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Actes de la recherche en

sciences sociales

Une avant-garde sans avancée


Les "Arts incohérents", 1882-1889
Monsieur Daniel Grojnowski

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Grojnowski Daniel. Une avant-garde sans avancée. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 40, novembre 1981.
Sociologie de l’œil. pp. 73-86;

doi : https://doi.org/10.3406/arss.1981.2134

https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1981_num_40_1_2134

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Abstract
A Forgotten Avant-garde : the «Incoherent Arts» (1882-1889).
Art historians fail to mention the existence of the «Incoherents», a group whose activities caused some
degree of scandal in the 1880s. This neglect (which is equivalent to censorship) raises the question of
the conditions in which a socially recognized aesthetic «movement» can emerge. Thirty years before
Dadaism, the Incoherents performed a certain number of decisive transgressions : desacralizing the
work of art, questioning the transparency of the image. These statements were made forcefully and
insistently but failed to find the public and the audience they needed in order to achieve consecration.

Zusammenfassung
Eine Vorhut ohne Vorfeld : Die «Art incohérents» (1882-1889).
Die Kunsthistoriker unterschlagen die Existenz der «Incohérents», obwohl deren Auftritte in den
achtziger Jahren des 19. Jahrhunderts einiges Aufsehen erregten. Ein solches Vergessen (das einer
Zensur gleichkommt) stellt die Frage nach den Entstehungsbedingungen einer gesellschaftlich
anerkannten künstlerischen «Bewegung». Etwa dreißig Jahre vor dem Dadaismus bereits wurden von
den Incohérents einige entscheidende Transgressionen vollzogen : so die Entsakralisierungdes
Kunstwerks, die Infragestellung der Transparenz des Bildes. Zwar mit viel Verve und Beharrlichkeit
vorgetragen, vermochten diese Thematisierungen dennoch nicht das zu ihrer Kanonisierung
notwendige Publikum und Auditorium zu finden.

Résumé
Une avant-garde sans avancée : les «Arts incohérents» (1882-1889).
Les historiens de l'art omettent de signaler l'existence des Incohérents dont les manifestations ont
pourtant connu quelque éclat dans le courant des années 1880. Un tel oubli (qui joue le rôle de
censure) pose le problème des conditions d'émergence d'un «mouvement» esthétique socialement
reconnu. Une trentaine d'années avant le Dadaïsme, les Incohérents ont accompli un certain nombre
de transgressions décisives : désacralisation de l'œuvre d'art, mise en question de la transparence de
l'image. Autant de propositions affirmées avec force et insistance, mais qui n'ont pas trouvé le public et
l'audience dont dépendait leur consécration.
daniel grojnowski

1SS2-1829

A. Maraudet,
Portrait
d'un
Catalogue
Comédie-Française,
l'Exposition
incohérents,
sociétaire
«sans»
de des
1884.
de
pied
Arts
la

