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Yvon Desportes

« Der althochdeutsche Isidor »


Übersetzung ins Französische mit Kommentar

Diese Übersetzung versteht sich als ein Beitrag der französischen Germanistik zur
Erforschung der Anapher, der Korrelation, der anaphorischen und korrelativen
Satzverbindungen im Älteren Deutsch1. Das erste Ziel dieser Übersetzung ist es,
französischen Germanisten den Text zugänglich zu machen und ihnen den Zugang zu
dessen syntaktischen Analyse zu erleichtern. Darüber hinaus soll diese französische
Fassung einen Einblick gewähren in die Originalität des fränkischen Textes dem
lateinischen Modell gegenüber, ganz besonders in dessen Behandlung der Anapher, der
korrelationen und der Satzverbindungen überhaupt. Damit soll Fehlurteilen zu diesem
Text und zur althochdeutschen Literatur überhaupt, die in Frankreich ein zähes Leben
haben und heute noch unüberprüft angenommen werden, etwas abgeholfen werden.
Behandelt man den Text als einen Text und versucht man ihn als Text zu verstehen, so
last sich vieles nicht mehr sagen.

Die hier vorgeschlagene Übersetzung des Althochdeutschen Isidor beruht auf der
Ausgabe von Hans Eggers2 Die Fragmente von Kapitel I eignen sich schlecht für eine
Übersetzung und sind beiseite gelassen worden.

Was die Umstände angeht, in denen Isidor von Sevilla sein Traktat geschrieben hatte
und in denen diese Kapitel später ins Fränkische übersetzt wurden : ich verweise auf
meinen Artikel von 20033.

Die Fussnoten, die die Übersetzung begleiten, befassen sich weitgehend mit Problemen
der Anapher, der Korrelation, der Satzverbindungen und der binären Strukturen4.

Dass der Ahd. Isidor sich in eine andere moderne Sprache übersetzen last, ist ein
Beweis mehr dafür, dass er nicht nur eine Fundgrube ist für Belege in der Phonologie
und in der Morphologie bedeutet, sondern auch eine ausserordentliche Quelle von
Informationen für die Geschichte der Verwendung und der Handhabung der Sprache
darstellt.

1
Ich verweise hier auf : Yvon Desportes : Zu „huu-“, „ir“, „th-“, „these“ im ahd. Isidor. Vorbemerkungen
zu einer Analyse der Korrelate und Korrelatverbindungen im ahd. Isidor. In: Festschrift für Heinrich
Tiefenbach. Universitätsverlag Winter, Heidelberg. (34 pages) und auf Jean Haudry : Parataxe, Hypotaxe
et corrélation dans la phrase latine. In : Bulletin de la Société de Linguistique de Paris N° 68, 1973, S.
147-186.

2
Der Althochdeutsche Isidor. Nach der Pariser Handschrift und den Monseer Fragmenten, neu
herausgegeben von Hans Eggers. Tübingen, 1964.
3
Yvon Desportes : «Auh im Althochdeutschen Isidor», in Yvon Desportes (Herausgeber) : Konnektoren
im älteren Deutsch, Akten des Pariser Kolloquiums, März 200. Heidelberg, 2003, p. 271 à 319.
4
Jean Haudry : Les fondements traditionnels de la comparaison en indo-européen.Publié dans : La
comparaison », Linguistica Palatina, Colloquia III. Actes du Colloque tenu les 23 et 24 Novembre 1984
par le département de linguistique de l’Université Paris IV-Sorbonne, réunis par Paul Valentin. Paris
1989.
2

ISIDORE CHAPITRE II : Mystère de la divine nativité de Christus

II § 2. «...Et les gonds du disque terrestre5. Lorsqu’Il établissait les Cieux, j'étais
présent: lorsque, traçant sur l’ Abîme des Eaux6 un cercle7, il les environnait d’un
pourtour au statut précis8, lorsqu'il posait les fondements de la terre, j'étais avec Lui,
réglant l'ensemble de toute chose.» (Prov. 8 ; 24-27 ; 29-30)

II § 3. Telle est donc l'autorité par laquelle il est définitivement tiré 9 au clair (que) le Fils
a été engendré par le Père avant tous les siècles. En outre 10 ce qui nous est enseigné ici,
c’est aussi que c'est par le Père, à travers ce Fils, que tout a été créé11.

Mais voilà que, reprenant à nouveau les recherches, on se demande comment ce même
Fils a été engendré, alors que sur le mystère de sainte Nativité le père ne dit rien 12. De ce
mystère, l'Apôtre ne dit rien. Le Prophète quant à lui n'a rien trouvé de certain, l'Ange

5
«mittingardes erdhâ» pour le latin «orbis terre». Le terme ‘mittingart’ est attesté au total quatre fois dans
le texte. Les trois autres occurrences représentent la traduction de «mundus», en V, 10 : endi dhazs
mittingart firleizssi diubilô drugidha endi auur aruuegôdi zi sînes scheffidhes huldîn. (Omissisque mundus
demonum simulacris reconciliaretur gratiae conditoris.) ; en V, 11 : sô sama auh uuard chiquhedan dhazs
ir bî mittingardes nara chirîsta chimartirôt uuerdhan ( … quia sicut propter redemptionem mundi illum
dicit nasci ita et pati oportuit.), et IX, 11 : Ioh auh dhiu selbâ stat chischeinit uundarliihhêm zeihnum dhes
sînes aeruuirdhighin chiuualdes sahha ioh zi imu chidhinsit allan mittingart. (etiam locus ipse coruscans
miraculis glorie sue causa ad se omnem contrahat mundum.). H. Eggers (Geschichte der Deutschen
Sprache I, p. 85 (Hamburg, 1980) : commente «Wenn lat. Orbis terrarum ‚Erdkreis’ durch mittingart
oder mittilgart wiedergegeben wird, so ist das keine genaue Übersetzung; hier wird ein altgermanisches
Wort, welches das Mittelreich zwischen Himmel und Unterwelt bezeichnet, umgemünzt. Es ist aber
seiner Bildung nach ein Kompositum und eignet sich daher formal recht gut zur Wiedergabe des
komplexen lateinischen Ausdrucks». «Mittilgart» est le terme employé dans le Tatian p. ex. 179, 1 à 3
pour traduire «mundus». Dans Wulfila, «midjungards» désigne la terre habitée, le cercle terrestre. Le vn.
Miðgarðr est aussi le lieu de la résidence des Dieux. Il est possible de voir dans la solution du traducteur
d’Isidore d’une part l’exploitation du vocabulaire germanique hérité, avec les représentations païennes qui
y sont associées, et d’autre part dans l’usage de ‘erdha’, sémantiquement redondant, mais
fonctionnellement pertinent, un premier essai de restitution en langue francique de l’opposition «ciel» -
«terre» associée aux représentations propres au Nouveau Testament (Rom. 1, 18 ; Apocalypse 16, 11.21 ;
Hébreux 9, 24). Il est remarquable que l’on rencontre là, dans un GN complexe, l’ancien terme
(‘mittingart’) et celui qui le supplantera définitivement dans la terminologie chrétienne : les idées et les
représentations apportant avec elles les mots qui les désignent, «erdhâ» sera bientôt la seule traduction de
«terra» dans ce contexte.
6
Il s’agit ici des eaux du chaos primitif (Genèse I,2). Le texte biblique cité rappelle que dans la
cosmologie de l’époque, la terre repose sur les eaux où elle est soutenue par les fondements que sont les
montagnes.
7
Il faut entendre ici la ligne de l’horizon, à la séparation de la voûte céleste et de la terre.
8
L’adjectif «erchan» de «mit ercna êuua» est absent de tous les dictionnaires. Seul Pokorny le cite, sous
l’entrée «*are-g» (p. 64) et y voit un représentant de l’idée de luminosité, de pureté et d’authenticité. Le
latin «certus» ainsi rendu, invite à voir dans «erchan» l’idée de «pureté rigoureuse», de «rigueur», de
«précision».
9
Dans toute la mesure du possible cette traduction rend les préverbes du texte original par un verbe
français. Ici «ar-marit» est rendu par «ar -» «tirer» et «mar-it» par l’idée de clarté.
10
Ici le francique fait deux phrases de la phrase latine : II, 3. Tali igitur auctoritate ante omnia secula
filius a patre genitus esse declaratur, quando a patre per illum cuncta creata esse noscuntur.
11
Textuellement : «…que fut tout ce qui a été créé.»
12
Le mot à mot donne «le mystère que le père fait de sa sainte nativité est bien gardé».
3

n'a rien su, la créature n'a rien connu. Isaïe confirme, qui dit : «Qui dira explicitement13
sa génération ?» (Is, 53, 8)14

Voilà pourquoi, si le Prophète n'a pu explicitement conter sa nativité, qui se fera fort de
la comprendre, qui se fera fort de savoir comment le Fils a pu être engendré par le
Père ?15

II § 4. C’est bien ce à quoi il est fait encore allusion dans le Livre de Job :

«La Sagesse de Dieu le Père, où la trouveras tu ? Elle qui se cache aux yeux des
hommes et qui aux oiseaux du ciel est totalement inconnue » (Job 28 ; 20-21)

C'est à dire qu'elle est inconnue même aux anges mêmes. Même chose encore au même
endroit :

«Les racines de la Sagesse, à qui ont elles été révélées ?» (Ecclésiaste 1, 6)

L'origine, de toute évidence, en est le Fils de Dieu. C'est pourquoi ce qui se situe au-
dessus même de l'intelligence, voire de la connaissance des anges, qui, parmi les
hommes, peut le16 conter ?

II § 5. Donc nous devons savoir qu’il n’est connu que du seul Père comment Il a
engendré le Fils, et que seul le Fils sait, comment Il a été engendré par le Père.

13
Selon le principe de traduction des préverbes annoncé ci-dessus, le préverbe «chi -» de «chirahhoda»
est ici rendu par «explicitement».
14
Le traducteur remanie l’organisation du texte par rapport à l’original latin. La traduction francique,
sémantiquement complète, comporte un ajout (le silence du père). La phrase latine initiale et scindée en
deux phrases franciques (…, quando… / …. Dhanne…). La seconde phrase latine est de même scindée en
deux phrases, faisant surgir une corrélation de déictiques propre au germanique qui n’a pas d’équivalent
dans la phrase latine (Dhazs suahhant auur nu …. Dhazs ni saget apostolus …). La première partie de la
phrase fait elle-même apparaître une intéressante corrélation «dhazs … huueo….» où la lecture de
«huueo» comme introducteur d’interrogative indirecte ne s’impose pas puisque «dhazs» est l’objet de
«suohhant». Si cette lecture est correcte, elle permet de situer un peu avant Jean Haudry l’apparition en
allemand de la corrélation impliquant «d -» et «kw -», avec inversion du diptyque et sans trace visible du
relais par la construction «so kw- so……»
15
la construction du texte francique est asyndétique : la base «erchenn -» a deux compléments, le premier
«sia», accusatif féminin singulier qui renvoie au GN dont la base est «chiburt», et le second complément
est le GV introduit par «hueeo», qui représente une reformulation du premier complément. Peut-être n’est
il pas trop osé de voir là dans le second complément une apposition au premier, et nous serions alors en
présence d’une corrélation de type «*yo … k w -», «hueeo» n’étant pas nécessairement l’introducteur
d’une interrogative indirecte. On peut estimer que ces situations sont pour le moins des situations limites
entre corrélation et interrogative indirecte et se demander si, dans la perspective d’une analyse corrélative,
on assiste à des tentatives originales, indépendantes du modèle latin, de recours au diptyque inversé ou si
au contraire nous sommes en présence des derniers vestiges de cette tournure dans les dialectes qui
conduisent à l’allemand.
16
Le texte atteste ici une corrélation de type : «dhazs (ce qui) ….. izs (cela) ….» avec antéposition de la
relative, qui correspond à une relative antéposée latine, sans marquage de l’antécédent.
4

Or voilà qu’on se met encore17 à chercher à comprendre la façon dont le Fils est
engendré, au prétexte qu'un fils ne peut naître que de la rencontre de deux êtres 18. Eh
bien19 ! une naissance de ce genre aurait la nature périssable des phénomènes mortels.

