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L'avenir de la distinction entre la

responsabilité contractuelle et la responsabilité


délictuelle
Oula RAHMOUNI 1

Il est de bon sens de reconnaître qu'à l'image de toutes les summa


divisio qui traversent notre droit, la présentation que forge
actuellement le droit positif pour la distinction des ordres
contractuel et délictuel de responsabilité n'échappe pas à des
faiblesses. Toutefois, il ne faudrait surtout pas en exagérer la
portée. C'est une chose d'établir une critique de la distinction et
c'en est une toute autre de préconiser son simple abandon. La
deuxième n'est aucunement le corollaire de la première. Le
malaise de la distinction ne compromet pas sa légitimité mais il
rend nécessaire son réaménagement.
Es ist offensichtlich, dass, genau wie alle Unterscheidungen in
unserem Recht, auch die Unterscheidung zwischen vertraglichen
und deliktischen Haftungsordnungen im materiellen Recht
Schwachstellen aufweist. Diese sollten jedoch nicht überbewertet
werden. Man kann diese Unterscheidung natürlich kritisieren -
das heißt aber noch lange nicht, dass sie auch gänzlich
abgeschafft werden sollte. Die Kritik an der Unterscheidung
nimmt ihr nicht ihre Berechtigung, sie zeigt jedoch, dass sie neu
gestaltet werden sollte.
‫لئن كان من الوجيه أن نسلّم بأن التفرقة بين المسؤولية العقدية والمسؤولية التقصيرية‬
‫ وذلك على غرار جميع التفرقات والتقسيمات التي تتخلل‬،‫ال تخلو في صيغتها الحالية‬
‫ إذ أن تقييم هاته‬.‫ فإنه يتعين عدم المغاالة فيها‬،‫ من نقائص وحدود‬،‫المنظومة القانونية‬

1
Avocate, doctorante et enseignante à l’Université de Tunis El Manar, Faculté de
droit et des sciences politiques de Tunis et l’Université Jean Moulin Lyon-III,
membre du laboratoire règlement des litiges et voies d’exécution.
Rechtsanwältin, Doktorandin und Dozentin an der Fakultät für Rechts- und
Politikwissenschaften Universität Tunis El Manar und der Universität Jean Moulin
Lyon III, Mitglied der Forschungsstelle für Streitbeilegung und
Vollstreckungsmethoden.
‫الصيغة وال وقوف على حدودها ال يقترنان بالتخلي عن التفرقة في حد ذاتها وتوحيد‬
.‫المسؤولية المدنية‬
» ‫ال تنال حدود التفرقة بين المسؤوليتين العقدية والتقصيرية بأي وجه من « مشروعية‬
.‫التفرقة ووجاهتها غير أنها تستدعي العودة على مواطن االختالل والسعي إلى تداركها‬

« Se pourrait-il que la [distinction entre la responsabilité


contractuelle et la responsabilité délictuelle] soit l'une de
ces merveilles de l'archéologie juridique, dont l'éclat
apparent peut tromper le juriste mais qui n'a sa place que
dans les livres de l’histoire ? »1
1. Pour tout un chacun, la responsabilité civile qui correspond
à « l'obligation de répondre civilement du dommage que l'on causé
à autrui, c'est à dire de le réparer en nature ou par équivalent »2 est
scindée en deux variantes. Elle est dite contractuelle lorsqu'elle
incombe au « contractant qui ne remplit pas en tout, en partie, ou à
temps une obligation que le contrat mettait à sa charge, de réparer en
nature si possible ou, à défaut, en argent le dommage causé à l'autre
partie le créancier, soit par l'inexécution totale ou partielle, soit par
l'exécution tardive de l'engagement contractuelle » 3. Elle est dite
délictuelle4, extracontractuelle ou encore aquilienne5 pour désigner
« en général, toute obligation, de réparer le dommage causé par un
délit civil, fait dommageable (...) qui couvre à la fois le fait
personnel, le fait d'autrui ou le fait des choses dont on doit répondre,
en indemnisant la victime presque toujours par le versement d'une
somme d'argent à titre de dommages et intérêts »6.
2. Cette dualité implique qu'une distinction soit clairement
opérée. Distinguer c'est « percevoir nettement les objets avec les

1
E. JUEN, La remise en cause de la distinction entre la responsabilité contractuelle
et la responsabilité délictuelle, LGDJ, 2016, p. 1.
2
G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, 9e éd., PUF, 2011, p. 724.
3
G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, 9e éd., PUF, 2011, p. 724.
4
Le défaut de cette expression étant son caractère polysémique. Prise au sens strict
elle correspond uniquement à la responsabilité pour faute intentionnelle au sens de
l'article 82 du C.O.C.
5
G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, 9e éd., PUF, 2011, p. 62 : « terme
savant encore employé [notamment en droit belge] comme synonyme de délictuel,
en matière de responsabilité civil, au souvenir de la loi Aquilia ».
6
G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, 9e éd., PUF, 2011, pp. 249 et 724.
particularités qui les différencient les uns des autres » 1. Distinguer
c'est aussi ne pas confondre, « qui ne distingue pas confond » 2. La
distinction correspond ainsi à « l'action de distinguer les unes des
autres des choses différentes, c'est à dire de marquer qu'elles sont
différentes »3. « Les juristes procèdent à (...) des distinctions pour
appliquer (...) des traitements différents à des choses dissemblables
»4. Distinguer c'est établir des catégories juridiques « auxquelles
s'attachent logiquement des règles propres »5. Distinguer la
responsabilité contractuelle et délictuelle c'est donc les placer en
deux catégories pour empêcher qu'elles ne soient confondues parce
qu'on estime qu'elles sont différentes l'une de l'autre et qu'on devrait
les traiter différemment.
3. On remarquera par ailleurs que cette distinction « n'a rien
d'une évidence héritée du passé »6. Elle doit ses prémices aux écrits
de Domat7qui influenceront plus tard les rédacteurs du Code civil
français d'où la consécration à chacune des deux responsabilités son
corps de règles8.
À l'instar du Code français, le Code des obligations et des
contrats reconnaît visiblement la distinction entre la responsabilité

1
F. FOULQUIER, dictionnaire de la langue philosophique, Cité par T. Tauran,
Les distinctions en droit privé, RRJ 2000-2, p. 489.
2
Formule de M. d'Hulst, citée par T. TAURAN, op. cit., p. 489.
3
Ibid.
4
J-L. BERGEL, Méthodologie juridique, PUF, 3e éd., 2018, p. 111.
5
Ibid
6
E. JUEN, La remise en cause de la distinction entre la responsabilité contractuelle
et la responsabilité délictuelle, op. cit., p. 10.
Ignorée par le droit romain où l'action civile s'amalgamait avec l'action pénal dans
le cadre d'une structure casuistique basée sur des délits spéciaux, l'école de droit
naturel s'en désintéressa complètement l'essentiel étant la reconnaissance d'un
devoir général de ne pas nuire à autrui qui s'impose que le contexte soit délictuel
ou contractuel6. À l'avenant, le droit musulman se démarque de la distinction en
faveur d'une approche unitaire de la responsabilité civile associée à un régime
objectif de réparation6.
ّ .‫أنظر و‬
،‫ دار الفكر‬،‫ نظريّة الضّمان أو أحكام المسؤوليّة المدنيّة والجنائيّة في الفقه اإلسالمي‬،‫الزحيلي‬
‫ « المهم في نظرية الضمان أو المسؤولية في اإلسالم هو تعويض المتضرر سواء أكانت‬:74 .‫ ص‬،1982
‫نظرية‬- ‫ مما يمكن القول بأن الشريعة اإلسالمية من أنصار وحدة المسؤولية‬،‫المسؤولية تعاقدية أو تقصيرية‬
.» ‫تحمل التبعة‬
7
Il distingua clairement dans les lois civiles entre les engagements qui se forment
sans convention et ceux qui se forment par convention.
8
Les articles 1382 (nouveau 1240) et s. pour la responsabilité délictuelle et les
articles 1147 (nouveau 1231) et s. pour la responsabilité contractuelle.
contractuelle et la responsabilité délictuelle. En réservant à chacune
d'entre elles un pan de règles autonome de l'autre, le législateur
souscrit à l'ambivalence de la responsabilité civile et rangea le droit
tunisien du côté des systèmes dualistes.
4. Après qu'elle fit son entrée dans la scène juridique, la
distinction entre les responsabilités contractuelle et délictuelle n'a
guère cessé d'intriguer. Entre la controverse théorique relative à
l'unité ou la dualité de la responsabilité civile à la fois d'hier et
d'aujourd'hui1, et la récurrente dispute entre ceux qui ont soutenu et
soutiennent encore le principe et les vertus de la distinction, cadre
propice garantissant la cohérence et l'accessibilité de la
responsabilité civile et ceux qui s'en passeraient bien en n'y voyant

1
C'est l'ouvrage de Sainctelette publié en 1884 intitulé de la responsabilité et de
la garantie qui déclencha la controverse1 : Ch. SAINCTELETTE, De la
responsabilité et de la garantie, Bruylant, 1884 : L'auteur part de la démonstration
d'une antinomie totale entre la loi et le contrat. Cette opposition imprimera selon
lui une dualité radicale entre la responsabilité délictuelle et la responsabilité
contractuelle qu'il rebaptise garantie.
En 1892 c'est Grandmoulin qui commença la joute par une thèse diamétralement
opposée : J. GRANDMOULIN, De l’unité de la responsabilité ou nature
délictuelle de la responsabilité pour violation des obligations contractuelles, thèse,
Renne, 1892 : L'auteur s'attarda à démontrer que le contrat et la loi s'identifient
au point de se confondre, la violation de l'un ou de l'autre serait toujours
constitutive d'un délit générateur d'une responsabilité unique et délictuelle ce qui
impliquerait naturellement de ramener à l'unité le régime de la responsabilité
civile.
À la recherche d'un juste milieu, des travaux ont été consacrés afin de concilier les
deux thèses : A. BRUN, Rapports et domaines des responsabilités contractuelle et
délictuelle, préf. L. Josserand, Librairie du Recueil Sirey, 1931 : S'identifiant par
leur nature, les responsabilités se différencient quant à leurs régimes. Cette
présentation a eu un succès durable et parut clore la controverse quant à l'unité ou
la dualité de la responsabilité civile.
L'unité de nature fut à nouveau remise en cause. La responsabilité contractuelle
n'aurait rien d'une responsabilité étant dépourvue de toute fonction compensatoire
dans la mesure où elle se borne à offrir au créancier une exécution par équivalent
de l'obligation inexécutée en nature : Ph. LE TOURNEAU, La responsabilité
civile, 3e éd., Dalloz, 1982 ; Ph. REMY, Critique du système français de
responsabilité civile, droit et culture, 1996, p. 31 ; Ph. REMY, La responsabilité
contractuelle : histoire d'un faux concept, RTD civ. 1997, p. 323.
qu'une « encombrante et intempestive »1 division facteur de
complication du droit de la responsabilité civile 2.
5. Constamment au milieu de la tourmente, son avenir est
toujours questionné d'où la nécessité de mener une étude prospective
à son sujet. L'entreprise est particulièrement passionnante pour des
raisons à la fois théoriques, pratiques et pédagogiques. Elle implique
tout d'abord de faire le tour d'un débat doctrinal abondant et
stimulant engagé autour de la nécessité ou non de distinguer les deux
responsabilités et la manière dont elles devraient être distinguées. La
distinction de demain ne saurait être conçue sans considération aux
rames de pages noircies au sujet de la distinction d'hier et
d'aujourd'hui. Elle ne saurait l'être non plus sans égard au malaise
qui enveloppe sa mise en œuvre pratique.
Mais le vrai intérêt de l'étude prospective de la distinction est
qu'elle implique plutôt que de s'en tenir vainement à en stigmatiser
les inconvénients où à faire les louanges de ses vertus, de recenser
tous les niveaux du débat, d'arbitrer entre toutes ses approches
opposées, de mesurer la portée de chacune, d'en évaluer
l'opportunité, de les confronter avec plus d'un demi-siècle de
jurisprudence afin de pouvoir atteindre « une critique systématique
et étayée de la distinction »3 accompagnée de propositions
d'amélioration. Et c'est de là que ressort son intérêt pédagogique.
Que l'on finisse par abonder dans le sens de la distinction ou bien au

1
Selon l'expression de Ph. BRUN, La distinction des responsabilités délictuelle et
contractuelle : comment tenter de faire baisser la fièvre du patient autrement qu’en
le tuant, Revue de droit d'Assas, n° 7 février 2013, p. 60.
2
Un mouvement notable s'est engagé sur une autre voie. La remise en cause de la
distinction en raison des difficultés pratiques qu'elle pourrait susciter en
préconisant son abandon pur et simple et la restructuration du droit de la
responsabilité civile à partir de nouveaux modèles structurant : H., L. MAZEAUD
et A. TUNC, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et
contractuelle, t. I, 6e éd., Montchrestien, 1965 ; A. TUNC, La responsabilité civile,
op.cit., p. 40 ; V. WESTER-OUISSE, Responsabilité délictuelle et responsabilité
contractuelle : fusion des régimes à l’heure internationale , RTD civ. 2010, p. 419
; E. JUEN, La remise en cause de la distinction entre la responsabilité contractuelle
et la responsabilité délictuelle, précité.
3
Selon l'expression de Ph. BRUN, La distinction des responsabilités délictuelle et
contractuelle : comment tenter de faire baisser la fièvre du patient autrement qu’en
le tuant, op.cit., p. 61.
contraire par la remettre en cause, la responsabilité civile n'en sortira
que plus intelligible.
Ceci dit, quelles sont les perspectives d'évolution pour la
distinction entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité
délictuelle ?
Les critiques faites à la distinction sont loin d'établir les
conditions de son abandon pur et simple d'où sa probable pérennité.
(I) Néanmoins, elles révèlent des défaillances dans l'aménagement
qui lui est actuellement réservé d'où son nécessaire réaménagement.
(II)