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74 Daniel Grojnowski

A l'exception d'une note très documentée, publiée droite (Montmartre). Inutile de retracer les menées
dans XEncyclopédie des farces et attrapes et fractionnistes qui alimentent les échos
mystifications (1), due à François Caradec (2), le groupe journalistiques du temps. Il suffit de feuilleter les numéros
des Incohérents a disparu des mémoires. Il n'a laissé de L'Hydropathe et du Chat-Noir pour constater
nulle trace dans les ouvrages consacrés aux qu'un certain nombre de noms revient, qui fait
différentes tendances qui ont coexisté concurremment l'unité de ces aéropages instables : Emile Goudeau,
pendant les années 1880 : peintres officiels ou Alphonse Allais, Charles Cros, pour ceux qui
«pompiers», symbolistes, peintres de la modernité, s'adonnent à l'écriture, André Gill, Emile Cohl,
Impressionnistes, Indépendants. L'omission est Caran d'Ache, pour ceux qui se vouent également
significative qui, jouant le rôle de censure au dessin, ou encore l'inclassable Sapeck
idéologique, simplifie le panorama de l'Art moderne («l'illustre») qui, à force d'excentricités, est l'instigateur
naissant, au bénéfice d'une dramatisation sécurisante de sa propre légende. Autant d'individus dont on
opposant les nouvelles figurations aux anciennes. a dressé des listes complètes, souvent
Une marginalité d'artistes a donc été tenue contradictoires, et qu'on peut réunir sous le terme de
pour quantité négligeable - inclassable - par les «Fumistes».
historiens. Cette occultation d'un groupe dont les Les Fumistes de la fin du siècle dernier
manifestations insistantes dérangeaient la attendent encore l'historien qui veuille les prendre
perception de l'œuvre plastique, éclaire les conditions au sérieux. On peut les caractériser par un certain
d'acceptation ou de rejet des avant-gardes : promues nombre de traits qui font apparaître des options
au rang d'Ecoles ou de Mouvements pour peu communes. Ennemis du «bourgeois», comme il
qu'elles soient bienvenues, vouées aux oubliettes, se doit, ils appartiennent à cette fraction de la
quand leurs propositions sont jugées inopportunes bourgeoisie moyenne qui, pour se distinguer de la
parce qu'in assimilables. Aussi composite qu'il a pu médiocrité ou du mercantilisme imputés à la
être, le public de la fin du siècle dernier s'est classe au pouvoir, conteste les valeurs établies.
efforcé de préserver un certain nombre de critères Désargentés ou déconsidérés dans la plupart des cas,
qui lui permettaient de juger le savoir-faire de ils s'autorisent, pour manifester leur supériorité,
l'artiste et, par voie de conséquence, le bien-fondé toutes sortes de pratiques au deuxième ou au
de l'œuvre. troisième degré, le renversement systématique des
Les Incohérents ont défrayé la chronique des normes en matière de comportement, de jugement
années 1882-1889. Leur exemple illustre politique, moral, esthétique. Dans leurs meilleures
l'importance décisive de la réception, qui donne droit à réussites, les monologues de Charles Cros, les contes
l'existence culturelle d'une pratique, en lui et fables-express d'Alphonse Allais, et, par la suite,
permettant de passer de la réalité à la célébrité et de la farce selon Alfred Jarry, réduisent par l'absurde
l'insignifiance à la légitimité. Une trentaine d'années la raison à l'impuissance.
avant que n'éclatent les scandales provoqués par la Le Fumiste n'a de cesse qu'il ne provoque la
jeunesse de l'après-guerre, qui, vers 1920, a logique ordinaire, fausse les rouages qui permettent
transformé de manière sans doute irréversible notre le fonctionnement de la machine sociale. Par le
perception de l'œuvre, les Incohérents ont, pour une mimétisme, l'humour ou la mystification, il tourne
bonne part, inventé «dada» avant la lettre, sans en dérision les credos partagés. La suspicion
avoir trouvé (ni au demeurant recherché, ayant à généralisée qui résulte de son non-conformisme est
leur corps défendant intériorisé les normes du évidemment parente du radicalisme anarchiste qui,
public auquel ils s'adressaient) la reconnaissance à la même époque, subvertit la tiédeur du
qui aurait consacré leurs recherches. En somme, ils radicalisme politique. Le Fumisme et l'Anarchisme
ont formé une avant-garde sans avancée, une coïncident avec l'instauration d'une France républicaine,
provocation artistique sans prise qui, faute de s'être laïque, bourgeoise et modérée. Emile Goudeau
imposée, demeure un simple objet de curiosité. Ils définit le Fumisme comme une «folie intérieure»,
démontrent a contrario le caractère déterminant l'expression du «dédain de tout» (4). L'un de ses
des institutions pour qu'une production soit disciples proclame que «les arts seront fumistes ou
reconnue et transformée en œuvre d'art. ne seront pas» (5) : ce mode d'expression est
composé, selon lui, de bêtise et de scepticisme, l'un
dissimulant l'autre et l'exprimant à rebours. On est
en présence d'un mouvement qui participe aux
diverses forces de subversion, mais qui, propre aux
Fumistes et Incohérents intellectuels et aux artistes, se cantonne, sauf
exceptions, dans la mise en cause de l'ordre
Que savons-nous, au juste, des Incohérents, quelles
traces ont-ils laissées, à défaut d'œuvres conservées
dans les musées, les collections particulières ? Ils l-Paris, J.-J. Pauvert, 1964.
participent aux nombreux groupes de jeunes gens 2— Voir aussi, du même auteur, la présentation de l'Album
qui se forment dans le courant du siècle sous primo-avrilesque d'Alphonse Allais, Oeuvres posthumes, 2,
l'appellation générique de «bohème». Plus Paris, La Table ronde, 1966.
précisément, au cours des années 1880, à Paris, les 3— N. Richard, .4 l'Aube du Symbolisme, Paris, Nizet, 1961.
habitués des divers cabarets s'organisent en assemblées 4— E. Goudeau, Dix années de bohème, cité par N. Richard,
successivement dénommées Hydropathes, Hirsutes, op. cit., p. 16.
Zutistes, Jemenfou tistes (3). Ils finiront par 5— Fragerolle, Le Fumisme, L'Hydropathe, 12 mai 1880.
s'installer, à partir de 1882, au Chat-Noir, après avoir Cette formule, qui figure dans l'article, est citée en exergue,
émigré de la rive gauche (Saint-Michel) à la rive et est imputée à Emile Zola.
Une avant-garde sans avancée 75

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publiera tardivement, en 1928, une anthologie, Lévy,


se frotte les mains en
Les Hydropathes, où il s'efforce, dit-il, de rétablir gauche» (allusion au
la vérité contre les légendes accumulées (8). En numéro précédent du
1882, il a l'idée de présenter dans son domicile, groupe, le directeur J.
une chambre à l'entresol du 4 rue Antoine Dubois, succès du bal des
une exposition portant le nom d'« Arts incohérents», affaire qui procure plaisirs
Dans la France
où seraient conviés «des gens qui ne savent pas monde, y compris les
dessiner» (9). En termes grandiloquents, un article «race» juive,
du Chat-Noir déclare que la manifestation se pro- affectueuse ; mais la
France juive, essai
un pamphlet d'une
6— Dans le cours des années 1890, on a crié à l'issue de négociant d'instinct (...) Il n'a (...)
réunions publiques «Vive l'Anarchie ! Vive levers libre !» contre, il exploite, organise, fait produire à l'invention de
(H. de Paysac, F. Viélé- Griffin, poète symboliste et citoyen l'aryen créateur des bénéfices qu'il garde naturellement
:

américain, ch. 9, Paris, Nizet, 1976). pour lui».


