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Bernard Pictet
INTRODUCTION 5
CONCLUSION 75
BIBLIOGRAPHIE 77
INTRODUCTION
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
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1.La fin du monopole Vénitien
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
UNE COMPAGNIE
À LA CONQUÊTE
DE LUMIÈRE
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1.La fin du monopole Vénitien
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
LA FIN D’UN MONOPOLE VÉNITIEN verre fin et clair, fruit de ce procédé révolutionnaire,
assurera une renommée internationale aux verreries
vénitiennes (Murano, entre autres) dont le monopole
technique et commercial, et le savoir-faire sibyllin sus-
L’art de la fabrication du verre connaît en citeront l’envie et la convoitise des verreries voisines.
engouement sans précédent au XIIIème et XIVème Comment, de cette hégémonie verrière, dont jouit la
siècle suite à la redécouverte du savoir-faire byzantin Sérénissime, naîtra la Manufacture Royale des Glac-
par les vénitiens. es, une des industries les plus influentes et les plus
avant-gardistes, en terme d’architecture et de design?
Le pillage et le saccage de Constantinople, en 1204,
par la quatrième croisade, entraînent l’exode des arti-
sans byzantins vers Venise. Depuis la moitié du XVIIème siècle, une con-
sommation frénétique des glaces « à l’italienne » af-
Au XVème siècle, deux facteurs assureront, à Venise, folent les franges aisées de la société. Jean-Baptiste
la domination du marché du verre. D’une part, la prise Colbert, ministre des finances sous Louis XIV, alarmé
de Constantinople en 1453 par les Ottomans, accroît par les statistiques douanières et par les sommes in-
considérablement l’émigration d’artisans verriers. vesties dans l’importation de ces miroirs vénitiens,
D’autre part, le développement de nouvelles tech- souhaite mettre fin à cette suprématie commerciale et
niques verrières, à partir de 1450, ainsi que l’utilisa- technique dont bénéficie la ville de Venise, grâce à ses
tion d’un nouvel ingrédient, la chaux de soude dont verreries.
la particularité permet d’éclaircir le verre par lessivage
(c’est-à-dire en éliminant les colorants que contien- En adoptant une politique économique mercantil-
nent les cendres végétales), contribuent à la création iste et interventionniste, Colbert prône une autarcie
d’un nouveau matériau : le verre cristallin. Le cristallo, consumériste par la création de manufactures et le
(1) Rapport du 3 juillet 1665 de deux maîtres verriers informant le gouvernement de la République de la présence à Paris de Mura-
nais.
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1.La fin du monopole Vénitien
ci-dessus: Lettres patentes créant la Manufacture royale de glaces de miroirs, signature autographe de Louis XIV, con-
tre-signature du Guéguénaud, du chancelier d’Aligre et de Colbert
octobre 1665
ARCHIVES SAINT-GOBAIN
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développement d’un savoir-faire français, inspiré des importations vénitiennes, ce qui attise la fureur des
ouvrages des états voisins, dans l’unique but de com- inquisiteurs de la République de Venise, chargés de
bler le déficit économique du pays, et par la même surveiller la divulgation des secrets d’états. En janvi-
occasion, d’asservir la gloire du roi. Grâce aux lettres er 1667, deux des verriers Muranais meurent, empoi-
patentes de Louis XIV, et en faisant recours à l’octroi sonnés au mercure (employé dans la fabrication des
de privilèges, il établit, en octobre 1665, la Manufac- glaces).
ture Royale des Glaces, dont l’appellation souligne Suite à cet incident, ces derniers sont renvoyés, et
l’importance de cette industrie émergente et l’intérêt la manufacture déménage dans la verrerie tenue par
que lui accorde le pouvoir royal. Celle-ci prend pour Richard Lucas de Nehou, à Tourlaville, près de Cher-
nom, la Compagnie du Noyer, avec à sa tête, Nicolas bourg, en Normandie.
du Noyer.
Le relais de fabrication est assuré par l’entreprise fa-
Afin de mener à bien son projet, Colbert parvient à miliale où les verres à vitres sont soufflés selon la tech-
faire venir à Paris un groupe de huit verriers Muranais, nique dite « en manchons », avant d’être acheminés
dont le savoir-faire permettra d’enrichir l’artisanat ver- dans les ateliers parisiens, où ils subissent, par la suite,
rier français. une opération de doucissage et de polissage. L’arrêt
Ainsi, embauchés pour une période de quatre ans, ces de 1672, prohibant toutes importations vénitiennes de
derniers vont contribuer, pendant un premier temps, produits verriers et miroitiers, confirme la qualité des
à l’évolution de la manufacture et de la qualité de fabrications de Tourlaville.
ses productions : les premiers miroirs sans défauts Ainsi, une décennie plus tard, l’année 1682 marque
sont fabriqués en 1666, rivalisant alors avec ceux de un tournant dans l’histoire de la manufacture avec la
Venise. Néanmoins, les artisans vénitiens refusent de commande des glaces (qui seront installées en 1684)
transmettre leurs secrets de fabrication et abusent des pour la future grande Galerie des Glaces du château
privilèges qui leur sont accordés, empêchant alors la de Versailles.
Compagnie de faire des bénéfices.
Parallèlement, Colbert envisage d’interdire toutes
Alors qu’en 1683, la Compagnie du Noyer se voit ac-
corder le renouvellement de ses privilèges pour une
vingtaine d’années, l’État octroie un privilège à une
nouvelle société, la Compagnie d’Abraham Thévart,
dont la mise au point d’un nouveau procédé de fabri-
cation va révolutionner l’industrie verrière.