La probable pérennité de la distinction entre


I- la responsabilité contractuelle et la
responsabilité délictuelle

6. Une telle affirmation implique en effet, dans un souci de pur


enchaînement logique, d'établir tout d'abord que la distinction visée
trouve bien sa place aujourd'hui au sein du système juridique, avant
de conclure si oui ou non ce qui est vrai aujourd'hui pourrait être
voué à un éventuel déclin. À cet égard, l'examen de l'état actuel de
l'appréhension de la distinction en question par le droit positif permet
de démontrer que celui-ci y marque un attachement particulier, ce
qui prouve qu'elle y est bien vivante, (A) et que cet état des choses
n'aurait probablement aucune tendance à décliner du moment que le
procès fait à la distinction des deux responsabilités paraît dans
l'ensemble un mauvais procès. (B)

A- La distinction entre la responsabilité contractuelle et la


responsabilité délictuelle :« une réalité vivante » 1
7. En droit, lorsqu'il est question de déceler les signes de
vitalité d'une institution quelconque, la vérification de son bien-
fondé devrait s'ajouter à l'appréciation de son statut en jurisprudence.
Ainsi, si la distinction entre les deux ordres de responsabilité civile

1
Selon l'expression de G. DURRY, Responsabilité délictuelle et responsabilité
contractuelle : Dualité ou unité ? La responsabilité civile à l'aube du XXIe siècle :
bilan prospectif, RCA hors-série, juin 2001, p. 21.
est encore reconnue sous la plume des juges (2), ceci constitue en
réalité l'expression de sa profonde justification théorique. (1)
1. Une solide justification théorique
8. « Une règle sans justification n'a pas raison d'être. Rien
n'existe ou ne devrait exister pour rien en droit » 1. Le préjudice
consécutif à l'inexécution d'une convention d'une part, et celui qui,
en dehors de toute convention, se rattache causalement au fait
personnel, au fait des choses ou au fait d'autrui d'une autre : pourquoi
régir différemment la dette de réparation qui s'ensuit de l'une et de
l'autre de ces deux situations ?
9. « Le traitement est différent car la situation est différente »2,
en matière contractuelle un lien de droit entre le responsable et la
victime préexiste. Ceci affecte d'abord le fondement de la
responsabilité en ce qu'il relie la responsabilité contractuelle à la
notion de la faute, et influe par là même le fait générateur de la
responsabilité contractuelle consistant toujours en un manquement à
une obligation animée par le lien contractuel en question. Par
conséquent, contrairement à la responsabilité délictuelle, aucune
place n'est réservée en responsabilité contractuelle aux faits
générateurs objectifs, la faute contractuelle devant y être toujours
caractérisée3. Et même si une chose intervient dans la survenance du
dommage entre contractants cela ne change rien à l'affaire, le régime
de la responsabilité « dépend purement et simplement de l'intensité
de l'obligation assumée par le débiteur »4.
10. Relativement aux effets de la responsabilité, l'antériorité
d'un lien entre les parties et son rapport avec la dualité des régimes
de responsabilité est fortement connexe à la célèbre formule du
Doyen Ripert : « Contracter c'est prévoir. Le contrat est une emprise
sur l'avenir »5. Un tel élément de prévision fait complètement défaut
en matière de responsabilité délictuelle. Le contrat étant un acte de
prévision, on se projette dans l'avenir et on l'aménage en fonction

1
E. JUEN, La remise en cause de la distinction entre la responsabilité contractuelle
et la responsabilité délictuelle, op. cit., p. 423.
2
Ibid.
3
R. SAVATIER, op. cit., p. 136.
4
Ch. LARROUMET, op. cit., p. 552.
5
G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, L.G.D.J, 1949, p.151.
des données que l'on a au moment de l'échange des consentements.
La responsabilité contractuelle étant un scénario possible de cet
avenir, son régime juridique devrait être en harmonie avec les
prévisions des parties qu'il s'agisse du quantum de la réparation1, de
la compétence juridictionnelle 2, ou bien encore des solutions aux
conflits de lois3. Il en va de même pour les conflits de lois dans le
temps4.
11. Au demeurant, l'architecture dualiste de la responsabilité
civile n'est « qu'une suite de démarcation entre « la loi, générale,
abstraite, impersonnelle (...) [et le] contrat, individuel, concret »5. De
ce duel ressort une divergence à l'origine de l’originalité de la faute
contractuelle par rapport à la faute délictuelle. Alors que la création
des règles de comportement est du ressort de la loi, « le contrat (...)
tend à aménager les intérêts des contractants en créant entre eux un

1
Ainsi s'explique très bien le fait de limiter en matière de responsabilité
contractuelle l'étendu du préjudice réparable au seul dommage prévisible lors de
la conclusion du contrat.
2
Dans l'ordre interne, le législateur déroge à la règle fondamentale qui résout la
question de la compétence territoriale des tribunaux, pour donner au demandeur la
liberté de saisir en matière contractuelle en cas de désignation au contrat d'un lieu
d'exécution, le tribunal de ce lieu, et en matière délictuelle le tribunal du lieu où le
fait dommageable s'est produit ou également, s'il s'agit d'une infraction pénale, le
tribunal du lieu d'arrestation du délinquant.
En matière de compétence internationale, la solution classique du conflit de
juridictions étant assortie de dérogations permettant la saisine des juridictions
tunisiennes en matière de responsabilité contractuelle si l'action est relative à un
contrat exécuté ou devant être exécuté en Tunisie, sauf clause attributive de
compétence en faveur d'un for étranger, et en matière de responsabilité délictuelle
si le fait générateur de responsabilité ou le préjudice est survenu sur le territoire
tunisien.
3
C’est le droit désigné par les parties ou à défaut la loi de l'Etat du domicile de la
partie dont l'obligation est déterminante pour la qualification du contrat qui a lieu
de s'appliquer en matière de responsabilité contractuelle. Tandis que la
responsabilité extracontractuelle est soumise à la loi de l'Etat sur le territoire
duquel s'est produit le fait dommageable.
4
Le principe de l'effet immédiat de la loi nouvelle qui s'impose aux situations
extracontractuelles ainsi qu'aux contrats formés après l'entrée en vigueur de la loi
nouvelle, se trouve en principe écarté des situations contractuelles courantes en
faveur du principe de survie de la loi ancienne. Ainsi, c'est à la loi en vigueur lors
de la conclusion du contrat qu'on soumet la responsabilité contractuelle et non pas
celle du moment de l'inexécution. Contrairement à la responsabilité délictuelle
soumise à la loi applicable au moment de la survenance du fait générateur.
5
E. JUEN, La remise en cause de la distinction entre la responsabilité contractuelle
et la responsabilité délictuelle, op. cit., p. 425.
réseau d'obligations et de droits destinées à servir ces intérêts. (...)
»1.Ainsi, si l'action délictuelle appartient à « tous ceux au détriment
particulier de qui l'ordre public a été troublé », l'action contractuelle
revient exclusivement au créancier.
Pareillement, si l'action délictuelle peut être exercée contre plusieurs
personnes, l'action contractuelle ne peut cibler que le débiteur,
d'ailleurs c'est pour cette raison que le fait d'autrui ne peut pas
constituer un fait générateur de responsabilité contractuelle 2.
12. Concernant l'objet de la preuve, le créancier qui entend
exercer une action en responsabilité contractuelle devrait rapporter
la preuve d'un contrat valable avec le débiteur, de l'existence de «
l’obligation, de son exigibilité et de son inexécution »3. De l'autre
côté, il suffit au demandeur à l'action en responsabilité délictuelle de
citer qu'un certain devoir extracontractuel a été transgressé causant
ainsi un préjudice à son détriment. Il est tenu en revanche d'établir
que le défendeur est bien l'auteur de cette transgression. Par contre,
en matière contractuelle l'imputabilité est résolue d'emblée par le
contrat du fait que l'auteur du méfait ne peut être que le contractant.
13. Par ailleurs, s'agissant des clauses de responsabilité, il est
communément soutenu4 que la distinction se manifeste très
nettement. Valable en matière contractuelle 5, l'aménagement
préalable de la responsabilité est frappé de nullité en matière
délictuelle et quasi-délictuelle aux termes des articles 82 et 83 du
Code des obligations et des contrats. Là il n'y a rien d'artificiel, il est
du ressort de la loi d'établir et maintenir l'ordre public. Elle crée des

1
G. VINEY, op. cit, pp. 425 et 426.
2
Ch. SAINCTELETTE, op. cit., cité in S. CARVAL, op. cit., p. 134 : « une seule
parole a été donnée » qu'on ne peut opposer « qu'à celui dont la parole est en jeu».
3
B. THELLIER De PONCHEVILLE, Analyse de la responsabilité contractuelle
en termes d'obligation, R.R.J. 2011-2, p. 666.
4
V. G. DURRY, La distinction de la responsabilité délictuelle et de la
responsabilité contractuelle, Institut de droit comparé de l’université Mc Gil,
Montréal, 1986, p. 20 ; D. BAKOUCHE, La distinction des responsabilités
contractuelle et délictuelle, Lexbase Hebdo, éd. privée, n˚495, 2012, p. 44 ;
،1961 ‫ مجلّة القضاء والتّشريع‬،‫ المسؤوليّة التّقصيريّة والعقديّة‬،‫ العيّاري‬.‫ص‬.‫اُنظر في هذا االتّجاه م‬
.976.‫ص‬
ّ ،‫ مطبعة الوفاء‬،‫ العقد‬،‫ النّظريّة العا ّمة لاللتزامات‬،‫الزين‬
،1997 ،‫الطبعة الثّانية‬ ّ .‫ اُنظر في هذا االتّجاه م‬5
‫؛‬309.‫ص‬
V. S. ABID MNIF, Le principe de la réparation intégrale en matière contractuelle,
Droit et droiture : mélanges en l'honneur du Professeur Mohamed Zine, CPU,
2018.
devoirs et les arme d'une sanction gage de leur respect. Ainsi, le
propre de la responsabilité délictuelle est d'assurer le respect de la
loi et ne peut être régie que conformément aux lois. Par contre, le
contrat, accord de volontés privées « n'a aucune ambition normative
»1, ce qui explique que les contractants puissent manier à leur guise
la responsabilité consécutive à son inexécution2.
Tout bien considéré, la responsabilité civile est dualiste
d'essence et non pas d'artifice c'est d'ailleurs pourquoi elle n'a jamais
cessé de susciter l'adhésion de la jurisprudence. (2)
2. La distinction des responsabilités : une adhésion
jurisprudentielle
14. En jurisprudence, rares sont les arrêts qui affirment le
principe de la distinction. La question est abordée depuis un autre
angle, la quête de résoudre les problèmes d'interférence entre les
deux responsabilités de manière à préserver l'intégrité de la
distinction.
15. Dans les rapports inter partes, la jurisprudence a pris appui
sur la distinction en question pour mettre en place son principe
adjoint, le principe du non-cumul des responsabilités3 dont le rôle est
de « patrouiller » la frontière dressée entre la responsabilité
contractuelle et la responsabilité délictuelle contre de possibles
invasions4.
16. Le cumul strictu sensu correspond à l'application
simultanée des deux régimes de responsabilité à l'occasion d'un
même rapport de droit entre les mêmes personnes pour la réparation

1
G. VINEY, op. cit, p. 426.
2
Ch. SAINCTELETTE, op. cit., cité in S. CARVAL, op. cit., pp. 132 et 133 :
«Ainsi, nous ne pouvons convenir d'avance, ni expressément ni implicitement,
que, sans être tenu de réparation, je pourrai, par exemple, incendier votre maison.
Car ce n'est ni votre volonté ni la mienne, ni nos deux volontés réunies qui font
que votre maison doit n'être pas incendiée, c'est la volonté publique »
3
Il se décline en deux règles celle du non-cumul stricto sensu et celle de non-
option.
4
Ph. BRUN, La distinction des responsabilités délictuelle et contractuelle :
comment tenter de faire baisser la fièvre du patient autrement qu’en le tuant, Revue
de droit d'Assas, n° 7 février 2013, p. 60 : « Si on tient la distinction pour fondée
(...) on admettra aisément que le [principe du non-cumul] est le corollaire
indispensable de la distinction elle-même à moins d'admettre des frontières sans
douaniers ».
d'un même préjudice. Il renferme trois cas de figure 1, celui qui
suscita le plus l'intérêt de la jurisprudence, la Cour de cassation
s'étant clairement prononcée dans le sens de son interdiction 2, est le
fait pour la victime de combiner dans une même action en réparation
les avantages empruntés à l'un et à l'autre des deux régimes pour
bénéficier du régime le plus favorable. Aucune action n'est possible
entre les deux responsabilités, elle serait hybride et méconnue par la
loi. Toute victime doit fonder son action en réparation sur l'un ou
l'autre des ordres de responsabilité. Sans pouvoir cumuler ces
fondements, elle doit faire un choix. D'ailleurs, la jurisprudence
semble pousser le raisonnement encore plus loin en considérant que
ce choix n'est pas libre, car la victime doit non seulement choisir,
mais encore bien choisir.
17. À l'exception des situations de véritable concours des deux
responsabilités pouvant se vérifier lorsque l'obligation contractuelle
méconnue n'est que la traduction d'un devoir général qui relève des
articles 82 et suivant du Code des obligations et des contrats où
l'appréciation devrait être nuancée 3, la jurisprudence a statué
défavorablement n'étant question que d'un faux concours. Et ce
depuis l'arrêt de la Cour de cassation n° 9939 du 18 juillet 19744. «