Renan s'était depuis longtemps interrogé sur l'apport
7— N. Richard, op. cit., p. 37. Né en 1857, Jules Lévy est un des sémites à la civilisation, lors de sa leçon inaugurale au
polygraphe impénitent, auteur de nombreux recueils de Collège de France, le 21 février 1862 «Dans l'art et la
contes et de pièces en un acte dont l'une écrite en poésie, que leur devons-nous ? Rien dans l'art. Ces peuples
:

col aboration avec Georges Courteline (Le Commissaire est bon sont très peu artistes ; notre art vient tout entier de la Grèce»
enfant). Après un long silence, il publie une anthologie (voir aussi, du même auteur, Histoire du peuple d'Israël,
Les Hydropathes et un recueil d'histoires de bêtes (Loin des 1887 «La vocation d'Israël n'était ni la philosophie, ni la
:

hommes, 1930). Il a également été éditeur des Incohérents science, ni l'art (la musique excepté), ni l'industrie, ni le
:

vers 1886 : Histoire de Marlborough, illustrée par Caran commerce»).


d'Ache, L 'Alphabet des bons exemples, illustré par H. Gray. Juif et bouffon, le chef des Incohérents a été
8— J. Lévy, Les Hydropathes, proses et vers, Paris, Delpeuch, marginalisé par le public, ses disciples et lui-même. L'amateurisme
1928. Selon lui les Hydropathes furent au nombre de 235 et et l'affairisme qu'on lui a prêtés ont permis de le disqualifier :
non de 350, comme l'a affirmé Emile Goudeau. A l'appui de dans le meilleur des cas ses activités prêtent au sourire, au
ses dires, Jules Lévy établit des répertoires exhaustifs dans pire elles font naître le mépris. Pour les adeptes de l'art
sa présentation. «véritable», il a joué le rôle de repoussoir.
9— J. Lévy, L'Incohérence, son origine, son histoire, son
avenir, Le Courrier français , 12 mars 1885.
76 Daniel Grojnowski

L'Incohérent

On
De
Au
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Les

Sur

Pour

est à
Paris

pose de bousculer
dans le sillage de
nouvelles (10).
«cathédrale de
2 000 visiteurs. La
d'événement
dans l'article que
de Pierre Larousse
supplément (11) :
amusante que le
Impressionnistes. Au
extravagante»,
parodie de Puvis de
retiré dans le
les truffes» (12),
qui présente un
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Daniel Grojnowski

ci-dessous (des succès que le terme et la notion connaissent. Ils


font partie expriment un malaise croissant ressenti depuis que
mémorable et le Salon officiel a perdu son rôle de juge infaillible,
Lévy a et que le marché de l'art, plus récemment, spécule
Louvre
pas sans sur des nouveaux venus dont la scission avec la
; ça ne grande peinture et les sujets nobles apparaît
francs irrémédiablement consommée. Symptôme d'une
vulgaire, crise profonde, les Incohérents offrent l'avantage
coûté la vie à
pour de la résorber par le rire :
des Beaux-
de l'Eden» «Aimez-vous les Arts ? Oui, n'est-ce pas, c'est la mode
des aujourd'hui, mais on s'en lassera, car enfin, que font les
La Chronique artistes ? ils copient la nature, tout simplement. —N'est-ce
octobre 1886, pas de la folie de copier ce que l'on voit tous les jours ? Un
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page). savant étranger a dit 'L'Art est une névrose', et il a eu
raison : tous les arts sont incohérents, je vais vous le prouver»