Le coulage du verre en table va répartir la fabrication
des verres à vitres entre ces deux compagnies, brisant
ainsi le monopole dont bénéficiait la société basée à
Tourlaville, et instaurer une rivalité entre celles-ci.
La Compagnie du Noyer se voit confier la confec-
tion des glaces soufflées « façon Venise », de 10 à 40
pouces par 40 ; tandis que la Compagnie de Thévart,
grâce à cette nouvelle technique, réalise des glaces
d’une qualité inhabituelle avec des dimensions qui
n’étaient auparavant jamais atteintes, allant de 60 à 80
pouces de hauteur et de 35 à 40 pouces de largeur.
COLLECTION PARTICULIÈRE
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1.La fin du monopole Vénitien
en haut à droite: Album historique de Saint-Gobain. Table de coulée à Saint-Gobain vers 1740
ARCHIVES SAINT-GOBAIN
ci-dessus: Coulée d’une glace à Saint-Gobain en présence du directeur Pierre Delaunay-Deslandes, vers 1780
COLLECTION SAINT-GOBAIN
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Les deux procédés de fabrication, coulage et era. En revanche, le second procédé, adopté par la
soufflage, seront utilisés jusqu’en 1763, où ce dernier verrerie de Saint-Gobain, contribue à l’amélioration
sera abandonné définitivement. En raison d’un épu- de la productivité, des prix de revient ainsi que de la
isement des ressources en bois à Tourlaville, et l’im- logistique, et concorde avec une demande naissante
port de charbon anglais étant trop coûteux, la verrerie, du marché, aussi bien au niveau quantitatif que quali-
spécialisée dans le soufflage de verre à vitres, périclit- tatif.
LE COULAGE
L’invention du verre en table marque, en 1680, une rupture décisive avec les procédés traditionnels.
Après affinage, le verre était apporté dans une cuvette et versé au moyen d’une potence et d’une tenaille
sur une table de métal, bordée de réglettes, permettant de varier la dimension et l’épaisseur de la pièce
à couler.
À l’état semi-visqueux, il était par la suite laminé par un rouleau de cuivre. Une fois l’opération achevée,
la glace passait par une recuisson pour un refroidissement progressif de plusieurs jours. Le procédé per-
mettait d’obtenir de grands volumes. Ainsi, à la fin du XVIIIème siècle, on fabriquera des glaces de près
de 3 mètres de hauteur.
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1.La fin du monopole Vénitien
LE SOUFFLAGE
Inventée au Porche-Orient, un siècle et demi, avant notre ère, la technique du soufflage de verre est
d’abord réservée à la production d’objets (bouteilles et flacons), avant de se répandre pour la fabrication
de verre plat, à partir du haut Moyen-Âge.
Deux types de procédés concurrents existent:
- la fabrication dite en plateaux (utilisée en Normandie et en Angleterre)
- la technique dite en manchons (adoptées par la Lorraine, l’Allemagne, la Bôhème et Venise.
Cette dernière sera utilisée à la Manufacture des glaces à Paris, puis à Tourlaville à partir de 1667.
Elle consiste à cueillir le verre en fusion, puis à former par réchauffements, soufflages et balancements
successifs une masse de verre qui prend peu à peu la forme d’un cylindre (“le manchon”).
Ce dernier est ensuite fendu à chaud dans le sens de la longueur avant d’être aplani et recuit dans un
four de refroidissement progressif.
Ce procédé est expliqué plus en détails dans la deuxième partie de ce mémoire. (page 46)
ci-dessus: Opération de soufflage d’une glace. Planche extraite de L’Art de la verrerie de Fougeroux de Bondaroy
ARCHIVES SAINT-GOBAIN
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
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1.La fin du monopole Vénitien
en haut: Porte d’entrée de l’usine de Saint-Gobain (1757), XIXème siècleGravure de L’Illustration du 3 décembre 1898,
n°2910 ARCHIVES SAINT-GOBAIN
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
Cette productivité, sans précédent, suscitera l’intérêt Cependant, de cette productivité concurrentielle,
de la Compagnie de Saint-Gobain, qui enverra un de dont la qualité médiocre n’entrave en rien l’écoule-
ses administrateurs se renseigner sur ces dernières in- ment des glaces produites à l’étranger, Saint-Gobain
novations techniques. constate une évolution de la clientèle et des besoins.
en haut: Porte d’entrée de l’usine de Saint-Gobain (1757), XIXème siècleGravure de L’Illustration du 3 décembre 1898,
n°2910 ARCHIVES SAINT-GOBAIN
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2.Vers une nouvelle architecture: Saint-Gobain à l’ère industrielle
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
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2.Vers une nouvelle architecture: Saint-Gobain à l’ère industrielle
L’architecture de verre, de fer et de fonte gag- architecturales de demain, (et où Saint-Gobain par-
nera, progressivement, les lieux publics tels que les ticipe à la fois en tant que fournisseur et exposant),
musées, , les grands magasins, les serres, les gares, les la magie du verre acquiert une notoriété universelle,
musées, les galeries d’expositions et marchés couverts déterminante dans l’évolution des nouvelles manières
entre autres…, offrant ainsi des espaces nettement de vivre.