Christus en effet jaillit en étincelle du Père comme la splendeur de la lumière, comme la


parole de la bouche, comme la sagesse du coeur.

CHAPITRE III QUE CHRISTUS EST MAITRE ET SEIGNEUR

III § 1. Après la mise en lumière20 du mystère de la divine nativité de Christus,


démontrons tout de suite qu’il21 est Christ (Oint), c’est-à-dire à la fois Dieu et Seigneur,
par exemples des Saintes Ecritures pour cela fournis.

Si Christus n'est pas Dieu, en faveur duquel22 il est dit dans les Psaumes :

«Ton trône, (ô) Dieu, subsistera dans le siècle du siècle ; ce sera un sceptre d'équité que
le sceptre de ton règne ; tu as chéri la justice et détesté l'iniquité, et c'est pour cela que
T'a oint Dieu, ton Dieu, d'une huile de justice d'une manière plus excellente qu'Il n'a
oint ceux qui partagent le sort royal avec Toi23» (Ps 44, 7-8) ?

17
Le texte original dit «so sama auh …» («de la même façon» ), qui reprend le II, 3 : «Dhazs suahhant
auur nu ithniuuues, huueo …», passage traduit ici ci-dessus par «Mais voilà que, reprenant à nouveau les
recherches, on se demande comment ce même Fils a été engendré,»
18
Est donc ici exposé l’argument de l’adversaire, introduit par «bidhiu huuanda», immédiatement
repoussé. Le locuteur met en jeu plusieurs énonciateurs.
19
Le «endi» en tête de phrase marque ici le changement d’énonciateur dans le maniement de la
polyphonie. Sa valeur est forte puisqu’il accomplit à lui seul la même fonction que la mise en V1 du
verbe latin «Habeat» d’une part et à l’incise «inquam» d’autre part qui oppose le locuteur énonciateur aux
énonciateurs antérieurement mis en scène.
20
«after thiu thaz» est un exemple de corrélation de déictiques «d- ….. d-……». Dans la langue d’Otfrid,
le second est grammaticalisé en fonction de subordonnant, le premier indique la fonction du GV
dépendant introduit et nominalisé par «dhazs».
21
La tournure francique présente la corrélation «izs archundêmes, dhazs er ….».
22
Le texte francique diffère ici du texte latin. Le texte latin est construit sur un « cui » interrogatif. En
francique, le texte dit non pas « en faveur de qui … ? », mais « en faveur duquel…. » : la dernière phrase
de III, 1 est en soi une phrase et un énoncé incomplets, en attente de la principale interrogative qui,
macrostructurellement, enjambe le paragraphe et figure en ouverture de III, 2. Le texte atteste
suffisamment d’interrogatifs « huu -» pour qu’il soit permis de poser que « huuemu » eût été possible.
Voir p. ex. III, 4 : « zi huuemu … ? ». Nous sommes donc en présence d’une autre distribution du texte,
avec un énoncé enjambant deux paragraphes, technique de traduction qui n’a pu servir que des fins de
mise en relief et donc, de rhétorique.
23
Les explications de Adolf Martin Ritter dans «Handbuch der Dogmen-und Theologiegeschichte», Band
1, 2. Auflage, Göttingen, 1999, p. 224 et suivantes, à propos de Origène permettent de bien comprendre le
fond du débat. Le problème pendant le quatrième siècle est non seulement de savoir si le Logos qui
procède du Père est Dieu lui-même, mais aussi de savoir «Inwiefern Christus wirklich Mensch war. Und
inwiefern war er zugleich Gott. Das blieb ungefähr 300 Jahre das eigentliche Thema der orientalischen
Theologie». Pour rendre compte de l’état de la réflexion christologique et des débats qui conduisent à
Nicée, il renvoie à Origène : «Für ihn ist –getreu der Glaubensregel – die Inkarnation (…) die
entscheidende Erlösungstat (…). Origines betont, daß der Gott-Logos bei seiner Menschwerdung einen
sterblichen Leib und eine menschliche Seele, oder (….) einen ganzen Menschen aus Leib, Seele und
Geist angenommen habe. (p. 224). Ritter poursuit : „es [liegt] in der Logik des origenischen Systems,
wenn er sich den Abstieg des Erlösers zum Werk der Befreiung der in die Materialität verstrickten
Menschenseele zunächst und vor allem als Verbindung des Logos mit einer (präexistenten) Seele
vorstellt, und zwar einer solchen, die im Unterschied zu allen übrigen von Anbeginn der Schöpfung an in
5

III § 2. «Quel est donc ce dieu, oint par un dieu ?»

Aux Incroyants de nous répondre !24


Dire : nous répondraient les incroyants.

Le voici : c'est le dieu que l'on appelle l'Oint de Dieu, et c'est sans cesse que Christus est
par l'onction même désigné, quand il est question de Dieu Oint. Quand en effet tu
entends dire «Dieu oint», comprends donc que c’est à l’évidence «Christus» qui est
désigné, car c’est de «chrisma», c'est à dire d' «onction» que Christus en effet reçoit son
nom. Ce Christus, c'est de Lui que sous la figure de Cyrus, à travers un texte d'Isaïe, le
Père atteste qu'il est ainsi Dieu et Seigneur, quand Il dit :

«Voici ce que dit le Seigneur à mon Oint, Cyrus, dont j'ai pris en main la dextre afin
de25 mettre à ses pieds les nations devant sa face et de lui montrer le dos des rois en
fuite, afin d'ouvrir devant lui les portes, et qu'aucun vantail ne lui soit fermé : «Je
marcherai devant toi et j'humilierai les Grands de la Terre, je romprai les portes
d'airain, je briserai les gonds de fer, je te donnerai les trésors cachés, afin que tu
comprennes le Sacré Mystère26. Car je suis le Seigneur, qui 27 Dieu d'Israël (=Le
Seigneur, le Dieu d'Israël qui...) t'ai donné ton nom.» (Is, 45 ; 1-3)

III § 3. Sous la figure de Cyrus, en effet 28, c'est Christus qui a été annoncé, Lui à qui 29
sont soumises au joug les nations dans la foi, ainsi que les royaumes. D’autre part nul
autre, au Royaume d'Israël, n'a été Cyrus appelé. Que si quelqu'un croit que cela a été
annoncé au sujet de Cyrus roi des Perses, - qu'il le sache - c'est absurde et sacrilège de

der ungeteilten Hingabe an die göttliche Wahrheit, das wahre Licht, verharrte und deshalb die Fähigkeit
besaß, den Logos ganz einfach in sich aufzunehmen und mit ihm „ein Geist“ zu werden (1 Kor 6, 17). Sie
war es, von der es Ps. 44, 8 heißt «Du liebtest Gerechtigkeit, du haßtest gottloses Wesen ; darum hat dich
Gott, dein Gott, gesalbt mit Freudenöl mehr denn deine Gefährten». Dabei bedeutet die «Salbung mit
Freudenöl» nach Origenes das Erfülltwerden mit heiligem Geist ; der Zusatz «mehr denn deine
Gefährten» gebe hingegen an, daß der (präexistenten) Seele Jesu als Lohn für ihr liebendes Anhängen
nicht wie den Propheten (nur) die Gnade des Geistes zuteil werde, sondern die Einwohnung des Logos in
seiner «wesenhaften Fülle» (substantialis plenitudo». Pour plus de détail sur les aspects théologiques et le
contexte des débats, je renvoie au travail de A.M. Ritter et à ses sources.
24
En relation avec la note 28 : si le subjonctif latin s’interprète en « nous répondraient-ils », le subjonctif
francique ici s’interprète nécessairement comme une mise en demeure de répondre, comme un défi. Cela
en raison des modifications apportées par le texte francique à l’économie macrostructurale du passage.
D’où le « nu » de « see hear nu .. » qui ouvre la phrase suivante, où le locuteur répond directement à la
question qu’il pose, vouée dans son esprit à rester sans réponse.
25
Le texte latin fait figurer un subjonctif après « ut » : « ut subiciam ante faciem eius gentes et dorsa.
regum uertam et aperiam ante eum ianuas, et porte, non claudentur ». Le texte francique en revanche
atteste un indicatif : dhazs ih fora sînemu anthlutte hneige imu dheodûn, endi ih uuendu imu chuningô
hruccâ endi ih antluuhhu durî fora imu, endi dor ni uuerdant bilohhan. ». Il n’y pas lieu d’y voir une
différence de syntaxe et de sémantique entre le subjonctif allemand et le subjonctif francique, mais bien
plutôt une différence de visée du texte latin et du texte francique, lequel envisage l’atteinte du procès
alors que le texte latin met l’accent sur l’intention.
26
Le texte francique s’écarte sur ce dernier segment de phrase du texte latin (… et archana secretorum, ut
scias …)
27
l’antécédent de «ther» est «ih». la structure est «ih …, ther ….».
28
Le « chiuuisso » du texte francique est justifié par la reprise des termes du texte d’Isaïe dans le discours
du locuteur. Il s’agit du marquage de l’énoncé qui exprime une confirmation.
29
La structure v.h.a. est «Christ ….., fora themu sindun ….»
6

croire30 qu'un homme impie et adonné à l'idolâtrie soit appelé Christus, dieu et seigneur.
C’est aussi ce pourquoi dans la traduction LXX, il est écrit non pas «à mon oint,
Cyrus», mais «Voici ce que le Seigneur a dit à l'Oint mon Seigneur». Ce qui31 sans nul
doute est avec la même clarté32 à entendre comme ayant été dit de la personne de
Christus notre Seigneur.

III § 4. Si Christus n'est pas Dieu33, comme diraient34 des Juifs, de qui donc Dieu aurait
il parlé dans la Genèse, quand il dit

«Faisons l'homme à notre image et ressemblance» (Gén. 1, 26)

Il est en effet joint immédiatement après :

«Et Dieu créa l'homme à son image, et c'est à la ressemblance de Dieu qu'Il le créa.»
(Gén. 1, 27)

Qu'ils cherchent donc quel35 est le Dieu qui a créé, ou ressemblant en divinité à quel 36
Dieu Il a formé l'homme qu'Il créa.