:
sérail (13).
Félix Fénéon, dans une chronique de la Libre revue
(14) signale l'intérêt de ces œuvres «follement
hybrides» créées par «les calembours les plus
audacieux et les méthodes d'exécution les plus
imprévues». Une toile représente un Monsieur conversant
avec une Dame : de sa bouche sort un cordon qui
retient un lapin vivant en train de grignoter une
; une Léda est transpercée par une grue, une
est piquée par le «signe» en relief d'un grain
Ce compte rendu, qui ne cache pas ses
met toutefois en garde contre la facilité
plaisanteries empruntées aux recueils de bons
et le risque de redites encouru.
La troisième exposition s'est également tenue
Vivienne, en octobre 1884, au bénéfice des
d'instruction gratuite. Elle est accompagnée
publication d'un substantiel catalogue dont les
sont précédées d'une préface, d'une
complète des exposants, et suivies des
rétrospectifs» des années précédentes. Alphonse
qui avait présenté en 1883 une feuille de
absolument blanche intitulée «Première
de jeunes filles chlorotiques par un
de neige», récidive avec une «Récolte de
tomates, sur le bord de la mer Rouge par des
cardinaux apoplectiques (Effet d'aurore boréale)». Il
complétera cette série «monocroïdale» dans un
Album primo-avrilesque qui semble la seule
production incohérente reproduite en couleurs :
«Stupeur de jeunes recrues apercevant pour la
première fois ton azur, ô Méditerranée !», «Des
dans la force de l'âge et le ventre
Illustration non autorisée à la diffusion de l'absinthe», et ainsi de
gris et le noir (15).
les Incohérents exploitent le
parodie et du calembour visuel.
exposées on trouve : «Une
en hommage à Victor Hugo ;
: «Comment on prend son
dont le répondant s'intitule :

de G. Lanier et E. Matrat,
Michaud, 1883.
novembre 1883. Ce texte est reproduit
F. Fénéon, Paris, Gallimard, 1948, ainsi
plus que complètes , Paris-Genève, Droz,
figure dans le tome 2 des
Allais (op. cit.).
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«Comment on prend Son-Tay à la française» (16). Signalons toutefois qu'à l'occasion de


Et, parmi les nombreux exposants, les noms de l'Exposition universelle de 1889 (qui coïncide avec les
célébrités (N. Nair, marchand de cheveux (17)) ou cérémonies du Centenaire), Jules Lévy ne put résister
de fantaisie, comme Dada, chevalier à califourchon, à la tentation de ressusciter son défunt :437 œuvres
dont la notoriété devra attendre d'autres furent présentées au 42 bd. Bonne-Nouvelle et
lendemains... au 2 fg. Poissonnière. Parmi les participants, on
En mars 1885, pour vivifier une verve envoie relève les noms de Caran d'Ache, Emile Cohl, Jules
d'essoufflement, Jules Lévy organise un ensemble Lévy, Mac-Nab, Willette, Willy, Xandorf, et ceux
de manifestations sous l'égide de l'Incohérence (18). de six auteurs constitués en association anarchique,
Un numéro spécial du Courrier français (qui devient qui ont collaboré à un «Paysage collectiviste»
pour un temps l'organe officiel du groupe) représentant simultanément une marine de jour, de nuit,
comportant 60 dessins et gravures, trois pages de un ciel, un paysage, etc. Mais à de rares exceptions
musique et des textes divers, est intégralement consacré près, la manifestation sombre dans la redite, et, pis
aux manifestations prévues. Un bal costumé verra encore, dans une grivoiserie qui ne la distingue en
se côtoyer telle personnalité déguisée en artichaut rien des publications satiriques contemporaines :
avec telle autre transformée en colonne-affiche les fusées de l'Incohérence font désormais long feu !
revêtue de feuillets du Globe, du Chat noir, du
Pétard. Les festivités sont programmées heure par
heure : de l'accueil des invités par des gentlemen
habillés en ramasseurs de cigares jusqu'à la prise
d'assaut finale avec barricades et proclamation de
l'état de siège, en passant par la fuite Une stratégie de la subversion
d'académiciens en habits verts. Par cette extension des Les catalogues des expositions de 1884 et 1
activités, un monde à l'envers s'organise, qui légifère constituent les documents les plus suggestifs qui
aussi bien son menu («Pou laid rôti») que son permettent d'apprécier, au-delà de l'anecdote et
Ordre du mérite (avec diplôme et rosette expédiés des faux-semblants de la «vie parisienne», la
contre le versement de 1 0 francs par mandat postal). charge subversive des Incohérents. Considérées
Le Courrier français du 4 avril 1886 consacre a posteriori, leurs galéjades sont l'indice d'un
à nouveau un numéro spécial Incohérent à bouleversement majeur, l'un des vecteurs de notre
l'exposition qui a lieu à l'Eden-Théâtre, et qui donne modernité. L'humour leur a permis d'affronter
matière à un second catalogue préfacé par Jules des tabous incontournables : l'extrême pointe
Lévy : les 252 œuvres des 160 participants répètent des menées séditieuses était alors représentée par
sans vergogne les mêmes calembredaines. Faute de les œuvres des Indépendants (Seurat, Signac) qui
ressources internes et de réactions externes, le s'efforçaient de reformuler la figuration, sans
groupe est condamné au rabâchage qu'évoquait toutefois en discuter le bien-fondé. Or les
Félix Fénéon trois ans auparavant. Jules Lévy eut la Incohérents, dès leurs premières manifestations, se sont
sagesse de comprendre que l'institution devait se placés sur le terrain de la dissidence. Exploitant
saborder sous peine de devenir à son tour objet de la parodie et les mécanismes du langage, ils ont
dérision. Un bal aux Folies-Bergères célèbre des été conduits à l'ironie tous azimuths des ères de
funérailles qui sont illustrées par un dessin d'Uzès rupture. Pour la première fois, les productions
représentant «Lévy, Saint et Martyr, enterrant d'un groupe débouchaient sur une désagrégation,
l'Incohérence et renonçant à ses triomphes, malgré voire un déni de la représentation.
les supplications d'E. Goudeau et de ses amis» (19). Le sabordage des procédures d'imitation
Quelques mois plus tard, celui-ci prend acte de cette est le terme commun des œuvres présentées à sept
disparition avant d'en appeler à l'avenir qui reprises. Avec une rigueur indiscutable les tableaux
appartient... «à d'autres» (20). d'Alphonse Allais dénoncent la figuration comme
inutile, futile, engagée dans une impasse que les
variations de styles et d'écoles ne parviennent pas
16— Le Tonkin intéressait les banques et les sociétés minières à camoufler. D'une manière générale la satire porte
qui voulaient empêcher la Chine d'y affirmer sa
prépondérance : la prise de Son-Tay par les Français eut lieu en 1884. à la fois sur les types de sujets traités et sur la
manière de les mettre en scène le «Portrait d'un
17— Jean-Jacques Henner (1829-1905), grand prix de Rome sociétaire de la Comédie-Française» (21) reproduit
:

en 1858, est l'un des peintres officiels les plus en vogue et les
plus riches de la fin du 19ème siècle membre de l'Institut en très gros plan un col cassé, une cravate-lavallière,
et grand officier de la Légion d'Honneur, il a été en quelque un gilet et un col de veste orné d'une décoration en
:

sorte le spécialiste des nymphes peintes en camaïeu dans grandeur naturelle : personnage sans âge et sans
le clair-obscur d'un cadre bucolique. Après sa mort, son hôtel visage que sa fonction résume. Un «Essai de
particulier a été transformé en musée (43, rue de Villiers, peinture mouvementiste» représente la semelle cloutée
Paris 7ème).
d'un modèle (il s'agit d'un agent de change) saisi
18— En 1884 une promenade-dîner avait été organisée à sur le vif au moment où il prend la fuite (22). Dans
Clamart. Philippe Robert-Jones a publié une photo de groupe
commémorant l'événement, dans La Gazette des Beaux-Arts
(voir la note 35). C'est le seul document photographique
que nous connaissions, qui représente des Incohérents. On 20— E. Goudeau, L'Incohérence, Revue illustrée, 15 mars
y voit Jules Lévy qui porte un cor de chasse en collier. 1887.
19— Le Courrier français, 20 mars 1887. Le directeur de ce 21 -Catalogue de 1884.
magazine, J. Roques, écrit p. 3 «Lévy pousse l'incohérence 27—Ibid. Le krach de l'Union générale avait eu lieu en 1882.
jusqu'à renoncer aux bénéfices de sa charge et décide que On entre alors dans une période de stagnation et de graves
:

l'incohérence n'existera plus». difficultés économiques.


80 Daniel Grojnowski

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l'image, Vénus de Milo, Catalogue de


entretiennent des relations perverties afin de l'Exposition des Arts incohérents, 1886.
troubler à jamais la transparence du simulacre. Le
«Porc trait par Van Dyck» (23) inverse les
composantes narcissiques de l'autoportrait d'artiste ici sur cette scène inscrite dans un paysage
le peintre est vu de dos, au travail, la palette posée emprunte la forme d'un châssis ajouré.
:

près de la truie dont il presse les pis, de sorte qu'on Les aléas du langage perturbent la
ne sait dire si le portrait du porc trait relève de l'art du visible en l'affectant d'un redoutable
ou du cochon. De la même manière «Saint Doux» d'incertitude. Le calembour, outre qu'il dévoie
ou «Le Repassage de la mer rouge» (24) sujet traité par l'intrusion de sens
dévergondent la relation de sens que le tableau entretient révèle les structures sous-jacentes de
avec son titre et son réfèrent. Dans le premier cas, saturée de références, gouvernée par la dérive
la motte qui déborde de la terrine rehaussée d'un sens. Une œuvre signée Mesplès atteint la
chapelet de saucisses connote l'erotique plus que le de ce qu'il est alors possible de représenter :
liturgique : l'image pieuse (Saint Doux) se transfère compose deux portraits («L'honnête femme
en nature morte (Saindoux) et en confidence l'autre») (25) par formules et schémas mis
sensuelle (Sein d'août). Dans le second cas, la femme équation :
qui repasse du linge près de sa fille, et la mer qu'on
aperçoit à l' arrière-plan, autant qu'une tâche
23-Catalogue de 1884.
ménagère ou une traversée, suggèrent l'amer 24-Catalogue de 1886.
«passage» du réel au figuré : la porte qui s'ouvre 25-Catalogue de 1884.
Une avant-garde sans avancée 81