plus grands, plus dégagés, plus lumineux, plus libres
et plus hygiéniques. La créativité, moteur de diversité, Ainsi, en 1851, lors de la Première Exposition Univer-
va contribuer à l’élargissement et à une diversification selle à Londres, vit-on un monument symbolique de
de la gamme traditionnelle de ces produits verriers, l’ère industrielle, uniquement constitué de métal et
afin de satisfaire les nouveaux besoins architecturaux. de verre, et dont la transparence influencera les archi-
Dès 1853, Saint-Gobain présente de nouvelles créa- tectures futures, qu’elles soient utopiques ou non. Le
tions : des verres coulés à reliefs, des glaces brutes Crystal Palace, pavillon rectangulaire aux dimensions
épaisses, semi-épaisses pour vitrages, ou minces, imposantes (563 mètres de longueur par 124 mètres
coulées et laminées. De 1855 à 1900, on constate une de largeur), imaginé par Joseph Paxton, jardinier et
augmentation de la superficie des glaces, de 18,04 architecte spécialisé dans la construction de serres,
à 32,60 à mètres, ainsi qu’une démultiplication de était constitué de 18000 vitres (soit plus de 80 000
produits verriers novateurs tels que « […] les glaces m2 de glaces) en verre soufflé selon la technique du
étamées puis argentées, glaces et dalles polies, verre manchon, fourni par un verrier britannique, Lucas R.
brut mince, dalles de verre coulé, moulages, phares et Chance.
optiques, puis verre imprimé, verre armé, hublots de
navire, verre triplex pour les voitures. » (Saint-Gobain, Cette architecture suscitera des répliques comme le
1665-1937, Une entreprise devant l’histoire, Édition Crystal Palace de New-York en 1853, disparu en 1858
Fayard Musée d’Orsay, p.108) dans un incendie, et le Glaspalast de Munich en 1854,
dont les vitres ont été fournies par la compagnie de
Saint-Gobain.
Les progrès techniques, et les réformes visant à cor-
réler la demande du marché avec le prix de revient, En 1855, a lieu la première Exposition Universelle
engendrent l’apparition d’un commerce international française, pour laquelle la France tente de rivaliser avec
dont de nouveaux modes de vie urbaine vont découl- l’exposition qui a eu lieu à Londres, trois ans aupara-
er. vant. L’architecte Jean-Marie Victor Viel (1796-1863) et
l’ingénieur Alexis Barrault (1812-1867) conçoivent en-
Grâce aux premières Expositions Universelles, foires semble le Palais des Industries, fortement inspiré du
internationales faisant l’apologie de l’art et l’industrie, Crystal Palace, pour lequel Saint-Gobain reçoit une
qui permettent de dévoiler les dernières découvertes commande de près de 6500 mètres de glaces. Non-
techniques, technologiques, et les expérimentations obstant les efforts fournis pour l’érection de ce palais,
ci-dessus: Charles Rohaut de Fleury (1801-1875), Serres du Muséum d’histoire naturelle, coupe longitudinale,
27 février 1855
PARIS, ARCHIVES NATIONALES
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2.Vers une nouvelle architecture: Saint-Gobain à l’ère industrielle
celui-ci concourt difficilement avec le pavillon britan- « Les briques ou dalles de verres sont posées verticale-
nique de 1851 ; la chaleur de serre et l’intensité des ment, adossées et jointes à l’aide d’un mastic spécial.
variations lumineuses projetant les peintures des deux On constitue une double paroi à l’intérieur de laquelle
verrières du Maréchal de Metz, nuisent à l’apprécia- on peut faire circuler l’hiver de l’air chaud et l’été de
tion de l’espace proposé et des œuvres présentées. l’air comprimé qui s’y détend et provoque le refroi-
dissement. Dans ces parois sont logés les fils électri-
Pour les Expositions Universelles de 1867 et 1878, des ques et téléphoniques, les conduites d’eau, etc. On
architectures de verre sont érigées à nouveau pour comprend, sans qu’il soit besoin d’insister, les avan-
lesquelles Saint-Gobain fournit des verres. De même, tages d’un tel système de construction. Partout, l’air, la
pour la galerie des Machines, dessinée par l’architecte lumière, les lavages rendus faciles, les impuretés des
Ferdinand Dutert, en 1889, et dont l’imposante toiture parois rendues visibles : telles sont les conditions que
vitrée reste une des réalisations les plus mémorables l’emploi du verre permet de réaliser et qui établissent
à laquelle Saint-Gobain ait participé pour une exposi- nettement le rôle que peut et doit jouer cette merveil-
tion universelle. leuse matière dans notre monde moderne » (Jacques
Henrivaux, op, cit., p124)
Les expositions universelles de 1900 verront apparaître
deux palais-attractions, le Palais Lumineux Ponsin et le
Palais des illusions, entièrement constitués de glaces, À l’aube du XXème siècle, les produits es-
des dalles de parois aux rampes d’escaliers, qui ren- tampillés Saint-Gobain couvrent de nombreuses con-
verront au rêve utopiste de Jules Henrivaux : la con- structions monumentales qui deviennent les vitrines
ception d’une maison de verre. de la compagnie verrière française, illustrant ainsi la
suprématie de leur savoir-faire. La manufacture con-
tribue à l’installation d’une majeure partie de la ver-
rière du Grand Palais, mais est également sollicitée
pour celle du Petit Palais, et de nombreux autres
palais, notamment ceux du Champs-de-Mars et des
Invalides. (39600 dalles de verre sont utilisées pour
recouvrir l’esplanade des Invalides) Les verres coulés
et autres vitrages, issues des usines de Saint-Gobain,
vont garnir les toitures et les façades de bâtiments pa-
risiens et européens (« […] les halles de Baltard, les
serres du Jardin des Plantes et le Muséum d’histoire
naturelle, les gares de Paris, Budapest, Zurich, Milan
ou Lisbonne, mais aussi les musées de Vienne ou Leip-
zig, les grands magasins et les galeries couvertes telle
la galerie Victor Emmanuel de Milan […] » p.114).