III § 5. S'ils répondent que c'est à l'image des anges 37, un ange n’est-il pas précisément à
l’image de Dieu ? Pourvu qu'une grande distinction soit établie entre l'image de la
créature et celle de Celui qui la créa ?38 Ou39 un ange a-t-il pu, comme Dieu, former
l'homme ?40 Ainsi voir la chose est de grande démence. Pareil à qui donc faut-il dire
30
La construction de «dhazs izs uuidharzuomi endi heidhanliih ist eomanne zi chilaubanne, dhazs…»
contient en eomanne zi chilaubanne un représentant représentant v.h.a. des doubles datifs i.-e. décrits par
Jean Haudry références : …..
31
La tournure latine est celle d’un relatif de liaison. L’équivalent francique est « endi ioh dhazs ….». La
tournure francique se double d’une structure corrélative : «dhazs ….. dhazs dhiz …..». Le texte francique
est amplifié par rapport au texte latin et ajoute « nu unzuuiflo so leohtsamo zi fitstandanne, dhaz dhiz … »
32
Le « so » de « so leohtsamo zi firstandanne » impose une inteprétation par le contexte. Le plus probable
est ici que le comparant est la clarté de l’argument qui précède : « c'est absurde et sacrilège de croire
qu'un homme impie et adonné à l'idolâtrie soit appelé Christus, dieu et seigneur », c’est au nom de la
clarté de cet argument qu’est prédiquée la clarté de l’interprétation du nom de Cyrus que propose le
locuteur.
33
Variante : «Si Christus n’est pas Dieu, qu’ils nous disent de qui Dieu a parlé dans la Genèse, quand il
dit …». Pour l’interprétation sur le fond : la question donne à penser l’auteur du texte original considère
que Dieu a créé directement J.C. en formant Adam, mais que le dit J.C. ne s’est dégagé qu’après la Chute.
Adam serait un J.C. provisoire. Tel est manifestement le présupposé de la question posée.
34
Dans toutes ces occurrences conditionnelles, le subjonctif francique fonctionne comme le subjonctif
latin correspondant.
35
C’est ici «huuelih» adjectif qui est traduit.
36
Ici «huuelihes» est pronom anaphorique (reprend « got »). Il introduit l’interrogative indirecte
coordonnée.
37
<qu’Il a formé l'homme qu'Il créa >
38
variante explicitante de la traduction : «nous faut-il par hasard admettre [comme le fait l’adversaire]
qu’un ange ait même image qu’un Dieu ? En stipulant qu’il y ait [car il faut bien comprendre que …]
nécessairement une grande distance de l’image de la créature <à celle du> Créateur ?»
39
Variante explicitante, mais qui perd la polyphonie : «Ou bien encore, nous faut-il par hasard admettre
avec l’adversaire qu’un ange ait pu s’associer à un dieu pour faire un homme ? / Ou bien nous faudra-t-il
croire/admettre qu’un ange …..»
40
La séquence «un ange a-t-il par hasard …. pour former l’homme ?» n’a de sens que comprise comme le
produit d’une double opération polyphonique : le contenu propositionnel de ces interrogatives représente
la justification que l’énonciateur-adversaire donne à sa réponse («à l’image des anges» ). Si le locuteur
7

qu’il a été formé ou à l'image de qui l'homme a été formé, si ce n'est à celle de celui
dont l'image41 ne fait qu'un avec Dieu et qui a avec lui pour nom celui de Dieu ?

III § 6. Pareillement, si Christus n'est pas seigneur, quel est le seigneur qui fit choir une
pluie de feu sur Sodome de par le Seigneur ? Ainsi en effet dit la Genèse :

«Et le Seigneur fit pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe le soufre et de feu de par le
Seigneur» (Gen. 19, 24)

En ce verset, que nul n'en doute, se trouve assurément la Seconde Personne, c’est-à-dire
le Christ Seigneur42. Car quel est ce puissant seigneur, sinon sans nul doute, le Fils
procédant du Père, Celui qui toujours émis du même Père eut pour coutume de
descendre du Ciel43 et de monter ? Par ce témoignage il est montré aux yeux de tous
avec la plus grande clarté que non seulement il n’y a qu’un Dieu, mais encore que les
personnes du Père et du Fils sont distinctes.

III. § 7. Pareillement, si Christus n'est pas seigneur 44, de qui David dit il dans le
Psaume :

«Le Seigneur a dit à mon seigneur : «Assieds toi à ma droite»,(Ps 109, 1) ?

lequel45 Christus, même si46 l’on admet qu’il puisse être fils de David selon la chair, n'en
est pas moins selon l'esprit saint son Seigneur et son Dieu ? Si Christus, nous dit-on 47,
n'est pas Seigneur, de qui David conte-t-il dans le Livre des Rois :

«Parole de l'homme à qui haute place a été donnée au sujet de l'Oint du Dieu de Jacob,
l'incomparable Psalmiste d'Israël : «L'Esprit du Seigneur a parlé par moi, et sa parole,
par ma langue » . (Reg. 23, 1-2) ?

intègre la justification donnée par l’adversaire à sa propre énonciation, qui a la forme de questions
rhétoriques adressées à tout destinataire, ce n’est que pour mieux amener l’adversaire à se perdre dans ses
contradictions et pour amener tout lecteur à se ranger du côté du locuteur. Du point de vue linguistique, il
semblerait que ‘inu’ joue un rôle dans le marquage du changement d’énonciateur. Cette hypothèse devra
donner lieu à vérification.
41
Alors que le latin ‘imago’ est rendu en III, 4 par « (ana)chiliih », il est rendu en III, 5 par
« anaebanchiliih » et par « anaebanliih », donc en ayant recours au lexème « eban » dont le sens marque
de toute évidence plus fortement l’identité que « chi-liih ».
42
Ou : le Seigneur Oint.
43
Dans le texte francique «fona himila» est un ajout par rapport au texte latin.
44
Cette question qui comme celle de III, 5 a pour contenu propositionnel le point de vue de l’adversaire
(polyphonie) est, comme la question en III, 5, introduite par «inu», ce qui renforce l’hypothèse d’un lien
entre «inu» et la texture polyphonique de l’énoncé. Toutefois en III, 4, la même question, dans le même
contexte ne comporte pas la particule «inu» : «Ibu Christ got nist …». De même en III, 6 : Endi auh ibu
christus druhtin nist…». De même en III, 8 : Ibu nu Christ druhtin nist …
45
Le latin commence la phrase par un relatif de liaison, le texte francique ne fait pas ici usage
d’anaphorique. Dans la principale, le sujet est repris par « ir ».
46
La construction est «dhoh» en position initiale de la phrase, avec le subjonctif présent du verbe, le GV
au subjonctif précédent le GV à l’indicatif lui-même introduit par «oh chiwisso».
47
Il s’agit de rendre l’opposition entre «ibu christus druhtin nist» et «Nibu christus druhtin sii».
8

III § 8. Pareillement, si Christus n’est pas seigneur, quel est ce grand Seigneur des
Armées qui devait être par le Seigneur des Armées envoyé ? Paroles de Yahvé qui
s’exprime en personne à travers Zacharie :

«Voici ce que dit le Seigneur Dieu des Armées»

C’est pour se rendre gloire qu’Il m’a envoyé aux nations qui vous ont dépouillés 48 :
qui49 vous touchera touchera la prunelle de son œil. Voici : je vais étendre ma main sur
eux, et elles seront la proie de ceux qui50 les servaient à titre d’esclaves, et vous
connaîtrez que le Seigneur des Armées m’a envoyé»( Zacch. 2, 12-13)

III. § 9. Hé bien donc51, de qui est ce la voix, sinon du Seigneur notre Sauveur ? Lui
qui52, Dieu tout puissant, atteste qu’il a été envoyé par son Père Tout Puissant. Ainsi, il a
été envoyé aux nations pour rendre gloire à la Divinité, qu’il partageait avec son Père .
Quand il s’est soi-même abaissé jusqu’à la dernière limite, et eut pris forme d’esclave, il
s’est fait obéissant jusqu’à la mort. Et c’est encore lui qui parle en ce qui suit, disant :

«Chante des cantiques de louanges et sois dans la joie, fille de Sion, parce que voici que
je viens et que je viens habiter au milieu de toi, dit le Seigneur. Et en ce jour de
nombreuses nations s’attacheront au Seigneur et elles se transformeront en peuple mien
et j’habiterai au milieu de toi et tu sauras que c’est le Dieu des Armées qui m’a envoyé
à toi.» (Zach 2, 10-11)

III. § 10. Encore une fois, qui est donc53 ce seigneur envoyé par le Seigneur des Armées,
sinon, encore une fois, le seigneur Jésus Christus notre Sauveur ?

Reste à parler préalablement de l'Esprit Saint, de la divinité de qui 54 Job parle et dit
aussi qu'il est esprit de Dieu :
48
La tournure francique «zi dheodom, dhem euuuih biraubodon» révèle une attraction du relatif par
l’antécédent, si l’on tient à opposer une principale et une relative. On peut voir aussi dans «dhem euuuih
biraubodon» la nominalisation d’un GV en fonction d’apposition, et la phrase devient alors une phrase
simple. Si il est permis de bien voir ici une nominalisation, on pourra opposer les GV nominalisés définis
à translatifs « d -», les et groupes verbaux nominalisés indéfinis à translatif « wer/was ».
49
Le texte francique présente une corrélation «dher ……. Ø ……». La structure «dher iuuih hrinit»
représente une nominalisation du GV, elle a valeur de GN sujet «hrinit sines augin sehun».
50
Dans la structure «endi sie uuerdhant zi scaahche dhem im aer dheonodon» le datif de «dhem»
correspond à la fonction que «dhem» exerce dans la principale «endi sie uuerdhant zi scaahche». La
phrase doit se lire comme un phrase complexe présentant la corrélation «dher ……. Ø ……» où «dher»
est l’antécédent et Ø le corrélatif, soit comme une phrase simple dans laquelle «dhem im aer dheonodon»
est une translation nominale de GV, marquée au datif en dépendance de «sie uuerdhant zi scaahche».
51
Il y a manifestement une corrélation entre la présence de «nu» et le marquage linguistique du
changement de voix. Après s’être effacé devant celle du Prophète, le locuteur, qui conduit son discours,
reprend sa propre voix pour faire avancer sa démonstration.
52
Le pronom personnel de la troisième personne «ir», ici placé en tête d’un énoncé autonome, correspond
au pronom relatif latin «qui» introducteur de relative. Nous avons ici dans le texte francique soit une
extraposition emphatique de la proposition ouverte par «ir», soit un détachement emphatique de la
subordonnée qui aurait pour introducteur «ir». Il est enfin possible de poser que « ir » initial accentué a
même valeur que le relatif de liaison latin.
53
Le changement de voix est ici encore marqué par la présence de «nu» (le locuteur reprend la parole en
son nom propre après s’être effacé derrière la voix du prophète).
54
Le texte francique dit «fona dhes gotnissu (…) sus quhad iob» et illustre une coordination entre une
relative et une complétive : «fona dhes gotnissu ioh dazs ir gotes gheist ist, sus quhad iob ….»
9

«C'est l'Esprit du Seigneur qui m'a créé, et le Souffle du Tout Puissant qui m'a donné la
vie; voici que m'a, moi aussi, tout comme toi, créé Dieu.»