1
D'abord, la victime ne saurait solliciter les deux voies de réparation dans le cadre
de deux actions engagées parallèlement ou successivement contre un même auteur
pour obtenir une double réparation. Le cumul correspond également au recours
par la victime dont l'action a échoué de recourir à l'autre catégorie de responsabilité
à titre subsidiaire.
2
Cass. civ. arrêt n° 25653 du 29 septembre 2015 (inédit) : la Cour de cassation a
expressément rejeté un moyen produit par la demanderesse au pourvoi arguant
l'applicabilité à l'affaire du régime probatoire de l'article 96 du Code des
obligations et des contrats s'agissant d'une affaire en responsabilité contractuelle ;
Cass. civ. arrêt n° 51523 du 14 avril 2018 (inédit) : la Cour a censuré la décision
de la Cour d'appel pour avoir appliqué le délai de prescription prévu par l'article
402 du Code des obligations et des contrats et conclu sur cette base que l'action
n'était pas frappée de prescription alors que l'action est en responsabilité
délictuelle.
3
V. infra n° 51 et s.
4
Cass. civ. arrêt n° 9939 du 18 juillet 1974, BCC, I, p. 204 : En réponse au moyen
qui fait grief à la décision de la Cour d'appel d'avoir rejeté la possibilité d'envisager
la responsabilité sous l'angle délictuel, celle-ci affirma : « Attendu qu'il n'y a pas
de doute sur la nature contractuelle du lien qui lie les parties à cette affaire, qu'en
conséquence l'action doit être fondée sur les règles de la responsabilité
contractuelle et non sur celles de la responsabilité délictuelle. Qu'en écartant, ainsi
qu'ils l'ont fait, les articles 82 et 83 du Code des obligations et des contrats et en
appliquant les articles 275 et 875 du Code des obligations et des contrats les juges
le contrat chasse le délit »1. Entre deux contractants, la responsabilité
contractuelle doit l’emporter sur la responsabilité délictuelle même
si le créancier de l'obligation contractuelle aurait plus intérêt à se
prévaloir de la responsabilité délictuelle.
18. Dans les rapports entres les contractants et les tiers, la
jurisprudence s'est accrochée au principe de l'effet relatif du contrat
conclu contre un éventuel « effet attractif du contrat inexécuté »2
pour en dégager une application rigoureuse de la distinction entre las
deux ordres de responsabilité basée sur la relativité de la faute
contractuelle. La première et la plus évidente des conditions de la
mise en œuvre de la responsabilité contractuelle est l'existence d'un
contrat valable entre la victime et le responsable. La jurisprudence a
brillé par sa fermeté dans l'application de cette condition, aucune
application de la responsabilité contractuelle n'est envisageable en
dehors des rapports inter partes3. Cependant, elle n'a pas été

du fond ont fait une correcte application de la loi » ; Cass. civ. arrêt n°10059/9707
du 29 avril 2014, RJL, juillet, 2015, p. 1 : la Cour de cassation s'est appuyée sur le
principe de la dualité des responsabilités contractuelle et délictuelle pour casser la
décision de la Cour d'appel pour avoir entériné le fondement délictuel au détriment
du fondement contractuel applicable à l'affaire. Elle signala : « Attendu que le
rapport de droit existant entre les parties est indéniablement issu du contrat de bail
commercial conclu entre elles, ce sont les dispositions relatives aux contrats de
bail objet des article 726 et suivants du Code des obligations et des contrats qui
trouvent à s'appliquer et non pas les articles 82 et 107 du Code des obligations et
des contrats » ; Cass. civ. arrêt n° 32528 du 2 novembre 2016 (inédit) : « Attendu
que la Cour d'appel a rendu une décision confirmative sans égard pour le moyen
produit par la demanderesse au pourvoi qui reproche au tribunal de première
instance d'avoir fondé son jugement sur les dispositions de l'article 83 du Code des
obligations et des contrats relatif à la responsabilité délictuelle pour faute, et ce
malgré la pertinence de ce moyen tirée du fait que le rapport de droit existant entre
les parties constitue un lien contractuel issu du contrat de vente conclu entre elles,
objet des articles 564 et suivants du Code des obligations et des contrats. Qu'en
statuant ainsi sans expliciter le fondement juridique qu'elle avait adopté pour se
prononcer en faveur de la demande, la Cour d'appel est tombée dans la défaillance
de motivation qui débouche sur une violation de la loi ».
1
Ph. DELEBECQUE et F-J. PANSIER, Droit des obligations, responsabilité
civile, délit et quasi-délit, 7e éd, LexisNexis, 2016, n° 49.
2
Selon l'expression de D. MAZEAUD, Contrat, responsabilité et tiers... (du
nouveau à l'horizon...), Libre droit, Mélanges en l’honneur de Ph. Le Tourneau,
Dalloz, 2008, p. 748.
3
Cass. civ. arrêt n° 16403 du 17 juin 2015 (inédit) : la Cour de cassation affirma
que l'action en responsabilité introduite au titre d'un contrat de location d'un
véhicule pour la réparation du préjudice consécutif au manquement à l'obligation
de conservation au sens de l'article 767 du Code des obligations et des contrats ne
emportée par le courant excluant toute responsabilité dans les
rapports des contractants avec les tiers. Partant du principe de
l'opposabilité du contrat1, elle s'est plutôt prononcée pour sa nature
délictuelle2. C'est d'ailleurs la tendance clairement manifestée par la
haute juridiction en matière de la responsabilité de l'acconier à
l'égard du destinataire3.
19. Reste à déterminer si le fait générateur de cette
responsabilité délictuelle s'identifie simplement à l'inexécution
contractuelle ou si au contraire il en est dissocié. L'examen de la
jurisprudence révèle à cet égard un revirement du principe de
l'opposabilité du contrat au principe de l'effet relatif la preuve d'un
fait générateur distinct indépendant du contrat inexécuté étant
requise4. La Cour de cassation ne s'était pas laissée influencer par la

peut être exercée qu'à l'encontre du preneur. Elle ne peut en aucun cas cibler un
tiers nonobstant que ce dernier soit la personne ayant directement causé l'accident
à l'origine du préjudice ; Cass. civ. arrêt n° 11478 du 20 mai 1985, BCC, I, p. 202
: la Cour de cassation a rejeté la possibilité pour le destinataire, tiers au contrat de
manutention, d'engager la responsabilité de l'acconier sous l'angle contractuel.
ّ .‫ انظر في هذا االتّجاه م‬1
،‫ كحلون‬.‫؛ ع‬342 .‫ ص‬،‫ مرجع مذكور سابقا‬،‫ النّظريّة العا ّمة لاللتزامات‬،‫الزين‬
ّ
.352 .‫ ص‬،‫ مرجع مذكور سابقا‬،‫ التصرفات القانونية‬،‫ مصادر االلتزام‬،‫النّظريّة العا ّمة لاللتزامات‬
2
Cass. civ. arrêt n° 84863 du 12 décembre 2018 (inédit) : la Cour énonça que
même si la voie contractuelle lui était fermée en raison de l'absence d'un lien
contractuel le liant à l'acconier tiers au contrat de transport maritime, « le
destinataire conserve en tout état de cause son droit poursuivre l'acconier en
responsabilité délictuelle objet des articles 82 et 83 du Code des obligations et des
contrats » ; Cass. civ. arrêt n° 27207 du 31 décembre 1992, BCC 1992, I, p.542 :
la Cour de cassation a décidé que l'époux tiers au contrat médical était en droit
d'engager sur le terrain délictuel la responsabilité du chirurgien dont la faute a
entraîné la stérilité et la frigidité de son épouse lui causant ainsi un préjudice ;
Cass. civ. arrêt n° 81350 du 16 mai 2013 (inédit) : en matière de l'action
personnelle des victimes par ricochet, la Cour de cassation a admis que l'hôtelier
ayant manqué à l'obligation de surveillance entraînant ainsi la noyade d'un client
dans la piscine est responsable à l'égard des héritiers tiers au contrat d'hôtellerie
pour la réparation de leur préjudice moral et ce sur le fondement de l'article 96 du
Code des obligations et des contrats relatif à la responsabilité délictuelle du fait
des choses.
3
Cass. civ. arrêt n° 8700 du 24 mai 1984, BCC, I, p. 340 ; Cass. civ. arrêt n° 36471
du 14 décembre 1992, Bull, civ. 1992, p. 548 ; Cass. civ. arrêt n° 57513 du 16 avril
1997, BCC, I, p. 192 ; Cass. civ. arrêt n° 7624 du 17 février 2005, BCC, I, p. 253.
4
Cass. civ. arrêt n° 11478 du 20 mai 1985, BCC, I, p. 202 : la Cour de cassation a
désapprouvé la décision de la Cour d'appel ayant statué en faveur de la demande
en réparation faite par le destinataire contre l'acconier en dépit de « l’absence en
l'espèce de toute preuve d'une faute imputable à l'acconier pouvant justifier sa
condamnation sur le fondement de la responsabilité délictuelle » ; Cass. civ. arrêt
des chambres réunies n° 31235 du 30 décembre 2010 (inédit) ; Cass. civ. arrêt n°
fameuse jurisprudence de la Cour de cassation française 1ayant
procédé à la « dérelativisation » de l'inexécution contractuelle
autorisant au tiers d'invoquer sur le fondement délictuel une faute
contractuelle dès lors que celle-ci lui a causé un préjudice.
20. À travers ces diverses applications, la jurisprudence affiche
une conception fidèle à la distinction entre les responsabilités
contractuelle et délictuelle dont témoigne sa fermeté en abordant les
situations qui, se situant aux confins de la délimitation entre les deux
ordres branches de la responsabilité civile, peuvent prêter à
confusion quant à la nature de la responsabilité encourue et même
créer le doute sur la capacité de la distinction à appréhender toutes
les situations factuelles susceptibles de faire naître une dette de
réparation.
Et pourtant, cette distinction demeure l'une des plus
stigmatisées des summa divisio qui traversent notre droit ce qui
invite à s'interroger si en réalité elle n'était pas victime d'un mauvais
procès. (B)

B- La distinction entre la responsabilité contractuelle et la


responsabilité délictuelle : un mauvais procès
21. À bien y regarder, le procès fait à la distinction entre la
responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle rassemble
largement les traits d'un mauvais procès. L'argumentation invoquée
à l'encontre de la dualité n'est pas difficile à réfuter, (1) et l'approche
unitaire qui en dérive paraît déficiente. (2)
1. La faiblesse des arguments invoqués à l'encontre de la
dualité
22.Et si la distinction entre les responsabilités contractuelle et
délictuelle était controuvée faute de consistance de l'un des deux
éléments du duel ? C'est Lefebvre qui fut le premier à défendre
succinctement une étroite unité de la responsabilité civile, il dénonça
dans la notion de responsabilité contractuelle « une forme vicieuse

17202 du 12 décembre 2014 (inédit) : la Cour de cassation a souligné que la


recevabilité de l'action délictuelle introduite en responsabilité de l'acconier dans
les rapports entre tiers et contractants dépendait de « la preuve des conditions de
la responsabilité délictuelle ».
1
Cass. ass. plén. arrêt n° 541 du 6 octobre 2006, Bull. civ. III, n° 182.
de langage »1 et affirma que la responsabilité serait « nécessairement
délictuelle »2. Le mérite d'une analyse plus pénétrante revient à
Grandmoulin qui prit la plume quelques années plus tard et soutint
sans ambages qu'au regard de la source de la norme violée qu'elle
soit légale ou contractuelle, la responsabilité civile serait unique et
délictuelle3.
Cette approche est un peu trop simpliste pour pouvoir
l'emporter. L'unité de nature qu'elle défend est trop poussée à
l'extrême. « Le contrat est tout de même une « loi » très particulière
faute d'avoir une portée générale 4. En plus, l'obligation de verser des
dommages et intérêts contractuels ne trouve pas sa source première
dans les articles 82 et 83 du Code des obligations et des contrats
comme prétendu mais « dans le contrat, et son étendue est déterminé
par le contrat5 ». Il s'agit bien entendu d'une obligation à part,
indépendante de l'obligation primaire inexécutée mais qui n'en est
pas moins une dette contractuelle issue d’« une clause tacite de la
convention elle-même, par laquelle le débiteur consent à indemniser
le créancier pour le cas où l'obligation principale ne serait pas
exécutée »6. Il y a donc certes une identité de nature entre les deux
responsabilités mais sous une autre présentation, n'impliquant guère
une unité de régime. Allant un peu trop loin, cette théorie a fait très
peu d'adeptes et n'a pas réussi à obtenir l'aval de la jurisprudence 7.
23. Toute autre est la doctrine qui en raisonnant de travers, eut
une portée plus importante. C'est dans la troisième édition de son
traité8 que le professeur Le Tourneau présenta pour la première fois
les idées selon lesquelles les dommages et intérêt contractuels

1
A-F. LEFEBVRE, De la responsabilité délictuelle, contractuelle, Rev. Crit.
1886, p. 485.
2
Ibid.
3
J. GRANDMOULIN, De l’unité de la responsabilité ou nature délictuelle de la
responsabilité pour violation des obligations contractuelles, thèse, Renne, 1892, p.
1.
4
Ch. LAPOYADE DESCHAMPS, Droit des obligations, op. cit., p. 143.
5
B. THELLIER De PONCHEVILLE, Analyse de la responsabilité contractuelle
en termes d'obligation, op. cit., p. 672.
6
Ch. DEMOLOMBE, Traité des contrats, t. 8, Paris Hachette, 1877, p. 506.
7
Cass. civ. arrêt n° 80706 du 23 mai 2013 (inédit) : « il est entendu et convenu
conformément aux principes généraux que l'inexécution de quelconque obligation
originaire d'un contrat fait naître une responsabilité contractuelle ».
8
Ph. LE TOURNEAU, La responsabilité civile, 3 e éd., Dalloz, 1982.
n'auraient rien d'une responsabilité. Ceux-ci ne seraient qu'un mode
d'exécution par équivalent de l'obligation inexécutée en nature.«
Trop abruptes pour ne pas donner le vertige aux uns et susciter le
courroux des autres. Seul le professeur Philippe Rémy y fut sensible
»1. Dans deux articles percutants2, ce dernier décrivit sans détour la
responsabilité contractuelle comme « un faux concept », une
invention purement doctrinale formant une fausse analogie avec la
responsabilité délictuelle et la croyance qu'il faut distinguer là où il
n'y a nulle raison de distinguer. Aussitôt, cette opinion a eu un
retentissement notable3, même la doctrine tunisienne n'y resta pas
complètement insensible 4.
Aussi saisissante qu'elle puisse paraître, on ne saurait souscrire
à cette « théorie pure de l'inexécution contractuelle »5 du moment où
le Code des obligations et des contrats l'épouse imparfaitement.
D'abord, il y a la notion de l'exécution par équivalent qui ne cadre
pas dedans. Mais encore on y trouve tout ce qui indiqueraient dans
les dommages et intérêts contractuels l'expression d'une
responsabilité à part entière.