ci-dessus: Les Vitriers et mosaïstes travaillant à la façade du dôme central, Exposition universelle de 1889
PARIS, MUSÉE CARNAVALET
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
L’ÂGE DU VERRE: ENTRE INNOVATION ET UTOPIE chons de verre géants qui vont, par la suite, subir des
opérations d’étendage.
En contradiction, la deuxième solution permet de con-
denser chaque étape de la fabrication, de la fonte au
Les nouvelles théories étayées par le courant bassin des matières premières jusqu’au produit fini, en
hygiéniste du milieu du XIXème siècle, combinées aux une seule et unique chaîne d’opérations. (à l’image du
rêves utopistes des architectes d’ouvrir la voie à de procédé d’étirage mécanique du verre dont le brevet
constructions de plus en plus aseptisées, lumineuses a été déposé par Émile Fourcault en 1901. Cependant,
et accessibles, ont donné l’impulsion nécessaire à une ce procédé encore bien rudimentaire, et dont la pro-
diversification considérable des produits verriers. De duction est semi-continue, ne suscitera pas immédi-
1910 à 1937, la mécanisation gagne du terrain dans atement l’intérêt de la Compagnie de Saint-Gobain.)
les industries verrières, remplaçant peu à peu le souf-
fle de l’homme au cœur du processus de fabrication, De nouveaux procédés brevetés (limitant l’apparition
l’industrialisation prenant le pas sur l’artisanat. d’ondes thermiques visibles dans le verre à cause
Deux solutions techniques s’opposent. La première, d’une hétérogénéité thermique du verre pâteux)
étant le soufflage à l’air comprimé, produit des man- éclosent et permettent de passer d’une production
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3.l’âge du verre: entre innovation et utopie
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
ainsi dire le résultat de fonction des murs porteurs extérieurs, tout en offrant
notre architecture. Si nous la possibilité d’agrandir les dimensions des glaces.
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3.l’âge du verre: entre innovation et utopie
menant à une salle où s’écoule une cascade de verre des architectures futures de verre où les façades ne
sous un dôme à ossature métallique de forme ovoïde dévoilent rien de l’espace intérieur. L’utilisation de la
et constitué de panneaux de verre. brique Nevada, conçue par Saint-Gobain, (dont les
caractéristiques sont l’effet « granité » sur une face
Parallèlement, Ludwig Mies van der Rohe envisage de et son autre face concave, favorisant une luminosité
construire un immeuble en verre à Berlin, et Le Cor- beaucoup plus diffuse) en guise de paroi verticale est
busier mène des études sur les parois de verre pour une véritable prouesse technique quant à son aspect
l’immeuble de l’Armée du Salut à Paris (1929-1933). industriel et son système constructif.
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en haut, à gauche: Escalier du Pavillon de verre, Bruno Taut, 1914 ARCHIVES SAINT-GOBAIN
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LE VERRE PLAT,
un compromis entre
artisanat et
industrie
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1.l’uniformisation du verre plat
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
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1.l’uniformisation du verre plat
Le verre assouvit les désirs naissants des ar- Le processus consiste à verser du verre fondu,
chitectes de « matérialiser » la transparence. Cette débarrassé de toutes bulles gazeuses et homogénéisé,
profusion de verres plats qu’arborent ces nouvelles sur un lit complètement lisse d’étain de grande pureté
architectures transparentes, au cours du XXIème siè- en fusion.
cle est due à l’invention d’un procédé de fabrication Le verre, étant moins dense que l’étain, flotte sur le lit
révolutionnaire : le « float ». de métal et forme un ruban dont la capillarité (l’épais-
seur naturelle) est de 6 mm.
Inventé en 1952, par Sir Alastair Pilkington, le verre « L’épaisseur du verre et le parallélisme des faces peu-
float » ou verre flotté, en raison de son haut niveau de vent être maîtrisée grâce à des dispositifs annexes,
qualité, représente 80% des parts de marché dans l’in- permettant d’influencer la capillarité du verre, en l’ac-
dustrie du verre. Il existe à peu près 260 usines ou fab- célérant ou en la limitant. Le bain d’étain en fusion
riques de par le monde appliquant le procédé « float contribue au polissage de la face du verre, avec lequel
», ceci représentant une production globale d’environ celui-ci est en contact, tandis que l’autre face est polie
800 000 tonnes de verre par semaine. naturellement grâce à l’action du feu.
En sortant du four dans lequel le bain d’étain est con-
tenu, le verre est reconduit grâce à un système de
rouleaux dans un tunnel de recuisson, l’ « étenderie
», dans lequel il refroidit progressivement à 250°C afin
de le libérer de toutes contraintes internes, pouvant
nuire à son exploitation future.