C'est au sujet duquel55 Esprit il avait dit56 en effet :

«C'est l'Esprit du Seigneur qui m'a créé» (Job 33, 4-6)

en l’appliquant à Dieu, il ajoute encore :

«Voici que m'a, moi aussi, tout comme toi, créé Dieu»

pour mettre sous les yeux que l'Esprit lui-aussi est Dieu.

CHAPITRE IV ATTESTATION DE LA TRINITÉ

IV §1 Il est manifeste, dans les écrits de l'Ancien Testament, que le Père, le Fils et
l'Esprit Saint sont Dieu.

C'est cependant ce que ces malheureux refusent de croire que le Fils et l'Esprit Saint
sont Dieu, pour cette raison que sur le mont Sinaï ils entendirent la voix du Seigneur
Tonnant :

«Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est le Dieu unique » (Deut 6, 4)

ignorant que dans la trinité le Dieu unique est Père et Fils et Esprit Saint, et qu'il n'y a
pas trois dieux, mais, en trois personnes, un seul nom d'indivise majesté.

IV § 2. Cherchons donc à nouveau dans les écrits de l'Ancien Testament. Cherchons


donc dans les écrits de l'Ancien Testament. De fait, au premier Livre des Rois il est
ainsi écrit :

«Parole de David, fils d'Isaïe, parole de l'homme à qui révélation fut faite, au sujet de
l'Oint du Dieu de Jacob, l'incomparable chantre d'Israël : «L'Esprit du Seigneur parle 57
par moi et sa parole passe par ma langue» (2 Sam 23- 1,3)

De qui d'autre part s'agissait il ?58 Puis, précisant qui est esprit appelé, il poursuit :
55
Traduit ici «umbi dhen selbun» où la tournure «ther selbo» joue le rôle de relatif de liaison.
56
Cette forme verbale rend le francique «aer» + prétérit de la forme verbale.
57
Le texte francique change le temps du texte de la Vulgate.
58
A la structure latine «Quis autem esset, adiecit :…» correspond en francique : «Endi saar dhar after
offono araughida, huuer dher gheist sii, dhuo ir quhad :….». La question latine, toute rhétorique,
correspond à la dramatisation de la présentation du texte biblique. Ce n’est ni du lecteur, ni de l’auditeur
ni de l’interlocuteur qu’est attendue la réponse, mais de la Bible elle-même. L’intégration, dans le texte
francique, de cette question dans le discours du locuteur, ne peut être justifiée par des considérations
rhétoriques. On peut voir dans cette régression l’effet d’une contrainte linguistique et penser que
l’antéposition de l’interrogative eût été interprétée, marquée à l’indicatif, comme une question directe
adressée au lecteur, à l’auditeur ou à l’interlocuteur, et, marquée au subjonctif, comme une reprise
rhétorique de la question. D’autre part le texte francique explicite le sujet du correspondant de «esset» : la
raison en est sans doute que «dher» comme «er» eussent renvoyé soit à «David», soit à «Got» soit à
10

«Le Dieu d'Israël m'a parlé, le juste, le fort dominateur des hommes d'Israël.» (Samuel,
II, XXIII, 3)

IV § 3. Lorsqu’il a dit en effet «Christ du Dieu de Jacob», il a voulu dire qu'il est et le
Fils et le Père. Lorsque de même il dit : «L'Esprit du Seigneur a parlé par moi», il a en
toute lumière et évidence fait entendre qu'il fallait reconnaître le Saint Esprit. C'est
David qui sur ce même sujet dit encore dans les Psaumes :

«C'est par le Verbe du Seigneur que les Cieux ont été affermis, et par le l’esprit de sa
bouche que s’est érigée toute la force des Cieux» (Ps 32, 6)

En effet, sous le nom du seigneur, nous entendons le Père, sous celui du Verbe, nous
avons foi dans le Fils. Dans le souffle de sa bouche nous reconnaissons l'Esprit Saint.
Par ce témoignage, telle est la vérité, se révèle et le nombre de la trinité et la
communauté d’œuvre des trois personnes divines.

IV § 4. Le même Prophète poursuit de même :

«Il enverra sa parole, il fera fondre tout cela, son esprit soufflera et les eaux
couleront.» (Ps 147, 18)

Voilà la Trinité : le Père (est celui) qui envoie 59, la Parole (est ce) qui est envoyée, et
son Esprit (est ce) qui souffle. Car il est encore écrit dans la Genèse :

«Au commencement Dieu créa le ciel et la terre, et l'Esprit de Dieu planait au-dessus
des Eaux» (Gén 1 ; 1-2)

alors sous le mot «Dieu», on lit «Père» ; en «commencement» se reconnaît son Fils,
car60 il dit

«En tête du Livre il est écrit de moi que je fasse ta volonté» (Ps. 39 ; 8-9.)
«Gheist» et que le traducteur contrairement à Isidore en latin ne peut pas s’en remettre aux facultés
interprétatives de l’adversaire pour assurer la levée de l’ambiguïté. Il précise donc et explicite «wer dher
gheist sii».
59
Le texte francique dit «fater ist, dher sendida». Plus bas IV, 4 (10) on trouve «Got ist dher qhuad»
(Celui qui a parlé est Dieu). Les deux structures s’opposent comme suit : dans «fater ist, dher sendida», la
groupe «fater» est le sujet et l’attribut est le GV nominalisé «dher sendida», alors que dans «Got ist dher
qhuad», il y a lieu de considérer que le sujet est «dher qhuad», qui représente une translation nominale de
groupe verbal (nominalisation), le translatif étant «dher» porteur de l’accent de groupe, et que l’attribut
est «Got». Ces translations nominales donnent des GN définis à déterminant «dher». Cette analyse de
«dher sendida» et de «dher qhuad» évite de construire un antécédent à signifiant Ø.
60
Le texte francique dit «huuanda ir selbo qhuad», en face du latin «qui dicit». Cette équivalence,
manifestement explicitante, signale sans doute que la relative causale est absente du francique. Les
exemples de relative ci-dessus attestent que le mécanisme de base de la relative est pourtant bien
constitué. Il y a donc lieu de penser que, la valeur causale de la relative étant un effet de sens en contexte
et non une propriété d’un certain type de relative, la relative francique n’a pas encore acquis cette valeur
où les propriétés sémantiques du contexte sont considérées par réinterprétation comme des propriété
sémantiques de la relative. Un tel processus réinterprétatif suppose une longue pratique de l’écrit qui n’a
pas encore pu faire son œuvre en francique. Le traducteur explicite : une relative descriptive diminuerait
la force de son argument qui repose sur l’axiome «c’est à ce qu’il dit que l’on reconnaît le Fils».
11

Celui qui a parlé est Dieu, et celui qui a fait est Dieu. Par la mention qu’il planait au-
dessus des Eaux, c'est l'Esprit Saint qui est signifié.

IV § 5. Autre chose61 ! C’est bien62 de cela même63 dont il est encore question lorsque
Dieu dit en cet endroit :

«Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance» (Gen. 1, 26).

L’emploi du pluriel des personnes est évidente preuve de la Trinité. Là, cependant 64,
afin de mettre en lumière l'unité de Dieu, il se hâte de dire : «Dieu fit l'homme à son
image» (Gén, 1, 27). Et, usant de la même tournure, Dieu ajoute immédiatement :
«Voici qu'Adam a été fait à l’image qui est celle 65 de l'un66 de nous», (Gén, 3, 22).
L'emploi même du pluriel met en vue le mystère de la Trinité.

IV § 6. C'est du mystère de cette Trinité qu'aussi Aggée le Prophète ainsi parle


ouvertement, disant au nom du Seigneur :

«Mon Esprit sera au milieu de vous» (Agg. 2,5).

Ici c'est le seigneur qui parle, aussi est-ce son esprit qui est immédiatement évoqué 67.
Sur la Troisième Personne, qui est (celle) du Fils, le même Prophète parle ainsi :

61
Si le latin «nam» sert à introduire un argument nouveau, sa traduction par «inu» permet de nuancer ce
qui a été dit dans les notes 40 et 43 sur «inu». «Inu» a semblé lié à la polyphonie. Cette analyse n’est pas
contradictoire avec la présence de «inu» dans le présent contexte : «inu» est associé à une rupture
brusque, rupture dans le choix des arguments (ici), changement soudain d’énonciateur (voir notes sur
polyphonie ci-dessus), voire comme ici une combinaison des deux.
62
Je rends ainsi «chiuuisso».
63
Je rends ainsi «so auh».
64
Le francique dit «dhoh dhiu huuedheru», où «dhiu» est un déictique neutre instrumental en dépendance
de «huuedheru» (forme adverbial sur «widar» (contre). L’élément «dhoh» affirmant l’égale vérité de
l’affirmation contradictoire introduite par «dhiu huuedheru».
65
Le texte francique «…adam ist dhiu chiliihho uuordan so einhuuelih unser» correspondant à «adam
factus est quasi unus ex nobis». L’ajout du groupe adverbial «dhiu chiliihho» introduit une corrélation
«dhiu ….. so ….», qui précise le premier terme de la comparaison, le second élément du diptyque étant
élliptique, et le mot à mot est «semblablement (gilihho) à (thiu) la façon (so) dont est fait l’un de nous».
Cette observation confirme qu’un examen systématique des occurrences de «so» dans ce texte
s’imposerait pour en préciser les conditions de distribution et de fonction. La raison de cet ajout peut-être
soit strictement linguistique, soit rhétorique, soit une combinaison des deux facteurs.
66
Le francique atteste ici le pronom «einhhuelih». La seule autre occurrence est attestée dans les
«Monseer Fragmente». Il s’agit pour l’étude historique de l’allemand, et particulièrement pour la
réflexion sur la méthode, d’un cas intéressant : «einhuuelih» est ici pronom indéfini, qui se rend en
allemand moderne par «einer/eine/eins». L’élément «huuelih», attesté en fonction de pronom anaphorique
dans ce texte en III, 4, est plus fréquemment attesté en composé que seul en v.h.a. (iowelîh ; giwelîh). Il
l’est aussi dans la structure corrélative «so huuelih, so». «Welch» pronom, rarrissime en v.h.a., est
pratiquement absent de la langue du m.h.a. Il réapparaît avec une plus grande fréquence à partir du XV e
siècle. Grimm (Deutsches Wörterbuch B, 2, c) signale que ce retour se fait par les dialectes du Nord de
l’Allemagne. Une étude historique et comparée de «welch» et de ses parents génétiques dans les langues
germaniques s’impose donc. Le pronom «einer» est attesté dans ce même texte en IV, 10 «sehs
fethdhahha uuarun eines, sehse andres».
67
A la mise simple mise en parallèle latine qui ne fait qu’orienter la déduction, le texte francique explicite
et pose un lien de cause à effet entre le premier et le second énoncé.
12

«Voici que moi, j'ébranlerai tout ensemble le ciel et la terre, et ce sera la venue du
Désiré de toutes les nations» (Agg 2 ; 7-8).