1
Ph. LE TOURNEAU et M. POUMAREDE, Pour en finir avec la responsabilité
contractuelle, Etudes en l'honneur du professeur Jérôme Huet, LGDJ, 2017, p. 269.
2
Ph. REMY, Critique du système français de responsabilité civile, droit et culture,
1996, p. 31 ; Ph. REMY, La responsabilité contractuelle : histoire d'un faux
concept, RTD civ. 1997, p. 323.
3
M. FAURE-ABBAD, Le fait générateur de la responsabilité contractuelle
(contribution à la théorie de l’inexécution du contrat), préf. Ph. Rémy, LGDJ, 2003
; D. GARDNER et B. MOORE, La responsabilité contractuelle dans la tourmente,
Les Cahiers de droit, Université de Laval, vol. 48, 2007, p. 543 ; P-G JOBIN.,
Amputer la responsabilité contractuelle ? Une tourmente inutile et néfaste, Les
cahiers de droit, Université de Laval, vol. 50, 2009, p. 3 ; Ph. LE TOURNEAU et
M. POUMAREDE, Pour en finir avec la responsabilité contractuelle, Etudes en
l'honneur du professeur Jérôme Huet, LGDJ, 2017, p.269.
4
Du moins, un auteur semble en avoir subi l'influence puisqu'il soutient l'idée
selon laquelle le créancier qui entend engager la responsabilité contractuelle du
débiteur, n'est pas appelé aux termes de l'article 278 du Code des obligations et
des contrats, à apporter la preuve d'un préjudice, que celui-ci se présume du simple
fait de l'inexécution.
،‫ الطبعة األولى‬،‫المختص‬
ّ ‫ مجمع األطرش للكتاب‬،‫صرف القانوني‬ ّ ّ ‫ الت‬: ‫ النّظريّة العا ّمة لاللتزام‬،.‫بقبق م‬
‫ من مجلة االلتزامات والعقود يعفي هو اآلخر الدائن من إثبات الضرر‬278 ‫ » الفصل‬.183.‫ ص‬،2009
.»‫الذي يكون مفترضا بمجرد حصول الخلل في التنفيذ‬
5
Selon l'expression de Ph. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, op. cit.,
p. 58.
24. Une approche moins radicale n'en a pas moins été
soutenue. Un mouvement doctrinal retentissant œuvra pour
l'abandon de la distinction des deux ordres de responsabilité par
l'unification de leurs régimes. Parmi ses précurseurs, on trouve les
frères Mazeaud qui, dans leur traité 1, auraient exprimé envers les
différences de régime « tout à la fois et d'un regret, et d'un espoir :
le regret que ces différences existent, l'espoir qu'elles puissent un
jour disparaître »2. Ayant aussitôt séduit une part de la doctrine,3
cette position doctrinale appelle à l'abandon de la dualité des régimes
qu'elle juge inopportune en raison du malaise de sa mise en œuvre
pratique et se réclame à cet effet le déclin de la distinction en droit
comparé où nombreux seraient les droits étrangers ayant choisi de
l'abandonner.
25. Dans son état actuel, la mise en œuvre pratique de la
distinction fait l'objet de réserves. Outre le fait qu'elle serait parfois
un facteur d'incertitude quant à la nature de la responsabilité
encourue dans une situation donnée. On lui reproche également
l'artifice de certaines différences de régime attachées à son jeu 4 et le
fait qu'elle débouche parfois sur un résultat gênant. Mais le malaise
plus au moins avéré de la distinction ne justifie point son abandon
pur et simple du moment où il n'affecte en rien son bien-fondé, sa
raison d'être, sa légitimité.
26. Une autre objection élevée contre la distinction, elle serait
contre « le sens de l'histoire »5 du fait que de nombreux droits
étrangers choisirent de s'en défaire. Si tant est que certains systèmes

1
H., L. MAZEAUD et A. TUNC, Traité théorique et pratique de la responsabilité
civile délictuelle et contractuelle, t. I, 6e éd., Montchrestien, 1965 ; Pour un exposé
schématique de la position des frères Mazeaud envers la distinction des deux
ordres de responsabilité civile, V. G. DURRY, Responsabilité contractuelle et
responsabilité délictuelle, LPA, 31 aout 2006, n°174, p. 28.
2
Ibid., pp. 30 et 31.
3
Notamment : A. TUNC, La responsabilité civile, op.cit., p. 40 ; V. WESTER-
OUISSE, Responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle : fusion des
régimes à l’heure internationale, RTD civ. 2010, p. 419 ; E. JUEN, La remise en
cause de la distinction entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité
délictuelle, précité.
4
V. A. TUNC, La responsabilité civile, op. cit., p. 40.
5
Selon l'expression de Ph. BRUN, La distinction des responsabilités délictuelle et
contractuelle : comment tenter de faire baisser la fièvre du patient autrement qu’en
le tuant, op. cit., p. 63.
étrangers dissemblables au notre aient abandonné la distinction et
opéré l'unification du régime des responsabilités 1, la comparaison
n'en reste pas moins stérile. L'examen du droit comparé devrait
plutôt se faire à partir des systèmes juridiques plus au moins proches
du notre2, et là les enseignements tirés différeront de ce qu'on a pu
prétendre.
Ailleurs comme chez nous, la question ne devrait pas être
posée tant du maintien du principe de la distinction que des
techniques à mettre en pratique afin de remédier au malaise de sa
mise en œuvre. D'ailleurs ce constat est d'autant plus conforté au vu
de la déficience de l'approche unitaire de la responsabilité civile. (2)
2. La déficience de l'approche unitaire de la responsabilité
civile
27.La doctrine unitaire n'en préconise pas moins d'introduire
de lege ferenda une nouvelle architecture de la responsabilité civile
en remplacement de la distinction classique entre ceux qui proposent
de rebâtir le droit de la responsabilité civile en fonction de la gravité
du fait dommageable3 et ceux qui estiment nécessaire que la refonte

1
V. l'inventaire dressé par A. TUNC, La responsabilité civile, op. cit., p. 46.
2
En droit québécois, après que la jurisprudence eut sous l'influence de la Common
Law œuvré contre la distinction des deux ordres de responsabilité, le Code civil
de 1992 dans ses articles 1457 et 1458 opéra un retour strict au principe de la
distinction et à la règle du non-cumul.
Le droit Suisse opère une distinction classique entre la responsabilité contractuelle
et la responsabilité délictuelle assortie sous réserve d'une disposition spéciale et
pour autant que l'inexécution contractuelle puisse également être ramenée à la
violation d'un devoir extracontractuel, du droit pour le créancier de l'obligation
contractuelle inexécutée de se prévaloir à son choix de l’un ou de l’autre chef de
responsabilité.
Le projet français de réforme rendu public le 13 mars 2017 retient le principe du
non-cumul et de la règle de la relativité du manquement contractuel en édictant la
décontractualisation de la réparation du dommage corporel avec une option au
profit du « tiers ayant un intérêt légitime à la bonne exécution d’un contrat ».
L’avant-projet belge de réforme du droit de la responsabilité reconnaît de son côté
l'architecture dualiste de la responsabilité civile tout en offrant à la personne lésée
la une possibilité réduite d'invoquer à l'encontre d’un cocontractant les règles de
la responsabilité extracontractuelle.
3
V. E. JUEN, La remise en cause de la distinction entre la responsabilité
contractuelle et la responsabilité délictuelle, op. cit., p. 524 ; Vers la consécration
des dommages-intérêts punitifs en droit français : Présentation d'un régime, RTD
Civ. 2017, p. 565.
du droit de la responsabilité civile se fasse à partir du préjudice plutôt
que du fait générateur1.
28. Ainsi, on a pu soutenir que les fautes dites lucratives2 dont
les auteurs ont estimé « plus rentable de violer une norme que de la
respecter »3, doivent être soumises à un régime de responsabilité
aggravée par l'adjonction aux dommages et intérêts réparateurs d'une
peine sous forme de dommages et intérêts punitifs profitant
directement à la victime. Or, cette conception renouvelée de la
responsabilité civile est loin d'être satisfaisante tant au regard de son
critère de mise en œuvre que par rapport aux choix qu'elle reflète. ce
serait tirer contre le sens du progrès, renoncer aux principes les
mieux ancrés et produire une confusion fonctionnelle et notionnelle
entre les deux mécanismes civil et pénal de responsabilité. La
dissuasion des fautes dite lucratives devrait être recherchée à travers
des dispositifs outre que la responsabilité civile, notamment celui de
l'amende civile ayant le mérite de confisquer les profits indument
tirés et de remettre, non pas la victime, mais le fautif dans l'état où il
se trouvait avant de commettre la faute tout en évitant
l'enrichissement injustifié de la personne lésée 4.
29. Toute autre est l'opinion qui préconise la restructuration de
la responsabilité civile à partir du préjudice. Plus précisément par
l'établissement d'une hiérarchie des intérêts protégés pouvant être
atteints par le préjudice qui consiste à placer au sommet de l'échelle
l'intérêt à l’intégrité physique et psychique suivi de l'intérêt à la
sauvegarde du patrimoine puis viendraient au pied de l'échelle les
intérêts purement moraux dont la lésion ne résulte pas d’un

1
M. DUGUE, L’intérêt protégé en droit de la responsabilité civile, op. cit., pp.
435 et s.
2
Commises délibérément dans l'intention de s'enrichir par la réalisation d'un gain
ou d'une économie dont le montant excède celui de l'indemnité réparatrice. V. R.
MESA, La faute lucrative dans le dernier projet de réforme du droit de la
responsabilité civile, LPA, 27 février 2012, n° 41, p. 5 ; A. GARRAUD, La faute
lucrative et sa sanction, ou l’ombre pénaliste sur les effets de la responsabilité
civile, LPA, 16 janvier 2017, n° 11, p. 5.
3
E. JUEN, La remise en cause de la distinction entre la responsabilité contractuelle
et la responsabilité délictuelle, op. cit., p. 524.
4
V. A. Le DANTEC et A. THOUEMENT, L’amende civile, La réforme du droit
de la responsabilité actes de colloque du 25 novembre 2016, Presses de la Faculté
de droit de Montpellier, 2017, p. 199.
dommage corporel1. Cette hiérarchie s'accompagnerait d'une part
d'un renforcement de la prise en charge des préjudices portant
atteinte aux intérêts du premier rang en leur réservant l'application
d'un régime de responsabilité sans faute et d'autre part d'une
dégradation de la protection des intérêts de rang inférieur en les
excluant du domaine de la responsabilité sans faute et en les
soumettant à une application rigoureuse des conditions de la
responsabilité pour faute2.
30. La première objection levée contre une telle présentation
est sa contrariété flagrante à l'esprit des textes du Code des
obligations et des contrats qui recèlent à l'égard des différents types
de préjudice un principe d’équivalence selon lequel « tous les
préjudices ont, de manière indifférenciée, une égale vocation à être
réparés »3. De même, « la construction d’un système de
responsabilité civile (...) selon une gradation des intérêts protégés
reviendrait à lier de nouveau le destin de la responsabilité civile à
celui du droit pénal, en une sorte de droit pénal civilisé » 4. Toute
proposition d'amélioration quelles qu'en soient les vertus devraient
être faite en respect des acquis autrement elle serait contraire au
progrès d'autant plus que la responsabilité se bâtit logiquement en
fonction du fait dommageable, il en est la source qui « seule (...)
permet de comprendre ses multiples canaux dérivés épars à travers
les prairies, [et] leur donne l’être et la substance » 5.
31. Par la promulgation de la loi du 15 aout 20056, le
législateur entreprit un pas dans le sens de l'unification du régime de

1
V. M. DUGUE, L’intérêt protégé en droit de la responsabilité civile, op. cit., pp.
403 et s.
2
V. Ibid, pp. 408 et s.
3
F. LEDUC, Les préjudices réparables, synthèse des travaux du GRERCA,
Recueil des travaux du Groupe de Recherche Européen sur la Responsabilité
Civile et l’Assurance (GRERCA), Le droit français de la responsabilité civile
confronté aux projets européens d’harmonisation, IRJS éditions, 2012, p. 899.
4
L. GRYNBAUM, La faute et les intérêts protégés, Point de vue extérieur, Recueil
des travaux du Groupe de Recherche Européen sur la Responsabilité Civile et
l’Assurance (GRERCA), Le droit français de la responsabilité civile confronté aux
projets européens d’harmonisation, IRJS éditions, 2012, p. 795.
5
M. VILLEY, Réflexions sur la philosophie et le droit, Les carnets, PUF 1995,
IV-9, p. 102.
6
Loi n° 86-2005 du 15 août 2005 portant insertion d’un cinquième titre au Code
des assurances concernant l'assurance de la responsabilité civile du fait de l'usage
des véhicules terrestres à moteur et au régime d'indemnisation des préjudices
la responsabilité civile. La réparation des préjudices résultant des
atteintes aux personnes dans les accidents de la circulation obéit
désormais à un régime unique qui se démarque de la distinction des
régimes contractuel et délictuel de responsabilité1. Certains
pourraient y voir l'expression d'une tendance législative à délaisser
la distinction mais il n'en est rien. 2 De toute façon, ce choix inédit
s'est pourtant révélé décevant par rapport au droit commun et sa
distinction classique.
32. D'abord, ce régime prévoit une énumération exhaustive des
préjudices indemnisables3 et ce à l'inverse du droit commun de la
responsabilité aussi bien contractuelle que délictuelle qui s'en tient à
des catégories flexibles ayant dans un contexte évolutif la capacité
d'absorber les préjudices émergeants de manière à augmenter les
chances d'une indemnisation équitable 4.Par ailleurs, la contrepartie
de l'objectivisation du fait générateur semble trop chère à payer.
Soumettant la détermination du montant des dommages et intérêts à
des barèmes préétablis5, ce régime revient à détrôner l'éminent
principe de la réparation intégrale. Le droit commun avec ses deux
facettes auraient fait profiter aux victimes des accidents de la
circulation soit du régime objectif de la responsabilité délictuelle du
fait des choses soit des avantages de l'obligation de sécurité de
résultat qui incombe au transporteur. Qui plus est, l'estimation du
montant des dommages et intérêts serait faite selon le principe de la
réparation intégrale.