Par la suite, le ruban de verre est découpé automa-
tiquement en plateaux de 6000 mm par 3210 mm,
puis manipulés à l’aide de ventouses afin d’être stocké
et expédiés à l’aide de véhicules spéciaux. Ce mode
de fabrication est actuellement le plus utilisé dans le
monde.
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
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1.l’uniformisation du verre plat
Ce constat renvoie à une anecdote du soci- anecdote reflète donc le résultat d’une production
ologue américain, Richard Sennett, dans son livre Ce industrielle et d’une utilisation abusive du verre plat
que sait la main, paru en 2008, dans lequel il met en dans le domaine architectural.
exergue la nécessité de retourner à un savoir-faire de
l’artisan. Vers la fin du XVIIème siècle, dans la cam- Aujourd’hui, sur le marché, nous ne trouvons plus que
pagne anglaise, les briquetiers produisaient une cer- des vitres fabriquées selon le procédé du« float».
taine quantité de briques bon marché dont la couleur
rouge variait. Ces nuances dépendaient d’où l’argile
provenait, et des différentes pratiques de cuisson pro- Néanmoins, Saint-Gobain, leader dans l’in-
pres à chaque villageois. Utilisés dans la construction, dustrie verrière, et à l’origine de l’expansion du verre
ces différentes variations de rouge qu’offraient les bâ- plat, a su anticiper cette monotonie architecturale, en
timents, étaient comparées à une « crinière resplendis- conservant le patrimoine artisanal verrier avec le ra-
sante » ou à « une peau marbrée » par les contempo- chat de la verrerie de Saint-Just, qui demeure la seule
rains du XVIIIème siècle. fabrique en France à produire du verre plat soufflé à
la bouche. Ainsi, paradoxalement, l’imperfection des
Avec l’avènement de l’ère industrielle, il s’avérait év- vitres obtenues par les procédés plus traditionnels,
ident que les machines étaient capables d’imiter la à l’image de la technique dite « du manchon », va
main de l’artisan et de produire en quantité abondan- séduire peu à peu l’architecture contemporaine, et
te des briques, tout comme les villageois anglais. L’in- s’imposer comme une référence dans la rénovation
dustrialisation des briqueteries a contribué à l’unifor- (monuments historiques, hôtels particuliers) et dans le
misation des briques manufacturées dont la couleur domaine du luxe.
ne présentait plus aucune variation.
L’homogénéisation de ces briques, par l’ajout de
teintures minérales et dont la production connut une
croissance exponentielle ont contribué à l’appau-
vrissement esthétique des bâtiments anglais. Cette
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
2.Une redécouverte d ‘un savoir-faire traditionnel: l’exemple de la verrerie de Saint-Just
Richard Sennett,
Ce que sait la main.
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Né par ordonnance royale de Charles X, en 1826, les « Verreries de la Loire » s’installent sur la commune de
Saint-Just-Saint-Rambert, près de Saint-Étienne, dans l’actuel département de la Loire.
À l’origine, la verrerie produit des bouteilles et des flacons de verre en faisant fondre le sable de la Loire
avec le charbon des mines voisines. À partir de 1865, Mathias André Pelletier, maître verrier et propriétaire de la
verrerie, combine l’art du verre soufflé de France avec les savoir-faire de Suisse et de Bohème, et spécialise celle-ci
dans le verre de couleur soufflé à la bouche. Au travers de ses recherches, il ressuscite la splendeur et la singularité
des rouges et bleus des vitraux du Moyen-Âge, tout en créant une gamme de couleurs qui composent la collection
la plus complète et la plus unique au monde.
Dès 1921, la Compagnie de Saint-Gobain va prendre part au capital de la Verrerie de Saint-Just, et va dével-
opper et consolider ses capacités de production, tout en préservant le savoir-faire unique de l’art du verre soufflé.
En 1948, Saint-Gobain porte sa participation à 50%, puis 100% en 1961, investissant dans de nouvelles
capacités de production. La préservation de ce savoir-faire unique reconnu internationalement reste une priorité
absolue.
Actuellement, il n’existe plus que trois verreries consacrées à ce procédé artisanal de fabrication ; les deux
autres étant situées en Allemagne et en Pologne.
ci-dessus: Verrerie de Saint-Just, dans les années 30: ouvrier étirant un manchon
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2.Une redécouverte d ‘un savoir-faire traditionnel: l’exemple de la verrerie de Saint-Just
(2) (3)
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2.Une redécouverte d ‘un savoir-faire traditionnel: l’exemple de la verrerie de Saint-Just
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2.Une redécouverte d ‘un savoir-faire traditionnel: l’exemple de la verrerie de Saint-Just
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
Richard Sennett,
Ce que sait la main.
ARTISANS DU VERRE PLAT: DE L’INDUSTRIEL AU ier, pratiquant cette discipline au XIXème siècle, réal-
FAIT-MAIN isait des vitraux, pratiquait la peinture sur verre, fabri-
quait du verre mousseline à chaud, façonnait du verre
à la roue ou le gravait par acide. Toutefois, cet artisan-
at se destine essentiellement à l’art du vitrail. Cette
Bien avant le développement de nouvelles techniques profession d’alors, se divise en deux classes: ceux qui
artisanales liées à la décoration sur verre plat, un atel- ne fabriquent que des vitraux, et ceux dont le vitrail
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3.Artisans du verre plat: de l’industriel au fait-main
ne représente qu’une partie de leurs productions. En tionnalisme et les lignes droites, s’illustre par un rejet
1880 la France compte environ 208 Ateliers actifs de des matières nobles et naturelles à l’instar du bois et
peintres verriers dont un tiers sur Paris. Les autres sont du verre. Cette revendication de matériaux innovants
disséminés sur le reste du pays avec quelques concen- exprime l’intérêt grandissant des créatifs aux valeurs
trations sur Toulouse, Rouen et Lille. véhiculées par l’utopie technologique environnante,
ainsi qu’aux prouesses techniques modernes.