IV § 7. De la même façon est encore nettement mise en lumière dans le Livre d’Isaïe,
sous la propre figure de chacune68, la distinction des personnes de la Trinité, par la voix
même du Fils :

«C'est moi, c'est moi même qui suis le premier, et c'est moi qui suis le dernier, c'est ma
main aussi qui a fondé la terre et ma droite qui a mesuré les Cieux. Car au
commencement j'ai parlé en secret, du fond du Temps, et avant que le Temps ne fût,
j'étais.» (Is. 48 ; 12-13).

Sur quoi immédiatement il ajoute :

«Et voici que le Seigneur Dieu m'a envoyé, Lui et son Esprit» (Is. 48, 16).

Voilà bien les deux personnes, Père et son Esprit, qui envoient, et la Troisième Personne
est (celle)69 du même Seigneur, (de celui) qui est envoyée.

IV § 8. Pareillement, en autre endroit par le même saint Prophète se trouve ainsi mise
sous les yeux la manifestation de la Trinité :

Parole de Dieu : « Voici mon serviteur, je prendrai sa défense !, mon bien aimé, mon
âme s'est complue70 en lui, j'ai répandu mon Esprit sur lui» (Is. 42,1)

C’est le Fils que le Père désigne lorsqu’il 71 parle de son serviteur bien aimé, sur qui 72 il a
répandu son Esprit. C’est de lui que le Seigneur Christus notre Sauveur témoigne par sa
propre voix lorsqu’il73 dit :

«L'Esprit du Seigneur est sur moi» (Is. 61, 1).

IV § 9. Ce n’est pas tout 74 ! Dans un autre endroit encore, le même Isaïe, englobant la
Trinité entière dans un compte de doigts, ainsi proclame en disant :

«Qui a mesuré les eaux dans sa main fermée, et pesé les cieux dans sa paume ? Qui a
tenu la masse de la terre sur trois doigts ?» (Is. 40, 12).

68
Le pronom francique est ici «eochihuueliih».
69
Le texte francique dit : «endi dher dhritto heit ist selbes druhtines christes dhes chisendidin». Cette
tournure montre que l’attribut si il est coréférent au sujet n’est pas repris par un pronom anaphorique.
L’expansion génitivale du GN non explicitée suffit. L’apposition «dhes chisendidin» illustre un
phénomène analogue.
70
Le verbe «gilihhên» en tournure impersonnelle se construit avec le datif de la personne.
71
La phrase francique comporte une corrélation : «Fater meinida dhar sinan sun, dhuo ir …».
72
Le pronom relatif est ici en dépendance d’une préposition : «ubar dhen ir sinan gheist gab».
73
Ici seul le second terme «dhuo» de la corrélation «dhar …. dhuo …. «est maintenu.
74
Je rends ainsi le «Endi» initial du paragraphe francique, qui n’a pas son correspondant en latin.
13

C'est sur trois doigts assurément75que le Prophète a pesé à la balance propre à un


mystère de ce genre76 la trine égalité de la toute puissance divine. En outre, par la parité
de la force, c’est le principe de l’économie divine et l'unité de la substance toute
puissant, qui est une et même dans la Trinité77, que par trois doigts il a mis en lumière.

IV § 10. Le même Prophète témoigne ailleurs qu'il a connaissance du mystère de cette


Trinité, en parlant78 ainsi :

«Je vis le Seigneur assis sur un trône sublime, et les anges Séraphim se tenaient au
dessus de ce trône, l'un avait six ailes, et l'autre, six. Deux pour se voiler la face, deux
pour se voiler les pieds, deux pour voler» (Is. 6, 1-2).

Pour indiquer79 que le Seigneur est trine en personnes et simple en divinité 80, le Prophète
ajoute immédiatement à propos des anges81 :

« Ils criaient l'un à l'autre, et ils disaient : «Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des
Armées, la terre est toute remplie de sa gloire» (Is. 6, 3).

IV § 11. Voilà : c'est trine attestation de sainteté en une seule reconnaissance que
l'armée céleste célèbre de la sorte. Et c’est bien cette gloire, une, de la Trinité, que les
Séraphim la proclament par cette triple acclamation.

D’autre part82 que signifie cette triple répétition de «saint», si ce n'est qu’est démontrée
la gloire de cette même trine omnipotence. Cependant, dans cette attestation des trois
Personnes en Dieu, il ne faut pas croire que ces trois Personnes qu’elles soient trois
dieux au même titre qu’elles sont trois Personnes. Mais c’est en ces trois personnes qu'il

75
Je traduis ainsi «chiuuisso».
76
Le texte francique s’éloigne ici du modèle latin. Le latin disait : «sub quadam mysterii lance», qui
marque la non définitude de «lanx» ; le traducteur écrit «mit sumes chirunes uuagu» qui n’a rien d’une
transposition : le latin «quadam» est abandonné, le francique «sum» est un ajout. La traduction proposée
est fondée sur l’interprétation que Johannes Erben donne de cette occurrence dans «Die indefiniten
Pronomina im Deutschen» (Beiträge zur Geschichte der Deutschen Sprache und Literatur, 72. Band,
1./2.Heft, 1950, Halle, p. 199), où il parle de désignation de «eine Art eines Abstraktums». L’adjectif
«sum» est ici associé à l’idée d’unité d’une part, à celle de familiarité à l’esprit de l’auteur (l’équivalent
moderne serait «gewiss» qui désigne un élément connu que l’on ne nomme pas explicitement).
77
Cette relative a déjà la forme «dhiu ein ioh samalih in dheru dhrinissu ist».
78
La structure francique «in andreru stedi …….dhuo ir sus quhad : …» illustre le cas d’une relative à
antécédent indéfini «in andreru stedi», qui représente la corrélation «Ø……. dhuo».
79
La structure francique est «Dhazs» suivi du subjonctif prétérit du verbe.
80
La structure francique est celle d’une proposition infinitive à sujet à l’accusatif, avec ellipse de la
copule.
81
Le texte francique ajoute «fona dhem angilum», comme si cet état de langue se prêtait mal à
l’interprétation de l’implicite par les données contextuelles. Le caractère constant des ajouts est une
explicitation là où le latin se satisfait parfaitement du contexte. On peut y voir l’effet du caractère récent
de l’usage écrit d’une langue, de l’absence de familiarité d’une communauté linguistique avec cet usage
de sa langue.
82
La question est ici introduite par «inu» qui, comme déjà indiqué, indique un changement soudain. Le
changement ici peut-être celui du point d’attaque de la question, soit même celui du destinataire de la
question : la question peut ici être considérée comme posée directement à l’adversaire.
14

faut, telle est la vérité, proclamer une seule et même divinité. Selon la formule de
Moïse, qui83 dit :

«Écoute, Israël : le Seigneur ton Dieu est un Dieu Unique» (Deut. 6, 4).

et encore :

« Je suis le Dieu unique, et hors de moi il n'en est point d'autre» (Deut. 4, 35 ; Is. 45-
21).

CHAPITRE V CHRISTUS, DIEU FILS DE DIEU, A ÉTÉ FAIT HOMME

V § 1. Nous avons montré jusqu'ici le mystère de la nativité céleste dans Christus, et


l'attestation de la divine Trinité. A présent, montrons, avec l’autorité des Saintes
Écritures, que le84 même Fils de Dieu est déjà né en chair, en faisant apparaître d'abord
que ce même Fils de Dieu a été fait homme par la chair pour notre salut. Ainsi en effet
Isaïe prophétise de lui :

«Un petit enfant nous est né, un fils nous a été donné, et a reçu le pouvoir sur son
épaule, et il sera appelé du nom d'Admirable, de Conseiller, de Dieu Fort, de Père du
Siècle Futur, de Prince de la Paix: son empire s'étendra de plus en plus, et sa Paix
n’aura point de fin» (Is. 9, 6-7).

V § 2. Le Prophète assurément parle 85 d’un Petit d'homme86 à propos de Christus, parce


que Christus est venu au monde pour nous et non pas pour lui. Qu'en effet homme il ait
été fait, voilà qui87 nous fut utile, et voilà pourquoi (c'est) pour nous qu'il est venu au
monde. Or ce fils à nous donné, de qui est-il le fils, s'il n'est pas Fils de Dieu 88 ? Sa
principauté sur son épaule89, (c'est) soit90 en raison de la croix que sur ses propres
épaules il a lui même portée, soit en raison du titre de roi qu'au-dessus de ses épaules et
de sa tête Pilate fit écrire.

83
Le francique écrit « dhar ir quhad » qui peut se lire ou bien comme une relative ayant « Moïse » pour
antécédent, option retenue pour cette traduction, soit comme une relative de lieu « là où il dit ».
84
Le francique dit «ir selbo gotes sunu» qui indique que «ir» est ici un adjectif démonstratif, en emploi
anaphorique, à moins qu’il faille considérer «gotes sunu» comme une apposition à «ir selbo», ce qui
fournit peu de sens.
85
La construction «meinen mit» n’est relevée ni dans le dictionnaire de Hench ni dans celui de
Schützeichel. Elle ne peut s’interpréter que comme «évoquer», «parler de» au sens de «utiliser une
expression». La structure n’appelle pas de complément à l’accusatif.
86
Le substantif «lyazila» désigne la petite taille physique. Il est impossible, pour raison d’interférence
avec une valeur morale, de traduire par «petitesse».
87
La tournure francique «dhazs ir man uuardh uuordan, unsih hilpit» se lit comme une corrélation «dhazs
…. dhazs…» d’où le corrélatif est absent. On peut aussi y voir la nominalisation du GV «ir man uuardh
uuordan» à translatif «dhazs» introduisant un GN sujet de «unsih hilpit».
88
Le francique écrit : «… huues nibu gotes sunu». En tête d’énoncé, «wer» est interrogatif dans ce texte,
ce qui permet l’ellipse de la copule. Le génitif «huues» est comme le génitif «gotes» antéposé à la base
nominale dont il dépend.
89
Il s’agit de la simple citation du texte biblique cité, suivie du commentaire qui justifie les termes du
texte biblique.
90
«ioh bidhiu huuanda … ioh bidhiu huuanda», «soit … soit …».
15

V § 3. Rougissent donc91 les impies, et qu'ils reconnaissent que Christus est bien le vrai
nom du Fils de Dieu, qu’ils croient qu’il est engendré et qu'il a bien été petit enfant en
ayant pris chair. C'est de lui que David dit :

«Tu l'as fait un peu inférieur à un dieu» (Ps. 8,6).