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82 Daniel Grojnowski

Est mis en évidence le caractère aberrant de toute


représentation et de toute célébration. Retournant
l'Incohérence dresse
de l'art, sous quelque forme
dans quelle mesure ses
forfaiture accomplie par Dada.
par le nihilisme et fascinés par
s'apparentent jusqu'au plagiat
Marcel Duchamp orne d'une
le visage de la Joconde
Ko-S'Inn-Hus avait en 1886
d'un barbu vénérable et man-
Vénus deMilo», dit «demi-lot».
être prolongé, qui analyserait
du goût «bourgeois» et la
s'exerçant dans les Beaux- Arts

:
substitution du jeu de mots
(voir le «Pain peint» de
Illustration non autorisée à la diffusion allégorie et mise en abyme d'une
renversement des
qui visent à dénoncer
refuge du sacré.
a connu le succès auprès
comme en témoigne
ce nom (30), ou la
société gallinophile («La
une exposition des «arts
pourtant surpris de voir à quel
du groupe ont neutralisé la
comme s'ils avaient
une charge explosive !
Lévy se veut rassurant et
du groupe à des galéjades
Désireux de se protéger
d'un quotidien bien-pensant
qui déclare qu'on a attenté à
de Gérôme, membre de
d'« anarchistes de l'art», il
affirmant que sa seule
l'ennui et le pessimisme
Incohérents n'ont aucune pré-

entre dans sa phase la plus


par le Sâr Péladan du Salon de la
Celui-ci exclut toute œuvre de
humoristique pour favoriser «l'Idéal
et ses révélations, Marie Alacoque
Vierge d'une paralysie. Son ouvrage
au cœur de Jésus (1698) a donné lieu
du Sacré-Cœur. On sait que l'église
sur la butte Montmartre en
la Commune de Paris.
28— Exposition des Arts incohérents de 1883.
à l'eau de Selz»), les genres («Nature très morte»,
«Portrait sans pied»), les sujets traités («Sainte 29— Le calembour figure dans le numéro du Courrier français
Marie Alacoque» (27)) et le vocable qui sauvegarde du 12 mars 1885. Le peintre belge James Ensor affectionnera
ce genre de plaisanterie (voir son «Squelette se disputant un
le rituel : le mot «art» est mis à toutes les sauces hareng-saur», 1891).
et donne lieu à une floraison de jeux de mots dont 30— Dans Le Courrier français du 14 novembre 1886 une
la portée comique importe moins que l'efficacité page de dessins annonce «L'exposition des véritables
sacrilège : «Lézards cohérents» (28) (ils sont Incohérents, au café des Incohérents, rue Fontaine Saint-Georges,
dessinés dans une posture lubrique), «Lard 16 bis».
incohérent» (29). 31— «Exposition incohérente des arts incompris» le
catalogue alphabétique fantaisiste, qui comprend vingt-deux
:

La dérision envahit l'ensemble du champ


culturel. Les œuvres ne prônent en aucune sorte numéros, est précédé d'un poème en octosyllabes de Gabriel
Vicaire : «La Poularde» (Bourg, 1886). Ce fascicule peut
une «manière» nouvelle de rendre compte du réel être consulté à la Réserve de la Bibliothèque nationale de
en se fondant sur un état présent de la connaissance. Paris.
Une avant-garde sans avancée 83

Qui étaient les Incohérents ?