résultant des atteintes aux personnes dans les accidents de la circulation, JORT 23
août 2005, p. 2335.
‫ مجلّة األخبار القانونيّة ماي‬،‫ المسؤوليّة المدنيّة في حوادث الطرقات‬،‫ كحلون‬.‫ انظر في هذا االتجاه ع‬1
‫ » إن التشريع الجديد أسقط جملة من المبادئ الموضوعية وأصبح القضاء في ح ّل من مناقشة‬12.‫ ص‬،2016
‫) المسؤولية‬...( ‫) وليس من األهمية في التمييز بين‬...( ‫أهم المسائل الداخلة في قضايا التعويض فالسند واضح‬
‫) إذ يكفي مراعاة ما أوره المشرع بقانون‬...( ‫التعاقدية والتقصيرية أو الجمع أو الخيار بين المسؤوليتين‬
.«‫ على وجه الحصر‬2005
2
La promulgation de cette loi était animée par le principal souci de mettre fin à
l'application de l'article 96 du Code des obligations et des contrats en matière
d'accidents de la circulation.
3
V. L'article 126 du Code des assurances.
4
V. J-L. BERGEL, Méthodologie juridique, PUF, 3e éd., 2018, p. 128. « Une
certaine flexibilité des catégories juridiques est en effet nécessaire pour que le
système juridique puisse absorber les évolutions du milieu social et de l'ordre
juridique ».
5
V. les articles 131 et s. du Code des assurances.
Tout bien considéré, l'abolition de la distinction est loin d'être
à l'œuvre. « Le meurtre du patient n'est pas la seule manière de faire
tomber la fièvre »1. (II)

Le nécessaire réaménagement de la
II- distinction entre la responsabilité
contractuelle et la responsabilité délictuelle

33. Si la viabilité de la summa divisio des ordres contractuel et


délictuel de responsabilité semble surpasser toute controverse, la
présentation que dresse le droit positif de la distinction des
responsabilités contractuelle et délictuelle est entachée de failles et
requiert de ce fait que des correctifs y soient apportés tant au niveau
de l'expression du principe de la distinction(A) qu'au niveau des
modalités de sa mise en œuvre dans la configuration des rapports
entre les deux responsabilités. (B)

A- Le réagencement de la distinction : pour une meilleure


expression du principe de la distinction
34. La première recommandation est d'ordre formel. Il paraît
souhaitable que le législateur opère un regroupement des textes
relatifs aux dommages et intérêts contractuels en vue de les resituer
auprès des règles relatives à la responsabilité délictuelle dans un
même intitulé réservé à la responsabilité civile. Mais ce qui importe
plus est le volet substantiel. Il conviendrait donc d'en finir avec les
différences de régime artificielles. (1) Et de clarifier la frontière
séparant les domaines de chacune des deux responsabilités. (2)
1. La suppression des différences artificielles existant entre
les deux régimes
35. Il est en effet courant d'affirmer que les deux ordres de
responsabilité civile d'opposent relativement aux règles de la

1
Ph. BRUN, La distinction des responsabilités délictuelle et contractuelle :
comment tenter de faire baisser la fièvre du patient autrement qu’en le tuant,
op.cit., p. 65.
capacité1.Néanmoins, la capacité affecte la validité du contrat et non
pas la mise en œuvre de la responsabilité. Un contrat conclu par une
personne à capacité restreinte pourrait bien entendu engendrer une
responsabilité contractuelle à condition qu'il soit valable ce qui est
tout à fait possible et dans ce cas la responsabilité contractuelle aura
lieu de s'appliquer aux personnes à capacité restreinte au même titre
que la responsabilité délictuelle.
36. Par ailleurs, si les deux responsabilités s'opposent au regard
de l'objet de la preuve2 il n'en va pas ainsi pour la charge de preuve.
« Il n'existe pas [en matière de responsabilité contractuelle]
d'opposition entre un système de faute prouvée et un système de
faute présumée (...). L'inexécution contractuelle doit toujours être
prouvée »3. Une fois l'inexécution établie, il reviendrait au débiteur
conformément à l'article 421 du Code des obligations et des contrats
de contrarier cette preuve en prouvant l'exécution correcte de son
obligation. À défaut, il peut encore se libérer en prouvant l'absence
du lien de causalité au sens de l'article 282 du Code des obligations
et des contrats. L'intérêt de la distinction entre obligation de moyens
et obligation de résultat consiste à rendre la preuve de l'inexécution
plus au moins facile à apporter. Et elle le fait aussi bien en matière
contractuelle qu'en matière délictuelle et quasi-délictuelle.
37. S'agissant de la possibilité d'une condamnation solidaire,
on répond différemment selon qu'il s'agisse d'une responsabilité
contractuelle ou d'une responsabilité délictuelle. Devant être
expressément convenue en matière contractuelle, elle serait en
revanche présumée en matière délictuelle 4.Or l'article 174 du Code
des obligations et des contrats, ajoute que la solidarité entre les
débiteurs pourrait « être la conséquence nécessaire de la nature de

1
La capacité délictuelle serait moins exigeante que la contractuelle du fait que la
responsabilité délictuelle s'applique sans restriction aux personnes à capacité
restreinte alors que la responsabilité contractuelle requerrait la pleine capacité.
‫ مرجع مذكور‬،‫ شروط المسؤوليّة المدنيّة في القانون التّونسي والمقارن‬،‫ الجربي‬.‫انظر في هذا االتجاه س‬
.79 .‫ ص‬،‫سابقا‬
Ph. BRUN, Responsabilité civile extracontractuelle, op. cit, p. 67 ; M.
BOURASSIN, Les obligations, La responsabilité civile extracontractuelle, op. cit.,
p. 34.
2
V. supra n° 12.
3
C. OPHELE, Faute délictuelle et faute contractuelle, RCA, juin 2003, p.81.
‫ مرجع مذكور‬،‫شروط المسؤوليّة المدنيّة في القانون التّونسي والمقارن‬، ‫ الجربي‬.‫ انظر في هذا االتجاه س‬4
.977 .‫ ص‬،‫ مقال مذكور سابقا‬،‫ المسؤوليّة التّقصيريّة والعقديّة‬،‫ العيّاري‬.‫ص‬.‫ ؛ م‬80.‫ ص‬،‫سابقا‬
l'affaire ». Ainsi, « les codébiteurs contractuels, tout comme les
codébiteurs délictuels assument une obligation solidaire dès lors que
leur contribution à la réalisation du dommage est indivisible »1.
38. De même, la formalité de mise en demeure préalable en
matière contractuelle ne constitue nullement une condition
spécifique pour l'allocation des dommages et intérêts contractuels
étant requise uniquement pour demander des dommages et intérêts
moratoires2. Au demeurant, le droit de réclamer des dommages et
intérêts compensatoires s'acquiert aussi bien en matière contractuelle
qu'en matière délictuelle dès que le fait générateur est caractérisé et
qu'il produit un dommage 3.
39. Par ailleurs, aucune justification ne saurait expliquer
pourquoi le demandeur en responsabilité contractuelle disposerait
d'un délai de prescription égal au quintuple du délai appliqué en
matière délictuelle 4. Une modeste intervention législative est
susceptible de mettre fin à cette « distorsion injustifiable »5 en
procédant à l'unification des délais de prescription de droit commun
ainsi que leurs points de départ. Deux options semblent
envisageables. Soit on reprend en matière contractuelle les délais de
la prescription applicables en matière délictuelle. Soit on poursuit un
juste milieu à travers un délai décennal qui constituerait le droit
commun de la prescription de l'action tant contractuelle que
délictuelle à compter du jour où la dette de réparation devient
exigible c'est à dire le jour où le dommage se produit.
40. De même, la très objective responsabilité du fait des choses
étant étrangère à la notion de faute et de condition et de fondement,

1
S. ABID MNIF, Responsabilité civile, Cours polycopié non-publié, Faculté de
droit et des sciences politiques de Tunis, 2015-2016, p. 22.
268 ‫ (غير منشور) « حيث اشترط الفصل‬2014 ‫ جانفي‬31 ‫ مؤرخ في‬7313 ‫ قرار تعقيبي مدني عدد‬2
‫من م ا ع الستحقاق الدائن للفائض القانوني أن يثبت مماطلة المدين عن الوفاء بالتزاماته لسبب غير صحيح‬
.‫ من م ا ع‬278 ‫حسب مقتضيات الفصل‬
‫وحيث تبين بالرجوع إلى أوراق ملف القضية أن المدعي في األصل لم يتولى إنذار المطلوبة بان تؤدي له‬
‫قيمة المضرة تلك قبل رفعه لدع واه وبالتالي لم يثبت مماطلة المعقب ضدها بالوفاء بالتزاماتها التعاقدية‬
.» ‫المحمولة عليها‬
3
V. S. ABID MNIF, Responsabilité civile, op. cit., p. 22.
4
V. Ph. BRUN, Responsabilité civile extracontractuelle, op. cit, p. 67; G. Viney,
Introduction à la responsabilité, op. cit., p. 646.
.977.‫ ص‬،‫ مقال مذكور سابقا‬،‫ المسؤوليّة التّقصيريّة والعقديّة‬،‫ العيّاري‬.‫ص‬.‫م‬
5
G. DURRY, Responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle : Dualité
ou unité ?, op.cit., p. 23.
et intervenant quand bien même aucun devoir n'a été transgressé, ne
semble pas réfractaire à l'éventualité d'un aménagement préalable 1.
D'ailleurs si le législateur prit le soin de souligner pour la
responsabilité issue des articles 82 et 83 du Code des obligations et
des contrats que « toute stipulation contraire est sans effet »2, l'article
96 du Code des obligations et des contrats ne contient pas de mention
pareille. Il paraît souhaitable que la Cour de cassation revoie sa
position3 dans le sens d'une approche nuancée en admettant la
validité de l'aménagement préalable de la responsabilité délictuelle
dans la limite de la responsabilité instaurée par l'article 96 du Code
des obligations et des contrats, le contraire serait ignorer
l'irréductible spécificité de celle-ci et procéder par mimétisme en en
faisant une sorte de copie imparfaite de la responsabilité délictuelle
pour faute.
41. En définitif, s'il en est de purement artificielles, il n'en
subsiste pas moins des différences de régime entre les deux ordres
de responsabilité dont le bien-fondé ne saurait être nié ce qui rend
nécessaire la clarification de la frontière qui sépare leurs domaines
respectifs. (2)
2. La clarification de la frontière départageant les domaines
des deux responsabilités
42. L'imprécision des critères de mise en œuvre de la
responsabilité contractuelle favorise un véritable litige portant sur le
seul point de savoir si une telle ou telle situation donnant droit à une
dette de réparation relève d'un tel ou tel des deux domaines de la
responsabilité civile. Il conviendrait alors de définir rigoureusement
ce qu'est une situation contractuelle et d'identifier clairement le
manquement constitutif de responsabilité contractuelle. Et tout ce
qui échapperait à ce cercle restreint formerait le champ résiduel de
la responsabilité délictuelle qui serait la catégorie ouverte4.

1
Contrairement à la responsabilité du fait personnel, V. supra n° 13.
2
Alinéa 2 des articles 82 et 83 du C.O.C
‫ (غير منشور) « من المتفق عليه فقها وقضاء أن‬2014 ‫ أفريل‬10 ‫ مؤرخ في‬233 ‫قرار تعقيبي مدني عدد‬3
‫اإلعفاء أو باألحرى شروط اإلعفاء من المسؤولية التقصيرية المترتبة سواء كانت عن العمل الشخصي أو‬
.» ‫عن عمل الغير أو عن فعل األشياء باطلة الن أحكامها تتصل بالنظام العام‬
4
V J-L. BERGEL, Méthodologie juridique, op. cit., p. 128. « Il faut (...) que parmi
les deux catégories antithétiques qui correspondent à une distinction, il y en ait
43. Il faudrait tout d'abord élucider la problématique des
situations paracontractuelles qui loin de leur correspondre
parfaitement présentent à certains égards une ressemblance
troublante avec les situations contractuelles étant « consécutives à
des accords de volontés qui ne sont pas [de véritables] contrats »1.
Tel est spécialement le cas des fiançailles, des services gratuits et des
actes de courtoisie. En présence d'un service rendu gratuitement ou
d'un coup de main la responsabilité ne peut être que délictuelle faute
d'un contrat au sens juridique, d'une véritable intention de s'obliger 2.
Idem pour les situations dites paracontractuelles parce qu'elles
donnent la fausse apparence d'un contrat, cas classique du voyageur
ferroviaire sans billet ou celui ayant pris une destination alors que
son contrat avait été convenu pour une autre, ou bien des squatteurs
de logements. Elles relèvent également du champ de la
responsabilité délictuelle.
44. Il conviendrait également d'identifier les deux épisodes du
phénomène contractuel qui marquent son début et sa fin étant les
frontières chronologiques entre les deux responsabilités. Le contrat
naît en principe de l'échange des consentements par la rencontre
d'une offre et d'une acceptation. C'est événement qui marque l'aube
contractuel. Par conséquent, si le préjudice dont il est demandé
réparation survient à un moment antérieur, la responsabilité ne
pourrait être que délictuelle. Il faudrait néanmoins préciser que la
naissance du contrat devait se produire dans le respect des conditions
générales de validité des conventions. Autrement, la nullité du
contrat ferait revenir par le jeu de la rétroactivité la situation
antérieure de non-contrat et la responsabilité pour l'inexécution d'un
contrat frappé de nullité ne pourrait être alors que délictuelle 3. Toute
autre est en revanche la question du dommage que subit l'une des

une au moins qui soit assez ouverte (...) dans chaque classification, si l'une des
catégories est limitative, l'autre doit être résiduelle ».
1
Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Droit des obligations,
op. cit., p. 585.
2
V. G. DURRY, La distinction de la responsabilité délictuelle et de la
responsabilité contractuelle, Institut de droit comparé de l’université Mc Gil,
Montréal, 1986, p. 53.
3
À l'exception de certaines obligations dites autonomes ayant la singularité de
survivre à la nullité du contrat et conserver leur habit contractuel. La réparation du
préjudice consécutif à leur inexécution relève du domaine de la responsabilité
contractuelle quand bien même le contrat est nul.
parties du fait de l'annulation du contrat. « Celui-ci doit être rattaché
à celui plus général relatif à la nature de la responsabilité
précontractuelle »1 que la doctrine opine pour sa nature délictuelle 2.
45. Pour ce qui est de la fin du contrat, l'identification de la
nature de la responsabilité pour manquement à l'une des obligations
postérieures à l'extinction du contrat tout en procédant de lui3 appelle
à distinguer entre l'extinction du contrat et la fin du contrat. En effet,
l'extinction du contrat qu'elle soit normale 4 ou pathologique5
n'annonce pas la fin du contrat « mais seulement de certaines de ses
composantes et plus précisément des obligations essentielles du
contrat »6. Tant qu'existera l'une des obligations qui en dérivent, le
contrat survivra7 et avec lui l'éventualité d'une responsabilité
contractuelle. C'est bien l'extinction totale de toutes les obligations