«parce que, étant en forme de Dieu, il n'a pas estimé qu’il commettait un sacrilège de
penser qu’il était égal de dieu92. Mais il s’est anéanti, prenant forme d'esclave» (Epitre
aux Philippiens 2, 6-7)93.

Quand à son94 intention le Père parle dans les Psaumes de cette prodigieuse naissance
hors du temps

«Je t'ai tiré de la Matrice avant Lucifer» (Ps. 109, 3),

il revient alors95 à sa future nativité selon la chair, la met sous les yeux, et ajoute sur le
champ ces mots :

«Et comme d'un sein, ainsi96 s'élèvera pour toi ( ) la rosée de ta jeunesse» (Ps. 109, 3).

V § 4. C'est cette incarnation du Fils de Dieu que, lui aussi, l'Esprit Saint annonça ainsi
en disant :

«De Sion l’on dit : ‘ et tout homme y est né et c’est Lui, le Très Haut, qui l’a établie’»
(Ps. 86, 597).

91
Le francique dit «Oh schameen sih nu dhea aerlosun», où «nu» indique une rupture : le texte passe de
l’exégèse qui précède aux conclusions qui en sont tirées. Quant à «oh», il y en a deux : l’un qui équivaut à
«ioh», coordonnant, qui ouvre ici un énoncé exhortatif, l’autre qui marque une opposition.
92
Le texte francique «ni uuas imu dhuo einighan fal ardeilendi, dhazs ir gote uuas ebenchiliih» s’analyse
ainsi : «ni uuas ardeilendi» introduit une proposition infinitive dans laquelle le sujet est le GV nominalisé
marqué à l’accusatif neutre «dhazs ir gote uuas ebenchiliih», l’attribut du sujet marqué à l’accusatif «imu
einighan fal». L’accusatif de «einighan fal» exclut une dépendance par rapport à «uuas».
93
La phrase allemande est articulée autour des corrélations «innan dhiu ….. dhuo ….. dhazs ….».
94
Il est intéressant de reprendre dans ce paragraphe le jeu des anaphoriques : «Christ» est nommé dans la
première phrase. Il est repris dans la seconde phrase par «Umbi inan», puis dans les citations repris par
«inan» et «ir», puis repris par «imu» et «ir». Puis dans la phrase suivante par «ir» à deux reprises. Il est ici
repris par «dhemu», puis par «sin». On peut en conclure que «dher» est la forme lexicale tonique de «er».
95
La phrase francique est articulée autour de la corrélation «… dhuo …. dhuo ….», le texte latin ne
présentant que le premier élément «… dum …». Le jeu de ces corrélations montre que la phrase
francique, dans un texte de ce genre, est largement autant fondée sur la corrélation de déictiques que sur
la subordination, c'est-à-dire sur des séquences de phrases autonomes dont il est indiqué qu’elles ont un
lien fort entre elles, sans que ce lien soit explicité. Nous sommes à la limite entre juxtaposition de phrases
et phrase complexe, l’important étant que l’assemblage des énoncés partiels obéisse à des règles
d’équilibre et suggère l’unité qui régit leur agencement, celle du texte.
96
Le texte francique exprime la comparaison sous la forme d’une corrélation «so sama so fona dhemu
berandin hreue so arspringit …..».
97
Le texte francique est articulé autour de la corrélation : «endi dher selbo chiuuorahta sia, ir hohisto»,
où «ir» est en apposition à «dher selbo».
16

Remarquez le : celui qui98 prend naissance de Sion, et celui qui en cette cité même a été
fait le plus humble parmi les humbles, celui-là 99 est le Très Haut qui l'a établie. Et parce
qu'il est aussi le Seigneur, il est écrit à la suite :

«Le Seigneur seul, donnant la description des peuples, pourra les dénombrer, et dire :
«Celui là y a pris naissance.» Ps 86, 6

Quel est donc cet «homme», dont100 il est dit qu’il devait être engendré ? Il est manifeste
qu’il s’agit du Très Haut et du Seigneur. C'est un homme, car Dieu s’est fait homme. Un
Très Haut, parce que les Cieux et les Anges le portent au-dessus d'eux. Il est aussi
Seigneur, parce que toutes créatures du ciel et de la terre sont à son humble service.

V § 5. À vrai dire, à chaque fois que les ennemis de Christus entendent cette sainte
prophétie de la nativité du Christ, ils sont toujours dans un tel embarras qu’il n’ont rien

98
Le texte francique dit «dher in sion uuard chiboran» où l’on peut poser soit l’existence d’un antécédent
à signifiant zéro, soit dire que «dher» est le translatif d’une nominalisation de GV. Le groupe «dher in
sion uuard chiboran» se lit alors comme un GN défini.
99
Le texte francique est fondé sur la corrélationde déictiques «dher … dher ….».
100
Le francique atteste déjà une structure «dhese man, dher dhar …» qui ne diffère d’une structure
contemporaine que par la présence de «dhar».
17

à101 y opposer. Ils argumentent alors, prétendant 102 que point n'est encore venu ce
Christus dont les Anciens, par voix de prophètes, ont annoncé tout ceci il y a bien
longtemps. Cherchons donc le temps de la nativité de Christus, et voyons s'il est déjà
venu ou si nous devons encore attendre sa venue 103. C'est dans le saint Livre de Daniel
donc que le temps de la venue du Christ est indiqué avec le plus de précision, que les
années sont comptées : non seulement104 les signes manifestes en105 sont exprimés, mais
encore c'est là que la destruction des Juifs106 est annoncée avec le plus de précision
comme devant se produire après l’avènement du Christ et après sa mort.

V § 6. Voici en effet comme parle l'Ange de Dieu au saint Prophète :

«Daniel, sois attentif à ma parole et comprends cette vision. Les Temps sont à soixante
dix semaines abrégés en faveur de ton peuple et de ta Ville Sainte, afin que soit
complètement abolie la prévarication, que le péché reçoive le coup final, que l'iniquité
soit anéantie, que la justice éternelle arrive, que la vision et les prophéties soient
accomplies, et que soit oint le saint des saints» ( Dan. 9, 23, 24).
101
Le texte francique atteste «was» en position de relatif : «dhazs sie ni eigun eouuihd, huuazs sie dhar
uuidhar setzan». L’inversation du diptyque «was … das…» est ici réalisée. Je suggère pour la non
réalisation de l’ordre «*der … wer …» une explication fondée sur la présence en synchronie d’états
historiques de dates différentes. L’opposition «wer/was» est sans doute la dernière à représenter, encore
en langue moderne, le système indo-européen fondé sur la seule opposition «animé vs inanimé». Dans ce
système «wer» est non un masculin, mais un animé ; «was» représente le genre inanimé. Cet état de
l’allemand représente un stade d’évolution antérieur à celui marqué par l’opposition latin «quis»,
«quae/qua», «quid». Dans le couple «wer …. der …», l’élément anaphorique «der» ne peut, de fait,
s’interpréter que comme un animé, l’anaphore serait sinon afonctionnelle, tout autant que le serait en
allemand moderne, pour les mêmes raisons, une structure de type «*der Mann, die …». L’allemand
présente toutefois un second stade d’évolution, celui qui est illustré par les pronoms personnels et qui
oppose le neutre d’une part à un couple «masculin» vs «féminin» d’autre part, issu de la diversification de
l’animé. Il est admis que le pluriel neutre a fourni le signifiant à la classe du féminin. C’est sur ce second
stade d’évolution que repose p.ex. l’opposition entre «der Alte», «die Alte» et «das Alte», où ce second
niveau de catégorisation s’actualise. Ici, en tête de groupe, «der» actualise le trait «+ animé + masculin».
Il existe enfin un troisième niveau, celui de la désémantisation de l’opposition de genre, où «masculin»,
«féminin» et «neutres» n’ont plus de pertinence de lexicale. Mais dans ce troisième système, «der» en tête
de groupe désigne un masculin. C’est ce mécanisme qui a bloqué l’inversion de «wer … der …» en «*der
… wer …» : si dans «was … das» vs «das … was», «was» est toujours là pour un neutre, «wer», animé
peut être repris par un «der» qui a, dans cette distribution, conservé son trait «+animé», mais «der» en tête
de GN n’appartient plus depuis les premiers témoignages de la langue à l’opposition «animé vs non
animé», le trait est obligatoirement celui d’un masculin dans l’opposition masculin vs féminin, qu’il
s’agisse du sous-système sémantique où fonctionne encore l’opposition animé vs non animé ou du dernier
stade qui est celui de la désémantisation. En clair «der» en tête ne peut être repris que par un déictique
qui, comme lui serait entre dans l’opposition «der» vs «die», ce qui n’est pas le cas de «wer». On peut en
outre imaginer les difficultés qu’aurait soulevées une forme féminine de «wer». A un moment où la
corrélation de déictiques avec la répétition «d-, d -» qu’elle implique semble devoir se diversifier, c’est ce
blocage sans doute qui pousse à la diversification du type «jeder … der», «derjenige, der …» etc., et fort
vraisemblablement à l’avènement de «welch -» qui est harmonisé sur «d -» pour le système des genres.
Partout sinon où le genre n’est pas impliqué, l’inversion existe « wo …, da …. » et « da…. wo …. ».
Pour simple mémoire, en français il existe, indirectement un phénomène analogue : celui de l’accord des
adjectifs avec des substantifs bases de GN coordonnés dont l’un est masculin et l’autre féminin. L’accord
se fait, on le sait, non pas, malgré les apparences au masculin, mais à l’animé.
102
Je rends ainsi le subjonctif de la subordonnée.
103
Le francique dit : «siin quhemandes biidan» où «quhemandes» est participe I épithète de «siin».
104
Le francique dit «ioh … ioh…»
105
Le francique emploie le génitif neutre de l’anaphorique déictique «dher».
106
Isidore y voit l’annonce la première Guerre Juive (66-70 a. J.C.)
18

Car si107 ces soixante dix années sont de toute évidence comptées à partir de Daniel,
alors108 sans aucun doute le saint des saints, Jésus Christus est présentement connu
comme étant venu.

V § 7. Et de fait, les semaines, dans les textes sacrés, s'entendent par «sept ans». Ainsi
le Seigneur dit à Moïse :

«Tu compteras sept semaines d'années, c'est à dire sept fois sept, qui font, comptées
ensemble, cinquante moins une» (Lev. 25, 8).

De l'époque du Prophète Daniel109, en conséquence, à la naissance du Christ, il se


compte plus de cent quarante années, et c'est pourquoi il est certain qu’est déjà venu
l'Oint qu'avait annoncé la parole du Prophète110.

