
tel qu’il est en particulier dans ses zones les plus sombres ; c’est
ce qui lui a le plus manqué. C’est le signe de l’engagement du
thérapeute.

Différentes étapes de la prise en charge


La première étape est de repérer le manque et de reconnaître
la forme particulière sous laquelle le trouble s’est constitué, quelle
situation inachevée continue à se reproduire. Le trouble peut
­apparaître dans toute pathologie, bien qu’elle soit plus fréquente
dans les pathologies limites ou narcissiques.
En cours de thérapie, le thérapeute peut provisoirement être
support pour son client jusqu’à ce que ses fonctions défaillantes
soient rétablies. L’implication personnelle du thérapeute est

152 Revue Gestalt - N° 37 - Juin 2010


Françoise Decoopman

s­ ollicitée par le patient et elle est nécessaire à la bonne marche


du travail.
Bien souvent, il s’agira de permettre de vivre enfin les expériences
structurantes que le patient n’a pas faites dans la petite ­enfance.
On pourra retenir : l’expérimentation de l’aire ­transitionnelle, la
solitude en présence de quelqu’un, l’accession à un parler vrai,
l’effort pour se mettre sur la même longueur d’ondes…
Enfin, il importe de créer un enveloppement par la mise en
œuvre d’expériences, l’utilisation de mots ou de métaphores sus-
ceptibles d’être introjectées. Ce qui permet de rétablir une conti-
nuité du lien dans la pensée pour pallier la discontinuité du lien
dans le temps et d’introjecter des capacités contenantes.
« En psychothérapie, nous cherchons comment des situations
inachevées peuvent faire pression dans la situation présente.
Par l’expérimentation au présent de nouvelles attitudes et d’un
nouveau matériel tiré de l’expérience de la réalité du quotidien,
nous tendons en conscience vers une meilleure intégration… Le
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transfert est perlaboré de manière différente en tant qu’aventure
présente ». (Perls).

Bibliographie
ANZIEU D. (Paris 1985) : Le Moi-Peau, Dunod, Paris, 1995 - (Paris 1987),
Les enveloppes psychiques, Dunod, Paris, 2003.
DELISLE G. : La relation d’objet en Gestalt-thérapie, les éditions du
reflet, Ottawa, 1998.
GINGER S. (Paris 1987) : La Gestalt. Une thérapie de contact, Hommes
et Groupes éditeurs, Paris, 1994.
PERLS F., HEFFERLINE R. et GOODMAN P. (Montréal 1951) : Gestalt-
thérapie, L’exprimerie, IFGT, Bordeaux, 2001.
PRAT R. : Entre « patate chaude » et « au feu les pompiers », in L’observation
du bébé selon Esther Bick, Érès, 2004.

Revue Gestalt - N° 37 - Thérapie de couples


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c’est cette question de la durée qui l’accomplit. A. B.
L’énigme de la pensée de l’amour,
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