1
Ph. BRUN, Responsabilité civile extracontractuelle, op. cit, p. 79 ; V. C.
GUELFUCCI-THIBIERGE, Nullité, restitutions et responsabilité, LGDJ, 1992,
pp. 190 et s.
En effet, quand bien même c'est la rencontre des volontés des parties qui annonce
le début de la relation contractuelle, cette rencontre est précédée bien souvent
d'une période de gestation durant laquelle les parties négocient les termes de
l'accord définitif qui marquera la naissance de leur contrat.
2
Ph. BRUN, Responsabilité civile extracontractuelle, op. cit, p. 79 ; Ph. Malaurie,
L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Droit des obligations, op. cit., p.585;
BOURASSIN, Les obligations, La responsabilité civile extracontractuelle, op. cit.,
p. 28.
La définition de la nature de la responsabilité encourue pour manquement par une
partie au devoir précontractuel de loyauté dans la formation du contrat causant par
la suite l'annulation du contrat au préjudice de l'autre partie qui a suscité l'intérêt
de la jurisprudence à l'occasion de l'arrêt des chambres réunies de Cour de
cassation n° 30535 du 28 avril 2018 : Cass. Ch. réun. arrêt n° 30535 du 28 avril
2018, Infos Juridiques, janvier 2019, p. 10 : « la faute dans la présente affaire ne
correspond ni à l'inexécution du contrat ni à son l'annulation mais plutôt (...) à une
faute précontractuelle à l'origine de la nullité (...) étant établi que la propriétaire
dissimula lors des pourparlers l'existence d'un litige qui l'opposait à son ancien
contractant (...) elle aurait ainsi cédé un droit litigieux ce que lui impute
formellement une faute délictuelle ».
3
Telles les obligations de confidentialité et de non concurrence. Ou bien celles ne
devenant exigible qu'à partir de l'extinction du contrat telle que l'obligation qui
incombe au preneur d'un local d'en restituer les clefs après l'extinction de son
contrat de bail.
4
Suite sa bonne exécution ou à sa résiliation d’un commun accord.
5
De l'effet d'une résolution ou caducité.
6
E. JUEN, La remise en cause de la distinction entre la responsabilité contractuelle
et la responsabilité délictuelle, op. cit., p. 317.
7
V. Ch. LE STANC, Existe-t-il une responsabilité post-contractuelle, JCP CI.,
1978, II, n° 12735.
qui en découlent qui annonce la fin du contrat et le début de la
véritable période postcontractuelle où la responsabilité ne peut être
que délictuelle1.
46. La responsabilité contractuelle n'est donc envisageable
qu'en présence d'un contrat définitivement formé et produisant
encore ses effets. Mais ce n'est pas assez la définir, la responsabilité
contractuelle résulte de la violation d'une obligation née du contrat
ce qui implique naturellement l'exclusion des normes extérieures au
contrat lors même que c'est le contrat qui en a fourni la circonstance 2.
47. S'agissant de l'identification positive du contenu
obligationnel d'un contrat, celui-ci doit être pris « dans toute son
ampleur »3 ce qui reviendrait à considérer en plus des obligations
expressément voulues par les parties 4, les obligations greffées au
contrat par l'ordre juridique. En effet, l'article 243 du Code des
obligations et des contrats5constitue le fondement de l'adjonction à
certains contrats dont l'objet principal se situe ailleurs, soit par la loi
ou bien par le juge, de certaines obligations à savoir l'obligation de
sécurité6 en matière de produits défectueux7, dans le contrat
médical8, le contrat de transport9 et d'hôtellerie10, l'obligation
d'information assortie au contrat médical11 ainsi que les obligations

1
V. Ph. DELEBECQUE et F-J. PANSIER, Droit des obligations, responsabilité
civile, délit et quasi-délit, op.cit., n° 52.
2
C'est par exemple le cas du chauffeur de taxi qui insulte son client ou bien du
propriétaire qui dénigre son locataire.
3
J. CARBONNIER, Droit civil, t. 4, Les obligations, 22e éd., PUF, 2000, p. 2408.
4
Qu'il s'agisse d'obligations principales corrélatives à l'objet essentiel du contrat,
ou bien d'obligations accessoires.
5
« Tout engagement doit être exécuté de bonne foi, et oblige, non seulement à ce
qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que la loi, l'usage ou l'équité
donnent à l'obligation d'après sa nature ».
6
Relativement à cette obligation V. S. ABID MNIF, L'obligation de sécurité dans
les contrats, mémoire de DEA, faculté de droit de Sfax, 2002-2003.
7
V. les articles 3 et 10 de la loi n° 92-117 du 7 décembre 1992 relative à la
protection du consommateur, JORT 15 décembre 1992, p. 1571.
8
C. A de Tunis n° 34412/34413 du 14 mai 1997 (inédit) ; C. A de Tunis arrêt n°
48788 du 29 avril 1998, RTD 1999, p. 213.
9
V. les articles 653 du Code de commerce et 150 du Code de commerce maritime.
10
Cass. civ. arrêt n° 10578 du 7 novembre 2004, BCC, II, p. 118 ; Cass. civ. arrêt
n° 33506/31826 du 31 janvier 2017 (inédit).
11
C. A de Tunis arrêt n° 48788 du 29 avril 1998, RTD 1999, p. 213 ; Cass. civ.
arrêt n° 43259 du 1 juillet 2010 (inédit). V. S. ABID MNIF, L'évolution de la
responsabilité civile médicale dans la jurisprudence tunisienne, Questions
de conseil de mise en garde dans les opérations bancaires 1. Ces
obligations ne sont pas purement contractuelles et ne font
qu'exprimer dans les rapports inter partes « des règles générales de
comportement qui existent entre toutes personnes même si elles ne
sont pas liées par contrat »2. Elles n'en demeurent pas moins
contractuelles dans la mesure où elles expriment les suites du
contrat3.
48. Par ailleurs, lorsque la victime d'une inexécution
contractuelle constitutive d'une infraction pénale choisit de se
constituer partie civile, le juge pénal fait abstraction du caractère
contractuel de la faute et examine la demande selon les articles 82 et
83 du Code des obligations et des contrats4.Quoiqu'elle ait reçu
l'appui d'une partie de la doctrine5, la disqualification de la faute
contractuelle devant le juge pénal est largement critiquée 6 amenant
à détrôner le principe de la primauté de la responsabilité
contractuelle en présence d'une dette de réparation qui est en principe

doctrinales de droit civile contemporain, Regroupement Latrach du livre


spécialisé, 2014, p. 151.
1
Cass. civ. arrêt n° 73983 du 22 janvier 2013 (inédit). V. H. BEN LAKDHAR
RAID, La responsabilité civile du banquier, Regroupement Latrach du livre
spécialisé, 2009.
2
G. VINEY, Rapport de synthèse, La responsabilité civile à l’aube du XXIe siècle,
op.cit., p. 83.
3
L'adjonction d'une obligation de sécurité au contrat de transport est inhérente à
la nature de ce contrat.
4
En l'absence d'une jurisprudence directe, l'arrêt de la Cour de cassation n° 56612
du 19 décembre 20184 pourrait être révélateur :
Cass. civ. arrêt n° 56612 du 19 décembre 2018 (inédit) : Le demandeur au pourvoi
a fait grief à la décision de la Cour d'appel d'avoir allouer des dommages et intérêts
en réparation du préjudice consécutif à une infraction de vol quand bien même le
demandeur en réparation a manqué de soumettre les justificatifs quant à l'issue des
poursuites pénales. La Cour répondit que l'issue du procès pénal n'avait pas
d'impact sur l'action en réparation puisque la responsabilité encourue était de
nature contractuelle « la connexité entre la demande en réparation et l'affaire
pénale étant cantonnée aux seules actions en responsabilité délictuelle ». Partant
du constat qu'entre l'action pénale et l'action civile accessoirement portée devant
le juge pénal il y a toujours une connexité due à l'emprise de la première sur la
deuxième, pourrait-on déduire que la Cour exclut par cette affirmation la
possibilité d'invoquer la responsabilité contractuelle devant le juge pénal.
5
Ph. DELEBECQUE et F-J. PANSIER, Droit des obligations, responsabilité
civile, délit et quasi-délit, op.cit., n° 60 ; M. BOURASSIN, Les obligations, La
responsabilité civile extracontractuelle, op. cit., p. 38.
6
V. G. VINEY, Introduction à la responsabilité, op. cit., p. 622 ; Ph. MALAURIE,
L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Droit des obligations, op. cit., p. 590.
dans la dépendance de la norme contractuelle. « Ce n'est pas parce
que, exceptionnellement, un problème de responsabilité
contractuelle doit être réglé par les juridictions répressives qu'il cesse
d'être de nature contractuelle »1. Il est ainsi souhaitable que les
juridictions répressives reviennent sur cette pratique injustifiable.
49. Ceci dit, si la distinction entre les deux ordres de
responsabilité veut qu'à chacune des responsabilités son domaine, il
ne faudrait pas y voir « à tort une ligne de partage entre deux
institutions juridiques totalement étrangères l'une de l'autre » 2 car il
s'agit en fin de compte « de deux faces d’une même entité, ou si l’on
préfère, (...) deux sous-produits d’un même concept, la
responsabilité civile »3. D'où la nécessité d'en assouplir la mise en
œuvre afin d'assurer une meilleure articulation entre les deux
régimes. (B)

B- L'assouplissement de la mise en œuvre de la distinction


: pour une meilleure articulation entre les deux régimes
50.Tout d'abord, si on a bien souscrit avec l'aval de la
jurisprudence au bien-fondé de la règle de non-option dans la
configuration des rapports entre les deux ordres de responsabilité,
encore faudrait-il qu'on prenne garde d'en amplifier la portée. (1) Et
étant donné que « le droit ne peut pas être pensé indépendamment de
la manière dont il est mis en œuvre devant les tribunaux » 4, on
devrait faire en sorte que l'application de la distinction n'entrave pas
la bonne administration de la justice. (2)
1. L'infléchissement de la règle de non-option
51. Il est parfaitement normal lorsque la dette de réparation
relève du domaine de la responsabilité contractuelle que la victime
ne puisse se prévaloir contre le débiteur des règles de la
responsabilité délictuelle quand bien même elle y aurait intérêt. Le
contraire serait priver de leur portée les textes relatifs aux dommages

1
G. DURRY, Responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle : Dualité
ou unité ?, op. cit., p. 23.
2
Ph. BRUN, Responsabilité civile extracontractuelle, op. cit, p. 96
3
Ibid, p. 56.
4
P. ANCEL, Le concours de la responsabilité délictuelle et de la responsabilité
contractuelle, op. cit., p. 9.
et intérêts contractuels1. Mais de là à en déduire une interdiction
absolue voire une prohibition de l'option2, ce serait méconnaître les
nuances de la frontière partageant le domaine de la responsabilité
civile entre l'ordre délictuel et l'ordre contractuel et méprendre leurs
champs respectifs pour deux sphères totalement autonomes l'une de
l'autre.
52. En effet, on a bien relevé l'existence d'une catégorie
d'obligations greffées au contrat en application de l'article 243 du
Code des obligations et des contrats. Il s'agit des obligations
contractuelles de sécurité, d'information, de conseil, de mise en
garde et d'autres qui tout en étant contractuelles ne le sont pas
exclusivement car ne faisant que retranscrire au contrat « des normes
de comportement qui s'imposent également entre les particuliers
dans les relations extracontractuelle »3. Ces obligations forment un
espace où s'entrecroisent les domaines des deux responsabilités, une
situation de véritable concours des deux responsabilités, ce qui
révèle l'incongruité de l'interdiction absolue de l'option.
53.En effet, la règle de non-option à pour vocation d'entraver
toute tentative entreprise par un créancier victime d'un manquement
contractuel pour freiner l'applicabilité à la demande en réparation du
régime de la responsabilité contractuelle. C'est pour cette raison
qu'elle perd sa raison d'être lorsque le régime contractuel n'est plus
en position de prétendre à la primauté. D'abord, le duel classique
entre le contrat et loi paraît à cet égard sans effet pour la simple
raison qu'une obligation mixte tient sa source à la fois du contrat et
de la loi plus précisément des articles 82 et 83 du Code des
obligations et des contrats de telle façon que la responsabilité
consécutive à sa violation n'est pas forcement contractuelle mais

1
V. supra n° 17.
ّ .‫ أنظر في هذا االتجاه م‬2
.‫ ص‬،‫ مرجع مذكور سابقا‬،‫ المسؤوليّة المدنيّة التقصيريّة‬: ‫ القانون المدني‬،‫الزين‬
‫ ؛‬70
I. BEN RJEB, L'option en matière de responsabilité civile, mémoire de DEA,
faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, 1987-1988 ; M-L RASSAT.,
La responsabilité civile, PUF, 1973, p. 17 ; Ph. DELEBECQUE et F-J. PANSIER,
Droit des obligations, responsabilité civile, délit et quasi-délit, op.cit., n° 56 ; Ph.
MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Droit des obligations, op. cit.,
p. 589 ; S. FOURNIER, P. MAISTRE du CHAMBON, La responsabilité civile
délictuelle, op. cit., p. 33.
3
S. ABID MNIF, L’option entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité
délictuelle, op. cit., p. 321.
plutôt éligible à l'application des deux régimes 1. De plus, s'agissant
d'une obligation greffée par l'ordre juridique à un contrat dont l'objet
se situe ailleurs, son existence n'est pas le fruit de la volonté des
parties et on ne voit pas comment le rapport contractuel préexistant
entre elles pourrait influencer le régime de réparation auquel elle
devrait être soumise. En présence d'une l'obligation mixte, l'utilité de
la règle devient moins nette. Mais plus encore, l'obstination à
l'application de la règle dans une hypothèse de véritable concours se
révèle inopportune car elle débouche sur une dichotomie radicale.
Soit on associe strictement la réparation à la responsabilité
contractuelle. Soit on la décontractualise totalement 2.
54. Dans la première hypothèse, avec un verrouillage de la
voie délictuelle, les juges feront appel plus fréquemment à la
contractualisation des normes générales de comportement d'où
l'accroissement du risque de la dérive 3. C'est bien la possibilité d'un
recours délictuel qui sert à maintenir la contractualisation dans la
limite du raisonnable. Par ailleurs, lorsque les règles de la
responsabilité délictuelle permettent à la victime d’obtenir
réparation plus facilement ou plus complètement que celles de la
responsabilité contractuelle, l'application de la règle de non-option
dans une situation de véritable concours provoque des inégalités
flagrantes entre les victimes dues notamment au malheur de
l'obligation de sécurité de moyens4.