Comparativement, tout au long du XXème siècle, cet Avec l’essor des industries nouvelles, notamment de la
artisanat évolue et va se spécialiser dans trois branch- pétrochimie, s’ouvre l’ère des matériaux synthétiques.
es sectorielles qui représentent aujourd’hui les méti- Les plastiques, offrant des possibilités techniques et
ers de la décoration sur verre plat contemporain : le esthétiques encore inexploitées, imitent la transpar-
vitrail, la miroiterie d’art et la décoration sur verre. ence et les coloris qu’offrent le verre. Dès le début des
En ce qui concerne cette dernière catégorie, celle- années 1960 avec la volonté de produire des objets
ci va acquérir une certaine notoriété au début du nouveaux, les créateurs se tournent vers des matières
XXème siècle, grâce à René Lalique et ses parois de synthétiques et des technologies performantes.
verre sculptées (pour les portes de l’hôtel d’Albert Ier Cependant, à partir du premier choc pétrolier de
à Paris, les décorations des wagons-restaurants de 1973, le consommateur a commencé à tourner un re-
l’Orient-Express (1929), celles des salles à manger de gard accusateur sur la matière plastique. L’envahisse-
la première classe du paquebot Normandie (1936), ment des objets en plastiques, produits massivement,
ou encore les fontaines du rond-point des Champs- nous a amené à remettre en question la matière même
Élysées (en 1958, aujourd’hui démontées) ), avant de l’objet plutôt que son renouvellement et nos us-
de connaître un nouvel essor considérable dans la ages de consommation. De surcroît, contrairement au
seconde moitié du XXème siècle, notamment grâce verre, le plastique, en vieillissant, a tendance à jaunir,
à l’industrie verrière. Ce paradoxe soulève ainsi une et résiste difficilement aux conditions thermiques.
question essentielle dans l’établissement de l’artisan-
at « pariétal » : comment cette production industrielle En réponse à cela, à partir des années 1980, le de-
va-t-elle devenir le fer de lance de la décoration sur sign et l’architecture intérieure vont être marqués par
verre plat ? l’individualisme. Des mouvements, comme le groupe
de Memphis en Italie ou le post-industrialisme en An-
Voltaire, à l’adresse de ces confrères philosophes, af- gleterre, sont le reflet de cette remise en cause de la
firme que « la quête de perfection peut plonger les société et de ses modes de consommation, et se re-
êtres humains dans le chagrin plutôt que nourrir le tournent vers des créations en série limitée, voire des
progrès ». Toutefois, cette même quête de perfection, pièces uniques. De manière contestataire, le design
à l’origine d’un esthétisme stérile, va stimuler de nou- adopte, dès lors, les codes de l’art et de l’artisanat, et
velles manières de créer et d’exister. Contre toute at- un retour à des matériaux plus authentiques.
tente, deux facteurs liés à l’industrialisation vont jouer
un rôle primordial en faveur de l’artisanat lié au décor
sur verre, qui n’était encore qu’à ses balbutiements : la
fin de l’âge d’or des matières plastiques et l’invention
du procédé « float ».
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
C’est dans ce contexte que des ateliers d’art En choisissant d’emprunter des voies inédites
consacrés à la décoration sur verre plat vont naître, à pour travailler le verre, Bernard Pictet aiguise la curi-
l’instar des ateliers de Bernard Pictet en 1981, ou bien osité d’une clientèle de luxe, qui va s’enticher de ces
s’affirmer, comme celui de Gilles Chabrier. Avec l’in- créations « haute-couture ». Dès 1987, il effectue son
vention du procédé « float », la production industrielle premier chantier en collaboration avec des designers,
de verres plats va nourrir la créativité de ces ateliers, avant de conquérir le marché très haut de gamme, à
qui se servent du verre flotté comme point de départ. partir de 1994, avec le chantier sur le hall du siège de
Ces parois de verre, semblables les unes aux autres, Louis Vuitton. Parmi ses clients, des sièges sociaux
aux surfaces planes irréprochables, vont être mal- d’entreprise comme EDF, ou encore les boutiques
menées, à coup de gravure, de sablage, d’acidage, de Chanel, Guerlain et Christian Dior, et même Baccarat,
burinage, de bouchardage, de dorure ou d’argenture, sans oublier les nombreuses demandes de particuli-
entre autres, afin de créer des parois de verres uniques ers, et les chantiers navals pour les yachts. En 2010,
et sur mesure. son entreprise acquiert le label « Entreprise du patri-
moine vivant ».