Parmi les participants des différentes expositions Boutet, Henri
des Incohérents, on distingue trois principaux né en 1851 à Sainte-Hermine, Vendée. Lithographe
groupes : et pastelliste, illustrateur de Murger, il a gravé de
. Les exposants qui empruntent des pseudonymes nombreux programmes, menus et invitations. A
devenus pour la plupart obscurs : Dada, Ko-S'Inn- partir de 1886, il fait paraître un almanach annuel.
Hus, Mac Arony, Paul Hichinelle, Zut. Caran d'Ache (Poiré, Emmanuel, dit)
. Un certain nombre de chroniqueurs, chansonniers, né à Moscou en 1858. Il débute au Chat-Noir et à
poètes ou écrivains débutants : Alphonse Allais (né La Chronique parisienne. Il connaît la célébrité par
à Honneur en 1856), F. Icres, poète et romancier le dessin d'humour «sans légende». Illustrateur de la
pyrénéen (né en 1856), Mac-Nab (né à Vierzon en Comédie politique et de La Tentation de Saint-
1856), J. Rameau, poète et romancier landais (né Antoine d'après Flaubert.
en 1859), Sapeck (Eugène Bataille, dit) né au Mans
en 1853, Willy, né à Villiers-sur-Orge en 1859, Cohl, Emile (Courtet, Emile, dit)
Xanrof (Léon Fournier, dit) né à Paris en 1867. né à Paris en 1857. Elève du dessinateur-poète
. Un groupe de peintres et dessinateurs dont A. Gill, il collabore à L'Hydropathe, au Courrier
plusieurs ont collaboré à des revues satiriques : français. Il tournera chez Gaumont des films à
L'Hydropathe, La Chronique parisienne, Le truquages avant de créer en 1908 le premier dessin
Courrier français, La Revue illustrée, Le Chat-Noir. animé : Fan tasmagorie .
Le non-conformisme des Incohérents est fonction Chéret, Jules
de facteurs tels : né à Paris en 1836. Il connut le succès dès 1858
avec son affiche en trois couleurs : Orphée aux
L'âge : les Incohérents ont une trentaine d'années enfers (Offenbach). Il dessina également le Bal au
en moyenne au moment où ont lieu les Moulin-Rouge (1889). Il céda son imprimerie à la
manifestations qu'organise Jules Lévy dont la date de maison Chaix dont il devint le conseiller artistique.
naissance (1857) correspond à celle des participants.
Dillon, Henri
L'origine géographique : provinciaux pour la plupart né à San Francisco en 1851. Expose au Salon à
(ou français nés à l'étranger), les Incohérents se partir de 1876 («Les Funérailles de Paul Bert»,
trouvent à Paris en situation d'immigrés qui «La Fondation de l'ordre des Jésuites dans l'église
fréquentent les cabarets et doivent se créer par eux- de Montmartre»). Il abandonne ces sujets
mêmes leur réseau de relations. Ils participent à des conventionnels pour des dessins et lithographies intimistes.
productions artistiques d'exécution rapide :
monologues et chansons, illustrations et dessins Gray, Henri
humoristiques. né à Paris en 1858. Collabore à La Chronique
parisienne, au Courrier français et devient
L'origine sociale : issus de la petite bourgeoisie, l'il ustrateur favori des Folies-Bergères.
petits fonctionnaires ou «bohèmes» désargentés
voués à la médiocrité voire à la misère, ils sont Méplès, Paul-Eugène
exclus des circuits les plus «nobles» (Ecole des né à Paris en 1848. Il a commencé dans la joaillerie
Beaux-Arts, fréquentation de l'atelier d'un maître et la caricature. Elève de Gérôme, il débute au Salon
de renom, préparation au Prix de Rome, au Salon). en 1880, mais collabore ensuite au Chat-Noir et à
l'Illustration.
Nous indiquons ci-dessous quelques repères
biographiques de peintres et de dessinateurs, qui Willette, Adolphe-Léon
permettent d'observer la variété des situations, mais aussi né en 1857 à Châlons-sur-Marne. Elève de Cabanel,
quelques constantes. il débute au Salon en 1881 («La Tentation de Saint-
Antoine») où il expose jusqu'en 1887. Il collabore
Angrand, Charles ensuite au Chat-Noir et au Courrier français. Il
né en 1 854 à Criquetot-sur-Ouville, Seine-Inférieure. fonde Pierrot et Le Pied de nez. Malgré ses dessins
Instituteur rural. Participe avec Signac etSeuratàla politiques il reste célèbre comme illustrateur de
première exposition des Indépendants en 1884. Il Pierrot et Colombine.
fut l'un des premiers pointillistes.

tention, ils ne sont ni plus malins ni plus spirituels Ils ont ressenti la nécessité de modérer d'eux-
que tous les gens qui s'occupent d'art d'une façon mêmes l'esprit d'aventure qui les avait mobilisés.
quelconque, qu'ils soient peintres, poètes, sculpteurs Effrayés par leurs propres incartades, peu désireux
ou menuisiers» (32). Emile Goudeau tiendra le de s'engager davantage dans le processus de
même langage lénifiant, comparant l'Incohérence à désagrégation qu'ils avaient enclenché, de déboucher sur
une danse et non à un tremblement, la disant
«plutôt une blanche gaieté, qu'une folie noire» (33).
Jules Lévy fera un nouveau pas en arrière dans une 32— Le Courrier français, 12 mars 1885.
lettre adressée au Chat-Noir : «Nous ne faisons point 33— E. Goudeau, L'Incohérence, Revue illustrée, 15 mars
de l'Art, ceci est une chose parfaitement entendue, 1887.
et jamais nous n'avons voulu en faire» (34). 34-Le Chat-Noir, 30 octobre 1886.
84 Daniel Grojnowski

Henri Boutet, Invitation du vernissage,


1882, Catalogue de l'Exposition des
Arts incohérents, 1884.
Sage, Nature très morte, Catalogue de
l'Exposition des Arts incohérents, 1 884

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Emile Cohl, Un général hors cadre. Dupuis, Débardeur infatigable : «Qui
Catalogue de l'Exposition des Arts m'aime me suit», Catalogue de
incohérents, 1886. l'Exposition des Arts incohérents, 1884.

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O.
des
86 Daniel Grojnowski

une esthétique de la table rase et de la terre brûlée.