1
V. S. ABID MNIF, L’option entre la responsabilité contractuelle et la
responsabilité délictuelle, op. cit., p. 321 : « Cette reproduction au sein du contrat
d'obligations dont l'objet coïncide, au moins en partie, avec celui des obligations
délictuelles engendre effectivement un concours de responsabilité. En rompant les
frontières qui séparaient les deux ordres de responsabilité, ces obligations font
perdre à la règle du non-cumul sa légitimité ».
2
V. J-S. BORGHETTI, La responsabilité du fait des choses, un régime qui a fait
son temps, RTD civ. 2010, p. 29.
3
En droit français c'est la mystification de la règle de non-option qui a entraîné
l'extension abusive du domaine de la responsabilité contractuelle.
4
Alors que le créancier de cette obligation sombrera dans les méandres de la
responsabilité subjective les tierces victimes bénéficieront quant à elles de la
possibilité de se placer sur le terrain délictuel. Elles seront ainsi mieux traitées que
les contractants. Surtout que contrairement au tiers qui ne possède jamais d'assise
juridique permettant son irruption dans un contrat qui lui est extérieur, rien
n'empêche juridiquement dans une situation de véritable concours entre les deux
responsabilités que le contractant se dépouille de sa qualité de contractant pour se
présenter comme un tiers quelconque.
55. Quant à la deuxième hypothèse1, on ne peut qu'éprouver de
l'hostilité envers cette idée de décontractualisation 2. Certes et c’est
justement toute la question, l'obligation greffée au contrat n'est pas
purement contractuelle mais elle n'est pas purement délictuelle non
plus. Bien qu'elle soit détachable du contrat, elle entretient avec lui
un lien incontestable tant qu'elle en exprime les suites ce qui fait que
l'éventualité d'une responsabilité contractuelle doive être maintenue.
Qui plus est, la décontractualisation semble reposer sur une croyance
instinctive à la faveur du régime délictuelle alors qu'il n'en est pas
toujours ainsi. Le régime contractuel est susceptible d'offrir à la
victime une protection analogue et même meilleure surtout lorsque
le dommage se produit sans l'intervention du fait d'une chose.
56. Un seul préjudice issu d'un fait générateur unique qui
tombe sous le coup de deux qualifications, faute de pouvoir hybrider
les deux régimes, la solution la plus spontanée s'impose par la force
de l'évidence. La détermination de l'ordre de responsabilité
applicable devrait être laissée à la discrétion de la victime. Prônée
par une partie de la doctrine3 et pratiquée dans plusieurs systèmes
comparés, cette exception en faveur de l'option a été adoptée par la
jurisprudence implicitement et au coup par coup depuis l'arrêt

1
V. P. JOURDAIN, Réflexions sur la notion de responsabilité contractuelle, op.
cit., pp. 65 et s. ; D. GARDNER, B. MOORE, La responsabilité contractuelle dans
la tourmente, Les Cahiers de droit, Université de Laval, vol. 48, 2007, pp.543 et s.
2
V. P. ANCEL, Le concours de la responsabilité délictuelle et de la responsabilité
contractuelle, op. cit., p. 4.
3
V. G. VINEY, Introduction à la responsabilité, op. cit., pp. 651 ; G. VINEY,
Rapport de synthèse, La responsabilité civile à l’aube du XXIe siècle, op. cit., p.82
; Ph. BRUN, La distinction des responsabilités délictuelle et contractuelle :
comment tenter de faire baisser la fièvre du patient autrement qu’en le tuant, op.
cit, p. 64 ; S. ABID MNIF, L’option entre la responsabilité contractuelle et la
responsabilité délictuelle, op. cit., pp. 301 et s. ; P. ANCEL, Le concours de la
responsabilité délictuelle et de la responsabilité contractuelle, op. cit., p. 8.
fondateur des chambres réunies de la Cour de cassation n° 42389 du
16 mars 19951, jusqu'à l'arrêt du 29 avril 2014 2.
57. Toutefois, le passage de la responsabilité contractuelle à la
responsabilité délictuelle pour faute personnelle étant cantonné au
seul manquement entre contractants à une obligation qui trouve bien
son équivalent sur le terrain délictuel, il faudrait prendre garde des
situations où une telle obligation pourrait se confondre avec une
obligation purement contractuelle. On estime que cette
problématique se pose nettement en matière de responsabilité
médicale où la confusion entre l'obligation et l'obligation de soin a
traîné la jurisprudence dans une dérive dans l'application de
l'option3.La reconnaissance au profit du patient d'un droit à l'option
devrait être limitée au seul domaine de l'obligation de sécurité à
savoir les transfusions sanguines, les infections nosocomiales et le
matériel utilisé produisant « un dommage sans rapport avec le mal
initial et qui s'ajoute à celui-ci »4. L'analogie repérée entre la faute
délictuelle et le manquement à une obligation contractuelle de

1
Cass. Ch. réun. arrêt n° 42389 du 16 mars 1995, RTD 1996, p. 16 : « La victime
d'un accident de la circulation peur disposer de différents fondements pour
demander la réparation des dommages qu'elle a subi. Elle peut demander en effet,
soit d'agir sur la base de la responsabilité du fait personnel, soit sur la base de la
responsabilité délictuelle du fait des choses, soit enfin sur celle de la responsabilité
contractuelle du transporteur, qu'elle en est en conséquence libre pour opter pour
le fondement qu'elle choisit ».
2
Cass. civ. arrêt n°10059/9707 du 29 avril 2014, précité : « il est incontestable
qu'à chacune des responsabilités contractuelle et délictuelle ses conditions et son
domaine d'application, le fondement de l'obligation étant le contrat en
responsabilité contractuelle et la loi en responsabilité délictuelle (...). Toutefois, il
pourrait y avoir des obligations prescrites à la fois par le contrat et par la loi. (...)
l'option entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle étant
possible en présence d'une obligation mixte, (...) l'action devrait rester
nécessairement contractuelle si l'obligation est purement contractuelle ».
3
C. A de Tunis n° 75672 du 25 juin 2002 (inédit) ; Cass. civ. arrêt n° 22273 du 28
janvier 2003 (inédit) : « La mauvaise exécution du contrat due à une négligence
donne droit à la réparation. Cette responsabilité est encourue quel que soit le
fondement choisi, contractuel ou délictuel ».
4
S. ABID MNIF, L'évolution de la responsabilité civile médicale dans la
jurisprudence tunisienne, Questions doctrinales de droit civile contemporain,
Regroupement Latrach du livre spécialisé, 2014, p. 174.
moyens au niveau de la preuve ne constitue pas un motif suffisant
pour lever les cloisons entre les deux responsabilités 1.
58. L'option devrait être également reconnue lorsque la
défaillance du contractant coïncide avec le fait d'une personne dont
il répond. C'est le cas lorsqu'un handicapé mental placé dans un
établissement subit un dommage du fait d'un co-résident. Pour
demander des dommages et intérêt à l'établissement, il devrait avoir
le choix entre la responsabilité contractuelle pour manquement à une
obligation de sécurité et la voie délictuelle de l'article 93 du Code
des obligations et des contrats2.
59. Par ailleurs, la reconnaissance de l'option sous l'effet de la
mixité des obligations méconnues devrait être étendue au domaine
de la responsabilité délictuelle du fait des choses quand bien même
d'essence, cette responsabilité joue indépendamment de la
méconnaissance des obligations. Une fois que la responsabilité
contractuelle perd son exclusivité, la responsabilité délictuelle entre
en concurrence qu'elle qu'en soit la variante d'autant plus que lorsque
« le débiteur contractuel utilise une chose pour l'exécution de son
obligation, sa position vis à vis de la chose n'est pas manifestement
distincte de celle qui, en matière délictuelle, détermine la garde. Tout
comme le gardien délictuel, il a, en effet, bel et bien l'usage, la
direction et le contrôle de la chose »3.D'ailleurs, depuis l'arrêt du 16
mars 19954, la Cour de cassation entérina à maintes reprises la mise
en œuvre de l'article 96 du Code des obligations et des contrats pour
sanctionner l'atteinte à la sécurité entre contractants sans engager de
débat sur la question de l'option5. Celle-ci fut réaffirmée

1
Elle devrait être prise en considération dans l'application procédurale de la
distinction mais elle ne saurait éclipser l'intérêt à distinguer les deux
responsabilités.
2
qui établit à son profit un avantage probatoire sous forme d'une présomption de
faute : V. S. ABID MNIF, L’option entre la responsabilité contractuelle et la
responsabilité délictuelle, op. cit., p. 466.
3
S. ABID MNIF, Responsabilité civile, Cours polycopié non-publié, op. cit., p.10.
4
Cass. Ch. réun. arrêt n° 42389 du 16 mars 1995, précité : la Cour affirma
expressément la possibilité d'opter entre la responsabilité contractuelle du
transporteur pour manquement à une obligation de sécurité et la responsabilité
délictuelle du fait des choses,
5
En matière de transport : Cass. civ. arrêt n° 77101 du 10 avril 2000 BCC, I, p.
242 ; Cass. civ. arrêt n° 17678 du 24 juin 2002 (inédit). Noyade dans enfant dans
une piscine appartenant à un centre culturel : Cass. civ. arrêt n° 221 du 1 avril 2004
expressément à l'occasion de l'arrêt de la Cour de cassation n° 25655
du 28 aout 20151.
60. Une remarque devrait néanmoins être faite quant à
l'absence de décisions ayant appliqué la responsabilité du fait des
choses en matière médicale qui fut expliquée par le risque « de voir
l'obligation de soin du médecin qui n'est que de moyens absorbée par
le régime objectif de la responsabilité délictuelle du fait des choses
»2. On estime que ce risque résulte de l'admission excessive de
l'option en matière médicale qui une fois limitée au seul domaine de
l'obligation de sécurité, rien n'empêcherait le recours à la
responsabilité du fait des choses.
Toutefois, au risque d'énoncer une évidence, la bienveillance
affichée pour la mise en œuvre de l'article 96 du Code des obligations
et des contrats entre contractants devrait s'associer en contrepartie à
une appréciation rigoureuse des conditions permettant sa mise en jeu
à savoir la chose, le fait de la chose et la garde de la chose 3.

(inédit). Accident de course de voitures dans un centre de loisir : Cass. civ. arrêt
n° 27227 du 5 septembre 2003 (inédit) ; Chute dans un hammam : Cass. civ. arrêt
n° 23947 du 5 juin 2015 (inédit).
1
Cass. civ. arrêt n° 25655 du 28 aout 2015 (inédit) : en l'espèce, une enfant subit
un dommage après avoir été victime d'un accident de plongeon dans une piscine
appartenant à un hôtel pour défaut de surveillance par un personnel qualifié, des
dommages et intérêts on été demandés en application de l'article 96 du Code des
obligations et des contrats et les juridictions du fond lui donnèrent gain de cause.
Devant la Cour de cassation, un moyen a été soulevé quant à l'applicabilité à
l'affaire des règles de responsabilité contractuelle et l'absence de preuve du lien
contractuel. La Cour y répondit : « attendu que la demanderesse au pourvoi n'est
pas en mesure d'évoquer l'absence de preuve du lien contractuel tant que la victime
avait choisi de fonder son action sur la responsabilité délictuelle du fait des choses
».
2
S. ABID MNIF, Responsabilité civile, Cours polycopié non-publié, op. cit., p.10.
3
À ce propos, l'arrêt de la Cour de cassation n° 54137 du 17 octobre 20183 a de
quoi surprendre. Cass. civ. arrêt n° 54137 du 17 octobre 2018 (inédit) : En
l'espèce, au cours d'une partie de football les choses ont dégénéré et un supporter
subit un dommage à l'œil gauche après qu'un fumigène lui a été lancé au visage. Il
en demanda la réparation au club organisateur du match sur le fondement de
l'article 96 du Code des obligations et des contrats et la Cour de cassation entérina
ce fondement l'organisateur étant le gardien du stade lors du déroulement de la
partie. Ce raisonnement est manifestement défaillant. Tout d'abord, un stade n'est
pas une chose. De même, l'existence de la garde est pour le moins douteuse. Mais
surtout, la chose devant avoir un rôle causal, actif, dans la survenance du
dommage, on a du mal à saisir comment le stade aurait-t-il pu par son fait
endommagé l'œil de la victime. La responsabilité de l'organisateur de la partie
En définitif, on ne saurait perdre de vue que le droit à l'option
n'a qu'un statut d'exception, il devrait donc être doublé d'un
l'assouplissement dans la mise en œuvre procédurale de la
distinction. (2)
2. Le tempérament de la mise en œuvre procédurale de la
distinction
61. Il est fortement regrettable que le souci de respecter la
distinction entre les ordres contractuel et délictuel de responsabilité
puisse coûter à la victime la prolongation outre mesure de la quête à
la réparation et même la perte définitive du droit à la réparation. En
vue de neutraliser cet effet pervers, il conviendrait d'élargir l'office
du juge dans sa mise en œuvre procédurale de la distinction de sorte
qu'il puisse faire preuve « à la fois d'initiative et de souplesse » 1.
62. Il incombe naturellement au juge du fond de contrôler
l'applicabilité à l'espèce des moyens de droit que contient la requête
introductive. Ce faisant, il est tout à fait envisageable qu'il constate
qu'au regard de la distinction des ordres de responsabilité la requête
n'était pas adéquatement fondée. Soit que le demandeur manque de
préciser dans sa requête le fondement de sa demande en réparation
agissant comme si la responsabilité civile n'était qu'une 2, soit qu'il
sollicite à tort l'une des deux responsabilités alors que la situation de
fait relève de l'autre. Dans les deux cas lorsque le défendeur
s'abstient de l'invoquer, le juge se doit de le soulever par lui-même
n'étant pas en mesure, sous peine d'exposer sa décision à la cassation,
de statuer sur le fond du litige sans préciser le fondement selon lequel
il accueillit ou rejeta l'action en réparation au risque de tomber dans
la défaillance de motivation, ni d'entériner l'applicabilité à la
demande d'un régime juridique qui lui est inapplicable.
63. Ensuite, que ce soit soulevé d'office par le juge ou bien par
le défendeur, plutôt que d'adopter une position neutraliste passive et
débouter le demandeur ou bien déclarer sa demande irrecevable, il