La main de l’homme, au travers de techniques artisan-
ales anciennes et nouvelles, façonne ces verres plats, Ce magicien du verre s’applique à changer l’appar-
en créant des accidents, et en sculptant la lumière. ence de ces plaques de verre industrielles, afin de les
Ainsi, chaque verre « float » dont la transparence ordi- rendre décoratives, au travers de techniques comme
naire lasse, va subir une métamorphose qui va révéler l’éclaté au burin, dans laquelle son atelier excelle, ou
tout son potentiel enfoui. Dès lors, le fait-main fascine, encore la métallisation. Puisant son inspiration dans
puisqu’il propose des perspectives que l’industrie a l’univers de l’art et du design, il relève des défis tech-
longtemps essayé d’estomper. niques et esthétiques tout en conservant le caractère
Généralement perçu comme un matériau de pare- unique de ses créations qui vont contribuer à sa no-
ment ou de remplissage, ces artisans contemporains toriété.
ont pour ambition de prouver qu’il peut prétendre à
d’autres applications. Changer de point de vue sur la
matière, telle est leur préoccupation. Que ce soit en
guise de parements, de cloisons, de façade ou bien
encore de mobiliers, le verre ne doit plus disparaître
mais, au contraire, se révéler subtilement.
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3.Artisans du verre plat: de l’industriel au fait-main
en bas, à gauche: Table basse, verre et ébène, réalisée par Bernard Pictet, et Ludwig&Dominique
en bas, à droit: AD Intérieurs 2013
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
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3.Artisans du verre plat: de l’industriel au fait-main
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
en haut, à gauche: Boutique Dior, Berverly Hills, Mural éclaté au burin, argenté
en haut, à droite: Détail mural boutique Dior, éclaté au burin
en bas: Tour Défense Europe, Architecte: Yogarassi
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3.Artisans du verre plat: de l’industriel au fait-main
Gilles Chabrier, maître-verrier spécialisé dans ce dernier qui se considère comme un sculpteur, dans
les techniques à froid, principalement la gravure et le une démarche de recherches expérimentales.
sablage, reprend, en 1985, l’atelier familial (créée en
1928). Sa technique de gravure relève d’un savoir-faire Au travers de techniques traditionnelles, ces plas-
transmis de génération en génération, qu’il a su per- ticiens verriers déambulent au fil d’expérimentations
fectionner et en faire aujourd’hui sa signature. Dans dont ils se nourrissent. Ces approches du matériau
le respect de la tradition, il retravaille le verre en en- verre vont être au cœur de leurs démarches artis-
tamant la surface avec un abrasif, le corindon, projeté tiques, et vont leur permettre de s’approprier un sa-
à grande vitesse à l’aide d’air comprimé, afin d’y faire voir-faire qu’ils vont développer au fur et à mesure de
apparaître motifs et lumière. leurs explorations. Cette nouvelle forme de création, à
la croisée de l’art et de l’artisanat, s’axe non plus sur la
Délaissant la production de commande et de série au maîtrise d’une technique traditionnelle, mais sur l’ex-
profit de la décoration et de la création avec le verre « périmentation comme expérience.
float » comme matériau de base, sa démarche va s’in-
scrire à cheval entre l’art et l’artisanat. Celui-ci d’ail-
leurs ne cherche pas à prendre position, ni à se limiter
qu’à une seule étiquette ; Gilles Chabrier se définit à
la fois, comme étant, d’un côté, un artiste et de l’autre
un artisan.
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
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l’artisan,
au coeur de la recherche?
SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
“ En recherche, on est par- De nos jours, un artiste est un individu qui, grâce à la
fois le maître , parfois maîtrise d’un art, d’un savoir, d’une technique, va créer
une œuvre suscitant une émotion, un sentiment, une
l’éléve. “ réflexion.
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1.Néo-artisans verriers: l’expérimentation comme expérience
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
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1.Néo-artisans verriers: l’expérimentation comme expérience
Perrin & Perrin, afin d’inventer ce fameux verre. Cette différentes techniques artisanales, ses recherches
« victoire » de l’artisanat verrier sur l’industrie prouve aboutissent à des accidents, des essais et des inexacti-
les qualités irréfutables du travail fait-main. tudes qui peuvent alimenter ainsi le secteur de la créa-
tion. Cette ligne fine, entre arts appliqués et beaux-
« Ces interventions artistiques sur des projets archi- arts, articule son processus de recherche, qui définit
tecturaux », comme l’évoquent Jacki et Martine, sont cette artiste comme un néo-artisan du verre.
le fruit de recherches, de déambulations, de chem- Ainsi, l’une de ses créations, la mousse de verre, dont
inements autour du verre, au travers de techniques le secret de fabrication réside dans la maîtrise d’une
traditionnelles qu’ils ont su faire évoluer. Leur art ne cuisson afin d’empêcher les gaz de s’échapper, pour-
correspond pas à la maîtrise d’une technique, mais à rait éventuellement devenir un matériau applicable
la découverte et à la maîtrise d’un matériau indomp- dans le domaine de l’architecture et du design.
table.
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
L’ARTISANAT, LABORATOIRE DE RECHERCHES Dans la continuité de son travail sur le verre vivant,
POUR L’INDUSTRIE? Bernard Pictet a également exploré les interactions
possibles entre le verre et l’image en collaboration
avec le VIDE, une agence et laboratoire du « Design
Virtuel » créés par Philippe Schiepan. En ajustant la
Après avoir été longtemps mis à l’écart par semi-transparence du verre, les ateliers réalisent des
le phénomène d’industrialisation, celui-ci doit con- éléments verriers décoratifs donnant l’impression que
server une longueur d’avance en conciliant les notions l’image évolue librement dans le verre. L’écran devient
de patrimoine et d’avant-garde. Dans une société en une cloison dont l’esthétique s’adapte au contenu
perpétuelle mutation, si celui-ci, veut subsister, il doit audiovisuel et à son environnement architectural.