V § 8. Passé soixante dix «semaines» en effet, Christus non seulement est né, mais
encore a souffert, comme on voit, la cité de Jérusalem a été détruite 111, et sanctuaire et
onction ont pris fin. Ainsi en effet ajoute immédiatement le même prophète (Daniel, IX,
26) :

«Et un oint sera mis à mort, et un peuple avec son chef qui doit venir détruira
sanctuaire et cité, et la fin en sera ruine totale, et après la fin de la guerre arrivera la
désolation prédite.» (Daniel, IX, 26)

Et c’est bien ainsi qu’il en fut, lorsque après la Passion de Christus Titus vint et écrasa
les Juifs112 par la guerre et détruisit la Ville et le Temple de Dieu. Et cessèrent alors les
oblations et les sacrifices113, que l'on ne put plus célébrer plus longtemps en leur
assemblée. Afin que fût accompli ce qui114 avait auparavant par le Prophète été prédit.

V § 9. Mais vu que par dureté de coeur, les Juifs ont mis à mort Christus, ils ne veulent
pas croire en conséquence115 qu'il soit venu à l'heure qu'il est. Nous avons prouvé que
Notre Seigneur Jésus Christus est déjà né selon la chair. Mais l'Incrédule poursuit ses
questions et ajoute, «pourquoi Christus il venu en chair?» Entends en donc la cause.
Comme Dieu avait au commencement créé l'homme doué de la suprême béatitude et
honoré de la beauté d'image divine, il le plaça 116 aussitôt dans son Paradis pour qu'il fût
soumis à Dieu et maître du reste des créatures.

107
Le discours du Prophète est ici intégré à celui de l’exégète, ces propos sont introduits par ‘inu’ dans
lequel nous voyons une fonction de marquage de la polyphonie comme fonction particulière du marquage
des ruptures dans l’articulation du texte.
108
La corrélation du francique est «ibu … dhanne …».
109
Le francique atteste l’apposition «Fona daniheles ziidde auur des forasagin …»
110
Le francique atteste la structure «christ, dhen des forasagin uuort bifora chundida».
111
L’auteur fait allusion à la destruction de Jérusalem par Titus lors de la première Guerre Juive.
112
La première guerre Juive.
113
Il y a lieu de se reporter ici pour le contexte à Hébreux 9 et 10 en entier.
114
Le francique atteste le corrélatif «so» qui exprime l’identité de ce qui précède et de ce qui suit. Le mot
à mot serait «afin que ce qui accomplissait fût conforme à …»
115
Le texte francique est articulé autour de la corrélation «huuanda …, bidhiu ….».
116
Le texte francique dit «so ir erist …., dhuo setzida inan …»
19

V § 10. Mais celui-ci devint rebelle, [et] au mépris de la divinité enfreignit l'interdit.
Mais Dieu ne tua pas l’homme que l’orgueil avait jeté à terre, [Dieu ne le tua pas], mais
l'exila hors des délices du Paradis. Puis le Tout-Puissant attendit encore, donnant à
l’homme la possibilité par le repentir de se préparer au pardon117.

Et comme118 l’homme ne reprenait119 pas le chemin du Bien 120, Dieu121 lui fit donner la
Loi par Moïse afin que, ne fût-ce que par cette Loi même, l’homme revînt à l'amour de
Dieu et à des oeuvres de Justice.

Mais comme122, en raison de son orgueil et de son manque de foi, il n’était pas capable
de garder cette Loi, [alors] le Fils de Dieu vint enfin, et 123 prit corps humain pour que124
quand125 on le verrait l'on crût en lui. Et pour que le monde abandonnât toute image
profane des démons, et pour que [l’homme] rentrât en grâce avec le Créateur.

V § 11. Telle est la cause de la nativité de Christus, pour qui les Juifs, même lorsqu’ils
admettent qu'il soit né, n’ont pourtant que mépris en raison de sa crucifixion et de sa
mort. Ils ne comprennent pas que tout comme il a été écrit qu’il convenait au rachat du
monde qu'il naquît, il a été dit aussi convenait pareillement qu'il souffrît le martyre pour
le salut du monde126. De sa passion et de sa mort nous apporterons les preuves de
l'Écriture, c’est pourquoi nous procéderons par ordre. 127 Reprenons donc la
démonstration entreprise. Et que de ce Christ dont, a été démontrée l'humaine nativité
après la gloire de Dieu, soient démontrées sa race et sa patrie128.

CHAPITRE VI PRÉLIMINAIRES Le nom de Jésus.

117
Le francique atteste le subjonctif de la subordonnée, qui indique, dans ce contexte, l’attente, l’espoir.
118
Le francique «so» prend ici valeur causale.
119
Le francique atteste ici «auur» que je traduis par l’idée de «retour». le verbe «huuerfan» désigne le fait
de se «tourner» vers qq. ch. et, dans ce contexte, la nuance de «conversion» n’est pas exclue.
120
Le texte francique dit «errin meghines» qui rend le latin «virtutis», «de la vertu supérieure». Le
contexte justifie la traduction par «Bien», même si «guot» substantif est déjà attesté dans ce sens dans les
Monseer Fragmente.
121
Le texte francique attesté la corrélation «Endi so ir auur dhuo ni uuas …. : Gab dhuo …… Oh so ir
dhuo … : Dhuo ….», qui illustre et l’organisation correlationnelle de la phrase francique et la fonction de
la corrélation comme marque du début et de la fin d’énoncés autonomes liés entre eux par une relation
dont le sens n’est pas nécessairement explicité. Le francique illustre comme d’autres langues anciennes la
variété des corrélatifs, leurs combinaisons éventuelles, comme si l’acte de corrélation était en soi plus
important que les modalités sémantiques de sa réalisation.
122
La corrélation est «Oh so ir dhuo …. : Dhuo ….»
123
La coordination «quham gotes sunu, endi antfenc mannes lihhamun …» avec non reprise anaphorique
du sujet du second verbe peut être interprétée comme une forme de relativisation.
124
Le francique atteste «dhazs» construit avec le subjonctif.
125
Le francique atteste la corrélation : «dhanne … so …». La particule «dhoh» exprime un renforcement
comme si l’énoncé était la réponse à une interrogation négative.
126
On voit ici «mittingart» employé en anaphore pour «uuerald».Voir note 1. Ce passage est du fait du
besoin d’explicitation du texte beaucoup plus développé que le modèle latin, sans aucun ajout
sémantique. La principale différence tient à l’organisation du francique autour de la corrélation : «so selp
so ir dhurah uueraldi aloosnin uuardh chiboran chisaget, so sama auh uuard chiquhedan dhazs ir bi
mittingardes nara chirista chimartirot uuerdhan.»
127
Le mot à mot est : «suivrons l'ordre de ce qui doit être dit préalablement».
128
Ce passage, comparé au latin, se caractérise par une fragmentation des énoncés latins et par leur
présentation analytique en phrases où antécédents et anaphores sont explicités.
20

VI § 1. Le nom de Jésus se rencontre pour la première fois à propos d'une figure de


Notre Seigneur Jésus Christ. Car un certain Ausès 129, appelé fils de Nun, est surnommé
Josuah par Moïse. C'est lui qui, obtint le commandement du Peuple d’Israël, dont il était
devenu le chef à la mort de Moïse, et c’est lui qui répartit la Terre d'Hérédité Promise.
(Ce) changement de nom, que signifiait-il ? Sinon que, mort Moïse, autrement dit morte
la Loi et cessant les anciens Commandements de Dieu, notre guide dorénavant serait
Notre Seigneur Jésus Christ130, qui nous devait, sanctifiés par les eaux du Jourdain,
autrement dit par la grâce du baptême, tous germes de tares chassés ou si l'on veut,
l'hostilité des mauvais anges une fois mise en déroute, conduire à la Terre promise où
coulaient le miel et le lait, autrement dit à la possession de Vie Éternelle, en
comparaison de quoi il n'est rien de plus doux.

VI § 2. Voilà en effet pourquoi le fils de Nun prit figure de telle sainteté 131 qu'il fut
appelé Jesus pour être le signe du vrai Jésus. De lui132 il est écrit dans les Psaumes :

«Venez, louons le Seigneur, poussons des cris de Joie en l'honneur de notre Dieu Jésus
(Ps 94, 1).

Ici il est clair que Jésus est le Seigneur ; de lui il est encore dit en d’autre lieux dans les
Psaumes :

«Le Seigneur met sa complaisance dans son peuple et il exaltera les doux de coeur en
«Jésus» (Ps 149, 4)

C'est en effet la lettre même du texte hébreu.

CHAPITRE VII
QUE LE SEIGNEUR JÉSUS CHRISTUS SERAIT DE LA RACE D'ABRAHAM

VII § 1. La Genèse le montre quand Abraham dit à son serviteur :

«Mets ta main sous ma cuisse, et jure par le dieu du ciel» (Gen. 24, 2-3).

C'est par ce mot qu'il attestait que Christus seigneur du ciel prendrait chair en sa race.
Par «cuisse», on entend «descendance». D'autre part, il est clairement signifié que le
Dieu du ciel serait chair de la semence d'Abraham. C’est en sa semence qu’il lui avait
été donné garantie par le Seigneur à travers Isaïe :

«En ta semence, dit il, seront bénies toutes les nations» (Gen. 22, 18).

C'est-à-dire en l’Oint.

De lui le Psalmiste dit :


129
aujourd'hui, en France : Josué
130
Il y a lieu de se reporter ici pour le contexte Hébreux 3.
131
Le francique «chiruni» ne désigne pas seulement le mystère, mais aussi la manifestation, la révélation
du mystère, conformément à son étymologie.
132
Dans le francique «umbi dhen», «dhen» équivaut à un relatif de liaison. Au lieu de lier deux énoncés
dans un même GV matrice, ce sont deux énoncés distincts dans le texte qui sont liés.
21

«Et seront bénies en lui toutes les tribus de la terre, et toutes les nations chanteront sa
grandeur» (Ps. 71, 17).

VII, 2 (C'est) de cette semence qu'encore par le même Isaïe le Seigneur parle :

«Je ferai sortir, dit il, de la semence de Jacob et de Juda celui qui possèdera mes
montagnes.» Is. 65, 9

Sur le même sujet, ailleurs, même prophète :

«Si le Seigneur ne nous avait réservé quelqu'un de notre race» ( Is. 1,9)

CHAPITRE VIII
ET QUE C'ÉTAIT DE LA TRIBU DE JUDA QUE, SELON LA CHAIR, IL FALLAIT
ATTENDRE CHRISTUS

VIII § 1. Jacob le Patriarche le signifie clairement, (en) disant :

«Faute ne fera prince à Juda ni chef de ses fémurs, jusqu'à ce que vienne celui qui doit
être envoyé et qui sera lui-même celui qu’attendent les nations»133 (Gen. 49, 10).

Il est assuré en effet que jusqu'à la naissance de Christus faute ne fit prince, au peuple
juif, de la race de Juda ni de chef de ses fémurs jusqu'à Hérode, roi étranger. 134 C’est
lui135 qui par ambition du titre de roi s'était à la façon d'un reptile introduit en pouvoir de
roi.

VIII § 2. Il advint bientôt ce qu’avaient annoncé les Prophètes, et faute fit chef de la
semence de Juda, et arriva celui qui devait être envoyé, et que nations et peuples
attendaient. Mais les Juifs, dans la mauvaiseté de leur front sans vergogne, disent que le
temps n'est pas encore accompli, inventant mensongèrement je ne sais quel roi de la
race de Juda qui règne(rait) toujours dans les parties les plus reculées de l'Orient.