étant contractuelle pour manquement à une obligation de sécurité, tout au plus la


victime aurait pu opter pour la voie de la responsabilité délictuelle pour faute.
1
G. VINEY, Introduction à la responsabilité, op. cit., p. 657.
2
Quand bien même l'article 70 du Code de procédure civile et commerciale prévoit
dans son premier alinéa que « la requête introductive de d'instance doit contenir
(...) le fondement juridique sur lequel repose la demande (...) », aucun texte ne
prescrit l'irrecevabilité des requêtes dépourvues de qualification.
serait préférable que le juge procède soit à la requalification des faits,
soit à l'identification de l'ordre de responsabilité pouvant trouver à
s'appliquer1,ce qui permettrait de préserver la frontière séparant les
deux responsabilités en freinant l'éventualité de déjouer le régime de
responsabilité applicable à l'espèce sans rejeter la demande et
retarder outre mesure la solution du litige. Ceci devrait néanmoins
être exercé dans le respect des principes directeurs du procès civil.
64. En procédant à la qualification, le juge pourrait se heurter
à une situation de véritable concours des ordres contractuel et
délictuel de responsabilité. Pareillement, à l'occasion d'une
requalification lorsque le demandeur sollicite à tort la voie de la
responsabilité contractuelle, l'éventualité d'un concours entre les
différentes responsabilités délictuelles n'est pas à exclure. En aucun
cas le juge ne pourrait se substituer à la victime dans l'exercice de
l'option2. À dire vrai, la tentation est vraiment forte de laisser au juge
la faculté de résoudre les situations de concours en optant pour le
fondement le plus favorable à la demande. Mais ce serait aller un peu
trop loin, ce serait même substituer le juge au conseil de la victime.
Lorsque plusieurs fondements peuvent trouver à s'appliquer et que
certains sont plus favorables au demandeur que d'autres, le juge ne
saurait retenir l'un ou l'autre des fondements sans que son choix ne
puisse faire pencher la balance en faveur de l'une des parties. Il n'a
alors pas d'autre issue que de rejeter la demande.
En tout état de cause, ces facultés devraient s'exercer dans le
respect du principe du contradictoire. Le juge ne pourrait statuer sur

1
Dans son arrêt n° 34773 du 29 décembre 2016, la Cour de cassation semble se
rallier à ce raisonnement.
Cass. civ. arrêt n° 34773du 29 décembre 2016 (inédit) : En réponse au moyen
produit par le demandeur au pourvoi faisant grief à la Cour d'appel d'avoir
substitué de sa propre initiative l'article 843 du Code des obligations et des contrats
relatif à la responsabilité contractuelle du locateur d'ouvrage à l'article 83 du Code
des obligations et des contrats initialement invoqué par le demandeur à l'appui de
sa requête introductive, la Cour considéra que cet argument ne tenait pas, « étant
donné que la qualification juridique des faits de l'espèce ainsi que l'identification
du texte juridique qui leur est applicable relèvent des prérogatives du tribunal ».
2
À moins qu'il ne puisse relever une parfaite confluence entre les fondements
contractuel et délictuel dans la mise en œuvre de la responsabilité et pourvu que le
fondement délictuel en question ne soit pas intrinsèquement concurrencé. Dans ce
cas, lorsqu'il retient l'un des deux fondements, le juge ne procède pas à une
véritable option tant que l'enjeu du concours est insignifiant.
le fond du litige sans recueillir les observations des parties quant au
régime de responsabilité qu'il entend appliquer à la demande.
65. Par ailleurs, lorsque la victime s'engage sur la mauvaise
voie de responsabilité et que le juge s'abstient de requalifier, il
pourrait soit la débouter soit statuer en faveur de la demande selon
le fondement invoqué à tort. Dans la première hypothèse, la victime
devrait être en mesure de pallier cette erreur par une nouvelle action
introduite sur le fondement adéquat1 ou bien si possible, par la
substitution devant le juge d'appel de l'ordre de responsabilité
applicable à l'espèce au fondement invoqué à tort tant qu'elle en est
autorisée en application de l'article 148 du Code de procédure civile
et commerciale2.
Pourtant, la Cour de cassation dans son arrêt n°9707/10059 du
14 avril 20143 s'est montrée hostile envers cette possibilité qui serait
un cumul des deux responsabilités par jeu successif 4. La Cour s'est
laissée emporter par une application dogmatique et machinale de la

1
Ce qu'elle pourrait faire sans que l'on puisse lui opposer l'autorité de la chose
jugée, la cause de la nouvelle action étant différente.
2
« L'appelant peut modifier la cause de sa demande, si l'objet de celle-ci reste le
même et à condition que la cause nouvelle ne repose pas sur des faits nouveaux,
non soumis au premier juge.
Il peut être, également, soulevé devant la juridiction d'appel des moyens nouveaux
».
3
Cass. civ. arrêt n°10059/9707 du 29 avril 2014, RJL juillet 2015, p. 1.
‫) المعقب ضدها كانت أسست قيامها في الطور االبتدائي كما سبق شرحه على نتائج إبطال عقد‬...(« 4
‫) وال يمكنها االستناد في نفس الوقت والتداعي على أساس المسؤولية‬...( ‫التسويغ وبالتالي المسؤولية التعاقدية‬
‫التقصيرية بعد فشلها في الطور األول في الحصول على كامل التعويض وذلك بالمراوحة بين ما يناسبها من‬
.» ‫المسؤولية والجمع بينهما في نفس النزاع‬
En l'espèce, la requérante avait à tort réclamé des dommages et intérêts au titre
d'un contrat annulé. Plutôt que de resituer la demande sur le terrain de la
responsabilité délictuelle applicable à l'espèce, le premier juge la déboute. Elle
interjette appel et réclame les dommages et intérêts sur la base des articles 82 et
107 du Code des obligations et des contrats et la Cour d'appel lui donna gain de
cause. Ce que censura la Cour de cassation au motif que l'attitude procédurale de
la victime serait constitutive d'un cumul des deux responsabilités par jeu
successif4. Certes, cette solution aurait été justifiée si la demande rejetée relevait
bien du domaine de la responsabilité contractuelle sans que le régime contractuel
ne puisse accorder satisfaction à la victime. En ce cas, le recours à la responsabilité
délictuelle à titre subsidiaire constitue une figure de cumul des responsabilités.
Néanmoins, s'il s'avère que la demande rejetée se situe en dehors du domaine
réservé à l'ordre de responsabilité invoqué initialement, on ne voit pas pourquoi la
tentative de la victime de se rattraper en resituant la demande dans son terrain
adéquat serait constitutive d'un cumul.
distinction des deux ordres de responsabilité. Une rigidité que les
juges sont appelés à s'en écarter ayant la fâcheuse conséquence de
coûter à la victime la perte définitive de son droit à la réparation
uniquement parce que son conseil a commis une erreur dans le choix
du fondement de la demande.
66. Dans la deuxième hypothèse, l'arrêt de la Cour de cassation
n° 64087 du 17 octobre 20181 est très illustratif. En l'espèce, un
médecin commit une faute qui causa un préjudice à sa patiente.
Celle-ci en demanda la réparation en application de l'article 83 du
Code des obligations et des contrats et obtint gain de cause. En appel,
l'assureur du médecin a soulevé la prescription triennale applicable
en responsabilité délictuelle et afin d'y faire échec, la victime s'est
déplacée sur le terrain de la responsabilité contractuelle ce que la
Cour d'appel accueillit et la Cour de cassation donna son aval. Les
juges se sont manifestement départis d'une application irréfléchie de
la distinction des deux responsabilités et ils se sont laissés guidés par
un pragmatisme dans la mise en œuvre procédurale de la distinction
afin de sauver une solution commandée par les règles du fond.
67. Dans une ultime tentative de rationnaliser la mise en œuvre
judicaire de la distinction, lorsqu’une décision rendue en dernier
ressort se prononce en faveur de la demande en application de l'ordre
de responsabilité invoqué à tort, un débat sur la nature de la
responsabilité encourue serait probablement soulevé devant la Cour
suprême pour obtenir la cassation de cette décision. Et là, il serait
souhaitable que la Cour de cassation s'efforce chaque fois qu'elle le
pourrait, de ne pas censurer les décisions correctes sur le fond2. Ceci
s'observe d'habitude dans des cas d'espèces où les conditions de la
mise en œuvre de la responsabilité se confondent que l'on se place
sur le terrain contractuel ou délictuel3.

1
Cass. civ. arrêt n° 64087 du 17 octobre 2018 (inédit).
2
V. M. ESPAGNON, Rapports entre responsabilités délictuelle et contractuelle,
Généralités, Domaine des responsabilités délictuelle et contractuelle entre
contractants, JurisClasseur Responsabilité civile et Assurances, Fasc. 176-10, n°
82 ; G. Viney, Introduction à la responsabilité, op. cit., p. 658.
3
Tel est notamment le cas lorsque le préjudice résulte de l'inexécution d'une
obligation contractuelle de moyens. La difficulté d'établir ce manquement crée une
sorte d'analogie avec la faute délictuelle. Par conséquent, que l'on se place sur le
fondement contractuel ou à tort sur le fondement de la responsabilité délictuelle
pour faute prouvée, les solutions seraient en principe identiques. Inversement, la
68. Il peut arriver cependant que les solutions correspondent
en l'absence de toute analogie entre les deux régimes quant aux
conditions de la mise en œuvre de la responsabilité. Il en est ainsi
lorsqu'en statuant en faveur de la demande en application de l'ordre
de responsabilité invoqué à tort, les juges du fond arrivent à dégager
la responsabilité selon des conditions plus strictes 1. En tout état de
cause, la correspondance entre les solutions devrait être relevée non
seulement au niveau du principe de la responsabilité mais encore au
regard des indemnités prononcées. Autrement, la Cour devrait casser
la décision et il appartiendrait à la Cour de renvoie de procéder à la
requalification et d'apprécier la responsabilité au regard de l'ordre de
responsabilité applicable à la demande.
69. En définitif, lorsque la décision attaquée a été rendue à bon
droit sur le fondement de l'une des deux responsabilités mais qu'elle

légèreté de la tâche probatoire suite au manquement à une obligation contractuelle


de résultat établit un parallèle avec l'objectivité de la responsabilité délictuelle du
fait des choses. De ce fait, lorsqu'une chose est impliquée dans le manquement à
une obligation contractuelle de résultat la solution serait a priori la même que l'on
recherche la responsabilité sous l'angle contractuel ou à tort sur le fondement de
l'article 96 du Code des obligations et des contrats.
Cass. civ. arrêt n° 67437 du 04 février 2013 (inédit) : « il est unanimement admis
que la responsabilité du médecin est une responsabilité contractuelle du fait qu'il
est lié au patient par un contrat par lequel il supporte une obligation de moyens.
L'application par la juridiction du jugement critiqué de l'article 83 du Code des
obligations et des contrats ne met pas en cause son jugement tant que le résultat
est le même ».
1
L'arrêt de la Cour de cassation n° 52021 du 10 octobre 20181 est à cet égard
démonstratif.
Cass. civ. arrêt n° 52021 du 10 octobre 2018 (inédit) : En l'espèce, un mécanicien
commit une faute dans la réparation d'un véhicule au préjudice de son propriétaire.
Celui-ci l'assigna en dédommagement selon l'article 83 du Code des obligations et
des contrats et eut gain de cause. Devant la Cour de cassation, le mécanicien a
soulevé le moyen tiré de la compétence des règles de la responsabilité
contractuelle. En réponse, la Cour confirma que les juges du fond avaient appliqué
à tort l'article 83 la responsabilité encourue était bel et bien de nature contractuelle
pour manquement à une obligation de résultat. Elle affirma toutefois qu'il n'y avait
aucun lieu de censurer leur décision tant qu'ils ont relevé une faute du côté du
mécanicien. Sa responsabilité a été prononcée selon le régime stricte de la
responsabilité pour faute, le débiteur n'aurait pas eu de chance de s'exonérer en
application du régime assoupli de la responsabilité contractuelle pour manquement
à une obligation de résultat. L’inverse aurait été censurable, si l'obligation n'était
que de moyens et que les juges du fond appliquent à tort l'article 96, ce serait
prononcer la responsabilité dans des conditions assouplies alors qu'en application
de l'ordre de responsabilité adéquat, le responsable aurait eu plus de chance de
s'exonérer.
contient des motifs rappelant l'autre catégorie de responsabilité, ceci
ne justifie pas la cassation dès lors que ces motifs sont surabondants
et qu'ils ne laissent planer aucune incertitude quant au fondement de
la décision1.
70. Certes, le réaménagement qu'on propose d'apporter au jeu
de la distinction pourrait bien en établir une version épurée plus
facilement praticable mais on ne fait aucune illusion qu'il suffirait à
clore le débat à jamais. Un traité en dix tomes ne serait certainement
pas suffisant pour imaginer toutes les difficultés pouvant surgir et de
leur trouver des remèdes. Le « sujet est loin d'être aussi usé qu'on a
pu le prétendre »2.

‫ « وحيث أن‬: 2018 ‫ أفريل‬28 ‫ المؤرخ في‬30535 ‫ أنظر قرار الدوائر المجتمعة لمحكمة التعقيب عدد‬1
‫ من مجلة االلتزامات والعقود وإن كان معيبا فانه ال يؤثر في‬278 ‫إشارة محكمة الحكم المنتقد الى الفصل‬
.»‫سالمة النتيجة التي توصلت اليها طالما انعدم تأثير حكمه على نتيجة الحكم‬
2
J. ALBERT, Recension de l'ouvrage de S. ABID MNIF, « L'option entre la
responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle. Comparaison des droits
français et tunisien », Revue de Droit International et de Droit Comparé, n° 2015-
3, p. 428.

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