s’adapter et innover pour survivre (fondement du dar- Dans le même esprit, les ateliers de Bernard Pictet ont
winisme social), comme le soutenait déjà Jean Paquet, exploré les possibilités qu’offre la projection d’imag-
ancien président de l’Assemblée Permanente des es grâce à un traitement breveté, en dosant la trans-
Chambres de métiers, dans les années 80 : «Il faut que parence du verre et donner toute forme ou intensité
les artisans accèdent aux nouvelles technologies […] à l’image projeté sur une plaque de verre. De même
L’innovation est la clé du renouveau artisanal. » pour le verre optique. Bernard Pictet s’intéresse à des
effets décoratifs et spectaculaires, que peuvent don-
L’irruption de la technologie, que nous connaissons ner les lentilles et les hologrammes optiques.
actuellement, ne doit en rien entraver le savoir-faire
propre à l’artisan, mais accompagner celui-ci dans
une quête de constante évolution, et la recherche
d’un esthétisme émotionnel. En s’appropriant les in- Ces recherches constantes d’innovation au sein de
novations technologiques, les entreprises artisanales ces laboratoires artisanaux sont autant de territoires
verront émerger des processus créatifs différents, tout d’explorations qui peuvent susciter l’intérêt de l’in-
en restant dans le respect de la tradition. Ainsi dével- dustrie du verre. En témoignent le procédé de la
opperont-elles de nouvelles techniques, de nouvelles sérigraphie et l’impression numérique sur verre. Ces
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2.L’artisanat, laboratoire de recherches pour l’industrie?
nouveaux procédés industriels, inspirés des procédés est l’exemple-même. Devenue danseuse de Saint-
artisanaux de décorations sur verre, sont une sim- Gobain, celle-ci lui permet de conquérir le marché de
plification et une vulgarisation du travail de l’artisan la restauration de monuments, de vitraux, d’œuvres
par les machines. Ces techniques, dépendantes des d’arts…
moyens technologiques, se retrouvent intégrées au En combinant ses prouesses technologiques avec un
sein de grands groupes industriels verriers à l’image savoir-faire artisanal, Saint-Gobain souhaite s’ouvrir de
de Saint-Gobain. Le « dynamisme technologique » nouvelles voies d’exploitations. Ainsi stimulée par les
auquel se confrontent ces entreprises artisanales ne expérimentations menées par les artisans, l’industrie
faciliterait-elle pas également la transmission de leurs verrière ne cessera de se renouveler.
savoir-faire à l’industrie du verre plat ?
La collaboration entre Guillaume Saalburg et l’entre-
prise Saint-Gobain prouve également cet intérêt gran-
dissant qu’a l’industrie verrière pour l’artisanat de la « Le plus grand dilemme au-
décoration sur verre. Grâce à sa compétence d’artisan
verrier, à ses connaissances sur la maîtrise du verre, les
quel est confronté l’arti-
besoins des architectes et de ses qualités esthétiques, san-craftsman moderne tient
Guillaume Saalburg a développé un procédé, jusque- à la machine. Est-ce un out-
là artisanal, pour produire industriellement des verres
dépolis à l’aspect sablé. il amical ou un ennemi qui
remplace le travail de la
La démarche créative initiée par Perrin & Perrin ou- main de l’homme ? »
vre également la voie à de nouvelles qualités esthé-
tiques et techniques encore explorées par le domaine Richard Sennett,
de l’industrie verrier. Ces dernières sont difficilement Ce que sait la main.
applicables à l’architecture puisqu’elles font preuve
d’une recherche approximative et chronophage.
Néanmoins, il leur arrive de concilier leur savoir-faire
dans le domaine de l’architecture ou du design. C’est
ainsi le cas pour les luminaires de l’Opéra de Pékin,
conçu par l’architecte Paul Andreu, en 2007. En raison
de la dimension du projet, ils ont dû s’adapter afin de
pouvoir combiner leur savoir-faire à des techniques de
conception beaucoup plus industrielles. Ce procédé
de production semi-industrielle, qu’ils ont établi spé-
cialement pour le luminaire du Grand Théâtre Nation-
ale de Chine, leur a permis de rapprocher leur pro-
cessus de création (une seule pièce) à une production
beaucoup plus étendue.
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SCULPTEURS DE LUMIÈRE La paroi de verre, entre tradition et modernité
en haut: Luminaire de l’Opéra de Pékin, Perrin & Perrin en collaboration avec Paul Andreu
en bas: Verre cinétique présenté dans le salon de lecture conçu par les architectes Bismut & Bismut pour AD Intérieurs
2014: Décors à vivre.
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BIBLIOGRAPHIE
Livres
HAMON Maurice,
Du soleil à la terre, histoire de Saint-Gobain,
Éditions Jean-Claude Lattès, Paris, 1999, 269 p.
SENNETT Richard,
Ce que sait la main. La culture de l’artisanat,
Éditions Albin Michel, 2010, 410 p.
YANAGI Soetsu,
Artisan et inconnu, la beauté de l’esthétique japonaise
L’asiathèque, 1992, 168 p.
Articles de presse
Sources électroniques
Architectures de la transparence
http://revues.mshparisnord.org/appareil/index.php?id=138#tocto1n2
Architecture et lumière
http://www.crdp-montpellier.fr/themadoc/Architecture/reperes2.htm
Entretiens
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