VIII 3. Et point ils ne font attention, d'esprit aveugle comme ils sont 136, que le
mensonge137 de leur feinte est découvert. Parce que, tout de même que nul temple, nul
autel, nul sacrifice, ainsi nul roi, nul prêtre aux Juifs ne leur demeura. Point en effet ne
peut Osée le Prophète être menteur, qui dit sous la dictée de l’Esprit Saint :

«Les Fils d'Israël croupiront sans roi, sans prince, sans sacrifice, sans autel, sans
sacerdoce, sans cérémonies» (Os. 3, 4).

133
Ce passage illustre le fonctionnement des relatives : «innan dhiu dher quhimit, dher chisendit uuirdhit,
endi dher selbo ist dhes dheodun bidant».
134
Le passage montre que l’apposition use des mêmes moyens que la relative : «herodan dhen
elidheodigun chuninc».
135
Le francique atteste ici la position initiale de «dher».
136
L’adjectif «blinde» est ici apposé au GN sujet.
137
Il y a lieu de se reporter ici pour le contexte Matthieu 28, 11.
22

Qui (est) donc (celui qui) ne verrait que tout cela est aujourd'hui, à leur détriment même,
chose accomplie.

CHAPITRE IX QUE CHRISTUS EST DE LA SOUCHE DE DAVID

§ 1. Voyons138 maintenant de quelle tribu Christus devait naître. 139 C'est de la


descendance de David qu'il devait être selon la chair par l'opération de l'Esprit Saint :
ainsi a-t-il été annoncé dans les Psaumes :

«Le Seigneur a fait à David un serment très véritable, et il ne le trompera point. C'est
un fruit de ton ventre que j'établirai sur mon trône» (Ps. 131, 11).

«Une fois pour toutes j'ai juré par mon saint nom : point je ne lui mentirai, sa semence
demeurera éternellement. Et son trône sera comme le soleil en ma présence et comme la
lune en son plein pour l'éternité, et il sera mon témoin fidèle dans le ciel» ( Ps. 88, 36-
38).

§ 2. Pareillement, en un autre endroit, au livre des Paralipomènes :

«Et se produisit à Nathan une parole du Seigneur : va, et dis à mon serviteur David :
«Voici ce que dit le Seigneur : je t'annonce que le Seigneur établit pour toi une maison,
et quand tu auras accompli tes jours pour aller avec tes pères, je susciterai ta semence
après toi, qui sera de tes fils, et j'affermirai ton règne. Lui même édifiera ma demeure,
et j'établirai son trône pour toujours dans l'éternité. Je serai pour lui son père, et lui
même sera pour moi mon fils, et je ne retirerai point de lui ma miséricorde, comme je
l'ai retirée de celui qui fut avant toi, et je le planterai debout dans ma maison et dans
mon royaume pour toujours dans l'éternité. Et son trône sera inébranlablement ferme à
jamais» (1 Par. 17, 3-4, 10-14).

IX, § 3. Celui qui140 croit que tout cela s'est accompli en Salomon, s’égare gravement.
Car141 comment entendre de Salomon ce142 qui est exprimé ainsi :

«Quand tu seras allé dormir avec tes pères, je susciterai après toi ta semence, qui sera
de tes fils, et j'affermirai sa royauté» ? (II Samuel 7, 12)

Il faut bien se garder de croire que c'est au sujet du grand Salomon que l'on croit cela
prophétisé143. Ce prince en effet a commencé à régner du vivant de son père. Et 144 il est
bien dit ici que c'est
138
Rend «see chunnemes» où «see» a pour fonction de lever l’ambiguïté entre l’indicatif présent et le
subjonctif présent d’adhortativité.
139
Une vérification du manuscrit avant la publication de cette traduction n’a pas été possible, mais il n’est
pas certain que la virgule posée ici dans l’édition de Hans Eggers soit le signe de ponctuation le plus
conforme au sens de la séquence. Ce qui suit se présente comme le début de la réponse à la question
posée et correspondrait donc à un début de phrase.
140
Cette relative sujet indéfinie (translation d’un GV en GN indéfini) est introduite par «so huuer so», le
relatif n’est pas repris par un corrélatif dans la principale.
141
Cette question est introduite par «inu» qui marque une rupture : le locuteur s’adresse ici à l’adversaire
en reprenant son discours dans le sien : l’adversaire dit qu’il s’agit de Salomon lui-même dans le texte
cité. Ici encore se confirme le lien de «inu» et de la polyphonie linguistique.
142
Le francique dit ici «dhazs sus chiquhedan uuardh», modèle déjà commenté.
23

«lorsque tes jours seront accomplis et que tu dormiras avec tes pères» que «je
susciterai ta semence» .

D'où se comprend que c'est un autre qui a été promis. Parce que c'est non avant la mort
de David, mais après sa mort qu'il a été annoncé comme devant être ressuscité.

IX, § 6. C’est de lui145 que par l'intermédiaire de Jérémie le Seigneur lui-même déclare:

«Les jours approchent, dit le Seigneur, et je susciterai à David un germe juste, et il


régnera un roi et (il) sera sage, et agira selon la justice, et rendra la justice (sur) la
terre. En ces jours, sera sauvé Juda et Israël habitera sa demeure sans crainte. Et voici
son nom, tel qu’ils le nommeront (ce nom est) : «Seigneur notre Justice» (Jérém. 23, 5-
6).

IX, § 7. C'est lui146 qui est promis, par Nathan, de la semence de David, (et) qui est
encore ainsi annoncé par le prophète Isaïe ; qui dit147 :

«Il sortira un rameau de la tige de Jessé et la fleur montera de sa racine» ( Is. XI, 1).

Il dit ceci, car il148 fut en effet de la patrie de Bethléem et de la maison de David. Ce
rameau de la tige de Jesse, c’est la Vierge Marie issue de la maison de David, qui 149
donna pour fleur le Seigneur Sauveur :

«Et sur lui se reposera l'Esprit du Seigneur ; esprit de sagesse et d'intelligence, esprit
de conseil et de force, esprit de science et de piété, et l'esprit de crainte du Seigneur le
remplira.» (Isaïe, XI, 1 sq.)

IX, § 8. Si d'un autre côté de si hauts présents de l'esprit sont annoncés à son sujet, (c'est
que) l'Esprit Saint ne loge pas en lui à la (même) proportion qu'en nous. Mais qu'en lui
se trouve à la perfection la plénitude de la divinité et de l’Esprit. C'est lui

qui ne juge pas selon vision d'yeux et d'oreilles, mais la justice est la ceinture de ses
lombes et la foi le ceinturon de ses reins ». En son église « le loup habite avec
l'agneau » (Is. 11, 3-5)

143
Le francique remplace ici l’interrogative latine introduite par «numquid» par une énonciative
prescriptive.
144
Cet énoncé assertif est introduit par «inu», où le verset n’est pas simplement cité, mais introduite dans
le corps du texte du locuteur et reprise à son compte.
145
Le francique est «umbi dhen».
146
Le francique atteste ici en tête «dher».
147
Le francique dit : «ir quhad».
148
La traduction maintient ici l’ambiguïté, aisément levée par le contexte, qui résulte de la succession des
anaphoriques (ir, ir). Cette difficulté fréquente dans les textes du m.h.a. représente un cas unique dans ce
texte.
149
Dans la structure «dhiu chibar blomun», il est difficile de dire si l’on est en présence d’une relative ou
d’une apposition, en raison de l’absence de marque de subordination. Reste la corrélation «dhiu unmeina
maga maria …. dhiu chibar blomun».
24

et celui-ci avait coutume de ravir sa proie dans cette église. Maintenant converti à elle, il
passe son temps avec les innocents.

IX, § 9. Dans sa bergerie, le léopard repose avec le bouc, (Is. 11-6).

autrement dit les méchants sont mélangés aux pécheurs. Là encore demeurent le
« veau » de la Loi Juive150, le « lion » de la puissance du siècle, les « brebis » de la
condition populaire habitent ensemble avec les puissants dans l’Eglise du Christ, parce
que c’est dans la vraie foi que la condition de tous est la même. « Le petit enfant »,
d'autre part, « qui les mène tous » : c'est lui qui151 de toute façon s'est humilié pour nous
comme un petit enfant. « Le bœuf » de son côté, « et le lion mangeront de la paille »,
parce que le prince a en partage avec le peuple, ses sujets, la Doctrine.

IX, § 10. «L'enfant désirait le sein de mère sur le trou du serpent» ( Is. 11,8.)

signifie : alors que d'habitude elles recommandaient parfois le poison, une fois qu’elle
se sont converties, les nations font aussi leurs délices d'écouter le message de foi de la
Chrétienté.

« La caverne du basilic » représente en effet le coeur des infidèles, où reposait ce


serpent tortueux ; ce serpent Christ l’attrapera une fois qu’ il aura été sevré de la parole
de Dieu, et il le tirera de sa captivité, pour qu'il ne nuise point sur la montagne sainte,
qui est l'Église.

IX, § 11. C'est encore le même Prophète Isaïe qui dit de Christus comment il est né de la
semence de David selon la chair, il parle ainsi qu'il suit :

«En ce temps là, la racine de Jessé, qui se lève(ra) comme un étendard des peuples,
c’est devant lui que les nations tomberont en prière, et son tombeau sera glorieux»
( Isaie 11, 6).

C’est en étendard des peuples que se dresse la racine de Jessé quand Christus exprime
sur leur front le signe de la croix. Devant lui les nations tomberont en prières, ce dont
maintenant il éclate aux regards que c'est chose accomplie. Son sépulcre 152, d'autre part,
est maintenant à tel point glorieux que nous que 153 Christ a rachetés, en reconnaissance
de notre rédemption au prix de sa mort, nous glorifions ce lieu. Ce lieu même encore,
tout resplendissant des signes étonnants de sa gloire et de sa puissance, attire à soi le
monde entier.

150
«chalp fona dheru iudaeschun euu» traduit latin «circumcisio».
151
Le francique écrit : «dher ist dhazs chiuuisso, dher …».
152
Selon le Nouveau Testament, J.C. a bien été enseveli le soir même de sa mort. Le verset est dans la
manière de la poésie biblique, représentée au plus haut point par David. Celui-ci passe directement de la
naissance (« la racine de Jessé se lèvera ») à la mort (« son sépulcre »). Le commentaire reprend cette
disposition : mention rassemblée de la naissance et de la mort, telle que sur une pierre tombale. L’auteur
précise que c’est ce tombeau qui est maintenant le point central de la planète.
153
Le francique atteste «uuir, dhea …»
25

IX, § 12. Ce passage porte ainsi en hébreu : «Et son repos sera glorieux» . En effet, en
mourant sa chair n'a pas vu la corruption, selon la sentence du Psalmiste : «Et tu ne
laisseras pas ton Saint voir la corruption» (Ps. 15,10).

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