Expositions des incohérents : bibliographie Mieux encore, ils étaient incapables, faute
d'instruments de mesure, d'estimer l'importance des enjeux
1882 mis en cause. Plus qu'à titre de «précurseurs», ils
Le Chat-Noir, 7 novembre 1882 («Les Arts méritent d'être connus en tant qu'avant-garde qui
incohérents» de Constant Chanouard). avorte, neutralisée par défaut.
Arts incohérents (Sté des) in : Grand Dictionnaire Par défaut d'avoir su transformer la dérision
universel de P. Larousse (deuxième supplément, en ce que Marcel Duchamp appelait l'«ironisme
d'affirmation», d'avoir su mener à son terme une
1890). interrogation qui portait sur le statut de l'œuvre,
sa fonction, ses critères d'appréciation, bref sa
1883 raison d'être. Mais aussi, et surtout, par défaut
Félix Fénéon : compte rendu de la Libre Revue, d'un public qui leur aurait offert une résistance
novembre 1883. Repris dans les Oeuvres (Paris, suffisante pour les obliger à concentrer et
Gallimard, 1948) et les Oeuvres plus que complètes concerter leurs projets. En les intégrant et en les
(Paris-Genève, Droz, 1970). considérant comme les défenseurs de la bonne
Les Arts incohérents, monologue en prose de G. humeur, celui-ci a su désamorcer leurs débauches
Lanier et E. Matrat, dit par M. de Féraudy de la et, du coup, préserver des valeurs intangibles. Les
Comédie-Française (Paris, 1883). critiques, les théoriciens, les marchands et les
amateurs purent ainsi faire l'économie d'une
1884 contestation qui les attaquait de front.
Catalogue illustré de l'exposition des Arts Qu'elle soit dite «révolutionnaire» ou
incohérents, Paris, 1884. «académique», l'œuvre est le produit d'un nombre
considérable d'opérations dont elle matérialise le
1885 résultat : seule partie visible, tangible et monnayable
Le Courrier français , 12 mars 1885 : numéro spécial d'un ensemble de forces. Bien que s'exerçant à
incohérent. Le numéro suivant, daté du 22 mars travers elle, celles-ci demeurent dissimulées aux yeux
1885, consacre une page aux «souvenirs du bal des du «public éclairé». Ce sont elles pourtant qui
Incohérents» (quelques types et costumes dessinés l'avèrent «œuvre d'art», l'investissent de valeur,
par H. de Sta). Jusqu'en décembre 1886 le Courrier la certifient digne de célébration. A ce point de vue,
français fera publicité pour ce numéro spécial dont l'aventure des Incohérents revêt un caractère
le sommaire sera publié à plusieurs reprises. exemplaire. Elle a tourné court faute d'avoir pu s'exercer
dans le champ social dont relevait sa validation (35).
1886
Exposition des Arts incohérents à l'Eden-Théâtre,
Paris, 1886. 35—11 serait injuste de ne pas signaler la note que Philippe
Robert-Jones a publiée dans La Gazette des Beaux-Arts
Le Courrier français du 20 mars 1886 présente un d'octobre 1958 «Les 'Incohérents' et leurs expositions»
numéro spécial incohérent. (pp. 231-235). Selon lui, ce groupe qui participe aux
:

La Chronique parisienne du 24 octobre 1886 diverses tendances fantaisistes de la fin du siècle dernier, nous
intéresse au même titre que les dessins d'enfants ou de fous.
reproduit p. 4 et 5 onze planches du catalogue de A y regarder de près «on trouverait peut-être parmi cette
l'exposition de l'Eden-Théâtre. Un article de Curty de troupe de joyeux garçons des artistes plus authentiques».
Saint-Volfor les commente («Le Louvre Comme on voit, les virtualités sacrilèges du groupe ne sont
nullement perçues par le Conservateur des Musées royaux
incohérent»). des Beaux-Arts de Belgique. Près d'un siècle après la
Le Chat-Noir du 30 octobre 1886 publie une lettre première exposition des Incohérents et malgré les «révolutions»
de J. Lévy sur l'exposition des Incohérents. de l'art moderne, le malentendu reste entier entre ceux qui
interrogent l'expression plastique et ceux qui communient
dans le culte de l'Art. Toute liturgie exclut la situation
1887 d'extraterritorialité, elle implique la reconnaissance d'un
Le Courrier français du 20 mars 1887 présente en espace sacré à l'intérieur duquel le rite s'accomplit. En
page-titre un dessin de Uzès consacrant la disparition revanche, considérés du dehors, l'objet (d'art) et l'émotion
des Incohérents (voir aussi p. 3 l'article de J. (esthétique) qu'il suscite deviennent composantes et
conditions d'un système d'échanges. Philippe Robert-Jones est
Roques). l'auteur d'un important volume : La Peinture irréaliste au
E. Goudeau, L'incohérence, Revue illustrée, 15 mars XIXème siècle (Paris, Bibliothèque des arts, 1978) où les
1887 : ce numéro comprend de nombreuses œuvres recensées sont délibérément situées dans le champ
de l'ineffable : «L'irréalisme ne peut donc être défini, tout
illustrations dues à Emile Cohl, A. Le Petit, Mesplès, au plus peut-on tenter d'en cerner les divers aspects, d'en
Habert, Grivaz, etc. déceler les facteurs constitutifs. Il s'affirme lorsqu'une image
le dévoile par un frémissement que nulle équation ne peut
1889 déterminer» (ibid., Introduction, p. 9).
Catalogue illustré de l'Exposition universelle des
Arts incohérents , Paris, 1889.

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